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EHESS De l'autorité by Bernard Van Meenen Review by: Daniel Vidal Archives de sciences sociales des religions, 52e Année, No. 140 (Oct. - Dec., 2007), pp. 294-297 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30119397 . Accessed: 12/06/2014 17:45 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 188.72.126.118 on Thu, 12 Jun 2014 17:45:28 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

De l'autoritéby Bernard Van Meenen

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De l'autorité by Bernard Van MeenenReview by: Daniel VidalArchives de sciences sociales des religions, 52e Année, No. 140 (Oct. - Dec., 2007), pp. 294-297Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30119397 .

Accessed: 12/06/2014 17:45

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

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294 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

dispersion des pretres imposa des rencontres periodiques avec l'eveque, les synodes, sou- vent plusieurs fois par an. Le concile de Trente reprit I'institution, qui periclita aux xvIIe et xvIII'e sidcles. Apres la Revolution, les gouver- nements frangais soumirent les synodes B des autorisations strictes, contraignant les eveques A modifier les contenus des thematiques ainsi que la composition des assemblees. Le cardi- nal Gasparri, le maitre d'oeuvre du Code de Droit canonique de 1917, avait enseigne le droit canonique aux facultes catholiques de Paris. S'appuyant sur les observations faites dans l'tglise de France, ii s'efforga de codifier les pratiques qui etaient le resultat des condi- tions historiques, en depit des sources histo- riques de l'institution synodale : < Le dommage est que d'une pratique adoptee librement par des eveques, il fit une loi et ordonna de sou- mettre aux membres du synode "un schema de decrets", prepare eventuellement par des commissions . (p. 50). L'auteur voit dans ce durcissement juridique des pratiques une derive qui conduit les synodes, au xxe siecle, I perdre de leur interet pour le gouvernement des dioceses. Un utile r6pertoire des synodes diocesains tenus en France de 1820 & 1960 cl6t la premiere partie.

Une seconde partie analyse l'institution synodale apres Vatican II. En tout etat de cause, elle change profondement, A la fois par une lecture particuliere des textes fondateurs - eux-memes en evolution pour ce qui concerne les applications -, et par un souci lie aux conditions contemporaines. L'elargissement des assemblies aux laics, non seulement respon- sables mais aussi aux << de1kgues >, transforme I'institution synodale au point de la rendre illisible: l'auteur souligne que la reprise de l'appellation << synode . conduit B brouiller les conditions dans lesquelles les acteurs ecclesiaux exercent leurs tiches propres de gouverne- ment. Le clerge diocesain en est la premiere victime.

L'ouvrage est une illustration sans ambi- guite de la plasticite de l'tglise catholique romaine en matiere d'organisation politique. Cependant, dis lors que les mutations s'ap- puient sur les experiences de terrain (code de 1917), le sociologue peut se demander dans quelle mesure cette adaptation est reellement maitrisee par l'institution. Il y aurait sans doute matiere, dans ce domaine, A une enquete sur les types d'adaptation subies ou promues, dans leur rapport au contexte societal.

Nicolas de Bremond d'Ars

140-83 Bernard VAN MEENEN, (dir.)

De I'autorit8 Bruxelles, Facultgs universitaires Saint-Louis, 2007, 99 p.

Comment penser la configuration de sens qui s'organise autour du concept d'autorite, dans sa relation A la responsabilite person- nelle, aux logiques du pouvoir, g la consistance de la tradition, aux pesanteurs de l'institution ? Selon quels argumentaires peut-on traiter du domaine d'exercice de l'autorite, reconnue! transgressee, des rapports de l'agir au(x) ref&- rentiel(s) - religieux, politique, savant -, des relations entre experience singuliere et refon- dation des instances d'autorit6, etc. ? En f6vrier 2006, aux Facultes universitaires Saint-Louis, & Bruxelles, l'cole des sciences philosophiques et religieuses a consacr6 une " session theo- logique >> un d6bat sur cet ensemble de ques- tions, dont I'ouvrage, dirig6 par Bernard Van Meenen, pr6sente les conclusions. Assez diver- sifiees, pour composer une gamme de r6flexions libres et &clairantes.

Dans un d6bat aussi ouvert, il 6tait d6cisif que Floriane Chinsky, rabbin et sociologue du droit, precise, de fagon tres convaincante, qu'il n'est pas, en judaisme, d'autorit6 6tablie, < fixe et centralis6e >, et qu'en cons6quence la < remise en question . de ce qui ne se pr6sente pas, au sens propre, comme < faisant autorit6 >, fait

, partie int6grante > de l'experience religieuse.

Si l'on attribue & Dieu une < autorite ultime >, celle-ci, . infiniment desincarnee >>, ne se < rea- lise . qu'au travers d'une revelation g la fois collective et singuliere, dont la Torah est le vecteur d'excellence, et d'exception. Revela- tion par definition non modifiable, mais, parce qu'adressee << sans intermediaire > i chacun, lieu d'examens en chaine et de debats portis au centre meme de ce qui fonde la tradition. II n'est alors plus concevable de disjoindre controverses, questionnements, diversification des opinions, et centralite de la Torah, < source concrete et immuable . de la communication du peuple avec son dieu. Le Talmud, etude de la Torah, definit la loi juive, mais << repousse le principe d'autorite >. Si celle-ci ne s'entend que sous condition d'un double appel - la conformite, et A la responsabilite person- nelle -, le Talmud reconduit ces < contraintes >.

II constitue un faisceau de commentaires mul- tiplies, d'interventions arborescentes, entre- croisees; superposees, autour d'un << noyau >

certes central, mais qui, par l'expansion illi- mitee de ses signifiants, est I chaque lecture, ou chaque legon, en permanence reinvesti de

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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE - 295

sens, et, en quelque sorte, riinventi. R~appro- priC par le lecteur, le < maitre . et l'auditeur. Objet de logiques ex~gitiques foisonnantes parce que questionnement de l'innombrable. Mais ces commentaires et ces legons, n&cessai- rement fragmentaires, ne dissipent pas le r~f&- rent: ils le mettent continfiment en dialogue. Dialogues emboitts, englobants/englob~s, se ripondant d'un temps g l'autre de la lecture, d'un siacle A l'autre, et instituant le texte comme instance d'autorit6 sans cesse d~sinvestie et retrouvie, telle une mimoire proustienne. Un code m~me n'interdit pas que des divergences, ou des dissemblances, entrent en l'6conomie de sa raison. Ainsi du < ChoulHan ArouH >,

mis en forme par le rabbin Joseph ben Ephraim Caro (xvIe sitcle). Mime institution de sens que le Talmud, mime disposition textuelle, . Une colonne centrale et des textes satellites >.

Pr~ceptes codifies, sans doute, mais tiss~s de compilations hdtrogines et d~saccord~es, qui font du texte axial, par adjonctions succes- sives et commentaires pluriels, un espace de << discussion >. Aussi bien, il n'est, en judaisme, d'autoritC, conclut F. Chinsky, que < libe g la sagesse et A la comprehension qui se fonde sur des textes qui eux-mimes admettent un plura- lisme >. Il s'ensuit que le . maitre . n'est pas celui qui << fait usage d'autorite >, mais celui qui < propose l'enseignement de la loi dans sa diversite ..

On pourrait opposer, au premier abord, A cette ouverture acharnie du sens par une surenchare de significations, la position de Luther en sa < critique radicale de ce qui fai- sait autorit& >, commentateurs et institution hi&rarchique, et que rappelle Hubert Bost. << Sola scriptura : purisme, 6puration - il s'agit, &crit H. Bost, de << faire disparaitre ce qui fait &cran entre le croyant, et la Parole qui le fait naitre A la foi >. Refus des instances

m~diatrices, r&cusation des commentaires sco- lastiques. Un principe est au fondement de cette dicision de lecture nue, un . principe hermineutique fort >: la clart& de l'Ecriture, qui . peut 8tre interpr&te par elle-mime, parce qu'elle exprime clairement le volont6 de Dieu >. Mais cette immidiatet6 revendiquie du sens de la Parole ne resiste pas A la singula- rite de l'acte de lecture qui s'ophre. Dis lors que Zwingli et Calvin en appellent au < timoi- gnage int&ieur du Saint-Esprit . en chaque fiddle comme structure n6cessaire d'accueil de cette < clartC

,, le conflit des interpretations

ne pouvait manquer de se diployer. Ainsi que le . divorce entre lecture croyante et exighse

savante >. Un . coup de fouet . va donc 8tre donnC & l'enquite biblique, par le recours g la philologie et au questionnement historien. Un mame renversement de perspective peut inter- venir dans la distinction rigoureuse que Luther 6tablit entre ce qui ressortit A l'ordre temporel et ce qui relive du spirituel - entre le .< poli- tique

, et le < religieux >. Non seulement pour

asseoir < l'enracinement magist&riel > de la Riforme, sa collaboration avec la magistra- ture politique, dans une acceptation de l'auto- rite lgitime du Pouvoir, mais pour interdire toute tentative de fonder ici et maintenant, sur cette terre et dans ce temps present, le . royaume de Dieu >. De li, la d~testation radicale envers les . sectes . apocalyptiques, les anabaptistes et les insurg~s de Miinster: le politique risquait de se soumettre au religieux. Inversement, on en appelle au politique pour garantir l'ordre religieux: ainsi Luther dans son . Appel t la noblesse chritienne de la nation allemande >. Le rapport du religieux au pouvoir temporel est ainsi un rapport d'extrime fragilit6, toujours susceptible de se

d6voyer en impossible devoir d'ob6issance, ou en d6nonciation ravageuse du pouvoir. H. Bost: . Si le lien entre l'identit6 chr6tienne et I'appartenance g un pays devait se dis- tendre, il ne serait plus possible d'envisager de r6former ce pays par la d6cision du souverain, que celui-ci soit le peuple ou un prince . : au xvIe si~cle, la R6forme devait penser la relation au politique comme toujours susceptible de retournements. Sur la longue dur6e, la recon- naissance de la monarchie absolue n'empacha pas le recours & des formes multiples de r6sis- tance, y compris insurrectionnelles. Ce qui se joue, en cette complexit6 du rapport A l'auto- rit6, est, selon la formule de H. Bost, << le diffi- cile 6quilibre entre le croyant et le sujet

,, entre

l'homme de foi et le citoyen. Cet 6quilibre est en permanence menac6, A la fois par le repli radical vers le texte biblique, afin de d&chiffrer, dans le Texte, le sens de l'histoire, - et par le droit de la conscience, errante ou de propre examen, qui s'ouvre I des horizons de sens

insoupqonn~s. < Crise de la pens&e politique , sans doute, parce que crise portee au coeur des repires r~f~rentiels. Pierre Bayle apparait ici comme acteur et t~moin de cette nouvelle

acception de la relation A l'autorit6, qui tend, ainsi que Montesquieu, selon l'expression de H. Bost, A < disinvestir le Bible . de toute < comp6tence > politique, et B < priconiser une approche rationnelle (laicis6e et

t voca-

tion universelle) de la question du pouvoir >.

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296 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

Des lors, a partir de 1789 et du combat de Rabaut Saint-Ptienne, la distinction peut a nouveau s'op&rer, entre << l'autorit6 divine qui s'impose au croyant et la tutelle politico- juridique qui en dtfinit les limites >. Si cette distinction s'estompe, notamment dans les annies 1970 avec le document < Lglise et pouvoirs >, qui marque le recouvrement des questions politiques par des

, enjeux ivang&-

liques >, une confusion risque de s'installer au sein de l'tglise reformie, que dissipe le synode national de mai 2005. < Tension positive . entre la reconnaissance de la < lgitimit6 des autorit6s civiles >, et la .< soumission A l'auto- rite de Jesus-Christ (qui) fonde la liberte de conscience >. Pas d'< autoritd ontologique >,

commente H. Bost, qui informerait tous les domaines de l'activitC humaine, mais des formes d'autorit6 contextuelles, et toujours soumises A question. M~me, - surtout ? - dans l'ordre de la foi, telle autorit6 < ne sature pas l'espace du sujet >. La Riforme d~clinerait ainsi le principe d'autorit6, jusqu'd ce qu'un .< sujet >, en sa responsabilit~, s'y affronte.

S'il y a crise de l'autorit6, sans doute faut- ii s'interroger sur l'autoriti en tant qu'instance m~me de crise. La crise serait alors moins l'effet d'une bien convenue . perte de rephres >, que du systime d'autorit6 comme acteur de sa propre mise en crise. Cette perspective d'ana- lyse me parait itre au principe des r~flexions du .< Groupe des Dombes ,,, que resume Bernard Sesboiid. L'. autorit6 doctrinale > est moins, dans l'ensemble des Eglises consid&res, un rif6- rentiel stable qu'une matrice de dispersion. Certes, le Moyen Age imposait une < r~gula- tion de la vie de la foi . afin que soit main- tenue l'unit6 des croyants et des institutions midiatrices. Mais nulle autorit6 ne pouvait vri- tablement opirer, qui ne soit appropri~e coll&- gialement, et, en cette collkgialitY, par chaque . personne >. Pr6nant le retour h l'tcriture de chaque fiddle, en sa singularitY, la Riforme insiste sur le caractere ambivalent de toute < autoriti humaine , lieu de tension entre l'ordre du << juste > et l'ordre du < p~cheur >.

Le principe d'examen, source de lecture auto- ris6e, est ainsi mis en < 6quilibre instable >.

On pourrait cependant allkguer que cette ins- tabilitd mime est, ici, chance pour une quote spirituelle. L'Iglise catholique centralise au contraire le magistdre doctrinal, de concile de Trente en conciles Vatican I et II. Mais, s'inter- rogeant sur la < d~volution de l'autoritd du Christ ~ ses disciples >, elle est conduite A penser la communaut6 comme receptrice et actrice

de cette autoritd revilee, et discerner, en tout . disciple >, I'hiritage proph6tique, et en tout < prophate , la trace du << t~moin >. R~forme et Contre-R6forme s'opposeraient alors comme avers et revers d'une meme monnaie. Si les enjeux recum~niques, pour autant, ne sont pas enjeux monnayables g merci, du moins peuvent-ils autoriser, si l'on peut ainsi dire, des espaces de dialogue. Chaque lglise, pr&- cise B. Sesboii6, reconnait < l'autoritd de la conscience, instance ultime de toute d~cision humaine >. Mais il convient de progresser bien au-deli, selon des < sacrifices > sp~cifiques dont le moindre n'est pas, pour lI'glise romaine,

,, l'norme difficult6 de l'infaillibiliti >>, mime refbree A une collkgialit6 toujours consid&rie comme pierre angulaire de la hibrarchie; et, pour les Iglises issues de la Rdforme, la renon- ciation < A l'illusion de procedures d~mocra- tiques >. Long sera le chemin sur la voie de la < reconciliation >, qui exige de chaque Iglise qu'elle attente aux principes essentiels qui legitiment son < autorit > propre. Les grands visionnaires des R~veils aux XVII' et XVIII' sii~cles, prophates des refondations communes, riglaient d'abord I'&cueil de l'institution - tout, alors, pouvait advenir, et toute autorit6 se penser A nouveaux frais.

. Faire autorit6 >, en matiire de relation p6dagogique, requiert d'autres modes d'inter- pr6tation que de transmission et d'imposition de savoirs. Florence Quinche, 6thicienne, ana- lyse, ~ partir des travaux de Francis Jacques, cette relation asym~trique et les derives d~ma- gogique ou totalitaire qu'elle comporte : d6te- nir un savoir peut Stre occasion de forger un pouvoir; et ce savoir lui-mime, incontest6 dans son principe, interdit toute remise en cause et tout questionnement critique. La rela- tion pidagogique, das lors, n'Cvite de tels risques, que conque comme . relation entre trois termes , les deux parties < maitre > et . auditeur >, n'entrant en rapport que sous condition d'une tierce << autorit6 ipist~mique > : seule cette autorit6, parce qu'elle garantit la lgitimit6 des savoirs dispenses ou discut~s, permet une transmission de ces savoirs lib~rie des abus de . confiance > et des d~rives arbi- traires hors des champs sp&cifiques de comp&- tence. Ce qui relive d'un domaine de savoir

lgitimb par l'observance de critdres de scienti- ficit6 propres g ce domaine, et attestd par la communaut6 des pairs, n'est pas transf&rable en d'autres domaines. D~s lors, I'autorit6 lide g la ditention, ou la proposition, d'un savoir, fonde une . relation non transitive >,

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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE - 297

non exportable. < Avoir de l'autoriti, ce n'est pas seulement possider un certain nombre de savoirs, mais plus profond~ment c'est 8tre capable de penser dans ce domaine, c'est-i- dire d'interroger et de rdpondre selon ses cat&- gories propres >, et de ' passer des questions aux riponses selon les critdres mimes du domaine en question >. Mais F. Quinche n'in- troduit pas seulement, dans le d~bat sur I'auto-

riti, I'incontournable critbre de la competence certifi&e par un rapport I un r~fbrentiel reconnu par les pairs; elle place, au coeur de ce debat, un imperatif thique : que nul ne puisse . faire autorit" > s'il ophre par transgression ou confu- sion de comp~tences. Ainsi peut-on reaffirmer l'irriductibilit6 de la distinction entre domaines religieux et scientifique, sans pour autant figer I'un ou l'autre hors de toute 6preuve d'histori- cite. Et telle epreuve, I son tour, et pour chaque moment des savoirs, suppose que l'on place le dialogue au principe de leur construction. Par ailleurs, ce rappel &thique n'interdit pas, au contraire, les dibats

,< interdisciplinaires >, les

.< dialogues inter-competentiels > : il ne se fonde pas sur un melange hasardeux des genres, mais sur la mise en rapport maitris~e de logiques d'autorit6, seule capable de penser un monde en sa complexit6 et sa d~centration.

Le d~bat peut alors se ddplacer vers une dernibre interrogation: loin de se fonder sur des ordres de connaissance comme instances stabilisees de sens, I'autorit6 en appelle a un acte decisif de refondation. De < recommence- ment

,, selon la formulation de Jean-Claude

Eslin en sa contribution puisant aux sources de la philosophie et du christianisme. Thomas d'Aquin, rappelle-t-il, ne tenait pas pour code la loi evangelique, mais comme < loi de libert >> : comme parole assumee. Si la r~forme gr~gorienne n'avait pas institu6 .< un style d'autoritC > fond& sur l'observance de

r~gles fixes, exigeant .< soumission et obbis- sance >, il aurait pu s'ensuivre que

1', auto-

rite > ouvre la , possibiliti de recommencement

de grande amplitude >. J.-C1. Eslin rephre dans les champs litt&raire et philosophique, les < actes instituants >, qui joignent autorite et exp&- rience individuelle. Montaigne, en ses Essais : << Je n'enseigne pas, je raconte

,. Non qu'il

ne livre pas de < legons > : il ne les livre que comme r~cit personnel, et cette 6criture ev6ne- mentielle a valeur d'autorite d6lest~e de toute

exigence prescriptive. Les Maximes recondui- sent cette mime ,<

sagesse s6cularis~e >, et cette mime acception de l'autorit6 : La Roche- foucauld . individualise > la morale, en une

&criture A mime cette singularit6 : discontinue, fragmentaire, chaque < maxime > rassemblant en une perspective cavalibre toute une exp&- rience du monde. Pascal:

,, J'6crirai mes pen- sdes sans ordres > - et les Pensdes, en effet, d~cousues et acerees, parlent d'une exp&- rience intime a valeur universelle. Experience : confrontation au < reel > - mise a l'6preuve. Hannah Arendt: convertir le philosophe au < reel politique

, - cela suppose un affronte-

ment avec ce reel, une confrontation, une mise a l'preuve de soi dans I'immonde du monde. Dans la banalit6 du mal. Et par lI, I'acquisi- tion d'un . style

, qui combine souci de soi et

socialite. Et done l'avinement d'une autorit6

lib~ratrice, d~cloisonnant les univers de sens, instituant .< une suite, un avenir ", un insti- tud radicalement neuf. Paul, en sa premiere lettre: < N'&teignez pas l'Esprit! Eprouvez toutes choses. " Alain, enfin, loin des . virites , incontestables, et du mode d'autorit6 qu'elles impliquent : . La v6rit6 est momentan6e, pour nous, hommes, qui avons la vue courte (...); il faut la voir, la dire, la faire I ce moment-

l (...); non pour plusieurs fois, car rien n'est plusieurs fois >. Si l'on ne se baigne pas, en effet, deux fois dans le mime fleuve, c'est parce que passe le fleuve. C'est ce passage seul qui fait autoritd.

Daniel Vidal

140-84 Andrd VAUCHEZ, (dir.)

L'attente des temps nouveaux. Eschatologie, millinarismes et visions du futur, du Moyen Age au xx" siicle Turnhout, Brepols, 2002, 170 p.

Issu du Congris international des Sciences historiques (Oslo 2000), ce volume contient une s~rie de communications de la session

consacr~e aux mouvements eschatologiques et millinaristes ; I'diteur scientifique, A. Vauchez, y a adjoint deux collaborations (R. Michetti et H. Multon) pour combler quelques lacunes sur la p~riode des xIxe et xxe sidcles. La per- spective historiographique d'Hilaire Multon,

<, Eschatologie, Visions du futur et proph&-

tisme (XIXe et XXe si~cles) >, montre que les etudes sur les mouvements utopiques et pro- ph~tiques ont bien 6volub en quelques dizaines d'annies ; les debats entre historiens marxistes et << spiritualistes > ont laisse place a une meil- leure prise en consid&ration d'une etude his- torique des rapports de force institutionnels et politiques; et H. Multon souligne A raison

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