Deleuze - 1974 - Deleuze Anti-Oedipe Et Mille Plateaux

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    LES COURS DE GI LLES DELEUZE

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    Anti Oedipe et Mille Plateaux> 16/11/1971

    Les codes, le capitalisme, les flux, dcodage des flux, capitalisme et

    schizophr nie, la psychanalyse, Spinoza

    Quest-ce qui passe sur le corps dune socit ? Cest toujours des flux, et une personne,cest toujours une coupure de flux. Une personne, cest toujours un point de dpart pour uneproduction de flux, un point darrive pour une rception de flux, de flux de nimporte quellesor te; ou bien une inter cept ion de plusieurs flux.

    Si une personne a des cheveux, ces cheveux peuvent traverser plusieurs tapes : la coiffurede la jeune fille nest pas la m m e que celle de la fem m e m ar ie, nest pas la m m e que cellede la veuve : il y a tout un code de la coiffure. La per sonne en t ant quelle por te s es cheveux, seprsente t ypiquement com m e inter ceptr ice par rappor t des flux de cheveux qui la dpassentet dpassent son cas et ces flux de cheveux sont eux-mmes codes suivant des codes trsdiffren ts : code de la veuve, code de la jeune fille, code de la fem m e m ar ie, etc. Cest finalementa, le problme ess entiel du codage et de la ter r itor ialisation qui est de t oujours coder les fluxavec, com m e m oyen fondament al : m arquer les personnes, (parce que les personnes sont linter cept ion et la coupur e des flux, elles existent aux points de coupur e des flux).

    M ais donc, plus que m arquer les per sonnes - m arquer les personnes, cest le m oyen apparent-, pour la fonction la plus profonde, savoir : une socit na peur que dune chose : le dluge;

    elle na pas peur du vide, elle na pas peur de la pnur ie, de la r ar et. Sur elle, sur son c or pssocial, quelque chose coule et on ne sait pas ce que cest, quelque chose coule qui ne soitpas code, et mme qui, par rapport cette socit, apparat comme non codable. Quelquechose qui coulerait et qui entranerait cette socit une espce de dterritorialisation, quiferait fondr e la ter r e sur laquelle elle sinstalle : alors a, cest le dram e. On r encont r e quelquechose qui scr oule et on ne sait pas ce que cest, a ne rpond auc un code, a fout le cam psous ces codes; et cest mme vrai, cet gard, pour le capitalisme depuis longtemps quicr oit t oujours avoir assur des s imili-codes, l, cest ce que lon appelle la fam euse puissancede rcupration dans le capitalisme - quand on dit rcupre : chaque fois que quelque chosesemble lui chapper, semble passer en dessous de ces simili-codes; il retamponne tout a, il

    ajoute un axiom e en plus et la m achine r epar t; pensez au capitalism e au 1 9 m e sicle : il voitcouler un p le de flux qui est , la lett r e, le flux, le flux de tr availleur s, le flux pr oltar iat : eh bien,quest-ce que c est que a qui coule, qui coule m chant et qui ent r ane not r e ter r e, o va-t-on? Les penseurs du 1 9 em e sicle ont une ract ion tr s bizarr e, notam m ent l cole histor ique

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    franaise : cest la pr em ire avoir pens au 1 9 em e sicle en ter m es de classes, ce sont euxqui inventent la notion thorique de classes et qui linventent prcisment comme une piceessent ielle du code cap italiste, savoir : la lgit im it du capitalism e vient de ceci : la victoir e dela bourgeoisie com m e classe contr e l aristocr atie.

    Le systme qui apparat chez Saint Simon, A. Thierry, E. Quinet, cest la prise conscience

    radicale de la bourgeoisie comme classe et toute lhistoire, ils linterprtent comme une luttedes classes. Ce nest pas Marx qui invente la comprhension de lhistoire comme lutte desclasses, cest lcole historique bourgeoise du 19eme sicle : 1789, oui, cest la lutte desclasses, ils se t r ouvent frapps de cc it lorsquils voient couler la surfac e act uelle du cor pssocial, ce drle de flux quils ne connaissent pas : le flux proltariat. Lide que ce soit uneclasse, ce nest pas possible, ce nen est pas une c e m om ent l : le jour o le capitalisme nepeut plus nier que le pr oltar iat soit une classe, a concide avec le m om ent o, dans sa t te, ila tr ouv le m om ent pour r ecoder tout a. Ce que lon appelle la puissance de rcupr ation ducapitalism e, cest quoi a ?

    Cest quil dispose dune espce daxiom at ique, et lor squil dispose de que lque chose de nouveauquil ne connat pas, cest com m e pour tout e axiom atique, cest une axiom atique la limite passatur able : il est toujours prt ajouter une axiom e de plus pour r efair e que a m arc he.

    Quand le capitalism e ne pour r a plus nier que le pr oltar iat soit une classe, lorsquil arr iver a r econnatr e une espce de bipolarit de classe, sous linfluence des lutt es ouvr ires au 1 9 m esicle, et sous linfluence de la rvolution, ce m om ent est extr aor dinair em ent am bigu, car cestun moment important dans la lutte rvolutionnaire, mais cest aussi un moment essentieldans la rcupration capitaliste : je te fous un axiome en plus, je te fais des axiomes pour laclasse ouvrire et pour la puissance syndicale qui la reprsentent, et la machine capitalisterepart en grinant, elle a colmat la brche. En dautres termes, tous les corps dune socitsont lessent iel : em pcher que coulent s ur elle, sur son dos, sur son cor ps, des flux quelle nepourr ait pas coder et auxquels elle ne pour rait pas assigner une ter r itor ialit.

    Le manque, la pnur ie, la famine, une soc it, elle peut les coder . Ce quelle ne peut pas coder ,cest lorsque cett e chose appar at, o elle se dit : quest-ce que cest que ces m ecs l ! Alor s,dans un premier temps, lappareil rpressif se met en branle, si on ne peut pas coder a, onva essayer de lanant ir. Dans un deuxim e tem ps, on essaie de tr ouver de nouveaux axiom esqui perm ettr aient de recoder t ant bien que m al.

    Un corps social, a se dfinit bien comme a : perptuellement des trucs, des flux coulentdessus, des flux coulent dun ple un aut r e, et cest per ptuellem ent cod, et il y a des fluxqui chappent aux codes, et puis il y a leffort social pour r cupr er tout cela, pour axiom atisertout a, pour remanier un peu le code, afin de faire de la place des flux aussi dangereux :tout dun coup, il y a des jeunes gens qui ne r pondent pas au c ode : ils se m ett ent avoir unflux de cheveux qui ntait pas prvu, quest-ce quon va faire ? On essaie de recoder a, on vaajouter un axiom e, on va essayer de r cupr er ou bien alors il y a quelque chose l-dedans, quicont inue ne pas se laisser coder , alors l ?

    En dautres termes, cest l acte fondamental de la socit : coder les flux et traiter commeennem i ce qui, par r appor t elle, se pr sente com m e un flux non codable, par ce quencor e unefois, a m et en question tout e la terr e, tout le corps de cett e socit.

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    Je dira i a de tout e socit, sauf peut-tr e de la ntr e, savoir le capitalisme, bien que t out lheur e, jai parl du capitalism e com m e si, la m anire de t outes les autr es socits, il codaitles flux et navait pas dautr es pr oblmes, m ais jallais peut -tr e t r op vite.

    Il y a un paradoxe fondamental du capitalisme comme formation sociale : sil est vrai que laterreur de toutes les autres formations sociales, a a t les flux dcods, le capitalisme, lui,

    sest const itu histor iquement sur une chose incroyable, savoir : ce qui faisait t oute la ter r eurdes aut r es socits : lexistence et la ralit de flux dcods et quil en a fait son affair e lui.

    Si ctait vrai, cela expliquerait que le capitalism e est luniver sel de t oute socit en un senstr s prcis : en un sens ngatif, il serait ce que tout es les socits ont r edout par dessus tout,et on a bien limpression que, historiquement, le capitalisme ... Dune certaine manire, estce que toute formation sociale na cess dessayer de conjurer, na cess dessayer dviter,pourquoi ? Parce que ctait la ruine de toutes les autres formations sociales. Et le paradoxedu capitalisme, cest quune formation sociale sest constitue sur la base de ce qui tait lengatif de toutes les autres. Ca veut dire que le capitalisme na pu se constituer que par

    une conjonction, une rencontre entre flux dcods de toutes natures. Ce qui tait la chose laplus redoute de toutes formations sociales, tait la base dune formation sociale qui devaitengloutir t outes les aut r es : ce qui tait le ngatif de toutes for m ations soit devenu la positivitm me de notre form ation, a fait frm ir a.

    Et en quel sens le capitalisme sest-il constitu sur la conjonction des flux dcods : il a falludextraordinaires rencontres lissue de processus de dcodage de toutes natures, qui sesont formes au dclin de la fodalit. Ces dcodages de toutes natures ont consist endcodage de flux fonciers, sous form e de constitut ion de gr andes pr opr its prives, dcodagede flux montaires, sous forme de dveloppement de la fortune marchande, dcodage dunflux de travailleurs sous forme de lexpropriation, de la dterritorialisation des serfs et despetits paysans. Et a ne suffit pas, car si on prend lexemple de Rome, le dcodage dans laRom e dcadent e, il appar at en plein : dcodage des flux de pr opr its sous for m e de gr andespropr its pr ives, dcodage des flux montaires sous form es de gr andes fort unes prives,dcodage des t r availleurs avec form ation dun sous-pr oltar iat ur bain : tout sy tr ouve, pr esquetout . Les lm ents du capitalism e sy tr ouvent r unis, seulement , il ny a pas la renc ont r e.

    Quest-ce quil a fallu pour que se fasse la rencontre entre les flux dcods du capital ou delargent et les flux dcods des travailleurs, pour que se fasse la rencontre entre le flux de

    capital naissant et le flux de m ain duvr e dter r itor ialise, la lett r e, le flux dar gent dcod etle flux de tr availleurs dt er r itor ialiss. En effet, la m anire dont lar gent se dcode pour devenircapital argent et la m anire dont le tr availleur est arr ach a la terr e pour devenir propr itairede sa seule for ce de t r avail : ce sont deux pr ocessus t otalem ent indpendant s lun de lautr e, ilfaut quil y ait r encont r e entr e les deux.

    En effet, le pr ocessus de dcodage de lar gent pour form er un c apital qui se fait t r aver s lesformes embryonnaires du capital commercial et du capital bancaire, le flux de travail, leurlibre possesseur de sa seule force de travail, se fait travers une toute autre ligne qui est ladter r itorialisation du t r availleur la fin de la fodalit, et cela aurait t r s bien pu ne pas se renc ontr er .

    Une conjonct ion de flux dcods et dt er r itor ialiss, cest a qui est la base du capitalisme.Le capitalisme s est const itu sur la faillite de t ous les codes et t er r itor ialits sociales pr existantes.Si on adm et a, quest-ce que a repr sente : la m achine capitaliste, cest pr oprem ent dment .

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    Une m achine sociale qui fonctionne base de flux dcods, dter r itor ialiss, encor e une fois,ce nest pas que les socits nen aient pas eu lide; elles en ont eu lide sous forme depanique, il sagissait dem pcher a - ctait le renvers em ent de tous les codes s ociaux connusjusque l -, alo r s une soc it qui se const itue sur le ngat if de t ou tes les soc it s pr exist an tes ,comment est-ce que cela peut fonctionner ? Une socit dont le propre est de dcoder etdterritorialiser tous les flux : flux de production, flux de consommation, comment a peut

    fonctionner , sous quelle form e : peut-tr e que le capitalism e a dautr es pr ocds que le codagepour faire marcher, peut-tre est-ce compltement diffrent. Ce que je recherchais jusquamaintenant, ctait de refonder, un certain niveau, le problme du rapport CAPITALISME-SCHIZOPHRENIE - et le fondement dun r appor t se t r ouve en quelque chose de com m un entr ele capitalisme et la schizophrnie : ce quils ont compltement de commun, et cest peut-treune communaut qui ne se ralise jamais, qui ne prend pas une figure concrte, cest lacommunaut dun principe encore abstrait, savoir, l un comme lautre ne cessent pas defaire passer, dm ettr e, dinter cepter , de concent rer des flux dcods et dterr itor ialises.

    Cest a, leur identit profonde et ce nest pas au niveau du mode de vie que le capitalisme

    nous rend schizo, cest au niveau du processus conomique : tout a ne marche que parun systme de conjonction, alors disons le mot, condition daccepter que ce mot impliqueune vritable diffrence de nature avec les codes. Cest le capitalisme qui fonctionne commeune axiomatique, une axiomatique des flux dcods. Toutes les autres formations socialesont fonctionn sur la base dun codage et dune territorialisation des flux et entre la machinecapitaliste qui fait une axiom atique de flux dcods en t ant que tels ou dter r itor ialiss, en t antque tels, et les aut r es for m ations sociales, il y a vr aiment une diffr ence de nat ur e qui fait quele capitalisme est le ngatif des autr es socits. Or , le schizo, sa m anire, avec sa m ar chetr buchant e lui, il fait la mm e chos e. En un sens, il est plus capitalist e que le capitaliste, pluspr olo que le pr olo : il dcode, il dt er r itor ialise les flux et l, se noue lespce dident it de nat ur edu capitalism e et du sc hizo.

    La schizophrnie, cest le ngatif de la formation capitaliste. En un sens, il va plus loin, lecapitalisme fonctionnait sur une conjonction de flux dcods, une condition, ctait que,en mme temps quil dcodait perptuellement les flux dargent, flux de travail, etc., il lesintr oduisait, il constr uisait un nouveau type de machine, en m m e tem ps, pas apr s, qui ntaitpas une m achine de codage, une m achine axiomat ique.

    Cest com m e a quil arr ivait faire un systm e cohrent , char ge pour nous de dire en quoi

    se distingue profondm ent une axiom atique des flux dcods et un codage des flux.

    Tandis que le schizo, il en donne plus, il ne se laisse pas axiom at iser non plus, il va toujour s plusloin avec des flux dcods, au besoin avec pas de flux du t out, plutt que de se laisser coder ,plus de ter re du tout , plutt que de se laisser ter r itor ialiser.

    Dans quel rapport ils sont lun avec lautre ? Cest partir de l que le problme se pose. Ilfaut tudier de plus prs le rappor t c apitalism e / schizophrnie, en accor dant la plus grandeimpor tance c eci : est-il vr ai et en quel sens, peut-on dfinir le capitalisme c om m e une m achinequi fonctionne base de flux dcods, base de flux dterritorialiss ? En quel sens il est le

    ngatif de tout es les form ations sociales et par l-m m e, en quel sens la schizophr nie cest lengatif du capitalisme, quil va encor e plus loin dans le dcodage et dans la dter r itor ialisation,et jusquou a va, et o cela m ne-t-il ? Ver s une nouvelle ter r e, ver s pas de ter r e du t out, ver s

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    le dluge ?

    Si jessaie de r elier avec les problm es de ps ychanalyse, en quel sens, de quelle m anir e - cestuniquement un dpart -, je suppose quil y a quelque chose de commun entre le capitalisme,com m e str uctur e sociale, et la schizophrnie comm e pr ocessus. Quelque chose de com m unqui fait que le schizo est pr oduit com m e le ngat if du capitalism e (lui-m m e ngat if de tout le

    rest e), et que ce r apport , nous pouvons m aintenant le com prendr e en considrant les ter m es: codage de flux, flux dcod et dterritorialis, axiomatique de flux dcod, etc.

    Reste voir en quoi le pr oblme psychanalytique et psychiatr ique continue a nous pr occuper .

    Il faut r elir e tr ois textes de M ar x : dans le livre I : la produc tion de la plus-value, le chapitr e sur la baissetendancielle dans le der nier livr e, et enfin, dans les Gr uendisse, le chapitr e sur lautom ation.

    Richard Zrehen : Je nai pas compris ce que tu as dit propos de lanalogie entre lecapitalisme et la schizophrnie, quand tu dis que le capitalisme est le ngatif des autres

    socits et que le schizo est le ngatif du capitalism e, jaur ais com pr is, m oi, que le capitalism eest aux autr es socits ce que le schizo est au c apitalism e, or , jaur ais cru, au contr aire, que tunallais pas faire cett e opposition l. Jaur ais cr u lopposition : capitalism e / autr es socits etschizophrne / autr e chose, au lieu dune analogie en 3 ter m es, en faire une en 4 ter m es.

    Cyril : Richar d veut dire opposition entr e : capitalism e / autr es socits et sc hizophrnes etnvroses par exemple.

    Deleuze : Haaa, oui, oui, oui, oui.On dfinir a le flux en conom ie politique, son impor tanc e m e confirm e, chez les conom istes act uels.Pour linstant , le flux, cest quelque chose, dans une soc it, qui coule dun ple un aut r e, et quipasse par une personne, uniquement dans la m esure o les personnes sont des inter cepteurs.

    Inter vent ion du mec au drle daccent .

    Deleuze : Je pr ends un exemple, vous m e dites, dans une socit, a ne cesse pas de dcoder ,pas sr : je crois quil y a deux choses dans une socit, quant au principe dont une socitse termine, quant la mort dune socit : il y a toujours deux moments qui coexistent : toutem or t, dune cer taine m anire, m onte - cest le grand pr incipe de Thanat os -, du dedans et t oute

    mort vient du dehors; je veux dire quil y a menace interne dans toute socit, cette menacetant repr sente par le danger de flux qui se dcodent, a daccord.

    Il ny a jamais un flux dabord, puis un code qui samne dessus. Les deux sont coexistants.Quel est le problm e, si je r epr ends les tudes dj anciennes de Lvi-Str auss sur le mar iage: il nous dit : lessentiel dans une socit, cest la circulation et cest lchange. Le mariage,lalliance, cest lchanger , et limpor tant , cest que a circule et que a schange. Il y a doncun flux de femmes - lever quelque chose au coefficient flux me parait une opration sociale,lopr at ion sociale flux; au niveau de la socit, il ny a pas de fem m es, il y a un flux de fem m esqui renvoie un code, code de choses dges, de clans, de tribus, mais il ny a jamais un flux

    de femmes, et puis en second lieu, un code : le code et le flux sont absolument forms vis vis lun de lautre. Quest-ce que cest alors, au niveau du mariage, le problme dans unesocit dite primitive : cest que, par rapport aux flux de femmes, en vertu du code, il y a

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    quelque chose qui doit passer. Il sagit de form er une sort e de systm e, pas du tout com m eLvi-Strauss le suggre, pas du tout une combinatoire logique, mais un systme physiqueavec des territorialits : quelque chose entre, quelque chose sort, donc l, on voit bien que,rapportes au systme physique mariage, les femmes se prsentent sous forme dun flux,de ce flux, le code social veut dire ceci : par rapport un tel flux, quelque chose du flux doitpasser , cest dire couler ; quelque chose doit ne pas pass er , et t r oisim em ent - a fer ait les 3

    ter m es fondam entaux de tout c ode -, quelque chose doit fair e passer ou bloquer, au cont r aire: Exemple, dans les systmes matrilinaires, tout le monde sait limportance de loncle utrin,pourquoi ? Dans le flux de femm es, ce qui passe cest le m ariage perm is ou m m e pr escrit.Un s chizo, dans une soc it com m e a, il ny en pas, la lett r e, a nous appa r tient, l-bas, cestautre chose.

    L-bas, cest diffrent : il y a un trs beau cas tudi par P. Clastres; il y a un type qui ne saitpas, il ne sait pas avec qui il doit se marier, il essaie le voyage de dterritorialisation pour allervoir le sorcier trs loin. Il y a un grand ethnologue anglais qui sappelle Leach et dont toutela thse consiste dire : a ne marche jamais comme dit Lvi-Strauss, il ne croit pas son

    systme : personne ne saurait qui pouser; Leach fait une dcouverte fondamentale, ce quilappelle les groupes locaux, il distingue les groupes de filiation. Les groupes locaux, ce sont lespetits gr oupes qui m achinent les mar iages, les alliances et ils ne les dduisent pas des filiations: lalliance, cest une espce de stratgie qui rpond des donnes politiques. Les groupeslocaux, cest la lett r e un gr oupe (pervers, spcialist e du codage), qui dter m ine pour c haquecast e, ce qui peut pass er , ce qui ne peut pas passer , ce qui doit t r e bloqu, ce qui peut couler .Dans un systm e m atr ilinair e, quest-ce qui est bloqu ? Ce qui est bloqu dans t out systm e,cest c e qui tom be sous les rgles de pr ohibition de linceste. L, quelque chose dans le flux defem m es est bloqu; savoir cer taines per sonnes sont limines du flux de femm es dans la vuedu m ariage, par rappor t telles autr es personnes. Ce qui passe au contr air e, cest, on pourr aitdir e, les pr em iers incestes per m is : les pr em iers incestes lgaux sous la form e du m ariageprfrent iel; m ais chacun sait que les prem iers incestes per m is ne sont jam ais pr atiqus enfait, cest encore trop proche de ce qui est bloqu. Vous voyez que le flux sest disjongue l,quelque chose dans le flux est bloqu, quelque chose passe, et l il y a les gr ands per ver s quimachinent les mariages, qui bloquent ou qui font passer. Dans lhistoire de loncle utrin, latant e est bloque com m e im age de lincest e dfendu, sous form e de la par ente plaisant er ie,le neveu a, avec sa t ant e, un r appor t t r s joyeux, avec son onc le, un r appor t de vol, m ais le vol,les injures, elles sont codes, voir M alinowski.

    Quest ion : Ces groupes locaux ont des pouvoir s m agiques ?

    Deleuze : Ils ont un pouvoir ouver tem ent politique, ils font par fois appel la sor celler ie, m aisce ne sont pas des groupes de sorcellerie, ce sont des groupes politiques qui dfinissent lastr atgie dun village par r appor t avec un autr e village, et un c lan par r appor t un clan.Tout code par r appor t un flux implique quon em pche quelque chose de c e flux de passer. Onle bloquer a, on laisser a passer quelque chose : il y aur a des gens ayant une position cl com m eintercepteur, cest dire comme empchant de passer, ou au contraire comme faisantpasser, et quand, ensuite, on saperoit que ces personnages sont tels que, daprs le code,leur r evient cer taines pr estations, on com prend m ieux com m ent tout le systm e m arc he.

    Dans toutes socits, le problme a toujours t de coder les flux et de recoder ceux quitendaient schapper - quand est -ce que les codes vacillent dans les socits d ites pr imitives: essent iellem ent au m om ent de la colonisation, o, l, le code fout le cam p sous la pr ession du

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    capitalism e : voir ce que a r epr sente dans une socit c ode, lintr oduct ion de largent : afout en lair t out leur cir cuit de flux. En ce sens ils distinguent essent iellement 3 types de flux :les flux de pr oduct ion consom m er , les flux de pr estige, objets de pr estige et flux de fem m es.Quand largent sintroduit l-dedans, cest la catastrophe (voir ce que Jaulin analyse commelethnoc ide : ar gent , com plexe dOedipe).

    Largent, ils essaient de le rapporter leur code, comme tel ce ne peut tre quun bien deprest ige, ce nest pas un bien de product ion ou de consom m ation, ce nest pas une fem m e,m ais avec lar gent , les jeunes de la tr ibu qui com pr ennent plus vite que les anciens, en pr ofitentpour semparer du circuit des biens de consommation, le circuit de consommation qui taittraditionnellement dans certaines tribus, tenu par les femmes. Voila que des jeunes gens,avec largent, semparent du circuit de consommation. Avec largent qui, lui ne peut plustre cod, dans un cadre prcis, on commence avec de largent et on finit avec de largent.A-M -A, il ny a absolum ent plus m oyen de coder ce t r uc l par ce que les flux qualifis son trem placs par un flux de quantit abstr aite dont le propre est la r eproduction infinie dont letype est A-M -A. Aucun c ode ne peut suppor ter la repr oduct ion infinie. Ce quil y a de for m idable

    dans les socits dites primitives, cest comment la dette existe, mais existe sous forme debloc fini, la det te est finie.

    Alors, en ce sens les flux passent leur temps fuir, a nempche pas que les codes sontcor r latifs et quils codent les flux : sans dout e, a schappe de t ous les cots, et celui qui nese laisse pas coder , et b ien on dira : cest un fou, on le coder a : le fou du village, on fer a un codede code.

    Loriginalit du capitalisme, cest que lui ne compte plus sur aucun code, il y a les rsidusde code, mais plus personne ny croit : nous ne croyons plus rien : le dernier code que lecapitalism e a su produir e a t le fascism e : un effort pour r ecoder et r eter r itor ialiser m m eau niveau conomique, au niveau du fonctionnement du march dans lconomie fasciste,l on voit bien un extrme effort de ressusciter une espce de code qui aurait fonctionncom m e code du capitalism e, la lett re, a pouvait durer sous la form e que a a dur , quantau capitalisme, il est incapable de fournir un code qui quadrille lensemble du champ social,parce que ses pr oblm es ne se posent plus en ter m es de code, ses problmes, cest de faireune m canique des flux dcods com m e tels, alors cest uniquem ent en ce sens , que jopposele capitalisme comme formation sociale toutes les autres formations sociales connues.Peut-on dire quentre un codage de flux correspondant aux formations pr-capitalistes et

    une axiom atique dcode, est-ce quil y a une diffrence de natur e ou est -ce sim plement unevar iation : il y a une diffrence de natur e r adicale ! Le capitalisme ne peut fourn ir aucun code.On ne peut pas dire que la lutt e contr e un systm e soit t otalem ent indpendante de la maniredont ce systme a t caractris : cest difficile de considrer que la lutte du socialisme au1 9 m e sicle cont r e le capitalism e ait t indpendante de la thor ie de la plus-value, en tantque cett e t horie assignait la car actr istique du capitalism e.

    Supposons que le capitalism e puisse se dfinir com m e une m achine conom ique excluant lescodes et faisant fonct ionner, pr enant dans une axiomat ique des flux dcods, a nous per m etdj de r appr ocher la situat ion capitaliste de la situat ion schizophr nique.

    Est-ce quau niveau mme de lanalyse qui a une influence pratique, lanalyse des mcaniquesmontaires (les conomistes nocapitalistes, cest de la schizophrnie), quand on voitcom m ent m arc he, au niveau concret , non seulem ent la thorie, m ais la pratique montaire du

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    capitalism e, son c ar act r e schizode, pouvez-vous dire que cest t otalem ent indiffrent pour lapratique rvolutionnaire.

    Tout ce quon a fait du cot de la psychanalyse et de la psychiatrie, a revenait quoi ? Ledsir, ou peu importe linconscient : il nest pas imaginaire ou symbolique, il est uniquementmachinique, et tant que vous naurez pas atteint la rgion de la machine du dsir, tant que

    vous en r estez lim aginair e, au str uct ur al ou au symbolique, vous navez pas de vritable pr isesur l inconscient. Ce sont des m achines qui, com m e tout es m achines, se confirm ent par leurfonctionnement. Confirmations : le peintre Lindner obsd par les enfants avec machine: normes petits garons au premier plan tenant une drle de petite machine, espce depetit cerf-volant et derrire lui, une grosse machine technique sociale et sa petite machineest branche sur la grosse, derrire. a cest ce que jai essaye dappeler lanne dernirelinconscient orphelin, le vrai inconscient, celui qui ne passe pas par papa-maman, celui quipasse par des machines dlirantes, celles-ci tant dans un rapport donn avec les grandesm achines sociales. Seconde c onfir m ation : une Anglais, Niderland, a t voir du cot du pr e deSchreber . Ce que je r epr ochais au texte de Fr eud, ctait com m e si la psychanalyse tait une

    vritable moulinette qui crasait le caractre le plus profond du type, savoir son caractresocio -historique. Quand on lit Schreber, le grand mongol, les aryens, les juifs, etc. et quandon lit Freud, pas un mot de tout a, cest comme si ctait du contenu manifeste et quil fallaitdcouvrir le contenu latent , lter nel papa-m am an dOedipe. Tout le c ontenu politique, politico-sexuel, politico-libidinal, parce quenfin, quand le pre Schreber, qui simagine tre une petiteAlsacienne qui dfend lAlsace con t r e un officier fr anais, il y a de la libido politique l. Cest lafois du sexuel et du politique lun dans lautr e; on appr end que le pre Schr eber tait t r s connupar ce quil avait invent un systm e dducation : les J ar dins Schreber . Il avait fait un systm ede pdagogie univer selle. La sch izo analyse procder ait linvers e de la psychanalyse, en effet,chaque fois que le sujet raconterait quelque chose qui se rapporterait de prs ou de loin Oedipe ou la castration, le schizo analyse dirait zut. Ce quil verrait dimportant, cest que : lepr e Schreber invente un s ystm e pdagogique de valeur univer selle, qui ne port e pas sur sonpetit lui, m ais m ondialem ent : PAN gym nast icon. Si on suppr ime du dlir e du fils la dim ensionpolitico m ondiale du systm e pdagogique pater nel, on ne peut plus rien com pr endr e. Le preappor te non pas une fonct ion str uctur ale, m ais un systm e politique : m oi, je dis que la libido,a passe par l, pas par papa et maman, par le systme politique. Dans le PAN gymnasticon,il y a des machines : pas de systme sans machines, un systme la rigueur est une unitstructurale de machines, si bien quil faut crever le systme pour arriver jusquaux machines.Et quest-ce que cest que les machines de Schreber : ce sont des machines SADICO-

    PARANOIAQUES, un type de machines dlirantes. Elles sont sadico-paranoiaques en ce sensquelles sappliquent aux enfants, de prfrence aux petites filles.

    Avec ces m achines, les enfants r estent tr anquilles, dans ce dlir e, la dim ension pdagogiqueuniver selle appar at clair em ent : ce nest pas un dlir e sur son fils, cest un dlir e quil fait surla form ation dune meilleure r ace. Le pre Schreber agit sur son fils, non pas en tant que pre,mais en tant que promoteur libidinal dun investissement dlirant du champ social. Ce nestplus de la fonct ion pater nelle, que le pre s oit l pour fair e passer quelque chose du dlir e, cestsur, mais le pre nagit ici que com m e agent de tr ansm ission par r apport un cham p qui nestpas le cham p fam ilial, m ais qui est un cham p politique et hist or ique, encor e une fois, les nom s

    de lhistoir e et pas le nom du pr e.Comt esse : On natt r ape pas les mouc hes avec du vinaigre, m m e m achinique !

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    Gilles Deleuze: Le systme du pre Schreber avait un dveloppement mondial (ceintures debonne tenue). Ctait une grosse machine sociale et ctait en mme temps, semes dansla machine sociale, plein de petites machines dlirantes sadico-paranoiaques. Alors, dans ledlire du fils, bien sr cest papa, mais quel titre intervient-il ? Il intervient comme agentde transmission dans un investissement libidinal dun certain type de formation sociale. Aucont r aire, le dr am e de la psychanalyse cest lter nel familialism e qui consiste r frer la libido

    et avec elle, tout e la sexualit, la m achine fam iliale, et on aur a beau les st r uct ur aliser , a nechangera rien, on restera dans le cercle troit de : castration symbolique, fonction familialestr uctur ante, personnages parent aux, et on continue cr aser t out le dehors.Blanchot : un nouveau type de r appor t avec le dehor s, or , et c est le dr am e, la psychanalysetend suppr imer tout r appor t delle-m m e et du sujet qui vient se faire analyser avec le dehors.A elle toute seule, elle prtend nous reterritorialiser, sur la territorialit ou sur la terre la plusmdiocre, la plus mesquine, la territorialit oedipienne, ou pire sur le divan. L, on voit bien ler appor t de la psychanalyse et du cap italism e : si cest vrai que dans le capitalism e, les flux sedcodent, se dterritorialisent constamment, cest dire que le capitalisme produit du schizoexactement comme il produit de largent, toute la tentative capitaliste consiste rinventer

    des ter r itor ialits ar tificielles pour y inscrir e les gens, pour les r ecor der vaguem ent : on inventenim por te quoi : HLM , maison, et puis il y a la r eter r itor ialisation fam iliale, la fam ille, cest quandmme la cellule sociale, alors on va reterritorialiser le bonhomme en famille (psychiatriecommunautaire) : on reterritorialise les gens l o toutes les territorialits sont flottantes,on procde par reterritorialisation artificielle, rsiduelle, imaginaire. Et la psychanalyse fait- la psychanalyse classique -, de la r eter r itor ialisation fam iliale, sur tout en faisant sauter toutce qui est effectif dans le dlir e, tout ce qui est agr essif dans le dlir e, savoir que le dlirecest un s ystm e dinvestissem ents politico-social, pas nim por te quel type : cest la libido quisaccr oche des dt er m inations politiques sociales : Schreber ne r ve pas du t out lor squil faitlam our sa m am an, il r ve quil se fait violer com m e petite alsacienne par un officier fr anais: a dpend de quelque chose de beaucoup plus pr ofond quOedipe, savoir la manire don t lalibido investit les for m ations soc iales, au point quil faut distinguer deux types dinvestissem entssociaux par le dsir :

    - les investissements sociaux dintrts qui sont des types prconscients, qui passent aubesoin par les classes,- et l dessous, pas forcment en accord avec eux, les investissements inconscients, lesinvestissem ents libidinaux de dsir.

    La psychanalyse traditionnelle a enferm les investissements libidinaux de dsir dans letr iangle fam ilial et le str uctur alism e est la der nire tent ative de sauver Oedipe au m om ent oOedipe crve par t ous les bouts.

    La tache de schizo-analyse est de voir que les parents ne jouent dans linconscient quecomme agents dinterception, agents de transmission dans un systme de flux de dsirs,de machines dsirantes, et que ce qui compte, cest mon rapport inconscient avec mesmachines dsirantes. Quest-ce que cest mes machines dsirant es m oi, et par l-m m e lerapport inconscient de ces machines dsirantes avec les grandes machines sociales dontelles procdent ... et que donc, il ny a aucune raison de maintenir la psychanalyse dans

    la tentative de nous reterritorialiser. Je prends lexemple du dernier livre de Leclaire : il y aquelque chose qui ne va plus : lacte le plus fondamental dans lhistoire de la psychanalyse,a t un dcentr em ent qui a consist passer de la chambr e des parent s com m e rfrent

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    au cabinet analytique, il fut un temps, on croyait Oedipe, puis la ralit de la sduction,a nallait pas fort dj, parce que tout linconscient tait familiaris, crasement de la libidosur le papa-maman-moi : tout le dveloppement de la psychanalyse sest fait dans le sens :subst itution du fantasm e la sduct ion relle et subst itution de la cast r ation Oedipe. Leclair e: A vrai dire le dplacement du noyau vif de la conjoncture oedipienne, de la scne familiale la scne psychanalytique est st rictem ent c orr latif dune mutat ion sociologique dont on peut

    r epr er psychanalytiquem ent le ressor t au niveau de linstitut ion familiale page 3 0 . La fam illecest r ap; l inconscient pr oteste et ne m arche plus pour se faire tr ianguler, heureusement il ya lanalyste pour pr endr e le relais.

    Elle nassur e plus, la fam ille, la gar de et le drobem ent dun r el tout puissant. On se dit, ouf,on va enfin avoir du r appor t avec le r el extr a fam ilial, ha!, non!, dit Leclaire, car ce qui pr end lerelais de la famille, et ce qui devient le gardien, le voilant dvoilant du rel tout puissant, cestle cabinet de lanalyst e.

    Tu ne te fais plus t r ianguler , oedipianiser dans t a fam ille, a ne m ar che plus, tu viendr as sur le

    divan t e faire t r ianguler e t oedipianiser , et en effet , ajoute Lec lair e : si le divan psychanalyt iqueest devenu le lieu o se droule la confrontation avec le rel. La confrontation avec le relne se fait pas sur la terre, dans le mouvement de la territorialisation, reterritorialisation, dela dterritorialisation, il se fait sur cette terre pourrie quest le divan de lanalyste. Aucuneimportance que la scne oedipienne nait pas de rfrent lextrieur du cabinet, que lacastration nait pas de rfrent en dehors du cabinet de lanalyste, ce qui signifie que lapsychanalyse com m e le capitalism e, se t r ouvant devant les flux dcods du dsir, se tr ouvantdevant le phnomne schizophrnique du dcodage et de la dterritorialisation, a choisi defaire pour elle-mme une petite axiomatique. Le divan, terre ultime de lhomme europendaujour dhui, sa pet ite ter r e lui.

    Cette situat ion de la psychanalyse tend intr oduire une axiom atique excluant t oute r frenc e,excluant tout rapport avec le dehors quel quil soit, parait un mouvement de lintrioritcatast r ophique quant com prendr e les vritables investissements du dsir . Ds quon prenaitcomme rfrent la famille, ctait foutu. (Dernire terre, le divan qui vaudrait et se justifieraitpar elle-mme). Ctait compris ds le dbut, ds le moment o on avait coup le dsir de ladouble dim ension - jappelle double dim ension libidinale du dsir : et son r appor t, dune par t,avec des machines dsirantes irrductibles toute dimension symbolique ou structurale, des machines dsirantes fonctionnelles, et le problme de la schizo-analyse, cest de savoir

    com m ent a m arche, ces machines dsirant es, et ar river au niveau o elles m arc hent danslinconscient de quelquun, ce qui suppose quon ait fait saut er Oedipe, la cast r ation, etc.Daut r e par t , avec les invest issem ent s sociaux-polit iques-cosm iques, et il ne faut pas dire que l, ily ait la moindr e dsexualisat ion des acqu its de la psychanalyse, car je dis bien que le dsir, sous saform e sexuelle fondam entale, ne peut t r e com pr is que dans ses investissem ents s exuels, quentant quil por te non pas sur papa-m am an, cest secondaire, m ais en tant quil por te - dune part ,sur les mac hines dsir antes, par ce que la libido, cest lner gie libr e des m achines dsirant es,et dautre part, en tant qu travers nos amours sexuelles, homosexuelles, htrosexuelles.Ce qui est invest i, ce sont toujour s des coupur es des dimensions dun cham p social histor ique,et que bien sr, le pre et la mre, a joue l-dedans, ce sont des agents de communication

    de machines dsirantes, et dune part, les unes avec les autres, et dautre part, les machinesdsir antes avec les gr andes m achines dsirant es.

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    La schizo-analyse, cest fair e 3 opr ations :

    Une tche destr uctr ice :Faire sauter les structures oedipiennes et castratrices pour arriver une rgion delinconscient o il ny a pas cast r ation etc . Par ce que les mac hines dsir antes ignorent cela.

    Une t che positive :Qui a voir et analyser fonct ionnellement , il ny a r ien inter pr ter . On nint er pr te pas unem achine, on en saisit son fonctionnem ent ou ses r ats , le pour quoi de ses rat s : cest le carcanoedipien, le carc an psychanalytique du divan qui intr oduit dans les m achines dsirant es des r ats .

    3 eme tche :Les machines dsirantes ne marchent quen tant quelles investissent des machinessociales. Et quelles s ont ces types dinvestissemen ts libidinaux, distincts des investissem entsprconscients dintrts, ces investissements sexuels - travers tous les tres que nousaim ons, toutes nos am ours, cest un com plexe de dter ritor ialisation et de r eter ritor ialisation,

    ce que nous aimons, cest toujours un certain multre ou une certaine multresse, unm ouvem ent de dter r itor ialisation et de r eter ritor ialisation, ce nest pas la terr itor ialit m aigreet hystrique du divan, et travers chaque tre que nous aimons, ce que nous investissons,cest un champ social, ce sont les dimensions de ce champ social, et les parents sont agentsde tr ansm ission dans le cham p social.

    - voir lett r e de J ackson ; la m r e noire classique qui dit son fils, ne fais pas dhistoires et faisun bon mariage, gagne de largent. Cette mre classique l, est-ce quelle agit comme mreet comme objet du dsir oedipien, ou est-ce quelle agit en tant quelle transmet un certaintype dinvestissement libidinal du champ social, savoir le type qui fait un bon mariage, ceavec quoi il fait lamour, et ceci au sens le plus strict du terme, cest travers sa femme,inconsciemment, avec un certain nombre de processus conomiques, politiques, sociaux,et que lamour a a t toujours le moyen par lequel la libido atteignait autre chose que lapersonne aime, savoir tout un dcoupage du champ social historique, finalement on faittoujour s lam our avec les noms de lhistoir e.

    Lautre mre (de Jackson) - celle qui dit prends ton fusil, il va de soi que les deux agissentcomme agents de transmission dans un certain type dinvestissement social-historique, quede lun lautr e le ple de ces investissem ents a singulirem ent chang. Que dans un cas, on

    pour r ait dir e que ce sont des investissem ents r act ionnair es, la limite fascistes, dans lautr ecas, que cest un investissem ent libidinal r volutionnair e. Nos am our s sont c om m e les conduitset les voies de ces investissem ents qui ne sont, encor e une fois, pas de natur e fam iliale, m aisqui sont de nat ur e histor ico-politique, et que le der nier pr oblme de la schizo-analyse, cest nonseulement ltude positive des machines dsirantes, mais ltude positive de la manire dontles machines dsirantes procdent linvestissement des machines sociales, soit en formantdes investissements de libido de type rvolutionnaire, soit en formant des investissementslibidinaux de type ractionnaire. Le domaine de la schizo-analyse se distingue ce momentla du domaine de la politique, en ce sens, que les investissements politiques prconscientssont des investissements dintrts de classes qui sont dterminables par certains types

    dtudes, mais qui ne nous disent rien encore sur lautre type dinvestissements, savoir lesinvestissem ents pr opr em ent libidinaux - ou investissem ents de Dsir. Au point quil peut ar r iverquun investissement prconscient rvolutionnaire peut tre doubl par un investissement

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    l ibidinal de type fasciste ; ce qui explique com m ent se font les dplacem ents dun ple du dlire un autre ple du dlire, comment un dlire a fondamentalement deux ples - ce que Artauddisait si bien : le mystr e de t out cest Heliogabale lanarc histe, par ce que c e sont les deuxples - cest non seulem ent une con tr adiction, cest la contr adiction hum aine fondam enta le, savoir le ple dinvestissement inconscient de type fasciste, et linvestissement inconscient detype rvolutionnaire. Ce qui m e fascine dans un dlir e, cest labsence r adicale de papa-m am an,

    sauf comm e agents de t ransm ission, sauf comm e agents dinter ception o l, ils ont un r le,m ais en r evanche la tche de la sch izo-analyse, cest de dgager dans un dlir e les dimens ionsinconscientes de linvestissement fasciste et de linvestissement rvolutionnaire, et un telpoint, a glisse, tel point a oscille, cest du dom aine pr ofond de la libido.

    Dans la territorialit la plus ractionnaire, la plus folklorique peut surgir (on ne saitjam ais ) un fer m ent r volut ionnair e, quelque chose de schizo, quelque chos e de fou, unedterritorialisation : le problme basque : ils ont beaucoup fourni au fascisme, dans dautresconditions, ces mmes minorits peuvent tre dtermines, je ne dis pas que a se fait parhasar d, elles peuvent as sur er un r le rvolutionnaire. Cest extr m em ent am bigu : a ne lest

    pas au niveau de lanalyse politique, a lest au niveau de lanalyse de linconscient : commenta tour ne. (M annoni : antipsychiatr ie dans la quest ion du jugem ent de la cour sur Schreiber =dlir e com pltem ent fasc iste). Si lant ipsychiat r ie a un sens, si la schizo-analyse a un sens, cestau niveau dune analyse de linconscient, fair e basc uler le dlire de son ple qui est toujour spr sent , pole fascist e r act ionnair e qui im plique un c er tain t ype dinvestissem ent libidinal, ver slautr e ple, quoique ce soit dur et lent, le ple rvolutionnaire.

    Richard : Pour quoi uniquem ent deux ples ?

    Deleuze : On peut en faire beaucoup, mais fondamentalement, il y a bien deux grands typesdinvestissements, deux ples.

    La rfr ence des investissem ents libidinaux, cest papa-m am an, ce sont les ter r itor ialits et lesdter r itor ialisations, cest a quil faut t r ouver dans linconscient, sur tout au niveau de ses am our s.Fantasme de naturalit : de la race pure mouvement de pendule et dautre part fantasmervolutionnaire de dterritorialisation.

    Si vous dites sur le divan de lanalyste ce qui coule, cest encore des flux, alors daccord, maisle problme que je poserais l, cest : il y a des types de flux qui passent sous la porte, ce que

    les psychanalystes appellent la viscos it de la libido, une libido t r op vicieuse qu i ne se laisse paspr endr e au code de la psychanalyse, alors la oui, il y a dter r itor ialisation, mais la psychana lysedit : contre-indication.

    Ce qui m embt e dans la psychanalyse du cot de Lacan, cest le culte de la castr ation.La famille est un systm e de tr ansm ission, les invest issemen ts soc iaux dune gnrat ion uneautre, mais je ne pense pas du tout que ce soit un lment ncessaire que linvestissementsocial se fasse parce que, de toutes manires, il y a des machines dsirantes qui, par elles-mmes, constituent des investissements sociaux libidinaux des grandes machines sociales.Si vous dites : le fou, cest quelquun qui r este avec ses m achines dsirant es et qui ne proc de

    pas des investissements sociaux, je ne vous suis pas : dans toute folie, je vois un intenseinvestissement dun type particulier dun champ historique, politique, social, mme dans lespersonnes catatoniques. Ca vaut dautant pour ladulte que pour lenfance, cest ds la plus

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    petite enfance que les m achines dsir antes sont branc hes sur le cham p social.En soi, toutes les territorialits se valent par rapport au mouvement de dterritorialisation,mais il y a comme une espce de schizo-analyse des territorialits, de leurs types de leurfonctionnement, et par fonctionnement, j entends : si les machines dsirantes sont du cotde la grande dterritorialisation, cest dire du chemin du dsir par del des territorialits, sidsirer , cest se dter r itor ialiser, il faut dire que chaque type de ter r itor ialit est apte support er

    tel ou tel genre dindice machinique : lindice machinique cest ce qui, dans une territorialit,serait apte la faire fuir dans le sens dune dterritorialisation. Alors, je prends lexempledu rve, du point de vue que jessaie dexpliquer le rle des machines, cest trs important,diffrent de celui de la psychanalyse : quand un avion passe ou une m achine coud r e - le rve,cest une espce de petite territorialit imaginaire, le sommeil ou le cauchemar, ce sont desdterritorialisations - on peut dire la dterritorialisation et les reterritorialits nexistent quenfonction les unes des aut r es, m ais vous pouvez valuer la forc e de dt er r itor ialisation possibleaux indices qui sont sur telle ou t elle t er r itor ialit, cest dire c e quelle support e de flux qui fuit- Fuir et en fuyant , fair e fuir, non pas les autr es, m ais quelque chose du systm e, un bout .

    Un indice machinique dans une territorialit, cest ce qui mesure dans cette territorialit lapuissance de la fuir en faisant fuir les flux, cet gard toutes les territorialits ne se valentpas. Il y a des t er r itor ialits ar tificielles, plus a fuira et plus on pour r a fuir en fuyant , plus a sedterritorialisera.

    Nos amours sont toujours situes sur une territorialit qui, par rapport nous, nousdter r itor ialisent ou bien nous ret er r itor ialisent. A cet gar d, il y a des m alentendus plus tout unjeu dinvest issem en ts qui son t le pr ob lm e de la schizo-analyse : au lieu davoir com m e r fr en tla fam ille, a a com m e r fr ent les m ouvem ents de dter ritor ialisation, de r eter r itor ialisation.

    Zrehen : Je veux dire que tu as employ le terme de code pour les socits dites primitives,alors que je pense que ce nest pas possible de les penser en termes de code, parce que lafam euse m ar que, par ce quil y a une m ar que, que a oblige changer , cest par ce quil y a unedett e quon a lobligation dchanger . Ce qui passe de leur socit la nt r e, cest la per te dela dette, alor s quand tu d is que le schizo est le ngatif du capitaliste et que le capitalisme est lengatif des socits pr imitives, il se tr ouve que justem ent c e qui est paum , cest la castr ation.Cette m ar que pr incipielle, tu viens au devant de c e que fait le capitalisme en biffant la castr ation.Ce qui est forclos dans le capitalisme, cest cette marque initiale et ce que Marx a tente defaire, cest de rintroduire la notion de dette. Quand tu me proposes un ple ractionnaire

    dinvestissement et un ple rvolutionnaire, je dis que tu te donnes dj les concepts dervolutionnaire et de ractionnaire comme dj institus dans un champ qui ne permetpas dapprc ier ce que t u veux dire t oi.

    Tu emploies coupure, je veux bien admettre que Oedipe et castration cest dpass, mais lecapitalisme...

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    LES COURS DE GI LLES DELEUZE

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    Anti Oedipe et Mille Plateaux> 14/12/1971

    > Nature desflux

    Je voudrais avancer le problme de lconomie des flux; la dernire fois, quelquun voulait

    une dfinition plus prcise des flux, plus prcise que quelque chose qui coule sur le socius;ce que jappelle socius, ce nest pas la socit mais une instance sociale particulire jouantle rle de corps plein. Toute socit se prsente comme un socius ou corps plein sur lequelcoulent des flux de toutes natures et sont coups, et linvestissement social du dsir, cestcet te opr ation fondam entale de la coupur e-flux laquelle on peut donner le nom c om m ode deschize. Il nimpor te pas enc or e pour nous davoir une dfinition r elle des flux, mais il im por te,comme point de dpart, davoir une dfinition nominale et cette dfinition nominale doit nousfournir un prem ier systm e de concepts. Je prends com m e point de dpar t pour la recher chedune dfinition nominale des flux, une tude rcente dun spcialiste des flux en conomiepolitique : Daniel ENTIER, Flux et stocks. Stocks et flux sont deux notions fondamentales de

    lconom ie politique m oder ne m ar ques par K eynes au point quon tr ouve chez lui la pr em iregr ande t hor ie des flux dans: La t hor ie gnrale de lem ploi et de lintr t. Ent ier nous dit:du point de vue conom ique, on peut appeler flux la valeur des quant its de biens de ser viceou de monnaie qui sont transmises dun ple un autre; le premier concept mettre enrapport avec celui de flux, cest celui de ple; le flux en tant quil coule sur le socius, entre parun ple et sort par un autre ple. La dernire fois, on avait essay de montrer que les fluximpliquaient des codes, en ce sens quun flux pouvait tre dit conomique dans la mesureo quelque chose passait et o quelque chose dautre tait bloqu et quelque chose dautrele bloquait et le faisait passer; lexemple, ctait les rgles dalliance dans les socits ditesprimitives, o les interdits reprsentent bien un blocage dans le flux de mariage possible par

    exemple; les premiers mariages permis, i.e. les premiers incestes permis quon appelle lesunions prfrentielles et qui, en fait, ne sont presque jamais raliss, reprsentent commeles premiers modes de passage : quelque chose passe, quelque chose est bloqu, ce sontles interdits dinceste, quelque chose passe, ce sont les unions prfrentielles, quelquechose bloque et fait passer, cest par exemple loncle utrin. Donc, de toutes manires, il y adter m ination dun flux dentr e et de s or tie; la notion de ple im plique ou est implique par lemouvement des flux, et elle nous renvoie lide que quelque chose coule, que quelque choseest bloqu, quelque chose fait couler, quelque chose bloque. Entier continue : Sachant quonappeller a ple un individu ou une entr epr ise ou bien un ens em ble dindividus ou dentr epr ises,

    voire m m e de fract ions dentr epr ises ... L, sont dfinis les inter cepteur s de flux ...Lorsque les oprations effectues par celles-ci - les interceptions des flux - pourront tredcrites dans un systme comptable cohrent ... Est donc corrlative de la notion de flux lanotion de systme comptable; lorsque les oprations effectues, i.e. le passage du flux dun

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    ple un autr e peuvent tr e dcrites dans un systm e cohrent , cest videm m ent expr imen ter m es de capitalism e, je veux dire que dans c e cont exte, cest dans la cadr e du capitalism eet au niveau des quantits abstraites, comme le dernier rsidu de ce qui a une toute autream pleur dans les socits pr -capitalistes , savoir ce qui, dans les socits pr -capitalist es,se pr sente com m e de vritables codes; cest lor squune socit est com pltem ent dcodeque les flux ressortissent un systme comptable, cest i.e une axiomatique des quantits

    abstraites au lieu de renvoyer des codes qualifis; le systme comptable dans le systmecapitaliste, cest le r sidu de quant its, abst r act ifi du codage des flux, le capitalisme fonct ionne base de flux dcods, ds lor s, ces flux sont r epr is dans un systm e base c om ptable; Entiercontinue : on peut c onsidrer com m e constituant un m m e flux, tous les biens ar r ivs unmme stade de transformation matrielle ou juridique au moment o ils arrivent ... Voilune troisime notion corrlative : transformation matrielle ou juridique, et si on parle deflux changs ent r e des sect eur s industr iels, il faudr a pr ciser la not ion de secteur , sil sagitde dterminer exactement le flux de production, le flux de revenus, le flux de consommation,i l faudra dterminer ces termes soigneusement; prenons par exemple le flux de revenumontaire, il a constitu par le total de tous les gains en monnaie ... Quest-ce que a veut

    dire t ous les biens en m onnaie : cest ce que les conom istes appellent les salair es nom inaux,a couvre aussi bien le revenu salarial que les salaires de la direction, que les dividendes.Prenons lexem ple du flux de r evenus m onta ires, il est dt er m in par le tot al de tous les biensen m onnaie m is la disposition de t ous les individus com posant la collect ivit, le revenu dungrand nombre dindividus peut tre valu avec prcision parce quil est vers par dautrespersonnes, entr epreneur s dtat , et quil est nett em ent dt erm in; m ais pour bien des r evenusdont limportance ne peut tre nglig, une dfinition exacte ne peut tre donne; tiens, tiens,il y a une sphr e dindter m ination dans le sect eur ? Cest s ans dout e li quelque chose detr s pr ofond dans ce quon ver r a tr e le systm e com ptable; pour tout a, nous voil dj avecune tr iple r frence : les flux r envoient dune par t des ples, dautr e par t, des codes ou dessystm es com ptables, dautr e part , en quadruple r fr ence des stades de tr ansform ations,dautre part des secteurs et enfin des stocks. Voil cinq notions corrlatives. Au point devue conomique, on appellera stocks de biens et stock de monnaie, les biens dtenus et lam onnaie dtenue par un seul ple; donc le flux, cest c e qui coule dun ple un aut r e, qui entr eet qui sort , et le stock cest ce qui est r apport com m e la possession m atr ielle et juridique delun des deux ples considrs; on voit bien l le car act r e cor r latif des deux notions; alors lestoc k sera dfini com m e ceci : lutilit des st ocks est var iable selon les cas, m ais est li dunefaon ou dune aut r e, un m om ent ou un autr e, lexistence des flux, cependant , - en effeton va avoir l impression trs nette que stock et flux cest la mme chose rapporte deux

    units diffrentes, lune le passage dun ple un autre, lautre lattribution lun des deuxples, com m e deux units de m esur e dune seule et m m e chose -, donc, lutilit des st ocks estvar iable suivant les cas, mais est lie dune faon ou dune aut r e, un m om ent ou un aut r e, lexistence des flux. Cependant, alor s que les flux perm ett ent de dgager des m ouvem ents devaleurs entre ples diffrents, les stocks reprsentent une somme de valeurs la dispositiondun ple; il ny a pas de biens figurant s dans un stoc k qui, un m om ent donn, ne figurent pasdans un flux, cest m m e l lune des bases de la com ptabilit, puisque lentr e et la sor tie dunstock constituent des flux; seule l tude des flux per m et de r endre com pte du r le des entr eset des s or ties sur les var iations de stocks...Voil, on vient de voir la cor r lation de la not ion de flux avec cinq not ions : ple, code ou systm e

    com ptable, st ade de tr ansfor m ations, sect eur , stoc k. Si lon essaie de rduire t out a, je cr oisque la notion dont jessayais de part ir lautr e fois, opr e une telle r duct ion ou runit ces cinqr frences, savoir celle de coupur e-flux.

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    Car la notion de coupure-flux doit sentendre simultanment de deux manires : elle sentenddans une c or r lation du flux lui-m m e et du code, et si, dans le capitalism e encor e une fois, onsaperoit que les flux sont comptabiliss, cest la faveur dun mouvement de dcodage telque le systme comptable a simplement pris la place des codes; cest alors quon saperoitdj quil ne suffit plus de par ler de systm e com ptab le, m ais quil faudr ait par ler dun systm eou dune str uctur e de financem ent.

    La stricte corrlation du flux et du code implique que dans une socit, en apparence - etcest bien notre point de dpart -, on ne peut pas saisir les flux autrement que dans et parlopr ation qui les code; cest que, en effet, un flux non c od, cest pr opr em ent par ler , la choseou linnomm able. Cest ce que jessayais de vous dire la dern ire fois, la ter r eur dune socit,cest le dluge : le dluge, cest le flux qui r om pt la barr ire des c odes. Les socits nont pastellem ent peur par ce que tout est c od, la fam ille, cest cod, la m or t ,cest c od, m ais ce quiles panique, cest lcroulement dun quelque chose qui fait craquer les codes. Donc un fluxnest r econnaissable com m e flux conom ique et social que par et dans le code qui lencode, orcett e opr ation de codage implique deux coupures sim ultanes, et cest cett e simultanit quiper m et de dfinir cet te not ion de coupur e-flux : simultanm ent, dans une oprat ion de codage

    des flux, se produit, grce au code, un prlvement sur le flux, et cest ce prlvement sur leflux qui dfinit ses ples : il entr e t el endroit et il sor t t el autr e endr oit, entr e les deux, sestfaite la coupure-prlvement; en mme temps que le code renvoie lui-mme une coupuredune autr e sor te et st r ictem ent s imultane, savoir cet te fois-ci : il ny a pas de pr lvem entsur un flux qui ne saccompagne dun dtachement sur ou dans le code qui encode ce flux sibien que, cest la sim ultanit du pr lvem ent de flux et du dt achem ent dun segm ent de codequi permet de dfinir le flux dans la prfrence des ples, des secteurs, des stades, des st ocks. Cette notion de c oupur e-flux se prsente double puisquelle est la fois coupur e-prlvement portant sur le flux et coupure-dtachement portant sur le code. On retrouvele mcanisme du dlire : cest cette opration de double schize, cest la schize qui consistesim ultanm ent opr er des prlvem ents de flux en fonction des dtachem ents de code etinversement.Si je me donne, au dpar t, dune m anir e tout e nom inale, un flux indter m in, la chose qui coulesur le socius, cela ne peut appar atr e socialem ent c om m e flux, que dans la corr lation code, ouau m oins systm e com ptab le, et le flux est qualifi en fonct ion du code, et dans la cor r lation desdeux, sopre pr cisment sur ce flux lui-m m e, qualifi par le code, une coupur e-pr lvem enten m m e tem ps que par r action, le code lui-m m e pr ouve ou est le sige dune coupure-dtachement. Dtachement de code corrlatif un prlvement de flux. Cest uniquementune description formelle. Un fou, premire vue, cest un type qui fait passer linnommable,

    cest quelquun qui port e des flux dcods : un dieu m e par le, m ais cest pas votr e dieu; lesGrecs avaient une notion qui est celle de dmon, ils avaient les dieux et les dieux taient lotis,tout tait bien quadr ill, ils avaient des puissances et des espac es; dune cer taine m anire, ilsavaient beau bouger , ils taient sdent aires, ils avaient leur t er r itoire et les dm ons opr aientleur codage. Le systme religieux, il ne faut pas le prendre un niveau idologique, mais auniveau de son appartenance au code social; les dmons, ctaient avant tout des puissancesqui ne respectaient pas les codes. Dans Oedipe, il y a un texte qui est mal traduit et qui est :quel dmon a saut dun plus long saut, texte bondissant fr anchissant les limites, ctait unepuissance innom m able, ctait de la dm esure, et cest pas forc er les choses que de tr aduir ea dcodage. Donc un dm on par le de telle man ire que le fou re oit des flux dcods, il met

    des flux dcods, a fuit de par tout , il brouille tous les codes. Cest pour a quOedipe, a r isquepas de prendre sur lui, parce qu la lettre, dipe , cest un foutu code. Quand a tourne malquelque part, il faut toujours r em onter plus haut pour voir o a com m ence mal tour ner (cf

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    URSS), et la psychanalyse a tour ne m al, pour quoi et c om m ent ?Derrida a trs bien vu dans quel sens la psychanalyse, au moins dans une de ses intentionspremires, elle soppose au code; cest un systme de dcodage et cest pour a que a nepouvait que m al tour ner cet te hist oire l. Par ce que dcodage, a veut dir e, ou bien lire un c ode,pntr er le secr et dun code, ou bien a veut dir e dcoder en un sens absolu, i.e. dtr uire lescodes pour fair e passer les flux ltat br ut; tout e une par tie de la psychanalyse se pr oposait

    dtr e un dcodage abs olu des flux de dsir et pas un dcodage r elatif, le faire pass er aux fluxle mur des codes, et faire couler des flux de dsir ltat br ut. Cest par l que la psychanalysetait toute pr oche de lconom ie dsir ante et, propr em ent par ler, des machines dsir antes,productrice de flux de dsir; et a, on le voit trs bien dans des textes de Freud, tels que :LInterprtation des rves, o il dit : quest-ce qui distingue m a m thode de la cl des songes? La gr ande diffrence, cest que la cl des songes pr opose un c ode du dsir ; Fr eud dit quilsont tout vu, mais quils proposent un codage systmatique : ceci veut dire cela, cest a la cldes songes ; et dans la per spect ive dune cl des songes, si on dcode le rve, on le dcode ausens relatif, i.e. on dcouvre le chiffre de son code. Or, Freud dit que la psychanalyse na rien voir avec a, elle ne tr aduit pas. Et Der r ida, dans son ar ticle sur Freud, dansLcriture de la

    diffrence, le montr e t r s bien. Elle opr e un dc odage absolu, elle t r aduit les codes en flux ltat br ut, et par l, la psychanalyse soppose aux codes. Il va de soi que, en m m e tem ps, etds le dbut , ils inventent un nouveau code, savoir le code oedipien qui est un code encor eplus code que tous les codes; et voil que les flux de dsir pas sent dans le codage doedipe, ouquel que soit le flux de dsir, on le fout dans la grille oedipienne. A ce moment la psychanalysese r vle de moins en moins capable de compr endr e la folie, car le fou cest vr aiment lhom m edes flux dcods.Et lhomme qui a montr a dune faon vivante et convaincante, cest Beckett, les trangescr atures de Beckett passent leur tem ps dcoder des trucs, elles font passer des flux noncodables. Lopration sociale ne peut saisir des flux par rapport des codes qui oprent sureux, dans la simultanit, dtac hem ent de flux pr lvem ent de chanes ou de codes, et le fou,l-dessus, fait passer des flux sur lesquels on ne peut plus rien prlever; il ny a plus de codes,il y a une chane des flux dcods, mais on ne peut pas couper. Il y a une espce de dluge oude faillite du corps, cest peut -tr e a, apr s tout , le cor ps sans or ganes, lorsque sur le cor ps,ou du corps, scoulent, par des ples dentre et de sortie, des flux sur lesquels on ne peutplus oprer de prlvement parce quil ny a plus de codes sur lesquels on puisse oprer desdtachements.Ltat du cor ps de quelquun qui sort dune oprat ion relativem ent gr ave, les yeux dun opr,ce sont les yeux de quelquun qui a t pas tr s loin de la m or t, ou pas t r s loin de la folie, ils

    sont ailleurs, dune certaine faon, il a pass le mur. Il est intressant que ce quon appelleconvalescence, cest une espce de retour. Il a frl la mort, cest une exprience du corps -tr s bizar r e la psychanalyse : pour quoi Fr eud t ient-il tellem ent ce quil y ait un instinct de m or t,i l dit son secr et dans Inhibition, symptme et angoisse : vous comprenez, si il y a un instinct demort, cest parce que il ny a ni modle ni exprience de la mort, la rigueur, il admet quil yait un m odle de la naissance, pas de m odle de la mor t, donc r aison de plus pour en fair e uninstinct transcendant. Curieux. Peut-tre que le modle de la mort, ce serait quelque chosecomm e le corps sans organes.Les auteurs de t err eurs ont com pr is, part ir dEdgar Poe, que ce nest pas la mor t qui taitle modle de la catat onie schizophr nique, m ais le cont r aire, et le catat onique, cest c elui qui

    fait de son cor ps un cor ps sans or ganes, cest un cor ps dcod, et sur un tel cor ps, il y a uneespce dannulation des organes. Sur ce corps dcod, les flux coulent dans des conditionstelles quils ne peuvent p lus tr e dcods. Ce par quoi on r edoute les flux dcods, le dluge,

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    cest que lorsque des flux coulent dcods, on ne peut plus oprer des prlvements qui lescoupent, pas plus quil y a de codes sur lesquels on puisse oprer des dtachements desegments permettant de dominer, dorienter, de diriger les flux. Et lexprience de lopr surun corps sans organes, cest que, la lettre, sur son corps coulent des flux non codables quiconstituent la chose, linnommable. Au moment mme o il respire, cest lespce de grandeconfusion des flux en un seul flux indivis qui nest plus suscept ible de pr lvem ent s, on ne peu t

    plus couper. Un long r uisseau non dom inable o tous les flux qui sont nor m alement distinguspar leurs codes, se runissent en un seul et mme flux indivis, coulant sur un seul et mmecor ps non diffrent i, le corps sans or ganes. Et lopr fou, chaque bouffe de respir ation quilprend, cest en mme temps de la bave, le flux dair et de salive qui tendent sentremlerlun lautr e, de t elle m ani r e quil ny a plus de nuanc es. Bien plus, chaque fois quil r espir e etquil bave, la fois il y a une vague envie de dfc at ion, une vague r ect ion : cest le cor ps sansorganes qui fuit par tous les bouts. Cest triste, mais dautre part, a a des moments trsjoyeux, br ou iller tous les codes , a a ses gr ands m om en ts, ces t pour a que Bec ket t , cest unauteur comique.L aussi, il faut dire, et puis, et puis, mais a constitue le fou et sa place dans la socit

    comme celui par o passent les flux dcods, et cest pour a quil est saisi comme le dangerfondamental. Le fou ne dcode pas au sens o il disposerait dun secret dont les gensnormaux auraient perdu le sens, il dcode au sens que, dans son petit coin, il machine despetites machines qui font passer les flux et qui font sauter les codes sociaux. Le processusschizophrnique en tant que tel, dont le schizo nest que la continuation schizophrnique, etbien le processus schizophrnique est le potentiel propre de la rvolution par opposition auxinvestissements paranoaques qui sont fondamentalement de type fasciste.On arrive ce premier rsultat, savoir : lopration conomique du codage des flux avec ladouble coupure, coupure dtachement et coupure prlvement, et sur le socius dans unesocit ces tranges cratures, les fous, qui font passer les flux dcods. Le phnomne leplus tr ange de lhistoir e m ondiale, cest la for m ation du capitalism e parce que, dune cert ainem anire, le capitalism e cest la folie l tat pur, et dune autr e m anire, cest en m m e tem psle contraire de la folie. Le capitalisme, cest la seule formation sociale qui suppose, pourapparatre, lcroulement de tous les codes prcdents. En ce sens, les flux du capitalismesont des flux dcods et a pose le pr oblme suivant : com m ent une socit, avec t outes sesformations rpressives bien constitues, a-t-elle pu se former sur la base de ce qui faisait later r eur des autr es form ations sociales, savoir : le dcodage des flux.Le rapport intime entre le capitalisme et la schizophrnie, cest leur commune installation,leur commune fondation sur des flux dcods en tant que dcods. Comment il sest fait

    ce dcodage ? Il faudra tenir trs prsentes lesprit ces deux exigences : savoir laffinitfondamentale de la schizophrnie et du capitalisme, mais en mme temps, dans cetteaffinit fondamentale, trouver la raison pour laquelle la rpression de la folie sest faite dansle capitalisme dune manire incroyablement plus dure et plus spcifique par rapport auxformations pr-capitalistes. On a, dans un cas, une conomie politique, une conomie libidinale,dans lautr e cas, une conom ie de flux dcods.Je voudrai montrer que, historiquement, a sest produit sur une longue priode de temps- il y a des machines sociales qui sont synchroniques, il y a des machines sociales qui sontdiachroniques; les machines despotiques asiatiques sont une forme comme vraimentsynchr oniques, ltat asiatique de M ar x sur git dun coup, tout es les pices et tous les rouages

    de lappareil dtat apparaissent synchroniquement. La formation de la machine capitalistestend sur plusieurs sicles. Cest une machine diachronique et il a fallu deux grands temps: ce nest pas le capitalisme qui dcode les flux, a se dcode sur ce quon appelle ruine et

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    dcadence des grands empires, et la fodalit ce nest quune des formes de la ruine et dela dcadence. Le capitalisme ne procde pas du dcodage des flux parce quil le suppose, ilsuppose des flux qui ont per du leurs codes.Marx, cest lauteur qui a montr la contingence radicale de la formation du capital. Toutephilosophie de lhistoire est, ou bien thologique, ou bien histoire des contingences et desrencontres imprvues. Le phnomne originaire du capitalisme : il faut que ces flux dcods

    en tan t que dcods, entr ent en conjonction. Or , cet te c onjonction, quest-ce qui lassure ? L,on sent que, autant lhistoire peut nous renseigner sur les processus de dcodage des flux,autan t ce qui assur e la conjonction des flux dcods en tan t que t els, a ne peut t r e que desprocessus dun secteur histor ique part iculier.Cette histoire du capitalisme, que a implique un dcodage gnralis des flux et en mmetem ps quelque chose dautr e, com m e si devait tr e m is en place un appareil conjuguer lesflux dcods; cest a qui donne au capitalisme son apparence, pure illusion, de libralisme. Ilna jam ais t libral, il a toujours t capitalism e dtat. a com m ence au Por tugal au 1 2 m esicle, les histoir es de c apitalism e dtat . Il ny a pas eu un m om ent o les flux se dcodaientet o tout tait libre, et aprs une rcupration, cest mauvais a, la rcupration. Et si il est

    vrai que le capitalisme substitut aux vieux codes crouls des machines conjuguer, desmachines axiomatiques infiniment plus cruelles que le despote le plus cruel, quoi que duneautr e cruaut , cest en m m e tem ps que a se dcode, que cest r epris par une autr e m achinequi est une m achine c onjuguer les flux dcods. Do laffinit avec la schizophr nie parceque a fonc tionne base de dcodages et opposition avec la schizophr nie, par ce quau lieude fair e passer des flux dcods, a les arr te dune autr e m anire, et a les fait r entr er dansune m achine oprer des conjugaisons de flux dcods.Par exemple lhistoire de la peinture. Trs bizarre lhistoire de lcole vnitienne : trs tard,a r este m ar qu du st yle dit byzant in alor s que Venise a dj bien avanc dans le capitalismemarchand, mais ce capitalisme marchand et bancaire, i l reste tout fait dans les pores delancienne socit despotique. Et tout le christianisme ce moment l trouve comme saforme picturale dans les agencements, la lettre, pyramidaux sur un mode hirarchique,qui rpondent au surcodage despotique. Ces tableaux byzantins de lcole vnitienne vontjusquau m ilieu du 1 5 m e sic le, vous avez c e beau st yle byzant in, et qu est -ce qu on voit : duchr istianism e surcod, du chr istianism e inter pr t sur le st yle et le mode du sur codage : il y ale vieux despote, il y a le pr e, il y a le jsus , les tr ibus dapt r es. Dans un t ableau de De lphiore,il y a des files pyram idales qui sont par pilles bien en r ang, le r egar d bien dr oit. Ce nest passeulement les gens qui sont cods et surcods dans lart byzantin, cest leurs organes quisont cods qui sont cods et surcods sous la grande unit du despote, que ce despote soit

    Dieu le pre ou quil soit le grand byzantin. On a limpression que leurs organes sont lobjetdun investissemen t collectif hirar chis. a serait fou quune vierge r egar de droite pendantque le petit Jsus regarderait dun autre ct. Pour inventer un truc comme a, faut trefou; a ne peut pas se faire dans un rgime o les organes sont collectivement investis, sontcods par la collectivit et surcods. Dans le christianisme, les codes sont brouills maiscest parce que coexistent avec les codes territoriaux des codes despotiques, les couleursm m es inter viennent dans le code pict ur al. Et si, dans le m use, vous changez de salle, vousdcouvrez tout fait autr e chose, cest la gr ande joie et la gr ande angoisse aussi, ils sont entr ain de dcoder les flux et a ne concide pas avec lexplosion du capitalism e, cest assez enr etar d; le gr and dcodage des flux de peintur e sest fait autour de 1 4 5 0 , en plein 1 5 m e, et

    cest une espce de coupure radicale : tout dun coup, on voit lcroulement de la hirarchiedes sur codages, lcroulem ent des c odes ter r itor iaux, les flux de peintur e deviennent fous, acrve tous les codes, un flux passe. On a limpression que les peintres, leur position comme

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    toujours chez les artistes par rapport au systme social, i ls font des christ compltementpds, ils font des c hr ist com pltem ent m anirs, tout a, cest sexualis, ils font des vier gesqui valent pour tout es les fem m es, des petits gar ons qui viennent de boire, des petits gar onsqui font caca, ils jouent vraiment cet te opr ation de dcodage des flux de couleurs.Et comment font-ils ? Tout ce qui passe comme si, pour la premire fois, les personnagesreprsents, devenaient possesseurs de leurs organes : cest fini les codages collectifs

    hirarchiss des organes, les investissements sociaux des organes; voil que la vierge etchaque personnage se m ettent , la lett r e, m ener leur propr e affair e; la lettr e, le tableaufuit par tous les bouts : la vierge regarde dun ct, il y a deux types qui regardent le petitJsus, un troisime regarde par l comme si quelque chose se passait, il y a des scnes lar r ire plan, le tableau clate dans t outes sor tes de direct ions o chacun se m et possderses pr opr es or ganes. Ils ne sont pas fous, il y en a un de lcole vnitienne qui fait une cr ationdu m onde pas cr oyable : gnr alement la crat ion du monde la byzant ine, a se faisait danslor dr e hirar chique, il y avait une espc e de cne ou de gr ande pyr am ide de l ordr e despotiqueet t out en bas, les codes ter r itor iaux; la cr ation du monde qui m intr esse, cest un dpar t : ily a le Bon Dieu qui est dans lair dans une pos ition de cour eur , et il donne un dpar t; il a devant

    lui des canar ds et des poulets qui sen vont t oute allure, et dans la mer il y a des poissons quisen vont aus si, il y a Dieu qui renvoie tout a, cest la fin de tous les codes .Et quest -ce quils font avec le corps du Christ ? Le cor ps du Christ , a leur ser t de c or ps sansorganes; alors, ils le machinent dans tous les sens, ils lui donnent des attitudes damoureux,de souffrance, de torture, mais on sent que l, cest la joie. La perspective, vous comprenezla perspec tive, cest r ien com m e tr uc; ceux qui sen sont passs, cest quils nen avaient pasbesoin, leurs problmes taient autres. La perspective, cest des lignes de fuite, a ne peutservir que dans une peintur e de dcodage, m ais cest tr s secondair e, a com pte m m e pasdans lorganisation dun tableau. Alors, quest-ce quils sont en train de faire, on va dcollerla hanche du Christ, on va faire du manirisme, tous les corps de supplice, a sert de corpssans organes, San Sebastian avec ses flches dans tous les sens; encore une fois, dans ceboulever sem ent du systm e pict ur al, la per spect ive a nest quun tout petit t r uc. Ce dcodagegnr alis des flux, a doit t r e r epr is par autr e chose quun code et , en effet, il ny a plus decode pictur al, m ais il va y avoir une t r ange m achine pict ur ale de m ise en conjonction et c e quiva faire lunit du t ableau, a ne va plus tr e une unit signifiant de code ou de sur code, a vatre un systme dchos, de rptitions, doppositions, de symtries, a va tre une vritablem achine conjonctive, il sagit de m ett r e en conjonction les flux de couleurs et de tr aits dcods.Il y a une vr itable axiomat ique pict ur ale qui va r em placer les codes dfaillants.Le capitalisme ne se forme pas par la simple vertu du dcodage des flux, il napparat que

    au moment o les flux dcods en tant que dcods entrent en conjonction les uns avec lesautr es. M ar x a dit quand a se fait, cest la grande t horie de la contingence. A Rom e, com m e la fin de la fodalit, le dcodage des flux a ent r an une nouvelle for m e desclavagisme et pasdu t out le capitalisme. Il a fallu la r encont r e ent r e le flux de capital dcod et le flux de tr availdter r itor ialis. Pourquoi sest faite cett e r encontr e : voir dans M ar x laccum ulation pr imitive, une condition parc e que accum ulation prim itive, a peut t r e un tr uc danger eux, si on se dit: ah oui, accum ulation prim itive, cest le tr uc qui a ser vi au proc essus daccum ulation, on diraitaussi bien la form ation des st ocks au dbut du capitalisme. Il faut bien voir que laccum ulationprimitive elle est dite primitive pour la distinguer dautres formes daccumulation, mais ellenest pas pr imitive au sens o elle aur ait un prem ier tem ps...

    Le fonctionnement du capitalisme, mme pris dans son essence industrielle, cest unfonctionnem ent bancaire et m ar chand, il faut m aintenir que le capitalism e est essentiellem entindustriel, mais quil ne fonctionne que par son systme bancaire et par ses circuits

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    marchands. Pourquoi ? Il y a une espce de conjonction; le capital se met contrler laproduction, mais est-ce que cest la premire fois? Non; mais si on reprend lanalyse deMarx, et Marx insiste l dessus : le contrle de la production par le capital, dune certainemanire il a toujours exist, et dune autre manire il apparat avec le capitalisme. Je veuxdire que mme dans la perspective dun capitalisme bancaire et marchand, les banques etles marchands se rservent un monopole : il y a au dbut du capitalisme, la manire dont

    le capitalisme marchand anglais interdit aux capitalistes trangers lachat de la laine et dudrap; dans ce cas l, cette clause dexclusivit est une forme sous laquelle les capitalistesm ar chands locaux sassurent le contr le de la product ion puisque les pr oducteur s ne peuventvendre part eux; i l faut marquer deux temps : un premier temps : lorsque les capitalistesmarchands, par exemple en Angleterre, font travail ler leur compte des producteurs avecune espce de systm e de dlgation o le pr oduct eur devient com m e un sous-tr aitant , l, lecapital com m erc ial sem pare dir ectem ent de la pr oduction, ce qui a im pliqu histor iquementle grand moment o le capitalisme marchand sest mis en guerre contre les ligues, i.e. lesassociations de producteurs. Lutte entre les producteurs qui ne voyaient pas sans inquitudeleur asser vissement au capital mar chand, et le capitalism e mar chand qui, au contr aire, voulait

    sassurer de plus en plus le contr le de la production par ce systm e de sous-tr aitem ent. M aisil faudra, comm e le dit M ar x, un second tem ps..

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    LES COURS DE GI LLES DELEUZE

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    Anti Oedipe et Mille Plateaux> 21/12/1971

    Les Bonnes, double bind, capital dalliance et de filiation, x + ax, flux de

    paiem ent et flux de financem ent

    Le docteur Rose de Toul va plus loin que dnoncer une institution, il se trouve quelle vadnoncer les autorits responsables faisant marcher l institution; cest pour a que commesi, nen pouvant plus, elle brise une espce de pacte tacite propre au systme dautorit, savoir ce qui est dit devant le psychiatre ne sera pas rpt; elle dit beaucoup de choses(un pileptique foutu pour huit jours au mitard et enchan), dont les journaux nont garduniquement que laspect : dnoncer linstitut ion en gnr al ... Le GIP a susc it un m ouvem entde sout ien chez les psychiatr es et les analystes au Dr . Rose.

    Je voudr ais revenir sur un point : lanne der nire, jai essay de dir e que la libido procde des investissements sociaux; du point de vue de la libido, les parents ninterviennent jamaisque comme agents de production parmi dautres ou comme agents danti-production parmidautres, et jamais du point de vue de linconscient; linconscient ignore les parents; cetteide quil y aurait un investissement libidinal inconscient du champ social implique que soitbien distingu les investissements du champ social quil faudrait appeler investissementsprconscients dintrts, et un tout autre type dinvestissements du champ social : lesinvestissem ents inconsc ients de dsir ou investissem ents libidinaux. Et un p r em ier point qui mesemblait gnant dans les textes de Freud, ctait la manire dont il tablissait une espce de

    r appor t inver se ent r e linvestissem ent sexuel et linvestissem ent social; il y a des t extes form elsdans le cas Schreber o Freud dit : vous comprenez, linvestissement social a implique unedsexualisation, cest le concept fcheux de sublim ation; et le cham p social com m e tel, il nestr esexualis que dans le cas de rgr ession, et cest com m e a quil inter pr te t out laspect socialdu dlir e du Pr sident Schr eber , savoir cest une r gr ession qui dfait la dsexualisat ion, lasublim ation or iginaire. Toute not r e hypothse est, au cont r aire, que le cham p social est investipar une libido sexuelle en t ant que t elle et que cest m m e a, lactivit fondam entale de la libido: alim enter les investissem ents inconscient s de dsir du cham p social.

    Pour quoi a passe par la sexualit de lindividu ? L, il y a dj une hypot hse qui sim pose - et

    qui ne corr espond pas du tout au r apport inverse intr oduit par Fr eud : com m e le cham p de laconscience est entirem ent r em pli par les investissem ents pr conscients dintr ts du cham psocial, en dessous les vrais investissem ents libidinaux du cham p soc ial, les investissem ents dedsir qui ne concident pas forcment avec les investissements prconscients dintrts, ils

  • 7/31/2019 Deleuze - 1974 - Deleuze Anti-Oedipe Et Mille Plateaux

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    ne peuvent se manifester que dans lensemble des relations sexuelles rotiques et dans laconc ept ion quun individu et un gr oupe ou un g r oupe se fon t de la sexualit m m e, i.e. quil xxxxxdonner nimporte quel sens, prendre la lettre la clbre formule de Marx selon laquelle ler apport sexuel de lhom m e et de la fem m e, cest com m e le gradimt r e du rapport de lhom m eavec lhomm e, savoir linvestissem ent libidinal inconsc ient du c ham p soc ial napparat que tr aver s la srie des am our s dun gr oupe ou de quelquun, la srie de ses r elations sexuelles, et

    en ce sens, cest bien vrai que linvest issemen t libidinal ou sexuel, tr aver s ses objets r otiques,investit t out un cham p social; et pas du t out la faveur dune dsexualisation, a flanque touten lair. Or au niveau du concr et, et des textes, il y a un t r uc t r s cur ieux chez Fr eud, tout faitconfor m e aux fam illes bour geoises dont il nous entr etient, cest le rle des bonnes. Je pr endsles faits bruts, soit travers Freud lui-mme, soit travers les cinq psychanalyses. Premiertrait brut : quand il dcouvre le complexe dOedipe, cest en rapport, il le dit lui-mme (voirJones tI-ch.I), cest en rapport avec sa propre situation; elle est trs curieuse, lorsquil taitenfant, on par le toujours de son pr e et de sa m r e; en fait, il y a deux personnages cls : unebonne qui sera accuse de vol et un demi-frre qui fera enfermer la bonne, qui fera coffrerla bonne com m e il le dit lui-m m e. Il y a donc un r appor t entr e ce dem i-frr e et la bonne. Rien

    que a suffit faire clater les pseudo structures oedipiennes parce quil se trouve que ledemi-frre ira stablir Manchester et cest le groupe riche de la famille. Je signale tout desuite que Fr eud, suivant sa c outum e psychanalytique, na pas c ess doedipianiser ds le dbuta, i.e. de r abat tr e a sur papa-m am an; en ce s ens l il na pas c ess dexpliquer que ce dem i-frr e, ctait un subst itut du pr e et que la bonne, ctait une image de la mr e. Peut-tr e quea peut se faire, je nen sais r ien; m ais je dis que cest un r ude choix que Fr eud, au m om ent oil dcouvrait Oedipe, se t r ouve devant un cont exte o m anifestem ent, la libido investit, non passimplem ent des per sonnages fam iliaux, m ais des agents de pr oduct ion sociaux ou des agentsdnonciation sociaux, la bonne, le demi-frre, et que ctait une direction possible, la libidocom m e investissem ent inconscient du cham p social par tir des coupures enfantines Riche-Pauvre ; cet te d irec t ion possible quil pressen t - on va voir pour quoi -, il la refoule, il la sublim e aupr ofit dune inter pr tat ion toute fam iliale, oedipienne.Constamment les thses de Freud ne cesseront de prsenter des allusions et mme decourtes prsentations directes concernant le thme du riche et du pauvre au niveau delinvestissement libidinal inconscient; exemple : lHomme aux Rats - Lacan, dans son trsbeau texte du Mythe Individuel du Nvros, est le premier avoir montr l importance,dans le cas de lhomme aux rats, du thme dj infantile du choix de la femme riche et de lafemm e pauvr e par tir de l ide qui tr aver se tout le cas de l hom m e aux r ats, savoir cett eespce de cir culation de la dett e; et c ett e circ ulation de la det te qui investit libidinalem ent par

    lhomme aux rats comme ples la femme riche et la femme pauvre. Dans LHomme auxLoups, mme type de problme : lhomme aux loups investit fort encore une bonne quil a vu

    tout enfant en t r ain de laver , genoux, le plancher , et cet te position de femm e pauvr e susciteen lui un investissem ent t r s tr s fort qui va dter m iner une part ie de sa sexualit dadulte.Quest-ce que d it Freud: il osc ille entr e deux positions, mais on sent davance quil a dj choisi: la premire position, ce serait : la libido investit des dterminations de classes que lenfantnapprhende que sous une for m e em pirique, savoir r ichesse-pauvr et. Et le petit bour geois,lhom m e aux loups, quest-ce quil fait, nous dit Freud : par tir de cet te saisie de la bonne auplancher, i l a toute sa vie une tendance au rabaissement de la femme comme si la femmepassait fondamentalement du ct de la femme pauvre. A la fois abaissement et amour. Si

    on va dans cett e direction - et on na pas tellem ent l habitude dentendre Freud par ler com m ea -, une seule issue : reconnatre que linvestissement libidinal ou sexuel en tant que sexuelninvestit pas du tout des dterminations familiales, mais travers des situations de familles,

  • 7/31/2019 Deleuze - 1974 - Deleuze Anti-Oedipe Et Mille Plateaux

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    investit des coupur es du cham p social.

    M ais il ne veut pas , et de ces t extes l, il nous dit que la tendance r abaisser la fem m e et lafair e passer du ct de la femm e pauvre, ce nest quune rationalisat ion. On saisit s ur le vif lem om ent o Freud savance dans une direct ion, il lexplore un petit peu et puis non, il dit je naifait a que pour m ontr er que ctait