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Zoom Rédaction : C. Devinat Photos : C. Devinat Henri Hautier, dont les parents avaient quitté la Charente et l’agriculture pour s’installer à La Rochelle, est embauché en 1905 comme saute-ruisseau 1 par la société d’armement maritime Delmas installée sur le port de commerce de La Rochelle. Le 2 janvier 1914, encouragé par son employeur qui lui prête quelque argent pour démarrer, il crée à 17 ans sa propre entreprise de transport à La Pallice, avec seulement deux chevaux et deux remorques hippomobiles pour commencer. Il restera à la tête de l’entreprise jusqu’à sa mort en 1978, soit pendant 64 ans ! La révolution du moteur à explosion Revenons à la période originelle. L’entreprise se développe petit à petit, alternant les transports entre les différentes zones économiques de la ville : le centre-ville, le port de pêche et, naturellement, le port de commerce. Henri Hautier effectuait tous types de transports, développant sans cesse non pas son parc de camions, comme on Des chevaux… aux chevaux-vapeur ! Les Transports Hautier Comme souvent dans les histoires des entreprises rochelaises que nous relatons, le Port de Commerce est présent. Hier comme aujourd’hui, il génère de l’activité économique. C’est à nouveau le cas pour les Transports Hautier, une entreprise familiale qui fêtera son centenaire dans quatre ans. Son dirigeant actuel, Thierry Hautier, est le représentant de la troisième génération et la quatrième est déjà dans l’entreprise ; une histoire de famille et de kilomètres. Thierry Hautier à droite et Pierre-Marie Hautier à gauche, quatrième génération, qui a intégré l’entreprise en 2009 à l’âge de 26 ans. Une nouvelle motivation pour son père avec en ligne de mire une transmission réussie Henri Hautier à droite 3 3

Des chevaux… aux chevaux-vapeur !

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Page 1: Des chevaux… aux chevaux-vapeur !

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Rédaction : C. Devinat Photos : C. Devinat

Henri Hautier, dont les parents avaient quitté la Charente et l’agriculture pour s’installer à La Rochelle, est embauché en 1905 comme saute-ruisseau1 par la société d’armement maritime Delmas installée sur le port de commerce de La Rochelle. Le 2 janvier 1914, encouragé par son employeur qui lui prête quelque argent pour démarrer, il crée à 17 ans sa propre entreprise de transport à La Pallice, avec seulement deux chevaux et deux remorques hippomobiles pour commencer. Il restera à la tête de l’entreprise jusqu’à sa mort en 1978, soit pendant 64 ans !

La révolution du moteur à explosion

Revenons à la période originelle. L’entreprise se développe petit à petit, alternant les transports entre les différentes zones économiques de la ville : le centre-ville, le port de pêche et, naturellement, le port de commerce. Henri Hautier effectuait tous types de transports, développant sans cesse non pas son parc de camions, comme on

Des chevaux… aux chevaux-vapeur !

Les Transports Hautier

Comme souvent dans les histoires des entreprises rochelaises que nous relatons, le Port de Commerce est présent. Hier comme aujourd’hui, il génère de l’activité économique. C’est à nouveau le cas pour les Transports Hautier, une entreprise familiale qui fêtera son centenaire dans quatre ans. Son dirigeant actuel, Thierry Hautier, est le représentant de la troisième génération et la quatrième est déjà dans l’entreprise ; une histoire de famille et de kilomètres.

Thierry Hautier à droite et Pierre-Marie Hautier à gauche,

quatrième génération, qui a intégré l’entreprise en 2009 à

l’âge de 26 ans. Une nouvelle motivation pour son père

avec en ligne de mire une transmission réussie

Henri Hautier à droite

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Coordonnées :Transports Hautier52, rue Robert Geffré17000 LA ROCHELLETél. : 05 46 42 22 66Fax : 05 46 42 28 41

le dirait aujourd’hui, mais son écurie. Au point de devoir louer des terres sur les secteurs de Laleu, La Repentie et Chef-de-Baie, de s’équiper de machines telles que des moissonneuses, des charrues ou des lieuses pour produire l’alimentation nécessaire aux chevaux en nombre croissant.La première véritable révolution de l’entreprise se produit en 1932 avec l’apparition du moteur à explosion et de l’automobile ; Henri Hautier décide de s’associer avec un ami mécanicien pour fonder la SARL Laporte-Hautier

et, ensemble, ils achètent un premier camion de dix tonnes de fabrication américaine, un Nash Quad. À l’époque, raconte son deuxième fils, Jean, “les pneus n’étaient pas des pneus mais des bandages en caoutchouc ; les roues étaient équipées d’un entraînement par chaînes… et le moteur se trouvait dans la cabine !”.

Le tournant vers les matières dangereuses

Pour Henri Hautier, la période qui s’écoule jusqu’à la Deuxième Guerre Mondiale est celle d’une progression régulière de son activité. En 1942, la réquisition par l’armée allemande de ses huit camions l’oblige à cesser toute activité. Elle reprend à la fin de la guerre, en 1945, avec un seul véhicule. Puis, il rachète progressivement à l’armée américaine des camions-citernes et va

ancrer définitivement la société dans son métier actuel : le transport de produits liquides, en général, et de produits pétroliers

en particulier. C’est aussi à cette période que Pierre, son fils, entre dans l’entreprise. En 1952, Henri Hautier rachète les parts de son associé Laporte. En 1963, il tente de faire installer une raffinerie de pétrole du Groupe Shell à La Rochelle. Elle sera finalement située à Bordeaux, mais il se voit proposer par ce groupe de l’accompagner à l’autre bout de la France, au nord de Strasbourg, à Reichstett, près d’une de leurs installations. Pierre s’occupe de la création et du développement de cette nouvelle unité. Dans la même période, le site rochelais poursuit sa croissance : en 1965, l’entreprise absorbe la société de transport de produits pétroliers Star puis, en 1976, la Société Rochelaise de Manutention, exerçant dans le transport de marchandises diverses. L’entreprise acquiert peu à peu une dimension de leader régional. Durant toutes ces décennies, Henri Hautier, dont une avenue rochelaise porte le nom à La Pallice, puis son fils Pierre, ont toujours mis l’accent sur la vocation sociale de leur société, misant avant tout sur les hommes (voir encadré).Au quotidien, les conducteurs de

Les Transports Hautier et l’Aquarium de La Rochelle

Que peut-il bien y avoir comme rapport entre les Transports 

Hautier et l’Aquarium de La Rochelle ? Eh bien, tout simplement, le contenu des 

bassins étant du liquide, c’est-à-dire de l’eau de mer, c’est aux 

Transports Hautier qu’a été confiée la tâche de la renouveler !

Concrètement, ce sont chaque semaine 15 livraisons de 25 tonnes 

d’eau qui sont effectuées, l’eau étant pompée après filtrage 

chez un ostréiculteur. Et, lors de son ouverture, il a fallu livrer 

100 citernes rien que pour remplir le bassin aux requins !

Un engagement social très fort

Depuis toujours et dans l’esprit de son fondateur, les Transports Hautier ont mis l’accent sur la vocation sociale 

de l’entreprise, affichant, y compris dans sa charte actuelle élaborée en 2004 et qui figure dans son entrée, l’importance des hommes 

avant toute autre chose. Des hommes, mais aussi des femmes, à telle enseigne qu’Henri Hautier fonda, en 1950, une École d’Enseignement Ménager à La Pallice, une école d’insertion formant au CAP de couture ou d’art ménager 

des jeunes filles de 14 à 17 ans restées en marge du système scolaire.Il s’impliqua aussi très fortement dans l’organisation professionnelle des 

transports, au point d’en être le Président d’Honneur à la fin de sa vie. Son fils, Pierre Hautier, le suivit dans cette voie en étant d’abord un membre très actif du Centre des Jeunes Patrons puis de l’Union Patronale. Dans la même lignée, Thierry Hautier a créé à La Rochelle le Centre des Jeunes Dirigeants 

et est aujourd’hui Président Régional de T.L.F. (Fédération des Entreprises de Transport et Logistique de France). Il est aussi très engagé dans la vie 

économique locale au travers de nombreux mandats (Chambre de Commerce et d’Industrie de La Rochelle, Grand Port Maritime, Logement Social).

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Z O r r O , l a t i g e , b é b e r t …

Dans  un  livre  intitulé  Les Chevaux  de  la  Conquête, écrit  en  1994  par  Laurence Campa  à  la  demande  de  Thierry Hautier  pour  garder  une  trace indélébile des 80 premières années de l’entreprise,  de  nombreux  salariés  et collaborateurs de celle-ci témoignent.Ces  témoignages  d’anciens  salariés, ayant  parfois  effectué  toute  leur carrière  dans  l’entreprise,  attestent du  respect,  voire  de  l’affection, qu’ils  portaient  au  patron.  Dans  ce métier  haut  en  couleurs  et  difficile, car  les  chauffeurs  et  les  mécaniciens ne  ménageaient  pas  leur  peine,  ils avaient  tous  des  surnoms  :  Zorro, La  Tige,  Bébert,  La  Pipe,  La  Moule, Tintin,  Moustache…  Les  uns  et  les autres  s’exprimaient  ainsi  à  propos de  leur  patron  :  «  Une  gentillesse phénoménale,  très  juste,  très  droit, c’était  la  crème  des  hommes,  pas  un patron, de la famille… »…

l’entreprise sillonnaient les routes de France au volant de leur Mercedes, la marque adoptée très tôt par les Transports Hautier pour sa fiabilité. Les chauffeurs inscrivaient des dizaines de milliers de kilomètres à leur compteur… et sur le petit “livret rouge” qu’ils devaient scrupuleusement tenir à jour.Pour Thierry Hautier, fils de Pierre, entré dans l’entreprise en 1981 après des études supérieures de commerce, avec une spécialisation dans le transport, “le métier a constamment évolué pour assurer toujours davantage de sécurité, avec des investissements très lourds dans le domaine de la formation, deux fois plus importants dans le transport que dans les autres secteurs d’activité”. Pour preuve, les Transports Hautier ont été précurseurs, depuis 1975, en embauchant en interne des formateurs.Au décès de son père en 1986, Thierry Hautier devient directeur-général de l’entreprise. En 1988, les Transports Hautier déménagent de La Pallice, où ils étaient installés depuis le début des années 50, à Lagord, dans la zone des Greffières, pour regrouper tous les services. En juin 2007, nouveau déménagement et nouvelle implantation, sur 23 000 m², à La Rochelle, sur la Zone des Rivauds : retour à La Pallice ! Ce nouveau site a été conçu

en misant sur la sûreté : entièrement clos, i l est doté de systèmes de contrôle d’accès et de vidéosurveillance, i nd i spensab l e s au caractère sensible de l’activité. L’entreprise réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel de 15 millions d’euros et emploie 190 personnes, dont 160 conducteurs – on ne dit plus chauffeurs !

Un ma tre-mot : la sécurité

Parmi les points forts de l’entreprise, on vient de le dire, figure la sécurité. Sur le plan technique, il est assez facile de comprendre que transporter des matières telles que des hydrocarbures ou du gaz sur la route dans des citernes semi-remorques, mais aussi remplir les cuves chez les clients, demande une parfaite maîtrise des processus de mise en œuvre. Les conducteurs sont donc formés à la conduite mais ils suivent aussi une spécialisation au transport des matières dangereuses. Toujours en développement et dans un souci de diversification, l’entreprise vient de créer un nouveau service d’inspection périodique des citernes de particuliers et une nouvelle activité, Hautier Hygiène Sécurité Environnement (2HSE), spécialisée dans le pompage et le nettoyage de cuves, avec un matériel spécifiquement adapté aux matières dangereuses. Loin d’être partisan du “tout camion”, Thierry Hautier milite pour un transport routier qu’il qualifie de multi-régional. “la vocation du transport routier est d’être un transport terminal, c’est-à-dire qui effectue en début ou en fin de chaîne les 150 à 200 premiers ou derniers kilomètres”. C’est d’ailleurs pour cela qu’il dénonce la fermeture de certains dépôts pour des motifs de protection de l’environnement, obligeant les camions à faire des trajets beaucoup plus longs ! Et il rappelle que “85 % des distances des transports par camion sont inférieures à 200 kilomètres et qu’en 25 ans, leurs émissions de pollution ont été diminuées par cinquante”.

(1) À l’origine utilisé pour désigner un petit clerc dans une étude de notaire, le terme de “saute-ruisseau” signifiait à l’époque plus généralement un messager, un chargé de courses.

Histoires d'entreprises

Même dans les affaires , i l existe de bel les histoires de famil le . Aunis Eco, tout au long de l 'année 2010, décrypte la v ie et les caractér ist iques de cer taines entreprises famil ia les rochelaises , parce que les expériences de cel les-c i peuvent peut-être servir à d ’autres . . .

Déjà parues :> Buro center,> Maison Bastard,> Déménagements Blanchard,> Cognac Normandin,> Grassin décor,> Dufour Frères ,> L’ Imprimerie Rochelaise…Articles à retrouver sur www.larochelle.cci.fr

Sa fidélité à la marque Mercedes valut à Pierre Hautier

(au centre) d’être invité en 1975 en Allemagne pour

fêter et recevoir le 500 000e véhicule fabriqué par le

constructeur dans son usine de Wörth, près de Karlsruhe

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