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Journal de Chirurgie (2009) 146, 423—430 STAFF PUBLIC Des métastases hépatiques bien tardives... Very late development of hepatic metastases H. Corté, S. Benoist , C. Penna Service de chirurgie digestive et oncologique, hôpital Ambroise-Paré, AP—HP, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne, France Disponible sur Internet le 20 septembre 2009 Présentation du cas clinique Cette observation a été présentée au quatrième Congrès francophone de chirurgie diges- tive et hépatobiliaire, à Marne la Vallée, le 5 décembre 2008 lors de la séance de dossiers cliniques. Le présentateur (Dr Corté) fait des propositions, discutées par les animateurs (Dr Sauvanet et Mariette) qui encouragent la salle à prendre la parole. Docteur Corté « Il s’agit d’un patient de 60 ans, obèse, sans antécédent familial ni personnel, pris en charge initialement pour un adénocarcinome du bas rectum. La tumeur était située à 1cm du sphincter. En échoendoscopie et en imagerie par résonance magnétique (IRM) la tumeur était classée T3M0. Il a eu un traitement préopératoire par radiochimiothérapie associant une radiothérapie de 45 Gy et une chimiothérapie avec de l’oxaliplatine. Il a été opéré six semaines après la fin du traitement préopératoire. On a réalisé une proctectomie avec une exérèse totale du mésorectum et une anastomose colo-anale manuelle latéro- terminale protégée par une iléostomie. Les suites opératoires ont été simples. À l’examen anatomopathologique on n’a retrouvé qu’une lésion cicatricielle sans cellule tumorale et les 15 ganglions du mésorectum examinés étaient tous négatifs. On pouvait conclure à une réponse complète du traitement préopératoire et la lésion a été classée ypT0N0. La première question est de savoir s’il faut réaliser une chimiothérapie adjuvante du fait d’une excellente réponse au traitement préopératoire ou non. » Docteur Mariette « Le patient a eu une radiochimiothérapie pour une lésion, classée initialement T3M0 à la fois en endoscopie et en IRM. Elle est maintenant classée ypT0N0. On vous demande si dans le cancer du rectum, il y a une place pour une chimiothérapie adjuvante ? Sur quels critères ? » Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Benoist). 0021-7697/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jchir.2009.08.022

Des métastases hépatiques bien tardives…

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Journal de Chirurgie (2009) 146, 423—430

STAFF PUBLIC

Des métastases hépatiques bien tardives. . .

Very late development of hepatic metastases

H. Corté, S. Benoist ∗, C. Penna

Service de chirurgie digestive et oncologique, hôpital Ambroise-Paré, AP—HP,9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne, France

Disponible sur Internet le 20 septembre 2009

Présentation du cas clinique

Cette observation a été présentée au quatrième Congrès francophone de chirurgie diges-

tive et hépatobiliaire, à Marne la Vallée, le 5 décembre 2008 lors de la séance de dossierscliniques. Le présentateur (Dr Corté) fait des propositions, discutées par les animateurs(Dr Sauvanet et Mariette) qui encouragent la salle à prendre la parole.

Docteur Corté

« Il s’agit d’un patient de 60 ans, obèse, sans antécédent familial ni personnel, pris encharge initialement pour un adénocarcinome du bas rectum. La tumeur était située à1 cm du sphincter. En échoendoscopie et en imagerie par résonance magnétique (IRM) latumeur était classée T3M0. Il a eu un traitement préopératoire par radiochimiothérapieassociant une radiothérapie de 45 Gy et une chimiothérapie avec de l’oxaliplatine. Il a étéopéré six semaines après la fin du traitement préopératoire. On a réalisé une proctectomieavec une exérèse totale du mésorectum et une anastomose colo-anale manuelle latéro-terminale protégée par une iléostomie. Les suites opératoires ont été simples. À l’examenanatomopathologique on n’a retrouvé qu’une lésion cicatricielle sans cellule tumorale etles 15 ganglions du mésorectum examinés étaient tous négatifs. On pouvait conclure àune réponse complète du traitement préopératoire et la lésion a été classée ypT0N0.

La première question est de savoir s’il faut réaliser une chimiothérapie adjuvante dufait d’une excellente réponse au traitement préopératoire ou non. »

Docteur Mariette

« Le patient a eu une radiochimiothérapie pour une lésion, classée initialement T3M0 àla fois en endoscopie et en IRM. Elle est maintenant classée ypT0N0. On vous demandesi dans le cancer du rectum, il y a une place pour une chimiothérapie adjuvante ? Surquels critères ? »

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (S. Benoist).

0021-7697/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.jchir.2009.08.022

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24

octeur X

Y a-t-il des emboles ou une infiltration nerveuse ? Dans ceas-là il y aurait une indication à une chimiothérapie. »

octeur Corté

Non. »

octeur Elias

En principe selon les règles actuelles il ne devrait pas yvoir de chimiothérapie postopératoire. Cependant on n’aas clairement la réponse et j’aurais tendance à dire que ceatient a très bien répondu à la radiochimiothérapie, ce quieut être un argument pour continuer la chimiothérapie. Ilaudrait faire attention à la neurotoxicité de l’oxaliplatine.’aurais tendance à dire qu’en l’absence de standard il doitvoir une chimiothérapie. »

octeur Mariette

Premier argument pris en compte, la chimiosensibilité. »

octeur Panis

À ma connaissance il y a aucune donnée dans la littératureour ce traitement adjuvant. On connaît le très bon pro-ostic de ces lésions ypT0N0, même s’il existe des récidivesardives. Je ne crois pas qu’il y ait de recommandation oua moindre étude qui valide l’attitude d’administrer ‘‘parceu’il y a une bonne réponse’’ (on n’est pas dans le cadre deétastases hépatiques) une chimiothérapie adjuvante. Pouroi il n’y a aucune indication. »

octeur Vacher

Je suis tout à fait d’accord avec cette attitude. Il est− au départ et N0, ensuite, avec 15 ganglions exami-

és. Je pense qu’il n’y a pas argument pour lui faire unehimiothérapie. Il aurait été N+ au départ, le problèmeurait été différent. On aurait pu penser que les gan-lions avaient été stérilisés et qu’il y avait peut-être unendication à faire une chimiothérapie complémentaire. Àartir du moment où il était N− je pense qu’il n’y a pas’indication. »

octeur Mariette

Le seul argument est qu’il s’agit d’un N0 après radio-hérapie sur une lésion qui a été enlevée, donc sur uneièce opératoire. Au départ vous êtes N0 en échoendo-copie et en IRM dont la fiabilité dans le diagnostic deétastases ganglionnaires n’est pas de 100 % et il s’agit’un patient qui est très bon répondeur. L’idée est peuttre de le guérir de sa pathologie néoplasique par uneventuelle chimiothérapie adjuvante. Il y a quand mêmees arguments pour les oncologues à proposer une chi-iothérapie sachant que le Dr Panis a tout à fait raison,

ar on n’a pas de guideline à ce sujet. »

octeur Sauvanet

Après YP1, YP2 souhaite s’exprimer. . . »

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H. Corté et al.

octeur Parc

Je rejoins YP1, ganglions positifs ou pas positifs, tous lesssais randomisés qui ont étudié la chimiothérapie dans lesancers du rectum ne montrent aucune différence de survie.ctuellement, les études dans le cancer du rectum faitesvec des effectifs semblables à ceux utilisés pour essayere montrer un bénéfice dans le cancer du côlon montrentue la chimiothérapie dans le cancer du rectum sous périto-éal n’a pas d’indication. L’argument qui va encore contre lahimiothérapie c’est qu’il va peut-être récidiver. On utilise-ait l’oxaliplatine et s’il a une neurotoxicité les oncologueseront peut être gênés pour reprendre l’oxaliplatine lors dea récidive. Par ailleurs, ils n’auront pas de cible en l’ayanttilisé en adjuvant. Si la tumeur récidive dans les quatreois, on ne saura pas si c’est parce qu’il était résistant. »

octeur Mariette

Si ca récidive, cela veut peut-être dire qu’on aurait dûui faire la chimiothérapie, non ? »

octeur Parc

Non puisque le taux de récidive est semblable dans les deuxroupes. »

octeur Elias

Je persiste et signe. Je ne suis pas d’accord. Ce que vousites est vrai, mais moi je dis autre chose. Les chimiorépon-eurs ont un meilleur pronostic, c’est prouvé partout (etui c’est un « super chimiorépondeur »). Mais d’une faconénérale, c’est le moment où jamais de faire feu de toutois. On connaît la chimiothérapie qui marche. C’est donc auoment où il y a théoriquement le moins de lésion résiduelleue c’est le plus intéressant. »

octeur Sauvanet

On est une réunion de concertation multidisciplinaireRCP) de 450 participants, on ne va pas prendre l’avis des50 personnes mais manifestement le débat est ouvert. »

octeur Corté

La question est de savoir si la réponse à un traitementéoadjuvant doit guider un traitement adjuvant. C’est déjàe cas dans d’autres cancers comme le cancer de l’estomacu le sein. C’est même déjà le cas dans le cancer colo-ectal puisque dans la prise en charge des métastasesépatiques un des arguments pour la chimiothérapie pré-pératoire est de tester la chimiosensibilité des métastasesfin de guider un traitement postopératoire. Pour le canceru rectum jusqu’à présent on donnait une chimiothérapiedjuvante plutôt pour les tumeurs N+ comme cela a étéentionné ou pour les tumeurs dont les marges de résec-

ion étaient envahies, bien que le bénéfice n’ait jamais étééellement démontré. L’importance de la réponse à un trai-ement préopératoire pour le cancer du rectum n’était pasrise en compte, donc on ne faisait pas de chimiothéra-ie dans les tumeurs N0 et encore moins pour les tumeurspT0N0. Mais il y a une étude récente qui a montré quea réponse à la chimiothérapie préopératoire pouvait gui-er une chimiothérapie adjuvante. C’est une étude portantur 785 malades qui avaient été inclus dans un des essais

Des métastases hépatiques bien tardives. . .

de l’European Organization for Research and Treatment ofCancer (EORTC) et qui analysait les différentes stratégiesdans le cancer du rectum [1]. Tous ces malades avaient destumeurs T3 ou T4 et ont tous recu un traitement préopé-ratoire par radiothérapie ou par radiochimiothérapie. Enpostopératoire, sur ces 785 malades, 382 ont recu une chi-miothérapie contre 403 qui n’en n’ont pas recu. Cette étudemontrait que dans le groupe des patients qui n’ont pasrépondu à la chimiothérapie néoadjuvante il n’y a aucunbénéfice en termes de survie sans récidive à administrerun traitement adjuvant. En revanche dans le groupe despatients bons répondeurs à la chimiothérapie préopéra-toire, il y a un bénéfice de survie sans récidive significative.On peut conclure de cette étude qu’il y existe un bénéfice àtraiter de facon adjuvante les patients qui ont bien réponduà une chimiothérapie préopératoire. L’étude a été réactua-lisée récemment et a montré que chez les bons répondeurs,ceux qui étaient ypN0 et donc a fortiori ceux qui avaientune réponse complète, comme notre patient, il n’y avaitaucun gain en termes de survie sans récidive à faire unechimiothérapie adjuvante. L’intérêt de la chimiothérapiepostopératoire systématique en cas de réponse complèten’est pas certain et reste très donc débattu. Ce patient aété opéré bien avant la publication de cette étude et iln’a pas eu de traitement postopératoire. On l’a surveilléde facon régulière pendant cinq ans et pendant ce temps iln’y a pas eu de récidive locale ou à distance. La questionmaintenant est de savoir si vous réalisez une surveillanceau-delà de cinq ans. »

Docteur Panis

« Pour moi la réponse est clairement oui, parce que j’ai euune récidive locale à sept ans après un ypT0N0 radiochimio-thérapie. On sait globalement qu’il y a 7 à 10 % de récidive,après cinq ans, et donc nous continuons à surveiller tous lesans après cinq ans les cancers du rectum. On sait aussi quela radiothérapie décale l’histoire des récidives. Donc pourun cas clinique exactement comme le vôtre, pour l’histoiredécalée et pour les récidives tardives, on le surveillerait tous

les ans au moins dix ans. »

Docteur Mariette

« Est-ce que le degré de réponse ne va pas influencer lesmodalités de surveillance. Est-ce que par exemple s’ilavait été ypT3N0 ou ypT0N0 la surveillance au-delà decinq ans se justifie de la même facon ? »

Docteur Sauvanet

« Quelqu’un a-t-il une autre réponse ? Qui s’arrête ? »

Docteur Mariette

« Qui arrête la surveillance à cinq ans, en estimant que lepatient est guéri ou que la probabilité de récidive est trèsfaible ? »

Docteur Lacaine

« On comprend bien que plus on suit les malades plus on évitece type de problème. La question est : combien de patientsva-t-on suivre inutilement pour avoir un bénéfice chez unmalade ? C’est la vrai question. »

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Docteur Elias

« J’ai à peu près la même réponse, il faut prendre ses res-ponsabilités. Dans les standards, on surveille cinq ans et onne surveille pas au-delà. Mais les standards reposent en par-tie sur des études de rapports gain/coût et, en ces termes,à notre époque, est-on autorisé à surveiller au-delà de cinqans ? C’est une question de fond qui est extrêmement impor-tante pour la société. »

Docteur Parc

« Le problème est que la surveillance n’a jamais été démon-trée comme améliorant le pronostic de ces patients. Doncon pourrait arrêter juste après l’opération. À cinq ans laréponse ne vient pas de nous. Quand vous dites au patient‘‘on pourrait arrêter de vous surveiller’’, il y a ceux qui nesont pas venus à la consultation de cinq ans, on ne peut detoute facon pas leur dire : ils ont arrêté la surveillance spon-tanément. À ceux qui sont là, ce n’est pas la peine d’essayerde les convaincre ils ont décidé d’avoir leurs examens tousles six mois ou tous les ans. Ils font le choix eux-mêmes. »

Docteur Mariette

« Il y a du vécu dans cette affirmation : entre ce qu’ondécide et ce que le patient souhaite il y a parfois unhiatus. . . »

Docteur Sauvanet

« Cela dépend si on les prend par surprise ou non. Si onleur dit à la consultation de la cinquième année, sans lesavoir prévenus à aucun moment ‘‘ca y est c’est fini, vousêtes guéris, au revoir’’. Là ca ne se passe pas bien, maissi on leur a dit à trois ans, puis à quatre ans, que le risquede récidive diminue et à cinq ans que le risque de récidiveest nul, ils peuvent quitter la consultation sereins. Il y aune petite différence, non ? »

Docteur Delpero

« Je voulais juste ajouter quelque chose à ce qu’a dit le DrElias à propos du coût/bénéfice de la surveillance. On avaitpublié dans Dis Col rectum les récidives tardives après lacinquième année et on avait à peu près 20 % des maladesqui avaient eu de la radiochimiothérapie pour un cancerdu rectum qui récidivaient au-delà de la sixième année. Laquestion à laquelle on ne peut pas répondre, et je rejoinslà ce qu’a dit le Dr Lacaine, c’est celle de savoir, avecles données de la littérature dont on dispose, si le fait dedépister par le suivi est mieux que de revoir le malade aumoment où il a des symptômes. Parce que, le malade quiva avoir des symptômes, s’il est normalement cortiqué ilva revenir vous voir au moment où les symptômes appa-raissent. Personne n’a démontré que le traiter à ce momentsoit utile (je parle bien des récidives de cancer du rec-tum, parce qu’il y a des maladies dans lesquelles on saitque de les traiter lorsqu’elles sont asymptomatiques c’estmieux que d’attendre qu’elles soient symptomatiques). Maispour les récidives de cancer du rectum, qui ont eu de laradiochimiothérapie, ce seront des récidives la plupart dutemps très compliquées, sur le plan locorégional, il n’estpas prouvé que de dépister la récidive par le suivi est mieuxque d’attendre que le malade ait des symptômes. »

4 H. Corté et al.

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octeur Corté

Dans le thésaurus national de cancérologie digestivelaboré par plusieurs sociétés savantes, dont la Sociétérancaise de chirurgie digestive, il est recommandé poure cancer du rectum après cinq ans de réaliser une sur-eillance par un simple examen clinique, une radiographiee thorax annuelle, en plus de la coloscopie qui est réa-isée de facon régulière. Dans les recommandations poura pratique clinique que ce soit l’américaine de 2005 ou larancaise de 2006 les modalités de surveillance après trai-ement d’un traitement d’un cancer du rectum ne sont pasbordées. Il y a peu de données dans la littérature concer-ant les récidives hépatiques au-delà de cinq ans. Dansn rapport de l’Association francaise de chirurgie (AFC)e 1992 qui traitait le sujet, il y avait un taux de réci-ives hépatiques au-delà de cinq ans faible, mais pas nul,valué à environ 4 %. À l’hôpital Ambroise-Paré on a pris’habitude, dans les cancers du rectum au-delà de cinq ans,e réaliser une surveillance annuelle par une échographieépatique et une radiographie de thorax. Chez ce patientix ans après son exérèse rectale, une échographie de sur-eillance a détecté une lésion suspecte du lobe hépatiqueauche. L’examen clinique était normal, notamment au tou-her rectal l’anastomose était souple et non sténosée. Lesarqueurs tumoraux, ACE et CA 19,9 étaient normaux et

n a complété l’échographie par un scanner abdominopel-ien qui ne montrait pas de récidive à l’étage thoraciquei pelvien. En revanche, le scanner hépatique qui ne mon-rait rien du tout au temps artériel, montrait deux petitesésions, infracentimétriques du lobe gauche, au temps por-al (Fig. 1). L’IRM a retrouvé ces deux petites lésions duobe gauche et a montré en plus une petite lésion sous cap-ulaire du segment VI (Fig. 2). En résumé on est à six ans dea prise en charge du cancer du rectum et les éléments deurveillance ont détecté trois métastases hépatiques méta-hrones infracentimétriques localisées dans le lobe gauchet dans le segment VI du foie droit. Quelle est votre stra-égie thérapeutique ? »

octeur Mariette

Pouvez-vous nous préciser si ces imageries ont étéomparées à celles d’avant et que ce sont bien des lésionse novo ? »

octeur Corté

Oui. »

octeur Kianmanesh

Je propose une nouvelle coloscopie, un dosage des mar-ueurs, voire une cœlioscopie avec biopsie des lésions pouronfirmer la nature ou bien une biopsie par voie percuta-ée. »

octeur Mariette

Les marqueurs sont normaux. »

octeur Kianmanesh

Coloscopie et biopsie d’une lésion quels qu’en soient lesoyens ! »

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igure 1. Scanner à six ans : aucune image sur le temps artériela) ; deux lésions infracentimétriques (flèches) sur le temps portalb).

octeur Paye

Je ne suis pas d’accord, ce sont des lésions qui sont appa-ues chez un patient qui a un antécédent de cancer et doncui sont a priori métastatiques. Les biopsier c’est péjo-er le pronostic de ce patient pour des lésions qui sont ariori résécables. Il y a un papier intéressant dans le Bri-ish Journal of Surgery qui comparaît deux groupes ayantes métastases hépatiques : ceux qui avaient été biopsiés eteux qui ne l’avaient pas été. Les patients biopsiés avaientn pronostic péjoré par la biopsie. Donc ma stratégie, dansette situation, serait de faire un PET-scan, qui va permettree confirmer que ce sont bien des lésions métastatiques, deaire le bilan d’extension, d’y associer un scanner du thoraxt de ne pas proposer de chimiothérapie avant l’interventionar on sait que chez lui elle est très efficace. Ce sont desetites lésions et si on veut pouvoir les réséquer il fautes voir. Si on fait de la chimiothérapie dès maintenant onisque dans trois mois de ne plus les voir du tout. Donce l’opérerais d’emblée et lui ferais la chimiothérapie enostopératoire. »

Des métastases hépatiques bien tardives. . .

Figure 2. IRM à six ans : confirmation des lésions du lobe gauche(a) ; lésion supplémentaire du segment VI (b).

Docteur Elias

« Je vais faire un commentaire : cette situation n’est passimple. Ce patient a eu un scanner à six ans. C’est parceque vous êtes sorti des standards que vous avez trouvé ca.Au passage on pourrait aussi se dire, ‘‘tiens c’est dommageque ce malade-là n’ait pas eu la chimiothérapie adjuvante,dont on a longuement discuté’’ parce qu’on sait que le ‘‘5FUMoertel’’ diminue de 42 % les récidives. . . »

Docteur Dousset

« On est dans une situation inhabituelle. La première choseque je ferais est de me poser la question de savoir si cesmétastases hépatiques sont celles du cancer originel ou d’unsecond cancer colique ou d’autre origine digestive. Dansle bilan je ferais une coloscopie, une endoscopie haute,une échoendoscopie pancréatique. Tout à fait d’accord pourfaire le PET-scan en sachant qu’il peut être négatif, maiss’il est positif cela nous aide et pour aller dans le sens duDr Paye, il est logique, si l’on se base sur l’essai E 40983de l’EORTC de faire une chimiothérapie première, puisqu’ila été montré au dernier congrès de l’American Society ofClinical Oncology (ASCO) qu’il valait mieux faire de la chi-miothérapie péri-opératoire chez ces malades avec le risque

427

de métastases manquantes à l’appel. Donc soit on privilégiela résécabilité et on l’opère d’emblée, soit l’autre solution,qui se développe mais qui n’est pas facile, est de ‘‘ciblerles tumeurs’’ par des hamecons dans les trois sites métasta-tiques, de faire six cycles de Folfox puis de l’opérer. »

Docteur Mariette

« L’orateur me précise que la coloscopie, la fibroscopie etle cliché thoracique sont normaux. »

Docteur Vibert

« Une échographie de contraste est un bon examen pour fairela différence entre les petits angiomes et des métastaseshépatiques et souvent permet d’avancer. »

Docteur Panis

« Je voudrais juste réagir à ce qu’a dit le Dr Paye. Je nesuis pas d’accord avec lui, Valérie Villegrain nous a apprisà Beaujon que, de manière très curieuse, chez des patientssuivis pour une pathologie maligne avec des scanners nor-maux, dans 20 à 30 % des cas les lésions qui apparaissentsont des lésions bénignes. Donc l’idée de dire qu’une nou-velle lésion qui apparaît dans ces conditions est forcémentune lésion maligne est fausse. »

Docteur X

« Je confirme la première proposition qui est de faire unecœlioscopie pour avoir une biopsie. Le problème d’une chi-miothérapie préthérapeutique va se poser et les oncologuesne feront pas de chimiothérapie sans histologie. Par ailleurson sait très bien qu’à distance de la tumeur rectale, on peuttrouver d’autres lésions hépatiques, un carcinome hépato-cellulaire par exemple. »

Docteur Sauvanet

« On a trois diagnostics, métastases de cancer colorectal,autre tumeur maligne, autre lésion bénigne qui ne seraitdécouverte que grâce au progrès de l’imagerie, au coursdes six ans de suivi. »

Docteur Corté

« On est parti sur l’idée que c’étaient bien des métastaseshépatiques parce que, pour nos radiologues, le caractèrede l’imagerie était très évocateur. On a donc considéré cesmétastases hépatiques comme résécables et on a opté pourune chimiothérapie péri-opératoire puisqu’un essai récenta prouvé qu’une chimiothérapie péri-opératoire diminue lerisque de récidive [2]. Le souci comme cela a été soulignéest le risque important de voir disparaître ces lésions souschimiothérapie. Si la disparition des lésions du lobe gauchene pose pas réellement de problèmes puisque, même encas de disparition, on peut faire une lobectomie gauche,la disparition de la lésion du segment VI est plus pro-blématique. On a opté pour réaliser une destruction parradiofréquence par voie percutanée de la lésion du segmentVI, réalisant un marquage de cette tumeur après sa dispa-rition, de faire une chimiothérapie préopératoire courte etensuite une chirurgie, avec l’exérèse de la lésion du lobegauche et de la cicatrice du segment VI. Malheureusement,l’échographie de contraste réalisée pour la faisabilité de

428 H. Corté et al.

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igure 3. Échographie peropératoire : confirmation d’une desésions du lobe gauche.

a radiofréquence a montré que la lésion du segment VItait trop peu visible pour permettre cette radiofréquence.n a donc opté pour une chirurgie d’emblée, sans trai-ement préopératoire, pour ne pas prendre le risque deoir ces métastases disparaître. À l’échographie peropé-atoire, on a trouvé cinq lésions, donc plus que ce queontrait l’imagerie préopératoire (Fig. 3). On a retrouvé

es deux lésions du lobe gauche et celle du segment VIui étaient connues, une lésion supplémentaire du segmentI et une lésion du segment VII. Donc on a réalisé uneobectomie gauche et trois résections atypiques à droite.’examen anatomopathologique définitif, à notre grandeurprise, a montré cinq métastases mais d’un carcinomendocrine bien différencié avec un index de prolifération Ki7 à 1,6 %. Le bilan à la recherche du primitif a comprisn dosage de la chromogranine A, qui était élevée à plus de

eux fois la normale, un octréoscanner et un entéroscanner.’octréoscanner a montré une absence de foyer de fixa-ion pathologique (Fig. 4) et sur l’entéroscanner on voyaitne petite lésion de la dernière anse grêle hyperdensee 7 mm avec un ganglion infracentimétrique en regardFig.5).

En résumé on est à six ans de la prise en charge duancer du rectum avec des métastasectomies hépatiquesui s’avèrent être des métastases d’une tumeur endocrine.ans le bilan de cette tumeur endocrine, un octréoscannerst négatif, une chromogranine A est élevée et une lésionouteuse de 7 mm existe sur l’iléon à 7 cm de la valvule à’entéroscanner et un ganglion en regard.

Quelle est votre stratégie thérapeutique ? »

octeur Sauvanet

C’est ce qu’on appelle un malade qui aime la chirurgie. »

octeur Mariette

Donc il n’y a plus de cancer colorectal a priori. On partout à fait sur un autre sujet, les métastases de sa tumeurndocrine ont été réséquées et on vous pose la ques-ion : que faire sur une lésion qui pourrait correspondreu primitif ? »

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igure 4. Octréoscanner : absence de foyer de fixation patholo-ique.

octeur Parc

C’était un ypT0N0. A-t-on des restes de la biopsie pré-pératoire pour voir s’il y avait un contexte endocrine, uneifférentiation (neuro) endocrine dans le carcinome primi-if ? »

octeur Corté

Non. »

octeur Panis

Sur la stratégie on aurait envie de penser qu’avec tout ce

ilan il s’agit là de la tumeur primitive. Ce n’est pas la taillee la tumeur primitive qui doit être corrélée à toutes cesétastases. Donc il faut lui faire une résection iléo-cæcale.

e débat qui n’est pas bien clair c’est de faire une entérosco-ie peropératoire à la recherche d’une autre lésion. Nous,n le fait le plus souvent. On regarde tout le grêle pendant’intervention et on ajoute un curage ganglionnaire. »

octeur Dousset

Je reprendrais le problème complètement à zéro.’hypothèse qui irait bien à tout le monde, si on veutroire que c’est le primitif sur l’entéroscanner qui n’est pasrès fiable et qui fait des fausses images, c’est de penserue ce serait un carcinoïde de 7 mm avec des métastasesépatiques, mais ce n’est pas le plus fréquent en termes pro-ostique et métastatique, donc ca ne colle pas très bien. Lahromogranine A n’est pas suffisante. Je suis sûr qu’il fautrolonger l’octréscan par un dopaPET-scan qui peut mon-rer les tumeurs endocrines primitives avec une sensibilitéupérieure à l’octréoscan et je ferais l’échoendoscopie pan-réatique que j’aurai faite en préopératoire. Et je suis sûrussi qu’il faut rechercher une autre lésion endocrine pri-itive, avant d’aller traiter cette lésion-là, parce qu’on neeut pas se satisfaire du seul entéroscanner pour faire leiagnostic de tumeur endocrine primitive. »

Des métastases hépatiques bien tardives. . . 429

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Figure 5. Entéroscanner : lésion de la dernière anse grêle (a et b

Docteur Elias

« C’est un commentaire, et il ne faut y voir aucunemalveillance. . . Mais heureusement que la lésion n’était pasvisible à l’échographie quand vous avez voulu faire la radio-fréquence percutanée, car du coup vous l’avez opéré ! »

Docteur Mariette

« Donc l’exploration chirurgicale a sauvé la situation. . . »

Docteur Corté

« On avait émis l’hypothèse que cette lésion vue àl’entéroscanner pouvait quand même correspondre àl’anastomose grêlo-grêlique de la fermeture d’iléostomielors de la prise en charge du cancer du rectum. On avaitdécidé de réaliser une coloscopie avec une iléoscopie avanttoute intervention pour mieux caractériser cette lésion.Malheureusement, la coloscopie n’a pas été contributivemalgré deux tentatives, en raison de l’impossibilité decathétériser la valvule. On a donc pris la décision de faireune chirurgie sur les arguments d’une chromogranine Aélevée et de cette lésion visible, bien que douteuse, à

hes) et adénopathie en regard (b et c, flèches).

l’entéroscanner. En peropératoire, après avoir mobilisé lecôlon droit et la région iléo cancale, aucune lésion n’étaitpalpée.

Qu’auriez-vous fait ? »

Docteur Mariette

« Iléoscopie non contributive, c’est-à-dire ? »

Docteur Corté

« Le gastroentérologue n’a pas pu cathétériser la valvule »

Docteur Adham

« Je pense que l’examen que l’on aurait dû évoquer c’est lavidéo capsule, en peropératoire on a parfois des difficultés àrepérer ces petites tumeurs, il faut prévoir une entéroscopieperopératoire »

Docteur Dousset

« Je crois que l’on raisonne mal en termes de tumeurendocrine. Il n’y a pas de métastase hépatique d’origine

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ntestinale sans lésion palpable ou sans adénopathie pal-able. Donc, il n’y a pas de tumeur intestinale endocrine.e qui veut dire qu’il faut chercher un autre primitif. Leseux sites principaux, puisqu’on a une fibroscopie normale,ont le pancréas et le poumon. »

octeur Kianmanesh

Il y a un examen qui pourrait nous orienter, vous avez vu’octréoscan, il ne fixait pas du tout. Il y a un examen biolo-ique que l’on fait systématiquement 5-hydroxyindoleaceticcide (5 HIA) urinaire et sérotonine. Quand cet examen estlevé il oriente vers une origine iléale. Je suis d’accord avece Dr Dousset : maintenant on est au bloc il faut faire unentéroscopie peropératoire et, si on ne peut pas, il faut’arrêter là. Il ne faut pas chercher dans les coins. Il esttonnant que vous n’ayez pas d’adénopathie, parce queénéralement on palpe l’adénopathie. »

octeur Mariette

Donc la tendance c’est plutôt un examen morphologiqueeropératoire. »

octeur Delpero

Je partage le point de vue du Dr Dousset. La probabilitéu’il y ait quelque chose au niveau du grêle terminal estxtrêmement faible. Est-ce que vous faites une échographieeropératoire du pancréas, qui peut trouver des choses ? »

octeur Mariette

Est-ce que le malade est propice, en terme de morpho-ogie, à des examens peropératoire faciles ? »

octeur Corté

Il est obèse. »

octeur Mariette

Cela peut limiter la sensibilité de certains examens per-pératoires ou du moins la facilité d’interprétation desonnées. »

octeur Sauvanet

Donc il y a des partisans de le refermer d’autresont l’échographie du pancréas, d’autres font’entéroscopie. »

octeur Mariette

Quelqu’un ferait-il une résection de la zone de fixationnitiale ? On peut se poser cette question. Résection justerientée sur l’imagerie préopératoire. Résection du grêleerminal et de la jonction iléocæcale ? Non, personne. . . »

octeur Corté

Nous avons opté pour l’iléoscopie peropératoire par leæcum et cet examen était cette fois contributif puisqu’ilretrouvé une petite lésion sous muqueuse de 5 mm à 5 cm

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H. Corté et al.

igure 6. Examen anatomopathologique : carcinome endocrineien différencié.

e la valvule. On a donc réalisé une résection iléo-cæcalevec conservation du pédicule colique supérieur droit afine préserver la vascularisation du côlon gauche abaissé. Lesuites opératoires ont été simples. L’examen anatomopa-hologique définitif a montré un carcinome endocrine bienifférencié avec un Ki 67 à 2,8 %, trois métastases ganglion-aires sur les 32 ganglions examinés. Comme on peut le voirur la coupe : des villosités avec des petits îlots violacés dansa sous muqueuse et un petit envahissement de la muqueuseFig. 6). En réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP),n a pris la décision de réaliser une surveillance simple parn dosage de chromogranine A et un scanner abdominal àrois mois, à six mois puis tous les six mois. »

octeur Sauvanet

Il y a quelques papiers dans la littérature qui disent

ue les tumeurs endocrines font plus de carcinomes que’autres cancers de la population générale, dans l’autreens on ne sait pas trop mais après résection d’une tumeurndocrine voir apparaître un deuxième cancer n’est pasxceptionnel. Merci. »

éférences

1] Collette L, Bosset JF, den Dulk M,et al.; European Organisa-tion for Research and Treatment of Cancer Radiation OncologyGroup. Patients with curative resection of cT3-4 rectal can-cer after preoperative radiotherapy or radiochemotherapy: doesanybody benefit from adjuvant fluorouracil-based chemothe-rapy? A trial of the European Organisation for Research andTreatment of Cancer Radiation Oncology Group. J Clin Oncol.2007;25(28):4379—86.

2] Nordlinger B, Sorbye H, Glimelius B et al.; EORTC Gastro-Intestinal Tract Cancer Group; Cancer Research UK; Arbeits-gruppe Lebermetastasen und-tumoren in der ChirurgischenArbeitsgemeinschaft Onkologie (ALM-CAO); Australasian Gastro-Intestinal Trials Group (AGITG); Fédération francophonede cancérologie digestive (FFCD). Perioperative chemothe-rapy with FOLFOX4 and surgery versus surgery alone forresectable liver metastases from colorectal cancer (EORTCIntergroup trial 40983): a randomised controlled trial. Lancet.2008;371(9617):1007—16.