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-- 471 - DECOUVERTE DU GENRE IOWAPHYLLUM (TETRACORALLIAIRE) DANS UN BIOSTROME EODEVONIEN DU COTENTIN par Henri FONTAINE * R~sum~ Apr~s quelques remarques sur la faune corallienne de gisements situ6s pr6s de La Roquelle dans le Cotentin, le genre Iowaphyllum est signal6 pour la premiere fois en France. Une esp~ce (I. bohemicum) est d6crite ; elle apporte de nouvelles indications pal6og6ographiques et stratigraphiques. Abstract After a few remarks on the coral fauna in deposits near La Roquelle in Cotentin, the genus Iowaphyllum is iden- tified for the first time in France. One species (I. bohemicum) is described here ; it brings new paleogeographic and stratigraphic data° Introduction A l'est de la Roquelle (x = 49 ° 27' , y = 1° 47') et aux environs imm6diats de ce hameau situ~ sur la commune de Baubigny, les talus de la petite route qui monte rejoindre la R.N. 804 ~ la ferme Saint-Paul sont constitu6s de bancs fossilifdres et renferment abondamment des coraux en deux endroits qui correspondent au mOme niveau r6p6t6 par une faille. Ces affieurements et l'accident qui les s6pare ont 6t6 signal6s d~s le d6but du si~cle (1) et r66tudi6s plus r6cem- ment (2). Le premier gisement , entaill6 au moment de l'am6nagement d'une r6sidence secondaire, a 6t6 nouvellement d6crit avec beaucoup de pr6cision (3) ; le second, dissimul~ par les terres et la v6g6tation, est connu avec moins de d6tails. * IGAL, 21 me d'Assas, 75270 - Paris Cedex 06 G~obios n ° 10- fasc. 3 p. 471 -477, 1 pl. Lyon, juin 1977

Decouverte du genre Iowaphyllum (Tetracoralliaire) dans un biostrome eodevonien du Cotentin

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D E C O U V E R T E DU G E N R E IOWAPHYLLUM ( T E T R A C O R A L L I A I R E )

D A N S U N B I O S T R O M E E O D E V O N I E N DU C O T E N T I N

p a r

Henri FONTAINE *

R~sum~ Apr~s quelques remarques sur la faune corallienne de gisements situ6s pr6s de La Roquelle dans le Cotentin, le

genre Iowaphyllum est signal6 pour la premiere fois en France. Une esp~ce (I. bohemicum) est d6crite ; elle apporte de nouvelles indications pal6og6ographiques et stratigraphiques.

Abstract After a few remarks on the coral fauna in deposits near La Roquelle in Cotentin, the genus Iowaphyllum is iden-

tified for the first time in France. One species (I. bohemicum) is described here ; it brings new paleogeographic and stratigraphic data°

I n t r o d u c t i o n

A l'est de la Roquelle (x = 49 ° 27' , y = 1 ° 47') et aux environs imm6diats de ce hameau situ~ sur la commune de Baubigny, les talus de la petite route qui monte rejoindre la R.N. 804 ~ la ferme Saint-Paul sont constitu6s de bancs fossilifdres et renferment abondamment des coraux en deux endroits qui correspondent au mOme niveau r6p6t6 par une faille. Ces affieurements et l'accident qui les s6pare ont 6t6 signal6s d~s le d6but du si~cle (1) et r66tudi6s plus r6cem- ment (2). Le premier gisement , entaill6 au moment de l'am6nagement d'une r6sidence secondaire, a 6t6 nouvellement d6crit avec beaucoup de pr6cision (3) ; le second, dissimul~ par les terres et la v6g6tation, est connu avec moins de d6tails.

* IGAL, 21 me d'Assas, 75270 - Paris Cedex 06

G~obios n ° 10- fasc. 3 p. 471 -477, 1 pl. Lyon, juin 1977

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L'association faunique

Les coraux sont faciles ~ extraire de leur gangue, g6n6ralement argileuse. Dans certains lits, les colonies atteigent une grande taille (diam~tre de 20 ~t 40 cm et hauteur de 10 ~ 25 cm) et pr~sentent une forme r6guli~re ; aiUeurs, elles sont de petites dimensions avec des diam~tres inf6rieurs h 20 ou m6me 10 cm et leur surface est irr6guli&e montrant des protub6rances ~ la partie sup6rieure ou s'ouvrent les calices. Ainsi, leur aspect sugg~re des conditions 6cologiques plus ou moins favorables ; l'arriv6e intermittente de s6diments terrig~nes semble 6tre la cause de leur d6veloppement irr6gulier.

Quelques colonies ont ~t6 d6rang6es soit pendant leur vie soit peu apr~s leur mort ; celles qui ~taient encore vivantes, tu6es ou 4touff6es en partie, ont continu6 ~ s'accroftre lgi off les polypi6rites 6taient rest6s indemnes et situ~s pros d'un espace libre ; ces excroissances indiquent que certains polypiers ont 6t6 compl6tement renvers6s. Ces boule- versements n'ont pas 6t6 accompagn6s de d6placements importants ; les coraux massifs sont magnifiquement conserv6s et les coraux branchus, s'fls sont bris6s, ne pr6sentent pas de trace d'usure et parfois m6me gardent dans la terre un alignement prouvant qu'ils ont 6t6 cass6s apr4s leur enfouissement..

La faune corralienne occupe une grande place et constitue souvent plus de 50 % des d6p6ts. Elle comprend des t6tracoralliaires solitaires ou en colonies massives et des tabul6s massifs, branchus ou encrofitants. Elle est accompagn6e de stromatoporoRles fr6quents, de bryozoaires rameux ou encrofitants, de bryozoaires fenestellid6s. Les autres groupes d'organismes sont rares ou absents, ~ l'exception d'une algue (Unella roquellensis PONCET, 1974) (4) dont on remarque souvent les bases des thalles fbx6es sur les fossiles recueillis.

Les stromatoporoRtes jouent un rble important. Cependant, ils ont eu exceptionnellement une vitalit6 suffisante pour former un banc et ont souvent 6t6 incapables de construire de grandes colonies avec des dimensions sup6rieures

20 cm. Fr6quemment soud6s ~ d'autres organismes, ils se sont d6velopp6s plus facilement pendant les p6riodes ~ s6di- mentation peu terrig~ne.

Les coraux

Les tabul6s massifs sont moins communs que les stromatoporoides. Les colonies de Favosites sont souvent petites avec des diam~tres de 4 ~ 8 cm ; quelques-unes font exception en atteignant au maximum une hauteur de 10 cm et un diam~tre de 22 cm. Nombreuses, elles semblent appartenir g une seule esp~ce, d6terminOe autrefois, F. punctatus BOUILLIER, 1826. Le genre Alveolites n'est connu que par de rares et petits exemplaires. Les tabul6s branchus du genre Thamnopora sont localement tr~s nombreux ; des alv6olitin~s rameux sont parfois pr6sents. Quelques tabul6s sont encrot~tants.

Les t6tracoralliaires simples, de forme c6ratoide droite ou incurv6e, sont assez fr6quents, mais dispers6s.

Le genre Hexagonaria constitue les deux tiers des coraux massifs (t6tracoralliaires et tabul6s) et se trouve repr6- sent6 g 90 % par H. namnetensis BARROIS, 1889. Cette espbce, d'abord d6couverte dans l'Emsien de la rdgion d'Angers (5), puis cit6e ~ La Roquelle (1), a 6t6 red6crite par J.E. Sorauf (6) et figur6e de nouveau par J. Poncet (3). Ayant de petits calices de taille variable avec des diagonales mesurant de 2/L 9 mm, elle possdde des septes de deux ordres, aux nombres de 10 + 10 g 16 + 16. Les septes majeurs s'6tendent jusqu'aupr~s de l'axe du polypi6rite tandis que les septes mineurs sont un peu plus courts. Les diss6piments bien d6velopp6s sont dispos6s sur 1 ~ 4 rangs. Le tabularium large d'environ 3 mm montre de nombreux planchers complets et incomplets. Accompagnant H. namnetensis, quelques colonies ont de plus grands calices (diagonales de 7 ~ 12 mm) et appartiennent ~ une autre esp~ce d'Hexagonaria ; elles se distinguent aussi de 11. venetensis, BARROIS et de H cf. longiseptata, BULVANKER, esp~ces de l'Emsien de la r6gion d'Angers (6). Leurs septes, de 2 ordres et de longueur peu diff4rente, sont aux nombres de 12 + 12 ~ 15 + 15 seulement. Leurs diss6piments forment jusqu'g 7 rangs tandis que le tabularium a un diam~tre de 2 fi 4 ram.

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Le genre Iowaphyllum, diss6min6 au milieu des autres coraux, est relativement rare puisque 14 6chantillons seule- ment ont 6t~ recueillis alors qu'il a 6t6"r~colt6 ou vu une centaine de colonies d'Hexagonana. I1 est repr6sent6 parL bohe ~ micum PRANTL (7) et deux petits 6chantillons d'une deuxi6me esp6ce dont la description restera ~ faire apr6s r6colte d 'un mat6riel plus fiche. Cr66 en 1949 par E.C. Stumm (8) avec Smithia ]ohanni HALL et WHITFIELD, 1872 comme esp6ce-type, il groupe des coraux massifs aphroitles avec septes minces darts le tabularium, devenant ~pais et discontinus verticalement dans le diss6pimentarium. Les planchers, plats ou vo~t6s dans leur partie m6diane, sont concaves vers le haut ~ leur p6riph~fie. La microstructure des septes est trab6culaire. Cormu dans la partie orientale des Etats-Unis (Giv6- tien du Kentucky et du Michigan ; Frasnien de l ' Iowa) le genre Iowaphyllum a 6t6 cit6 r6cemment en Tch6coslovaquie (calcaires de Koneprusy = Praguien ou Sieg6nien sup6rieur-Emsien inf6rieur ; horizon corallien de Kaplicka = Zlichovien ou Emsien sup6rieur) et en Belgique (formations de Neuville et d 'Aisemont = Frasnien sup6rieur). En Allemagne, il existe dans le D6vonien sup6rieur des environs d'Aix-la-Chapelle. En Australie, il a 6t6 d6crit darts l 'Emsien de la Nouvelle GaUe du Sud (Formation de Garra) sous le nora de/ . cabonnense STRUSZ [(9), p. 430-431, pl. 67, fig. 12:15], esp6ce curieuse avec columelle et sans diss6piments. En URSS, fl a 6t6 trouv6 dans l 'Emsien sup6rieur-Eif61ien inf6rieur du Salait. Actuel- lement, il compte 10 espbces.

Description syst6matique Iowaphyllum bohemicum PRANTL, 1951

1951 - Billingsastmea bohemica PRANTL, p. 8-9, pl. 1, fig. 1-2 ; pl. 3, fig. 1.

1951 - Billingsastraea branikensis PRANTL, p. 10-11, pl. 2, fig. 1-2 ; pt. 3, fig. 2.

1971 - Iowaphyllum bohemicum OLIVER et GALLE, (10), p. 213-216, pl. 1, fig. 8-10 ; pl. 2, fig. 1-5 ; pl. 3, fig. 1-2.

Morphologie des colonies : Une seule grande colonic haute de 14 c m e t d 'un diam~tre maximal de 18 cm est de forme conique ; sa pointe basale bris6e montre 3 sections de polypi~rites adultes. Deux jeunes colonies d'un diam~tre inf~rieur fi 5 cm ont aussi une forme conique. Tous les autres 6chantillons ont une forme aplatie due fi une expansion lat~rale rapide ; le plus petit est haut de 2,5 cm avec un diam~tre de 10 cm tandis que le plus grand s'61~ve ~ 12 cm avec un diam~tre de 35 cm.

Les calices sont bien marqu6s fi la surface des colonies, souvent seulement par des creux assez profonds (2 g 6 ram) bords verticaux ; parfois, ils se placent au sommet de courtes protuberances cylindriques. Ils sont dispos6s de fa9on

un peu irr6guli~re et leur 6cartement d 'un centre ~ u n autre varie de 13 ~ 25 ram. Les septes apparaissent sous forme de faibles rides d~corant les espaces entre les calices.

Coupes transversales : Les septes, de deux ordrcs, sont aux nombres de 15 + 15 fi 28 + 28 pour des diambtres du tabularium allant de 3 fi 8 ram. Ils ne d~passent gu~re les limites du tabularium vers l 'ext6rieur, sauf ~ quelques niveaux off ils apparaissent sous forme d'6pines sur les diss~piments.

Les septes majeurs, minces dans le tabularium, deviennent 6pais en passant dans le diss6pimentarium et, excep- tionnellement, peuvent atteindre une telle 6paisseur qu'ils se soudent aux septes mineurs pour former une paroi autour du tabutarium, mais toujours tr~s incomplete. Prenant souvent un aspect un peu car6n6 dans leurs parties 6paissies, fls s '6tendent jusqu'/t l 'axe du polypi6rite ou presque. Quelques-uns se soudent entre eux ; une certaine sym6trie bila- t6rale peut apparaftre par l 'union de deux septes oppos6s divisant la zone axiale du polypi6rite et par la disposition des autres septes de chaque c6t6 de cette s6paration.

Les septes mineurs, relativement courts et parfois discontinus, p6n6trent peu dans le tabularium et de fa~on 16gb- rement variable suivant les ~chantillons.

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Les dissdpiments ont des taffies et des formes irrdguli4res. La plus grande dimension de leurs sections est souvent 6gale ou infdrieure ~ 5 nun et atteint 10 mm au maximum. Les parois des dissdpiments sont minces, sauf lorsqu'elles supportent des rides prolongeant les septes.

Coupes longitudinales : Les planchers, serr6s et au nombre d'environ 24 par cm, complets ou incomplets, s'anas- tomosent frdquemment. Ils sont nettement convexes vers le haut dans leur pattie centrale alors qu'ils sont concaves leur p6riph6rie.

Les dissdpiments de taille irrdguli~re ont la forme de v~sicules aplaties avec une hauteur de moins de 3 m m et un diam~tre souvent infdrieur ~ 5 turn et atteignant exceptionnellement 10 ram. Ces vdsicules sont dispos6es horizonta- lement ; pros du tabularium, elles s'inclinent pour devenir subverticales et prennent une petite taille.

A intervalles variant de 2 fi 9 ram, des 6paississements avec sections de rides septales traversent le diss6pimen- tarium ; ils reprdsentent des arr~ts de croissance.

Les septes sont constituds de trabdcules Subverticales ~ la pdriphdrie des polypidrites et s'inclinant vers l'axe dans le tabularium.

Rapports et diffdrenees : L cunctum POCTA des calcaires de Koneprusy se distingue de nos 4chantillons par des septes 6pais et soud6s formant un large manchon autour du tabularium et par des septes majeurs de longueur indgale dont certains s'unissent dans l'axe du polypidrite en constituant une structure irr4guli~re.

Extension stratigraphique : En Bohdme, L bohemieum se trouve dans l'horizon de Kaplicka appartenant au Zli- chovien (= Emsien sup6rieur). En Normandie, elle est situ6e juste au-dessus de couches datdes du Siegdnien supdrieur et consid6rde du mdme gge que ces couches.

Conclusion La faune corallienne de La Roquelle, peu 6tudide jusqu'ici, est cependant digne d'intdrdt car de telles faunes

sont rares dans le Ddvonien infdrieur. Deux esp~ces sont maintenant bien connues : Hexagonaria namnetensis BARROIS existant aussi dans l'Emsien des environs d'Angers et Iowaphyllum bohemicum PRANTL se trouvant dans l'Emsien de Boh~me. Ces premieres ddterminations, en dehors des relations qu'elles soulignent entre des gisernents 61oign6s g6o- graphiquement, montrent des affmitds emsiennes dans cette faune.

Rdfdrenees bibliographiques

(1) BIGOT A - Bull. Soc. GEol. Fr., Paris, 1907, 4, IV,p. 861-908.

(2) PONCET J. - Th~se de doctorat, Caen, 1968, 2 vol., 376 p. et 1 vol., 91 fig..

(3) PONCET J. - MEm. B.R.G.M., Paris, 1977, 89, p. 116-124.

(4) PONCET J. - GEobios, Lyon, 1974, 7, p. 77-80.

(5) BARROIS C. - Mdm. Soc. GEol. Nord, Lille, 1889, III, 348 p..

(6) SORAUF J.E. - Paleontology, London, 1969, 12, 2, p. 178-188.

(7) PRANTL F. - Sbor. Nar. Mus. Praze, Praha, 1951, 7 b, 3, Gdol. et Pal6ont., 2; 17 p..

(8) STUMM E.C. - GEol. Soc. Amer. Mdm., Boulder, 1949, 40, p. 1-92.

(9) STRUSZ D.L. - Paleontology, London, 1967, 10, 3, p. 426-435.

(10) OLIVERW.A. et GALLE A. - Vest. Ustr. Ust. Geol., Praha, 1971, 46, p. 209-216.

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P L A N C H E 1

Iowaphyllum bohemicum PRANTL.

Coupes transversales.

Fig. 1 - Echant i l lon F R 1 AN, x 2 , 3 . Fig. 2 - Echant i l lon F R 1 A, x 2,5. Fig. 3 - Echant i l lon F R 1 A, x 3,75.

Coupes longitudinales.

Fig. 4 - Echant i l lon F R 1 A, x 1,9. Fig. 5 - Echant i l lon F R 1 A. x 2,7. Fig. 6 - Echantf l lon F R 1 AN, x 2.

Fig. 2 : Photographie d 'une part ie de la surface de l '6chant i l lon F R 1 A, x 0,66

G6obios

N ° 10- Fasc. 3

PI. 1 H. Fontaine

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