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© L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés. L’Encéphale (2009) Supplément 7, S306–S309 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep Dépressions sévères : gènes et environnement Severe depression: genes and the environment P. Gorwood (a), (b) (a) Inserm U894, Centre Psychiatrie et Neurosciences. 2 ter, rue d’Alésia, 75014 Paris, France (b) CME, Hôpital Sainte-Anne, 100 rue de la Santé, 75014 Paris Résumé Les patients souffrant d’un épisode dépressif avec des antécédents familiaux sont généralement considérés comme plus endogènes, de sévérité plus marquée, et donc de plus mauvais pronostic (par exemple pour le risque de récurrence). L’opposition classique entre les dépressions « névrotico- réactionnelles » et les dépressions « endogènes » est ici remise en question, du fait des aspects confusionnants de l’âge de début et des biais de sélection. L’existence d’une interaction entre les gènes de vulnérabilité (G) d’une part, et des facteurs de risque tels les événements de vie stressants (E) d’autre part, est considérée comme particulièrement intéressante, évitant une opposition bien artificielle entre ces deux sources de vulnérabilité. L’approche G*E requiert des échantillons encore plus importants et accroît encore un peu plus le risque de faux positifs, mais ne peut que séduire du fait d’être plus proche de la réalité des mécanismes impliqués dans la dépression. * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts. MOTS CLÉS Trouble de l’humeur ; Dépression ; Vulnérabilité génétique ; Environnement ; Interaction gène*environnement KEYWORDS Mood disorder ; Depression ; Genetic vulnerability ; Environment ; Gene*environment interaction Abstract Depressed patients with a familial history of depression are usually considered as more endogenous, with higher severity, therefore with a worst prognosis (regarding for example recurrence risk). The opposition between « neurotic-stress linked depression » and « endogeneous-genetically related depression » is being challenge in the present review. Indeed, differences in age at onset and selection bias are probably important confusing factors. The existence of an interaction between the involved vulnerability genes (G) and the triggering stressful events (E) was considered as providing meaningful insight for the respective parts of genetics and the environment. Although this approach is even more fragile regarding required sample sizes (larger) and the problem of false positive results (increased), the G*E approach is seducing as closer to reality, the onset of complex disorders being usually explained by those two risk factors. La dépression des sujets génétiquement vulnérables est-elle plus sévère ? La psychiatrie française a cette particularité d’aimer la richesse sémiologique, la distinction de tableaux originaux et de sous-types spécifiques, c’est-à-dire de favoriser la reconnaissance de spécificités qui permettent de refléter la grande diversité de la clinique des dépressions. Elle s’op- pose en cela assez franchement à l’approche anglo-saxonne dont les maîtres mots sont efficacité et simplicité, parfois au prix de simplifications abusives. La distinction de deux pathologies dépressives distinc- tes, névrotico-réactionnelles versus endogènes, est parti- culièrement ancrée dans nos pratiques. On oppose ainsi

Dépressions sévères : gènes et environnement

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© L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés.

L’Encéphale (2009) Supplément 7, S306–S309

Dispon ib le en l igne sur www.sc ienced i rect .com

journa l homepage: www.el sev ier .com/locate/encep

Dépressions sévères : gènes et environnementSevere depression: genes and the environment

P. Gorwood(a), (b)

(a) Inserm U894, Centre Psychiatrie et Neurosciences. 2 ter, rue d’Alésia, 75014 Paris, France (b) CME, Hôpital Sainte-Anne, 100 rue de la Santé, 75014 Paris

Résumé Les patients souffrant d’un épisode dépressif avec des antécédents familiaux sont généralement considérés comme plus endogènes, de sévérité plus marquée, et donc de plus mauvais pronostic (par exemple pour le risque de récurrence). L’opposition classique entre les dépressions « névrotico-réactionnelles » et les dépressions « endogènes » est ici remise en question, du fait des aspects confusionnants de l’âge de début et des biais de sélection. L’existence d’une interaction entre les gènes de vulnérabilité (G) d’une part, et des facteurs de risque tels les événements de vie stressants (E) d’autre part, est considérée comme particulièrement intéressante, évitant une opposition bien artificielle entre ces deux sources de vulnérabilité. L’approche G*E requiert des échantillons encore plus importants et accroît encore un peu plus le risque de faux positifs, mais ne peut que séduire du fait d’être plus proche de la réalité des mécanismes impliqués dans la dépression.

* Auteur correspondant.E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts.

MOTS CLÉSTrouble de l’humeur ; Dépression ; Vulnérabilité génétique ; Environnement ; Interaction gène*environnement

KEYWORDSMood disorder ; Depression ; Genetic vulnerability ; Environment ; Gene*environment interaction

Abstract Depressed patients with a familial history of depression are usually considered as more endogenous, with higher severity, therefore with a worst prognosis (regarding for example recurrence risk). The opposition between « neurotic-stress linked depression » and « endogeneous-genetically related depression » is being challenge in the present review. Indeed, differences in age at onset and selection bias are probably important confusing factors. The existence of an interaction between the involved vulnerability genes (G) and the triggering stressful events (E) was considered as providing meaningful insight for the respective parts of genetics and the environment. Although this approach is even more fragile regarding required sample sizes (larger) and the problem of false positive results (increased), the G*E approach is seducing as closer to reality, the onset of complex disorders being usually explained by those two risk factors.

La dépression des sujets génétiquement vulnérables est-elle plus sévère ?

La psychiatrie française a cette particularité d’aimer la richesse sémiologique, la distinction de tableaux originaux et de sous-types spécifiques, c’est-à-dire de favoriser la reconnaissance de spécificités qui permettent de refléter la

grande diversité de la clinique des dépressions. Elle s’op-pose en cela assez franchement à l’approche anglo-saxonne dont les maîtres mots sont efficacité et simplicité, parfois au prix de simplifications abusives.

La distinction de deux pathologies dépressives distinc-tes, névrotico-réactionnelles versus endogènes, est parti-culièrement ancrée dans nos pratiques. On oppose ainsi

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l’idée d’une organicité à forte sévérité (au fort poids géné-tique, par exemple) à une psychogénécité (de sévérité moindre, et très liée aux événements stressants de la vie). Ainsi les dépressions endogènes (mélancoliques) sont mar-quées par les signes somatiques (anorexie, amaigrisse-ment), l’importance du risque suicidaire et la réponse à des traitements plus lourds (électroconvulsivothérapies et antidépresseurs tricycliques). Dans le même sens, plusieurs études retrouvent, chez les « mélancoliques », des modifi-cations neuro-endocriniennes plus importantes que dans les dépressions non endogènes. Lors du test à la dexamé-thasone, l’absence de freinage du cortisol s’avère par exemple plus marquée. On a aussi pu relever à l’enregistre-ment polysomnographique du sommeil une latence plus courte à l’apparition du sommeil paradoxal (REM) dans les dépressions endogènes [10].

L’ensemble de ces données semblent clairement indiquer que les dépressions pour lesquelles le poids des facteurs génétiques est plus important (dépressions endogènes) sont plus sévères. Et pourtant… il n’en est probablement rien.

La réfutation du rôle des facteurs génétiques dans la sévérité des dépressions tient sur plusieurs arguments.

Les risques de se tromper de conclusion à partir des analyses portant sur les dépressions endogènes sont impor-tants. En effet, ce sont essentiellement les caractéristi-ques de mélancolie selon les critères internationaux qui sont utilisées dans les études portant sur la dépression endogène. Or les dépressions mélancoliques sont avant tout plus sévères, et ont donc logiquement des anomalies plus franches aux tests biologiques (du fait de leur plus grande sévérité) et une réponse thérapeutique souvent de meilleure qualité (du fait de leur plus grande homogé-néité). Seule la mesure parallèle des marqueurs biologi-ques dans les deux groupes de patients déprimés, en maîtrisant la sévérité de la dépression, pourrait permettre de valider une réelle dichotomie.

Si le concept de dépression endogène est licite, et si les dépressions endogènes ont effectivement un enracinement plus explicite dans la vulnérabilité génétique, on doit retrou-ver une homotypie. L’homotypie est la probabilité accrue (par rapport au hasard) de retrouver, chez des apparentés atteints, le même type de dépression que celui observé chez le sujet index. Plus évident encore, on s’attend à ce que le sujet qui fait une récurrence thymique présente le même tableau endogène (trait et non état). Cela ne semble claire-ment pas le cas, les dépressions ayant toutes une tendance à s’aggraver avec le temps (essentiellement par la répétition des épisodes), et donc à être bien peu stables chez un même individu. Cette aggravation acquise est d’ailleurs bien en accord avec le concept de « kindling » (embrasement, ou vulnérabilité acquise), et renvoie au concept souvent déve-loppé de la neurotoxicité des épisodes dépressifs per se [5]. Il est amusant que cette homotypie soit aussi mise à mal du côté de l’autre facteur de risque essentiel, c’est-à-dire les événements de vie stressants. Dans une ancienne et large étude portant sur l’analyse du poids des événements de vie dans la dépression, Brown & Harris [2] ne retrouvent pas de différence de nombre et de sévérité des événements de vie stressants chez les sujets ayant fait un premier épisode

dépressif quand on distingue le type endogène versus non endogène.

Avec l’intention d’authentifier deux types étiologiques de dépression, l’une génétique et l’autre non, l’équipe de Peter McGuffin [1] a étudié la prévalence familiale de la dépression chez des jumelles monozygotes concordantes ou non pour la dépression. Séparant les familles où les deux vraies jumelles sont atteintes toutes les deux (en faveur de facteurs génétiques importants) de celles ou une seule des deux jumelles est atteinte (plutôt en faveur de facteurs environnementaux non génétiques, seuls facteurs de risque singularisant les vraies jumelles). Une différence étiologi-que devrait être associée à une différence nette de préva-lence dans les familles des jumelles concordantes (nombreux apparentés atteints, puisque ce serait une forme généti-que-endogène de dépression) par rapport aux jumelles dis-cordantes (faible nombre d’apparentés atteints, puisque ce serait une forme réactionelle-non endogène de dépres-sion). Or les résultats infirment cette hypothèse puisque le risque de dépression n’est pas supérieur dans les familles des jumelles concordantes. Ceci va à l’encontre d’une hétérogénéité génétique et suggère qu’il n’existe pas deux formes étiologiques distinctes, mais que les différentes for-mes de dépression seraient plutôt liées à un poids plus ou moins fort des facteurs de risque (dont ceux liés à la géné-tique), une répartition variable de l’importance respective des facteurs génétiques et environnementaux.

Une autre étude réalisée par Kendler [7] s’est penchée plus directement sur la nature de la distinction entre dépression endogène et dépression exogène. Sur un groupe de 2 000 jumelles, extraites de la population générale, le diagnostic de dépression majeure et de mélancolie a été recherché. La relation entre mélancolie et risque de dépression majeure chez l’autre jumelle est alors évaluée. Dans ce travail, il n’est pas retrouvé de concordance pour la mélancolie entre les jumelles, contrairement à la dépres-sion dans son ensemble, ce qui va clairement à l’encontre de l’existence de deux étiologies distinctes. De plus, l’étude retrouve une forte prévalence de dépressions dans les familles de sujets ayant une dépression sévère, c’est-à-dire ayant les caractéristiques mélancoliques.

Au total, il paraît donc important de souligner que les facteurs de vulnérabilité génétique participent à toutes les formes de dépressions, quelque soit le niveau de sévérité. Lorsque ces facteurs sont très apparents (lourds antécé-dents familiaux par exemple), le sujet est d’abord porteur d’une diathèse plus forte (génétique ou non), la dépression sera donc potentiellement plus sévère. Cela ne constitue pas un rationnel suffisant pour conclure que ce sont les fac-teurs génétiques qui déterminent la sévérité du trouble.

La question de la place des facteurs génétiques dans la sévérité dépressive s’est longtemps contentée de considé-rer les gènes d’une part, et les événements de vie stres-sants de l’autre, comme si ces deux entités étaient parfaitement indépendantes. Cette opposition de facto répond à une certaine cohérence. En effet, la peau des petits pois de Mendel était peu sensible à la rigueur de l’hiver ou au niveau d’humidité (stress environnemental), et c’est en partie cela qui a servi à Mendel pour poser les

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lois de l’hérédité, c’est-à-dire de deviner la distribution des pois à peau lisse versus fripée en fonction des lignées parentales d’origine. Néanmoins, la génétique des patholo-gies polyfactorielles se dénomme aussi « non-mende-lienne », puisque justement un seul gène ne peut à lui tout seul comprendre l’ensemble des phénomènes en jeu. Cette génétique plus complexe rend mieux compte de la variabi-lité phénotypique (de présentation), et s’est récemment rapprochée, encore un peu plus, de la réalité (complexe) de l’ensemble des facteurs impliqués, en incluant la possi-bilité d’une interaction entre les facteurs génétiques et les facteurs environnementaux.

La vulnérabilité innée (génétique) doit elle s’opposer à la vulnérabilité acquise (environnementale) ?

Les études portant sur l’interaction gène-environnement, le plus souvent dénommé dans la littérature « GxE », cher-chent à décrire comment les facteurs génétiques et envi-ronnementaux modulent conjointement le risque de développer une pathologie donnée (Fig. 1). Elles nécessi-tent donc de connaître les informations sur ces deux fac-teurs. La vulnérabilité génétique peut être évaluée par l’histoire familiale ou donnée par une analyse directe de la séquence d’ADN. Les facteurs environnementaux sont mesurés par les études épidémiologiques à partir d’infor-mations rapportées par le sujet ou repérées systématique-ment par des enquêteurs. Différents modèles (Fig. 1) rendent compte de ces interactions selon la manière dont les facteurs environnementaux modifient l’expression de la vulnérabilité génétique, selon l’intensité de l’exposition à ces facteurs environnementaux, et enfin selon le mode de transmission supposé des facteurs génétiques [4].

L’étude faisant référence dans l’interaction entre les facteurs génétiques et environnementaux pour expliquer un épisode dépressif est probablement celle de Caspi et al. [3]. Dans cette étude, il est fait l’hypothèse qu’un poly-morphisme fonctionnel situé dans le promoteur du gène codant pour le transporteur de la sérotonine (5-HTTLPR) pouvait moduler l’impact des événements de vie stressants sur la vulnérabilité à la dépression. En dehors de l’élégance du protocole global, cette étude avait l’énorme avantage d’une population large (plus de 1 000 sujets) et d’un suivi prospectif de très grande qualité puisque l’évaluation a porté de la naissance jusqu’à plus de 20 ans, avec des éva-luations au moins annuelles (Fig. 2).

Le gène codant pour le transporteur de la sérotonine est un gène candidat de choix pour la dépression, cette protéine étant la cible des antidépresseurs. L’allèle court (ou s pour short) du polymorphisme 5-HTTLPR, étudié comme facteur de risque génétique dans cette étude, dimi-nue l’expression du transporteur de la sérotonine (muta-tion fonctionnelle), augmenterait (modestement) le risque de dépression, et serait associé à moins de chance de réponse aux antidépresseurs.

Dans leur cohorte, l’effet propre du génotype du poly-morphisme 5-HTTLPR n’était pas significatif pour expliquer la dépression, alors que lorsque l’on limite les analyses aux sujets qui ont été récemment exposés à un stress majeur l’allèle s était fortement prédictif. En effet, les sujets por-teurs d’une ou deux copies de l’allèle court du gène 5-HTT développent plus de symptômes dépressifs ou de syndrome dépressif caractérisé ou encore de conduites suicidaires dans les suites d’événements de vie difficiles que les sujets homozygotes pour l’allèle long. Cette interaction entre le gène 5-HTT et les événements de vie difficiles dans le ris-que de dépression a été plusieurs fois répliquée mais avec quelques résultats négatifs. Une méta-analyse de ces étu-

Figure 1 A = Les facteurs de susceptibilité génétique peuvent surexposer des individus à des facteurs de risque environnementaux (corrélation gène*environnement).B = Des facteurs de risque précoce peuvent modifier l’accès à des gènes de vulnérabilité (épigénétique).A’ & B’= Le même type d’interaction peut se retrouver pour des facteurs de protection et de résilience.C & D = Une partie non négligeable de la vulnérabilité est acquise du fait même de la présence du trouble (C-neurotoxicité de la dépression), mais ce handicap peut se révéler une nouvelle source de renforcement pour d’autres (D).

Facteurs environnementaux précipitants

Facteurs environnementaux de résilience

Gènes de vulnérabilité

Gènes de protectionÉpisode

dépressif

B'

A'

A

B C

D

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Conclusions

Percevoir le rôle des facteurs génétiques dans la compré-hension du niveau de sévérité de la dépression requiert de commencer par distinguer plusieurs concepts. Sont en effet impliqués l’effet temps (aggravation naturelle des épisodes avec leur répétition, comme en témoigne par exemple la réduction de l’intervalle inter-critique pour les épisodes récurrents), l’effet du nombre de facteurs de vulnérabilité repérés (leur quantité bien plus que le type de facteur en question) et quelques caractéristiques cliniques potentiel-lement confondantes (l’âge de début précoce, par exem-ple, traditionnellement associé à la présence d’antécédents familiaux, semble être un facteur de risque majeur pour le nombre total d’épisodes sur la vie, essentiellement du fait d’un temps d’exposition plus long). Ces distinctions prises en compte, il ne semble pas possible d’associer, pour la dépression, vulnérabilité génétique et sévérité. L’existence d’une interaction entre les différents facteurs de risque, comme les gènes de vulnérabilité et les événements stres-sants, montre de manière heuristique qu’il est important d’appréhender tous les facteurs de risque potentiellement impliqués, quelle que soit leur origine, afin de comprendre l’émergence d’un épisode, sa répétition ou son type de présentation, ou son niveau de sévérité.

Références [1] Andrew M, McGuffin P, Katz R. Genetic and noon-genetic sub-

types of major depressive disorder. Br J Psychiatry 1998 ; 175 : 523-526.

[2] Brown GW, Harris TO, Hepworth C. Life events and endoge-nous depression. A puzzle re-examined. Arch Gen Psychiatry 1994 ; 51 : 525-34.

[3] Caspi A, Sugden K, Moffitt TE et al. Influence of life stress on depression : moderation by a polymorphism in the 5-HTT gene. Science 2005 ; 301 : 386-389.

[4] Dubertret C, Gorwood P. Interaction Gène-Environnement en psychiatrie. In : Manuel de Psychiatrie. Edited by Julien-Da-niel Guelfi & Frédéric Rouillon. Masson Paris France : Elsevier ; 2007 ; pp. 91-97.

[5] Gorwood P, Corruble E, Falissard B et al. Toxic effects of depression on brain function : Impairment of delayed recall reflects the cumulative length of the depressive disorder in a large sample of depressed out-patients. Am J Psychiatr 2008 ; 165 : 731-739.

[6] Hariri AR, Mattay VS, Tessitore A et al. Serotonin transporter genetic variation and the response of the human amygdala. Science 2002 ; 297 : 400-3.

[7] Kendler KS. The diagnostic validity of melancholic major depression in a population-based sample of female twins. Arch Gen Psychiatry 1997 ; 54 : 299-304.

[8] Pezawas L, Meyer-Lindenberg A, Drabant EM et al. 5-HTTLPR polymorphism impacts human cingulate-amygdala interac-tions : a genetic susceptibility mechanism for depression. Nat Neurosci 2005 ; 8 : 828-34.

[9] Risch N, Herrell R, Lehner T et al. Interaction between the serotonin transporter gene (5-HTTLPR), stressful life events, and risk of depression : a meta-analysis. JAMA 2009 ; 301 (23) : 2462-71.

[10] Young MA, Keller MB, Lavori PW et al. Lack of stability of the RDC endogenous subtype in consecutive episodes of major depression. J Affect Disord 1987 ; 12 : 139-43.

des n’est pas favorable, mais à ce niveau de complexité (deux facteurs en jeu plus leur interaction), la réplication stable et homogène est peu attendue [9].

Plus récemment encore, l’équipe de Weinberger [8] a montré que les sujets porteurs de l’allèle court du 5-HTT avaient plusieurs particularités qui pourraient permettre de comprendre cette vulnérabilité dépressive face aux évé-nements de vie. En effet, à partir d’une IRM structurale et fonctionnelle réalisée chez plus de 200 sujets sains, cette équipe a trouvé :

a) des modifications anatomiques de l’amygdale et du cortex cingulaire,

b) une interaction altérée entre certaines structures sous-corticales (complexe amygdalo-hippocampique) et corticales (préfrontale et cingulaire) essentielles dans la gestion des émotions,

c) des modifications fonctionnelles du traitement de l’information (hyperactivation amygdalienne en situation d’anxiété).

Ces résultats proposent donc un chaînon manquant entre la vulnérabilité génétique et les mécanismes neuro-biologiques impliqués dans la dépression. Cela permet de rappeler que les facteurs de vulnérabilité génétique ne peuvent coder pour une pathologie aussi complexe, un sous-type spécifique ou un niveau de sévérité. De manière bien plus cohérente, ce type de protocole montre que cer-tains facteurs génétiques de vulnérabilité ont un (petit) rôle dans la « manière d’être au monde » (tempérament) qui renvoie (aussi) à une mécanique spécifique du traite-ment de l’information par notre cerveau. Les sujets por-teurs de l’allèle s ont ainsi moins de capacité à la maîtrise cognitive (complexe et différée) des émotions négatives (simples et rapides). Il faut alors sélectionner des sujets exposés à des facteurs de stress récents [3], ou les confron-ter à un équivalent émotionnel [6] pour repérer le rôle (génétique) de l’allèle court du 5-HTT, qui serait resté inapparent sans cette exposition (environnementale).

Figure 2 Effet synergique de la présence d’un allèle de vulnérabilité (ici l’allèle court-s pour short- du gène codant pour le transporteur de la sérotonine) et du facteur précipitant « événement de vie stressant » afin d’expliquer pourquoi certains sujets (mais pas tous) font des dépressions au décours d’un événement de vie stressant (modèle de la cohorte de Caspi et al. 2003) [3].

Événementde vie stressant

Allèle « s »du 5-HTT

Allèle « I »du 5-HTT

EDM

pas EDM