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1 - 7 CONGRÈS PRG DU 28, 29 et 30 Septembre CONTRIBUTION : Défendre les libertés individuelles à l'heure du numérique, un nouveau défi pour le radicalisme En quelques années, le numérique a envahi nos vies, notre environnement et change progressivement nos modes de pensée et d'action. Surtout, il tend à devenir une partie de nous même en particulier dans les usages émergents : lunette à réalité augmentée, puce rfid implantée à même le corps pour payer et pour garder les informations de santé sur soi. Dans les laboratoires déjà se développent des applications pour accroître notre mémoire, améliorer nos performances intellectuelles, téléphoner et surfer sur le web à même sa peau, etc. C’est naturellement que se pose la question de la place des indi vidus et de la protection de leur liberté dans ce nouvel environnement technologique. C'est aujourd'hui que doivent se mener les combats qui structureront les cadres de la société numérique de demain. En effet, les schémas d'aujourd'hui seront reproduits demain à plus grande échelle pour tous les nouveaux usages d'Internet dans les objets connectés et qui toucheront des domaines aussi divers que la médecine, les transports, la télévision, etc. Et les dérives actuelles sont inquiétantes : censure incontrôlée du web, gestion des noms de domaine par un seul pays, abonnement internet à prix variable, utilisation illégale de nos informations privées sans réel recours, impossibilité de lire certains fichiers (musique, livre...) sur tous les supports, contrôle oligopolistique de l'innovation par le biais des brevets, etc. Au vue des évolutions, ces dérives risquent d'affecter des pans entiers de notre identité et

Défendre les libertés individuelles à l'heure du numérique (congrès PRG 2012)

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Contribution sur la défense des libertés sur Internet à l'occasion du congrès du PRG en 2012.

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    CONGRS PRG DU 28, 29 et 30 Septembre

    CONTRIBUTION :

    Dfendre les liberts individuelles l'heure du

    numrique, un nouveau dfi pour le radicalisme

    En quelques annes, le numrique a envahi nos vies, notre environnement et change

    progressivement nos modes de pense et d'action. Surtout, il tend devenir une partie de

    nous mme en particulier dans les usages mergents : lunette ralit augmente, puce rfid

    implante mme le corps pour payer et pour garder les informations de sant sur soi. Dans

    les laboratoires dj se dveloppent des applications pour accrotre notre mmoire,

    amliorer nos performances intellectuelles, tlphoner et surfer sur le web mme sa peau,

    etc.

    Cest naturellement que se pose la question de la place des individus et de la protection de

    leur libert dans ce nouvel environnement technologique. C'est aujourd'hui que doivent se

    mener les combats qui structureront les cadres de la socit numrique de demain. En effet,

    les schmas d'aujourd'hui seront reproduits demain plus grande chelle pour tous les

    nouveaux usages d'Internet dans les objets connects et qui toucheront des domaines aussi

    divers que la mdecine, les transports, la tlvision, etc.

    Et les drives actuelles sont inquitantes : censure incontrle du web, gestion des noms de

    domaine par un seul pays, abonnement internet prix variable, utilisation illgale de nos

    informations prives sans rel recours, impossibilit de lire certains fichiers (musique,

    livre...) sur tous les supports, contrle oligopolistique de l'innovation par le biais des brevets,

    etc.

    Au vue des volutions, ces drives risquent d'affecter des pans entiers de notre identit et

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    posent directement la question de la proprit de nos donnes personnelles. Voulons nous

    vraiment que demain une poigne d'entreprise, la plupart trangre, dtiennent et puissent

    utiliser des informations telles que notre tat de sant, notre statut marital, nos

    dplacements, nos habitudes alimentaires ? Des gardes fous doivent tre mis en uvre pour

    protger la libert de nos citoyens face ces intrts privs.

    Ainsi qu'il en a toujours t dans l'histoire passe, ici aussi la question de la proprit est au

    cur des enjeux et des combats. Le PRG par son histoire et son identit a un rle vident

    jouer pour raffirmer le rle de ltat comme garant des liberts individuelles dans la socit

    numrique.

    Pour y parvenir et contre balancer le pouvoir des compagnies prives, trois principes

    essentiels relatifs la proprit des donnes doivent tre dfendus:

    La neutralit du net

    L'interoprabilit

    La transparence de l'information

    Neutralit du net

    La neutralit du net revient considrer le rseau comme un bien public, sur lequel

    les flux de donnes sont traits de manire gale, avec comme objectif d'offrir un accs

    universel l'information. On peut aisment faire un parallle entre la neutralit du net et les

    combats passs des Radicaux tels ceux pour une Rpublique Laque et l'accs pour tous

    l'ducation. La finalit est la mme, savoir offrir les conditions des liberts individuelles aux

    citoyens travers la connaissance, indpendamment des intrts conomiques, politiques

    ou encore religieux.

    Cependant, la neutralit du net dans la ralit ne va pas de soi et de nombreux combats sont

    mener pour la renforcer. Certains se jouent au niveau international, ainsi en va-t-il de la

    gestion des noms de domaine attribue par le dpartement du commerce amricain une

    association de droit amricain l'ICANN. Un internet indpendant ne peut en aucun cas

    dpendre du bon vouloir d'un seul tat. Se pose galement la question tout aussi

    fondamentale des normes de l'internet, pour l'instant gres par un organisme indpendant,

    le W3C, mais dont la position est prcaire face de puissants lobbys.

    La neutralit du net tant lie aux rseaux, la question du financement de ces derniers est

    tout aussi essentielle. Si l'on considre Internet comme un bien public, il est du devoir de

    l'tat de financer les infrastructures de l'internet fixe et mobile et d'en assurer l'accs toute

    la population. En cdant les investissements aux oprateurs, comme c'est le cas depuis

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    plusieurs annes, on renforce leur pouvoir et leur lgitimit mettre en place des mesures

    de filtrage visant rduire le dbit de certaines connexions internet voire proposer des

    forfaits selon la consommation mensuelle en particulier pour l'internet mobile, ce qui va

    fondamentalement l'encontre de la notion de neutralit d'internet. De la mme manire,

    Internet ne doit pas non plus servir de plate forme d'espionnage des usages des citoyens par

    l'tat. Les solutions de filtrages telles celles mises en place pour HADOPI doivent donc

    dfinitivement tre abandonnes, de mme que leur revente des dictatures.

    La dernire campagne prsidentielle a aussi offert un triste spectacle avec des actes rpts

    de censure arbitraire de comptes satiriques sur les rseaux sociaux. Les droits l'expression

    ont t ouvertement bafous. La neutralit du net a aussi vocation protger contre ces

    pratiques, qui favorisent toujours les plus puissants, et ncessitent des cadres juridiques

    particuliers.

    En dernier lieu, pour assurer la neutralit des informations diffuses sur Internet, les

    activits d'acheminement de l'information (par les fournisseurs d'accs, par les moteurs de

    recherche) doivent clairement tre spares des activits de production de l'information. Il

    existe un risque rel que les fournisseurs d'accs ou les moteurs de recherche favorisent

    leurs contenus au dtriment d'autres contenus pouvant pourtant tre plus pertinent pour

    l'utilisateur et mettent mal ainsi le principe de l'galit de l'information.

    De manire gnrale, il faut replacer la question de la neutralit du net dans le contexte

    d'usage en volution. Les drives observes aujourd'hui ont encore peu d'incidence sur

    notre vie quotidienne, mais demain ce ne sera plus le cas. Le Parti Radical de Gauche n'est

    pas de ces partis qui ferment les yeux sur les problmes mergents et il n'est pas prt

    accepter la mainmise sur Internet par un nombre limit de socit et d'tat, ni la censure

    arbitraire ou l'espionnage une chelle quasi industrielle.

    Ainsi, pour dfendre la neutralit du net, le Parti Radical de Gauche propose:

    Que la gestion des noms de domaine soit gre par un organisme international

    indpendant

    Que le rle du W3C soit officiellement reconnu par les organisations internationales

    Que les technologies de filtrage de l'internet soient bannies et la loi HADOPI abroge

    Que l'tat reprenne ses investissements dans les rseaux fixes et mobiles

    Que la loi protge mieux contre la censure sur Internet

    Que les activits de cration de contenu soient clairement distinctes de celles

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    d'acheminement de l'information

    Interoprabilit

    L'interoprabilit est la capacit donne un fichier ou des donnes d'tre lus sans

    restriction sur des interfaces diffrentes. Elle concerne par exemple les fichiers multimdia,

    tels que les livres, la musique, les films qui devraient tre lisibles sur tous les supports, ce qui

    n'est aujourd'hui malheureusement pas le cas. La lecture des donnes est bride l'aide de

    verrou numrique appel aussi DRM. Les utilisateurs se retrouvent dans des situations o ils

    achtent des fichiers qu'ils ne peuvent utiliser que partiellement. Ces pratiques concernent

    galement de nouveaux usages comme les carnets de sant numriss ou encore les listes

    de contact, o tout est fait pour empcher l'utilisateur de disposer librement de leurs

    informations. Les utilisateurs sont pris en otage.

    L'origine du problme est l'absence de norme, chaque industriel essaye d'imposer la sienne

    au dtriment de celle de son concurrent, et au dtriment surtout de l'utilisateur qui dpense

    son argent dans des solutions voues l'obsolescence. A contrario de cette logique

    traditionnelle qui tend dpossder partiellement les utilisateurs de leurs droits de

    proprit, un autre cosystme s'est dvelopp autour du logiciel libre. La logique qui le

    sous tend est celle de la coopration, du partage et de l'amlioration continue des services.

    Il n'est pas inutile de souligner la proximit philosophique du milieu du libre avec celui de

    l'conomie sociale et solidaire (ESS) laquelle sont tant attachs les Radicaux de Gauche. De

    mme que pour l'ESS, le libre a dmontr son utilit conomique et sociale en facilitant le

    partage, en acclrant le rythme des innovations et en abaissant les cots de nombreux

    produits et services.

    L'interoprabilit est aussi lie la conception du droit d'auteur et donc la question de la

    proprit. Les Radicaux ont toujours dfendu le droit aux crateurs d'tre rmunrs pour

    leur travail. Cependant, ils n'ont jamais dfendu celui qu'un citoyen ne puisse pas disposer

    de l'entire proprit de ses biens. Car quand un utilisateur achte un livre numris, et qu'il

    ne peut ni le lire sur tous les supports ni le prter comme bon lui semble, il s'agit bien d'une

    possession partielle et non totale ! Plus grave, quand la proprit concerne ses donnes

    personnelles. Il est inacceptable que des formats propritaires soient imposs sur des

    donnes qui nous appartiennent.

    Concernant le droit d'auteur, des licences plus souples se sont dveloppes avec l'conomie

    du libre, en particulier les licences "Creative Common" et "Art Libre", elles ne vont pas

    l'encontre d'une juste rmunration des auteurs et facilitent la circulation des uvres et la

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    crativit. Elles sont plus compatibles avec la conception Radicale - Solidariste - du droit

    d'auteur, qui consiste reconnatre l'influence extrieure inhrente chaque uvre, mme

    les crateurs les plus gniaux ont t influencs consciemment ou inconsciemment par

    d'autres crateurs, et un droit d'auteur trop restrictif ou trop tendu ne se justifie donc pas.

    Seules les industries culturelles - les acteurs majeurs - s'y retrouvent.

    Au-del du droit d'auteur, l'interoprabilit pose galement la question des brevets. Ces

    derniers sont devenus quasiment inaccessibles aux PME et les protgent mal contre les

    copies. Les brevets sont devenus des outils des grandes socits pour bloquer les usages de

    technologie ou toucher des rentes. Dans la configuration actuelle, ils ont tendance

    renchrir les produits, sans lien avec leur cot de production rel, et ils dcouragent le dpt

    d'innovation par les plus petits acteurs. Derrire la question des brevets, se cache aussi celle

    de la proprit d'une invention. Les inventeurs et les chercheurs sont la plupart du temps

    dpossds du fruit de leur travail faute de l'existence d'un droit d'auteur dans la recherche

    et les technologies.

    Ainsi, au mme titre que la neutralit du net, l'interoprabilit est une question cruciale si

    l'on veut assurer nos citoyens leurs liberts fondamentales l'heure du numrique, et en

    particulier protger la pleine proprit et la pleine jouissance de leurs biens.

    C'est pourquoi le Parti Radical de Gauche propose:

    De limiter l'usage des DRM

    Que l'tat opte pour les logiciels libres dans toutes ses administrations et les

    tablissements scolaires. Que pour tout matriel (ordinateur, tlphone, tv)

    l'utilisateur ait le choix de son systme d'exploitation. Que l'tat soutienne

    financirement les rencontres et les lieux d'change autour du libre (Fablab,

    Medialab, etc.)

    Que les licences "Creative Common" et "Art Libre" soient reconnues dans le droit

    franais

    Que la dure du droit d'auteur soit abaisse et qu'il soit tendu aux chercheurs dans

    le cadre de convention collective

    Que le systme de brevet soit rform pour le rendre plus accessible aux PME et sans brider la libre circulation des innovations

    Transparence de l'information

    La transparence de l'information est un droit de regard offert aux citoyens sur les

    activits de l'tat, des collectivits locales, des entreprises, etc. Elle revt un enjeu de

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    dmocratie majeur que les nouvelles technologies facilitent. La transparence de

    l'information a le potentiel de rtablir la confiance des citoyens dans l'tat, si ce dernier fait

    preuve de volontarisme.

    Tel est loin d'tre le cas de la France. Le pays a longtemps tran des pieds avant de lancer sa

    premire plate forme de donne ouverte en Dcembre 2011 (data.gouv.fr). Les donnes

    ouvertes sont de trop faibles qualits : doublons, donnes obsoltes, peu ou mal

    structures, prsence de format propritaire qui empche leur r exploitation... Cette

    premire exprience relve plus de l'affichage politique que d'une relle volont

    d'ouverture.

    La russite d'une politique de transparence de l'information passe par le changement des

    mentalits. Une priode d'apprentissage dans les administrations est ncessaire. Mais elle

    induit une responsabilisation des acteurs publics. A ce titre, tous les organismes recevant des

    subventions publiques devraient rendre publique leur compte d'exploitation. Beaucoup de

    gaspillage d'argent public pourrait ainsi tre vit. Les partis politiques doivent montrer

    l'exemple ce qui contribuerait amliorer leur image auprs des citoyens.

    La transparence de l'information a aussi un potentiel conomique, en cela qu'elle amliore la

    structuration et la circulation de l'information. Elle rend plus comprhensible et plus

    accessible les donnes, et acclre ainsi la prise de dcision.

    Le travers de la transparence est la surabondance d'information. S'il est actuellement encore

    ncessaire d'augmenter le nombre de donnes brut, il est tout aussi essentiel de donner des

    moyens aux acteurs qui souhaitent rutiliser les donnes pour des visualisations (sous forme

    de carte, sous forme d'application...) qui facilitent largement leur comprhension pour les

    utilisateurs. Pour une personne novice, il est trs compliqu d'extraire du sens des donnes

    brutes.

    Dans ce sens l'action de l'tat est ncessaire. Les bibliothques, en pleine mutation,

    pourraient jouer un rle essentiel pour aiguiller les citoyens dans la jungle de l'information

    numrique. L'ducation nationale a tout autant son rle jouer. Apprendre extraire et

    comprendre les informations d'Internet sera demain aussi vital que de savoir lire et compter.

    L'absence de cette connaissance sera discriminatoire et facteur d'ingalit, l'cole, pour la

    recherche d'emploi, la cration d'entreprise...

    Ainsi que pour la neutralit du net et linteroprabilit, le Parti Radical de Gauche ne doit pas

    tre en position d'attentisme concernant la transparence de l'information, mais au contraire

    faire preuve d'audace. Non pas pour amliorer son image ou pour de quelconques effets de

    communication, mais bien pour contribuer restaurer le lien de confiance distendu entre

    l'tat et ses administrs.

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    Le Parti Radical de Gauche propose ainsi:

    D'inscrire clairement l'ouverture des donnes comme mission de service public pour

    toutes les administrations, les collectivits territoriales et les entreprises publiques

    afin d'impulser une dynamique d'ouverture, qui se doit d'tre qualitative et exempte

    de fichier sous format propritaire. Il s'agit de concrtiser les actions actuellement

    menes par la CADA et la CNIL dans l'esprit des lois de 1978.

    Dtendre la logique d'ouverture des donnes aux structures touchant des

    subventions publiques.

    Damplifier le soutien aux solutions de visualisation des donnes ouvertes

    De former les bibliothcaires la recherche des informations ouvertes et l'intgrer

    leurs missions. De crer des Webathques pour rduire la fracture numrique et de

    former les coliers ds le plus jeune ge.

    Conclusion

    La transformation en cours de notre socit n'est pas une chimre, elle est au

    contraire une ralit en puissance. Il faudrait tre aveugle pour ne pas voir la place que le

    numrique a pris dans nos vies quotidiennes et tre naf pour croire que le mouvement va

    s'arrter. Les volutions en cours s'inscrivent dans une dynamique gnrale et aboutiront

    probablement une nouvelle humanit dont les rfrentiels seront diffrents de ceux

    d'aujourd'hui.

    Tels qu'elles apparaissent aujourd'hui, les socits numriques sont toutes puissantes et les

    contre pouvoirs informels. Au milieu, les citoyens ne sont plus que des consommateurs dans

    l'espace numrique, impuissants face ces socits globaliss.

    L'tat est pour sa part aux abonns absent. Pourtant il a toute sa part jouer dans la

    structuration du monde numrique de demain en particulier en dfendant les trois grands

    principes que sont la neutralit du net, l'interoprabilit et la transparence de l'information.

    Le Parti Radical de Gauche a toujours dfendu la place de l'tat rgulateur pour assurer

    l'quilibre social. C'est pourquoi il est impratif et urgent que le PRG se saisisse de ces

    nouveaux sujets et tel est le sens de cette contribution.

    Pour les Jeunes Radicaux de Gauche (JRG),

    Laurent HENTZ