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Ire CUnique YBdicale du Serafimerlasaret. (Directeur: Profcsseur I. Holmgren.) Contribution i~ l’etude des hallucination8 de 1s vue dsns l’heminnopsie. Par ALBERT GRONBERG. On sait depuis longtemps que, chez nombre de patients atteints d’h6mianopsie, il survient souvent, notamment au dBbut, toute une sBrie de perceptions visuelles anormales d’un caractere hallu- cinatoire. I1 se peut bien qu’on discute sur la place que ces sen- sations anormales doivent r6ellement occuper en tant qu’halluci- nations ou apparitions visuelles (voir plus loin). Dans la 1ittBrature m6dicale s’y rapportant elles sont pourtant designees sous le nom d’hallucinations de la vue; aussi conserverons-nous cette dBno- mination dans les pages qui suivent. - Les visions hallucinatoires sont rapportBes dans la grande majorit6 des cas 21 la partie ccaveugle)) du champ visuel et, dans un petit nombre de cas, It la partie ccvoyanteo de ce mBme champ. Quant It la nature des hallucina- tions, elle est extraordinairement variable. On trouve toutes les transitions depuis les jeux d’ombres les plus fonds, rappelant les ombres chinoises, jusqu’aux images color6es et rayonnant du plus vif Bclat. Relativement aux causes d’apparition des hallucinations dans l’h6mianopsie en g6n6ra1, il ne semble pas que les opinions soient It cet Bgard trhs concordantes, It en juger par la litterature medicale. Comme le fait suivant me parait susceptible de contribuer dam une certaine meaure 3~ Blucider la question, j’ai pens6 qu’il m6ritait d’6tre publi6. Observation. P. G. A., n6 en 1867, ouvrier dans un atelier de confections (re- passeur). N:o 607/1925 du registre du service. EntrB le 22 juin 1925; sorti le 16 juillet 1925.

Contribution à l‘étude des hallucinations de la vue dans l'hémianopsie

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Page 1: Contribution à l‘étude des hallucinations de la vue dans l'hémianopsie

Ire CUnique YBdicale du Serafimerlasaret. (Directeur: Profcsseur I. Holmgren.)

Contribution i~ l’etude des hallucination8 de 1s vue dsns l’heminnopsie.

Par

ALBERT GRONBERG.

On sait depuis longtemps que, chez nombre de patients atteints d’h6mianopsie, il survient souvent, notamment au dBbut, toute une sBrie de perceptions visuelles anormales d’un caractere hallu- cinatoire. I1 se peut bien qu’on discute sur la place que ces sen- sations anormales doivent r6ellement occuper en tant qu’halluci- nations ou apparitions visuelles (voir plus loin). Dans la 1ittBrature m6dicale s’y rapportant elles sont pourtant designees sous le nom d’hallucinations de la vue; aussi conserverons-nous cette dBno- mination dans les pages qui suivent. - Les visions hallucinatoires sont rapportBes dans la grande majorit6 des cas 21 la partie ccaveugle)) du champ visuel et, dans un petit nombre de cas, It la partie ccvoyanteo de ce mBme champ. Quant It la nature des hallucina- tions, elle est extraordinairement variable. On trouve toutes les transitions depuis les jeux d’ombres les plus fonds, rappelant les ombres chinoises, jusqu’aux images color6es et rayonnant du plus vif Bclat. Relativement aux causes d’apparition des hallucinations dans l’h6mianopsie en g6n6ra1, il ne semble pas que les opinions soient It cet Bgard trhs concordantes, It en juger par la litterature medicale. Comme le fait suivant me parait susceptible de contribuer dam une certaine meaure 3~ Blucider la question, j’ai pens6 qu’il m6ritait d’6tre publi6.

Observation. P. G. A., n6 en 1867, ouvrier dans un atelier de confections (re-

passeur). N:o 607/1925 du registre du service. EntrB le 22 juin 1925; sorti le 1 6 juillet 1925.

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3563 ALBERT G R ~ N B E R Q .

Aiiamnase: Rien d’int6ressant dans l’hi:r&diti.. Le patient ignore s’il eu t quelqu’une des maladies specides B l’enfance. Bien portnnt jusqu’8 trente ans, Ige auquel il commence B Gtre inconimod6 par une toux persistante e t de l’enrouenient. Ces syniptBmes venaient par pBriodes, habituellement en automne rt au printenips; ils n’ont pour- tant pas notablemerit entrav6 sa capacit6 de travail. Quelquefois le inalade u rejet&, en toussant, un peu de sang; il estinie lui-m6me que 1~1 sang venait de la gorge. E n ces derni6rcs ann6es il a Bti. gi.116 par unc dyspuite revenant pitriodiqucment. En m6nie temps la toux et l’enrouement sont devenus plus prononcbs. Les picds et les jainlws sont parfois gonflBs vers lr soir; il arrive de mSme que le paticrtt, A la fin de son travail, soit pris d’une sensation de vertige; c d l e vi pourtant n’a jamais offert un typc systematis6 A p r t i r de 1894, i l il de l’albumine dans ses urinrs, niais de temps B autre e l k diqittrait.

Au printemps 1!)22, le malade est trait6 B la 118 Cliniquc MEdi- cale du Serafimerlasaret (du 11 a u 29 avril 1929 . N:o 420/192? tlu registre du service). I1 pritsento alors les symptBmes d’une t)roiiclio- pneumonie gauche. L’urine contirnt de I’albumine. Lc hord d u foic. descend B un 011 deux travers de doigt an-dessous d u rebord des fausses cijtes. Pression sanguine: 180/110 mm de mercurc. Ari 1:i-

ryngoscope on constate les signes d’une laryngite chroniquc. Lcs malade sort ami:liorB le 29 avril . . . ‘I’ontefois, depuis cc si.joiii* B l’hijpital il a dfi cesser de tmvailler. I I dit qu’il sc serttuit las, fatigu6, sans entraiu . . . Au printemps 1023, il perd u n jour ‘ I

de litre de sang environ; ce sang ne f u t pas rejet6 B l’occasion d’uti a c c h de toux ou d’un vomissement. Lc malade est trait6 B l’hcpital pour cctte h6morrhRgie pendant deux semaincs. L’heniorrhngic ne se reproduit pas et il sort avec l’assurance que le sang, vraisemt)lnble- ment, ne venait pas des poumons. Depuis, 1’6tat gkn6ral dcrnrurcs dans ses grandes lignes sans changement jusqu’au printemps 1!)24. A cette 6poque le patient constnte un jour subitement, pendant qu’il lisait l e journal, que ce dernier paraissait avoir 6t6 coup6 tlu cBtC droit. En mbme temps il perqoit toute une sitrie de sensations risuelles anormales. L e plus sonvent il croit voir des plantcs d’un ravissnnt coloris, par exemple une tulipe en train de pousser e t line t6te d c serpent dans sa f l e w . I1 lui arrive m&mc de voir tlanser dcs ballets. Tout d’abord il d6couvre ces images devant h i ; mais, quand il cherche B les fixer, elles dispnraissent par e n haut et sur 1~ droite. I1 n’a jamais cru B la rbalit6 de ces apparitions. Quelquefois pourtant il s’est dGtourn6 de son chemin B cause d’elles et dans ce CRS il s’est toujours port6 B gauche. Au bout de deux jours il sc fait admettre ii I’hbpital de Sahbatsberg oti ces visions disparaissent bientBt sans traitement sp6cial. Au registre m6dical d u service nous empruntons les notes suivantes: gEntr6 le 24 avril 1924, sorti le 26 rnai 1024. Dans la dernigrc semaine qui pr6cgde I’adniission, aggravation avec dyspn6e et cbphal6es plus pronoc6es. I1 voit des fleurs et cles person- nes. Depuis une semaine trPs faible quantiti: d’urine . . . Pression sanguine: 220/150. ROaction de Wassermaun nkgative pour Ic sang. Azote restant non augment6. Urine: albumineuse. TrGs nnmhreii\-

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CONlRIBUTlON h L’lhUDE DES HALLUCINATIONS. 357 cylindres granuleux. Quantit6 mod6r6e de globules blancs e t rouges. Les globules rouges, de mdmc que les cylindres, disparaissent du sk- diment au cours du s6jour hospitalier. La densit6 de l’urine atteint spontan6ment 1.0~5. Malheureusement il ne semble pas qu’on ait pratiqu6 un exament du champ visuel . . . L e patient explique main- tenant que, pendant son s6jour B I’h8pita1, ses hallucinations s’6taient d6jii amBlior6e au bout do trois ou quatre jours. Elles Btaient moins colorkes e t moins nettes. Au lieu de belles fleurs, il voyait mainte- nant des images qui ressemblaient plutBt B de l’hrrbe flBtrie ou quelque chose d’analogue. Ces images persisthrent pendant environ deux mois. Durant ces quatre ou cinq dernihres semaines le patient s’est relativement bien port&

Lc 28 mai 1925, il vient consulter B la policlinique m6dicale du Serafimerlasaret. I1 accuse des douleurs dans la poitrine qui, dans ces deux dernisre semaines, sont revenues sous forme d’acehs 1 cinq reprises. Les acchs peuvent se prolonger jusqu’ii douze heures; ils sont suivis d’une certaine difficult6 pour respirer. En deux occasions les douleurs irradiaient vers le doe et le bras gauche. Pendant les ncchs le malade ktait trhs apit6; il ne pouvait rester couch6 dans son lit ou assis. Cependant il n Bprouvait pas d’angoisse trop grave. Le m6me jour, l e malade est adress6 ii la policlinique ophthalmologique en vue d’un examen. I1 ne parle pas alors de ses troubles visuels et de ses hallucinations anterieures; aussi n’examine-t-on pas son champ visuel. - Depuis il est tout B fait bien portant. Le 18 juin 1925, il se r6veille le matin avec un fort ma1 B la t6te. Plus tard, dans la mdme journiie, il lu i semble voir des ombres e t un tourbillon de figures qui se d6placent vers la droite. Au bout de deux jours l e ma1 B la t6te disparait. Les visions dans la partie droite du champ visuel persistent nkanmoins; le malade vient donc consulter, le 22 juin, ii la policlinique medicale du Serafimerlasaret d’oii, le mdme jour, il est admis B la Clinique avec le diagsostic BAngine de poitrine (hypertonie)?>.

Etat B l’admission le 22 juin. Homme robuste, avec un notable embonpoint, une face assez forte-

ment colorke un cou court e t kpais. Habitus apoplectique. - Pas d e contraction idiomusculaire. Pas de vague secondaire. Pas de cyanose trhs prononckc des Ihvres. Dyspn6e mod6r6e. Fort enrouement. - Gorge : rougeur diffuse. Amygdales non hypertrophi6es. - Oanglions externes: pas d’alt6rations certaines au palper. Corps thgroi’de: petit et de consistancc usuelle. - Cceur: pulsations manifestes ii I’epigastre. Dans le fond de la fossette jugulaire on sent des pulsations. Le choc du ceur ne se voit pas et ne se sent pas. Limites de la matitk cardiaque indkcises. Bruits sourds. Pas de souffles. Rythme rkgulier. Pression sanguine: 200-220’135. Pas de pouls capillaire certain. Poumons: respiration normale; sonorit6 exag6rke 1 la percussion Ventre: gros et rellch6; souple e t indolent ail palper. Le bord du foie se sent au-dessous d u rebord des fausses clites. Rate: non percep- tible au palper. Urine: limpide et acide; densit6: 1.032. Rkactions d e Heller, d’rilmkn et de Schleeinger nbgatives; diazorkaction n6gative.

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358 ALBERT GRnNBERG.

SBdiment: 3 B 5 globules rouges par champ microscopique assez nom- breuses cellules Bpith6linles Pus de cylindres. Azote restant: 48,9 mg par 100 c. c. de sang (Folin).

Etat psychique: le maladc s’explique clairement sur toutes les donn6es anamnestiques. b l h o i r e normale. Temps de ri‘action normal. L’humeur est gaie, mais. au dire du patient hi-iiGme, elle serait variable. Parole: rien B notcr. Pus d’ast6reogriosie ou d’apraxie.

Fig. I n. Gauche.

L’Bpreuve de 1’Bcriture n’indique rien de particulier. Hallucinations : pas d’hallucinations concernant le goiit, l’odorat, l’audition ou la sen- sibilit6. E n cet instant m6me le patient voit une s6rie d’images dans la partie droite du champ visuel, pour ce qui est de leur nature on n’a qu’h se reporter B l’anamnsse. I1 n’a jamais cru B I’existcnce rBelle des figures qu’il voit; ii l’heure actuelle, il est fermemcnt con- vaincu que ce sont des images purement fantastiques. Le malade les situe constamment B droite, mais il ne peut dire si parfois e l k s franchissent la ligne mhdiane. Pas d’anomalies d u c r tne ou du rachis. Pas de sensibilit6 B la percussion.

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CONTRIBUTION h L’I~TUDE DES 11 ALLUCINATIONS. 359

Nerfs crlniens: 1. Rien l noter. 11. (Le 25 juin 1925.) Acuit6 visuelle, B gauche: 0,5 (avec un

verre de + 2,75 dioptries; B droite: 0,o (avec uu verre de + 2 ,76 dioptries). Rien B noter dans les milieux de l’ceil. Fond des yeux: la papille gauche a des limites un peu diffuses; B part ce dBtail, rien d’anormal. Hemianopsie droite homouyrne n’inthressant pas

Pig. I b. Droite.

la part du champ visuel qui repont B la macula. Pour la champ visuel voir fig. 1 a et 1 b (Hallberg). Pupilles Bgales, reagissant un peu paresseusement B la lumihre et k l’accommodation.

111, IV, VI. Rien d’anormal dans l’attitude et, les mouvements des yeux.

V. Rein B noter pour la branclie motrice. Le gofit, sur les deux tiers antArieurs de la langue, est normal. Branche sensitive: la sensibilit6 B la douleur est peut-6tre un peu nffaiblie sur u n espace de 4 cent. carres de la joue giiuche. Rien d’anormal pour le reste.

Ni ptose, n i pargsie de la convergcnce, ni diplopie.

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360 ALBERT G R ~ N B E R G .

VII.

VIII. Audition normale. Pas dc nystagmus. IX, X.

Hien B rioter d u cGt6 de In mimiquc faciale. SCcr6tion qali- vaire et lacrymale normales.

Rien B redirc B l’attitudc et aux mouvenients du voile du palais, non plus qu’i la d6glutition. La voix est rauque. Exameii laryngoscopique : lcs faussrs cordes vocales sont u n peu gonflbes, mnis piles. Pas de rougeur tle la muqueuse de la rfgion urytihoi’diennc.

Fig. I1 a. Onuch~.

Les cordcs vocales sont 16gGrement rouges, un peu md6mateuscs; elks se d6placent normalemcnt.

XI. Rien d’insolite dans I’attitudc et les mouvcments de la tCtc e t des Epaules.

XII. Rien non plus dans I’attitudc et les mouvemcnts dc la langue.

La motilit6 et In force g6n6rale n’offrent rien d’anormal. ‘I’r.enit)Ic- ment A fines oscillations dans les mains. Pas de contractions fibril- hires . Pas de clonus du pied ou du tendon rotiilien. Pas d’atrophics. Sensihilit6 R U contact et b la douleur sans anomdies. Pas dc rnirlcrir

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CONTRIBUTION A L’I~TIJDE DES HALLUCINATIONS. 36 1

cle la nuque. Signe de Lasgguo n6gatif. L’Qpreuve du doigt port6 au nez s’op6re bien; celle d u talon au genou s’exbcute parfois d’une manibre un peu tktonnante. L’examen de la sensibilit4 profonde aux doigts et aux ortoils ne rBvEle aucune anomalie. Marche naturelle. Signe de Romberg n6gatif. Pas d’adiadochocin8se. RBflexes du radius, de l’abdomen et d u crBmaster normaux; celui du tendon cl’Achille e t celui de Babinski sont absents.

Fig. 11 b. Droite.

24 juin. Le malade sc plaint aujourdhui dc ci.phal&es qu’il IOCR- lise dans la region frontale gauche, ainsi que de douleurs plus l6ghres dans l’occiput.

25 juin. Snign4e; 225 c. c. Pression sanguine: 1951130 (a11ri.s la saignge.)

26 juin. Le malade se sent mieux de la tete. Sang: hbmoglolrine, 143 94 (d’apr8s Sahli). Globules rouges: 5 millions; blancs: 7,900.

26 juin. Examen radiographique: aLe cwur mesure 16.5 cm d a m sa plus grande longueur, dont 11 em B gauche d e la ligne mBdiane. Longueur du copur: 1s cm. Agrandissement diffns de toutes les

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362 ALBERT GRijNBERG.

cavitds du copur avcc cuntours arrondis. La crosse de l’aortc parait plus longue, plus large et plus dense, mais n’offre pas d’cctasies partielles. Les pulsations d u ccur sont assez energiques. Le contour du poumon est agrandi dans les deus champs pulmonaires e t Ics zones du hile sont plus dcnscs (stasc pulmonaire).

XL’imuge radiographique rappelle surtout ce qu’on voit en cas de ksions aortiques (aortitcYb. (Lundqvist.)

SLa calotte crinienne est d’6paisscur normalc. La base du rrhne est d’aspect normal. La selle trircjque, de forme usnelle, mesure rc’- spectivement 1 2 et 10 mm dans ses deux dimensions. Calcification des insertions de la dure-mbrc ii dorsum s e l l n ~ .

37 juin. Ponction lombaire. Pression initiale: 18.5 crn; finale: 17 cm. On retire 1 6 c. c. Liquide limpide, incolore. La reaction de Queckenstedt offre de grandes variations. lidaction dc Pandy positive, de Nonne faiblcmcnt positive. Ccllulcs: 1 5 globules rouges. 2 lymphocytes.

Kbaction de Wassermann et d e Sachs-Gcorgi nhgatives pour Ic sang; rdaction de Wasserman n6gative pour le liquidc lombaire.

6 juillet. Nouvelle saignee de 100 c. c. Pression sanguine: elle vari mitre 190 et 210 mm de mercure au cows de plusicurs meti- surations.

TempErature afcLIxi1 tout le temps: 37.; le matin 37.9’ le soir. Le 1 4 juillet, lcs perceptions visuelles anormales existent encore

Elles ressemblent mnintcnant B des ombres dc figures qui se d6pla- cent. Comme il Otait possible qire ces perceptions visuclles fusscnt en relation avec I’incidence de la IumiGrc, on tente d’intercepter cellc-ci dans la moiti6 droitc dri champ visucl. On y nrrive en collmt u n morccm de papier sup la moitii. droite dc chacun des verres du pince-nez que porte le patient e t celui-ci d6clare aussit8t que, grice ii ce dispositif, lcs figures oot disparu. I1 d6clarc de plus n’avoir pas la rnoindre conscience du papier coll6 s u p son verre droit; par contre, du cat6 gauchc, il voit le bord libre vertical du papier.

I h pr&encc d e ce rEsultat encourageant, on se decide ii essayer de procurer au patient une paire dc verres qui, n u point dr vuc de la rhfraction, seraient meilleurs quc ses vcrres antbrieurs. Dans cc hut on l’envoie, pour un nouvel cxamen, B la Clinicrue Ophtalmolo- gique. On fait I R un nouvcl e t soigneux cxamens du champ visuel. Cet examen permet d e faire line constatation en partic impri.vue e t qui ressort de la fig. I1 a e t I1 b. Comme on le w i t , lo champ visuel n’offre pas maintenant une hemianopsie compkte; l’h6mianopsie n’existe essentiellement quc dans lc quart iuferieur droit du champ visuel; mais il existe de plus, ce qui me parait important pour lc fait en cause, un pperiphwe sichelfijrmige Aussparungr.

Le patient recut alors, en vue d u travail de prPs, des w i r e s de + 5 dioptries (sphhriques) pour Ies deus youx. Afin de rendre l’interception lumineuse plus efficace, on les pourvoit d’une opacifica- tion laterale, analogue ii celle des verres protecteurs usuels contre chauffeurs etc . . . Le malade se d6clara tr&s satisfait de I’interception r6alisee par la protection latgrale, car ce moyen suffisait R fairr dis-

(Lundqvist.)

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CONTRIBUTION A L’gTUDE DES HALLUCINATIONS. 363

paraitre les *images,. I1 fit remarquer nussit6t que les images repa- raissaient d6s qu’il ditposait son lorgnon, niais s’hnouissaient B nouveau d6s qu’il lc remettait.

Depuis cette 6poque le malade s’est trouvit en observation pendant trois mois. I1 continue B n’btre plus incomniod6 par ses visions et se niontre fort satisfait de ses verres.

R.BsumB e t discussion.

Notre patient est donc un homme de cinquante-sept ans, atteint d’hypertonie depuis plusieurs ann6es. Du cdt6 de reins il presente en somme les signes d’une nephrite chronique leghe sans rBtraction, mais avec ascension notable de l’azote restant.’ I1 a de plus une hypertonie manifeste dn cceur et un Blargissement certain de l’aorte, mais sans sympt6mes d’anhvrisme. L’Blargissement de l’aorte, de m&me que l’hypertrophie du ceu r sont du type qu’on rencontre habituellement dans les hypertonies de date an- cienne. On en peut dire autant des bronchites rhpbtbes.

A cinquante-cinq ans, le malade rejette un jour deux tiers de de litre de sang, mais sans qu’il ait eu d’acc8s de toux ou de vomissements. La cause de cette hemorrhagie semble fort obscure. On ne dBcouvre aucun signe d’affection gastrique ou de tuberculose pulmonaire; rien non plus n’indique l’existence de varices ceso- phagiennes. I1 faut donc laisser ouverte la question des origines r6elles de cette hemorrhagie.

Au printemps 1924, le malade s’aperqoit un jour brusquement que le journal qu’il lit paralt avoir 6th coupe dans sa partie droite. En mbme temps apparaissent de ce msme c6t6 du champvisuel une sbrie de perceptions visuelles anormales du type hallucinatoire. Autant qu’on en peut juger maintenant, il est fort probable que l’hbmianopsie constatbe ulthieurement apparut It ce moment.

Plus d’un an apres, tout ce qu’on trouve, au point de vue neu- rologique, est une hbmianopsie homonyme droite qui, plus tard, se trouve &re une hdmianopsie du quart inferieur droit. Les premieres questions qui se posent sont la cause de cette hbmianopsie e t le siege de cette cause. Le caractere de l’h6mianopsie - h6mia- nopsie homonyme du quart inferieur - indique aussitbt et d’une faqon certaine la couche corticale calcarine ou, plus exactement encore, cette partie de la couche corticale visuelle gauche sitube

’ Cette augmentation de l’azote restant traduit pent-&re en partie l’insufflsanre relative dn c a m chez mon malade.

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364 ALBERT G R ~ N B E R G .

au-dessus de la scissure calcarine. La conservation de la reaction pupillaire hemianoptique plaide Bgalement en faveur de cette localisat ion.

L’hdmianopsie de notre malade offrait cependant une parti- cularit6 le distinguant des hemianopsies habituelles, k savoir la presence de ce qu’on appelle nperiphere sichelformige Aus- sparung)) du cat6 droit (voir la fig. I1 b). En somme, la partie non l6s6e du champ visuel droit repondait k cette region du champ visuel que l’aeil droit ne possede pas en commun avec l’oeil gauche. C’est un fait connu que, dans certains cas, on trouve cette region indemne (la region (dpargn6eo) avec une hemianopsie pourtant complete ou ne s’accompagnant que d‘une cdcite partielle (Rehr). Ces constatations amenent & . conclure que le territoire cortical qui repond au croissant p6riph6rique du champ visuel occupe une situation nettement isol6e du reste de 1’Bcorce visuelle. Les observa- tions faites pendant la guerre semblent temoigner Bgalement qu’il en est bien ainsi. On a constate notamment que les lesions ne provoquant de cecit6 que dans le croissant p6ripherique avaient atteint le lobe occipital en un point qui se trouve plus en dehors et par consequent bien loin de la couche corticale visuelle situee du cdt6 interne (Fleiucher). Fleischer pense qu’on doit chercher le territoire ici en cause tres loin dans la profondeur de la scissure calcarine ou peut-btre assez loin en arriere vers le pSle du lobe occipital. On peut du reste considerer cette question comme non encore resolue et le fait que nous relations n’est guere fait pour 1’6lucider; je ne m’engagerai donc pas dans cette discussion.

Nature de 111 ldsion.

Si donc, avec une assez grande vraisemblance et une certaine facilit6, on peut localiser la lesion qui cause l’hkmianopsie, grbce notamment aux recherches de S. E. Henschen dans ce domaine, il est par contre impossible d’indiquer avec autant d’assurance la nature de la lesion originelle. Les diagnostics B discuter me paraissent btre les suivants: Tumeur cerebrale - Hemorrhagie cer6brale - Thrombose cerebrale, suivie dans CB dernier cas de ramollissement .

En l’espece, on ne peut absolument nier la possibilit6 d’une tumeur. L’absence de stase papillaire, une pression lombaire Blevee et 1’Bvolution progressive des symptdmes s’opposent peut- Btre k une tumeur. Par contre, les reactions faibles, mais Bvidentes,

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CONTRIBVTXON A L ’ I ~ U D E DES IIALLUCINATIONS. 365

de l’albumine dans le liquide Iombaire et les chphalees assez fortes sont en faveur de l’existence d’une tumeur.

Pour ce qui est de l’h6morrhagie ckrhbrale, il convient d’ob- server qu’on voit trhs rarement avec une lesion de ce genre une limitation augsi 6troite. De plus, on jugera bien invraisemblable qu’une hemorrhagie n’ait pas trahi son existence, S un degrB quelconque, par des symptbmes genkraux, au moins S ses dbbuts. Par contre, I’hypothBse d’une hemorrhagie cerebrale trouverait un appui aussi bien dans l’hypertonie que dam 1’8ge du malade.

Mais si l’on rencontre quelques arguments en faveur d’une h6morrhagie ou d‘une tumeur c6rebrales, un ramollissement me semble pour le moins aussi vraisemblable, que ce dernier se soit form6 sur la base d‘une embolie ou d‘une thrombose dans un vaisseau artBrioscl6reux. On trouve des arguments en faveur de cette double Bventualit6: le caeur du malade ne fonctionnait pas tout h fait comme il aurait convenu; son appareil vasculaire 6tait de ceux dans lesquels, aelon toute vraisemblance, on peut s’attendre it rencontrer des indices d‘art6rioscl6rose; les probabilites s’accrois- - sent encore, si l’on r6fl6chit que 1’6tat morbide se constitua d‘une maniere extraordinairement silencieuse. Un jour, il est vrai, le malade s’aperpoit, en quelque sorte par hasard, qu’il ne voit pas comme d‘habitude; mais, de son aveu, il n’avait present6 du cat6 du systhme nerveux aucun symptbme g6nhral concomitant.

I1 eat donc extrsmement vraisemblable que la lesion anatomique aoit ici un ramollissement de la levre superieures de la couche corticale calcarine gauche ou, plus exactement peut-stre, une cicatrice rbsultant d‘un ramollissement de ce genre.

I

Les hallucinations dans I’hhianopsie et leurs rapports wec l’interception de la Inmihe.

En outre de la particularit6 que nous venom de discuter (6parg- nement peripherique en croissant) nous en rencontrons une autre pour le moins aussi int6ressante: la disparition des hallucinations, quand on intercepta la lumihre tombant sur la portion h6mianop- tique du champ visuel.

I1 est assez singulier que dans la litterature medicale on ne mentionne qu’exceptionnellement la fapon dont se comportaient les hallucinations h6mianoptiques en cas d’interception de la lumihre. Eskuchen et Wilbrandt Sanger sont les seuls auteurs qui, B ma connaissance, signalent 5 cas oh il soit question du sort des

26-253323. Acin nied. Scandinav. Vul. LSIII .

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366 ALBERT QRONBERQ.

hallucinations dans l’obscurit6, c’est b dire quand les yeux se fer- meient. Qu’il me soit permis de citer ces faits, car, au point de vue qui nous occupe, ils sont d’un tr&s grand intBrdt.

1. Higier (Wiener Klinik, 1896, p. 160). Le malade present& une hBmianopsie droite avec des hallucinations tr&s vives et d‘un caract &re bizarre dans le champ visuel aveugle. Les hallucinations disparaissaient, quand il fermait les yeux, aauf kurze Zeit, urn bald darauf mit gesteigerter Intensitat aufzutretenb).

2. Higier. Femme de quarante-six ans. HBmianopsie homo- nyme droite. Visions dans la partie amaurotique du champ visuel et qui disparaissaient, quand la patiente fermait les yeux, pour reparaitre ensuite plus fortement qu’avant.

Peterson (New York medical Journal, 31 janvier 1891). Femme de quarante-cinq ans avec h6mianopsie gauche survenue h l’occasion d’une forte hemorrhagie au cours d’un accouchement. Dans la moiti6 amaurotique du champ visuel la patiente voit des chats, des chiens et des enfants qui se disposent en lignes. Les hallucinations disparaissent seulement pendant le sommeil. En cas de fatigue les hallucinations deviennent plus vives.

4. Henschen. 311. 10. HBmianopsie gauche, mais hallucina- tions toujours A droite. Le malade voit des petits gargons qui tantbt sautent en dedans ou en dehors de sa fendtre et tantbt se promenent vdtus de noir. t(Wenn man die Aussicht versperrt, sieht er die Figuren nichb. Au point de vue anatomo-pathologique, on trouva chez ce patient un gliome Btendu dans l’h6misph8re droit. HBmorrhagies pie-m6riennes dans le lobe occipital gauche.

Le trait commun de ces patients est que les hallucinations disparaissent, quand ils ferment les yeux. Mais qu’il n’en soit pas toujours ainsi, on en a la preuve dans le fait suivant.

5. Thomaschewsky et Szimonowitsch. (Wjestnik Psichiatrii, VI, 1888) dCcrivent 1111 cas avec hallucinations h6milatBrales, sans hBmianopsie, h I’occasion d‘une lCsion du crlne. Ces hallucinations ne disparaissent pas avec l’occlusion des yeux. Le fait est n6an- moins un peu en dehors de notre sujet, puisqu’il existait lion pas une hhmianopsie, mais seulement des hallucinations h6milatBrales.

Comme on le voit par cette petite revue, il ne semble pas qu’on ait aouvent recherche ce que devenaient lee hallucinations h6mian- optiques en cas d’interception de la lumihre.

I1 est du reste fort possible que, pour la localisation du foyer pathologique, la question ait moins d’importance que d’int6rdt thhorique. Dans l’h6mianopsie qui nous occupe il s’agit en effet

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CONTRIBUTION A L’I~TUDE DES HALLUCINATIONS. 267

surtout du ccm6canismeo d’origine des perceptions visuelles anor- males, qu’on appelle g6n6ralement des hallucinations de la vue. En multipliant lea observations dans ce domaine pathologique, on pourrait sans doute finir par comprendre le rBle que l’impression de la lumibre peut jouer dans le dkveloppement du genre d’hal- lucinations qui est ici en cause.

Etant donne que, dans mon observation et dans trois de celles qui ont 6th tithes, les hallucinations disparaissaient par l’inrer- ception de la lumibre, il y a lit un indice que l’impression de la lumibre p6riph6rique exerce une sorte d’action d6terminante sur la production des hallucinations.

On se demanders finalement: l’cc6pargnemento en croissant peut-il dans ce cas jouer un r61e dam le d6veloppement des hallu- cinations dites visuelles?

Autant que j’ai pu m’en rendre compte par la litt6rature m6di- cale se rapportant au sujet, aucune opinion n’a 6t6 encore formulee sur ce point. Bien que je ne me considbre pas en mesure de donner une r6ponse suffisamment motiv6e it la question, qui vient d’btre pos6e voici pourtant les raisons qui militent en faveur d’une relation entre les deux ph6nombnes:

L’interception des rayons lumineux qui entraina la dispa- rition des hallucinations put en fin de compte Btre limitbe de telle sorte qu’elle repondait uniquement au (croissant p6riph6rique)b (per iph er e sichelf or mige Ausspar ung) li br e .

Les conditions de la perception optique dans les parties les plus internes (nasales) de la retine (et qui repondent au cccrois- sant p6riph6riquen) sont fort peu propices B une vue distincte des objets. Dans cette region l’acuit6 visuelle est certainement inf6rieure au dixibme de la normale. De plus, il existe probable- ment un astigmatisme fortement accuse en raison de l’incidence oblique de la lumibre it travers le cristallin et la corn6e.

Si Yon r6fl6chit enfin que les images, B plusieurs Bgards d6form6es et confuses, que le patient voyait dans le ((croissant p6riphbriqueo n’6taient pas, au moins dans le cas prhsent, en un rapport de continuit6 avec l’image des objets environnants, qui se dessinaient sur la moiti6 ctvoyanteo de la &tine, on comprend la difficult6 qu’6prouvait le patient it d6crire les images qu’il perce- yait en provenance de son ((croissant ph6riph6rique)).

Dans ce qui pr6cbde je n’ai fait que signaler quelques unes des raisons permettant d’expliquer, chez mon malades, une partie de ses hallucinations visuelles en tant qu’illusions de la vue. Mais,

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e n ce faisant, j e ne pretends pas que les hallucinations visuelles accompagnant l’hemianopsie n’aient pas bt6, en d’autres circon- stances, de vbriatbles hallucinations d‘origine centrale. Ce dernier cas se rbaliserait si, dane des faits uMrieurs, on constatait que les hallucinations ne se laissent nullement influencer par l’inter- ception des rayons liimineux.

Indioations bibliographiques.

Eskuchen, Karl, Uber halbseitige Cfesichtshalliicinationen und ha l l - seitige Sehstorungen, (Diesertation), Heidelberg 1911. Wilbrand u. Sanger, Die Neurologie des Auges, VII, 1917. S. E. Henschen, Hygica 1910, Stockholm. S. E. Henschen, ‘Acta med. Scand. 1923.