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Science & Sports (1992) 7, 223=228 223 © Elsevier, Paris Article original Comparaison du coot nerg tique dans trois populations de coureurs de longues et de moyennes distances J Brisswalter 1, P Legros 2 ILaboratoire d'explorations fonctionnelles, INSEP, 11, av du Tremblay, 75012 Paris; 2Laboratoire STAPS, Centre d'dtude en biologie appliqu~e Sport et Sant~, universitd Paris-Sud, Orsay 91400, France (Regu le 1 er mars 1992; accept6 le 12 novembre 1992) R~sum6 - L'6volution du coot 6nerg6tique en fonction de l'augmentation de l'intensit6 relative de l'exercice est compar6e chez trois populations de coureurs de longt~es et de moyennes distances (1 500 m, 3 000-5 000 m, marathon), afin de d6terminer un possible effet de la sp6cificit6 de l'entra~nement sur ce param&re. Aux intensit6s submaximales (entre 65,9 + 2,03% et 87,8 +_ 2,8% de VO2max), les valeurs du coot 6nerg6tique ne sont pas significativement diff6rentes entre les trois populations. Dans les intensit6s de course of 1le m6tabolisme n'est pas strictement a6robie, on observe des diff6rences statistiquement significatives entre les trois popu- lations. Les valeurs de coot 6nerg6tiques sont significativement plus basses chez les marathoniens pour des intensit6s faibles (49,5 + 2,5% et 57,4 + 2,5% de VO2max) (P < 0,01), et chez les coureurs de 1 500 m, lors du dernier palier (100% de VO2max) (P < 0,01). Les coureurs de 3 000-5 000 m semblent repr6senter une population interm6diaire proche des coureurs de 1 500 m au d6but de l'effort et se rapprochant des marathoniens aux vitesses plus 61ev6es. Ces r6sultats indiquent que, dans la zone de travail stricte- ment a6robie, la sp6cialit6 de comp&ition ne repr6sente pas un parambtre distinctif permettant de d&erminer un effet du type d'entraT- nement sur les valeurs de coot 6nerg&ique. coot ~nerg~tique / entrainement / course ~ pied Summary - Comparison of energy cost among three groups of long and middle distance runners. Energy cost of running defined as the amount of energy spent per unit distance has been shown to account for a large and significant proportion of variation in distance running performance among runners roughly comparable in VOzmax (di Prampero, 1986; Morgan et al, 1989). Limited data from longitudinal and cross-sectional research suggests that training was linked with a decrease in energy. The purpose of the present research was to examine the relation between training and energy spent during a run on a treadmill leading to exhaustion, by comparing the energy cost of athletes engaged in different events (1500 m, 3 000-5 000 m, marathon). During submaximal run- ning (between 65.2 + 2.03% and 87.8 +_ 2.8% VO2max), we observed no significant difference in energy cost between long dis- tance and middle distance runners (table II). However, we have shown that the relation between velocity and VO 2 during submaximal running was not really linear in marathons and 3 000-5 000 m runners. In these groups, the energy cost increased significantly bet- ween 65.2 +_ 2.03 and 87.8 + 2,8% VO2max (P < 0,01) (fig 1). When the conditions are not strictly aerobic, the values for energy cost differed between the three populations at the significant level of P < 0,01. Marathon values were lower at the first levels of intensity (49,6 +_ 2,5% and 57.4 +_ 2.5% VO2max), and 1500 m values were lower at the last level (100% VO2max). The 3 000-5 000 m runners appear to be a middle population very close to 1500 m runners at the beginning of exertion and to marathon runners for high levels of intensity. These results suggest that during submaximal running, running speciality does not represent an homoge- neity of training state. Therefore, it seems difficult to evaluate the effects of training on energy cost by comparing values of energy cost among long and middle distance runners. energy cost / training / running Introduction La performance en course ~ pied d~pend de la capa- cit6 de l'ath61e ~ atteindre et ~ maintenir une vitesse maximale de course. I1 existe une relation lin6aire entre l'6nergie d6pens6e et la vitesse de course. Seule la pente de cette relation varie en fonction des indi- vidus: elle repr6sente le coot 6nerg6tique (Rieu, 1987). Le coot 6nerg6tique est calcul6 ~ partir de l'6quation:

Comparaison du coût énergétique dans trois populations de coureurs de longues et de moyennes distances

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Page 1: Comparaison du coût énergétique dans trois populations de coureurs de longues et de moyennes distances

Science & Sports (1992) 7, 223=228 223 © Elsevier, Paris

Artic le original

Comparaison du coot nerg tique dans trois populations de coureurs de longues et de moyennes distances

J Brisswalter 1, P Legros 2

I Laboratoire d'explorations fonctionnelles, INSEP, 11, av du Tremblay, 75012 Paris; 2Laboratoire STAPS, Centre d'dtude en biologie appliqu~e Sport et Sant~, universitd Paris-Sud, Orsay 91400, France

(Regu le 1 er mars 1992; accept6 le 12 novembre 1992)

R~sum6 - L'6volution du coot 6nerg6tique en fonction de l'augmentation de l'intensit6 relative de l'exercice est compar6e chez trois populations de coureurs de longt~es et de moyennes distances (1 500 m, 3 000-5 000 m, marathon), afin de d6terminer un possible effet de la sp6cificit6 de l'entra~nement sur ce param&re. Aux intensit6s submaximales (entre 65,9 + 2,03% et 87,8 +_ 2,8% de VO2max), les valeurs du coot 6nerg6tique ne sont pas significativement diff6rentes entre les trois populations. Dans les intensit6s de course of 1 le m6tabolisme n'est pas strictement a6robie, on observe des diff6rences statistiquement significatives entre les trois popu- lations. Les valeurs de coot 6nerg6tiques sont significativement plus basses chez les marathoniens pour des intensit6s faibles (49,5 + 2,5% et 57,4 + 2,5% de VO2max) (P < 0,01), et chez les coureurs de 1 500 m, lors du dernier palier (100% de VO2max) (P < 0,01). Les coureurs de 3 000-5 000 m semblent repr6senter une population interm6diaire proche des coureurs de 1 500 m au d6but de l'effort et se rapprochant des marathoniens aux vitesses plus 61ev6es. Ces r6sultats indiquent que, dans la zone de travail stricte- ment a6robie, la sp6cialit6 de comp&ition ne repr6sente pas un parambtre distinctif permettant de d&erminer un effet du type d'entraT- nement sur les valeurs de coot 6nerg&ique.

coot ~nerg~tique / entrainement / course ~ pied

Summary - Comparison of energy cost among three groups of long and middle distance runners. Energy cost of running defined as the amount o f energy spent per unit distance has been shown to account for a large and significant proportion o f variation in distance running performance among runners roughly comparable in VOzmax (di Prampero, 1986; Morgan et al, 1989). Limited data from longitudinal and cross-sectional research suggests that training was linked with a decrease in energy. The purpose o f the present research was to examine the relation between training and energy spent during a run on a treadmill leading to exhaustion, by comparing the energy cost o f athletes engaged in different events (1500 m, 3 000-5 000 m, marathon). During submaximal run- ning (between 65.2 + 2.03% and 87.8 +_ 2.8% VO2max), we observed no significant difference in energy cost between long dis- tance and middle distance runners (table II). However, we have shown that the relation between velocity and VO 2 during submaximal running was not really linear in marathons and 3 000-5 000 m runners. In these groups, the energy cost increased significantly bet- ween 65.2 +_ 2.03 and 87.8 + 2,8% VO2max (P < 0,01) (fig 1). When the conditions are not strictly aerobic, the values for energy cost differed between the three populations at the significant level o f P < 0,01. Marathon values were lower at the first levels of intensity (49,6 +_ 2,5% and 57.4 +_ 2.5% VO2max), and 1500 m values were lower at the last level (100% VO2max). The 3 000-5 000 m runners appear to be a middle population very close to 1500 m runners at the beginning o f exertion and to marathon runners for high levels o f intensity. These results suggest that during submaximal running, running speciality does not represent an homoge- neity o f training state. Therefore, it seems difficult to evaluate the effects o f training on energy cost by comparing values o f energy cost among long and middle distance runners.

energy cost / training / running

Introduction

La performance en course ~ pied d~pend de la capa- cit6 de l'ath61e ~ atteindre et ~ maintenir une vitesse maximale de course. I1 existe une relation lin6aire

entre l'6nergie d6pens6e et la vitesse de course. Seule la pente de cette relation varie en fonction des indi- vidus: elle repr6sente le coot 6nerg6tique (Rieu, 1987). Le coot 6nerg6tique est calcul6 ~ partir de l'6quation:

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t~nergie d6pens6e C = (di Prampero, 1986)

Vitesse de course

off l'6nergie d6pens6e: repr6sente l'6nergie m6tabo- lique d6pens6e par unit6 de temps, C: le coot 6ner- g6tique du d6placement.

Dans des conditions a6robies strictes, off l '6ner- gie m6tabolique correspond h la consommat ion d'oxyg~ne (VO2), de nombreux auteurs ont mon- tr6 l 'existence d 'une corr61ation positive entre les valeurs du coot 6nerg&ique et la performance, pour les courses de longues et de moyennes distances (Conley et Krahenbuhl, 1980; Daniels, 1985; di Prampero , 1988; Lacour et Ouvrier-Buffet, 1988 ; Morgan et al, 1989). Ainsi, la diminution du coot 6nerg6tique appara~t comme un facteur d 'opt imi- sation de la performance. Les effets de l'entraTne- merit sur les valeurs du coot 6nerg6tique ont 6t6 observ6s dans deux types d'6tudes comparatives. Les premieres ont compar6 les valeurs du coot 6ner- g&ique entre des sujets entra~n6s et non entra~n6s (Bransford et Howley, 1977; Conley et Krahenbuhl, 1980; Dolgener, 1982; Camus et Thys, 1991).

Les r6sultats indiquent des valeurs de coot 6ner- g6tique plus basses chez les sujets entra~n6s. Une moindre efficacit6 m6canique ainsi qu 'une activit6 moins importante du syst~me oxydatif chez les sujets non entra~n6s sont tenus pour responsables de cette diff&ence. Les secondes ont compar6 les valeurs du coot 6nerg6tique entre des coureurs de longues et de moyennes distances (Boileau et al, 1982; Dolgener, 1982; Svedenhag et Sjodin, 1984). Ces auteurs ne trouvent aucune variation du coot 6nerg&ique, mesur6 dans des conditions a6robies strictes, entre les deux populations.

Le but de notre 6tude est de comparer l '6volu- tion du coot 6nerg6tique en fonction de l 'augmen- tat ion de l'intensit6 relative de l'exercice chez trois populations de coureurs de longues et de moyen- nes distances (1 500 m, 5 000 m, marathon) afin de d&erminer un 6ventuel effet de la sp6cificit6 de l 'entra~nement sur ce param&re.

Sujets, materiels et m~thodes

Sujets

La population 6tudi6e comprend 38 athl&es, hommes, ~g6s en moyenne de 26 ans (+ 3 arts), sp6cialistes de course de moyennes et de longues distances. L'ann6e du test, leurs performances se situent, dans leurs disciplines, darts les meilleures performances franqaises. Parmi ces athl&es, 11 sont sp6cialistes du 1 500 m, 11 du 3000 m ou du 5 000 met 16 du marathon. Tousles sujets ont par- ticip6 ~t des protocoles identiques de mesure de VO 2 max

Tableau I. Caract6ristiques des sujets &udi6s en fonction de leurs disciplines.

Age Poids Vitesse VO 2 max (annde) (kg) maximale (mlO.2kg- ~.

atteinte rain - j) (km.h -1)

1500 m 25,4 66,02 71,28 n = I1 + 1,9 _+ 7,3 22 + 2,2 3 000-5 000rn 25,08 63,08 75,3 n = 11 ± 2,9 _+ 7,5 22 ___ 3,2 Marathon 27,8 61,8 22,04 77,21 n = 16 + 4,2 + 4,6 ___ 1,2 ± 2,08

les ann6es pr6c&tentes. L'homog6n6it6 du groupe a &6 d6ter- rnin6e ~ partir des r6sultats enregistr6s lors de ces tests. Les athl&es pr6sentent des valeurs de VO2max toutes 6gales ou sup6rieures h 70 ml.kg-l.min - 1, elles ont 6t6 atteintes ~t une vitesse de course de 22 kin.h-1 au moins.

Les caract6ristiques physiologiques des sujets sont pr6- sent6es dans le tableau I.

M d t h o d e s

Tousles protocoles se sont d6roul6s au laboratoire d'explorations fonctionnelles du d6partement m6dical de I'INSEP dans des conditions standardis6es. L'6preuve d6crite par Joussellin et Legros (1990) est celle utilis6e lors du suivi des athl6tes ~t I'INSEP. Le protocole de type trian- gulaire est effectu6 sur tapis roulant avec une pente de 3%. La vitesse de d6roulement du tapis croSt de 2 km.h -1 par paliers de 4 minutes avec 1 minute de repos entre chaque palier jusqu'~ l'6puisement du sujet.

Le contr61e de l'atteinte de la VOzmax est r6alis6 par l'observation d'une VO 2 stable, d'un quotient respira- toire sup6rieur ~ 1.1, d'une fr6quence cardiaque maxi- male et d'une lactat6mie proche de 8 mmol-1-1. Les valeurs de consommation d'oxyg~ne, de quotient respi- ratoire et de fr6quence cardiaque sont enregistr6s en continu. Entre chaque palier un pr61~vement sanguin est effectu6 au lobe de l'oreille, le recueil a lieu dans des tubes de 100 tzl, pr6alablement h$parin6s pour permettre l'analyse des lactates.

La vitesse r6elle du tapis est contr616e ~t chaque palier durant 50 rotations de tapis.

Les valeurs de coot 6nerg6tique ~ 3% de pente ont 6t~ calcul6es h partir des mesures de VO 2 et de vitesse r6elle du tapis selon l'6quation d6crite par di Prampero (1986):

Cna (ml6.kgl.km 1) - VO2 * 60 Vitesse

T r a i t e m e n t s ta t i s t ique

Pour chaque variable &udi6e, nous avons analys6 les variances intra- et interpopulation par l'utilisation du test

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CoOt 6nerg6tique et coureurs de longues et moyennes distances 225

Tableau II. Valeurs de coot 6nerg6tique et de lactat6mie pour chaque niveau d'intensit6 relative dans les trois populations.

Intensitd en % de VO2max

Coat dnergdtique en mlO2.kg-l .km -1

1 500 m 3 000-5 000 m Marathon

49,1 _+ 2,5 203,9 + 11,2 199,2 + 8,3 189,5 + 8,7 57,4 + 2,5 198,2 _+ 7,5 196,8 _+ 7,9 188,6 _+ 7,8 65,9 _+ 2,03 195,7 + 5,9 198,06 + 9,4 193,46 + 7,5 76,4 _+ 3,6 199,4 + 8,1 202,3 _+ 6,7 199,9 + 7,7 87,8 + 2,8 199,8 _+ 9,8 207,2. -+ 7,6 206,52 + 7,6

100 194,5 _+ 8,6 204,6 _+ 10 205,41 + 8,9

Lacatatdmie en mmol.1-1

49,6 + 2,5 1 + 0,2 0,8 + 0,1 0,8 + 0,2 57,4 + 2,5 1,8 + 0,2 0,8 _+ 0,2 1,1 + 0,2 65,8 + 2,03 2,2 + 0,1 1,2 + 0,5 1,2 + 0,4 76,4 _+ 3,6 3,1 + 0,2 2,4 _ 0,3 1,8 + 0,3 87,8 + 2,8 3,7 +_ 0,3 3,3 + 0,4 2,7 + 0,3

100 9,07 _+ 0,8 8,8 _+ 0,4 8,3 _+ 0,4

de Fischer-Sn6decor (Logiciel VAR3, Lebeaux et al, 1988, Universit6 Paris-V) et du test post-hoc de Newman-Keuls (Logiciel super Anova, RB Cagnon, 1989). Les diff6ren- tes valeurs sont rapport6es, sur les graphiques, ~t un seuil de signification indiqu6 par: *pour une diff6rence signi- ficative < 0,05, **quand elle est < 0,01, ***quand elle est < 0,001.

R6suitats

Pour chacune des trois populations, les valeurs moyennes du coot 6nerg6tique _+ l'6cart type, cal- cul6es en fonction de l'intensit6 relative de l 'effort en pourcentage de VO2max, sont pr6sent6es dans le Tableau II. Pour une m~me intensit6 relative, l '6tude de la variance des valeurs de coot 6nerg6ti- que entre les populations montre des diff6rences significatives.

Intensitd: de 49,1% + 2,5 ~: 57,4% + 2,5

Les marathoniens se diff6rencient des autres popu- lations par une vitesse de course plus 61ev6e (res- pectivement 12,25 km.h - l e t 14,25 km.h-m). Les valeurs de coot 6nerg6tique sont significativement plus faibles entre cette population et celle des cou- reurs de 3 000-5 000 m (P < 0,01) et de 1 500 m (P < 0,01) (189 ml .kg- l .km -1 _+ 8,1; 197,2 ___ 8,2; 201,3 __ 9,4 respectivement).

c.o?jt .~nerg~tique en ml .kg-1 .min -1 . . . . . . . . . . . . . . . . .

z1°1 . . . . . . . . . . . NS ? ~ ' .

~oo4 ~",. ~ - ~ -: :

49,1 57~4 65,9 79,4 87,8 t00

Fig 1. Variation du coot 6nerg6tique en fonction de l 'intensit6 relative de l'exercice chez des coureurs de longues et de moyen- nes distances. * 1 500 m ; [] 3 000-5 000 m ; × Marathon. Les diff6rences sont significatives pour: * quand P < 0,05, ** quand P < 0,01.

Intensitd: de 65,9% +_ 2,03 dt 87,8% + 2,8

Les trois populations ne pr6sentent pas de valeurs de coot 6nerg6tique significativement diff6rentes (valeur moyenne de coot 6nerg6tique: 199,7 ml.kg-l .km-m _+ 4,3). En revanche, les courbes d'6volution du coot 6nerg6tique en fonction de l'intensit6 de travail, des marathoniens et des cou- reurs de 3 000-5 000 m sont ascendantes, alors que celle des coureurs de 1 500 m est horizontale (fig 1).

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226 J Brisswalter, P Legros

IntensiM: 100%

Seule la population de coureurs de 1 500 m se dif- f6rencie des deux autres populations par des valeurs de 0ofit 6nerg6tique significativement plus faible (P < 0,01) (194,5 ml .kg- l .km -~ + 8,6; 205,4 + 8,9; 204,6 _+ 10 respectivement).

D i s c u s s i o n

Mdthodologie

La comparaison des valeurs de coot 6nerg&ique en fonction de la sp6cialit6 repose sur la validit6 des mesures de VO 2 et sur la reproductibilit6 de la m6thodologie choisie. L'interpr6tation des r6sultats n6cessite la prise en compte d 'un effet possible d 'un certain nombre de facteurs.

Validitd de la mesure de VOzmax La d6termination de paliers d 'effort exprim6s en intensit6 relative de VO2max n6cessite la d6termi- nation exacte de VO2max. I1 est n6cessaire qu 'un certain nombre de crit6res soit atteint: fr6quence cardiaque maximale, quotient respiratoire sup6rieur

1.1 et lactat6mie sup6rieure ~ 8 mmol.1-1. Dans notre 6tude les valeurs maximales de quotient res- piratoire et de lactat6mie en mmol.1-1 respective- ment de 1.15 + 0,4 et 8.9 _ 0,5 indiquent que les valeurs de VO2max ont 6t6 relev6es ~t une intensit6 proche de l'6puisement.

ValidiM du calcul du coat dnergdtique Le calcul du coot 6nerg6tique d6pend de la connais- sance de la vitesse r6elle de d6roulement du tapis. Dans notre 6tude, ~t chaque palier le coot 6nerg6ti- que est calcul6 en fonction de la vitesse r6elle mesu- r6e au cours de 50 rotations de tapis. D'autre part la comparaison entre les sujets n6cessite la repro- ductibilit6 de la m6thode.

Le passage pour tous les sujets du m~me proto- cole limite la variation aux erreurs d'instrumenta- tion. Morgan et al (1990), lors d 'une 6tude de six semaines, ont estim6 que les erreurs d'instrumen- tation 6taient responsables pour 3°70 de la variation du coot ~nerg6tique.

Population dtudide La population s61ectionn6e s'inscrit dans les limi- tes que nous avions fix6es avant l'exp6rimentation. Les valeurs de VOzmax chez les marathoniens, les coureurs de 3 000-5 000 m, de 1 500 m sont respec- tivement de : 77,21 ml.kg- ].min- ] _+ 2,08 ; 75,3 + 3,2; 71,28 + 2,2.

CE en m l O 2 / k g / m i n

2iO T 2o7,s 4- I r

~oz,s i" . I ' / zoo t T ~- /_~--.~-----T'- . .

197,5~'~ ~ m ~ ~ I 19s J r ~ - "~

----,-____. ,°,,51 r" ,

185 l I -" I I I I

12km/h 14km/h 16km/h 18km/h 20km/h 22km/h

Vitesse de course en k m / h

Fig 2. Variation du coot 6nerg6tique avec la vitesse de course chez des coureurs de longues et de moyennes distances. - • - : 1500 m, - [ ] - : 3 000-5 000 rn, -O-: marathon.

Ces valeurs sont toutes sup6rieures ~t 70 ml. kg- l .min -1. Par ailleurs, t o u s l e s athl6tes ont atteint leur VO2max ~ la vitesse de 22 kin.h-1 au m01ns. Les caract6ristiques physiologiques des ath- 16tes sont comparables ~ celles des athl~tes fran¢ais de haut niveau de performance (Joussellin et Legros, 1990).

Interprdtation des r~sultats

Comparaison du coftt dnergdtique entre les popu- lations Les valeurs moyennes du coot 6nerg6tique, mesu- r6es ~t des intensit6s relatives submaximales (entre 65,9% et 87,8% de VO2max), ne font pas appara~- tre de diff6rences significatives entre les trois popu- lations de coureurs. En revanche, lorsque l'intensit6 est exprim6e en vitesse de course, les marathoniens pr6sentent des valeurs plus faibles de coot 6nerg6- tique que les autres coureurs, pour les vitesses de course allant de 12 ~t 18 km.h -1 (fig 2).

Dans cette zone d'intensit6, les valeurs de quo- tient respiratoire qui sont toutes inf6rieures ~ 1,05 (valeurs extremes 0,91 ; 1,02), et les valeurs moyen- nes de lactat6mie inf~rieures ~ 4 mmol. l- 1 (valeurs extremes 2,1 ml; 3,8 ml) indiquent que l 'effort sem- ble ne faire intervenir que le m6tabolisme a6robie. Par ailleurs, pour des athl&es de haut niveau spor- tif dans ces sp6cialit6s, la sollicitation du m6tabo- lisme ana&obie semble se situer au-del~t d'une limite de puissance relative toujours sup6rieure ~t 91% de VOzmax (Joussellin et Legros, 1990). Lorsque les valeurs de coot ~nerg6tique sont rapport6es ~t la puissance relative de travail, ces r6sultats sont en accord avec ceux de Boileau et al (1982), Dolgener (1982), Sjodin et al (1984) qui ne trouvent pas de diff6rences du coot 6nerg6tique entre des popula-

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Cofit 6nerg&ique et coureurs de longues et moyennes distances 227

tions de longues et de moyennes distances. Dans des conditions a6robies strictes, les ~ styles)) de course, diff6rents entre ces athl6tes modifient les param6- tres cin&iques (Cavanagh et al, 1985), mais n'entra2- nent pas de d6pense 6nerg6tique suppl6mentaire. Par contre, lorsque le cofit 6nerg&ique est rapport6

la puissance absolue de travail, les marathoniOas sont significativement plus 6conomiques. Cette consommation est 6galement retrouv6e par Moyna et al (1986), qui notent qu'il existe une diff6rence entre les coureurs de longues et de moyennes dis- tances, lorsque l'on compare les consommations d'oxyg~ne, pour des vitesses de 12,8 ; 14,4; 16; 17,6; 19,2 km.j -1. Les coureurs de longues distances consomment moins d'oxyg6ne ~t toutes les vitesses de course sauf ~t 19,2 km/h (Moyna et al, 1986).

Dans notre travail cette diff6rence pent &re explio qu6e par le fait que dans cette population, la vitesse de course sur tapis ne repr6sente pas la m~me inten- sit6 relative que pour les deux autres populations. Pour une mSme intensit6 relative, les marathoniens courent ~t des vitesses plus 61ev6es que les autres cou- reurs. A l'ext6ribur de cette zone, la mesure de la consommation d'oxyg~ne ne permet pas d'estimer l'6nergie r6ellement d6pens6e. L'existence de diff6- rences entre les valeurs du cofit 6nerg6tique dans les trois populations est donc fonction de l'interven- tion des m&abolismes a6robies et ana6robies. Pour des intensit6s inf6rieures ~t 65% de VO2max, les marathoniens consomment moins d'oxyg6ne, il ne semble pas exister, dans cette population, de phase d'adaptation de la longueur des foul6es ~t la vitesse de course.

Caract&istiques de l'dvolution du coat dnergdtique en fonction de l'intensitd relative clans les trois populations Pour Rieu et al (1987), l'6volution du cofit 6nerg6- tique avec l'intensit6 comprend trois phases:

- une phase off le cofit 6nerg6tique diminue, qui correspond ~t une inadaptation du ~ style)) du cou- reur ~ la vitesse de course;

- une phase stable lorsque les conditions d'exer- cices sont strictement a6robies;

- enfin, une phase avec une nouvelle diminution qui pent ~tre expliqu6e par l'intervention du m6ta- bolisme ana6robie (Rieu 1991) associ6e ~t une d6gra- dation de l'efficience m6canique (Luthanen et al, 1990).

D'autre part, Luthanen et al (1990) ont observ6 une d6gradation des param~tres biom6caniques (d6placement vertical du centre de gravit6, restitu- tion de l'6nergie 61astique), ~ partir du seuil ana6- robie de Keul et Kindermann (1979). La premiere partie de diminution du cofit 6nerg&ique se retrouve

dans les trois populations de notre 6tude, plus ou moins accentu6e entre 49,1 et 57,4% de VO2max. Durant cette phase off les coureurs utilisent une fou- 16e de course diff6rente de celle Utilis6e spontan6- ment en comp6tition, et, de ce fait moins 6conomique, les marathoniens pr6sentent la pente la plus faible. Par ailleurs, pour ces intensit6s, la population de marathoniens se diff6rencie signifi- cativement des autres populations (P < 0,01). La pente la plus forte s'observe chez les coureurs de 1 500 m (P < 0,05), dont le cofit 6nerg6tique dimi- nue jusqu'~t 65,9% de VO2max. Ce ph6nom6ne peut &re expliqu6 par le fait que ces coureurs pr6- sentent la vitesse de comp6tition la plus rapide et la plus stable durant la course, ce qui se traduit par une difficult6 d'adaptation pour les vitesses de course 61oign6es de celle de comp6tition. Par la suite, ces athletes stabilisent leur cofit 6nerg6tique jusqu'~t 87,8% _ 2,8 de VO2max. La deuxi6me phase de diminution du cofit 6nerg6tique est retrou- v6e de fa¢on plus o~ moins marqu6e dans les trois populations. Dans la troisi~me phase, la seconde diminution due ~ l'intervention du m6tabolisme ana6robie pent ~tre retard6e chez les coureurs de longues distances pour lesquels la zone de transi- tion a6robie-ana6robie se situe pros de 100% du VO2max.

Une pente importante dans la relation entre le cofit 6nerg6tique et l'intensit6 de l'effort s'observe chez les coureurs de 1 500 m qui se diff6rencient significativement des marathoniens et des coureurs de 3 000-5 000 m (P < 0,01). Dans ces deux popu- lations et, particulibrement chez les marathoniens, l'observation et la d6termination d'une zone d'inflexion des valeurs du cofit 6nerg6tique deman- derait un nombre de valeur du cofit 6nerg&ique plus important entre 87,8% et 100% ainsi qu'un palier supramaximal. Darts la zone d'intensit6 interm6- diaire, les valeurs de cofit 6nerg6tique sont stables chez les coureurs de 1 500 m. En revanche, chez les coureurs de 3 000-5 000 me t les marathoniens, il ne semble pas exister de lin6arit6 parfaite de la rela- tion VO2-vitesse, la consommation d'oxyg~ne aug- mente toujours plus que la vitesse de course. Entre 65,9% _ 2,03 et 87,8% _+ 2,8, la variation du cofit 6nerg6tique est significative chez les marathoniens et les coureurs de 3 000-5 000 m (P < 0,01). Cette augmentation est la plus marqu6e chez les maratho- niens. Une part importante de l'entra~nement des coureurs de longues distances est constitu6e par un travail d'endurance a6robie, aux intensit6s d'exer- cice proches de cette zone de transition, ce qui peut expliquer une plus grande capacit6 de mise en oeuvre du m&abolisme a6robie compar6e ~t celle des cou- reurs de moyennes distances.

Page 6: Comparaison du coût énergétique dans trois populations de coureurs de longues et de moyennes distances

228 J Brisswalter, P Legros

Conclusion

L'6volution du coot 6nerg6tique en fonction de l'intensit6 relative de l'exercice semble pr6senter trois phases. Lorsque l'intensit6 est inf6rieure ~t 65% de VO2max et sup6rieure ~t 87% de VO2max, off la relation VO2-intensit6 n'est pas strictement lin6aire, on observe des diff6rences statistiquement significatives entre les trois populations. Les mara- thoniens se di f f6rencient des coureurs de 3 000-5 000 me t de 1 500 m, pour des intensit6s fai- bles, les coureurs de 1 500 m s e diff6rencient des coureurs de 3 000- 5 000 m et de marathon lors du dernier palier.

Les coureurs de 3 000-5 000 m semblent repr6- senter une population interm6diaire dont les carac- t6ristiques ressemblent ~t celles des coureurs de 1 500 m au d6but de l 'effort et celles des maratho- niens aux vitesses plus 61ev6es. C'est, par ailleurs, dans ces sp6cialit6s que l 'on trouve le plus de cou- reurs participant ~t des 6preuves de distances sup6- rieures ou inf6rieures au 3 000-5 000 m.

Dans la zone de travail strictement a6robie, entre 65% et 87°7o de VO2max, la sp6cialit6 de comp6ti- tion ne repr6sente pas un param6tre distinctif des valeurs de coot 6nerg6tique. La vari6t6 et l'h6t6rog6- n6it6 des modes d'entra~nement utifis6s dans les plans de pr6paration des athl6tes d'une m~me discipline rend n6cessaire une caract6risation plus pr6cise de la popu- lation choisie, notamment en ce qui concerne la con- naissance et l'6tude de l'effet des proc6dures sp6cifiques d'entra3nement sur le coot 6nerg6tique.

Remerciements

Dr Joussellin, I ' INSEP.

chef du d6partement m6dical de

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