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BULLETIN NUMÉRO 1 1 Coordination contre la société nucléaire Texte de présentation U ne coordination nationale de collectifs anti-nucléaires s’est consti- tuée suite à la manifestation parisienne de janvier 2004 afin de ras- sembler, au départ au sein de «la mouvance libertaire», les individus et les groupes soucieux de poursuivre une critique de l’industrie nucléaire civile, ainsi que de la société qui la produit et qu’elle contribue en retour à trans- former. Nous souhaitons aussi ne pas négliger les aspects militaires du nu- cléaire, que la critique a souvent tendance à oublier à l’heure actuelle, ou à identifier de manière un peu trop simpliste avec le nucléaire civil. La base minimum d’accord pour la constitution de cette coordination fut le refus des buts et des méthodes du Réseau pour sortir du nucléaire, qui dans la régression actuelle voudrait se présenter comme «le» mouvement anti-nucléaire et «la» voie réaliste pour une sortie à terme. A l’opposé de ce réseau-lobby, notre minimum d’accord implique : D’œuvrer pour une sortie immédiate et inconditionnelle du nucléaire, aussi légères que soient nos forces, et faibles les chances de voir se réaliser cette exigence – pourtant minimale devant la folie que constitue une pro- longation de cette industrie, quelque forme qu’elle prenne. La défense impérative de notre indépendance et le refus de toute com- plaisance avec quelque appareil politique que ce soit – puisque aussi bien tous sans exception peuvent être qualifiés de nucléaristes et ont générale- ment œuvré activement pour imposer cette industrie à la société. Un mode de fonctionnement basé sur la libre association, la prise de dé- cision en commun et le contrôle strict de toute délégation de pouvoir. Bref, le refus de la séparation entre organisateurs et piétaille militante juste bon- ne à manifester devant les médias, voire entre dirigeants et activistes pro- fessionnels. Notre but n’est pas d’acquérir une «pseudo-représentativité» comme lobby, en multipliant les signatures ou les adhésions formelles, mais de dé- Bulletin numéro 1 Janvier 2006 Sommaire Activités Paris Page 6 Tract «En attendant les liquida- teurs, faites place aux cobayes !» Amiens Page 8 Réunion-projection. Tract «Trains nucléaires, trains de la mort». Reims Page 10 Intervention sur le site militaire de Moronvilliers. Tract «Mourir à Moronvilliers». Essonne Page 12 «Discipline nucléaire», critique du du nucléaire : les simulations, etc. Paris Page 13 Tract «Retour d’expérience», par Lonesome cobaye… Amiens-Reims Page 15 Tract diffusé à Bac-le-Duc contre les poubelles nucléaires en Meuse. Informations Page 16 Les luttes en Val Susa, dans le Piémont, contre le TGV. Images Page 17 Des vidéos contre le nucléaire, par le groupe Louise Becquerel. Notes de lecture Page 18 «Le complexe nucléaire…», de Bruno Barrillot. «Le Mémento Malville…», de Simples Citoyens. Retour sur le passé Page 20 Le Carlos, coordination radicale antinucléaire des années 1970.

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BULLETIN NUMÉRO 1 1

Coordination contre la société nucléaire

Texte de présentationUne coordination nationale de collectifs anti-nucléaires s’est consti-

tuée suite à la manifestation parisienne de janvier 2004 afin de ras-sembler, au départ au sein de «la mouvance libertaire», les individus et lesgroupes soucieux de poursuivre une critique de l’industrie nucléaire civile,ainsi que de la société qui la produit et qu’elle contribue en retour à trans-former. Nous souhaitons aussi ne pas négliger les aspects militaires du nu-cléaire, que la critique a souvent tendance à oublier à l’heure actuelle, ouà identifier de manière un peu trop simpliste avec le nucléaire civil.

La base minimum d’accord pour la constitution de cette coordinationfut le refus des buts et des méthodes du Réseau pour sortir du nucléaire,qui dans la régression actuelle voudrait se présenter comme «le» mouvementanti-nucléaire et «la» voie réaliste pour une sortie à terme. A l’opposé de ceréseau-lobby, notre minimum d’accord implique :● D’œuvrer pour une sortie immédiate et inconditionnelle du nucléaire,aussi légères que soient nos forces, et faibles les chances de voir se réalisercette exigence – pourtant minimale devant la folie que constitue une pro-longation de cette industrie, quelque forme qu’elle prenne.● La défense impérative de notre indépendance et le refus de toute com-plaisance avec quelque appareil politique que ce soit – puisque aussi bientous sans exception peuvent être qualifiés de nucléaristes et ont générale-ment œuvré activement pour imposer cette industrie à la société.● Un mode de fonctionnement basé sur la libre association, la prise de dé-cision en commun et le contrôle strict de toute délégation de pouvoir. Bref,le refus de la séparation entre organisateurs et piétaille militante juste bon-ne à manifester devant les médias, voire entre dirigeants et activistes pro-fessionnels.

Notre but n’est pas d’acquérir une «pseudo-représentativité» commelobby, en multipliant les signatures ou les adhésions formelles, mais de dé-

Bulletin numéro 1Janvier 2006

SommaireActivités ● Paris Page 6

Tract «En attendant les liquida-teurs, faites place aux cobayes !»

● Amiens Page 8Réunion-projection. Tract «Trainsnucléaires, trains de la mort».

● Reims Page 10Intervention sur le site militairede Moronvilliers. Tract «Mourir à Moronvilliers».

● Essonne Page 12«Discipline nucléaire», critique dudu nucléaire : les simulations, etc.

● Paris Page 13Tract «Retour d’expérience», par Lonesome cobaye…

● Amiens-Reims Page 15Tract diffusé à Bac-le-Duc contreles poubelles nucléaires en Meuse.

Informations Page 16● Les luttes en Val Susa, dans

le Piémont, contre le TGV.

Images Page 17● Des vidéos contre le nucléaire,

par le groupe Louise Becquerel.

Notes de lecture Page 18● «Le complexe nucléaire…»,

de Bruno Barrillot.● «Le Mémento Malville…»,

de Simples Citoyens.

Retour sur le passé Page 20● Le Carlos, coordination radicale

antinucléaire des années 1970.

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fendre des idées et une critique quechacun puisse s’approprier par lui-même. De tels principes de fonc-tionnement ont porté dans l’histoirele nom de démocratie directe, et lesmultiples formes de récupération etde déformation qu’ont connues cesprincipes – jusqu’aux appels actuelsà la «démocratie participative» – nenous dissuadent pas de revendiquerce nom. Remarquons enfin que lacritique du nucléaire avec ses inévi-tables aspects techniques et la «spé-cialisation» qu’ils imposent exiged’être d’autant plus vigilants pouréviter que ne se reproduisent desrôles hiérarchiques, comme la figu-re du «contre-expert».

Une des raisons les plus fondéesde refuser le nucléaire reste la me-nace d’une catastrophe majeure quefait courir la poursuite de cette in-dustrie. Dans une époque de fai-blesse des mouvements sociaux etde régression des consciences com-me la nôtre, où les aspirations à unetransformation sociale émancipatri-ce se font toujours plus évanescen-tes ou désarmées, c’est peut-êtrel’argument qui sera le moins inaudi-ble pour l’ensemble de la popula-tion, bien que nous sachions depuisTchernobyl l’inanité des espoirsdans une «pédagogie des cata-strophes», et que les inquiétudes dif-fuses débouchent plus aujourd’huisur la demande de protection del’Etat que sur la critique et la remiseen cause.

La probabilité d’une catastrophemajeure en France ne va cesser decroître dans les années qui viennentavec la décision de prolonger de dixans la vie des centrales. C’est entout cas ce que semblent penser lesdirigeants, vu la série de mesuresqu’ils sont en train de prendre, pré-parant dès maintenant l’après-catas-trophe. Et c’est pourquoi la revendi-cation de sortie du nucléaire envingt ou trente ans est particulière-ment inconséquente.

Cette menace de catastrophen’empêche pas les dirigeants d’envi-sager la possibilité de relances deprogrammes nucléaires civils, à l’é-chelle française, européenne, et mê-me mondiale : avec des centrales detroisième génération comme l’EPRfranco-allemand, de quatrième gé-nération comme celle du program-me Inpro de l’Agence internationalede l’énergie atomique, ou encoreavec des centrales thermonucléairesdont Iter devrait être le prototype,gérées par l’AIEA et les Etats lesplus nucléarisés de la planète.

De même, derrière l’écran de fu-mée des traités sur la non-proliféra-tion des armes nucléaires et sur l’in-terdiction de leurs essais grandeurnature, la course à l’extension et à lasophistication de l’arsenal nucléairereprend de plus belle, course queles cinq puissances qui en détien-nent officiellement le monopolecomptent contrôler pour leur béné-fice exclusif. A côté des bombesdestinées à terroriser les popula-tions, issues de la Guerre froide, el-les envisagent d’en construire d’aut-res, beaucoup moins puissantes

mais plus adaptées aux conditionsdes guerres «préventives» modernes.En tout état de cause, l’anticipationla plus exacte possible des tendan-ces en train de s’installer serait desplus utiles.

Mais la probabilité d’un acci-dent majeur n’est pas la seule raisond’arrêter immédiatement l’industrienucléaire. Le fonctionnement nor-mal du nucléaire (sans catastrophemajeure) est inséparable de consé-quences sanitaires catastrophiques :pollution par le fonctionnement descentrales, production suicidaire dedéchets, avec parmi ceux-ci les cen-trales elles-mêmes après leur arrêt.Ce fonctionnement implique ausside nombreux périls connexes à tousles stades de la production, qui peu-vent être autant d’occasions d’inter-venir en les dénonçant : transport etstockage des déchets, disséminationdes sources radioactives, pollutionlors de l’extraction des combusti-bles, contaminations diverses destravailleurs du nucléaire (et inci-demment traficotage des embau-ches, des conditions de travail etdes normes de sécurité), recyclagedes déchets dans l’industrie, lesBâtiments et Travaux Publics ; sansoublier les menaces terroristes vis-à-vis des sites, menaces tout à fait cré-dibles, même si le pouvoir utilisedésormais cette question comme ar-gument central pour sa propagandeet sa politique de militarisation.

La technologie nucléaire et sondéploiement ont aussi, en-dehors deleurs implications sanitaires, des

PRÉSENTATION

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conséquences politiques et sociales,et des effets sur les consciences ab-solument opposés à toute aspirationà la liberté et à la dignité humaines,ou à la recherche d’une autonomieindividuelle et collective réelle. C’està raison que l’on a pu parler à leurspropos de «technologies contre-in-surrectionnelles préventives» ou de«glaciation nucléaire» de l’histoiredes sociétés humaines.

L’histoire du nucléaire fût d’a-bord l’histoire de la Bombe, et del’avènement d’une forme nouvelleet terrible de domination avec unmonopole étatique sans précédentsde la puissance et de la violencedestructrice absolue ; avec aussi lacréation par le capitalisme d’un pro-cessus technique et bureaucratiqueincontrôlable, se développant demanière autonome, et très difficile àarrêter rapidement. En cela, et mal-gré leurs différences, le nucléaire ci-vil est bien la parfaite continuationdu nucléaire militaire.

Par le risque qu’il représente, lenucléaire participe aujourd’hui àl’ambiance sécuritaire au nom de la-quelle les individus devraient aban-donner les derniers lambeaux de li-berté qu’il leur reste – ambiance sé-curitaire dans un sens qui dépassela sécurité en terme de police et d’u-tilisation d’instruments coercitifs, etoù le besoin de protection devantdes catastrophes tant sociales qu’é-cologiques a toute sa place. Il pro-duit ainsi, par la terreur larvée qu’ilinstille, par la dépossession qu’il in-carne, une mentalité accablée et ré-signée, bref soumise, et une dépen-dance de fait aux spécialistes,jusque dans une hypothétique pha-se d’arrêt et de démantèlement del’ensemble de la filière.

Enfin, le nucléaire répond auxnécessités de production massive etcentralisée d’électricité des sociétésindustrielles modernes.

Certes, contrairement à un argu-mentaire simpliste parfois repris parles antinucléaires radicaux, et para-doxalement encouragé par la pro-

pagande des nucléaristes eux-mê-mes, une industrie nucléaire civileomniprésente n’est pas du tout in-hérente aux sociétés de consomma-tion de masse modernes : il existenombre de sociétés de consomma-tion modernes, et non des moind-res, où la part du nucléaire dans laproduction électrique totale estbeaucoup plus marginale qu’enFrance (cf les USA), voire inexistan-te (cf l’Autriche et le Danemark). Lechantage d’EDF sur «le nucléaire oula bougie» est donc bien avant toutun gros mensonge chargé de dissi-muler l’aberrante exception françai-se en matière de nucléaire.

Il n’en est pas moins vrai – etc’est pour nous décisif – que lenucléaire est, en France, par sa pro-pagande récente, et surtout par sonexistence réelle, le partenaire privi-légié d’un mode de vie consuméris-te et confortablement irresponsable,d’une fuite en avant dans laconsommation passive de marchan-dises comme mode de vie à la foisrésigné et schizophrénique, qu’ontdiffusé comme un cancer les der-nières décennies. Il encourage etpermet notre dépendance vis-à-visde l’absurde et misérable «confortélectrique» (chauffage électrique,TGV, électro-ménager, TV, hi-fi, etmaintenant «Technologies de l’infor-mation et de la communication»).

Dans le monde qu’ont produit lasociété industrielle et chacune deses technologies depuis un demi-siècle – et dont le nucléaire est uneespèce de concentré, de forme idéa-le – la soumission de chacun aux

impératifs de l’économie, à ses fauxbesoins, à sa propagande, a substi-tué la satisfaction des petits capricesdu consommateur à la liberté vérita-ble, et a fait oublier la différence en-tre les besoins et les désirs authen-tiques, et les envies manipuléespour les marchandises et les gad-gets.

Au-delà du redoutable cas parti-culier du nucléaire, c’est en fait laquestion des besoins réels propres àune société qui se trouve au cœurde notre démarche critique. Si noussommes opposés au nucléaire et àson monde, c’est parce que nousconsidérons que seule une société

PRÉSENTATION

BULLETIN NUMÉRO 1 3

Où et commentnous joindreCoordination contre la société nucléairec/o CNT-AIT, BP 46, 91103 Corbeil cedex

● EgrégoreBP 1213 51058 Reims cedex

● Collectif contre la société nucléairec/o CNT-AIT, BP 46, 91103 Corbeil cedex

● Stop nucléaire Lyonc/o Librairie La Gryffe5, rue Gryphe, 69007 Lyon

● Collectif libertaire amiénois antinucléaireCNT-AIT c/o CTC, 151, rueDejean, 80060 Amiens cedex 9

● STABP 1021, 76171 Rouen cedex 1

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en mesure de définir ses propresbesoins en dehors de toute considé-ration mercantile et de tout fétichis-me technique pourrait être réelle-ment libre. Certes, la société ac-tuelle, avec le mode de vie qu’ellegénéralise de gré ou de force, nousapparaît éminemment critiquablenon seulement à cause des nuisan-ces et des dangers qu’elle produitinévitablement, mais aussi à causede l’effarante pauvreté de son usagede la vie ou de sa conception dubonheur et de la richesse humaine.C’est pourquoi, si une chose aussiinvraisemblable qu’un nucléairesans danger sortait un jour du cha-peau d’un magicien en blouse blan-che, nous trouverions tout aussi né-cessaire de nous y opposer.

Nous n’ignorons évidemmentpas qu’à notre époque l’immensemajorité de la population n’envisageplus de remettre en cause le modede vie qui lui est fourni par la pro-duction moderne, et donc la quanti-té aberrante d’énergie qu’elleconsomme, parce qu’elle en est de-venue tout à fait dépendante etqu’elle ne sait plus imaginer autrechose. Devant cette situation, lesécologistes d’Etat et leurs dupesmettent systématiquement en avantde prétendues alternatives tech-niques au nucléaire – énergies re-nouvelables et économies d’énergie– qui permettraient miraculeuse-ment de vivre de la même manière,et dans le même monde, mais sansles «problèmes» de pollution et lesrisques de catastrophes. Malheu-reusement pour eux ces prétendues

solutions techniques ne pourrontvraisemblablement que rester mar-ginales – et toujours centralisées ethors de contrôle des populations.Elles ont en réalité pour seulesconséquences de renvoyer dans unavenir indéterminé une sortie effec-tive du nucléaire.

En l’absence d’un profond bou-leversement de la société, de sonmode de production, et du mode devie de chacun, bref en l’absenced’une révolution, il n’existe toutsimplement pas d’alternative tech-nique au nucléaire qui soit satisfai-sante sur le plan écologique. Pourautant, il serait évidemment absurdede prétendre attendre une révolu-tion pour mettre un terme à la fuiteen avant du nucléaire alors que cel-le-ci risque d’être imposée partoutdans le monde.

Il est donc très vraisemblableque dans le contexte actuel un arrêtde la production d’électricité nu-cléaire impliquerait une augmenta-tion considérable de la productiond’électricité à partir de charbon, degaz, ou de fioul. Et il est bien évi-dent que cela reposerait à court ter-me d’autres problèmes environne-mentaux très graves.

Si une telle réforme était déci-dée, cela constituerait bien sûr ensoi un net progrès de la situation, enréduisant considérablement lesrisques les plus immédiats pesantsur nos têtes. Mais il est très impro-bable que l’Etat français prenne cet-te décision de lui-même. Si parcontre un arrêt du nucléaire étaitimposé par un mouvement socialcela témoignerait d’un changement

considérable, et d’une fin de la pas-sivité des populations dépassant detrès loin la seule question nucléaire,et augurant de bouleversements po-litiques beaucoup plus généraux.

C’est pourquoi nous pensonsque la reconstruction d’un mouve-ment antinucléaire conséquent exi-ge d’abord de refuser de considérersous l’angle exclusivement techni-que le problème social du nucléaireet de mettre au centre de notre cri-tique la question politique. Il s’agitdonc de poser d’abord la question :«Qui décide ?» et de soulever lescandale d’une folie imposée parl’Etat, à la fois conséquence ultimede la logique utilitariste et quantifi-catrice abstraite du capitalisme mo-derne, et choix irrationnel mêmed’un point de vue économique.

Mettre ainsi en avant la questionpolitique c’est s’efforcer de contri-buer à la renaissance de la discus-sion publique autonome de nosconditions de vie en refusant lemonopole de la parole des médiaset des spécialistes – le premier pasindépassable pour voir peut-être ré-apparaître une force sociale suscep-tible de combattre le nucléaire et lereste.

PRÉSENTATION

BULLETIN NUMÉRO 1 4

La psychologie de masse de l’èrenucléaire aux Etats-Unis, au cours de laGuerre froide. Eros voilé par Thanatos,ou l’érotisme refoulé et mis au servicede la terreur d’Etat.

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En conclusion de ces quelquesprécisions quant à nos raisons derefuser le nucléaire, se pose la ques-tion des perspectives d’interventionsque nous envisageons de suivre etdes buts qu’il nous semble réalistede poursuivre pour cette coordina-tion. L’écrasement du mouvementanti-nucléaire depuis des annéescomme l’apparition de menacesplus récentes – que ce soit l’enva-hissement de nouvelles technolo-gies (comme les biotechnologies oul’informatique), la dégradation desrapports sociaux et des conditionsd’existence en général ou l’évolu-tion de la situation économique et«politique» – tout semble concourir àfaire détourner la pensée de noscontemporains de la menace nu-cléaire, devant des problèmes plusrécents et plus immédiats.

Il importe de réaffirmer quepour être ancienne la question n’enest pas moins toujours aussi actuel-le et que ses conditions générales,les problèmes qu’elle pose, se sontaussi transformés, même si il fautbien constater que pour l’essentielnous sommes obligés de répéter en-core et toujours la même chose, etque le découragement qui en résul-te est certainement une des sourcesde la faiblesse persistante de la cri-tique antinucléaire.

Toutes les occasions sont bonnesde faire entendre des voies discor-dantes – par voie d’affiches, tracts,bulletins, interventions, conféren-ces-débats – d’essayer d’informer etde sensibiliser aux aspects les plusactuels du nucléaire, de stigmatiserles innombrables complicités, de

démonter les rhétoriques nouvellesou remises au goût du jour qui semettent en place, jouant toujoursplus des airs contradictoires pours’efforcer de concilier la technologienucléaire par essence ultra-centrali-sée et autoritaire avec les formesplus modernes de contrôle socialsymbolisées par Internet, avec les-quelles la dépossession est certestoujours aussi réelle mais plus diffu-se et dissimulée derrière le «réseau»et la participation.

Il nous faut donc désormais criti-quer à la fois l’habituation à la cata-strophe et l’endormissement, le sec-ret-défense et la transparence, laculpabilisation par la co-responsabi-lité chère au citoyennisme et la va-lorisation de besoins créés de toutepièce. Dans ce contexte, nous nepouvons qu’œuvrer à recréer unmouvement antinucléaire qui tentede peser sur la situation, en ouvrantle débat, en avançant dans la com-préhension des choses (du nucléai-re, de la soumission), en tentant defaire évoluer ces questions, tout ens’opposant radicalement à la lo-gique nucléariste. ■

Paris, juin 2005Coordination contre la société nucléaire

P.S. Il va de soi que ce texte rend comp-te de l’état actuel de nos discussions etqu’il reste ouvert.

PRÉSENTATION

BULLETIN NUMÉRO 1 5

BrèvesAreva : le nucléaire à l’école sous couvertd’écologie !

Pour la rentrée 2004, le minis-tère de l’Education nationale apondu la circulaire n° 2004-110 relative à l’éducation àl’environnement pour le déve-loppement durable, laquelleest désormais incluse dans lesprogrammes dès l’école pri-maire. Pour le ministère, elledoit sensibiliser les élèves auxproblèmes de l’écologie, «quisont des problèmes globauxde société» et, par suite, «êtreancrée dans toutes les discipli-nes» afin de les rendre «éco-responsables». L’intention pa-raît noble, à première vue. Lessyndicalistes de l’Educationnationale, de sensibilité deplus en plus écologiste, c’estbien connu, ont accueilli favo-rablement la circulaire et n’hé-sitent pas, en règle générale, àl’appliquer. Pourtant, il suffitde la survoler pour saisir quelest l’objectif réel de l’Etat :transformer, dès l’enfance, lesfuturs citoyens en coresponsa-bles du désastre en cours et,en plus, faire auprès d’eux lapromotion du nucléaire ! Ain-si, c’est à Areva qu’est confiée,en grande partie, la noble tâ-che de former les maîtres enmatière d’écologie ! ●

Octobre 2005A. D.

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Al’occasion de la constructionde l’EPR à Flamanville, le gou-

vernement annonce à grands frais«le premier débat public sur descentrales nucléaires», accompagnéd’autres sur les lignes à très hautetension et les poubelles nucléaires.Tout cela orchestré par un organis-me pseudo-indépendant, la Com-mission nationale du débat public.Mais, en réalité, c’est l’Etat qui est levéritable maître du jeu. L’objectif dela Commission le montre bien :«Faire que la population participeaux discussions des experts».Lesquels, c’est connu, ne remettentjamais en cause le bien-fondé dunucléaire. Le cadre défini pour lesconférences le confirme : il s’agitd’ergoter à l’infini sur des détailstechniques, en particulier en matiè-re de sûreté, et de passer sous si-lence l’essentiel, sous prétexte desecret défense.

Ce que l’Etat veut nous faire accepter

Désormais, l’Etat français pré-tend aborder la question de la pro-tection des populations face auxdangers potentiels du nucléaire.Mais ce n’est qu’un écran de fuméedestiné à cacher l’essentiel : le main-tien et la relance des programmesnucléaires, civils et militaires, à l’é-chelle mondiale, ainsi que l’accepta-tion des risques qu’ils engendrent.C’est pourquoi, dans ces conféren-ces, le problème de la pollutionradioactive «normale» ou «exception-nelle» que les installations nucléairessont autorisées à rejeter n’est pasabordé. Et encore moins celui durisque d’accident majeur toujourspossible, même en France, avec lesconséquences effroyables qu’il im-plique : sanitaires, économiques etsociales. Les réflexions entre spécia-listes regroupés autour du program-me Sage montrent à quel point ils

s’y attendent. Ce programme a eneffet pour objet de faire accepteraux populations la survie en terraincontaminé, comme le montre l’unedes principales mesures prises : re-lever les normes admissibles pourqu’elles soient moins contraignan-tes. Paradoxalement, les normes deradioprotection n’ont pas cessé debaisser depuis plus de cinquanteans. La Commission internationalede protection radiologique, elle-mê-me institution officielle, reconnaîtqu’il n’y a pas de seuil d’innocuitéen matière de radiations : toute do-se comporte des risques. En réalité,par protection, l’Etat entend la sien-ne propre et la continuation du nu-cléaire contre ce qui pourrait le re-mettre en cause. Là, les experts encalcul des risques sont indispensa-bles. S’ils acceptent désormais d’enparler en public, c’est pour lescomptabiliser comme n’importequel courtier en assurances visant àsauvegarder la compagnie qui lepaye et pour qui les individus nesont que des pions. Et pour justifierl’existence de la société militariséeque le nucléaire nécessite inévi-tablement. Le nucléaire, c’est avanttout la dictature technologique pournous gérer, voire nous trier commedu bétail en cas de catastrophe.

Des décisions déjàprises

L’Etat a aujourd’hui l’impudencede présenter les conférences sur lenucléaire comme des nouveautés.Or, en matière de comédie, de «pri-se de pouls sur le tas» et de «mise àdisposition d’informations censu-rées», il n’en est pas au premier es-sai : des Commissions locales d’in-formations sur le nucléaire auxConférences citoyennes sur lesOGM. Inventées par Mauroy, alorsPremier ministre socialiste, en 1981,les CLI visaient à faire avaler les

ACTIVITÉS

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En attendant les liquidateurs,* faites place aux cobayes!

Démocratie deproximité, moded’emploi…

Décembre 1981«La commission peut disposerde l’ensemble des informa-tions et des études en prove-nance des promoteurs du pro-jet ainsi que de toutes les pres-criptions qui leur sont noti-fiées par les administrationsqui les contrôlent, à l’exclu-sion des secrets industriels etsous réserve des secrets de dé-fense nationale et des impéra-tifs de sécurité publique.»Circulaire sur la création desCLI, envoyée par Mauroy, Premierministre socialiste de Mitterrand,aux préfets.

Février 2002«Le débat vise à informer lepublic sur des projets d’amé-nagement d’intérêt national…Il est l’occasion d’apporter desréponses, dans les limites pré-vues par la loi, ➥ PAGE 7

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premiers programmes électronu-cléaires aux populations rétives en yfaisant participer les associationsécologistes. Pour l’essentiel, leur ac-tivité consistait, et consiste toujours,à écouter les monologues des nu-cléaristes d’EDF et à participer à desvisites guidées de centrales tailléessur mesure. La CNDP, créée sur lesconseils du même Mauroy en 1995,n’a fait que relooker et généraliserla recette des CLI. A la différencequ’aujourd’hui, l’Etat français faitmine d’associer la population hexa-gonale à des décisions qui engagentle présent et l’avenir de la popula-tion mondiale. Tchernobyl l’a déjàmontré : le nucléaire ne connaît pasles frontières. Les décisions ont déjàété prises ailleurs, non seulement auniveau de l’Etat français, mais aussipar le biais d’accords entre Etats, deconsortiums et d’institutions mon-diales qui, comme l’Agence interna-tionale de l’énergie atomique,** sontleurs promoteurs et les administra-teurs de la course folle au nucléai-re : de l’EPR et l’Iter jusqu’à la ges-tion planétaire des poubelles radio-actives. En réalité, l’Etat fait sem-blant de tenir compte des interroga-tions, voire des inquiétudes, des po-pulations locales pour leur faire ac-cepter l’inacceptable et les rendrecoresponsables de choses qui lesdépassent. C’est bien pratique encas de pépin : elles n’auront qu’às’en prendre à elles-mêmes. Et, enattendant d’être envoyées sur le ter-rain comme liquidateurs, elles sontconviées à jouer le rôle de cobayesdes programmes nucléaires exis-tants et à venir.

Des écologistes en malde reconnaissance

C’est donc dans ces conditionsoù les individus n’ont jamais étéaussi peu de chose, aussi atomiséset foulés aux pieds, aussi éloignésdes prises de décisions qui les en-gagent, que la mascarade de la «dé-mocratie de proximité» est mise enplace. Laquelle nécessite des inter-locuteurs et la participation de pré-

tendus délégués de la «société civi-le». Dans l’espoir de jouer lesconseillers du prince, les associa-tions écologistes, comme Green-peace, ont donc accepté les condi-tions draconiennes posées par l’Etatpour participer à la préparation dushow, passant sous silence les ex-périences lamentables du passé enla matière, escamotant la discussionsur le fond, peaufinant les ordres dujour pour cerner les détails et chica-nant pour faire accepter les expertsde leur choix. Mais la donne du jeunucléaire n’a pas changé. Il faut tou-te la veulerie intéressée des leadersécologistes pour s’offusquer aujour-d’hui que la Commission manie elleaussi la censure et que l’institutionnucléariste ne supporte même pasl’idée de leur présence. Au point deles amener à se retirer. Il ne pouvaitpas en être autrement.

Des enjeux qui ne sont pas les nôtres

A travers ces prétendues discus-sions, l’Etat veut nous enchaîner àdes combats qui ne sont pas les nô-tres. En particulier avec l’EPR.Personne ne sait si l’EPR fonctionne-ra comme prévu, pas même les tech-nocrates d’EDF qui, derrière l’appa-rente sûreté de leurs propos, avan-cent à tâtons en terrain miné. Surfond de crise de l’énergie et d’accu-mulation des facteurs de guerre, àtous les sens du terme, la course aucontrôle et à l’extension du marchéélectronucléaire reprend de plusbelle. Ces enjeux ne sont pas les nô-tres et nous refusons de prendre po-sition sur des questions qui ne nousconcernent pas, pas plus que de dis-cuter avec ceux qui nous les impo-sent et nous détournent de toutepossibilité de lutter réellement con-tre le nucléaire et la société qui legénère. C’est pourquoi nous ne pou-vons qu’inciter ceux qui refusent lenucléaire à saboter, pour le moins,ces espaces d’acceptabilité et desoumission à l’autorité de l’Etat. ■

30 octobre 2005Le collectif parisien

ACTIVITÉS

BULLETIN NUMÉRO 1 7

aux questionsqu’il pose, sans rechercher leconsensus… Le maître d’ou-vrage, quant à lui, devra sur-tout montrer ultérieurementcomment il a tenu compte deséléments portés au débat.»L’objectif du débat public initiépar la CNDP, par la commissionparlementaire encharge de la loiDémocratie de proximité, Mauroyrapporteur.

Août 2003«Toutes les informations rela-tives aux matières nucléairesprésentent désormais le carac-tère de secret de la défense na-tionale… Elles doivent donc êt-re classifiées et leur diffusionêtre strictement restreinte.»Ministère de l’Economie, arrêtéprévoyant des sanctions jusqu’à septans de prison en cas de divulgationde telles données, de la fabricationau stockage.

Novembre 2004«Bien entendu, le débat publicsur le réacteur EPR ne sauraitêtre considéré comme un dé-bat sur l’ensemble de la ques-tion nucléaire ni de l’ensemblede la politique française éner-gétique qui sont bien sûr desproblématiques beaucoup plusvastes.»Proposition pour un débatpublic exemplaire sur l’EPR,envoyée par Greenpeace, Les amisde la Terre, le WWF… à la CNDP.

* Liquidateurs est le nom donnéaux «volontaires», en règle généraledésignés d’office, chargés d’interve-nir juste après l’explosion sur le sitede Tchernobyl.

** L’AIEA, l’institution nucléaristemondiale, vient de recevoir le prixNobel de la paix pour sa prétenduecontribution à la lutte contre la pro-lifération des armes nucléaires.

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C’était le troisième débat* quele collectif organisait sur

Amiens, ce 10 novembre. Une qua-rantaine de personnes avaient fait ledéplacement pour discuter du ca-ractère policier et totalitaire de cetteénergie, en «fonctionnement nor-mal» comme lors d’une catastropheoù seule l’armée serait «apte» à gérerles conséquences. Ensuite, il nous afallu voir comment «nous nousétions habitués à cette situation».

Le film Discipline nucléaire dequelques amis(es) antinucléaires futun bon support à notre discussion.L’assistance fit apparaître de profon-des divergences entre d’une partceux qui cherchent à donner des al-ternatives énergétiques au nucléai-re, même si celles-ci sont dérisoirescomme l’éolien, et ceux qui souhai-tent parler de réels besoins et désirsà partir d’une autre organisation so-ciale. Il nous a fallu là supporter lapropagande d’un opposant localaux éoliennes** mais aussi les ré-ponses naïves d’antinucléaires duréseau Sortir du nucléaire et deVerts. Un des principes du collectifdans la tenue d’un débat est quetous les points de vue puissent s’ex-primer. Nous y avons réussi, hormisle RG présent. La deuxième satisfac-tion, c’est lorsque le débat s’enlisesur «la sortie technique du nucléaire»et qu’un camarade intervient en fai-sant cette déclaration :

«Nous ne pouvons continuer àdébattre sur la question du “com-ment gérer les choses”. Car agir ain-si, cela nous amène à dire ce quenous ferions à la place des gouver-nants et gestionnaires de ce mondeou bien à dire à ces derniers à quel-le sauce nous préférons être man-gés. Voilà une alternative que je re-fuse. Notre collectif se veut libertai-re, c’est bien de là qu’il faut partir. Il

s’agit de politiser le débat, donc deprendre position au sein de ce mon-de qui engendre le nucléaire entreautres saloperies. La seule questionqui mérite d’être posée en préalableà tout débat est : quelle vie mérited’être vécue ? Il est clair que je re-fuse le nucléaire parce que je refusece monde. Je ne cherche pas à sa-voir combien il faut d’éoliennespour remplacer une centrale nu-cléaire ; je dis d’abord que la volon-té de produire tant d’énergie sertavant tout à faire tourner des usinesde mort qui produisent gadgets etantidépresseurs. J’affirme que je n’aipas besoin du TGV – fort gourmanden énergie – car je veux prendremon temps. Bref, même s’il n’y au-ra jamais de sortie totale du nucléai-re à cause des déchets qui sont irré-médiablement là, il convient d’affir-mer notre volonté de sortir de cemonde de la domination en nous at-taquant à tous ses dispositifs. Enpréalable d’un projet aussi ambi-tieux, il convient de ne pas repren-dre son langage et ses catégories dejugement : nous ne voulons pas d’u-ne économie plus verte, nous nevoulons pas d’emplois écologiques.»

Là-dessus, un silence s’installedans la salle et je demande à l’assis-tance si ce silence est bien le signed’une approbation de ce qui vientd’être dit. Aucune objection ! Mêmes’il faut se garder de trop d’optimis-me sur cette réaction, elle reflètetout de même un désir de change-ment, même si refoulé par unmanque de réflexion ou de courage,voire par l’impuissance intérioriséeet généralisée.

Certains copains ont objecté ledébordement sur d’autres sujetscomme les OGM ou le citoyennis-me. Ceci est inéluctable. A nous derépondre à ces questions en étant le

plus concret possible, sur les causesdes échecs et les voies sans issuedes «récupérateurs politicards».Beaucoup d’informations ne sontpas connues du «public» et certainesréactions sont plus à mettre sur lecompte de la naïveté que de la mau-vaise foi ou de la soumission.

Bien entendu, nous n’avons paspu discuter des actions à mettre enœuvre pour saper les intérêts mo-raux et financiers des nucléaristes,mais nous sommes sûrs que ce dé-bat y contribuera. A suivre… ■

Octobre 2005M., du collectif amiénois

* Dès le début, le collectif amiénois atenu à lier des interventions locales à uneréflexion critique «nationale».

** Sur le département de la Somme,plusieurs projets de champs de quatre àsix éoliennes sont prévus. Quelques-unes sont en fonctionnement mais il s’a-vère que le préfet (gouvernement/Etat)veut de grands camps (en bordure descôtes, en mer ou bien encore sous lamer).

ACTIVITÉS

BULLETIN NUMÉRO 1 8

Réunion du collectif libertaire antinucléaire amiénois

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ACTIVITÉS

BULLETIN NUMÉRO 1 9

La SNCF transporte, c’est son rôle, elle n’est pas là pour poser desquestions pourvu que cela soit rentable. C’est pour la rentabilité que

la SNCF restructure, supprime des lignes, des postes, des trains de voya-geurs ou de fret jugés déficitaires. Alors, comment expliquer que lestransports de déchets nucléaires, les trains renforcés de CRS circulent d’unbout à l’autre du parcours accompagnés de cadres de la traction, des ca-dres du transport sont mobilisés à chaque relais. Le long des lignes, la sur-veillance est accrue, les polices et gendarmeries sont sur le pied de guer-re. De là à penser que ces transports sont subventionnés par l’Etat, laDéfense nationale (donc par notre exploitation) il n’y a qu’un pas. Nousqui pensions que les subventions étaient interdites par Bruxelles !

A une certaine époque, l’Etat français de Pétain ordonnait à la SNCF detransporter vers l’Allemagne dans des wagons à bestiaux des voyageurs, gê-nant l’accomplissement de l’ordre nouveau prôné par Hitler. La direction dela SNCF, sans état d’âme, a organisé de manière exemplaire ces transports.Mais il y eut des cheminots qui s’opposèrent, qui entrèrent en désobéis-sance. Aujourd’hui, pas de réaction, le nucléaire avec sa pseudo-propretéde façade passe pour la panacée au sein des populations, même s’il pollueirrémédiablement la planète pour des millions d’années. Aucun syndicat(conventionnel) ne s’est opposé à quoi que ce soit. Tout au plus certains,comme SUD, à l’image de Dominique Malvaud, membres du CNHSCT (LaVoie du rail du 4 avril 2001) qui déclare ne pas être contre à la conditiond’une totale transparence concernant ce type de transport.

La SNCF est également grande consommatrice de nucléaire. Les TGVsont particulièrement gourmands, ces trains sont la vitrine de la société ca-pitaliste, toujours plus loin, toujours plus vite, toujours à la recherche demarchés à l’étranger. Le tout-TGV à la SNCF désertifie des régions entières :le budget ne permet plus d’entretenir les lignes classiques, imposant des li-mitations de vitesse et une offre visant à décourager les voyageurs, parexemple, il faut 1 heure 30 min de plus qu’il y a 20 ans pour effectuer latransversale Nantes-Lyon, c’est plus rapide de faire Nantes-Paris et Paris-Lyon en TGV.

Le nucléaire est l’énergie indispensable de l’asservissement à la société.De part ses dangers propres et induits, seule une société parfaitement po-licée et militarisée permet son fonctionnement. Le nucléaire permet soit-disant l’indépendance énergétique de la France alors que l’uranium estmaintenant importé. C’est l’énergie la moins chère car on ne prend pas encompte le démantèlement des centrales en fin de course, les déchets quipolluent définitivement la planète. Les opposants aux transports existent. Ily a les pros de la politique qui briguent des sièges au parlement ou dans lesministères. Leurs positions sont aussi ambiguës que leurs personnalités : ilsarrivent à concilier capitalisme et écologie. Il y en a d’autres qui sont sûrsque la société industrielle détruit la planète et qui mettent tout en œuvrepour la sauver (blocage des transports des déchets ; oppositions à l’implan-tation de nouvelles centrales ou à la prolongation du fonctionnement descentrales existantes ; opposition à l’enfouissement des déchets nucléaires àvie longue). Nous sommes de ceux-ci. ●

Novembre 2004Collectif libertaire antinucléaire amiénois

Trains nucléaires,trains de la mortIl s’appelait Sébastien

Il avait 22 ansIl est mort, victime du nucléaire et du capitalismepour que vive l’avenir.

BrèvesLe syndrome du Golfe à la trappe !

Reprenant la thèse sur la «ra-diophobie» des populations nu-cléarisées par Tchernobyl, l’en-quête de l’Inserm affirme quele «stress», dû à la guerre, ex-plique pour l’essentiel lessymptômes signalés par les vé-térans français, les leucémieset les cancers n’ayant aucune«valeur significative». «Rienne démontre l’existence d’unsyndrome du Golfe», a indiquéen juillet 2004 le Pr Salomon,directeur de l’unité de l’Insermde Bordeaux dépendante de laDéfense, précisant «que seul lequart des sujets concernés ontparticipé à l’enquête». Or, Avi-golfe, l’un des lobbies de vété-rans du Golfe et des Balkans,indiquait en septembre 2004,que par «vétéran, le forfait estde 180 euros», pour «la radiodes poumons, la prise de sang,la consultation et les raresanalyses d’urines où ils ne re-cherchent pas l’uranium 236,déchet radioactif, cancérigèneet toxique.» Comme la grandemajorité des maladies nucléai-res mettent des années, voireplus, pour apparaître, l’omertanucléariste a de beaux joursdevant elle. Pour les popula-tions qui, de l’Irak aux Bal-kans, sont arrosées d’uraniumappauvri, il n’est bien sûr mê-me pas question d’enquête… ●

Décembre 2005A. D.

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Juste avant la dernière rencon-tre de la Coordination contre la

société nucléaire, le samedi 10 sep-tembre dans la matinée, nous noussommes rendus à une bonne ving-taine de personnes à Pontfaverger.Rappelons que cette commune abri-te la base militaire de Moronvilliersoù le CEA pratique des essais ditsfroids en utilisant des répliques d’unmodèle de bombe nucléaire où estremplacée la matière nucléaire com-me le plutonium par de l'uraniumappauvri et parfois quelques gram-mes de plutonium pour voir com-ment réagissent les explosifs chi-miques qui sont dans la bombe.

Il s’agissait avant tout de col-ler l’affiche de la coordination,Nucléaire : la voie criminelle, et detenter de rencontrer la populationqui, bien souvent, travaille sur ce si-te en lui distribuant un tract d’infor-mations connues* dans le but queles langues se délient. ce tract dé-nonçait les conditions de travail dessalariés embauchés par des entrepri-ses sous-traitantes du CEA, vérita-bles trimardeurs du nucléaire mili-taire, même si ici le véritable dangerest plus d’ordre chimique que d’or-dre nucléaire. Ce tract** se terminaitpar une dénonciation de la course àl’extension et à la sophistication del’arsenal nucléaire. Pour nous, «lut-ter contre les futures catastrophes…passe aujourd’hui par l’exigence dela fermeture de ce site de Moron-villiers».

Ce n’est pas la première fois quedes antinucléaires se rendaient danscette commune ; voici quelques an-nées les portes se refermaient et lesrues se vidaient. Là, nous avons, dèsnotre arrivée, tombé sur la sortie del’école communale. Même aprèsavoir lu notre texte, nous n’avonspas ressenti d’agressivité à une no-

table exception près : «Vous voulezque ce canton meure !» de l’anti-quaire du coin. Les langues ontcommencé à se délier lorsqu’un ha-bitant est sorti de sa maison pournous dire qu’il avait travaillé sur lesite (avec la personne de 35 ans quivient de mourir d’un cancer) enbleu de travail mais avec des chaus-sures de sécurité dans le démontaged’une aire bétonnée contaminée pardes expériences à l’air libre qui onteu lieu dans les années 1960-1970.Nous apprenons que d’autres per-sonnes viennent de décéder et qued’autres sont bien malades.

Nous ne pouvions pas quitter cevillage sans un contrôle de gendar-merie. C’est un «site sensible» sur-veillé en permanence par 21 gen-darmes sur les 24 que compte cettebrigade ! Alors que 4 d’entre nousn’avaient pas leurs papiers sur euxdont 2 mineurs, nous avons été sur-pris de la réaction des forces de ré-pression qui ne nous ont pas en-nuyés, se fiant aux déclarations ora-les des contrôlés(es). Du jamais vu !Comme quoi, le moral des troupesn’y est plus… ■

Septembre 2005D., d’Egrégore

* La porte de la cuve des essais ditsfroids a sauté en novembre 2004, plu-sieurs travailleurs de ce site viennent demourir d’un cancer, d’autres ont bien dessoucis de santé… Voir Courant alterna-tif 149 et 151.

** La copie de ce tract est disponible.Ecrire à Reims.

ACTIVITÉS

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Mourir à Moronvilliers…

BrèvesQui veut la peau de Nucléon ?

Samedi 15 octobre 2005 à lafête de la Science, dans les jar-dins du Sénat au Luxem-bourg, le stand de l’IRSN(Institut de radioprotection etde sûreté nucléaire) a été as-sailli par un Comité de lutteantinucléaire en plein après-midi. Il s’agissait de dénonceren acte l’infamie de cette mas-carade où l’on prétend expli-quer aux enfants, dans la joieet la bonne humeur, que ce quiempoisonne, tue et dépossèdeest bon. Un texte intitulé «Dubâton pour les guignols» a ac-compagné un déluge d’œufspourris et d’insultes essuyépar les pédagogues ébahis durisque radioactif. Notons aus-si qu’à cette occasion, Nu-cléon, «mascotte virtuelleinteractive» censée présenter«le travail de l’Institut», nousa quitté. Heureusement nousgardons un témoignage enimage de son exemplaire dévo-tion robotisée au mensongecontemporain. ●

Janvier 2006P.

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ACTIVITÉS

BULLETIN NUMÉRO 1 11

Officiellement, depuis 1996, il n’y a plus d’essais nu-cléaires en France, dans leur phase finale, c’est-à-direqu’il n’y a plus de bombe atomique qui explose com-me ce fut le cas dans le Sahara de l’Algérie française ouà Moruroa en Polynésie.

Par contre, des essais dits froids sont effectués àPontfaverger-Moronvilliers. Le CEA (Commissariat à l’é-nergie atomique) pratique des explosions en utilisantdes répliques d’un modèle de bombe nucléaire où estremplacée la matière nucléaire comme le plutonium parde l’uranium appauvri et, parfois, quelques grammes deplutonium pour voir comment réagissent les explosifschimiques qui sont dans la bombe. A Moronvilliers, laréaction en chaîne qui a lieu lors d’un essai grandeurnature n’a pas lieu. Mais nous sommes loin des essaisen laboratoire comme l’avait dit Chirac en 1996. En ef-fet, ici, il y a périodiquement des explosions qui, aprèsavoir été commises à l’air libre, ont lieu maintenantdans une cuve. En novembre 2004, le couvercle de lacuve a sauté et cela a créé une véritable panique sur cesite. Il y a donc eu rejet de poussières d’uranium ap-pauvri et peut-être d’autres matières tels le béryllium,employé dans les détonateurs des bombes nucléaires.

Entendons-nous bien, le véritable danger n’est pasici d’ordre nucléaire mais d’ordre chimique où quelquesmilligrammes de poussières avalées ou inhalées peu-vent provoquer des cancers. Dans la région, aucuneétude n’est faite sur l’éventuel impact de ces essais «àfroid» sur la santé des populations. Pour obtenir une tel-le étude, il faudrait une réelle volonté de lutte. L’Etatfrançais n’a jamais donné de précisions sur ces opéra-tions liées à la sale guerre nucléaire, qu’il s’agisse deMoruroa ou du désert algérien, qu’il s’agisse des popu-

lations civiles ou du personnel militaire. Il en allait desa crédibilité pour l’ensemble de son programme nu-cléaire.

De plus, comme dans tout site nucléaire qu’il soit ci-vil ou militaire, des salariés embauchés par des entre-prises sous-traitantes du CEA (ou d’EDF dans le cas decentrales nucléaires) font le sale boulot. Sous couvertdu «secret défense», ces salariés doivent évidemment setaire ; ils se taisent d’autant plus que le chantage à l’em-ploi s’exerce directement ou implicitement. Or, depuisquelques mois, des travailleurs perdent la vie en vou-lant la gagner pour avoir, par exemple, détruit aux mar-teaux-piqueurs, sans aucune protection, une aire bé-tonnée contaminée par des expériences à l’air libre quiont eu lieu dans les années 1960 et 1970. D’autres ris-quent dans ces prochaines années d’avoir de gravesproblèmes de santé pour avoir ramassé, après un essai,des échantillons dans les cuves.

Il est grand temps que les langues se délient, que lespersonnes concernées exigent des comptes de l’Etat surles conséquences de ces essais dits froids. A noter quel’association Aven (association des vétérans des essaisnucléaires) mène un travail juridique*. Derrière l’écrande fumée des traités sur la non-prolifération des armesnucléaires et sur l’interdiction de leurs essais grandeurnature se cache la course à l’extension et à la sophisti-cation de l’arsenal nucléaire. Demain, des populationsauront à subir des désastres. Lutter contre ces futurescatastrophes qui n’auront rien de naturel passe aujour-d’hui par l’exigence de la fermeture de ce site deMoronvilliers. ●

Septembre 2005Egrégore

* Aven http://[email protected] où on peut obtenir l’a-dresse du délégué marnaisde cette association : MichelCardon, 27, rue Lecomte-de-l’Isle, 51000 Châlons-en-Champagne.

Mourir à Moronvilliers

Nucléaire, la voie criminelle

Bombardier furtif américain larguant des bombes nucléaires de poche au cours d’essais enAlaska, vers la fin des années 1990. Pour les besoins de l’expérimentation, le plutonium a été rem-placé par de l’uranium appauvri.

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Depuis l’accident de Tchernobyl,on sait par expérience que l’ac-

cident majeur est possible. EnFrance les autorités et le lobby nu-cléaire s’y attendent et prennent desmesures préventives pour dégagerleurs responsabilités futures. Lemeilleur moyen pour cela, c’est deresponsabiliser toute la populationet d’associer à cette fin des ONG, in-dividus médiatiques et communautécivile dans des opérations humani-taires de communications et de pré-vention de la catastrophe. En fait,ces opérations ne visent qu’à l’habi-tuation à la catastrophe.

Ce sont des simulations (com-me à Paris ou à Belleville/Loire der-nièrement) qui s’avèrent être desentreprises surtout de contrôle so-cial totalement inopérantes et in-conséquentes en termes sanitairesoù le dispositif militaire est quasiabsent, uniquement en arrière-plan,juste pour suggérer qu’en cas d’ac-cident réel, c’est bien les militaireset eux seuls qui mèneraient les opé-rations de maintien de l’ordre et nonla sécurité civile. Avec le bordel quirègne lors de ces simulations, et ceserait sans doute pire en cas d’acci-dent, on comprend pourquoi lesautorités se préparent à cacher toutsimplement l’accident s’ils le peu-vent mais, surtout, à l’encadrer mili-tairement de façon conséquente. Leraccourci «Société nucléaire : sociétépolicière et militaire» prendra alorstout son sens.

Ce sont aussi ces distributions depastilles d’iode dans les aggloméra-tions proches des centrales qui s’a-vèrent inefficaces si elles ne sontpas prises dans de bonnes condi-tions, 1 à 2 heures avant l’exposi-tion, et inopérantes quelques heuresaprès leur prise. Elles sont sensées,en effet, protéger de l’iode radioac-tif afin que celui-ci ne se fixe passur la thyroïde, mais c’est masquer

ainsi toute la gamme des autresradio-éléments encore plus dange-reux que sont les césium, thorium,uranium, etc., dont les effets et lesdurées de vie sont pires. Un grosbluff donc, vu le secret qui entoure-rait un accident et son rayon d’ac-tion !

Ce sont encore dans les médiasces révélations au compte-gouttesdes mensonges passés de l’Etat etdes nucléocrates. Journaux, radioou télé y vont de leurs entrefilets ouémissions spectaculaires, procès,etc., qui découvrent les dégâts aprèsles avoir tant tus. Il est nécessaire des’interroger : pourquoi les autoritésacceptent de revenir sur des men-songes passés qu’ils ont tenu bec etongle, comme le fait que les diversessais ou accidents radioactifs n’au-rait provoqué aucun dommage.Nous assistons ici après le fait ac-compli, et grâce à une pseudo-transparence, à une vaste entreprisede manipulation pour l’acceptationpar la société civile toute entière àcogérer la future et inévitable cata-strophe et ses dégâts.

Ce sont enfin, entres autres, cesplans de réhabilitation des territoi-res contaminés en Bélarus qui, sebasant sur un manque d’études sa-nitaires antérieures, refusent d’attri-buer à l’accident de Tchernobyl lesconséquences de maladies causéespar la contamination interne. Pourles nucléocrates, la contaminationinterne n’existe pas car elle ne peutpas se prouver par des études sta-tistiques, ce n’est donc que de laradiophobie entretenue par les anti-nucléaires. Le but des nucléocratesest la préparation à la survie en mi-lieu contaminé, au Bélarus commeailleurs, le codex alimentarus quipréconise des normes hautes admis-sibles dans l’alimentation en estl’illustration. Cette mesure permet-trait de minimiser les conséquences

sanitaires d’un accident mais aussid’accepter des denrées produites enterritoires contaminés. Avec l’irra-diation industrielle des aliments, pu-diquement nommée ionisation pourpas effrayer le pèlerin, notre envi-ronnement s’avère des plus radieux.

Avec la Bombe, nous étions pré-paré au risque nucléaire militaire etsa destruction totale qui a engendréce comportement d’aveuglement :«Après moi, la fin du monde». Maisle nucléaire en général et sa logiquedisciplinaire risque bien d’être en at-tendant la fin de l’espoir d’un mon-de, celui d’un monde humain,émancipé et autonome, tel quenous le concevons. C’est sans doutepourquoi, à l’heure où les nucléo-crates remontent de plus belle aufront afin d’enfoncer plus loin leclou de la domination, à l’heure oùils ressortent leurs armes de prédi-lection (mensonges, manipulations,discours d’experts) que le 14 mars2005, un groupe d’individus anony-mes a interrompu dès son ouvertu-re le séminaire européen Sage* quise tenait à Paris. Les nucléocratesprésents ont été copieusement arro-sés d’œufs pourris, de purin et depeinture. Juste retour d’expérience,évidemment trop symbolique, pourrépondre à leur travail de défensede l’industrie nucléaire. Le texte sui-vant a été laissé sur place. ■

Octobre 2005J. & J., de l’Essonne

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Discipline nucléaire !

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L’expérience biélorusse deTchernobyl fait figure d’avant-garde. Aussi soviétique quesoit considéré l’accident d’avril1986, ses conséquences déme-surées n’en concernent pasmoins la fine fleur de l’atomeoccidental. Un nucléocrateaverti en vaut deux.* Une peti-te sauterie entre amis au Cnamà Paris, le 14 mars 2005 : c’estl’ultime étape d’un programmenucléaire européen dénomméSage (voir ci-contre dans letract). Aboutissement de plusde dix années de recherchesdans une Biélorussie définiti-vement irradiée par l’accidentnucléaire de Tchernobyl, cecolloque rassemble une im-pressionnante brochette d’ex-perts : les tenants européensde la «gestion du risque ma-jeur» sont tous là, main dansla main avec les experts biélo-russes, pour étudier le fait ac-compli de l’irrépressible désas-tre nucléaire. L’initiative en re-vient au CEPN (le Centre d’étu-de sur l’évaluation de la pro-tection dans le domaine nu-cléaire), une pseudo-associa-tion à la pointe du risque nu-cléaire. En son sein on retro-uve une soixantaine de tra-vailleurs, qui viennent tousd’EDF, d’Areva et de la Co-gema. Les nucléocrates sontsavamment coordonnés parune société privée de commu-nication autour du risque,Mutadis Consultant. Les nu-cléocrates français expérimen-tent les conditions de vie dansune Biélorussie moribonde,main dans la main avec lesautocrates locaux qui assurentcoûte que coûte la continuitéde l’Etat. Soudain, des insul-tes, des œufs pourris, des gi-clées de faux sang s’abattentsur l’assemblée. Et ce tract estlancé ■

Janvier 2006J., de Paris

* «Il faut se préparer au cas où il yaurait un gros pépin.» Jacques Lochard,directeur du CEPN (l’institut chargé de laradioprotection en France) et coordina-teur de Sage.

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Retour d’expérience

Parce qu’il est inconcevable pour tout pouvoir d’assurer l’évacua-tion des zones contaminées, la catastrophe de Tchernobyl a produit

huit millions de cobayes condamnés à survivre sur des territoires dévastésà jamais. Mais elle a aussi produit une nouvelle génération de nucléocrates,Vous, tout entiers dédiés au contrôle social. Vous déclarez : «Vivre sousTchernobyl, c’est réapprendre à vivre, à vivre autrement, intégrer au quoti-dien la présence de la radioactivité comme composante nouvelle de l’exis-tence…» et vous organisez l’invisibilité du désastre. Avec les programmesEthos** et Core**, conduits par l’industrie nucléaire, vous avez, enBiélorussie, «aidé» les populations à faire comme si elles pouvaient vivrenormalement dans des conditions qui les tuent. Vous appelez cela «le déve-loppement durable sous contrainte radiologique». Armés de compteursGeiger et puant la bonne conscience, vous êtes allés jusqu’à expliquer auxfemmes enceintes qu’elles devraient se «réapproprier leur environnement».Riche de votre expérience, la Commission européenne a maintenant besoinde vous pour en appliquer les conclusions ici. Car les Etats européens sesont rendus à l’évidence : le développement actuel du nucléaire «imposed’envisager l’éventualité d’un tel accident». Le projet Sage que vous finali-sez vise à anticiper une telle «surprise» en formant les habituels relais dupouvoir (professionnels de l’éducation et de la santé) à une «culture de pro-tection radiologique», véritable guide de conduite pour apprendre à creveren comptant les becquerels.

Votre sale boulot prend tout son sens une fois mis en relation avecles dernières décisions de l’Etat : en effet, les illusoires mesures de seuils deradioactivité viennent d’être revues à la hausse, normalisant une alimenta-tion et une agriculture irradiées. Vous n’êtes qu’un rouage de cette vaste en-treprise de camouflage qui consiste à accoutumer les esprits au fait accom-pli. Et, dans cette scénographie, il ne manque pas d’écologistes collabos(Acro...), de scientifiques marginalisés (Belrad), pour jouer les faire-valoirde ce projet négationniste. Toute cette affaire vise à organiser l’acceptationet la «confiance sociale» nécessaires à la relance actuelle des programmesnucléaires, civil et militaire (EPR, Iter, uranium appauvri, Laser mégajou-le...). Pour être pleinement efficace, votre travail de dissi-

Aux experts nucléaristes européens et à leurs sup-plétifs réunis au Conservatoire nationale des artset métiers pour finaliser le programme Sage*

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mulation experte se double d’un spectacle télégénique où fi-gurent girophares, blouses blanches et tenues NRBC, la simulation.

Aujourd’hui, dans une station de RER, dans la cour d’un hôpital, surune base militaire, dans le «périmètre» d’une centrale, dans les champs, lessimulations sont partout. La mise en scène militaire de la défaillance et desa résolution par des praticiens «efficaces» sont les deux faces d’un mêmeprojet de domination. Fardée d’images et bardée d’experts, la catastrophepeut alors s’effacer dans un quotidien ininterrompu «d’incidents significa-tifs», de «disparitions [de sources radioactives] dans le nucléaire de proximi-té», d’«actes de malveillance», de «retours d’expérience», d’«accidents domes-tiqués», de distribution de pastilles d’iode et d’«amélioration des méthodesd’interaction avec les populations». Bien sûr, cette habituation à laquellevous travaillez n’a pas pour finalité d’empêcher une catastrophe que l’arméeest désormais officiellement la seule «habilitée» à gérer.

En réalité, elle est là pour ajuster les rapports sociaux au désastreexistant et aux suites des catastrophes à venir. Comme le conseille l’illu-sionniste prestigieux Jacques Lochard : «Nous devons occuper le terrain.»Nous avons tenu cette fois à suivre son conseil et à venir couronner, com-me il se doit, votre travail de maquillage en faisant notre «retour d’expé-rience». ●

Paris, les 14 et 15 mars 2005 Lonesome cobaye not so

far away from Belarus

* Sage Stratégies pour une culture de protection radiologique pratique en Europe en cas decontamination radioactive suite à un accident nucléaire.

** Ethos (1996-2001) et Core (lancé en 2002) sont des projets de réhabilitation des conditionsde vie dans les territoires contaminés par l’accident de Tchernobyl. Tous ces projets sont coor-donnés par le CEPN, émanation d’EDF, du CEA, de la Cogéma, d’Aréva et de l’IRSN.

BrèvesSolidarité avec les opposant-e-s à la biométrie !

Déjà largement utilisée dansles prisons et dans le contrôledes flux migratoires, la biomé-trie pénètre aujourd’hui l’écolesous couvert «d’efficacité» etde «modernité» nécessaire.Des entreprises aux Etats, desindustriels aux institutionspara-étatiques et internationa-les, tout le monde participe au-jourd’hui à la prolifération decette technique du contrôle so-cial. La Cnil joue son rôle dansl’acceptation tandis que la Citédes sciences monte une expo-sition propagandiste avecSagem Morpho (groupe Sa-fran). Une vingtaine de per-sonnes a néanmoins décidé ennovembre dernier de dénoncerla présence de ces machines enles prenant pour cible dans lacantine d’un lycée de la valléede Chevreuse. Le tract laissésur place invitait les lycéens às’attaquer au contrôle «nonpas en tant que dispositif im-posé par une minorité à unesociété par essence libre, maiscomme le fonctionnement nor-mal du capitalisme moderne,au travail au supermarché,dans les transports, devantson ordinateur». La biométriey est présentée comme «unecomposante parmi d’autresd’un système scientifique ettechnologique qui est le pre-mier obstacle à la justice so-ciale et à la liberté». Trois deces individus passent en pro-cès le 20 janvier au tribunald’Evry. Nous seront avec eux,en espérant que ce procès nesoit que le début imposé et dif-ficile de ce qui pourrait deve-nir un front d’oppositionconséquent. ●

Janvier 2006P.

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Prototype d’avion militaire sans pilote (drone), financé par le Conseil de l’Europeet réalisé par le couple franco-allemand, dont le CEA. Le drone est porteur de la bombe E depoche, déjà opérationnelle et utilisée lors de la dernière guerre du Golfe. Le détonateur-ampli-ficateur, qui peut être nucléaire, produit des champs électromagnétiques susceptibles dedétruire les communications radio et la vie organique, à l’échelle de quartiers.

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Le nucléaire est le scandaled’une folie imposée par l’Etat.

Avant qu’il impose aux populationsle stockage des déchets nucléairessous terre, dans l’espace ou dans despays à sa solde, nous n’avons pasd’autres choix que de lutter pourl’arrêt immédiat du nucléaire tout ensachant que seul un mouvement so-cial peut l’imposer.

“Devoir de mémoire” !En août 1999, le décret donnant lefeu vert au laboratoire souterrain deBure était signé par les gestionnairesde l’Etat français. Qui était au pou-voir à cette époque ? La gauche pou-belle, pardon plurielle ! La ministrede l’environnement, une certaineDominique Voynet, fut cosignatairede ce décret. En effet, le parti Vertne pouvait pas remettre en causeson alliance électorale avec le PS.Ah, le pouvoir ! Pour quoi faire aujuste ? Le 20 octobre 2001 se déroule àLille, Colmar, Lyon, Toulouse etNantes une journée d’action antinu-cléaire sur l’initiative du réseau.25000 personnes sont dans la ruedont un nombre non négligeable depersonnes qui défilent en scandant :«Cochet, Etat, Cogema, tout çà à lapoubelle» (Cochet est le nouveau ti-tulaire du strapontin réservé au Vertau sein du pouvoir) et aussi : «Ni ro-se, ni vert, arrêt immédiat du nu-cléaire.» C’est à Colmar que les col-lectifs Bure manifestent. Ils y pren-nent la parole. Eux qui ont l’habitu-de de se tourner vers leurs élus lo-caux que l’Andra achète… déclarent: «Alors, on s’est tourné vers la crèmede nos élus : les ministres. Mais làquelle Bérézina ! Nous n’avons dé-couvert que marionnettes manipu-lées et sans consistance…»

Et aujourd’hui ?Rien n'a changé ! Le parti Vert cogè-re avec le PS un nombre importantde régions. En Basse-Normandie, lesélus Verts ont permis, par leur ab-stention, que le conseil régional decette région se prononce favorable-ment à l’implantation d’une centralenucléaire de type EPR à Flamanville.Hier, comme demain, l’oppositiondes Verts au nucléaire est inverse-ment proportionnelle à leur distancedu pouvoir. Un mouvement antinu-cléaire conséquent, sur des basesclaires, ne peut se construire qu’endehors et même contre ce parti quis’apprête demain à sauter dans lecoffre arrière du PS.Mais ne nous leurrons pas, d’autreschapelles avec ou sans étiquettesparticipent au sabordage d’une luttevéritablement antinucléaire. Tels cer-tains élus et autres associations qui«soucieux de démocratie», réclamentun référendum local dont la restric-tion géographique n’a d’égal en in-eptie que le bourbier des urnes avecsa délégation de pouvoirs et de sa-voirs. Mais ce sont aussi ces «princi-paux élus» plus pragmatiques qui seréfugient derrière un débat «faire va-loir» pour quémander auprès del’Etat le triplement de la gamelle nu-cléaire qui est déjà de 9,5 millionsd’euros pour chacun des deux dé-partements, affichant clairement leprix de leur soumission.

La coordination contre lasociété nucléaireC’est ainsi que s’est constituée unecoordination nationale de collectifs

antinucléaires en janvier 2004 afinde rassembler les individus et lesgroupes soucieux de poursuivre unecritique de l’industrie nucléaire, ain-si que de la société qui la produit. Notre base minimum d’accord est lerefus des buts et des méthodes duRéseau pour sortir du nucléaire quidans la régression actuelle se pré-sente comme «le» mouvement anti-nucléaire et «la» voie réaliste pourune sortie à terme. A l’opposé de ceréseau-lobby, notre minimum d’ac-cord implique :● D’œuvrer pour une sortie immé-diate et inconditionnelle du nucléai-re.● La défense impérative de notre in-dépendance et le refus de toutecomplaisance avec quelqu’appareilpolitique que ce soit puisqu’ils peu-vent être tous qualifiés de nucléaris-tes.● Un mode de fonctionnement basésur la libre association, la prise dedécision en commun et le contrôlestrict de toute délégation de pouvoir.De tels principes de fonctionnementont porté dans l’histoire le nom dedémocratie directe.

Si vous désirez en savoir plus surnotre coordination, n’hésitez pas àécrire à l’une de nos adresses ci-des-sous. ■

EgrégoreB.P. 1213 51058 Reims Cedex

Collectif libertaire amiénoisB.P. 617 80006 Amiens

Coordination contre la société nucléaire

c/o CICP, 21 ter, rue Voltaire 75011 Paris

ACTIVITÉS

BULLETIN NUMÉRO 1 15

Nous voulons encore croire qu’uneautre sociétéest possible !

Ce tract a été distribué à la manifestation appelée par leRéseau et d’autres lobbies écologistes le 24 septembre2005 à Bar-le-Duc, rassemblant environ 6 000 personnes.A quelques-uns, nous avions décidé à la réunion decoordination de Reims d’y aller pour exprimer, en touteautonomie, nos propres positions et, à partir de là, pourtenter de rencontrer des individus plus radicaux que lesleaders écologistes. Pari tenu, en partie du moins… ●

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Cela fait plus de 10 ans que lapopulation du Val Susa, dans le

Piémont, se mobilise contre le projetd’une œuvre monstrueuse : la ligneà grande vitesse Turin-Lyon.

Le train à grande vitesse (TGV etTAV en italien) se veut à la pointe del’innovation ferroviaire, et est définicomme une étape inévitable du pro-grès et de la technologie (aucun po-liticien, aucun journaliste apparu à latélé ces derniers jours n’a imaginéremettre en discussion le projet).Mais vu que les miracles sont rares,il faut en payer le prix : lignes entiè-rement nouvelles avec des quaismodifiés géométriquement, une ali-mentation électrique différente etdes coûts de manutention très éle-vés.

Ceci signifierait pour les valsu-sains la destruction de leur terre. Destonnes de béton envahiraient la val-lée pour construire une ligne ferro-viaire qui traverserait les villages,trouant par de longs tunnels les pro-ches montagnes où se trouvent defortes concentrations d’amiante, d’u-ranium et de radon.

Le tout pour faire circuler plusrapidement des marchandises et deshommes d’affaire. Ce qui s’est crééau cours des années comme opposi-tion au TAV a été un large mouve-ment qui comprend des gens «ordi-

naires», des groupes écologistes, cer-taines institutions locales et des co-mités de lutte. Ces derniers sont nésdans l’intention d’informer tous lesvalsusains du «problème Tav» et decréer ensemble des moments de lut-te contre le projet.

Après une manifestation océa-nique en juin où plus de trente millepersonnes ont marché dans la valléeen levant les drapeaux «No Tav», lescomités populaires ont donné vie àtrois rassemblements permanentssur les terrains où devraient com-mencer les sondages dans les mon-tagnes (premier pas vers la réalisa-tion des tunnels).

Nés pour veiller constammentsur la zone, ce sont vite devenus deslieux de rencontre, de socialisation,de confrontation réciproque et depassage des informations. Là, jeunes,familles et anciens se retrouventchaque jour, faisant vivre une expé-rience d’autogestion qui va au-delàd’un projet dévastateur. Les rassem-blements ont grandi grâce à lacontribution de chacun, dans la me-sure et la forme de ses possibilités :l’un fournissant les sièges, l’autre unpoêle à chauffer, l’un cuisinant etl’autre portant un peu de bon vin.Dans ces moments, les gens se don-nent la possibilité de créer un modede vivre non programmé par la rou-

tine quotidienne, la mettant et semettant en discussion. Des person-nes qui peut-être peu de temps au-paravant ne se seraient pas saluéesse parlent à présent, réfléchissent, sedisputent et programment ce qui estleur propre défense et la survie de lavallée.

Le vif esprit d’autogestion, d’as-semblées et de rassemblements s’esttrouvé fort à faire avec le rôle de mé-diation des maires et des institutionslocales, ou avec la poigne de fer dela région Piémont et du gouverne-ment. Se trouvant pris entre deuxfeux, d’une part une population quis’oppose au Tav sans si et sans maiset de l’autre le sommet de leur partiqui insiste à plusieurs reprises pourcommencer les travaux, les maires etles conseils locaux ont cherché à ra-lentir le temps à tout prix. ■

Novembre 2005El Salvanèl numéro 3

* Le texte Bas les pattes est extrait de labrochure A toute allure, réalisée parQuelques révoltés métropolitains, dispo-nible sur Internet.

En décembre 2005 est né le collectifrhônalpin contre le Lyon-Turin à l’initia-tive de celles et ceux qui, à Valence,Grenoble ou Chambéry, ont commencé àfaire de l’information sur le sujet par desdébats ou des rassemblements.Courriel : [email protected]

INFORMATIONS

BULLETIN NUMÉRO 1 16

Bas les pattes du Val Susa !* BrèvesSabotage de la ligneTGV sud-est*Le 23 décembre au soir, la li-gne TGV Paris-Lyon-Turin aété sabotée : incendie d’undispositif électrique à hauteurde Montereau-Fault-Yonne,perturbant le trafic pendantplusieurs heures. Solidaritéavec le Val Susa en lutte cont-re la construction de la lignede TGV Lyon-Turin. Si noussommes pressés de vivre, nouscrachons aussi sur la vitesserentable. ● No Tav

*Extrait du portail Indymédia

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IMAGES

BULLETIN NUMÉRO 1 17BULLETIN NUMÉRO 1 17

Ceci est une simulation30 minutesAlors qu’à Tchernobyl, la cata-strophe fut niée, les différents pou-voirs orchestrent aujourd’hui sa pri-se en main. Au cœur d’un monderestructuré par la peur, du réacteur àla cour d’école, du travailleur auxpopulations, la simulation nous ditque l’accident aura bien lieu. mêmelorsque la mise en scène semble ra-tée, elle atteint ses buts : la soumis-sion des corps, l’habituation desesprits à un monde géré militaire-ment, des individus acteurs de leurpropre servitude.

Avant le jour C 8 minutes 30 secondes«On nous vaccine, d’abord à coupsd’images, de mises en scène. Nousdevons apprendre à vivre avec l’idéepermanente de la destruction partiel-le tandis que systèmes techniques etéprouvettes disparaissent derrière leconfort domotique qu’ils entraînent.Les choses ont été pesées depuislongtemps, les expertises ont ponduleurs contre-expertises en blanc et

raisonnablement, nous ne pourrionsreculer. Mais ce laboratoire mondedoit fonctionner et malgré la domes-tication en cours, il est fragilisé etmenacé tous les jours. les attaquesles moins prévisibles et les plus dé-vastatrices proviennent de ce qu’ilest désormais convenu d’appeler le«facteur humain». La «société durisque» nous apprend donc à pointerdes causes, toujours parcellaires,pour collectivement expulser le dis-sensus… l’incertitude… la défaillan-ce…»

Retour d’expérience 5 minutes«Aujourd’hui 14 mars 2005, nousavons interrompu le séminaire euro-péen Sage, les nucléocrates ont étécopieusement arrosés d’œufs pour-ris, de purin et de peinture, juste re-tour d’expérience évidemment tropsymbolique pour répondre à leurtravail de défense de l’industrie nu-cléaire…»Lecture imagée du tract desLonesome cobayes not so far fromBelarus.

Rencontre avec l’Institut de radio-protection et desûreté nucléaire (IRSN) 6 minutes 30 secondes«Mais encore une fois, je suis extrê-mement gênée, j’ai aucun brief […],et c’est ma conscience profession-nelle, moi je ne m’exprime pasquand on ne m’a pas demandé de lefaire.» Chargée de communication,EDF Recherche et Developpement.«Je suis une mascotte virtuelle, jem’appelle Nucléon et ma mission,c’est de présenter l’institut de radio-protection et de sûreté nucléaire.»Salon de la recherche et de l’innova-tion, juin 2005.«On peut difficilement parler del’IRSN sans parler de son grand maî-tre, Pelerin, l’homme qui a arrêté lenuage de Tchernobyl aux frontièresde la France.» Un travailleur du nu-cléaire. ■

Novembre 2005 Groupe Louise Becquerel

* Le DVD est disponible à prix libre.Pour l’obtenir :- Courrier :Collectif contre la société nucléaire,c/o CNT-AIT, BP 46, 91103 Corbeilcedex- Courriel :[email protected]

Des vidéos contre le montage nucléariste* Quelques individualités – de Paris et d’ailleurs – ont tenté d’illust-

rer en images comment le nucléaire sous ses multiples aspects cons-titue un outil central dans le maintien et le développement du contrôle so-cial moderne, du travailleur aux populations. Au-delà du résultat mis àdisposition – le film Ceci est une simulation et divers contenus audiovi-suels –, le processus même de bricolage de cet outil de discussion a étécentral. Ce que nous avons finalement qualifié de bulletin du GroupeLouise Becquerel est le fruit d’une intense – aussi dure que drôle – expé-rience de montage collectif étalé sur plusieurs semaines. Nous nous excu-sons auprès des cobayes qui ont dû subir plusieurs projections, mais nousavons prévu de recommencer. ■

Janvier 2006Globe

Inclus dans le DVD Du mensonge à la catastrophe nucléaire1 h 8 min

Emission radio de T. J. diffusée sur FPP, avec des interviews de W. Tchertkoff, M. Fernex, R. Bélbéoch et une réponse gênée de G. Lochard.

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NOTES DE LECTURE

BULLETIN NUMÉRO 1 18

Voici un petit livre qui a lemérite d’être à la fois synthé-

tique et précis sur un sujet vaste etpeu connu chez les anti-nucléaires.L’auteur montre bien comment lesliens entre le nucléaire civil et sesusages militaires existent depuis ladécouverte de la radioactivité jus-qu’à ses implications internationalesaujourd’hui. Depuis les équipes deradiographie X envoyés sur le frontde la guerre 1914-18 par Marie Curiejusqu’aux récents projets expéri-mentaux Laser mégajoule et Iter duCEA.

Il montre aussi comment tous lesprojets nucléaires civils ont servi deparavent à des applications militai-res de l’atome et impliquent en re-tour des interventions militairespour la sécurité de l’approvisionne-ment et des installations. Plus parti-culièrement attentif à ce qui s’estpassé en France, il retrace dans sesgrandes lignes comment le CEA,dont le statut exceptionnel en faitun Etat dans l’Etat dès 1945, orga-

nisme «civil» à la base, a aussi spon-tanément que discrètement mis auservice des militaires les savoir-faireet les équipements destinés à laconstitution d’une industrie nucléai-re pour l’édification en parallèle d’u-ne force de frappe nucléaire, toutesdeux indispensables à la «grandeurde la France», comme on sait.

C’est que, du seul point de vuetechnique, la frontière entre nucléai-re civil et militaire est très ténue. Etc’est là que réside «l’hypocrisie» duTraité de non-prolifération (TNP) ré-digé en 1968 par les cinq Etat pos-sédant alors officiellement l’armeatomique : ce traité interdit aux aut-res Etats de développer un tel arse-nal, tout en les autorisant à s’équi-per de nucléaire «à des fins paci-fiques», qui avec quelques modifica-tions et équipements supplémentai-res peut produire les matières né-cessaires à la Bombe. Il n’était pasquestion pour les pays industrialisésde se fermer un si juteux marché.Aussi, trente-cinq ans après, ce TNPest évidement un échec complet, laFrance n’ayant pas été la dernière àvendre ses centrales à Israël, auPakistan, en Irak ou en Iran, intro-duisant ainsi la mèche nucléairedans la poudrière du Moyen-Orient.Pour empêcher cette prolifération,devenue encore plus dangereuseavec la menace du terrorisme inter-national, les grandes puissances selancent maintenant dans les «guerresdu nucléaire civil» (seconde guerred’Irak, menaces sur l’Iran et la Coréedu Nord).

Mais l’hypocrisie et l’inconscien-ce sont toujours de mise puisquel’industrie nucléaire militaire conti-nue d’innover en diversifiant ses

produits. Ainsi, ce que des terroris-tes n’ont pas encore osé faire, à sa-voir utiliser des «bombes sales» faitesde matières radioactives, l’Otan etles USA l’ont déjà fait en utilisant lesmunitions à l’uranium appauvri auKosovo et en Irak. De même, cesont les États-Unis (ainsi quel’Europe, à travers les retombéesprobables des projets ITER et LaserMégajoule) qui font des recherchessur les «mini-nukes», armes nucléai-res de faible puissance à utiliser surle champ de bataille.

La conclusion de Barrillot estclaire et sans ambiguïté : pour arrê-ter la dissémination suicidaire desarmes nucléaires et la dispersionmorbide des radioéléments, c’estl’industrie nucléaire militaire aussibien que civile qu’il faut remettre ra-dicalement en cause. Il ajoute quec’est une «solution que les diploma-tes et les industriels ne sont pas prêtsà promouvoir», sans parler des Etatset des militaires fascinés par la tou-te-puissance que leur confèrent cesengins, et encore moins les contre-experts citoyenno-écologistes du ré-seau «Sortir du nucléaire» qui co-édi-tent pourtant ce livre. Mais face àtous ces «responsables» de la fuiteen avant dans la monstruosité et cesréalistes qui s’identifient à la puis-sance qui les écrase, c’est la seuleposition raisonnable de ceux quin’ont aucun pouvoir sur leur exis-tence. C’est tout le mérite de ce livreque de nous aider à mieux le com-prendre. ■

Septembre 2005B. L.

Recension

Le complexe nucléaire, des liens entrel’atome civil et l’atome militaire Par Bruno BarrillotEditions CDRPC/Observatoire des armes nucléaires françaises, 2005

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Lors des discussions quenous avons menées au sein de

la coordination, il a été évoqué àplusieurs reprises l’utilité de reveniraujourd’hui avec un regard critiquesur l’histoire du mouvement antinu-cléaire, à la fois pour lutter contrel’amnésie généralisée et pour s’ef-forcer de tirer des leçons de l’expé-rience passée. Le texte mis en lignecet été par le groupe grenoblois«Pièces et main d’œuvre» – surtoutconnu pour son opposition aux bio-et nanotechnologies – apporte unecontribution d’un grand intérêt àcette tâche

La première qualité du texte est,comme l’indique son sous-titre, qu’ils’efforce de mettre en perspectivehistorique l’opposition à Super-phénix des années 1976-77, à la foispar rapport à 68 et par rapport auxsuites toujours plus lamentables, durassurant Larzac aux grotesques illu-sions mitterrandiennes. Bref, ce tex-te ne parle pas que du nucléaire,loin de là (ce qui est remarquablepour un texte antinucléaire), maisd’abord d’une contestation qui «ja-mais avant, et jamais depuis […] nefut à la fois plus massive et plus ra-dicale». C’est-à-dire qu’il s’agit pour

les auteurs d’un tournant décisifdans l’histoire récente, qui pour cet-te raison fut particulièrement «nié[…] et refoulé […]».

Il est très instructif égalementde constater à quel point était ré-pandue à l’époque, même auprèsdes plus modérantistes, une critiquequi, au-delà du nucléaire et à traverslui, dénonçait «la société qui le pro-duit et qu’elle contribue en retour àtransformer» (cf. la plate-forme de lacoordination) : société de consom-mation de masse, domination tech-nologique et étatique, etc. On me-sure, à ce rappel de l’atmosphère in-tellectuelle de l’époque, l’extrêmerégression actuelle.

La deuxième qualité du texteest qu’il prend le temps de détaillerl’histoire de cette opposition, et d’a-nalyser les raisons de son échec (entout cas : les raisons qui venaientd’elle-même et pas des forces deson adversaire). Les auteurs s’atta-chent ainsi à décrire les principales«personnalités» du mouvement – etaussi leurs carrières ultérieures. Cen’est pas le moindre intérêt du texteque de voir dévoilés tous ces piteuxrevirements – tous ces opposants

bon teint devenus depuis expertsauprès de bureaucrates d’Etat oud’entreprises. Plus que de régle-ments de compte, c’est bien d’aver-tissements dont il s’agit : les auteursnous présentent les écologistesd’Etat et leurs amis au berceau, etnous montrent à quoi ils ont servi.Par-delà l’opposition entre violentset non-violents présentée comme laligne de démarcation de l’époque,c’est en effet la question du rapportavec le pouvoir, et donc la concep-tion de la politique, qui est au cent-re du propos.

Le texte décrit enfin en détailsle déroulement des événements, leshésitations tactiques, les tentativesd’organisation, et surtout les perma-nentes manœuvres et manipulationspour garder le contrôle d’un mou-vement et l’orienter dans une direc-tion : celle du mur. Il décrit aussi,évidemment, l’insuffisance de sesparticipants, le manque de clair-voyance ou de fermeté, puis les re-noncements et l’inconséquencepurs et simples de la grande majori-té après l’échec de la manifestationde l’été 77. Notons les intéressantesremarques sur une «démocratie di-recte d’autant plus facilement ma-nipulable qu’elle est trop informelle»pour se donner les moyens de dé-fendre ses principes.

Les auteurs ont visiblementconnu de très près tous ces événe-ments, ce qui rend le texte très vi-vant et sensible. Et il serait fort inté-ressant de confronter leur versiondes faits avec d’autres témoignages,pour la confirmer ou la corriger lecas échéant. En tout cas, des textesde cette tenue sur les autres grandesétapes de la lutte antinucléaire se-raient les bienvenus. Bien sûr, leplus important dans ce genre d’étu-de historique, c’est d’en tirer lesconclusions pour aujourd’hui. ■

Novembre 2005C.

NOTES DE LECTURE

BULLETIN NUMÉRO 1 19

Le Mémento MalvilleUne histoire des années soixante-dixPar Simples Citoyens37 pages A4 sur deux colonnes, disponible exclusivement sur Internet àl’adresse www.piecesetmaindoeuvre.com, ou auprès de la coordinationpour le prix des photocopies.

V i o l e n t emanifestationcontre la cons-truction du si-te nucléaire dePlogoff à la findes années 70.

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Le développement forcené ac-tuel de l’énergie nucléaire est un

choix irréversible que le capitalismenous impose. De part son fonction-nement, sa nature, l’énergie nucléai-re est la caricature d’un univers hié-rarchisé, technocratisé, militarisé oùnous n’intervenons en rien. L’Etat nerespecte même plus sa propre léga-lité pour la construction des centra-les nucléaires, l’ouverture des minesd’uranium, l’extension des usines deretraitement des déchets, etc.

Le choix de l’énergie nucléaire,de part la concentration des moyenséconomiques, technologiques, hu-mains, est l’occasion rêvée pour lecapitalisme de pérenniser sa domi-nation sur nos vies. Une centrale nu-cléaire, une fois construite, ne peutêtre détruite avant vingt ans. C’est iciqu’un moratoire limité apparaît clai-rement comme démagogique. Lavalse hésitation du PS est bien dansla ligne récupératrice, démagogique,

de ce parti attrape-tout. Refuser l’é-nergie nucléaire serait remettre encause radicalement le capitalisme, cequi fait sourire quand on voit labousculade des cadres socialistes,dans la débandade forcenée de leurappétit de pouvoir. Ne nous trom-pons pas, nous aurons une bombe àgauche, une énergie nucléaire à gau-che, avec des flics de gauche et desenterrements démocratiques. Quantau PC, avec ses vues totalitaires etbureaucratiques, il ne peut que cau-tionner le développement de l’éner-gie nucléaire dont il aurait le contrô-le. Par ailleurs, le développementactuel des recherches sur l’énergiesolaire, s’orientant vers de grossesunités de production, montre quel’intérêt du capital réside dans laconcentration de l’énergie, pour gar-der le contrôle de sa redistribution.

La lutte contre le développementde l’énergie nucléaire ne peut secantonner dans l’opposition légaliste

des partis et des syndicats. De mê-me, s’il est évident que les manifes-tations antinucléaires et écologiquesont révélé l’existence d’une contes-tation profonde de cette société surles bases d’un refus de tout centra-lisme, toute hiérarchie, contre le tra-vail salarié et la consommation à ou-trance, ces rassemblements ne peu-vent suffirent à stopper le pouvoir. Ilest indispensable d’intensifier les ac-tions de sabotage qui touchent di-rectement le pouvoir dans ses inté-rêts économiques et qui permettentde retarder, voire de stopper la cons-truction des centrales, mines, usinesliées au nucléaire.

Quoi qu’il en soit, le nucléairen’est qu’un des aspects les plus ap-parents de l’exploitation généraliséedu capitalisme qui ne peut être misen échec que par l’auto-organisationdes individus et par la prise en mainde tous les aspects de notre vie quo-tidienne. ●

RETOUR SUR LE PASSÉ

Dans la nuit du 19 novembre 1977, de multiples sabotageseurent lieu à travers la France, en particulier dans le Sud-

Ouest, contre divers sièges et installations de sociétés privées et pu-bliques, telles qu’EDF. Il faut dire qu’elles étaient les maîtres d’œu-vre du plan Messmer, le nouveau programme électronucléaire quidevait couvrir l’Hexagone d’installations nucléaires, en premier lieude centrales nucléaires, sous prétexte de crise pétrolière et d’indé-pendance énergétique de la France. Furent ainsi visés : la directiond’EDF à Paris, des garages et des pylônes EDF dans le Lyonnais, lecentre de recherche du CEA et celui d’informatique d’EDF dans larégion de Toulouse, les bureaux de la mine d’uranium à Lodèvedans l’Hérault, etc. C’est que, malgré le bourrage de crâne officielen faveur du nucléaire et le dénigrement, voire la dénonciation à lapolice des antinucléaires par la CGT, le refus, parfois radical, duplan d’Etat était à l’ordre du jour et il commençait à faire tache d’-huile dans les régions où la population y était confrontée. C’estdans ce contexte qu’il faut replacer les actions de sabotage de l’é-poque, en particulier celles revendiquées par la «Coordination auto-nome des révoltés en lutte ouverte contre la société». Le Carlos futcrée par divers groupes affinitaires, d’obédience libertaire et auto-nome, pour réaliser ensemble des actions radicales, avec efficacitéet humour, sans prétendre jouer le rôle de modèle. Ce qui était toutà leur honneur. ■

Octobre 2005A. D.

Communiqué du Carlos«Libération» le 22 novembre 1977

Film chauvin sur le nucléaire, sponsorisé par lePCF vers 1950, avec Joliot-Curie jouant son prop-re rôle de campagnon de route nucléariste de laRésistance.