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Débat Cafébabel « Jeunesse européenne et marché de l’emploi : comment on s’organise ? » Compte-rendu A. Karima Delli / Bernard Conter « Les réponses européennes à la problématique de l’emploi des jeunes » Cafébabel : Dans le contexte d’une nouvelle Commission et d’un nouveau Parlement européen, peut- on oser aujourd’hui aller vers une harmonisation des conditions de travail et des droits sociaux des jeunes au niveau européen ? Comment ? Karima Delli (eurodéputée chez les Verts) Karima Delli accuse le manque de réactivité des pays de l’Union vis-à-vis de la situation des jeunes, qui, « en attendant la catastrophe », axent leur priorité sur le sauvetage des banques et le remboursement de la dette depuis la crise. Or, Karima Delli rappelle qu’en France, il y a 1,2 millions de stagiaires non rémunérés : il y a urgence d’agir et de revoir ses priorités. C’est pourquoi elle a par exemple fondé le collectif « génération précaire » qui vise à encadrer les stages et mettre la question des stages précaires au centre du débat public. Sur la question de la dette et de son remboursement érigé en priorité, dictant les politiques d’austérité imposées aux pays de l’Union, Karima remet les choses en perspective en faisant la différence entre ce qu’elle nomme la « bonne » et la « mauvaise » dette : investir dans la jeunesse est selon elle une bonne dette. Investir dans la transition numérique et énergétique est une bonne dette. Il faut orienter les financements en ce sens. Karima Delli s’inscrit d’ailleurs contre le discours défaitiste qui présente la jeunesse actuelle comme une « génération perdue » : elle insiste sur le fait que la jeunesse est déjà en mouvement, qu’elle est active et créative dans des tas de secteurs. Il s’agit de donner une visibilité à cette jeunesse là et de prendre appui sur son dynamisme. D’autre part, Karima affirme qu’il est urgent de rouvrir une vraie discussion sur un traité de l’Europe sociale. Selon elle, la garantie jeunesse est un outil, mais ne règlera pas le problème de fond, qui est celui du chômage en général. Pour résoudre ce problème il faut selon elle avoir le « courage politique » de mener plusieurs types d’action : d’abord investir dans l’innovation, la recherche et les services publics, ensuite réduire le temps de travail afin qu’il soit mieux réparti au sein de la population, et enfin régler la question de la pauvreté qui explose chez les jeunes en mettant en place

Compte-rendu débat Cafébabel : jeunesse européenne et emploi, comment on s'organise ?

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Compte-rendu du débat du 2 décembre 2014 sur la jeunesse européenne et l'emploi, disponible en version française et anglaise

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Débat Cafébabel

« Jeunesse européenne et marché de l’emploi :

comment on s’organise ? »

Compte-rendu

A. Karima Delli / Bernard Conter

« Les réponses européennes à la problématique de l’emploi des jeunes »

Cafébabel : Dans le contexte d’une nouvelle Commission et d’un nouveau Parlement européen, peut-

on oser aujourd’hui aller vers une harmonisation des conditions de travail et des droits sociaux des

jeunes au niveau européen ? Comment ?

Karima Delli (eurodéputée chez les Verts)

Karima Delli accuse le manque de

réactivité des pays de l’Union vis-à-vis de

la situation des jeunes, qui, « en

attendant la catastrophe », axent leur

priorité sur le sauvetage des banques et

le remboursement de la dette depuis la

crise. Or, Karima Delli rappelle qu’en

France, il y a 1,2 millions de stagiaires

non rémunérés : il y a urgence d’agir et

de revoir ses priorités. C’est pourquoi

elle a par exemple fondé le collectif

« génération précaire » qui vise à

encadrer les stages et mettre la question des stages précaires au centre du débat public.

Sur la question de la dette et de son remboursement érigé en priorité, dictant les politiques

d’austérité imposées aux pays de l’Union, Karima remet les choses en perspective en faisant la

différence entre ce qu’elle nomme la « bonne » et la « mauvaise » dette : investir dans la jeunesse

est selon elle une bonne dette. Investir dans la transition numérique et énergétique est une bonne

dette. Il faut orienter les financements en ce sens. Karima Delli s’inscrit d’ailleurs contre le discours

défaitiste qui présente la jeunesse actuelle comme une « génération perdue » : elle insiste sur le fait

que la jeunesse est déjà en mouvement, qu’elle est active et créative dans des tas de secteurs. Il

s’agit de donner une visibilité à cette jeunesse là et de prendre appui sur son dynamisme.

D’autre part, Karima affirme qu’il est urgent de rouvrir une vraie discussion sur un traité de l’Europe

sociale. Selon elle, la garantie jeunesse est un outil, mais ne règlera pas le problème de fond, qui est

celui du chômage en général. Pour résoudre ce problème il faut selon elle avoir le « courage

politique » de mener plusieurs types d’action : d’abord investir dans l’innovation, la recherche et les

services publics, ensuite réduire le temps de travail afin qu’il soit mieux réparti au sein de la

population, et enfin régler la question de la pauvreté qui explose chez les jeunes en mettant en place

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un revenu minimum d’existence. Il faut dans ce cadre plus de collaboration à l’échelle européenne :

il faut donner à voir la créativité et le dynamisme de la jeunesse, mettre en valeur les initiatives qui

fonctionnent.

Karima termine en critiquant les initiatives européennes pour leur caractère inefficace, et en invitant

la société civile à une vraie mobilisation : la Charte européenne sur les stages, par exemple, n’est

qu’une mesure d’incitation non contraignante, qui n’a eu aucun résultat. Il faut selon elle mettre en

place des mesures contraignantes. Ensuite il faut revoir tous les modes d’organisation du travail, si

l’on veut revenir à un modèle d’emploi décent : que faire pour que demain on ne perde plus sa vie à

la gagner ? Notre modèle de course à la croissance n’est-il pas obsolète ? Karima est en effet pour la

croissance, mais pas la croissance économique dont les indicateurs ne prennent en compte que la

« production de richesses » sur un territoire : elle est pour la croissance du bonheur et du bien-être

des gens. Or, il n’existe à l’heure actuelle pas d’indicateur pour cette croissance là.

Concrètement, termine Karima Delli, il faut mettre tous les acteurs autours de la table : chercheurs,

ingénieurs, entrepreneurs, politiques … et il faut que la jeunesse s’organise, avec des propositions

claires et une feuille de route claire. Sinon ce sera toujours le haut qui décide pour le bas, les

politiques pour les citoyens. Au contraire : il faut selon elle que ce soient les citoyens qui orientent

l’Europe et les politiques.

Cafébabel : Vous dites que “la jeunesse mérite sans doute mieux que des parcours d’insertion

contraints aux perspectives limitées. » Ma question est donc la suivante: comment changer de

référentiel pour offrir aux jeunes de vraies opportunités de choix et une vraie sécurité au travail ?

Bernard Conter (politologue à l’IWEPS) :

En guise de préambule à sa réponse,

Bernard Conter précise qu’en tant que

chercheur son travail consiste d’abord dans

un travail d’étude et d’analyse. Il

commencera donc par avancer des constats

et des faits plutôt que des réponses sur le

mode prescriptif de ce qu’il « faudrait

faire ». Divers constats alarmants légitiment

selon lui la crainte des jeunes face à la crise

et à leur avenir. Il précise que la difficulté de

l’accès à l’emploi ne date pas de la crise de

2008 mais d’une transformation de la société, de l’économie et des services publics qui date des

années 80. Cette époque témoigne en effet d’un « changement de référentiel » qui a créé par effet

de cascade un certain nombre de victimes, dont les jeunes en première ligne. En effet, le déséquilibre

sur le marché du travail entre l’offre et la demande fait que l’employeur peut choisir et faire pression

à la baisse sur les conditions de travail.

Concrètement, quelles sont les différentes évolutions qui ont mené à ce changement de référentiel ?

Page 3: Compte-rendu débat Cafébabel : jeunesse européenne et emploi, comment on s'organise ?

Jusqu’au milieu des années 70 on vivait ce qu’on appelle une économie de « plein emploi ». Les

politiques sociales étaient au service d’un modèle de croissance, ce qui créait de l’offre en

permanence. Le contexte était celui d’un désir de stabilité après plusieurs décennies de troubles, et il

existait en Europe un mouvement social très fort. La logique de l’époque était celle du « mieux-être

social » : le référentiel politique était l’amélioration du bien-être (Traité de Rome).

Puis survint le tournant libéral des années 80, qui nous fait basculer sur une société de « plein

chômage » : le chômage pèse sur tous les individus de la société. Les politiques deviennent des

politiques de l’offre : le rôle de l’Etat n’est plus d’alimenter la consommation et la commande

publique, mais de favoriser le développement des entreprises en levant toutes leurs entraves en

terme de flexibilité et de coût du travail. On passe de l’Etat roi à l’entreprise reine. Au niveau

européen, la réponse au chômage sera l’approfondissement du marché. Et en 1997, le chômage

passe la barre symbolique des 10%.

La réponse de politique sociale à cette situation sera non pas de créer des emplois, mais d’aider les

individus à jouer la concurrence sur le marché du travail. Pour utiliser la métaphore de la chaise

musicale, il s’agira non pas de rajouter des chaises, mais d’aider les individus à courir plus vite. C’est

ce qui s’appelle « l’employabilité » : mettre les individus en concurrence face à un marché du travail

bouché. C’est là qu’il y a un problème, que répète le dispositif de la Garantie Jeunesse sans le

résoudre : tant que nous n’aurons pas d’augmentation du nombre d’emplois, il ne servira à rien de

multiplier les stages et les formations pour améliorer « l’employabilité » des chômeurs.

Par ailleurs, ajoute Bernard Conter, avant de se demander comment créer des emplois, il faut se

demander qui crée les emplois. Selon lui, il faut casser le mythe selon lequel ce sont les

entreprises qui sont créatrices d’emploi : le but de l’entreprise n’est pas de créer des emplois, mais

de répondre à un carnet de commandes. Si le carnet de commandes s’allonge, alors elle engagera

plus de travailleurs.

Si ce ne sont pas les entreprises qui créent de l’emploi, qui est-ce ? Selon Bernard Conter, on crée de

l’emploi par décret : par un certain nombre d’initiatives et d’investissements. Ainsi, la commande

publique est un levier énorme de création d’emploi. Or le cadre budgétaire européen ne permet pas

de penser la commande publique comme créatrice d’emploi. Bernard Conter se rallie ainsi à l’opinion

de Karima Delli en affirmant qu’il faut d’une part utiliser les leviers de la transition numérique,

éducative et écologique pour créer de l’emploi, d’autre part réduire de manière généralisée et

linéaire le temps de travail en Europe.

Question du public : Comment faire en sorte que la commande publique soit un levier durable de

création d’emploi ?

Bernard Conter retourne la question : est-ce que l’économie telle qu’elle est actuellement est

soutenable ? Est-elle durable ? Non. Le paradoxe est qu’on n’a jamais produit autant de richesses,

mais que la majorité de cette richesse est stockée sous forme de capital. Par le passé, 70 % de la

richesse revenait au travailleur à travers le salaire. Mais aujourd’hui, dans la distribution primaire

entre travail et capital, le rapport est nettement défavorable au travail. Or il n’y a que les travailleurs

qui créent la richesse, le capital seul ne crée pas de la richesse.

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Question du public : Comment optimiser la dépense publique ?

Karima Delli répond que la première chose est de savoir sur quoi on investit : l’Europe investit pour

le moment sur ITER (la recherche sur le nucléaire), sur l’armement, sur l’automobile … les politiques

témoignent ainsi d’un manque criant de prospective : il faut arrêter de dessiner le monde tel qu’il est

aujourd’hui. Il faut voir vers quoi nous devons aller, et investir dans des secteurs d’avenir.

Ensuite, il faut régler le problème du dumping social et fiscal en Europe. Il va falloir agir local, mais

penser global : il faut une refonte totale de l’économie de proximité, qui est créatrice d’emploi (le

secteur de l’économie sociale et solidaire n’a en effet pas connu la crise). Parallèlement, il faut

mettre en place un véritable plan de relance à l’échelle européenne : pour Karima, tous les nouveaux

défis se présentent en effet à l’échelle européenne, aucun des pays de l’Union ne pourra s’en sortir

seul.

En ce qui concerne l’investissement dans le secteur de l’éducation, il faut commencer par ne plus

mettre en concurrence les différents types de formation selon une échelle de prestige : par exemple

il ne devrait pas y avoir de compétition entre l’enseignement général et le professionnel, ces deux

types d’enseignements sont complémentaires, il faut les valoriser pour ce qu’ils sont. Il faut aussi

que l’expérience compte, les stages, les services civiques doivent être reconnus.

Karima termine en s’insurgeant contre la création dans le discours d’une nouvelle catégorie de

jeunes : les « Neets ». C’est une catégorie de « riens » de jeunes « exclus » du système, supposés

passifs. Pour Karima, il est intolérable qu’une génération se dise « sans rien » : c’est pourquoi il faut

se manifester et se serrer les coudes, que les jeunes instruits et formés s’unissent à ces « Neets »

autours de revendications communes.

B. InternsGoPro / ThinkYoung / Conseil de la Jeunesse

« Les nouveaux moyens d’action et d’organisation des jeunes »

Cafébabel : Vous êtes l’organe officiel d’avis et porte parole des jeunes francophones de Belgique,

votre rôle et de faire participer les jeunes au processus démocratique, quelles sont les pistes et

recommandations concrètes face à la précarisation de l’emploi que vous portez et plus généralement

comment peser au niveau décisionnel ?

Matthieu Degrez (membre de l’Assemblée Générale du Conseil de la Jeunesse) :

Matthieu Degrez rappelle que le taux de chômage des jeunes s’élève à 25 % en Wallonie et à 33 % à

Bruxelles, et note qu’il existe d’importantes disparités selon les communes. Si les partis politiques

francophones en Belgique ont certes pris conscience de cette problématique, ces derniers pointent

surtout du doigt une inéquation entre l’offre et la demande, estimant que les jeunes ne seraient pas

assez formés aux réalités du marché du travail. Cette position fait reposer le chômage des jeunes sur

une responsabilité individuelle, celle des jeunes eux-mêmes.

Matthieu Degrez estime que les jeunes sont suffisamment formés de nos jours, et que la vraie

question est celle du manque d’emplois en général. Selon lui, la réduction collective du temps de

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travail serait une réponse créatrice d’emploi. S’il faut certes créer de nouveaux postes, dans le

secteur non-marchand par exemple, il faut également s’attaquer au problème de la discrimination à

l’embauche, très présent à Bruxelles.

Pour mettre en œuvre au mieux des outils tels que

la Garantie Jeunesse, Matthieu Degrez préconise

une réelle concertation au sein de l’ensemble du

secteur qui travaille sur les questions de la

jeunesse : associations, syndicats, Conseil de la

jeunesse, etc. De plus, il est important de ne pas

répéter les erreurs faites dans le passé. Le

chômage massif des jeunes a des conséquences

bien plus larges qu’on ne l’imagine : il concerne

également ceux qui ont un emploi, car une

véritable pression sur les conditions sociales des employés se met en place. Ces derniers sont rendus

de plus en plus vulnérables par une main-d’œuvre extrêmement concurrentielle.

Cafébabel : Face à des conditions de stage dont tout le monde s’indigne, vous avez organisé le

European Interns Day. Quelle est la prochaine étape au niveau de la structuration de la mobilisation

collective des jeunes européens?

Régis Pradal (co-fondateur d’InternsGoPro) :

Régis Pradal souligne l’inefficacité des mesures politiques européennes quant à la question des

stages. Si seuls deux employeurs ont signé jusqu’à présent la charte européenne pour la qualité des

stages, aucun ne l’applique. La recommandation adoptée par le Conseil en mars dernier reste un

outil non-contraignant et la Garantie Jeunesse n’évoque à aucun moment la question de la qualité

d’un stage. Il y a donc une réelle différence entre les déclarations politiques d’une part et l’action

concrète d’autre part.

C’est donc aux jeunes de s’organiser pour

faire entendre leur voix. Le « Sandwich

protest » organisé en juillet 2013 par

InternsGoPro était une première initiative

pour rassembler les jeunes, mais il fallait aller

plus loin. Afin de mettre en place un système

de transparence et de pression, le site

d’InternsGoPro propose aux stagiaires de

noter leurs stages. L’organisation a également

lancé le premier label européen pour les

stages de qualité.

La question d’une rémunération minimum pour les stagiaires est une question compliquée. Faut-il

payer les stagiaires l’équivalent du seuil de pauvreté ? En Belgique, il est fixé à environ 1 100 euros

par personne, et pour Régis Pradal, il s’agit d’une convention économique qui ne signifie pas grand-

chose. InternsGoPro souhaite plutôt créer un index de niveau de subsistance pour les stagiaires en

Europe afin de couvrir leurs dépenses en logement, nourriture, santé et déplacements.

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Le chômage des jeunes est certes une question de macroéconomie, mais c’est surtout une question

de compétences. Pour Régis Pradal, c’est aux universités et aux employeurs de former les jeunes.

Cafébabel : Comment la jeunesse européenne peut-elle se réapproprier les politiques qui la

concernent, peser dans le processus décisionnel et avancer des propositions de réformes structurelles

du marché du travail ?

Scott Horner (ThinkYoung) :

Beaucoup de gens estiment que la politique n’est

pas suffisamment accessible aux jeunes. Scott

Horner pense pourtant que les jeunes sont

intéressés par la politique, mais qu’ils s’y

engagent sous de nouvelles formes. Ainsi, très

peu d’entres eux vont voter ou s’engagent au sein

d’un parti. Pourtant, ils souhaitent le changement

et savent comment s’organiser, via les réseaux

sociaux ou au travers d’organisations comme

InternsGoPro ou le forum européen de la

jeunesse par exemple. Mais pour faire réellement entendre leur voix, les jeunes doivent aller voter.

Dans des démocraties comme les nôtres, le vote a un réel impact et la jeunesse d’aujourd’hui doit le

comprendre.

Questions du public : Que peut-on faire à part voter, en plus de voter ? En Belgique le vote est

obligatoire, dont a priori tout le monde vote. Ce n’est donc pas une recommandation très pertinente

dans le cas belge.

Scott Horner précise qu’il ne faut pas en effet juger que notre pouvoir d’action s’arrête une fois

passé aux urnes. Il existe différents moyens d’action et de pression efficace pour se faire entendre en

dehors du vote : signer des pétitions, manifester, exercer des pressions via les médias, participer à

des initiatives citoyennes … il faut en effet s’assurer que le processus démocratique suit son cours. Il

cite à cet égard l’exemple de « Podemos », parti politique espagnol fondé en 2014 sur base d’une

initiative citoyenne et ancrage d’une résistance politique à l’austérité et à la réponse européenne à la

crise.

Question du public : Les jeunes ne sont-ils pas une part du problème, en n’étant pas éduqués pour se

battre pour leurs droits, et en ne se fédérant pas ?

Régis Pradal répond qu’il se sent proche de cette question. Les jeunes qui acceptent sans broncher

les conditions actuelles de stage n’aident pas leur cause. Selon Régis Pradal il faut montrer à ces

jeunes à l’université, et même avant, qu’ils peuvent agir, qu’il y a des alternatives. InternsGoPro

essaie de rassembler les jeunes : qu’il ne soient pas en colère tous seuls, isolément. Il faut leur

montrer qu’ils peuvent avoir un impact, leur proposer des solutions concrètes.

C. Maria Logotheti / SMARTbe

« Des alternatives concrètes pour les jeunes »

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Cafébabel : Comment les jeunes, via l’entreprenariat peuvent-ils placer la jeunesse comme acteur de

la transformation économique et sociale européenne ?

Maria Logotheti (membre de la Confédération Européenne des Jeunes Entrepreneurs) :

Maria Logotheti rappelle que ce sont les petites

et moyennes entreprises qui créent le plus

d’emplois. Elle juge également que

l’entreprenariat forme de meilleurs citoyens,

créatifs, innovants, responsables, et permet

d’exploiter et de mettre en oeuvre les

nouvelles technologies. L’entreprenariat

contribue selon elle à former une jeunesse

volontaire et responsable, en même temps

qu’il permet l’indépendance économique tout

en aidant les autres par la création d’emploi.

Cafébabel : Dans un marché du travail en crise, comment l’économie sociale aide-t-elle les jeunes à

mieux s’intégrer sur le marché du travail ?

Mounia Miri (SMART) :

SMART est un organisme d’économie sociale

qui aide les artistes à sortir de la précarité, et

aide les jeunes qui sortent de l’école à se

lancer dans le monde du travail et à facturer

leurs clients. Il fournit des outils sociaux et

fiscaux afin que les personnes puissent se

consacrer à leurs projets professionnels. Il

fournit également un service juridique et a mis

en forme une plate-forme sociale qui permet

aux artistes de proposer leurs services.

Chaque année Smart offre des bourses aux

jeunes qui veulent devenir entrepreneurs. Il s’agit donc d’un organisme qui soutient et assiste les

artistes et tout ceux qui souhaitent se lancer sur le marché du travail en transformant leur activité en

salaire.

Rédigé par Maude Theunen et Clémence Burkel

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Cafébabel debate

"European youth and the jobs market:

how can we organise?"

Meeting Minutes

A. A. Karima Delli / Bernard Conter

“European answers to the problems of youth employment”

Cafébabel: In the present context of a new Commission and a new European Parliament, can we dare

move towards a harmonisation of working conditions and social rights for young people at a

European level? How?

Karima Delli (Green Party MEP)

Karima Delli berates the lack of responsiveness of EU countries with regards to the situation of young

people, who instead, "pending disaster", have focused their priority since the crisis on rescuing banks

and repaying debt.

Karima Delli reminds us that in France there are 1.2 million unpaid interns: it has become urgent to

act and to review our priorities. This is why, for instance, she has founded the collective “precarious

generation” which aims to give a solid definition to internships and to place the question of

precarious internships at the centre of public debate.

On the issue of debt and its repayment which has been elevated to a priority, dictating the austerity

policies imposed on EU countries, Karima places things in perspective by drawing a clear difference

between what she calls "good" and "bad" debt: investing in youth is, in her opinion, a good debt.

Investing in digital and energy transition is also a good debt. Funding needs to be guided in this

direction. Karima Delli is opposed to the defeatist discourse which depicts the current youth as a

“lost generation”: she insists on the fact that the young generation is already moving, that it is

proving itself active and creative within many of sectors. Greater visibility needs to be given to these

young people, in order to build on their momentum.

In addition, Karima affirms that a real debate on a social European treaty should urgently be

reopened. According to her, the Youth Guarantee is an asset, but will not solve the basic problem,

which is that of generalised unemployment. To solve this problem, it is in her view necessary to have

the “political courage” to carry out several actions: initially to invest in innovation, research and

public services, then to reduce working hours so that they are better distributed within the

population, and finally to settle the question of poverty which is exploding among young people by

setting up a minimum subsistence income. For this we need to have more collaboration at the

European level: it is necessary to showcase the creativity and dynamism of the youth, to emphasise

initiatives which work.

Page 9: Compte-rendu débat Cafébabel : jeunesse européenne et emploi, comment on s'organise ?

Karima ends by criticising the ineffectiveness of European initiatives and by inviting civil society to a

real mobilisation: the European quality charter on internships, for example, is a non-binding measure

used as an instigator, and has produced no results. She believes that binding measures must be

implemented. Then, we must review all work organisation methods if we want to return to a decent

job model: what can we do so that tomorrow we no longer lose our whole lives earning a living? Is

our perpetual growth-pursuing model not obsolete? Karima is indeed in favour of growth, but not an

economic growth whose indicators take into account only “wealth production” for a given territory:

she favours growth in the happiness and well-being of people. At this stage however, there is no

indicator for this type of growth.

Karima Delli ends by saying that concretely, we must seat all the players at the table: researchers,

engineers, entrepreneurs, politicians ... and we need youth to organise, with clear proposals and a

clear roadmap. Otherwise it will always be the top making decisions for the bottom, the politicians in

place of the citizens. On the contrary: she believes that it is necessary for citizens to be the ones who

steer Europe and its politicians.

Cafébabel : You say that "the youth surely deserve better than a forced process of integration with

limited prospects." My question therefore is this: how can we change the frame of reference to offer a

real choice in opportunities and real job security to young people?

Bernard Conter (political scientist at the IWEPS Institute)

As a preamble to his answer, Bernard Conter reminds us that as a researcher his work consists above

all in a process of study and analysis. He therefore begins by highlighting true statements and facts

rather than giving prescriptive answers on "what should be done".

Various alarming findings would, according to him, justify the fear that young people feel in relation

to the crisis and their future. He states that the difficulty in gaining access to employment does not

date from the 2008 financial crisis but is rather a result of a transformation of society, economy and

public services which dates back to the 80s. This era is indeed one of a “change in the frame of

reference” which has created a certain number of victims through a domino effect, of which young

people are the first in line. Indeed, the imbalance in the labor market between supply and demand

means that the employer can choose and exercise a downward pressure on working conditions.

In concrete terms, what are the various evolutions which led to this change in the frame of

reference?

Until the mid-Seventies, we lived through what is called a “full-employment” economy. Social policies

served a certain model of growth, which created permanent supply. The context was that of a desire

for stability after several decades of turmoil, and a strong social movement existed in Europe. The

logic of the time was that of “social well-being”: the political frame of reference was the

improvement of well-being (Treaty of Rome).

Then the liberal turnaround of the Eighties happened, which pushed us towards a society of “full

unemployment”: unemployment weighs on all individuals within a society. Policies become supply-

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side policies: the role of the state is no longer to sustain consumption and public order, but to

promote the development of businesses by lifting all barriers to their flexibility and labour cost. We

move from a King State to a Queen Business. At the European level, the response to unemployment

was the further development of the market. And in 1997, unemployment rose above the symbolic

threshold of 10%.

The social policy response to this situation was not to create jobs, but to help people gain

competitiveness in the labor market. To use the metaphor of musical chairs, it was a case of not

adding chairs, but just helping people run faster. This is termed “employability”: to place competing

individuals in front of a saturated labour market. And therein lies the rub, which the Youth Guarantee

measures keep highlighting without providing a solution: as long as we have not increased the

number of jobs, multiplying the number of internships and training courses to improve the

"employability” of the unemployed will remain completely useless.

What's more, adds Bernard Conter, before wondering how to create jobs, it is necessary to ask who

creates jobs. According to him, we must break with the myth according to which companies are the

ones creating jobs: the aim of a company is not to create jobs, but to answer to a list of orders. If the

backlog of orders is growing, then it will hire more workers.

If companies are not the ones creating jobs, then who is? According to Bernard Conter, jobs are

creates by decree: by a certain number of initiatives and investments. Thus, public commissions are

an enormous lever for job creation. Yet the European fiscal framework does not allow for public

commissions to be considered as job creators. Bernard Conter concurs with the opinion of Karima

Delli by stating that it is necessary, on the one hand, to use the levers of the digital, educational and

ecological transition to create jobs, and on the other hand, to reduce working hours across Europe in

a generalised and linear manner.

Question from the public: How can we ensure that public commissions are a strong and lasting lever

for job creation?

Bernard Conter turns the question around: is the economy tenable in its current state? Is it

sustainable? No. The paradox is that we have never produced so much wealth, but that the majority

of this wealth is stored in the form of capital. In the past, 70% of wealth creation was given back to

the worker through his or her wages. But today, in the essential distribution between labour and

capital, the ratio is significantly less favourable for labour. Yet only workers create wealth, capital

alone does not create wealth.

Question from the public: How can we optimise public expenditure?

Karima Delli answers that we must first of all know what we are investing in: at the moment Europe

is investing in ITER (research on nuclear power), in armament, in cars… politicians are thus displaying

a shocking lack of prospective : we have to stop drawing the world such as it is today. We have to

start seeing where we need to go, and investing in growth for the future.

Page 11: Compte-rendu débat Cafébabel : jeunesse européenne et emploi, comment on s'organise ?

Afterwards, it would be necessary to fix the problem of social and fiscal dumping in Europe. It will be

necessary to act on the local level, but think globally : it is necessary to have a complete overhaul of

the local economy, which creates jobs (the sector that has not felt the impact of the crisis is the

sector of social and solidarity economy). At the same time it would be necessary to develop a real

recovery plan on a European level : for Karima, all the new challenges are visible on the European

level, no member state will be able to solve them on their own.

When speaking about investments into the educational sector, it would be necessary to start by not

categorizing the different types of education by their level of presitge : for example, there should no

longer be a competition between general and vocational education, because these two complement

each other. They should be valued each by their own merits. In addition, all work experience should

be recognized, this includes internships and voluntary service.

Karima finishes her response by expressing protest against the creation of a new term when referring

to some young people: the « Neets ». It is a category of young people who are deemed as

« nohting », who are « excluded » from the system and who are considered passive. For Karima, it is

intolerable that a generation is considered to be « nothing »: this is the reason why we need to

protest and to help each other, it is necessary that young educated and trained people unite with the

so called « Neets » in order to face the situation together.

B. InternsGoPro / ThinkYoung / Conseil de la Jeunesse

« The new means of action and organisation by young people »

Cafébabel : You are the official organisation for the opinion and representation of young french-

speaking population of Belgium. Your role is to engage young people into the democratic process.

What are the hints and specific recommendations you would give in the face of job insecurity and,

more generally, how to have an effect on the decision-making process?

Matthieu Degrez (member of the General Assembly of the Conseil de la Jeunesse):

Matthieu Degrez reminds us that the unemployment rate among young people is at 25% in Wallonia

and at 33% in Brussels, and it is important to state that there are significant disparities between

municipalities. Even if the french-speaking political parties have fully recognized that there is a

problem, they point out that the reasons lie in the mismatch between supply and demand. They

estimate that young people are not sufficiently educated for the realities of the job market. This

position shifts the responsibility for youth unemployment onto an individual level, onto the young

persons themselves.

Matthieu Degrez claims that young people nowadays are educated enough and that the real issue

lies in the lack of jobs in general. He argues that the collective reduction of working time would

boost job creation. If it is for example necessary to create new job positions in the non-profit sector,

then it is equally necessary to deal with the problem of discrimination at the time of employment,

which is very much present in Brussels.

Page 12: Compte-rendu débat Cafébabel : jeunesse européenne et emploi, comment on s'organise ?

In order to better enforce the measures of the Youth Guarantee, Matthieu Degrez encourages

effective coordination within the whole group of organisations concerned with youth issues:

associations, trade unions, Conseil de la jeunesse, etc. In addition, it is important not to repeat the

mistakes of the past.

The mass unemployment of young people has greater consequences than we can imagine at the

moment: this touches also people who have a job because there is significant pressure on the social

conditions of employees. The latter have become more and more vulnerable due to a highly

competitive workforce.

Cafébabel : Considering internship conditions which cause outrage, you have organised a European

Interns Day. What is the next stage in the collective mobilisation of young Europeans?

Régis Pradal (co-founder of InternsGoPro):

Régis Pradal underlines the ineffectiveness of European political measures when it comes to the

question of internships. Only two employers have signed the European Quality Charter on

Internships and none of them have implemented it. The recommendation adopted by the Council

last March is non-binding and the Youth Guarantee makes no mention of the issue of the quality of

internships. As a consequence there is a real difference between political declarations on the one

hand and concrete actions on the other hand.

Therefore, it is up to young people to organise themselves and make their voices heard. The

« Sandwich » protest, organised by InternsGoPro in July 2013, was the first initiative to gather young

people, but it is necessary to do much more. In order to add transparency and to pressure

employers, the InternsGoPro website proposes young people to rate their internships. The

organisation has also launched the first European quality internships label.

The question of minimum remuneration for interns is a complicated one. Should we pay interns the

equivalent of the poverty line? In Belgium, the poverty line is fixed at about 1 100 euros per person,

and for Régis Pradal, this is just an economic agreement and does not have a specific meaning.

Rather than taking the poverty line as a basis, InternsGoPro wishes to create a subsistance level

index for interns in Europe in order to cover their costs of housing, food, healthcare and transport.

Unemployment of young people is certainly a macroeconomic question, but it is above all a question

of competence. For Régis Pradal it is the responsibility of universities and employers to train young

people.

Cafébabel: How can European youth reclaim the politics that concern them, have an influence on the

decision-making process and promote the proposals for the structural reform of the job market ?

Scott Horner (ThinkYoung):

Many people believe that politics is not sufficiently accessible to young people. Scott Horner thinks

that young people are interested in politics, but they seek a connection to politics in a new way.

Page 13: Compte-rendu débat Cafébabel : jeunesse européenne et emploi, comment on s'organise ?

Thus, very few of them go to vote or join a political party. At the same time they wish for changes

and know how to organise themselves, for example through political parties or through organisations

like InternsGoPro or through the European Youth Forum. In order to really make their voices heard

young people need to turn up to vote. In democracies like ours, votes have a real impact and young

people must understand this.

Questions from the audience: What else could we do besides voting and more voting ? In Belgium,

voting is obligatory, which a priori means that everyone votes. This is therefore not a very pertinant

recommendation in the case of Belgium.

Scott Horner explains further that we shouldn’t consider that our power of action stops once we are

past the polls. There are different means of action and effective pressure in order to be heard

between election times: signing petitions, protests, pressure thought the media, particioation in

citizens initiatives … it is necessary to ensure that political process continues. He then cites the case

of « Podemos », a Spanish political party founded in 2014 on the basis of a citizens’ initiative and the

resistance to the austerity politics and the European response to the crisis.

Question from the audience: Aren’t young people part of the problem when they are not taught to

fight for their rights and for not uniting ?

Régis Pradal responds because he feels close to the issue. The young people who decide to accept

the current conditions of internships do not help the matter. According to Régis Pradal it would be

necessary to show students in universties and even younger people that they can act and that they

do have alternatives. InternsGoPro attempts to unite young people : in order to prevent them from

being angry all alone, in isolation. It is necessary to show them that they can have an impact, and to

propose concrete solutions to their problems.

C. Maria Logotheti / SMARTbe

« Specific alternatives for young people »

Cafébabel : How can young people, through enterpreneurship, make youth an actor of european

economic and social transformation?

Maria Logotheti (member of the European Confederation of Young Entrepreneurs):

Maria Logotheti reminds us that that it is the small and medium-sized enterprises that create the

biggest number of jobs. She also estimates that enterpreneurship creates better citizens who are

more creative, innovatie, responsible and it enables the implementation and use of new

technologies. According to her, enterpreneurship contributes to the creation of responsible youth. At

the same time it makes economic independence possible while helping others by creating jobs.

Cafébabel: How does social economy help young people integrate into the labour market at the same

time as the labour market is in crisis ?

Mounia Miri (SMART):

Page 14: Compte-rendu débat Cafébabel : jeunesse européenne et emploi, comment on s'organise ?

SMART is an organisation of social economy that helps artists out of poverty, and helps young

graduates to start out in the world and invoice their customers. It helps with social and fiscal support

to enable people to concentrate on their professional projects. It also provides legal advice and has

established a social platform that helps people offer their services. SMART is an organisation that

supports and advises artists and everyone who wishes to start out on the job market by transforming

their activities into a salary.

Translated by Malle Alaru and Una Dimitrijevic