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COMMANDE PUBLIQUE Propriété intellectuelle · droit d’auteur. Or, ces deux droits sont, en leur sein, multiples ... des précautions d’usage pour faire cohabiter création et

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RÉGLEMENTATION

98 Le Moniteur • 7 octobre 2005

Le droit de la propriété in-tellectuelle est composé de deux droits principaux : la propriété industrielle et le droit d’auteur. Or, ces deux

droits sont, en leur sein, multiples et soumis à des règles qui leur sont propres même s’il existe des com-muns dénominateurs. Ce droit de-vient de plus en plus compliqué notamment du fait de la jurispru-dence.Les dispositions en matière de propriété intellectuelle dans les CCAG nécessitent sûrement une refonte par des spécialistes de la technique, de la propriété intellec-tuelle et des marchés.

Droits et titres. Le chapitre VII du CCAG Fournitures courantes et de services (FCS), relatif aux sti-pulations spéciales aux marchés d’informatique et de bureauti-que, a été une avancée. Mais, lors de son élaboration, les rédacteurs, pourtant experts en la matière, ne pouvaient pas imaginer l’évolu-tion importante de ce secteur en perpétuelle mutation technolo-gique avec une incidence sur le droit des progiciels en fonction de leur nature. L’évolution de la mi-cro-informatique, l’essor d’Inter-net, la révolution du multimédia, la dématérialisation, l’interactivité, rendent parfois diffi cile la rédac-tion des cahiers des clauses admi-nistratives particulières (CCAP). Le rédacteur, rarement juriste et technicien à la fois, a du mal, en général, à mettre en adéquation le CCAP et le cahier des clauses techniques particulières (CCTP)

au regard des exigences de ce droit où la réalité des situations prime sur les stipulations des CCAP et des CCAG.

Contrats d’architecture. Face à la présence de la propriété intellec-tuelle dans tous les domaines tech-niques y compris le bâtiment, le travail de l’acheteur apparaît fas-tidieux pour prendre en compte ce droit basé, en fonction des domai-nes, sur la détention de titres (bre-vets, marques, dessins et modèles) ou sur l’appropriation de droits par le fait même de la création d’un bien matériel ou immatériel origi-nal dénommé « œuvre » (œuvres architecturales, graphisme, œu-vres d’art, logiciel, multimédia...), droits qui peuvent faire l’objet de cession ou de licence partielle-ment régies par la loi.Le bâtiment est un domaine où la création existe toujours, même si la technique prend de plus en plus de place. S’ils sont originaux, un plan ou une maquette et la cons-truction qui en résulte, seront sou-mis à protection et deviendront la propriété de leur auteur. Cette

protection, comportant droit moral (inaliénable) et droit patrimonial (susceptible de transaction fi nan-cière), ne peut faire l’objet d’une quelconque dérogation à la réa-lité. Il faut éviter de confondre le droit de propriété immobilière et le droit de propriété intellectuelle où la liberté laissée au proprié-taire est limitée par le second au nom du respect de l’auteur et de l’œuvre.Il est important de prévoir dans le contrat d’architecture que le bâti-ment peut, pour les besoins actuels ou futurs envisageables de sa des-tination, subir des transformations pour être conforme à la législation, à la réglementation ou aux normes en vigueur et ce, sans atteindre le droit moral du créateur.

Œuvres d’art. L’œuvre symboli-sant la réalisation d’un bâtiment (dit « œuvre du 1 % ») oblige dé-sormais les rédacteurs à prendre des précautions d’usage pour faire cohabiter création et vie du bâti-ment. La première précaution à prendre consiste à demander au créateur que son œuvre soit créée

COMMANDE PUBLIQUE

Propriété intellectuelle Un droit trop souvent négligé● Peu de rédacteurs

s’intéressent au droit de la propriété intellectuelle, en dehors des marchés d’architecture, d’ingénierie ou de prestations intellectuelles.

● Les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) y font référence sans être réactualisés au fur et à mesure de la publication des lois et deviennent ainsi inadaptés.

PAR DIDIER ADDA, Conseil en Propriété industrielle,

ancien acheteur public.

L’ESSENTIEL

� La propriété intellectuelle est régie par une législation à base de règles d’ordre public, qui s’imposent aux administrations et aux fournisseurs.

� Depuis plus de trente ans, les évolutions technologiques et la progression des échanges en matière d’œuvres ont entraîné des transformations constantes du Code de la propriété intellectuelle.

� Les CCAG ne sont plus réellement adaptés, notamment dans le domaine de l’informatique, des nouvelles technologies et prestations intellectuelles.

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pour symboliser un thème ou un évènement mais nullement un site ou un environnement. Cette ap-proche pragmatique permettra de valoriser l’œuvre en la sortant du cadre dans lequel elle a été ins-tallée, voire même de la restaurer sans avoir besoin de l’accord de l’artiste ou de ses héritiers, au lieu de la laisser se dégrader sur place. Des dispositions contractuelles relatives à la tolérance de l’artiste pour éviter de porter atteinte à son œuvre, s’avèrent être un passage obligé. Autres dispositions à pré-voir pour éviter les confl its avec l’auteur ou ses ayants droit : l’ins-tallation dans un musée ; la mise en réserve ; la restauration, voire même la réparation si les ans dé-gradent l’œuvre ou si elle devient dangereuse du fait de dégrada-tions ou par les matériaux qui la composent.

Inventions. Aujourd’hui, les in-ventions ne sont plus individuel-les. Elles deviennent collectives, avec de fortes empreintes de la personne publique. Certains ca-hiers des charges apparaissent de plus en plus précis pour prendre en compte et promouvoir l’inno-vation et le choix des technologies n’est plus seulement le fait des in-dustriels et des bureaux d’études mais aussi des administrations. Dans certains cas, les titulaires in-dustriels ou bureaux d’étude peu-vent décliner leurs propres in-ventions, brevetées ou non, pour répondre aux demandes des ad-ministrations. Parfois, les projets existent déjà dans les cartons des entreprises : il arrive même que la demande corresponde à un pro-duit existant mais selon une décli-naison nouvelle. La connaissance du marché peut bouleverser le montage contractuel en transfor-mant le projet de recherche et de développement (R&D) en projet d’acquisition de produits néces-sitant une mise au point notam-ment moins coûteuse par rap-port aux surcoûts des maquettes et prototypes. Toutefois, il ne suf-fi t pas, pour la personne publique, d’écrire dans le CCAP (ou, pour le fournisseur, de préciser dans son offre), qu’elle revendique la pro-priété d’un titre ou un droit de pro-priété intellectuelle si la réalité dé-montre le contraire.

Dans ce domaine des brevets comme dans celui de la propriété littéraire et artistique, le retour d’investissement par les royalties pourrait apparaître intéressant pour l’administration. Or souvent les royalties ne sont pas inscrites au budget du service mais au bud-get général. Le service n’en pro-fi te donc que rarement. En revan-che, pour le titulaire, l’attribution de remises en échange des royal-ties semble préférable aux sorties fi nancières.Du fait du coût de la R&D, de la mise en production et de la pro-tection des inventions, l’adminis-tration ne peut plus être le seul financier d’un projet. Dans cer-tains cas, la personne publique standardise ses besoins et aban-donne toute revendication de droit de propriété ou d’utilisation pour obtenir des futurs produits stan-dards, aux normes européennes, voire ISO, afin de sortir du sys-tème franco-français. Le CCAG retenu doit donc être amendé par les CCAP afin que l’investisse-ment soit éventuellement partagé (comme dans le secteur militaire où celui des transports) ou mutua-lisés (s’il y a groupement d’achats comme cela apparaît dans le sec-teur hospitalier par exemple).Les dérogations consistent en gé-néral à bien identifi er les inves-tisseurs, les concepteurs, les fabri-cants, les distributeurs, les clients..., en énumérant l’apport de chacun, les droits dont ils disposent et le retour d’investissement sous tou-tes ses formes à condition, bien sûr, de respecter la législation, la réglementation et les normes en vigueur.

Logiciels. La conception et la réa-lisation de logiciels repose dans le CCAP en général sur l’option « A » du CCAG prestations individuelles (PI) qui nécessite de rédiger des clauses particulières en fonction de la réalité prévisible du projet. L’imbrication de la personne pu-blique dans l’élaboration de ca-hiers des charges, la réalisation des analyses, la vérifi cation de cel-les-ci, les tests de qualifi cation des développements ou de vérifi cation de ceux-ci, modifi ent aussi les fon-dements de la propriété du logi-ciel. De par la défi nition première du Code de la propriété intellec-

Marchés de prestations intellectuellesLes CCAG Marchés industriels et Marchés de prestations intellec-tuelles, connaissent principalement le droit des brevets et ignorent le droit relatif aux nouvelles technologies. Pourtant, le matériel et les équipements intègrent de plus en plus d’informatique et de communication et le droit d’auteur auquel se réfère le logiciel, prend une part de plus en plus signifi cative. Les options du CCAG Presta-tions intellectuelles ne correspondent plus que partiellement à la réalité, à l’exception de l’ingénierie. En effet, avec l’option A, le titulaire est propriétaire et l’administration dispose d’un droit exclusif d’utiliser des résultats. Avec l’option B, le titulaire est propriétaire mais le titulaire et l’administration ne peuvent disposer des résultats sans l’accord de l’autre. Avec l’option C, le titulaire est propriétaire mais le titulaire et la personne publique peuvent utiliser les résultats et les moyens qui ont permis d’obtenir les résultats. Ainsi, les achats de publicité, de développement de logiciels, de multimédia, de commande d’œuvres, d’études, voire de recherche et développe-ment nécessiteraient une déclinaison par domaine d’achat. Cer-taines administrations ne s’y sont pas trompées et ont élaboré des documents spécifi ques en matière de logiciels ou de multimédia. ■

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tuelle, le logiciel est en général une création unipersonnelle et surtout pas une œuvre de commande où client et prestataire sont chacun, par leur travail, des créateurs ti-tulaires de droits d’auteur du pro-gramme réalisé.Or, du fait de la forte implication du donneur d’ordres à l’élabora-tion des documents de conception préparatoire (terme issu de la di-rection européenne en la matière) à savoir les analyses, les schémas, les plans, les tests, les propositions de correction, la personne respon-sable du marché (PRM) devient auteur, autant que son prestataire. S’il n’y a pas de dissociation du travail de chacun et que le travail ne s’est fait sous la direction ni de l’un ni de l’autre, il pourrait y avoir copropriété du logiciel. Cette situation engendre une ges-tion délicate qui nécessite un rè-glement de copropriété avec des règles de substitution en cas de conflit ou de non décision. De plus, la copropriété client-fournis-seur génère un mode de fonction-nement diffi cile du fait des inté-rêts divergents de chacun. Elle se termine souvent, soit par un blo-cage total, soit sur une cession des droits ou une licence des droits au fournisseur car l’administration n’a pas vocation à gérer de telles activités, que cette cession ou li-cence soit payante ou gratuite.A l’opposé, si l’entité publique a eu l’initiative et a assuré la direc-tion de la conception et de la réa-lisation, elle pourrait acquérir le statut d’auteur et disposer de la réelle propriété des réalisations

sans avoir à subir les limites de l’option A du CCAG PI. Il est donc nécessaire de décrire la réalité et d’identifi er les droits en fonction de celle-ci. Cette approche se com-plexifi e aussi du fait de la réalité des techniques car beaucoup de développements nécessitent l’in-tégration de programmes préexis-tants (bases de données, éditeurs de texte, « run time »…) et obligent le rédacteur à bien défi nir la des-tination de son projet.

Progiciels. Dans le registre du progiciel, il y a souvent confusion. L’acquisition ne porte que sur le droit d’usage d’un ou de plusieurs exemplaires de progiciel pour

autant d’utilisateurs (personnes, postes, connexions…) que ceux autorisés et non la mise à dispo-sition du progiciel par le titulaire. L’éditeur conserve son produit et n’en diffuse que des copies. Le ré-dacteur devra préciser le contour du droit d’utilisation dans le res-pect des articles 122-1 à 122-10 du Code de la propriété intellectuelle, avec éventuellement le droit à la copie de sauvegarde et la com-munication payante des éléments d’interopérabilité voire souvent gratuite en cas de contrat de main-tenance. Par contre, il faut que les administrations se méfi ent de ce droit car si elles utilisent, en pro-duction, les exemplaires de progi-ciels sans avoir procédé aux vérifi -cations exigibles par le CCAG FCS dans les délais prévus et donc sans l’avoir payé, alors l’administration se trouve en fraude à la loi. Dans ce cas, les services utilisent le pro-giciel en toute illégalité et l’éditeur peut, en toute légalité, faire cons-tater cette utilisation illicite et faire condamner au pénal, la personne publique pour contrefaçon et de façon parfois signifi cative.

Multimédia et site web. La com-plexité juridique atteint son com-ble au niveau des multimédias et des sites web. De par la loi, toute création dans ce domaine fait ap-pel à plusieurs auteurs dont les œuvres sont toutes dissociées les

unes des autres : le concepteur, le scénariste, le réalisateur, le com-positeur de musique, l’infogéreur, l’informaticien... D’autres intervenants peuvent aussi apparaître comme l’inter-prète, le fi gurant, le récitant ou le musicien. Une autre personne indispensa-ble, du fait du Code de la propriété intellectuelle, est le producteur (personne morale ou physique) qui joue le rôle de coordinateur et de financier mais ne dispose que des droits patrimoniaux car il n’est pas auteur. Par contre, cha-que auteur, malgré l’éventuelle cession de droits patrimoniaux au producteur, conserve quand même des droits de diffusion de sa pro-pre création. Ainsi, cette propriété, diffi cilement gérable entre client et fournisseur, semble un peu ina-daptée au cadre des marchés pu-blics. Les contrats relatifs à cha-que auteur et interprète servent à identifi er le périmètre de destina-tion, à gérer les droits et les rému-nérations de chacun. L’élaboration et la rédaction né-cessitent de la disponibilité de temps et des compétences juri-diques et opérationnelles. L’ex-périence a démontré que, plutôt que de signer de nombreux mar-chés, il fallait mieux n’en signer qu’un avec le producteur du mul-timédia ou du site web, en lui dé-fi nissant bien la destination de la commande (allant éventuellement même jusqu’à la reprise de textes ou images dans une plaquette, sur des affi ches, dans un fi lm d’anima-tion ou publicitaire). D. A. ■

Logiciels et progiciels libres Les logiciels libres amènent le rédacteur à introduire des conditions d’utilisation et de pérennité différentes de celles du logiciel traditionnel pour prendre en compte leurs caractéristiques. L’accès à l’exécutable et aux sources n’en fait pas pour autant un produit libre de droit, bien au contraire. Il y a bien un auteur titulaire des droits de propriété qui autorisent une diffusion et une utilisation.Tout produit libre est lié à un contrat de licence. La licence GNU (1) est la plus connue bien qu’elle ne soit pas universelle. Elle est souvent gérée par le droit américain et non français. La licence libre n’accorde, en général, qu’un droit d’utilisation, de correction et d’évolution avec l’obligation que toute modifi cation soit libre. Le fait de mettre sur le marché un progiciel en accès libre n’engage pas l’éditeur à garantir qu’à terme, les nouvelles versions de son progi-ciel ou de nouveaux produits de substitution qu’il mettrait sur le marché, soient toujours libres. A l’opposé, un informaticien qui exploiterait un programme trouvé sur Internet sans l’identifi ca-tion du nom de l’auteur, sans indicateur de « crédits » ni licence libre, risquerait malgré lui de se retrouver contrefacteur car le dit pro-gramme pourrait être une copie illicite.(1) Le sigle GNU, retenu pour les premiers logiciels diffusés en « licence publique » signifi e « GNU is Not Unix ». ■

EN SAVOIR PLUS

� Textes offi ciels : Code de la propriété intellectuelle.� Articles du « Moniteur » : « Le droit moral de l’architecte : question de droit ou d’éthique ? », 17 décembre 2004, p. 68 ; « Protéger la création intellectuelle du maître d’œuvre », 23 avril 2004, p. 82.� Ouvrages publiés aux Editions du « Moniteur » : « CCAG des marchés publics », par Mireille Berbari, 3 classeurs (2 mises à jour par an) et un CD-Rom de modèles types indissociable ; « L’architecte maître d’œuvre », par Michel Huet, 2e édition 2004.

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