28
Laure Girard 5ème année COULEUR & PERCEPTION Mai 2010

COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

Laure Girard 5ème année

COULEUR &

PERCEPTION

Mai 2010

Page 2: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

MÉMOIRE

IntroductionI. Couleurs et scienceII. Psychologie et physiologieIII. La couleur et la perception dans l'artConclusion

ANNEXES

TEXTES• Couleurs et sentiments• La synesthésie colorée

IMAGES• Newton• Goethe• Chevreul

• Johannes Itten• Josef Albers• James Turrell• Olafur Eliasson• Ann Veronica Janssens• Claude Lévèque

BIBLIOGRAPHIE

Page 3: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

MÉMOIRE

Page 4: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité […]. Même adéquatement nommée, la couleur déborde le mot. »

(Thierry de Duve in Nationalisme Pictural)

A travers les mots et le langage, les descriptions qui peinent à la définir, notre appréhension de la couleur passe par la perception. De tout temps, artistes, scientifiques, philosophes et théoriciens ont tenté de capter, cerner et définir ce phénomène insaisissable qu'est la couleur, par le biais d'études, de système, etc. Chacune de ces études viennent compléter, confirmer ou infirmer les théories précédentes. Pendant longtemps, les découvertes réalisées dans le domaine des sciences tenaient lieu de vérités absolues et constituaient le point de départ de recherches et de travaux artistiques. Afin d'étudier la relation entre la couleur, la perception et l'individu, nous allons commencer par nous pencher sur l'aspect scientifique et théorique des recherches menées sur le sujet. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons aux effets physiologiques et psychologiques de la couleur, influant par là même sur notre perception. Enfin, nous étudierons comment ces découvertes et théories ont été utilisées par les artistes plasticiens dans la création de leur œuvre et comment les artistes utilisent la couleur pour agir sur la perception du spectateur. A travers ces différentes pistes, il s'agira de rechercher et définir ce à quoi la perception a affaire. Notre appréciation dépend-elle de codes précis? De notre propre impression? Qu'en est-il de la subjectivité et de l'objectivité lors du processus d'intégration de la couleur?

Les siècles passés ont été marqués par cette quête incessante centrée sur les notions de couleur et de lumière, l'une n'allant pas sans l'autre: deux entités indissociables et parfois confondues, se mêlant et se révélant mutuellement. Les sciences ont ainsi fixé les teintes fondamentales (au nombre de sept) qui apparaissent dans les phénomènes naturels (par le biais du prisme de verre), les recomposant ensuite en la seule couleur non-positive de leur mélange, à savoir le blanc. Elles ont également réduit ces fondamentales de sept à trois, instituant le principe de composition: de ces trois couleurs naîtraient toutes les autres. Chaque théorie appuyait des impressions personnelles et permettait une approche nouvelle et colorée du monde.

De cet historique des découvertes et travaux sur la couleur, nous retiendrons notamment les recherches de Newton et de Goethe qui, tous deux, œuvrèrent à enrichir et développer l'appréhension de la couleur. Le premier étudia la question d'un point de vue scientifique et le second initia une perspective plus psychologique et phénoménologique. Chacun à sa façon, ils firent avancer cette quête de connaissance et de compréhension portant sur ce phénomène jugé « mystérieux » par beaucoup.

Page 5: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

Ainsi, vers le milieu du XVIIème siècle, Newton étudia notamment la réfraction de la lumière, décomposant la lumière blanche en un spectre de couleurs avant de recomposer ce spectre multicolore en lumière blanche. Ce phénomène de diffraction de la lumière mena le physicien à établir un cercle chromatique inspiré de son « spectre chromatique » (les couleurs nées de cette décomposition de la lumière par un prisme). Le noir disparut donc logiquement du système de couleurs, pour la première fois de l'histoire, tandis que le blanc quitta le cercle à proprement parler pour occuper une place centrale en tant que « somme » de toutes les autres teintes. Selon Newton, les couleurs ne sont pas des modifications de la lumière blanche mais plutôt ses éléments constitutifs originels: la lumière blanche est composée d'une multitude de lumières colorées. Il établira donc un système basé sur sept couleurs primordiales: le rouge, l'orange, le jaune, le vert, le bleu, l'indigo et le violet. Ce choix des teintes de base serait né de l'intérêt de Newton pour la musique. En effet, un octave musical équivaut à sept intervalles. La taille de chaque secteur du cercle chromatique correspondrait à la taille de chacun de ces intervalles. La frontière entre deux couleurs serait le siège du ton individuel de la gamme musicale. Son système a parfois été qualifié de mathématico-musical, tant ses motifs peuvent paraître plus esthétiques que scientifiques. Il constitue néanmoins une étape décisive dans l'évolution de la classification des couleur puisqu'il s'agit d'un passage d'un ordre unidimensionnel à un ordre bidimensionnel. Parallèlement, Newton a également été l'un des pionniers dans la différenciation entre couleur-lumière et couleur-matière (il a notamment réalisé des expériences à partir de la superposition de verres colorés). Néanmoins, il était persuadé qu'il était possible de réaliser toutes les nuances du blanc au noir avec les couleurs matérielles.

De son côté, Goethe développa la théorie des couleurs opposées, avec quatre couleurs fondamentales. Cette idée reposait sur l'équilibre entre deux pôles de couleurs: le bleu s'opposant au jeune et le rouge au vert. Elle s'appuie sur une réalité physiologique puisque notre perception cérébrale - et non l'œil - fonctionnent sur ce principe. Il est à rappeler que si l'œil capte les stimuli lumineux qui nous permettent d'appréhender le monde, c'est le cerveau qui nous offre véritablement la vision. L'organe de la vue est le cerveau plutôt que l'œil. Ce dernier capte les informations de lumière (les bâtonnets) et de couleur (les cônes) mais ces informations ne peuvent être comprises et utilisées qu'une fois « traduites » par le cerveau. Il suffit de sectionner le nerf optique ou de porter atteinte à une certaine partie du cerveau pour devenir aveugle, quand bien même l'œil est en parfait état de fonctionnement. La vision est un phénomène psychique. L'œil capte, les nerfs optiques transmettent quand le cortex visuel interprète et fournit les informations à l'individu. Néanmoins, tout dysfonctionnement interne à l'œil entraînera également des défaillances de la vision (exemple du daltonisme, résultant de la déficience d'un ou plusieurs des trois types de cônes). Au début des années 1800, donc, le philosophe et théoricien mit en place un système basé sur les contrastes élémentaires entre clair et foncé. Les couleurs étaient pour lui liées tant à la lumière qu'à l'obscurité, au noir comme au blanc, le gris constituant la réunion de toutes les couleurs. Le jaune et le bleu y était les deux seules couleurs perçues comme entièrement pures, « sans rien rappeler d'autre ». Le jaune y était synonyme de clarté (« tout proche de la lumière ») quand le bleu était associé à l'obscurité (« tout proche de l'ombre »),

Page 6: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

deux pôles opposés entre lesquelles les autres couleurs se laissaient ordonner. Au-delà de ce nouveau cercle chromatique, Goethe porta une réelle attention au coloris, revendiquant également la subjectivité de l'être percevant dans le phénomène d'appréciation des couleurs. Ainsi, il différenciait trois types de couleurs:

• les couleurs physiologiques (ou subjectives)• les couleurs physiques (à la fois subjectives et objectives)• les couleurs chimiques (les plus objectives)

Les couleurs physiologiques correspondent à des phénomènes produits en nous-mêmes. Elles ont également été appelées couleurs accidentelles. Ces couleurs n'existent pas à proprement parler, elles sont créées par l'œil et sont donc tributaire de la vision de l'individu. La persistance rétinienne, les contrastes simultanés produisent des couleurs physiologiques. Les couleurs physiques se distinguent des précédentes par le fait qu'elles existent dans la « réalité », qu'elles sont produites à l'extérieur de nous. Il s'agit en quelque sorte d'une association d'un phénomène objectif et d'un phénomène subjectif. Elles sont néanmoins fugaces et impossibles à fixer d'une quelconque manière. Elles sont créées, perçues par le biais de certains « milieux matériels », incolores, qui peuvent être transparents, translucides, troubles ou opaques. Les couleurs physiques sont produites par des conditions déjà déterminées et ne sont perçues que grâce à ces conditions. Le bleu du paysage à l'horizon, l'eau qui se teinte de verte ou de bleu avec la profondeur, la fumée qui paraît jaune devant un fond clair mais bleue devant un fond sombre, … tous ces phénomènes se regroupent sous le terme de couleurs physiques. Les couleurs chimiques, quant à elle , sont caractérisées par la durée. Ces couleurs ne sont tributaires d'aucun phénomène, d'aucune condition et ne dépendent que de la présence de la lumière. La couleur est fixée à un corps (le rouge d'une pomme, le vert de l'herbe, …). Ces couleurs sont également appelées couleurs objectives.

Les différences entre synthèse additive (les couleurs-lumière) et synthèse soustractive (les couleurs-matière), ainsi que l'identification de leurs couleurs primaires, telles que nous les connaissons aujourd'hui, ont été établies par Helmholtz, au milieu du XIXème siècle. A ces deux types de mélanges (les seuls reconnus par la science), nous pouvons également ajouter les mélanges optiques, qui ont notamment été théorisées par Chevreul. Il s'agit de mélanges subjectifs, créés dans l'œil par de petites quantités de couleurs juxtaposées, vues de loin (mosaïque, tissage, …) par exemple, ou encore du mélange de couleurs résultant de la rotation de disques colorés. Le résultat du mélange des complémentaires est le blanc en synthèse additive, le noir en synthèse soustractive et le gris en synthèse optique. Le poste de Chevreul en tant que chimiste à la Manufacture des Gobelins est à l'origine de son travail sur les contrastes de couleurs. Ses recherches l'ont amené à réaliser de nombreux cercles chromatiques, classant les différentes teintes les unes par rapport aux autres. Son étude était divisée en deux catégories: la nomination et la définition de la couleur d'une part, les teintures d'autre part. Cette deuxième catégorie abordait elle-même plusieurs questions, allant de la chimie en elle-même au mélange des couleurs et au contraste simultané. Aux alentours des années 1830, ces travaux sur les interférences entre les couleurs contigües le menèrent à formuler la Loi du Contraste Simultané. Il a déterminé de manière évidente qu'une couleur n'existe jamais seule et que la manière dont nous la percevons est inextricablement liée aux teintes qui l'entourent. « Dans le cas où l'œil voit en même temps deux couleurs qui se touchent, il les voit les plus dissemblables possible » écrira-t-il. Étudiant les effets subjectifs de la perception des couleurs, il a également différencié le contraste simultané (la façon dont deux couleurs côte-à-côte se valorisent ou s'affadissent)

Page 7: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

du contraste successif.

En parallèle de découvertes scientifiques toujours plus précises sur les questions de perception de la couleur (travaux sur les longueurs d'onde, les synthèses additives et soustractives, le fonctionnement de l'œil et l'importance capitale de la lumière dans le processus même de perception, entre autres), de nombreuses études furent menées, visant à ordonner et classer les différentes couleurs en systèmes précis, dont les paramètres principaux seraient la teinte, la luminosité et la saturation. Au Moyen-Âge, apparut la notion de couleurs primaires, où les trois pigments de base étaient le rouge, le jaune et le bleu. Pendant longtemps, une grande confusion a régné entre couleur-matière et couleur-lumière, les deux catégories étant souvent confondues et soudées en une seule grande famille, si bien que l'on a parfois vu l'apparition du vert et non du jaune comme l'une des trois couleurs primaires, à la base du système chromatique. Il faudra attendre le siècle des Lumières pour que se détache la synthèse additive (lumière) de la synthèse soustractive (matière), chacune ayant son propre fonctionnement, à partir de ses teintes primaires et secondaires:

• rouge-vert-bleu donnent du magenta, jaune et cyan, dans la synthèse additive;• magenta-jaune-cyan créent du orange, du vert et du violet, par la synthèse

soustractive. Une fois cette distinction opérée, les recherches menées sur la classification des couleurs-matière gagnèrent en richesse et en précision.

La question de ce que l'on pourrait appeler les « effets d'optique » constituent un autre chapitre important des recherches scientifiques et théoriques sur la couleur (loi des contrastes, complémentaires optiques, etc). Il apparaît que la couleur ne fonctionne jamais seule et que son interaction avec son environnement, avec d'autres teintes, produit des variations et des subtilités qui s'ajoutent aux propriétés des couleurs.

Plus tard, et en abordant un tout autre problème, Wittgenstein s'interrogea sur la couleur comme « problème phénoménologique », de la façon dont le langage formate notre perception et nous amène à réfléchir sur des notions d'une apparente simplicité mais qui, une fois formulées, prennent toute leur ampleur de complexité et d'ambigüité. On y perçoit également combien notre rapport aux couleurs est subjectif et conditionné.

Nous avons conscience de voir la couleur à partir du moment où commence l'apprentissage des teintes (rouge, orange, jaune, ...), par le biais du langage. Les mots conditionnent-ils notre perception ou nous permettent-ils seulement d'exprimer ce qui serait autrement de l'ordre du purement impalpable?

Selon Ludwik Fleck, de nombreux facteurs entrent en compte quand il s'agit du phénomène de perception: des facteurs scientifiques, historiques et socioculturels. Le phénomène même de voir est tributaire d'un savoir. Allant plus loin, Fleck affirmait que l'environnement social et culturel est prédominant dans l'appréciation de ce que nous voyons, dans la manière dont nous le percevons. « On regarde avec ses propres yeux mais on voit avec les yeux du corps collectif. ». Ce « corps collectif » viendrait s'interposer entre

Page 8: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

l'œil de l'observateur et l'objet qu'il observe, de sorte que ce n'est plus d'individualité qu'il s'agit lorsque nous regardons mais d'une collectivité, avec ses codes, son histoire. Notre perception serait donc conditionnée par les paradigmes en vigueur. En effet, depuis notre plus jeune âge, quand nous apprenons à mettre des mots sur le monde qui nous entoure, nous incorporons également les « normes » de la vision. Ainsi, nous avons appris à voir sept couleurs contenues dans le spectre. Il ne s'agit plus tant de voir que de savoir quoi voir. Nous avons hérité de Newton ce paradigme des sept couleurs principales dans le cercle chromatique, paradigme né de considérations esthétiques (analogie des couleurs avec l'harmonie musicale) et symboliques (importance du chiffre 7). Mais ne voit-on que parce que l'on sait quoi voir? Au Moyen-Âge, par exemple, le rouge était considéré comme la teinte médiane entre le noir et le blanc. Notre façon de classer et de percevoir les couleurs nous apparaît comme une vérité parce qu'elle a, entre autre, été prouvée de manière scientifique et qu'elle est devenue un lieu commun. Mais c'était également le cas tout au long de l'histoire. Qu'en sera-t-il dans quelques siècles? Est-il impossible que d'autres découvertes soient faites, d'autres expériences menées, qui remettront en cause le système chromatique actuel?

Il faut néanmoins noter que ces perceptions sont tributaires de la société dans laquelle l'individu se trouve. Ainsi les remarques faites plus haut concernent-elles essentiellement les populations occidentales. Prenons l'exemple du blanc qui a, en Europe et en Amérique du Nord, des connotations de pureté, d'immaculé, tandis qu'en Inde, cette couleur est associée aux rites funéraires et est, par conséquent, symbole de deuil, même si leur culture aborde la mort d'une façon différente et nettement moins tragique que la notre. Nous ne pouvons donc considérer que les connotations données par la société de laquelle nous sommes issus, avec ses codes et ses paradigmes; Si nous sommes capables de concevoir que d'autres puissent percevoir les couleurs et le monde autrement que nous, il reste cependant difficile de traiter de ces différences de manière approfondie. Nous pouvons partager nos expériences et nos points de vue, mais sans jamais parvenir à inter-changer nos perceptions. De la même façon, l'espace dans lequel nous grandissons et évoluons conditionne notre acuité à percevoir les couleurs et, par là même, notre langage. La couleur est quelque chose qui se définit et se pratique différemment selon les cultures. Nous pouvons penser, par exemple, au Japon, où les individus cherchent à définir la brillance plutôt que la teinte. Savoir si l'on a affaire à une couleur mate ou à une couleur brillante est un paramètre essentiel de la perception. Les différents blancs sont très nombreux (à l'instar des cultures esquimaudes ou nordiques, par exemple) et sont échelonnés du mat le plus terne jusqu'au brillant le plus lumineux. La sensibilité de l'œil à ce genre de nuance est bien souvent lié à l'environnement socioculturel de l'individu. Les différences sont peut-être encore plus grandes dans d'autres sociétés, moins « occidentalisées » que le Japon. Pensons par exemple à certains pays d'Afrique Noire, où il est moins question de différencier un vert d'un ocre que de déterminer s'il s'agit d'une couleur sèche ou d'une couleur humide, d'une couleur tendre ou d'une couleur dure, d'une couleur lisse ou d'une couleur rugueuse, d'une couleur sourde ou d'une couleur sonore, voire même d'une couleur gaie ou d'une couleur triste. Dans certaines autres cultures, la perception des couleurs va même jusqu'à différer d'un sexe à l'autre.

Une chose demeure certaine, comme le souligne Michel Pastoureau, la couleur n'est pas une chose en soi, encore moins un phénomène relevant seulement de la vue. Elle est

Page 9: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

perçue, appréhendée par le biais de différentes paramètres sensoriels. Ces différences, d'un pays à l'autre, d'un continent à l'autre permettent de mettre en avant combien la perception des couleur, ainsi que le vocabulaire qui lui est inextricablement lié est un phénomène culturel plus qu'un simple processus physique.

Quoi qu'il en soit, il apparaît que cette initiation et cette découverte de l'infinité colorée de l'univers qui nous entoure ne constitue pas notre seule manière de percevoir la couleur. Il en va également de l'affect et de la subjectivité. Phénomène impalpable lié à la fréquence des longueurs d'onde ou schéma mental, il apparaît que la couleur agit (ou devrions-nous dire « influe »?) sur l'individu d'un point de vue physique et psychologique, voire émotionnel. La preuve en est, d'une part, grâce aux nombreuses études menées sur l'entrelacement entre couleur et ressenti. Chaque teinte évoque en nous des sentiments, que ce soit par le biais de souvenirs personnels ou d'un conditionnement de la société dans laquelle nous évoluons (dans lequel viennent s'imbriquer des connotations propres à notre culture). Ainsi, par exemple, le rouge est conçu comme une couleur brutale, excitante, énervante, dynamique ou encore exaltante quand le vert transmet une idée de calme et de sérénité. D'autres études proposent, a contrario, d'associer un état d'âme à une couleur. Si, dans certains cas, les avis étaient, de façon relative, partagés entre deux ou trois teintes, certaines autres propositions faisaient la quasi-unanimité ("douceur et repos", par exemple, était, dans le plus grand nombre des cas, associé à la couleur bleu). S'il y a eu beaucoup de questionnaires et d'expériences réalisés afin de déterminer la façon dont le sujet associait la couleur à une émotion, très peu nombreuses ont été les véritables recherches scientifiques menées sur la question. Les thèmes les plus généralement abordés étaient dans le cadre d'études des relations entre les stimuli relatifs aux couleurs et ce qui est du domaine de l'affect: « Quelles couleurs influencent et favorisent la productivité et l'humeur des employés d'une entreprise? », « Quelles sont les couleurs qui agissent sur la santé physique ou qui encouragent l'agressivité chez un sujet? », « En quoi les préférences de chacun, en matière de teintes et de nuances, sont-elles tributaires des différentes types de psychologie et de caractère? », etc. Aucune vérité n'a d'ailleurs jamais fait l'unanimité, preuve s'il en faut que la couleur est un phénomène trop complexe pour répondre à des règles simples et précises. Un individu diffère trop d'un autre pour qu'on puisse lui appliquer le même type de fonctionnement, de réaction face aux stimuli colorés. Chacun va donc y réagir en fonction de ses propres expériences, de son éducation, de sa sensibilité, en plus de ses conditionnements socio-culturels. Tous sont pourtant d'avis que les couleurs n'ont pas seulement affaire à l'esthétisme mais communiquent aussi, et surtout, des informations spécifiques, influant sur le quotidien et sur l'affect des individus.

Nous pouvons aussi évoquer la question des couleurs chaudes et froides. Cette appellation ne correspond pas uniquement à une perception visuelle ou à un code décrété il y a longtemps. Des expériences ont en effet prouvé que deux pièces, possédant une même température ambiante, peintes l'une en rouge, l'autre en bleu, ne susciterait pas le même ressenti chez l'individu. Indiscutablement, le sujet percevrait la pièce rouge comme plus chaude que la pièce bleue, la couleur influant sur notre appréhension de l'espace.

De nombreuses recherches ont été menées dans cette direction, afin de cerner les effets physiologiques et psychologiques d'une teinte donnée sur un individu, que ce soit dans un

Page 10: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

but « curatif » (thérapie par la couleur), « usuel » (la teinte verte des hôpitaux aurait été choisie pour ses vertus calmantes mais également en opposition à la teinte incarnat du sang, permettant ainsi le repos de l'œil) voire « publicitaire » (dans le but de susciter l'envie grâce aux connotations d'une couleur). Ces « codes » ont également été repris par le design, la communication mais également l'art.

« La couleur recouvre une aire partagée entre l'art et la science, entre la physique et la psychologie, un terrain qui mesure les limites de deux cultures, pour brouiller la clarté de leurs idées, terrain d'approche facile mais que n'atteignent jamais les méthodes analytiques ni expérimentales. »

(Manlio Brusatin in Histoire des couleurs)

L'art a, de son côté, toujours entretenu un rapport conflictuel et fusionnel avec les théories élaborées par des contemporains, qu'ils soient théoriciens ou scientifiques. Quel que soit le domaine de recherche, la couleur interpelle et fascine, créant une interaction entre les différents secteurs, chacun jouant à tour de rôle l'avant-gardiste.

Pourtant, la couleur a longtemps été un objet de dédain dans la joute opposant les partisans du dessin face à ceux prônant le coloris. L'application de teintes sur une œuvre picturale a souvent été considérée comme un banal remplissage mis au service du tracé. Il s'est longtemps agi, pour beaucoup, d'une illusion, voire d'une tromperie, plus utilisée pour la pure satisfaction visuelle que comme un accès à la réalité et/ou au réalisme. Platon, déjà, fustigeait la couleur, son ambiguïté et son caractère propre à détourner l'âme de la vérité, une sorte de fard, affectant les sens quand le dessin seul suffisait à ce qu'un tableau soit achevé. Aristote lui faisait écho, en affirmant: « Celui qui jetterait au hasard les couleurs les plus belles ne charmerait jamais la vue comme celui qui a simplement dessiné une figure sur fond blanc ». Ce conflit dessin/couleur perdura jusqu'au XVIIème siècle, où l'on jugeait que la couleur se contentait de satisfaire les yeux quand le dessin satisfaisait l'esprit (cf Charles Le Brun). Quelques siècles plus tard, Manlio Brusatin rappelait que « tout savant d'esprit philosophique a considéré les couleurs d'un regard méfiant: elles incarnent les lois de la mutation, de la séduction, de la non-vérité, l'imprévu du phénomène contrariant, le caractère irrévocable d'un message fort , et en même temps un destin éphémère. ». Nombreux furent ceux qui abondèrent dans leur sens, privilégiant la forme pure, l'idée, le dessin.

Il faudra attendre Hegel pour s'avancer à contre-courant de cette longue tradition de dédain. Pour le philosophe, bien qu'illusion, la couleur est l'élément qui donne âme et vie à l'œuvre d'art. Son Esthétique accordait ainsi une place importante à l'analyse de la couleur.

D'un point de vue artistique, il faudra attendre le début du XXème siècle pour que les plasticiens retrouvent pleinement le goût de la couleur, loin de la « dictature » du dessin. Les Fauves, les Expressionnistes vont en user comme matière première de l'œuvre, violente et virulente. Nous pouvons penser à des artistes comme Matisse, Kandinsky, Miro, etc. Le Monochrome se chargera d'accorder une place prépondérante à la couleur qui

Page 11: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

deviendra, pour ainsi dire, le sujet de l'œuvre, explorant la pleine puissante du pigment.

Plus tard encore, des gens comme Albers ou Itten centreront leur recherche picturale sur les couleurs et leurs interactions, faisant écho aux recherches scientifiques, explorant les théories de certains de leurs contemporains, les complétant et les extrapolant, participant eux-mêmes à l'élaboration d'une nouvelle compréhension des phénomènes colorés.

Au cours des siècles, nous aurons pu constater combien les théories scientifiques auront pu influer sur la création artistique. Prenons, par exemple, la « création » de la nuance indigo par Newton, qui tenait à mettre en place un système de sept couleurs, en parallèle avec les sept jours de la semaine, les sept planètes alors connues et surtout avec la gamme de sept notes en musique. Peu présent jusqu'alors, cette teinte apparut peu à peu dans les tableaux, gagnant en renommée et en popularité. De même, reprenant sans doute les travaux de Goethe, les Impressionnistes traitèrent l'obscurité en usant de différentes teintes de bleus tandis que la lumière était figurée par l'emploi du jaune. A titre d'exemple, nous pouvons notamment penser à la série des Cathédrales de Monet.

Les liens entre art et sciences, au sens général, se renforcent encore de nos jours. Nous pouvons notamment penser aux artistes, de plus en plus nombreux, qui utilisent les couleurs dans la création d'installation et d'atmosphère, afin de susciter chez le visiteur un sentiment de bien-être ou de malaise. L'artiste se fait manipulateur et chef d'orchestre du ressenti en jouant avec la palette des couleurs, avec comme appui des recherches menées dans le domaine de la psychologie. Pour un bon nombre de ces artistes, le processus de création passe par un partenariat profond avec des scientifiques. Mettant en œuvre leur potentiel respectif, ils parviennent ainsi à créer des œuvres riches et complexes, à l'apparente simplicité, qui reproduisent ou réinterprètent des phénomènes naturels en relation avec la lumière et la couleur. Nous pouvons penser à des plasticiens comme James Turrell, Olafur Eliasson, Ann Veronica Janssens ou encore Claude Lévèque.

James Turrell propose, à travers son travail plastique, une réflexion sur la manière de voir, de percevoir de chacun. Son travail est centré autour de la perception, par l'expérience, la durée, la distance, le point de vue du spectateur. L'artiste travaille à des effets d'illusion, de dissolution des formes, d'effets de révélation par les contours. Une courte citation résume son travail: « Le matériau, c'est la lumière/énergie. Le médium, c'est la perception. »« City of Arhirit », une pièce de 1976, est une installation de quatre pièces successives. Chacun de ces espaces était « rempli » d'une lumière colorée, différente d'une pièce à l'autre. La source de lumière est invisible et mêle la lumière artificielle à la lumière naturelle, entraînant des variations de l'intensité de la couleur au fur et à mesure de la journée. Au passage d'une pièce à une autre, la rétine garde en mémoire la couleur de l'espace précédent. Pendant un court instant, la couleur précédente se mêle à la nouvelle couleur pour en créer une troisième, subjective et furtive. Dans « Alien Exam », de 1991, le spectateur, allongé, était plongé dans un programme de lumières colorées évolutives, d'une quinzaine de minutes.Du travail de Turrell, nous pouvons notamment retenir cette propension à susciter une émotion visuelle immédiate et ce travail sur la perception, tributaire de la couleur et de la lumière.

Page 12: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

Olafur Eliasson crée des incidents spatiaux qui confrontent le spectateur à une expérience de la couleur, de la lumière, de la température et de l'espace. Il en appelle à un engagement physique et visuel, à une rationalisation des sensations et à une réflexion sur la réception, la perception. Le sujet principal de son travail est véritablement la perception: les sons, les odeurs, les images. Il réalise des pièces en interaction avec le monde qui l'entoure, traite des informations visuelles et de la définition des sensations. Eliasson cherche à produire une réaction émotionnelle chez le visiteur. S'il ne cache rien de l'origine de l'œuvre, il refuse également l'illusion. La présentation du mécanisme amène le spectateur à réfléchir sur sa propre perception. L'artiste joue avec le caractère subjectif du système visuel humain, la perception étant exploitée comme objet de conscience. Selon lui, les sens et les perceptions sont inextricablement liés à la mémoire et à la reconnaissance. La couleur, en tant qu'abstraction, a un énorme potentiel psychologique. L'expérience de se retrouver dans un espace monochrome en appelle à la subjectivité de l'individu. L'affect et le ressenti vis-à-vis d'un même espace variera donc d'un visiteur à l'autre et c'est exactement ce qui intéresse Olafur Eliasson.

Le travail d'Ann Veronica Janssens aborde lui aussi les thèmes de perception et de subjectivité. L'artiste œuvre à la perte de repères visuels, à la création d'espace où ne subsiste que la couleur, entraînant un ralentissement de la perception. Le visiteur y est actif, il s'agit d'un engagement individuel dans un moment d'expérience. L'intérêt de l'artiste pour les expériences cognitives et la partialité des perceptions y est évident. L'enjeu pour elle est d'amener le spectateur à repousser les limites de sa propre perception. L'univers physique devient un monde de vibrations sensorielles, dérangeant ou fascinant, suscitant un sentiment de bien-être ou de malaise. L'artiste propose d'expérimenter l'insaisissable, de réfléchir sur la relation entre espace physique et espace mental, de ressentir un sentiment d'intemporalité et d'immatérialité, œuvrant aux marges de la perception. La lumière et la couleur deviennent des facteurs d'insertion et de glissement.

La lumière et la couleur traversent également le travail de Claude Lévèque, instillant dans ses installations un éventail d'émotions, d'expériences et de ressentis. Toujours, la lumière est utilisée dans un même but: la célébration. Eric Troncy écrira à propos de son travail que la lumière y tient un rôle fondamental et que, si la confrontation avec ces univers est parfois brutale, elle n'en reste pas moins subtile dans sa manière d'éveiller les sentiments. La lumière y est un médium tour à tour violent ou séduisant, un médium qui, toujours, renvoie à la mémoire et aux expériences passées. Par des teintes subtilement sélectionnées, l'artiste éveille en chacun des souvenirs, des émotions que tous ont vécu, d'une manière ou d'une autre. Il travaille sur l'internationalité de la couleur, prenant en compte combien l'individualité de chacun peut venir modifier la perception que le spectateur a de la pièce. Lévèque tend à atteindre l'expression pure, l'énergie immédiate qui frappe le visiteur de plein fouet pour l'englober dans un univers fait de sons et de couleurs.

Page 13: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

Une chose demeure certaine: de tout temps, la couleur a fasciné artistes et scientifiques, chacun œuvrant à sa façon pour faire évoluer la perception que nous avons du monde, par le biais des teintes et des lumières. Art et Sciences ont toujours avancé côte à côte, chacun entraînant l'autre un peu plus en avant. Au fil des théories et des expériences, tant théoriques que pratiques, il est apparu que la couleur conditionnait notre rapport au monde et que sa perception était un phénomène objectif et subjectif à la fois.

Page 14: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

ANNEXES

Page 15: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

COULEURS ET SENTIMENTS

Afin d'enrichir mes recherches, j'ai choisi de faire passer un questionnaire à un maximum de personnes, des anonymes et des proches. Je leur posais une série de question sur la façon dont ils percevaient et vivaient les couleurs. L'un des points de ce questionnaire portait sur l'association d'une couleur à une émotion, libre à chacun d'extrapoler et de compléter en fonction de sa subjectivité. Le formulaire était le suivant:

Quelle émotion associez-vous aux couleurs suivantes?RougeOrangeJauneVertBleu IndigoViolet

Ci-dessous, un échantillon des réponses obtenues, sans intervention de ma part.

Rouge : colère, agressivité, punch, passion, intensitéOrange : bonne humeurOrange tiède : mélancolieJaune électrique : intellectuelJaune d'or : optimismeVert tendre : renouveau, croissance, tranquillité, ouvertureVert profond : sagesse, guérisonTurquoise : magie et mystère, jouvenceBleu clair : rêveBleu Roi : confianceIndigo : magie, paix totale, sentiment de profondeurViolet : caresse de l'âme, spirituelRose :douceur, tendresseFuschia : amour, amitiéPourpre : mélancolie ésotérique

Rouge ■ Le stress, l'agressivité, la mortOrange ■ Quelque chose entre l'apaisement et le sentiment d'accomplissement (un coucher de soleil... La fin d'une journée, d'un cycle), l'évasionJaune ■ L'éveil, la grandeur, la valeur, la prétentionVert ■ L'espoir, le dynamisme, le bien-être, le naturelBleu ■ Le bien-être, la douceur, l'infinité, l'intelligence, la spiritualitéIndigo ■ Le mystère, le secret, l'intuition, l'incertitudeViolet ■ La superficialité, le mensonge, la duperie, le contresens

Page 16: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

Rouge : l'amour, l'abandon de soiOrange : le doute, le questionnementJaune : la vivacitéVert : la sérénitéBleu : le calme, la concentrationIndigo : l'angoisse, le stress, le calme avant la tempêteViolet : la plénitude

Rouge : la rage, le désir, l'anxiété Orange : la rondeur, la douceur, la bontéJaune : la gaieté, le dynamisme, enthousiasme, ivresseVert : la sérénité, l'apaisement, le calme reposantBleu : sentiment de légèreté, d'évasion, de solitude Indigo : l'inquiétude, le doute, le stressViolet : la sensibilité, attachement, compassion

Rouge: l'accélération brutale de mon rythme cardiaque. Ce point précis où mon organe vital passe d'indolore à douloureux. Tout ce qui provoque cette perception me fait voir rouge à l'intérieur : coup de chaleur, colère, émotion forte, amour,...Orange : Suggère la tempérance. Plus doux que le rouge. Émotion figée dans l'attente, visualisation d'un combat mental en devenir, répit avant la bataille... Ou quand la pression redescend après une trop longue journée stressante.Jaune : L'effet des attaques acides. Une émotion vague, floue, avant association mentale, d'une pique venimeuse. Si c'est le jaune d'œuf, alors je dirai que la remarque est constructive et je le prend bien. Si c'est un jaune froid, artificiel, je me blinde et je rejette. Il y a le jaune soleil aussi : le jaune bouton d'or => celui de la salsa et de la musique épicée ( mixée avec du orange/feu, du marron percussion, du mauve ombre désertique, et du bleu turquoise.)Vert : Vert forêt : la féminité, la profondeur immuable positive et l'espérance sans fin. Avec l'ombre pour ne pas oublier qu'elle vient de la terre. Ancrage dans le stable et présent au plus profond. /Vert tendre : le renouveau printanier. Un rafraîchissement bienvenu, un côté neuf, fragile, mais précieux, éphémère.Bleu : Bleu nuit presque noir : la possibilité sans limite, la noyade dans le gouffre, dans l'eau noir et l'inconnu. État de calme qui dépasse la somnolence. Qui précède le voyage hors matière. / Bleu royal : la sécurité, le self contrôle. Être dans le connu rassurant et le maîtriser. / Bleu cyan : eaux tièdes changeantes, transparentes => la détente perlée de joie, sans l'énervement. / Bleu gris : c'est le bleu scientifique. / Bleu ciel : l'infini, l'illusion du ciel sans nuage. Il reste une illusion.Indigo : la réflexion bridée et dissimulée. La froide lucidité.Violet : violet chaud : l'orage, la haine, l'étouffement des émotions au bord de l'explosion. Ce qui est intériorisé mais qui va déborder. / Violet bleuté, froid : le vivant entre parenthèses. La connaissance brûlante théorisée. Détachement de l'affect.

Page 17: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

LA SYNESTHÉSIE COLORÉE

Au cours de mes lectures, j'ai été amenée à m'intéresser à la question de la synesthésie colorée. Il s'agit du potentiel qu'ont certains individus à percevoir des couleurs entendant des notes, ou, à contrario, à entendre le bruit des couleurs. Leurs différents sens peuvent susciter des images visuelles. Par le biais de ma rencontre avec l'une de ces personnes, j'ai pu en apprendre un peu plus sur ce phénomène. Cette perception de la « couleur des sons » était plus marquée quand cette personne était jeune enfant mais elle en conserve encore aujourd'hui les traits caractéristiques. Une telle situation est parfois difficile à mettre en mots mais la perception des notes de musique entraînait chez elle la naissance d'un univers coloré. Jouer d'un instrument équivaut plus ou moins à peindre une mélodie. Ces deux sens sont inextricablement liés et les effets incontrôlables. Ainsi, les couleurs naissent des mélodies des plus grands compositeurs comme du dernier morceau à la mode. La profondeur et la richesse de ce que cela produit varient évidemment d'un air à l'autre, de par sa qualité et se recherche. Les couleurs peuvent être harmonieuses et envoûtantes ou dissonantes et suscitant le malaise. L'empreinte d'un compositeur y est reconnaissable par la palette de couleurs suscitées, par les images mentales créées. La mémoire des notes devient tributaire des couleurs qu'elles font naître. Néanmoins, une note seule n'est pas toujours suffisante pour faire naître une couleur, c'est une mélodie dans son ensemble qui crée tout un univers coloré. Chaque note serait associée à une teinte, association subjective et personnelle, nuancée par les dièses et les bémols.

Cette propension à associer l'auditif au visuel peut également être provoquée par l'absorption de substances comme la drogue et l'alcool mais ce domaine-là sort de mes recherches. Des hallucinations colorées naissent parfois de troubles mentaux ou de troubles parallèles de la vision, auquel cas les scientifiques parlent de phénomènes neurologiques, qui touchent le cerveau plutôt que l'œil. Encore une fois, il apparaît que le fait même de voir, des choses réelles ou non, est avant tout lié à un processus quasi-intellectuel plus qu'à la simple perception de la lumière et des couleurs par la rétine.

Page 18: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

ISAAC NEWTON

Page 19: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

JOHANN W. GOETHE

Cercle chromatique

Page 20: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

CHEVREUL

Cercle chromatique

Page 21: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

JOHANNES ITTEN

« Farbkreis », 1961

Page 22: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

JOSEF ALBERS

« Hommage to square »

Page 23: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

JAMES TURRELL

« Juke Green », 1968

Page 24: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

OLAFUR ELIASSON

« Take your Time », MoMA, 2008

Page 25: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

ANN VERONICA JANSSENS

« Purple mist », 2003

Page 26: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

CLAUDE LEVEQUE

« Le grand Sommeil », 2006

Page 27: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

BIBLIOGRAPHIE

Page 28: COULEUR PERCEPTION - · PDF file« La nomination de la couleur, qui est peut-être le décret inaugural de la peinture, n'épuise pas sa spécificité []. Même adéquatement nommée

- ALBERS, Josef, « L'interraction des couleurs », Hachette Littérature, 1974

- BRUSANTIN, Manlio, « Histoire des couleurs », éd. Flammarion, Manchecourt, avril 1996

- FILLACIER, Jacques, « La pratique de la couleur », éd. Dunod, éd. Dunod, Bordeaux, juin 1986

- GOETHE, J.W., « Traité des couleurs », éd. Triades, Clamecy, octobre 93

- ITTEN, Johannes, « Art de la Couleur », Dessain et Tolra, Paris, 1973

- KÜPPERS, Harald, « La couleur – Origine, Méthodologie, Application », Dessain et Tolra, imprimé en Allemagne Fédérale, 1er trimestre 1975

- PASTOUREAU, Michel, « Couleurs, images, symboles: Etudes d'histoire et d'anthropologie », éd. Le Léopard d'Or, Luisant

- ROQUE, Georges, « Art et Science de la Couleur, Chevreul et les peintres, de Delacroix à l'abstraction », éditions Jacqueline Chambon, Marseille, mars 1997

- ROQUE, Georges, « Verba Volabr – 3. L'Expérience de la couleur », Ecole d'Art de Marseille Luminy, 1992

- Pr. SILVETRINE Narciso et Pr. Dr. FISCHER Ernst Peter, « Les systèmes de couleurs dans l'art et les sciences », Editions Fabre

- COLIN Anne, « Olafur Eliasson, vers une nouvelle réalité », Art Press, numéro 204, septembre 2004

- CRARY, Jonathan,Your colour Memory: Illuminations of the Unforeseen, in: « Olafur Eliasson. Minding the world », ARoS Aarhus Kunstmuseum, 2005

- ELIASSON, Olafur, 457 words on colour, in: « Bridge the gap? », Center for Contemporary Art, Kitakyushu, 2001

- BLIN Françoise-Aline, « Ann Veronica Janssens, lumineux dérèglement des sens», Beaux-Arts Magazine, n°237, février 2004

- ERGINO Nathalie, « Ann Veronica Janssens, 8'26'' », catalogue de l'exposition du Musée d'Art Contemporain de Marseille (8 nov. 2003-8 fév. 2004), 2003

- RECH Almine, « Rencontres 9. James Turrell », Almine Rech éditions/ Editions Images Modernes, 2005

- TRONCY Erci, « Carcasses et Émotions », site web de l'artiste (http://www.claudeleveque.com)