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A'lchllleB 7)éptt'ltemehta.leB de Sallole Se'lllice Z)es /ltétiers et des cf{o111111es A'ltlBahB, ..9hdust'llelB et COh1h1e'lçahtB au XVIIIe Blède eh Sallole ?:>ascale 'l)u/,ols .Novemboe 1999

Des Metiers Et Des Hommes

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activité ancien régime

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Page 1: Des Metiers Et Des Hommes

A'lchllleB 7)éptt'ltemehta.leB de Sallole

Se'lllice ~ucatl~

Z)es /ltétiers

et des cf{o111111es A'ltlBahB, ..9hdust'llelB et COh1h1e'lçahtB

au XVIIIe Blède eh Sallole

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Page 2: Des Metiers Et Des Hommes

z'es /11étiers

et des cf{o111111es Il'ltiBMB, !JhdUBt'llelB et Comme'lçahtB

au XVIIIe Biècle eh Savoie

A'lchives 'l)épa'ltementales

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de 'l)ocumentation

~éd~o~ique

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Avant-propos

La Savoie devient au XVIIIe siècle, avec Victor-Amédée notamment, un Etat "éclairé", novateur sur le plan politique et institutionnel, montrant l'exemple à bien des pays européens. Qu'en est-il dans le domaine économique? L'autorité royale, ou même les autorités locales s'en sont-elles préoccupées? Le "despotisme éclairé" dont on parle pour évoquer le politique s'est­il également exercé dans des secteurs comme l'artisanal ou le commerce?

Il est évidemment difficile de répondre de façon complète à ces questions au travers des quelques documents présentés ici, qui n'illustrent pas de façon exhaustive tous les métiers de l'artisanal ou du commerce. A travers tel ou tel document, on pourra cependant esquisser des réponses etfaire réfléchir les élèves sur l'évolution du rôle de l'Etat en matière économique, ses interventions, son pouvoir de décision ou d'orientation des différents acteurs. Des rapprochements peuvent être fait avec la France voisine par l'intermédiaire des programmes d'histoire.

Le dossier est organisé selon deux axes directeurs, l'artisanat et ['''industrie'' d'une part, les marchands et commerçants de l'autre. Il n'est cependant pas toujours possible, dans la société d'Ancien Régime, de distinguer artiSanal et commerce. L'artisan des villes et des bourgs est souvent un commerçant qui vend lui-même ce qu'il fabrique. D'autre part, la hiérarchie sociale est très large. Certains artisans ou commerçants, en haut de l'échelle, se confondent avec les notables. Au niveau inférieur, au contraire, d'autres font partie du menu peuple et se distinguent mal des paysans ou des journaliers.

Il faut noter que le document 1, bien qu'étant en dehors du créneau chronologique retenu, puisqu'il date de 1619, nous a paru avoir sa place ici en raison de la lumière qu 'il apporte sur l'organisation des métiers, notamment l'imbrication entre vie professionnelle et vie privée des ouvriers.

Certains documents sembleront longs pour être utilisés tels quels par des élèves. Le parti a été volontairement pris de les transcrire en entier, ou presque, pour une meilleure compréhension et pour leur garder tout leur sens. Aux enseignants de choisir de garder ou de couper tel ou tel passage en fonction de leurs besoins ou du niveau de leurs élèves.

N.B. Les parties soulignées dans certains documents correspondent à la restitution des abréviations.

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Sommaire

pages Avant-propos ................................................................................................................................ 2

Notes pour l'étude des documents ................................................................................................. 4

Artisans et "industriels"

Doc. 1. Extraits des statuts pour le métier d'artisans en soie dans le duché de Savoie en 1619 ........................................................................................................................... 5

Doc. 2. Extrait des registres du Sénat de Savoie, à propos des marchands-ciergiers, 18février 1715 ................................................................................................................ 7

Doc. 3. Avis donné par l'Intendant Général de Savoie sur une demande d'établissement d'une fabrique de savon à Chambéry, par le Sieur Moiroud, le 20 juillet 1750 ......................... 9

Doc. 4. Supplique du teinturier Busquet adressée au Roi, 14 août 1750 ................................... 14

Doc. 5. Copie de la demande du Sieur Hyacinte Heurteur, vitrier de Chambéry, au roi pour l'octroi de lettres patentes, le 17 septembre 1750 ........................................................... 18

Doc. 6. Lettre de la comtesse de Piolenc à l'Intendant Général de Savoie, le 9 mai 1773, pour s'opposer au renouvellement des privilèges d'une fabrique concurrente de faïence, appartenant au sieur Bouchard ........................ .............................................................. 21

Doc. 7. Extrait de registre de la Chambre des Comptes accordant des privilèges à une fabrique de bas et bonnets, de Chambéry, le 12 avril 1785 ............................................ 23

Marchands et commerçants

Doc. 8. Extraits du règlement de police de Chambéry par les syndics et le Conseil de Ville, le 19 août 1737, au sujet des bouchers .............................................................................. 26

Doc. 9. Extraits du Règlement de Police de Moûtiers, par les syndics et le Conseil de Ville, le 20 juillet 1779, au sujet des boulangers ................... ...................................................... 29

Doc. 10. Inventaire de la boutique de Peronne Neple, veuve de Nicolas Favre, bourgeoise de La Roche en Genevois, habitant à Chambéry: une maison et boutique, située faubourg de Montmélian, le 24 novembre 1744, par Me Aretan ................................ .. 32

Doc. 11. Extraits du livre de comptes du sieur Catagniolle, cabaretier et aubergiste à Chambéry, commencé le 1er avril 1756 ....................................................................... 35

Doc. 12. Extraits du Règlement Général de police pour la Savoie, du 23 décembre 1771 : obligations des aubergistes et cabaretiers ................................................................... .37

Doc. 13. Inventaire des meubles et effets du Sieur Jean-François Crey, marchand cafetier et confiseur de Mofltiers, décédé le 13 février 1784, fait par Me Claude Muraz .............. 40

Orientation bibliographique ....................................................................................................... 44

Page 5: Des Metiers Et Des Hommes

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Notes pour servir à l'étude des documents Monnaies, salaires et prix

Jusqu'en 1717, le florin : il se divise en 12 sols de 12 deniers chacun ; ensuite, la livre de Piémont (ou de Savoie), qui se divise en 20 sols de 12 deniers chacun. (3 florins anciens = 2 livres)

A Montmélian, vers 1740,12 oeufs: 6 à 8 sols une corbeille de pommes: 1 livre une brebis: 2 livres

A Vallorcine, en 1755-60, une vache :41 à 45 livres une chèvre : 4 livres un porc: 10 livres (1)

Vers 1729, une livre: à peu près le salaire d'une journée de travail d'un ouvrier qualifié, mais les ouvriers agricoles ne perçoivent que la moitié de cette somme. Salaire d'un ouvrier chambérien en 1788 : 18 sols par jour. Traitement de l'Intendant Général de Savoie (tous frais de fonction à sa charge) : 3 000 livres par an. Au XVIIIe siècle, le minimum vital annuel d'une famille, en milieu populaire, se situe aux environs de 200 livres. . 1 000 livres de revenus permettent en Savoie de vivre honorablement, et avec 2 000 livres, on accède au niveau de la bonne aisance bourgeoise. (2)

(1) Devos R., Grosperrin B., La Savoie de la Réforme à la Révolution française, 1985 (2) Nicolas J. et R., La vie quotidienne en Savoie aux XYlIe et XYlIle siècles, 1980

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DiJêuiiiëïil 1 Extmits des statuts pour le métier d'artisans en soie dans le duché de Savoie en 1619. (C 600)

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Ce règlement fait suite à une supplique de Pierre Richard, de Gex, moulinier en soie, et de Pierre Boëqüin, dë Chamôéry, poür Oôtënir la protëëtiOn dü düë dë SaVOië.

UA SON ALTESSE Supplient tres humblement Pierre Richard de Gez, Molinier à soye, Pierre Bocquin de

Chambery, et leurs assl!ciez ( ... ). Disant que ce tant Noble et important Estat, et fabrique de soye, apporte avec soy de St grande commoditez au pays où il s'exerce: Principalement en ce qu'il occupe une infinité de personnes utilement, lesquelles demeureroient en oysiveté. Outre que p!usiell:rs des sukje~ts de V ~tre . ~ ltesse . cherchant le gain, font banqueroute à la saincte Foy Catholique, et s'adonnent à telle fabrique parmy ies Heretiques: ce quiiis ne feroient sliis pouvoient estre occupez riere vos Estats, vivans la pluspart de ceux qui demeuroient en oysiveté, racine de tous maux. Sur quoy les Suppliants desirant d'introduire la fabrique, trafic et negociation de la soye riere sesdits Estats delà les Monts, pour le bien public, tant temporel que spirituel: la supplient d'agreer leur dessein, les prendre en sa protection et sauvegarde: tant leurs përsOnnës, qüë ifii:iisons, ôiëns ët marëliandisës appartënant â ëia, OÜ aia aüttës Marëhands, tant estrangers qu'autres de ses subjects ( .. .)."

_i1Ml~~~*J:uQ~~~~œ2Ml R:E:C.L t M E: i;t:r~ . : :~.' 'r S:.t.A r,rt':s· a}, .4TT S ~.P OrR ' i A

conferullttion & IJugmentAtion de la, ;:"hrjqur ;J Jaye, riere les EjJlfts de S. A. en SIItuoye: pour ej!re ~bfe.ru(z foyulltnt la, volont/'de foditt

, A. fo:uf "uthDritl de [on Se-nll.f: t:

HI Premierement que tous ceux qui seront employez à la fabrique de soye, en quelle qualité,

estai et condition que ce soit: tant Moliniers, Carduis, Veloutiers, Passementiers, Taffetatiers et Teinturiers: tant Maistres, Ouvriers, qu'Apprentis, de quel estat et sexe qu'ils soient, sont tenus de vivre conformement aux Ordonnances, et suyvant la Foy de nostre Mère Saincte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine. (. . .)

III TOüs Maisttës, OüVtiëts, ApprëntiS ët aüttës ëmployëz ën laditë faôtiqüë dë sOyë, qüi së

treuveront avoir juré ou blasphemé Dieu, ou sa Creature: seront amendez de l'amende de 25 sols forts pour la premiere fois. ( ... )

VIl! Et permis aux Veuves de quelques Maistres ouvriers de ceste fabrique, d'exercer si elles sont

capables, ou faire exercer par gens capables, l'Estat de leurs maris, pendant leur viduité: et venant à se remarier a personne qui ne soit de l'Estat, l'exercice leur est interdit, à peine de confiscation. ( ... )

XXIl! Est expressement deffendu à tous Maistres, Ouvriers, Apprentis et autres employez de l'Art

de soye de hanter oufrequanter les logis, tavernes, hostelleries ou cabarets: à peine contre chaque contrevenants de dix sols forts pour la premiere fois: et pour les autres en cas qu'ils se treuvent incorrigibles, d'estre chassé de la fabrique et autres amendes arbitraire à la discrétion du sieur Conservateur.

XXIV De mesmes seront chastiez et corrigez ceux qui se treuveront avoir joué aux cartes, déz et

autres jeux d'hazard, (. . .) comme aussi ceux qui frequenteront compagnies impudicques, sont chassez des fabriques, et amendes à la discretion du sieur Conservateur. ( ... )

XXXIV S'il arrive que quelque Maistre ouvrier, Compagnon ou Ouvriere. de l'Estat tombe en

necessité de maladie ou autres, et qu'il n' aye moyen de s'en relever et secourtr : ceux pour lesquels il travailloit seront tenus de les assister et secourir selon leur pouvoir, sauf en cas de convalescence de les employer à leur service, iusques à la concurrence de ce qu'ils ont depensé pour eux." ( ... )

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DôëUïïiëïït 1 Informations complémentaires

L'iiitfodüëtiOii dë l'iiidüstfië dë la soië ëii Savoië sëinôlë liéë d'üiië part aüx diffiëültés dë la fabrique genevoise après. la peste qe !615-1~1?, et d':zutre part (c?mme on le .voit ~an! !a supplique adressée ici au rOl) au proselytlsme reilgleux qUl, pour une fOls, rencontralt les mterets économiques. St François de Sales lui-même encourageait ces activités, écrivant au duc de Savoie en 1615 : "Il y a quelque temps qu'on a commencé d'introduire en ces païs de deça l'art de la soye, et on ne peut dire combien le progres seroit utile au service de Dieu pour retirer plusieurs âmes d'entre les haeretiques, pour affoiblir Geneve, qui se soutient en bonne partie de ce traffiq, et pour soulager les sujetz de V. A. qui gagneroyent en ce commerce ce que nos ennemis gaignent. "

C'est Pierre Richard, originaire de Gex, et impliqué à Genève en 1607 dans un procès criminel pour détournement de soie, qui introduit le moulinage à Annecy en 1613. Il semble s'être associé quelque temps à Pierre Bocquin de Chambéry. A la même date, des maîtres-mouliniers de Lyon s'installent également à Annecy à la demande du duc de Genevois-Nemours. Parmi eux, le sieur Magnin, marchand fabricant lyonnais, qui avance l'argent pour la construction des moulins, fournit la soie grège et reprend le fil après moulinage pour le faire tisser à Lyon.

Dès le 16 mars 1616, Pierre Richard et Pierre Bocquin prennent l'initiative d'organiser la profession dans l'ensemble du duché en véritable corporation en demandant à Charles-Emmanuel 1er la concession des privilèges suivants: - permission d'établir des moulins et autres artifices pour fabriquer de la soie, de dresser des statuts pour les maUres et les ouvriers; - exemption de tous impôts sur leurs marchandises, de logement de soldats et de la garde des villes, - libre passage dans tous les États de Savoie, - pëfmisswii dë faifë ëiitfëf "toütës sortës dë soyë gfëgës ... Vëiiaiis dü ëostë dë PtOVëiiëë, AVigiioii, Dauphiné et Lyon", avec exemption de taxes, - défense de débaucher les ouvriers des concurrents et de les embaucher sans congé de leurs maîtres, - permission de nommer et choisir chaque année un juge qui pourra procéder sommairement et juger souverainement jusqu'à la somme de 300 florins. Les "Reglemens et Statuts de la Fabrique à soye, riere les Estats de S.A.", rédigés en 37 articles par les maîtres élus de la corporation en 1617, furent repris et confirmés en 1634.

En 1635, il Y a à Annecy sept maîtres-mouliniers, dirigeant cinq entreprises, employant treize ouvriers et apprentis et sans doute un personnel féminin qui pouvait atteindre la centaine. L'activité de la soie tient une place importante dans la ville au XVIIe siècle, mais s'éteint au début du XVIIIe siècle. Un moulinage de soie fonctionna également à Thônes au XVIIe siècle.

. On sait peu de choses sur les origines de l'industrie de la soie à Chambéry. La décision d'Emmanuel-Philibert de faire planter une grande quantité de mfiriers aux environs de Chambéry et dans le Petit-Bugey, contribua à préparer cette activité. Il faut attendre cependant la création de l'Hôpital de la Charité en 1656, fondé dans le but d'occuper les pauvres au travail de la soie et de la laine, pour la voir vraiment se développer. L'établissement commença modestement avec des moulins à bras, remplacés en 1668 par des moulins à eau, puis pratiqua également la teinture et le tissage; plus la fabrication des bas de soie,

(R. Devos, B. Grosperrin, La Savoie de la Réforme à la Révolution. p. 171-174)

SUggëstiôns il'utilîsiitiôn ilu ilôëUïïiënt - Quels sont les auteurs de la supplique au duc de Savoie? De quel duc s'agit-il ? - Quels arguments avancent les auteurs? - Qui propose ce règlement? Que pouvez-vous dire de l'origine de ces personnes? - Comment les ouvriers sont-ils organisés dans la profession? = Ces statuts réglementent=ils seulement le travail des ouvriers? Donnez des exemples. Que pensez= vous de ce type de règlement? - Les ouvriers peuvent-ils quand même y trouver des avantages?

Recherche - L'organisation des corporations depuis le Moyen Age. - Trou~e!, d'aut!'es exe'!lples de s!atuts de corporations sous l'Ancien Régime en Savoie. - Identifie~ les lndu~trzes du.textlle dr:ns .le ~uché de Savoie à l'époque ou aujourd'hui. - Le travazl de la SOle, depuls le ver a SOle Jusqu'au produit fini.

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DiJéuniént2 Extrait des registres du Sénat de Savoie, à propos des marchands-ciergiers, 18 février 1715 (C 600)

---EXTRAIT DES REGISTRES

Du Soucverain Sélf44 de Sacvoye.

Suit la Remontrance du Procureur General, tendante 3 ce qu'il plaire au Senat, de perme.~_~ç aux M.Hchands Ciergiers, {oit Fabricateurs de Bougies de Cire, d'cn faire vendre & dehlter. non feulement dc Cire pure, mais encore mélan ée comme ~ été rati u~ cy,devant, attendu

qu'il a été reeomm-qüeic-P-tffitl~ a ou ett, ou rc- encore par e aut pnx des Bo"'ùgi~s ({êÇ!'r'c pu~ devant par ce être fibre a un chJcun, de s'alfortir de la qualité que bon leur femblera, & autremenc pour les caures portées par ladite Remontrance.

Vû par le. Senat la ~uŒite Remon,trance, lignée DE VIL L E, le Dècr~t du o02iéme courant mo~s de Fevner, ExplOIt contenant repon{e des Nobles Sindics & Confer! de la preCente Ville dudlt

jour, ligné Chabert. l'Ordonnance de ladite Ville du 2.2. . Janvier 1710. ligné Borrel, l'Arrell enfuite d'entre Ic{dits Ciergiers & les Nobles Sindics & Con{eil de ladite Ville, du 8. Fevrier '71}. [econde Remontrance du Seigneur Procureur General aulIi ligné DEVILLE, & tout con!ideré.

LE Senat fai(ant droit (ur ladite Remontrance, icelle enterinant, a permis & permet ~ tous Mar­chands Ciergiers du Relfort, de faire. vendre & debiter des Bougies, Cierges & 'Flambeaux,

tant de Cire pure, que de Cire mélangée, & [ans y comettre abus, à quel effet il leur dl Ordo~né de marquer le{d. Cierges, Flambeaux, Bougies, de leur Marque, & par m~me moyen leur cCl inh.lbé & def~ndu, de vendre & debiter ~e la Cire pour pure, celle qui . fera mélangée, le lOut 3 peine de. cinq cens livres d'amende, de confilca[ion. -" de punition corporelle, ny d'exceder le Taux qUi fera mis, tant ~ la Cire pur.e, que mélangée, par les Sindics & Con(eil des Villes, ou autres Juges de PO,lice '.~: ,!!5mes~. $ •• HIA's) ''1 .. ,1. -Juges ~f! '~dl-.. ea+oi"~~~"4~ Tl!}!L & iCeruy fixer (don J'éxigeance & circonfianœ du te ms : Et fera le preCent ellregilhé, lû & publié par tout où b.:{oin fera; Enjoignant 3 ces fins d tous Juges à qui la conoi/'fance appartiendra, de tenir main 3 J'execurion du Prefent, & d'informer comre les comrevenans. Deliberé au Bureau le quin2iéme Fevrier 1715' Et prononcé au Seigneur Procureur General ledit jour. ;

Collationné POINTET, Secret,

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Document 2 Informations complémentaires

Il existait à Chambéry une confrérie "des ciergiers, confiseurs, épiciers et droguistes", mentionnée dès 1664 à l'occasion de faveurs spirituelles accordées par le pape Alexandre VII. Elle reçoit de nouveaux statuts en 1695. Sa patronne est Ste Geneviève, et elle a sa chapelle dans l'église Ste Marie l'Egyptienne à Chambéry (située vers le Bocage, aujourd'hui disparue).(1) En 1713, le rôle de la capitation indique trois marchands-ciergiers à Chambéry.

Les marchands-ciergiers appartiennent au groupe des marchands aisés, des "artisans d'élite". Les entreprises de ciergerie exigent en effet des capitaux assez importants: un bon millier de livres pour les chaudières et les moules, et 2 000 à 3 000 livres pour les réserves de cire jaune et blanche. (2)

Pour comprendre le document: Le 14 juillet 1655, la Ville de Chambéry avait défendu de vendre sur tout son territoire

aucun cierge, flambeau ou bougie qui ne soit de cire pure et où il entrerait pour une part, de la graisse, de la poix, du suif ou toute autre substance de ce genre. En même temps, il fut enjoint, comme garantie à cette ordonnance, que chaque fabricant apposerait sur ses produits une marque particulière, dont le double serait remis aux archives municipales. Ces recommandations furent remises en vigueur en 1710.

Cependant, à la suite des réclamations du public contre le prix élevé du luminaire en cire pure et sur la remontrance du procureur général Deville (mentionné sur le document), le Sénat, revenant sur sa précédente décision, permit, par arrêt du 18 février 1715 (= le document), à tout marchand ciergier de fabriquer et de vendre des cierges, bougies et flambeaux, soit de cire pure, soit de cire mélangée, à condition que chaque catégorie soit clairement identifiée.

Le même jour, le Sénat défendit aux communautés "d'accaparer les suifs et graisses de la localité", et recommanda aux bouchers de vendre ces substances à tous ceux qui en auraient besoin. (1)

(1) L. Morand, "Les anciennes corporations d'arts & de métiers de la ville de Chambéry ... ", Mémoires de l'Académie des Sciences. Belles-Lettres et Arts de Savoie, 4e série, tome N, 1893, p. 132-136 et 170-171 (2) J. Nicolas, La noblesse au XVIIIe siècle. p. 314, 323 et 357

Voir aussi l'article 7 du Règlement de Police de Chambéry de 1737 (document 8).

Suggestions d'utilisation du document - Quelle est la nature du document? - Qu'est-ce qui a motivé l'intervention du Sénat de Savoie? - Qu'est-ce qui est d~sormais permis aux marchands-ciergiers ? Qu'est-ce qui est défendu? - Quelles sont les peznes encourrues en cas de contravention?

Recherche - Qu'est-ce que la cire pure? la cire mélangée? - Qu' es.t-~e que le Sénat, de S~voie ? Quel est son rôle en matière économique? - Les differents modes d éclazrage sous l'Ancien Régime.

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Transcription du document 3

"Les soussignés ayant examiné par ordre du Conseil Royal de Commerce les demandes du Si&Jg Moiroud contenües dans le placet qu'il a fait presenter a Sg, Maiesté au sujet d'un établissement d'une fabrique de savon dans un des fauxbourgs de la ville de Chambery, croyent que pareille fabrique seroit d'une grande utilité pour lŒli1.e ville et pour tout le Pays de Savoye, et que l'usage abondant qu'on y fait de cette marchandise necessaire a touttes les familles, joint au debit que cette fabrique en pourroit faire a Genève et dans une bonne partie de la Suisse, pourroit en procurer une consommation tres considerable, et capable de soutenir lŒiiJ.e fabrique. va qu'également Genève et la Suisse et la Savoye sont obligées de tirer le savon de Provence, et notammeJJJ de la foire de Beaucaire, et que celui qui seroit fabriqué a Chambery seroit plus a portée pour Genève et pour la Suisse, qui en en tirant leur provision de Provence, sont même dans dans le cas de les faire passer pour la plus grande partie par la Savoye a dos de mulet. Quoiqu'il y aye deja des fabriques de savon a Lyon, parce qu'elles ne sont pas en tres grande reputation, le tout consistera dans la bonne qualité de celuy que le Sieur Moiroud pourra fabriquer a Chambery. Il est vray qu'on est obligé de tirer de l'étranger presque touttes les matières necessaires a la composition du savon, et qu'il paroitroit par consequence que cette fabrique ne pourroit pas produire un grand avantage au pays: mais l'on observe qu'il est toujours d'un grand avantage pour un pays que d'y introduire des manufactures, les natifs du pays peuvent y être employés, et les étrangers qui sont obligés d'y venir travailler contribüent a une plus grande consommation des danrées, et le commerce y trouve aussi une nouvelle branche qui a la suite peut devenir utile. Et le profit réel que les habitans de la Savoye rencontreroient dans l'établissement de la di1e fabrique de savon, serait d'abord au moins du 10 pour 100 sur le prix d'iceluy, puisque le SkHr Moiroud s'engage de donner son savon un dix pour 100 de moins de celuy qu'on tirera dè Provence ou de Beaucaire. ( ... )

Venant maintenant aux demandes du dit SicJ&r Moiroud :

1 ° Quant au privilege exclusif de l'introduction d'autres fabriques de savon en Savoye pendant 20 années, on pense que les avances considerables que ledit Sieur Moiroud sera obligé de faire pour l'établissement de safabrique d'une maniere solide, pourroit engager Sg, Majesté de luy accorder le dit privilege exclusifpendant cinq ou six années, en luy laissant l'esperance de le luy confirmer après ce terme, a mesure que lafabrique du Sieur Moiroud pourra s'acquerir de la reputation et que par ce moyen, il pourra meriter des nouvelles graces de Sg, Majesté.

2° Il supplie Sg, Majesté de vouloir l'honorer et ses associés, de même que ses ouvriers étrangers de sa Royale Protection Speciale et leur accorder l'exemption de l'aubeine. Sg,M~ est en coutûme de proteger tous les établissements nouveaux, que les étrangers introduisent dans ses états, et de leur accorder l'exemption de l'aubeine. Elle vient d'accorder ces mêmes graces a la compggnj.e de la Baronne de Warrens, qui a établi a Chambery une fabrique de poterie.

3° Par rapport a l'exemption de logemf1l1J de gens de guerre et autres charges personnelles, et la permission du port des armes: Sg, Majesté a aussi accordé a ladi1e compagnie de Ma.dmr!e de Warrens la di1e exemption de logement des gens de guerre pour l'habitation de la compagnie et pour les batiments dependa...I1.ts de la fabrique, en concourant néantmoins la di1e compagnie au payemfIlJJ des charges et tributs, et a aussi accordé le port des armes a feu, de mesme aux associés et a quattre de leurs directeurs et commis principaux, a condition qu'ils devront tous se consigner préalablement au Greffe Criminel du Senat.

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4°Il a de même supplié SQ Majesté pour avoir le sel necessaire a sa fabrique ou telle quantité qu'il plaira a SQ Majesté de luy acoorder au même prix que SQ Majesté l'accorde aux autres fabriquants privilegiés. En Savoye, il n'y a que la fabrique de fayance du Sieur Bouchard qui aye ce privilege : SQ Majesté luy fait livrer le sel a 2 sols (u.). Il dependra du bon vouloir de SQ Majesté de faire la même grace au Sieur Moiroud ( ... ).

5° Le Si&Hr Moiroud espere d'obtenir de SQ Majesté l'octroi du privilege et autres graces, expedition des Patentes et enterinement, sans aucunsfraix de finances, emolumeJ1! ny regales. SQ Majesté a eu cette bonté pour ladi:!..e compagnie de Madame de Warrens et autres.

6° Le privilege exclusif paroit qu'il ne devroit s'étendre qu'a l'introduction d'autres fabriques de savon en Savoye pendant la durée dudit privilege, et non a l'introduction de savon étranger, que le Sieur Moiroud devroit rendre luy même inutile au moyen de la bonne qualité de celuy qu'ilfabriquera, et aussi par l'avantage qu'ilfera trouver dans le prix.

JO Par ra port a l'exemption des droits de douane et de péage et autres droits aux quels peuvent être sujettes les drogues et les matieres qui entrent dans la composition du savon: SQ Majesté n'accorde ordinairement l'exemption que des droits düs a ses finances. C'est ainsi qu'elle a pratiqué dernièrement a l'egard de la dite compagnie de Mad{J1]1e de Wa"ens, a condition que le directeur de lafabrique devra donner à l'Intendant General et a la direction des Gabelles une note specifique et détaillée des drogues et matieres necessaires a la dite composition et qui ne se trouvent point dans le pays, en leur donnant aussi de tems en tems la note de la quantité precisément qu'on voudra introduire, pour obtenir la permission d'une maniere qui empeche tout abus et tout excès.

Chambery, le 20 juillet 1750

Copie du present a été signée par Mr. l'Intendant General, Mr. le Baron de Vidame, et par Mr. de Sainte Collombe, et a été envoyé à Mr. le Comte de w Chavanne par lettre du 22 Juillet 1750."

Les parties soulignées correspondent à la restitution des abréviations sur le texte original. Les retours à la ligne après chaque article n'existent pas dans le document original. Ils ont été créés ici pou.r une lecture plus facile.

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Document 3 lnfonnations complémentaires

L'usage du savon est, d'après le dictionnaire de Trévoux du XVIIIe siècle, quelque peu différent de ce qu'on en fait aujourd'hui ... : le savon est "une pâte ou composition dont on se sert pour blanchir le linge & à d'autres usages. Elle est faite de cendres de chêne, & de quelques autres végétaux, & de chaux vive. On y mêle de l'huile, du marc d'olives, de la graisse, ou du suif. ( .. . )

Le savon est employé extérieurement pour résoudre les humeurs scrophuleuses et goutteuses. Les emplâtres de savon sont fondantes et résolutives, adoucissantes et amollissantes. On le prend intérieurement en bols, pilules, en opiates pour ouvrir, délayer, résoudre& atténuer, donner de la fluidité aux humeurs, lever les obstructions & rendre aux parties le mouvement qu'elles avaient perdu." (1)

Après l'occupation espagnole et le traité d'Aix la Chapelle en 1748, le Piémont-Sardaigne rentre en possession du duché de Savoie. Les souverains cherchent alors le moyen de réparer les dégâts causés par la guerre, et encouragent les créations d 'entreprises.

En 1750, lorsque le sieur Moiroud crée une savonnerie à Chambéry, on lui accorde des facilités. La réponse du roi, datée du 15 août 1750, lui accorde: - l'article 1, en limitant le privilège exclusif au terme de six ans, avec prolongement éventuel, - l'exemption du droit d'aubaine (limité au sieur Moiroud, à ses associés et ouvriers). Mais dans le but de favoriser l'industrie locale" on lui impose l'obligation d'avoir des apprentis du pays, qui seront capables de remplacer les étrangers dans un délai de cinq ans. - l'exemption du logement des gens de guerre, - le port d'armes aux trois principales personnes de lafabrique, - le sel nécessaire à la fabrication du savon sera fourni par l'Intendant général des Gabelles, au prix de 2 sols la livre, - un privilège exclusif pour la fabrique, mais le savon étranger pourra toujours être importé librement, - l'exemption des droits de douane pour l'importation des huiles communes et autres produits nécessaires à la fabrication du savon. (2)

Mme de Warens: maîtresse et protectrice de J.-J. Rousseau; à Chambéry, eUe louait un appartement place St-Uger, puis de 1735 à 1742, une maison aux Charmettes, où elle vécut avec Rousseau. Après le départ de Rousseau, elle s'installa faubourg Reclus et se lança dans différentes entreprises qui ne lui apportèrent que des déceptions et des dettes (fabriques de savon, de vaisselle de fonte .. .). Elle se lança aussi dans la recherche du charbon de pierre pour lequel elle obtint en 1752 un privilège d'exploitation exclusif dans le duché.

(1) Dictionnaire universel françois et latin. vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux , tome VII, p.562. (2) F. -A. Duboin, Raccolta per ordine di materie delle leggi cioè editti, patenti. manifesti. ecc., 1850, tome XVII, p. 675-676

Suggestions d'utilisation du document - Quelle est la nature du document? Qui est l'auteur? - Quels sont les avantages que l'Intendant général voit dans l'établissement de cette fabrique en Savoie? - D'où provenait le savon jusqu'alors? - Que signifie l'article 1 sur le "privilège exclusif" demandé par le sieur Moiroud ? Quel est le terme que l'on utiliserait aujourd'hui? - Pourquoi l'exemption de logement de gens de guerre est-elle considérée comme un privilège? - Quels sont les autres privilèges que le sieur Moiroud demande?

Recherche - Qu'est-ce que le droit d'aubaine? Chercher quelles sont les différentes taxes qui pèsent sur le commerce? - Chercher qui est Mme de Warens, qui apparaît à plusieurs reprises dans le document.

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Document 4 Supplique du teinturier Busquet adressée au Roi, 14 août 1750 (C 600)

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Transcription du document 4

"Au Roy Sire,

Le désir de consacrer â Votre Majesté tous les instens de ma vie, me ferme les yeux sur la temeritté d'ozer representér â Votre Majesté, que moy Jean de Busquet, qu'aprés m'estre appliqué depuis quinze ans â la connoissance des fabriques de draperies qu'a celle des teintures, en grand et bon teint, â cest effet avoir parcoureu toutes les principalles et particulieres manufactures du Royaume de France, de même que d'avoir travaillé chez les plus habilles maitres des villes de France, pour par ce moyen pouvoir venir â ce degré de perfection comme êtant a même de fournir a Votre Majesté des certificats de vie et capacité de La maniere que ie (je) me suis comporté et acquité de ce donj'ay eté chargé dans ces memes manufacture, soit pour les couleurs que pour La perfection des draperies.

Cella fait qu 'aujourd'huy, par un vray zelle pour le service de Votre Majesté, Sire, j'ay l'honneur d'observér â Votre Majesté, qu'êtant entierement appliqué sur la qualité des draps dont les troupes de Votre Majesté sont habillées, de meme qu'aux couleurs dont ces memes draps sont teint, je ne pretant point icy blamer la conduitte ny taxer d'ignorance les personnes commises par Votre Majesté aux soins et conduite des manufactures êtablies dans votre Royaume, mais j'oze et puis advancer quej'ay reconnu bien des defauts, tant aus draps qu'aux couleurs au premier, soit pour flllage que pour n' estre point montés au nombre des portées, defaut des plus principeaux a la perfection d'un drap, ce qui bien souvent fait qu'un drap quoy que de bonne laine, ne peut etre d'un bon usage puis qu'il ne se trouve avoir autre form que celle que lefoulon luy donne ( ... ).

Il est constant que pour la qualité d'un drap, tant pour le rendre cPt:tn bon usage que pour luy donner une caUté mouëleuse, il y a tant de choses â observer, soit pour le fllLage, soit pour le nombre des portées qui luy faut, soit le peignage des laines que flllages, ensuitte la façon deu degraissage qui est principal, d'ou vient qu'un drap ne peut pain prendre une couleur que fort mauvaise et sans vivacitté, le tout contribuant â donner des draps mal conditionnés.

Quand aux couleurs, soit êcarLate, soit bleu, deux des plus principalles et des plus belles couleurs, je me suis apperçeu etre cy Legeres, qu'un habit n'a pas esté porté quatre mois qu'il paroit deja vieux. Cella procedant bien surement des drogues et de la maniere de les employés, aussy voit-on un êcarlate devenir bien tot apres bazanée, un bleu paZZir, couleur qui par elle meme devroit se soutenir et se rendre toujours plus belle. S'il plaisoit donc a Votre Majesté d'honnorer de quelques de ces soins, toutes fois sans que ie pretente que cella fut au prejudice d'aucun de ceux qui sont aujourd'huy employés par Votre Majesté a la conduitte de ces manufactures, j'oze me flater, Sire, par mes soins et exatitude, de porter tout ces ouvrages a leurs perfections, s'il est meme bessoin d'ouvriers, ie me promets en faire venir avec moy de très scavents, tant pour ce qui concerne les draperies, teintures, aprêts et foulages, le tout sans autre interet que celluy d'avoir l'honneur d'estre employé au service de Votre Majesté. Et comme il ne nous est pas permis de sortir hors du Royaume, les ordres dont il plaira â Sa Majesté me donner, me seront adressées au Sieur Belly, maitre chirurgien a Chambery, pour que lui me les face parvenir sans auqu'un soupçon, lesquelles j'executeray pontuëllemant, comme êtant entieremant devoüé au service de Votre Majesté.

Sire, /~ / ' ,---- J

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Document 4 Informations complémentaires

La plus ancienne mention d'un teinturier en Savoie remonte à 1566, à des lettres patentes données par Emmanuel-Philibert à Thomas Roux, teinturier à Chambéry et originaire de Lyon, pour teindre de la soie et tous fils de couleur "ce que navoit oncques veu ny praticqué en notre pays de Savoye". Il s'agissait d'un privilège spécial, perpétuel et irrévocable, exempt de toutes charges. Ce privilège a été confirmé en 1584, puis en 1599 pour le fils de Thomas, François Roux. (1)

Le Dictionnaire de Trévoux donne des indications sur les différents ingrédients entrant dans la composition des teintures, dans un vocabulaire très imagé: "La matière avec laquelle on teint, c'est l'indigo, qui sert à la teinte bleue, la cochenille, à la teinture en écarlate, la noix de Galles au noir. Les drogues qui croissent en France pour la teinture, sont le pastel du Lauragais, Albigeois et Languedoc, ou la guède; la cochenille, le pastel d'écarlate, le vermillon et la garance pour le rouge; la gaude, la sarrette et la génestrolle pour le jaune; la galle à l'épine et d'Alep, la racine d'écorce de noyer et coque de noix pour le fauve, autrement appelé couleur de racine ou noisette; le rodou, le fouic et la couperose pour le noir. L'agaric, lefumac, l'arsenic, l'alun, la gravelée et le tartre servent pour les bouillons. On emploie aussi la cendre cuite et la potasse, la casserole, la malherbe, le trentanel, la garouille ... " (2)

On distingue à l'époque deux types de teintures: "le grand teint", utilisant des ingrédients chers (rouge, bleu, jaune), dont les couleurs ne passent pas; "le petit teint", avec des couleurs de moindre prix, peu résistantes.

Voir aussi le document 7 sur les privilèges royaux.

(1) Dufour A., Mugnier F., "Notes pour servir à l'histoire des Savoyards de divers états", Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, tome XXXN, p. 223-224 (2) Dictionnaire universel françois et latin. vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, tome VII, p.1004-1005,1771

Suggestions d'utilisation _ - Quelle est la nature du document? A qui est-il adressé? - Que peut-on dire du ton et du style de cette lettre? - Comment le sieur Busquet se présente-t-il ? - Quel est le but de cette lettre? - Quels arguments développe-t-il pour intéresser le roi?

Recherche - Lës difjétëfitës otigifiës dës ptoduits utilisés pOUt l~ tëintUtë.. ., . - Renseignements sur les méthodes de teinture des tzssus, autrefoLS ou aUJOurd hw.

Page 19: Des Metiers Et Des Hommes

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Document 5 ., . ~.,. Copie de la demande du Sieur Hyacmte Heurteur, vi/ner de Chambery, au rOI pour 1 OctrOI de lettres patentes, le 17 septembre 1750 (C 600)

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Transcription du document 5

"Hyacinte fils de feu Hyacinte Heurteur, Maître vitrier bourgeois natif de Chambery supplie SQ Majesté de lui accorder des Lettres Pattentes de Maitre vitrier dans laditte ville pour le service de la Sainte Chapelle et du Royal Chateau, ainsi que Le Roy Victor l'avoit accordé à ses Pere, ayeul et bisayeul, joignant à cet effet Les Patentes qui furent accordé le 24 8bre* 1716 à son dit Pere, par lesquelles il fut nommé et etabli pour Maître vitrier . du Royen Savoye, sous les honneurs et privileges y attachés, avec permission d'eriger et tenir sur sa boutique et maison d'habitation l'enseigne des armes de sa dite Majesté sans aucun empèchement et à la charge qu'il donneroit ses soins pour la conservation des dittes vitres de la Sainte Chapelle et de celles dudi1. chateau, sans aucun gage, sous la condition qu'il seroit payé de ses ouvrages et fournitures par les Finances de SQ Majesté sur le pied qu'il seroit convenu. Le suppliant exerce dèz plusieurs années la profession de Maître vitrier dans la ditte ville de Chambery avec reputation, et pourroit se flatter d'obtenir de Sg Majesté la grace qu 'il lui demande pour continuer dans sa famille cette distinction. Il depend au bon plaisir de SQ Majesté de la lui accorder sous les mêmes adstrictions* et charges portées par la susditte pattente qui fut accordée à son dit pere. Chambery, le 1ge 7bre* 1750"

Vocabulaire:

* 8bre : octobre * adstrictions : contraintes * 7bre : septembre

Les parties soulignées correspondent à la restitution des abréviations du texte original.

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DocumentS Inf9nnations complémentaires

C'est une véritable dynastie de maîtres-verriers qui entretient les vitres du château de Chambéry, dont les vitraux de la Sainte-Chapelle, aux XVlIe et XVlIIe siècles.

En 1629, le prince Thomas, qui gouverne alors la Savoie, alloue une somme de 38 florins 10 sols à Toussaint Heurteur, maître vitrier de Chambéry "pour avoir fait et racommodé les vitres du château". Il passe un contrat de 500 florins annuels pour l'entretien des vitres du château de Chambéry en 1642, et gardera cette charge jusqu'en 1647. Le 5 septembre 1636, un mandat de 700 florins lui est accordé par le gouverneur Don Félix de Savoie "pour refaire toutes les vitres de la Sainte-Chapelle que la tempete abastit".

La charge de maître-verrier du château est poursuivie par sa veuve, Claudine Burt, et son fils Jean Heurleur, à partir de 1647, pour un montant de 150 florins par an (contrats de 1658, 1660), n'incluant pas la Sainte-Chapelle.

En 1669, un mandat de 228 florins est fait en faveur de Melchior Heurteur, maître vitrier de Chambéry, pour des vitres faites et posées aux fenêtres du monastère de Ste-Claire en ville. En 1675, un mémoire rédigé par Melchior Heurteur évoque les travaux faits à la Sainte Chapelle : "Pour avoir raccomodé les grands vitres, avoir levé et posé 8 panneaux de peinture, où il a fourni des testes, des bras, jambes et s' estre fait tirer en cage avec bien des peines pour arriver auxdits vitres ... ". En 1680, il obtient le titre de "maître vitrier ducal deçà les monts", accordé par la régente Marie-Jeanne-Baptiste (patentes du 21 mars 1680). Pour un salaire annuel de 31 ducatons, il devait "une fois que les vitres du château et de la Sainte Chapelle auraient été mises en bon état, les maintenir telles, à ses frais, sauf ce qui est des ferrures, menuiserie et charpenterie pour arriver aux vitres de la Sainte Chapelle, et les cas d'accidents, feu, tempête, vents extraordinaires." En 1681, le duc Victor-Amédée l/, reconnaissant l'insuffisance de l'appointement, l'augmente à 45 ducatons.

La première moitié du XVlIIe siècle donne peu d'indications sur la famille. Les frères Heurteur, fils de Melchior, travaillent au château pour Victor-Amédée Il. En 1700, "les honorables Horteur frères ont netoyés et racomodés les vitres des apartemens 1er et 2e de SA.R., fourny 4 glaces pour le cabinet de S.A.R., blanchy un lustre à 16 branches ( ... ) dans la chambre de

parade ... " pour le prix de 50 florins. Ils refont également à cette occasion 8 panneaux de la Sainte Chapelle. On ne connaît que le nom de Hyacinthe (1 er), père du suppliant du document 5.

En 1750, c'est donc son fils Hyacinthe (2ème) qui reçoit, à la suite de la supplique adressée au roi, des patentes royales confirmant son titre de vitrier ducal de Savoie (13 octobre 1750). (1)

Voir le document 7 sur les privilèges royaux.

(1) Dufour A., Mugnier F., "Notes pour servir à l'histoire des Savoyards de divers états" , Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéoloeie, tome XXXI//, p. 448-455

Suggestions d'utilisation du document - Rassembler toutes les informations du document concernant l'auteur. - Quel est le but de la lettre? Qui est le roi? - Qu'est-ce que des lettres patentes? Comment appelle-t-on cela aujourd'hui? - Quels sont les privilèges attachés à la charge de vitrier de la Ste Chapelle?

Recherche - Qu'est-ce que la Sainte Chapelle? Pourquoi a-t-on besoin d'un vitrier particulier? - Qu'est-ce qu'un vitrail ? - L'utilisation et le développement de la vitre sous l'Ancien Régime .

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Document 6 Lettre de la comtesse de Piolenc à l'Intendant Général de Savoie, le 9 mai 1773, pour s'opposer au renouveUement des privilèges d'une fabrique concu"ente de faïence, appartenant au sieur Bouchard. (C 600)

"au chateau d'Epine, le ge may 1773

Monsieur

Je receois l'honneur de la votre du 7 de ce mois, qui m'aprend que les Sieur Bouchard c'est pourvus à votre bureau, fondé sue son privilège exclusif de fabriquer la faïence, pour m'interdire la même fabriquation. Si le Sieur Bouchard qui ne connoit que par relation, et par consequent qui connoit mal, m' avoit écrit, nous nous serions expliqué et entendus, sans forme de justice. Je ne veux point empiéter sur ses privilèges, je veux encor moins soutenir ma fortune au préjudice de qui que ce soit, mais je crois que la justice ordinaire, ny la Cour, ny les délégués, ne voudroit pas me priver des avantages que je puis retirer de mes terres et de mes bois, avantages qui sont celuy de l'etat puisque le Sieur Bouchard ne peut fournir à la Savoy aucune nature de terre ressemblante à la mienne, qu'on appellerat fayance si l'on veut mais qui selon moy et les personnes éclairées et instruites, s' appellerat vaisselle de terre à feu.

Si les couleurs plus blanches ou moins blanches fattiguent le Sieur Bouchard, nous conviendrons s'il veut de cet article pour sa satisfaction. Car vulgairement c'est le vernis blanc qu'on met sur la terre qui luy donne le nom de fayance, il n'y at point de fayence noire ny brune ny grise, et vous conviendré Monsieur, que si je ne puis pas donner aux plats, aux pots qu'on me demandera pour le feu, la couleur qu'il plairat aux demandeurs, je me préjudicieray, je préjudicieray au public en le privant d'une mathiere que le SÏ&l!! Bouchard ne peut pas luy fournir, puisque la terre éclatte au feu. J'offre la comparaison par épreuve.

Je ne demande donc, Monsieur, ny ne veux faire aucun préjudice au Sieur Bouchard, même quand il n'auroit point de privilege, j'entreray avec luy en explication et je m'en raporteray a votre arbitrage sur tout. Si le Sieur Bouchard veut absolument un décret de votre bureau, au lieu de votre médiation, je vous prie de surseoir pendant le temps que vous le pourré, je vous suplie de me dire quelque chose en réponse. Mes propositions sont-elles de votre gout ? Les désaprouvés-vous? C'est ce que m'aprendrat mon expret."

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Document 6 Informations complémentaires

Le marquis de Piolenc, comte de Montbel établit une fabrique de poterie au château d'Epine, dans la paroisse de Nances, vers 1770 : entreprise médiocre d'après J. Nicolas, affaiblie par les différends qui vers 1779-1780 opposent le propriétaire au directeur, un certain Neppel.

Il n'est pas rare de voir la noblesse investir dans les secteurs attachés à la propriété du sol et de laforêt : les mines, les carrières, les métiers de l'argile et du verre. L'exemple le plus illustre est lafamille Castagnery de Châteauneuf, qui exploite des mines depuis lafin du XVIIe siècle.

Le document évoque également lafabrique de faïence établie à La Forest, sur la commune de St-Ours (Nord-Est d'Aix-les-Bains), par Noël Bouchard. Originaire du Monêtier, il vient s'établir à Chambéry avec son père qui est quincaillier. En décembre 1728, il passe contrat avec deux ouvriers faïenciers de Nevers, associés pour un tiers auxfrais et bénéfices. Des privilèges leurs sont accordés en 1730, renouvelés en 1749 puis en 1762 enfaveur de son fils Pierre-Marc (associé à ses frères Jacques et Joseph).

C'est l'entreprise de faïence la plus importante et la plus durable du XVIIIe siècle. Elle emploie, en 1762, 20 ouvriers, peintres, tourneurs, modeleurs ou manoeuvres, plus de nombreux d'habitants du voisinage employés à charrier la terre, à couper les bois et les transporter. Elle produit des faïences fines ou communes, vendues à Genève, en Suisse et en France pour les trois quarts, le reste étant vendu en Savoie. En 1773, les Bouchard demandent un nouveau renouvellement de leurs privilèges, ce qui provoque cette lettre (document 6).

Lafabrique disparaît sous l'Empire.

J. Nicolas, La Savoie au XVIIIe siècle, p. 813, 818-819, 869-870 Barbier, "La Savoie industrielle", Mémoires de l'Académie des Sciences. Belles-Lettres et Arts de Savoie, 3ème série, t. III, p. 561-79

Voir aussi: - le document 7 sur les privilèges royaux. - Mouxy de Loches (comte Jules de), "Notice sur lafabrique defaïence de La Forest", Mémoires de l'Académie des Sciences. Belles-Lettres et Artsde Savoie, 3e série, t. VIII, p. 377-425

Suggestions d'utilisation du document - Qui est l'auteur de la lettre? Expliquez les circonstances de la rédaction de la lettre. - Que demande la comtesse de Piolenc ? - Quels sont ses arguments pour s'opposer au renouvellement du privilège de son concurrent? - Que propose-t-elle à l'Intendant Général pour régler le litige?

Recherche - Le rôle de la noblesse dans le développement de l'industrie en Savoie aux XVIIe et XVIIIe siècles. - Comparaison avec la France dans ce domaine.

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Page 24: Des Metiers Et Des Hommes

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Document 7 Extrait de registre de la Chambre des C . . , et bonnets, de Chambéry le 12 avril178~mptes accordant des pnvlleges à une fabrique de bas (C 600) , .

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Transcription du document 7

"Victor Amé

Par la grace de Dieu, roi de Sardaigne, de Chypre et de Jerusalem, Duc de Savoye, de Montferrat et prince de Piemont. La veuve Le Borgne, fils et Burnier négociants à Chambéry, désirant de soutenir la fabrique de bas et bonnets de laine érigée dans la dite ville par Sig]JL L. Bérard, nous ont suppliée de vouloir bien recevoir sous notre spéciale protection la dite manufacture de bas qu'ils sont disposés de continuer et à la quelle ils veulent unir celle des etoffes de laine, et de leur accorder quelques graces et privilèges qui puissent plus aisément contribuer à l'etablissement d'une telle fabrique pour la quelle ils ont formé une société qui a déjà fait un fond de cent mille livres. Considérant le bénéfice qui en peut resulter à nos états de là les monts, en ce que cette manufacture fournira à beaucoup de nos sugets de Savoye le moyen de gagner leur vie, et que surtout plusieurs personnes d'un très bas âge pouvant y être employées, elles s'accoutumeront ainsi dès leur plus tendre jeunesse à une vie active et laborieuse, nous nous sommes déterminés de traiter favorablement les recourants, et la société qui s'est formée, en leur octroyant les graces suivantes.

C'est pourquoi nous avons accordé comme par les présentes de notre certaine science et authorité royale, eû sur ce, l'avis de nQJJ:.e conseil, nous accordons aux susdits la veuve Le Borgne, fils et Burnier, et à la société qu'ils ont formée:

- Primo, notre spéciale protection à la nouvelle manufacture d'étoffes et de bas et bonnets de laine, ainsi qu'à tous les employés en icelle, et la permission d'exposer le tableau de nos armes sur lafabrique, magasins et boutiques.

- r Outre l'exemption accordée par l'article 16 de l'édit de 1720 pour les laines et par l'article 18 de l'édit de 1730 pour les drogues de teinture, nous leur accordons pendant vingt ans une semblable exemption des droits de douane pour les outils et autres matières qu'ils seront dans le cas de tirer de l'étranger pour l'exercice de la manufacture.

- 3 ° Une pareille exemption durant vingt ans de tous les droits de douane qui pourront etre dus à nos gabelles, pour l'entrée des bas et bonnets de laine provenant de lafabrique de Chambery, dans le Piémont et autres provinces de nos etats deçà les monts, de même que ceux dûs pour le transit dans le Piémont et provinces susdites, au cas qu'il reussisse aux recourants d'en expédier pour l'étranger.

- 4° Nous permettons aux suppliants et à la société de pouvoir introduire en brut dans nos états de Savoye la quantité annuelle de six cent pièces de ratines*, deux cent de moItons de sommieres, deux cent de draps Bressan ou d'aime et quatre cent de cordillats* de Lille, ainsi en tout le poids d'environ quatre mille rubs*, pour être perfectionnées dans la fabrique de Chambery. ( .. .)

5° Il sera du même permis aux suppliants et à la société d'introduire annuellement en Savoye deux mille douzaines de bas bruts pour etre achevés dans lafabrique de Chambery. ( ... )

8° Voulant témoigner à la susdite la satisfaction que nous ressentons d'un etablissement aussi utile à nos sugets de Savoye, nous nous sommes déterminés à leur accorder une gratification de mille et six cent livres annuelles pendant les 5 1 ères années et de huit cent pendant les cinq suivantes, persuadés que cet acte de notre bienfaisance Royale engagera toujours plus cette même société à augmenter annuellement le travail dans cette fabrique. ( ... )

Donn:!es à Tur~n.!e douze du mois d'avril l'an de Grace mil sept cent quatre vingt cinq et de notre regne le trelZleme.

Signé V. Amé"

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Document 7 Informations complémentaires

Vocabuloire :

ratine: étoffe de laine croisée, dont le poil est tiré en dehors et frisé. cordülot : grosse étoffe de laine (gros drap de bure). rub : mesure piémontaise valant 25 livres de Piémont, soit 9,22 kg.

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On ne constate pas d'effort particulier de la part du gouvernement piémontais au XVIIIe siècle pour installer des manufactures. Il n'accorde rien au-delà des privilèges traditionnels, qu'il fait d'ailleurs attendre longtemps, et qui se bornent souvent à quelques marques extérieures, comme l'autorisation par exemple de placer les armoiries du roi sur les bâtiments. (voir le document 5). Le titre de manufacture royale, concédé plus rarement, avait été accordé au début du XVIIIe siècle à noble Jean-Louis Chapel pour ses fabriques de soie de Nezin près de Chambéry. Les subventions restent exceptionnelles et se limitent à des sommes très modestes, de l'ordre de quelques centaines de livres.

Les sieurs Leborgne et Brunier sont donc plutôt favorisés par ce document. Ils reprennent en 1785 l'affaire de Jean-Louis Berard, dans les locaux de l'hôpital St-François,jaubourg Maché à Chambéry. Ce dernier avait monté des ateliers de bas et bonnets drapés en 1784, avec privilège de 20 ans et diverses exemptions. La faillite est prononcée en 1785 avec un découvert de 30 000 livres, pour des raisons mal connues. Leborgne et Brunier reprennent donc cette manufacture en se constituant en société au capital de 100 000 livres (chiffre énorme pour la Savoie), avec promesse d'une subvention de 1 600 /ivres pendant dix ans et d'exonérations fiscales: entrée gratuite de 4 000 rubs (environ 37 tonnes) de draps et 2 000 douzaines de bas bruts; exemption pendant vingt ans des droits d'entrée pour les matières premières et des droits d'exportation pour les produits de la manufacture. En 1787, un billet du roi à la chambre des Comptes demanda d'augmenter les droits d'entrée en Piémont sur certaines qualités de bas de laine, dans le but d'encourager la manufacture de Chambéry.

Mais ils firent à leur tour faillite , suite à une mauvaise gestion et des difficultés d'approvisionnement, à quoi s'ajoutait la concurrence des ateliers dauphinois. Un Suisse, Guigouff, essaya alors de relancer les ateliers, dont la restauration semblait en bonne voie quand la Révolution française paralysa de nouveau les activités.

J. Nicolas, La Savoie au XVIIIe siècle. p. 657 et 876 Barbier, "La Savoie industrielle", Mémoires de l'Académie des Sciences. Belles-Lettres et Arts de Savoie. 3ème série, t. II, p. 329-331

Suggestions d'utilisation du document - Quelle est la nature du document? Quel est l'auteur? Qui sont les demandeurs? - Quel est le sujet de la demande ? - Le montant de la société formée par les sieurs Leborgne et Brunier vous paraît-il important? - Quels arguments le roi avance-t-il pour expliquer sa protection? - Quelles exemptions reçoit lafabrique ? - Quel est l'intérêt pour lafabrique des articles 4 et 5 ?

Recherche - Pourquoi les rois accordent-ils des privilèges à certaines manufactures? Chercher d'autres exemples de "manufactures royales" en Savoie ou en France. - Comparer les politiques économiques des rois de Piémont-Sardaigne et de France au XVIIIe siècle.

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Document 8 ExJraits du règlement de police de Chambéry par les syndics et le Conseil de Ville, le 19 nom 1737, au sujet des bouchers (B 5319)

ORDONNANcE CONCERNANT tES BOUCHERS.

PRE MIE R.E MEN T Il cft défendll à tous Bouchers c,le tuer, venàre ou débirer de la Viande, dam la Ruë, ou ailleurs que dans l'Ecor~herie & Boutiques qui leur

feront indiqtiées par la Ville, à peine de confifcation de la Viallde , ~ de vingt cinq livres d'Amande. .-'

1. Il leur eft défendu fous tes mêmes peines, de (.\ler ou débiter aucun Betail, qui nefoit bon, gras, vifité Il re~t1 par rInfpeéleur conrrilis a. cet effet ,leur étant pareillement . déf('ndu de (Uer aucuns Veaux qui ne [oient, étant pefésen vie, du poids de [ohante livres, à peine de dix livres d'Amande,& de deu" Ecus d'Or contre l'Infpeél:eur qui le permettroit.

3. Il dt défendu aux Bouchers de tuer, vendre, débiter & meme de recevoir :tucuns Befiiaux malt1des, iofeéès, [oupçonnés, ou morts d'eux-mên:es, à peine d'un traÏt de. Corde contre les Bouchers, & . de foixante livres contre l'lnfpcéèeur· qui le r.ermettraj & au cas qu'il [e prefente dans les Boucheries des Bdl:ial1x comme detfus: JI d! enjoint à l'Infpec1:cur d'en donner incelfamment avis à la · Ville; ~nc en outre défendu aux BOllchers de vendre ou débiter aucune Viande en quelque iOrte cor­rompllë, à peine de dix: livres ·d'Amande.

4. Et comme les Bouchers pourraient \fendre la Viande: & la Grailre 1 un plus haut prix 'lue celui porté par le Taux qui fera établi, [ou$ pretexte que les Acheteurs leur donne Je furplu5 par dOD. gratuit &. r~oncoilTance J & que de cette maniére il ft'y auroit CJue les Riches de bien [érvi, il eŒ défendu à (jui que ce klit, nul excepté, de la paye·r à J:lIus haut Prix) fur CJuc:l. pretëxte que puilfe eire. à peioe. de vin&-, ­liv~ d 'Amande, talU tonne l'Acheteur, que CODtre l~ V codeur •.

. .

1 .. ~! Botfèbets ne pôUtfont vendre auéuoe fcjrtë de · Via~âe · qù~ne ·qlii ··cè. f6'lt aycc ,-de .la Brelaude~ fOlls pein~ de dix livres d'Amande, qu'il. encourtëmt encor. lor(qu'ifs ·rdufëront de donner le tiérs de la pe[ée d~ V èau & MOuton i leur · ~tane ordonné d'~voir toûjours dari.s_ 1eu.t. ~~~CI & ~oUtique5 ~. v~ë du ,Public de chaque (prte de V.l~nde, ~~s la .ten~r cachee, a peme de confi[catloo .d'lcelle; ,.de ~niére qU'OR e11 e~J\lfe tOUjours àvolr __ ~ans le bdol") leur érabt défetul'.! de vendre 14 Bre:­laude, comme PIeds, Joües, 'rètes, Foyes, C~urs, ~oulrnons_ &-~utres (ernblables · au poid, mais: féulemtot-à: ... ûë & t la mairif il leur dl parei1le(bent défendu d~ débiter d~ la .Vache ~ ~re~is., dans le même Banc qu;ik débitetont le Bœuf & Mouton.' a. pane de dix üvre! d A~and~ cOD,,!-"e les .contre~enabs) · ~ laquelle Vache; & BrebIS Ils vendront dans 1 endrOIt . qlll leur:: fera mdique •.

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"

6. Les Hôtes t Cab~retiers & AubergifteJ :.c:tans pour l'ordinaire préferablemtnè Cenis aux autres Particuliers, ce qui cft très prejudiciable au Public: il ne leut fera per~ d'êcrefcrvu qu'après lesPaniculiers qui fe [fouverontà la Boucherie en'même temsqu'eux, à peine de dix livres . d'Amande, laquelle encourront aulIi les Bouchers qui les ferviront avant lefdiu Particuliers; etant .défendu fous la même peine aufdits H8tes, Cabaretiers &. Aubergiftes de faire acheter, ou porter de la Viande .par d'autres que par leur Do­mefiiques ordinaires, à peine de Prifon , comre ceux C]lli l'acheteront Ou porteront"

7' JI dt defendll à [DUS Bouchers d'extraire de la Graitre hors de la pr~tent~ Ville. & !auxb~urgs d'icelle, ~ de la vendre aux .Ciergi~rs de ladite Ville, à. peine de diX livres d Amande, & de confifcation de ladm: GralH'e,- &. n~ pourront refiJ1êr d.e la vendre aux autres Particul~s & vendeurs des Chandelcs de Suif; & d'clI:iceder le Taux; le tout ~ux mêmes peines que ddfus. .

8. Il eft defendu à ' toute forte de Perfonnt:s de quel état k condition qll'ÜI lOient, de vendre & debiter apcune Viande 'de Bccuf, Vache, Genilfe , Veau., Moutons '" Brebis dans la prefente Ville, Fauxbourgs&\Franchifes d'icelle, fauf aux fculs Bou~ chers qui feront aprouves par la Ville, à peine de; Con6fcation du Bétail & de cirt-­quan~ livres d'Amande; laquelle encourront auffi ~tu.x qui achete.root ou feTOI~t a-cheter cn Vlllt!: ou dehors, par eux ou par lcuTsDomdhqucs, de la VlQnde de qUI que co foit, que defdits Bouchers; de meme que. ccux qui feront ruer aucune e1f>ece de Bétail comine ddfus pour leur ufage, [ans .en avoir obtenu la. pètmiffion de MU. les Sindid ) lk. pa yé le Droit des Onces au F erfi'tier J ain li qu'il dl établi; Déclarant quë ks .Milires reront tenus poUr leut Domeftiques jufqujà la concurrence do Gage ~ll'ils 1!:ur devroflt , fauf qllC les contreventions archt été commifcs par ordre ou participa. tion des Maîtres, dans lequel cas ces derniers feront tenus au payement de toute l~Am.ahde, quand même elle excederoit lé \iage dû' auxdits Domdèiques; dedarallt œcerc que lorfque lefdiu Domeftiques ne refont pas en état de payer ladite Amande,' i)s en~ourront la peine de huit jol1n de Pri{on, & même phn grande ièloD les -cir .. con1i:aace5r ce qui devra avoir lieu pour tOUS .les au·tres cas cy-après, où il eft dit ~ue les Maltre, feront tenus pou~ leurs Domdbques.

Vocabulaire:

brelaude : des abats

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Document 8 InfDrmations complémentaires

Les Règlements de Police sont élaborés au XVIIIe siècle par le Conseil de Ville, sur proposition de l'Intendant Général de la Savoie. Ils sont entérinés par le Sénat. Plusieurs autres Règlements ont été rédigé~pour Chambéry e,! 1725, 1~?8,J773. . . , ..

Les objectifs sont enoncés dans le preambule: SOlt pour la tranqulltte du publtc, SOlt pour l'abondance des choses nécessaires à la vie, pour les avoir à plus justes prix, soit pour rendre cette Ville également saine, agréable etflorissante" (Règlement de 1737).

Les Règlements de Police sont sensiblement identiques dans toutes les villes (voir celui de Moûtiers en 1779, document ~ ; ou celui de Conflans en 1785).

Le Règlement de Police de Chambéry de 1737 compte 84 articles au total: les bouchers (art. 1 à 8) ; la destination des places et marchés (art. 9 à 11); la vente de poissons et volailles (art. 12 à 14) ; défense aux cabaretiers d'aller au marché en dehors des temps prescrits (art. 15 à 17) ; la vente des denrées "au grand poids" (fromage, beurre, suif, miel, riz, etc.) (art. 18 et 19) ; la Grenette (art. 20 à 24) ; les meuniers (art. 25 et 26) ; les boulangers (art. 27 et 28) ; le vin (art. 29 à 32) ; les poids et mesures (art. 33) ; les ciergiers (art. 34 à 40) ; de l'observation des fêtes (art. 41) ; les conditions pour s'installer en ville (art. 42 à 44) ; les domestiques (art. 45) ; défense de mettre des enseignes (art. 46) ; défense de vendre du vin après 11 heures du soir (art. 47 à 49) ; les jeux (art. 50 et 51) ; défenses pour la nuit (art. 52 et 53) ; défense de vendre des remèdes (art. 54); les comédiens (art. 55) ; les mesures concernant le feu (art. 56 à 64); concernant la propreté des rues (art. 65 à 73) ; les fontaines (art. 74) ; les arbres du Vernay (art. 75) ; les pavés (art. 76) ; défense de rien jeter dans les rivières (art. 77) ; concernant les fumiers et déchets (art. 78 et 79) ; l'élevage des vers à soie (art. 80) ; les charpentiers et les maçons (art. 81 à 83) ; les maisons qui menacent ruine (art. 84).

Le Règlement de Police donnait à la Ville de Chambéry de grands pouvoirs sur la boucherie. La boucherie municipale comptait 14 bancs. On ne pouvait acheter ou vendre de la viande en dehors de ce local, sauf trois exceptions. Un inspecteur des boucheries, payé 100 puis 140 livres par an, surveillait les horaires, la qualité et le prix des morceaux débités. L'écorcherie était le seul endroit où l'on pouvait préparer la viande légalement.

En réalité, ces conditions n'étaient que peu suivies : les bouchers ne respectaient pas le règlement, ne payaient pas l'impôt municipal, achetaient du bétail à bas prix secrètement, fraudaient sur les prix. La population préférait aller s'approvisionner dans les boucheries des environs où l'on vendait du bétail à très bas prix. Tout au long du siècle, la Ville de Chambéry se battit pour faire respecter ces règlements, mais les enjeux financiers étaient trop importants.

Palluel-Guillard A. , "L'administration communale de Chambéry au XVIIIe siècle", Mémoires et Documents publiés par la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, t. LXXVIII, p.80-81

Suggestions d'utilisation du document - Pourquoi est-il défendu aux bouchers de vendre de la viande en dehors de leurs boutiques? - Quelles sont les mesures prises pour assurer une bonne qualité de viande aux acheteurs? - Quel est le rôle de "l'Inspecteur" ? - Quel est le but de l'article 4 ? Qu'en pensez-vous? - Pourquoi sépare-t-on la vente de viande de vache et brebis d'un côté, de boeuf et de mouton de l'autre? - Pourquoi les cabaretiers cherchent-ils à acheter la viande avant le public ? - Quel est l'objectif de l'article 8 ? Pourquoi le Conseil de Ville insiste-t-il sur ce point?

Recherche - Rechercher dans des budgets familiaux la part représentée par la viande, pour différentes catégories sociales, au XVIIIe et au XIXe siècle. - Trouver des règlements municipaux plus récents que celui-ci, sur le XIXe ou XXe siècle.

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Document 9 Extraits du Règlement de Police de Moûtiers, par les syndics et le Conseil de Ville, le 20 juiUet 1779, au sujet des boulangers. (B 6947)

~~E:~~~~~~m REGLEMENT DE· POL][CE,

DE LA PA R T

DES ·NOR ·LES SINDICS ET CONSEIL

De la Ville de Moûtiel·S.

Des Boulangers .C; autres ,vendeurs de Pain.

-•

ART . . 2.. Nul Boulanger ., PâriŒer; Panetier ne. pourra s'établir dans 'cette Ville & Fauxbourgs , pour e"ercer fa pro­[dJion" [ans en avoicobte'nù .par écrit la permilIion du Juge. de Police, & palfç les illcombances en tel ças requi[es, à peine. de dix livres d'amende .: Et ils (eront ob1igés de la faire reno~,,; . vellee chaque lix ans, fous peine de -dix livres; & quant à ceux qui [ont aétuellement établis, ils devront fous la mêm~ peine ., fe pourvoir dans Je terme d'un mois, après la publi­cation du 'préfent, pour obtenir dudit Juge Ja permiaion, qùi leur fera accordée grati-s, {ans préjudice du droit de bannalité dû à ·la Ville, dès un tems immémorial.

ART~ ' 3~ LelCiits Boulangers feront ohligés de faire Je pain blanc de fa plus pure farine de froment J le pain clair de fa­rine de froment palfée fans auçun autre mêlange, à l'excep­tion de la grolfe -farine du même grain dite reculée. . '

Ils feront également du pain bis de la plus pure farine de ft::igle, & du gros pain compofé d'un tiers de la plus pure fa­rine de {eigle, un tiers de farine dire reculée du même grain, & un tiers de la plus pure farine d'orge; leur étant expr.elfe­ment défendu de faire, dans les uns & les autres cas J aucun mélange de farine de ftves , vefce, pois, & autres grains fem­blables ,. & même ·d'en faire moudre ni d'en retenir chez .eux " le tout à peine de dix livr.es d'amende.

Page 31: Des Metiers Et Des Hommes

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.. ART. 4 . . Le[dits Boulangers & Revendeurs de: pain, [erot:It

obligés de détailler du pain clair, du pain bis & d~ gros .pain à qui en voudra, ·à livre ·, .d_emi livre, & qu~rt de ~lvr~, & de, faire,. des; pains d'un (ou, ' & de deux fous d un pOIds propor­tionné aux taux, LOus peine de trois livres d'anlcnde.

Ils feront auŒ oh1igés de vendre · Je pain au poids. de . 'a Ville, qui ca de dix-huit onces poids de Marc, & [uivant la raxequi --en .fera faitt! & publiée de la part du Juge de Police~ 'ti!>US les lundis'après-midi, ·laquelle taxe aura [on effet dès ·le;. lendemain 'matin, &··c'cft à peiriede dix livres" & de la c~ •.. fifcation . du pain~ . _ .

Et pour confratet: tes contraventions, & en découv,rir les auteurs, il" db· expre{fement ordomre.,fous- les· mêmes. pein-es auxdü:s Boulangers, de' mettre leur marque particuIiere à tous leurs pains -' & d'en .conGgner l'empreinte au Bureau· de Pb-lice, dans quinze jours ap!ès la publication du préfent Reglement.

Des Fours Bannaux.

ART. 5. n eft défendu à tom Panetiers & Fourniers, ~~ ...... [ortir ou laBrer fortir des brai{esalIumées en rems· d~() , ~G'[ J:;' .

. & de [e fervir ·de torrelles de bois fapin, poUF s'éclair ;,i.~~\ t~ Ile tranfport des pains, ' qu'ils ~n~ à prendre &. à rendr ,~' \ rJ };.r etant dans toute occalion enjOInt de fe fervlf de lan . e ~,:~/'_ " <<' .:"} 'dueinent conditionnées, à peine de trois livres d'amende, : L.L:,~;f tre chaque contrevena-rit, & du double en cas de récidIve.

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Document 9 Inf9rmations complémentaires

Présentation générale des Règlements de Police: voir le document 8. Celui-ci comporte 141 articles au total.

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La pain est, au XVIIIe siècle, pour une bonne part de la population, l'aliment de base (voir aussi le document Il). Les campagnes et les milieux populaires urbains en absorbent des rations qui paraissent aujourd'hui prodigieuses: entre 1,2 kg. et 2 kg. par personne et par jour, chiffres connus d'après les livres des boulangers, des hôpitaux et couvents, des maîtres notant la consommation des serviteurs.

En ville, les gens riches (nobles, ecclésiastiques, rentiers) le mangent blanc, à base de pur froment; un cran en dessous, le pain bis ou "bourgeois", non bluté, fait l'ordinaire des bons marchands, tandis que les artisans, gens de métier et domestiques se contentent d'un mélange de froment, de seigle et d'orge "avec quelques surcharges de fèves et autres légumes pour le rendre plus solide" ; pour les manoeuvres et journaliers, le quotidien est d'orge ou d'avoine. Les gens modestes s'adressent au boulanger pour leurs achats quotidiens. Les grosses maisons s'entendent avec un meunier et unfournier de la ville, le premier pour moudre, le second pour cuire.

En milieu rural, le pain mêlé l'emporte, avec dominante d'orge ou d'avoine, selon l'endroit, et adjonction de blé noir ou de seigle, le pain de seigle pur étant réservé aux jours de fête. A Oncin, dans le Petit Bugey, c'est un pain d 'avoine chargé de son. En moyenne Tarentaise, vers Villargerel, la plupart se nourrissent de pain d'orge, seuls les plus aisés y mettent un peu de seigle.

En cas de disette, quand il n 'y a plus ni céréales ni féculents, on en est réduit à faire du pain de glands, de pépins de raisin, de coques de noix pilées ...

Sauf dans les villes, on en fait d'énormes provisions pour économiser le chauffage du four. On cuit pour plusieurs semaines, voire plusieurs mois. En mars 1741, l'avocat Didier, de St-Michel de Maurienne, a chez lui une réserve de pain pesant au total 580 livres (50 pains de maître, blanc, pesant 6 livres chacun, et 40 pains de 7 livres pour les domestiques) ; le stock de son concitoyen Grange atteint un poids de 1 400 livres (200 pains de 7 livres). Ces deux bourgeois cuisent à Noël, peut-être pour toute l'année. A Bessans, l'on ne cuit qu'une fois par an : les pains, qui pèsent de 7 à 10 livres, sont conservés bien au sec ; il faut ensuite les tailler au hachoir ; humectés dans un linge, ils servent à confectionner la soupe.

Nicolas J. et R., La vie guotidienne en Savoie aux XvIIe et XVIIIe siècles. p. 180 à 182

Suggestions d'utilisation du document -Quelles sont les conditions pour pouvoir exercer le métier de boulanger? - Quelles sont les différentes sortes de pain que l'on produit au XVIIIe siècle? - Combien coûtent les différents pains? - Reportez-vous aux notes sur les monnaies, salaires et prix (à la fin du. dossier) pour évaluer le prix du pain par rapport aux autres denrées alimentaires et au coût de la Vie.

- Pourquoi le Règlement de Police fixe-t-ille prix du pain? _ . , " , . - Expliquez ce que sont les fours banaux? Quelles sont les precautzons a prendre d apres 1 artzcle 5?

Recherche - y avait-il un four banal dans vot!e comm.une t Cherche~ d:s _ re~e!gnements fonctionnement (taille, date de constructLOn, date Jusqu a laquelle zl a ete utLlzse ... ) - Quelles sont aujourd'hui les différentes sortes de pain que l'on consomme?

sur son

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Document 10 Inventaire de la boutique de Peronne Neple, veuve de Nicolas Favre, bourgeoise de La Roche en Genevois, habitant à Chambéry: une maison et boutique, située faubourg de Montmélian 24 1Wvembre 1744, par Me Aretan (6 E 5345,F 17)

"L'an mille sept cents quarante quattre, et le vingt-quattre novembre a neuf heures du matin a Chambery, par devant moy notaire Royal Collégié soussigné, auroit comparu honorable Peronne, fillie à feu François Neple, native Bourgeoise de la Roche en Genevois, habitant audit Chambéry, veue de feu Nicolas Favre de Bellevaux, marchand. Laquelle m'auroit requis de voulloir me transporter dans la di1e maison, pour inventarier les marchandises et effects qui se trouveroient tant dans ladi!..e maison, que dans sa boutique sittuée au faubourg de Montmeillant, à quoy adherant je m'y suis transporté, et ou etant assisté de deux temoins, j'aurois procedé audit inventaire, comme s'ensuit: premierement je serois entré dans la boutique ouj'aurois trouvé :"

Entre autres : - quinze douzaines de paires de ciseaux, à 1 livre 4 sols la douzaine - sept douzaines de fourchettes, à 1 livre 2 sols la douzaine - treize couteaux de poche, à 6 livres la douzaine - six douzaines de fourchettes d'acier, à 6 livres la douzaine - trois douzaines de tuyaux de pipe, à 1 livre 3 sols pièce - deux douzaines de bourses de peau, à 1 livre pièce - une douzaine de miroirs, à 2 livres pièce et six miroirs, à 18 sols pièce - deux douzaines d'écritoires en corne, à 2 livres pièce - trois douzaines de tabatières de buis, à 1 livre 4 sols pièce - douze paires d'étuis de chagrin* pour ciseaux, à 1 livre la douzaine - une douzaine d'étuis à lunettes, à 1 livre 7 sols - trois douzaines d'étuis en bois pour aiguilles, à 6 sols pièce - six paires de lunettes, à 3 livres la douzaine - 3 000 aiguilles à 18 sols le millier - une douzaine de crayons, à 15 sols pièce et une douzaine de crayons communs, à 6 sols pièce - une douzaine de peignes en buis, à 15 sols pièce - trois poids d'or, à 1 livre 16 sols pièce - trois douzaines d'éperons, à 15 sols pièces - trois livres de cire d'Espagne, à 3 livres la livre - deux douzaines de boucles de tombacq* pour femme, à 1 livre 16 sols la douzaine - un millier de cure-dents, à 1 livre 10 sols le millier - 1 300 boutons à manches "de différents gouts", à 2 sols la pièce - deux douzaines de cachets de composition, à 2 sols pièce - douze boîtes de soie de cordonnier, à 5 sols la boîte - six plaques à étirer, à 2 livres - six garlts avec leur étui de cuir, à 5 sols la pièce - six livres de clous de cordonnier, à 9 sols la livre - une douzaine de couteaux à manche de cerf, 5 livres - 300 plumes à écrire, 2 livres 5 sols - trois livres de bougies, à 1 livre 10 sols la livre - 34 aunes* de coton, à 1 livre 3 sols l'aune et 32 aunes d'indienne*, à 1 livre 5 sols - une douzaine de bonnets doubles de laine, à 1 livre 5 sols pièce - deux douzaines de bas de laine pour femme, à 1 livre 5 sols la paire - six bas de filoselle*, 12 livres - deux douzaines de bas de laine pour homme, à 1 livre 16 sols la paire - six tabliers d'indienne à poche, à 1 livre 5 sols la paire - deux pièces de toile de Cambrais unie, à 7 livres la pièce - quinze aunes de mousselines "fines et communes", à 1 livre 10 sols l'aune - une pièce de basin* mesurant 10 aunes, à 1 livre 5 sols - six douzaines de fil blanc à trois bouts, à 12 sols la douzaine - une livre de fil de Paris, 1 livre 10 sols - six mouchoirs de soie, à 19 livres la douzaine - six rames de petit papier, 6 livres; une rame de châssis, 3 livres

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- une livre de soie à coudre en plusieurs couleurs, 22 livres 8 sols - un millier de clous de souliers, 1 livre 5 sols - deux livres de ficelle, 1 livre 4 sols - six livres de poivre, à 1 livre 10 sols la livre - six colliers enfaux grenats, 12 sols - une douzaine de chapelets de coco, 1 livre 16 sols - trois papillons de pierre montés sur argent, 1 livre 16 sols pièce - une douzaine de bagues d'argent avec une pierre, 10 sols pièce - dix livres d'amidon, à 6 sols - une douzaine de moulins à tabac, 12 sols - une centaine de verres, 5 livres - un moulin à poivre en fer, 1 livre 10 sols - deux paires de balances, coupe en cuivre, une grande, une petite, 6 livres

- deux coffres de sapin, fermant à clef, vides, estimés 6 livres - une banque en noyer, avec un tiroir fermant à clef (estimé 3 livres), dans laquelle le notaire trouve 100 livres en monnaie et un billet de créance de 218 livres en faveur du défunt, dues "par le nommé Joseph Maure de Bellevaux pour marchandises à luy deUvrées en 1743."

Valeur de l'inventaire au total (marchandises, meubles, effets, argent et billets) : 1 237 livres

Le notaire procède également à l'inventaire de la chambre.

La veuve ne sait pas signer.

Vocabulaire:

chagrin: cuir grainé fait de peau de che~al, d:âne ou de mule!. . tombacq : métal composé d'un alliage d or, d argent et de CUlvre, de couleur Jaune. aune: ancienne mesure de longueur valant 1,18 mètre. indienne: étoffe de coton peinte ou imprimée. filoselle: espèce de grosse soie. mouchoir: châle basin: étoffe de fil et coton, assezfine.

Les parties soulignées correspondent à la restitution des abréviations sur le texte original.

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Document 10 Informations compléme1itaires

Les inventaires après décès, suivant immédiatement le testament ou demandé plus tardivement, sont une source de renseignements très riches sur le cadre de vie sous l'Ancien Régime, à l'intérieur des foyers ou au travail, comme ici dans c~ document. .

Les situations familiales qui motivent cet acte, sont varzées. Le cas le plus fréquent est celul d'enfants mineurs: le tuteur demande l'inventaire des biens du défunt pour faciliter sa gestion et se garantir lors de la remise des comptes de tutelle. Lorsque la mère est tutrice, elle peut faire procéder à un inventaire pour protéger ses droits dotaux. Il peut s'agir également d'une précaution prise par le mourant au moment de son testament, l'inventaire étant alors dressé immédiatement : soit parce qu'il laisse une succession embrouillée, soit pour garantir ses héritiers mineurs de détournements possibles. Quelques cas particuliers imposent de faire un inventaire, lorsqu'il y a un différend entre les héritiers au moment des partages successoraux, lorsque les héritiers, avant d'accepter l'héritage, veulent savoir si le passif ne l'emporte pas sur l'actif. De même, une institution charitable ou hospitalière fait procéder obligatoirement à l'inventaire lorsqu'elle est légataire universelle.

L'inventaire après décès est un acte souvent long, rédigé sur plusieurs jours par le notaire et dont le contenu est assez répétitif.

Le notaire indique dans une première partie les circonstances qui motivent l'acte. Ces préliminaires sont très utiles pour connaître le défunt, sa famille, son cercle de relations; le lieu de l'inventaire, les titres et professions des personnes mentionnées et des témoins requis donnent une idée du niveau social du défunt. Le notaire passe ensuite de pièce en pièce et note, souvent sans ordre apparent, les objets, le linge, la vaisselle, le mobilier, les outils, les denrées alimentaires, et les marchandises qu'il trouve.

Le commerce de détail On observe au XVIIIe siècle, une concentration de marchands dans les villes, laissant de

vastes zones rurales sous-équipées et livrées au seul colportage. J. Nicolas, d'après les dénombrements de 1726 et surtout d'après les années 1741, estime que 700 à 800 commerçants exerçaient alors dans les villes et les bourgs de Savoie. Chiffre modeste, si l'on évalue la population totale du duché à environ 320 000 habitants. La répartition est très inégale: loin en tête s'affirme Chambéry avec 197 marchands, suivi par Annecy 126, et l'on tombe tout de suite à 44 pour Thonon, 27 pour Sallanches, 22 pour St-Pierre d 'Albigny, 20 pour Megève, 17 pour Aix-les-Bains. Ugine, malgré une population de 1800 habitants, ne compte aucun vrai marchand, seulement des petits revendeurs et des artisans qui vendent ce qu'ils fabriquent.

Parmi ces marchands, l'éventail des situations sociales et des revenus est très large, depuis le marchand à l'aise jusqu'au petit boutiquier émergeant à peine du menu peuple. Pas de grands marchands, mais un tiers de "bons marchands" (environ 250) au milieu du XVIIIe siècle: drapiers, marchands de fer, épiciers droguistes, traiteurs, confiseurs, orfèvres, ciergiers, merciers, libraires, ayant le titre de sieur et utilisant les services de domestiques, de commis et d'apprentis.

La valeur ·du stock détenu dans les boutiques de ces "bons marchands"s 'établit en moyenne entre 1 0 et 20 000 livres au début du siècle, 15 à 30 000 livres à la fin, augmentation qui compense tout juste le mouvement des prix et ne révèle aucun décollage économique.

Au niveau de ces "bons marchands" se maintient une certaine spécialisation, mais à mesure qu'on descend vers les boutiques dont le stock ne dépasse pas un ou deux milliers, voire quelques centaines de livres, s'affirme la polyvalence, comme si la variété des marchandises devait compenser leur faible valeur. C'est le cas pour le marchand évoqué dans ce document.

Nicolas J., La Savoie au XVIIIe siècle, 1978, p. 101 à 103 Abry c., Devos R., Raulin H., Les sources régionales de la Savoie, 1979, p. 294 à 298

Suggestions d'utilisation du document - Qui procède à l'inventaire? Quelle est la procédure à suivre? - Peut-on déterminer quel type de commerce pratiquait le défunt ? - Classez en grandes rubriques les différents types de marchandises. - Que va devenir la boutique avec les marchandises? - Qu'est-ce qu'un billet de créance ?(fin de l'inventaire)

Recherche - Chercher ce qu'est un inventaire après décès. Dans quels cas y a-t-on recours? - Quels renseignements peut-on en tirer?

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Document 11 Extraits du livre de comptes du sieur Catagniolle, cabaretier et aubergiste à Chambéry, commencé le 1er avril 1756 (B 2594)

Liste des débiteurs :

Compte de M. de Gantelle - ( ... ) le 19 décembre 1756, dîner avec son épouse, 2 livres et 15 sols -le 29 décembre, trois bouteilles de vin, du pain, du fromage : 1 livre ( ... ) -le 14 janvier, une bouteille de vin blanc, 6 sols ( ... ) -le 18janvier, cinq gevelots* de vin rouge, 12 sols et 6 deniers ( ... ) -le 24 janvier, un ragoût, 15 sols, et une épaule de veau, 1 livre et 6 sols ( ... )

Compte de Me Paravy, taiUeur - le jour des Rois (janvier 1756), six bouteilles de vin blanc, pain et pommes, 2 livres et 4 sols

Compte de l'avocat DoUin - le 27 décembre 1756, quatre poulets (llivre et 2 sols), trois bouteilles de vin blanc et du pain (1 livre et 1 sol), + pour trois ve"es cassés (6 sols) - le 23 janvier 1757, fricandeaux.(3 livres), "ratissage d'aloitte sassé" (-alouette en sauce- 1 livre et 4 sols), soupe et omelette (16 sols), six bouteilles "moins un gevelot" (1 livre et 7 sols)

Compte d'un soldat au Régiment de Savoie, Guilloma, - le 7 juillet 1757, avec trois autres: dix bouteilles de vin, 3 livres

du pain, 10 sols des artichauts, 12 sols des haricots, 8 sols des anguilles, 1 livre et 10 sols

- le soir, avec un autre: du pain, 3 sols .. des artichauts à la poivrade, 6 sols ( ... )

Compte du Sieur Rodolf F ontagnié, du canton de Berne en Suisse -le 7 mai 1759, à midi: du pain (8 sols et 6 deniers), ragoût et salade (15 sols)

au souper, deux bouteilles de vin et du pain (1 livre et 4 sols) salade et ragoût (17 sols)

- le 8 mai, à midi: deux bouteilles de vin et du pain (1 livre et 4 sols) au souper, deux bouteilles de vin, pain, ragoût (2 livres et 10 sols)

- le 9 mai, avec une invitée ("la Dubonnette" ) à midi, deux bouteilles et deux pains (1 livre et 6 sols)

viande : longe de veau rôti (1 livre et 5 sols) "le même jour" : 4 bouteilles (1 livre et 8 sols) et du pain (5 sols) pour "l'après-dîner" : une bouteille (7 sols) au souper: une bouteille pour lui (7 sols)

salade et pain (11 sols) fricassée de veau (8 sols) ( ... )

- le vendredi 25 mai, à midi: trois bouteilles de vin (1 livre et 1 sol), du pain et du fromage (1 livre et 2 sols)

au souper: "pain et bonne chère" (12 sols) ( ... ) -le 29 mai, à midi: bonne chère et chevrotin rôti (12 sols)

trois bouteilles (1 livre 1 sol) au souper : pain et rôti de veau (13 sols) ( ... )

-le 10 juillet, "pour le coucher tant de lui que ses ouvriers pour cinq mois", à 1 sol par jour: 7 livres et 10 sols.

Vocabulaire: gevelot : un gobelet "rotissage d'aloitte sossé" : alouette en sauce

NB. A l'intérieur du livre de comptes, il y a trois cartes à jouer (dame de carreau, un 5 de carreau, un 10 de carreau) avec des comptes au dos;

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Document Il Infonnations complémentaires

Comme pour les marchands, il existe une grande variété entre les petites auberges de village et les auberges de re,nom avec. lefl-rs vasles locaux, leurs tour~~llons de dome.~tiques, d'ustensiles et de victuailles. L un des prmclpaux hotes de Chambéry au mt/leu du XVIIIe slecle est le sieur Claude Ferrouillet, établi au faubourg de Montmélian à l'enseigne de "Saint Georges" : il dispose d'une remise et de cinq grandes écuries, de quoi loger plus de 200 chevaux. Son concurrent Rosier, à l'enseigne du "Chameau", reçoit les grosses charrettes venues du Languedoc, Dauphiné et Provence, et peut abriter 53 chevaux. Dans l'ensemble du faubourg, neuf aubergistes disposent de 21 écuries assez vastes pour 400 chevaux.

On rencontre d'autres auberges importantes le long des principaux axes de communication. Sur la route de la Maurienne, dans les années 1780, Nicolas Flahaut-dit-Rollet tient deux auberges, l'une à Aiguebelle, au "Soleil", et l'autre à Saint-Michel, "le Petit Turin", étapes quasi inévitables aux voyageurs soit pour le dîner, soit pour le coucher, et il gagne bien sa vie. Mais il court sur son compte des bruits infamants, etfondés semble-t-il : on le soupçonne d'être de mèche avec des contrebandiers et des filous qui engagent les voyageurs à jouer chez lui de l'argent pour le leur escamoter ... (1)

L'alimentation La base de l'alimentation est le pain, depuis le pain blanc (de pur froment) des gens riches

jusqu'au pain d'orge ou de seigle pour les manoeuvres et les journaliers. (voir le document 9 sur les boulangers)

Le maïs, qui pourrait suppléer le grain manquant, n'est pas inconnu, mais on le réserve à la nourriture des animaux. Malgré l'exemple piérrwntais de la "polenta", il n'arrive sur les tables que très tardivement, vers 1770 ou 1780. De même les "tartufles" ou pommes de terre; apparues dès le début du XVIIIe siècle, elles sont accueillies avec réticence et sont lentes à s'imposer. C'est d'abord une curiosité, réservée aux jardins, et mets de riches qui les essaient en premier: les Visitandines de Tlwnon en mettent à leur menu dès 1725, Mme de Warens en fait servir à ses domestiques en 1737.

Les légumes offrent une bonne variété : haricots, poireaux, raves, céleris, artichauts, salades, asperges dont on fait grand cas au point de les offrir en cadeau. Les fruits (melons, abricots, pêches, prunes, toutes sortes de pommes et de poires, châtaignes) sont consommés crus, cuits, mis à sécher ou préparés en "confitures". Les fruits exotiques (citrons, oranges, grenades) apportés par les "citronniers" de Provence, sont un luxe connu de la bonne société.

Trop de viandes, de sauces, d'épices, chez les familles aisées à la fin du XVIIIe siècle. Parmi les causes de maladie, le docteur Daquin accuse les excès de table. Les bonnes maisons ont toutes leurs réserves de jambons et de lard, complément du poisson, du gibier, de la viande de boucherie, des volailles.

Les laitages et fromages sont également réservés aux plus riches. Les autres se contentent de "sérac", fromage maigre fabriqué avec le caillé du lait, lorsqu'on l'a complètement égoutté. Pour les Savoyards à leur aise, la gamme des fromages est importante. Les grandes zones d'alpage sont déjà spécialisées dans certaines fabrications: le reblochon et les tommes du massif de Thônes, "la" gruyère du rrwnt Salève, des Bauges, du Beaufortain, de Tarentaise, les "vacherins" d'Abondance dans leurs cerceaux d'écorce ... Sans qu'il soit possible d'en chiffrer la consommation, on constate d'après les comptes des couvents, que la consommation de fromage n'a cessé de croître au XVIIIe siècle, en même temps que celle du beurre et de la crème. (2)

(1) Nicolas J., La Savoie au XVIIIe siècle, 1978, p. 862 à 865 (2) Nicolas J. et R., La vie quotidienne en Savoie aux XVIIe et XVIIIe siècles. p. 180 à 190

Suggestions d'utilisation du document - Pourquoi l'aubergiste tient un tel livre de comptes? - Quels sont les produits de base de l'alimentation d'après ces différents dîners? - Les repas semblent-ils copieux? équilibrés? - Calculez le prix d'un repas dans cette auberge. Comparez avec les indicateurs de prix fournis à la fin de ce volume.

Recherche - Rechercher des exemples de plats anciens. - L'introduction de la pomme de terre en France et son rôle dans la disparition des disettes à partir du XVIIIe siècle.

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Document 12 Extraits du. Règlement Général de police pour la Savoie, du 23 décembre 1771 : obligations des aubergrstes et cabaretiers. (C70)

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MA.NIFESTE DES. E. MON SIE U R

LE COMMANDANT . GÉNÉRAL

EN SAVt)YE,

~:-;::-;;-:-.- . .. -.. -,_-.-_,-.. -.. -..... -.-:w .... -» Du 23 DÉCEMBRE ZJJZ,

~~, _-.-.-.-.--.-.w .. -.- .. _-_-.. _-_-.~ . .

Pour ln.aÎntenir le bon ordre fi la . tranquilité publique dans

. [' étendu ë' de ce Duché.

P ' .~-~\ - .... . , ;- ,~,.. .. REMIEREMENT. : -f;:..:.~!-..-.:7,?:.., :. ' ..;~- i A 'jf

. '. ~ J::.f?'- f-. ... -. . ".

Tous les Aubergifres) Cabaretiers, Gens'~Warte-mens & Chambres garnies, dane; la pré[ente Ville, Fauxbourgs . &, Frinchi[es , .dev.ront chaque [oir) avant les dix heures, porçer à la Garde du .Gouvernement, la ConGgne des Per[onues qu'ils a,uront logées chez eux, dins laquelle ils [pécifierol1t leurs Noms, Surnoms, Patrie, Titres & ProfeŒons, le lieu d'o~ elles viennent ,. & l'endroit où elles vont, G elles s'arrêtent ou . 11on ,' & la quaHté des ' Voitures' dont elles [e [ont [ervies: Ils devront, en optre, tenir un Régifhe exa6t, dans lequels ,ils in[crirollt la même ConGgne, pour pouvoIr l'exhiber au bé[oin~ Celon les occurrences;, le tout fous la peine, en cas d'inexécu· tion, de deu~ écus, [oit douze livres d'amende, applicable en faveur des Adjutans de la Place.,' .

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La même obligation) ci - ddfus .aura lieu dans toute~ le~ . ~ autn~s:.Villes ~. B.oiirgs de: q:·.D!Jché ; Les. Con.Ggnes· des PafEi- .

ge.rs ·, Teront portéès à ·Mr .. }'OffiCièr - Commandant". dans les· endroits oa il y . aura. :de la. Troupe; & dans ceux oJJ. il 11' Y en a point, à Mr. le premier Sindic. Nous réduifàns cepen­dant à.la moitié les Atnendes fixées ci -deffus, pour les Contra­ventions qui l.è commettront hors de cette Capitale; elles feront diviiees par égalité entre le Dénonciateur & les Mai[ons de Charité d'icelles.

2..

,Tous les Étrangers & Paffagers feront tenm à donner fidé­len1ent leurs Noms, Surnoms, Patrie & ProfeHlons, aux Aubergifies, Cabaretiers, & Gens tena,nt Chalnbres garnies, chez qui ils logeront; faure de quoi, s'il eft vénpé qu'ils y aient manqué) ils feront tout de fuite en1pri[onnés, comme Gens' [u[peéts.

. 3· Les Aubergifies & Cabaretiers, dans toute l'étenduë de

ce Duché, doivent .aveitir '[ur le champ. ceux qui COlnman­dent,. & [ubGdiairement les Châtelains & Sindics, dans le cas que des Perfonnes [oupçonnées d'être Contrebandiers, &

des Étrangers réputés ' ~ainéans & Vagabonds, & notamment ceux qualifiés de Bohémiens, viennent à leur demander d'être logé;, , - <thn . qn'on pll.i!fe ·:. les -·-n.rr~c,~ __ ,p-r.Dc:é.d~r contr' eux -{don .la .rigueur des Loix. . ,Ce même Ordre : aura lieu ' pour ' tous les Bandits catalogués, & les Dé[erreurs des Troupes de '. S. M. s'ils [ont reconnus.

(- - -)

5· Tous Aubergifies, Cabaretiel) & Marchands, ne feront

aucun crédIt aux Gens de Troupe, au-d.elà de quinze [ols, fous peine de la perte dudir crédit, & d\m jour de pri[on.

6. .

Nous défendons auffi à tous AubergiUes , Traiteurs, Caffe­tiers & vendeurs de tiqueurs, tant dans la pré[ente .. Ville, que, dal~s toures les autres de ce Duché, de donner à manger & a bo~re chez eux, plus tar~ de dix heures du [oir, . d~puis le premIer Novembre au premIer t-viars, & pa!fé les onze·heures le. rd~~ de l'.année) fous peine de deux écus d'amende pour la prcffilcre fOls, ,& du double en cas de récidive, applicable en fave~r des Al~]u;:ans dans les Vi.lIes où il y ' a de la TrPlJpe; .­·ou a ce~x q~I en font les fonébons; & dans celles oùil n'y" en a pOInt, a partager entre le Dénonciateur & les Mai[ons de Charité. . . . _. .

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Document 12 Informations complémentaires

Les cabarets, les auberges sont les lieux privilégiés de la sociabilité masculine, centres de diffusion des nouvelles et creusets de l'opinion publique.

Ils sont à ce titre suspects aux yeux des autorités, ils sont surveillés, leur nombre est limité et il faut une autorisation pour en ouvrir un, mais la réglementation est souvent tournée et on observe une prolifération cabaretière dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, malgré l'hostilité des seign.eurs et. des cur~s. Un mémoir~ daté de 1790 donnait une moyenne de deux cabarets par parolss~, SOlt 1.200 a 1 3~0 pour ! ens~mble du ct.uché, sans parler des villes où les aubergistes, cabaretzers, tra~teurs, co'}fiseurs, lzquorzstes, cafetzers et vendeurs de vin étaient de plus en plus nombreux: 75 a Cham,bery en 1713, 140 en 1788; à Annecy, les chiffres passent de 43 en 1743 à 56 en 1788. (1) Les cztés étapes profitent de la poussée démographique sensible dans la province (de 320 000 à 400 000 durant le XVIIIe siècle), et surtout des progrès du réseau routier et du roulage. Les enseignes sont déjà promesse de dépaysement: à Chambéry, "le Chameau", "le St­Georges", "le Cheval Blanc" ; à Grésy-sur-Isère "la Pomme d'Or" ; "le Soleil" à Aiguebelle; "la Couronne de Sicile" à La Chambre; "la Ville de Jérusalem" à St-Jean de Maurienne; "le Petit Turin" à St-Michel de Maurienne; "l'Hôtel d'Angleterre" à Lanslebourg ... (2)

"Il en est de bien installés, avec une vraie salle d'hôtes et une enseigne, qui profitent à la croisée des chemins de tous les mouvements et passages. Marchands de campagne, merciers, aiguiseurs et revendeuses croisent à la halte les laboureurs qui font la pause. Tout un monde qui trotte à longueur d'année, en quête de menus profits: bécatiers et coquetières plusieurs fois la semaine portent aux marchés des villes les poulets, les oeufs, le beurre, un peu de blé ; les "citronniers" mènent leurs mulets chargés d'agrumes de Provence, d'Italie ou d'Espagne; les colporteurs entre deux hameaux posent la balle, sans parler des migrants qui chaque saison quittent le pays ou y reviennent, de même que les soldats congédiés au lendemain des guerres; ou encore d'autres rencontres fascinantes et suspectes, vite repérées, les troupes de contrebandiers à cheval ou de déserteurs en voltige, les vagabonds de toute sorte. Parfois, au XVIIIe, un marchand forain présente la lanterne magique qu'il transporte sur sa charrette, avec la pacotille. En 1730, en revenant de Turin à Chambéry, Jean-Jacques Rousseau montre aux hôtesses et servantes émerveillées, dans les auberges de haute Maurienne, la petite fontaine de Hiéron qu'il casse malheureusement du côté de Bramans." (1)

Les griefs contre les cabarets sont innombrables et, même s'il faut faire la part de l'exagération, ils montrent que les responsables de l'ordre les considèrent comme des dangers pour les valeurs traditionnelles. On leur reproche de favoriser l'ivrognerie, la paresse et la ruine des familles, d'être des maisons de jeu et de débauche, de pervertir les jeunes gens en les amenant à voler leur famille pour se procurer l'argent qu'ils y dépensent.

Pour les curés, les cabarets sont la "contre-Eglise", non seulement parce qu'ils enlèvent des paroissiens à l'office, mais parce qu'ils constituent une source d'influences contraires à l'emprise de la religion. Leurs plaintes encombrent la correspondance de l'avocat fiscal général et ils essaient par tous les moyens d'obtenir au moins lafermeture des cabarets non autorisés. (3)

Dans les paroisses frontalières (Les Échelles, Domessin, Pont-de-Beauvoisin), les cabarets sont fréquentés par les contrebandiers qui vendent les marchandises illicites, avec de temps en temps des batail/es contre les gardes : bataille à "la Croix Blanche" à Termignon en 1718 entre gabelous et contrebandiers, en 1732 autour de l'auberge de St-Laurent-du-Pont. En 1757, des soldats encerclent la taverne d'Avressieux où se sont réfugiés des contrebandiers; l'hôte est tué dans la bagarre et la maison incendiée par un coup de fusil qui enflamme le toit de chaume. (2)

(1) Nicolas J., La Savoie au XYlIle siècle, 1978, p. 846 (2) Nicolas J. et R., La vie q,uotidienne en Savoie aux XVIIe et XVIIIe siècles, p. 219 à 223 (3) Abry c., Devos R., Rau/in H., Les sources régionales de la Savoie, 1979, p. 311à 313

Suggestions d'utilisation du document - Quels sont les objectifs des autorités concernant les cabaretiers et les aubergistes? (6 articles les concernent sur un total de 14 pour l'ensemble du Règlement) - Quelles sont les obligations des cabaretiers et des aubergistes? - Pourquoi les amendes sont-elles moins élevées dans les villes autres que Chambéry? (article 1er) - Que signifie l'article 3 ? Quelle est la politique générale des autorités envers les vagabonds?

Recherche - y avait-il dans votre ville ou village des auberges au XVllle siècle? Cherchez des renseignements sur elles (enseignes, dates de création, noms des hôtes, particularités architecturales .. .) - Quels sont aujourd'hui les types d'enseignes des bars, hôtels et restaurants ? En tirer des indications sur les nouveaux centres d'intérêt à [afin du XXe siècle.

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Document 13 Inventaire des meubles et effets du Sieur Jean-François Crey, marchand cafetier et confiseur de Moatiers, décédé le 13 février 1784, fait par Me Claude Muraz (2C 2002, j 386)

Inventaire demandé par sa veuve, Marie-Brigitte Jay, tutrice de ses trois enfants mineurs. Expert: le Sieur Antelme Brodaz dit Fontaine, marchand cafetier à Moatiers.

Valeur totale des effets recensés: 2 999 livres

Reprise ici uniquement des effets liés à son métier. Ne sont pas reprises les pièces "privées " ( chambres et cabinets)

Dans la salle du café: - six petites tables (plateau en noyer, pied en sapin), estimées 30 livres - cinq petites banquettes en sapin (5 sols pièce) - cinq tabourets en noyer avec pieds tournoyés (25 sols pièce) - douze tabourets en fayard, siège en paille (6 sols pièce) - une pendule avec sa caisse en noyer (60 livres) - un baromètre à gros tuyaux "avec son vifargent" (25 sols) - cinq cartes représentant l'Europe (12 sols et 6 deniers) - un poêle en fer avec onze tuyaux (8 livres) - cinq petites pantes * de rideaux "très mauvaises et très rapiécées" (35 sols)

Dans la cuisine (où existe un four) entre autres: - un arrosoir pour confitures (5 sols) - un grand et un petit entonnoir de fer-blanc pour les biscuits (10 sols) - une pierre pour la moutarde avec ses fers (20 sols) - une bassine à confiture en cuivre rouge, pesant avec ses poignées de fer six livres (7 livres et 6 sols) - un petit fourneau à confiture pour entreposer la bassine, en fer (4 livres) - cinq palastres pour faire cuire les biscuits et un bassin très usé (1 livre et 5 sols) - deux douzaines de moules en fer-blanc pour les biscuits ( 12 sols) - 2 lames pour les biscuits et une petite seringue pour la"poulentaz"* (12 sols) - deux grandes terrines (12 sols pièce)

Dans la salle qui sert de magasin entre autres : - dans le garde-robe : douze moules à chocolat (3 livres) - deux "terrats"* pour conserver le beurre (l0 sols). n y a dedans deux ou trois livres de beurre (27 sols) - une pierre et une couche en marbre, avec ses manivelles en fer, pour piler les amandes, le poivre, etc. (100 livres) - un pressoir à huile avec ses vis, noix" et autres choses nécessaires pour le pressoir" (4 livres) - deux tamis à tambour pour passer le poivre (30 livres) - un chocolatier "avec tous ses instruments, manivelles, balancier et autres" (120 livres)

+ 39 oranges, à 2 sols pièce (3 livres et 18 sols) - "un demi cent" de citrons (40 livres) - une balle de figues et raisons mêlés, pesant 85 livres, à 5 sols la /ivre (21 livres et 5 sols)

Dans l'arrière-boutique entre autres : - cinq cafetières en fer-blanc, pour faire la polenta, pesant deux livres et demi (4 livres) - cinq cafetières en cuivre jaune (9 livres et 12 sols) - six bassines à confiture et à sucre, deux en cuivre jaune, quatre en cuivre rouge (24 livres) - une petite bassine et un bassin pour vider le sirop (6 livres) - un moulin à moudre le café, avec sa manivelle, "ayant sa coupe dessus en cuivre jaune (6 livres) - une petite poêle à moudre le café, une autre petite poêle et deux trépieds (1 livre) - 20 pots d'eau de vie du pays dans deux grands flacons recouverts de paille (7 livres 10 sols

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pour l'eau de vie + 4 livres pour les flacons) - 30 pots de vie de Provence, à 18 sols le pot (27 livres) -124 pots d'eau de vie du pays, dans deux petits tonneaux (46 livres et 10 sols)

Dans la boutiq,ue (à côté de la pièce ci-dessus) - table "manière de contoir", à deux tiroirs (8 livres) - une douzaine de petites cuillères à café, en laiton (36 sols) - une douzaine de tasses à café, avec leurs soucoupes "où le verni en partie est deja loin" (36 sols) - douze bouteilles carrées vides, de liqueur de Turin (24 sols) - 6 bouteilles carrées pleines de liqueur de Turin, à 42,5 sols pièce (12 livres et 15 sols) - 62 livres de confiture liquide en différents pots de service et de verre, "consistant en abricots, poires, noix, groseilles, concombres, poivrons, haricots et autres" (55 livres et 16 sols) - 70 livres de confitures en différentes boites et six pesées différentes, tant grosses que petites (49 livres et 10 sols) - 8 livres d'anis à la reine (8 livres) - 1 0 livres de fruits confits à sec (10 livres) - 11 livres de confitures en dragées (7 livres et 14 sols) - 15 livres de chocolat commun à 18 sols la livre, et 2 livres de diablotin (15 livres et 6 sols) - 8 livres de macarons dans une boîte (3 livres) - 10,5 livres de moutarde fine, à 16 sols la livre (8 livres et 8 sols) - 2 livres de truffes noires sèches (4 livres et 10 sols) - 1 livre de sucre Candi (1 livre et 5 sols) - 3,5 livres de cannelle commune (3 livres) - 5 onces de cannelle fine (3 livres) - une demi-livre de clous de girofle (7 livres) - 2 livres de graines de girofle ( 14 sols) - 3 livres de poivre (6 livres et 12 sols) - 38 livres d'amande décortiquées (18 livres) - 8 livres de fleur de soufre en poudre, à 20 sols la livre (8 livres) - 10 livres de noix de Galles (30 livres) - 64 livres de café commun, dans deux sacs (64 livres) - 25 livres de café du Levant (50 livres) - 27 livres de sucre en neufpains (22 livres et 19 sols) - 70 livres de cassonnade (38 livres et 10 sols) - 25 livres d'huile d'olive fraîche (25 livres) - 7 petites bouteilles, dites topettes, remplies de liqueur commune (50 sols) - 16 livres de polenta du pays (4 livres)

Dans une petite pièce (entre le café et la boutique marchande) - 60 tasses à café avec leur soucoupe en faïence à fleurs (12 livres) - cinq sucriers avec couvercle enfaïence àfleurs (5 sols) - 48 petites assiettes en faïence (25 sols la douzaine, soit 5 livres au total) -18 petites assiettes bleues enfaïence (37 sols et 6 deniers) -12 petites assiettes et 3 plus grandes (37 sols et 6 deniers) - 96 assiettes en faïence festonnées (12 livres) - 6 pots à eau en faïence (3 livres) - 180 tasses de faïence avec leur soucoupe (33 livres et 15 sols) - 6 sucriers de faïence avec leur couvercle (45 sols) - 4 plats ovales enfaïence (30 sols) - 3 saladiers enfaïence à fleurs, festonnés (37 sols et 6 deniers) - 3 autres saladiers festonnés sans fleurs (30 sols) -12 tasses àfleurs, "peinturefine", soucoupes et sucrier de même (4 livres et 7 sols) . - 6 compotiers de "faïence fine", ronds, festonnés, à fleurs rouges fines (5 livres et 8 denzers) - 4 autres compotiers "même nature", ovales (3 livres et 12 sols) - 10 verres à pied (15 sols) - 18 verres à liqueur à anses (45 sols) - 6 verres "a bavaroise" (15 sols) -12 "verres doubles appelés casse-noisettes" (30 sols) - 6 verres à côtes (9 sols)

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_ 2 carafes et 2 salières dont une en cristal, l'autre en faïence (15 sols) + 7.pots de chambre enfaJence (56 sols) - 35 livres de poudre fine à poudrer (10 livres et 10 sols) - 3 bassins à barbe en faïence (20 sols)

Cave _ 25 bouteilles de trois gevelots doubles, pleines de vin blanc de Bourgogne (37 livres) _ 48 bouteilles de gevelots doubles, pleines de vin de Bourgogne noir (96 livres) - 225 bouteilles de gevelots, vides et doubles (45 livres) - 1 tonneau de vin de St-Jean-de-la Porte, vieux, tenant environ six setiers* :

5 setiers de vin à l'intérieur, à 20 livres le setier (100 livres) + tonneau en chêne (12 livres)

- 1 tonneau de 4 setiers, en chêne, vide (10 livres) -1 petit tonneau de 2 setiers, en chêne, rempli de vin du pays "de la Contamine" (vin: 12 livres + tonneau : 8 livres) - 1 tonneau de 5 setiers, en chêne, vide (14 livres) - 2 petits tonneaux à bière de 1,5 setier chacun, en chêne, remplis de vin de la Contamine (vin: 18 livres + tonneaux : 8 livres) -1 petit tonneau de 2 setiers, en chêne, avec le même vin (vin: 12 livres + tonneau: 5 livres) - 1 paire de barils du setier, 30 sols _ 2 gruyères vieillis pesant 40 livres les deux, à 7 sols la livre (la moitié est pourrie) (14 livres) - 1 gruyère de l'année dernière, pesant 35 livres (10 livres et 10 sols) - 2 grands flacons vides, recouverts de paille (3 livres et 10 sols)

N.B. Le Sieur Jean-François Crey possède en outre une autre boutique du côté de la rue des Moulins.

Vocabulaire :

pante : tenture de rideau poulentaz : polenta terrat : terrine gevelot : un gobelet un setier: ancienne mesure de capacité pour les grains et les liquides, très variable d'une région à l'autre .. en Tarentaise, environ 72 litres.

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Document 13 InfDrmations complémentaires

Jusqu'au XIXe siècle, on désigne par le cabaret tout débit de boisson, tandis que le terme de café (utilisé dans ce document) est réservé à un genre d'établissement fréquenté par le beau monde. On y vient déguster le nouveau breuvage exotique qui lui a donné son nom, mais aussi du thé et du chocolat, de la confiserie et des liqueurs. Les dénombrements (Chambéry en 1791 par exemple) distinguent soigneusement les limonadiers, confiseurs ou cafetiers de la masse des cabaretiers.

Le chocolat est apparu le premier en Savoie. Le 15 avril 1668, le maître aux comptes Aynard Carron en commande déjà six livres à Turin et il inscrit cet achat dans son registre sous la mention "socolata" pour adopter trois mois plus tard l'orthographe déjà francisée de "chocolata". Pendant plusieurs décennies, les nobles se procurèrent cette denrée coloniale à Genève ou à Turin. En 1691, la comtesse de Costa fait remettre elle-même à un marchand de Chambéry "toutte les drogues qu'il faut pour fere un rub de chocolatte". Du reste, pour le public raffiné, il s'agissait tout autant d'une décoction médicamenteuse que d'une boisson mondaine. En 1699 encore, le président du Sénat de Savoie assurait à une parente que le chocolat était "merveilleux pour raccommoder l'estomac", surtout si on l'accompagnait "d'une petite verrée d'eau fraîche".

Un peu plus tardif, le succès du thé et du café n'est pas moins évident. Le service à café de faïence ou de "verre blanchi", la cafetière et la théière d'argent, d'étain ou de cuivre, sinon de fer­blanc, le moulin de racine de noyer répondent dans les inventaires aux achats de café et de thé mentionnés sur les livres de comptes des maisons nobles et des couvents. A Chambéry, à Annecy, dans la plupart des villes, la bonnè société se fait très vite à ces nouvelles habitudes, signalées parfois de manière inattendue: ainsi, en 1695, au cours d'un procès en séparation de corps, l'épouse de maître auditeur Vibert, demeurant à Moûtiers, se plaint de ce que son mari, entre autres mauvais traitements, lui ait lancé "une caffetière contre la teste", preuve incontestable d'un usage devenu familier ... (1)

En une vingtaine d'années, la consommation de boissons exotiques se répand dans les milieux des notables roturiers. Dès 1720, le café est devenu courant dans les maisons bourgeoises. A la fois aliment et drogue excitante, les amateurs ne peuvent bientôt plus s'en passer. En voyage même, on emporte son nécessaire pour en prendre à l'étape : tasses, cafetière, réchaud et brûloir dans son étui. Son succès rapide, au moins en milieu urbain, se lit dans les inventaires des gens de tous les états, jusqu'aux petits marchands et artisans, gagnés en une génération. Après le dîner, on consomme le café noir; avec du lait, il devient la boisson du lever, d'abord gourmandise defemme "le déjeuner ordinaire du sexe à Chambéry".

Moins appréciés peut-être, en tout cas plus chers, le thé et le chocolat s'imposent plus lentement, mais dès 1730, ils entrent également dans les habitudes des notables les plusfortunés. Le thé passe très longtemps dans le public pour "un remède contre le rhume". (2)

Le terme de confitures désigne les préparations confites, à base de sucre, de fruits ou de légumes, et de liqueurs, que l'on sert en toutes saisons à la fin des repas de gala (voir ici : "62 livres de confiture liquide en différents pots de service et de verre, "consistant en abricots, poires, noix, groseilles, concombres, poivrons, haricots et autres").

( 1) Nicolas J. , La Savoie au XVIIIe siècle. Noblesse et bourgeoisie, 1978, p. 349 à 353 (2) Nicolas J. et R., La vie quotidienne en Savoie aux XVIIe et XYIIle siècles, 1980, p. 193-194

Suggestions d'utilisation du document - Classez par différents postes (alimentation, batterie de cuisine, vaisselle, mobilier .. . ). Calculez la valeur de chacun de ces postes. - Que peut-on dire de la façon dont les choses sont entassées? - Que pensez vous du prix du chocolatier (dans la salle qui sert de magasin). Comment peut-on expliquer ce prix ? - Trouvez d'autres choses qui vous paraissent chères. - Ce marchand se fournit-il uniquement sur place? Donnez des exemples.

Recherche - L'arrivée puis la diffusion des boissons exotiques (chocolat, café et thé) en Europe.

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Orientation bibliographique

Ouvrages généraux

ABRY C, DEVOS R., RAULIN H., Les sources régionales de la Savoie, Paris, 1979 (approche ethnologique: alimentation, habitat, habillement, métiers ... )

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DEVOS R., GROSPERRlN B., La Savoie de la Réforme à la Révolution fra$aise, Ouest France, 1985

HUDRY M., BER UARD A., CHATEL J., FAVRE A., Découvrir l'histoire de Savoie, Albertville, 1989

NICOLAS J., La Savoie au XYIlIe siècle. Noblesse et bourgeoisie, Paris, 1978

NICOLAS J. et R., lA vie quotidienne en Savoie auxXYIle et XYIlIe siècles, Hachette, 1980

PAIllARD P. (sous la direction de), Histoire des communes savoyardes. Savoie, Roanne, Ed. Horvath, 1980-1984,4 volumes

VERNEILH J. de, Statistiq.ue générale de la France. département du Mont Blanc, Paris, 1807

Dictionnaire universel françois et latin. vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, 1771

DUBOIN F.-A., Raccolta per ordine di ma!erie delle leggi cioè editti. patenti. wanifesti. ecc., 1850

Ouvrages particuliers

BARBIER V., "lA Savoie industrielle", Mémoires de l'Académie des Sciences. Belles-Lettres et Arts de Savoie, 3ème série, t. Il et III

DUFOUR A., MUGNIER F., "Notes pour servir à l'histoire des Savoyards de divers états", Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, tome XXXllI

MORAND L., "Les anciennes corporations d'arts & de métiers de la ville de Chambéry ... ", Mémoires de l'Académie des Sciences. Belles-Lettres et Arts de Savoie. 4e série, tome IV, 1893

MOUXY DE WCHES (comte Jules de), "Notice sur la fabrique de faïence de La Forest", Mémoires de l'Académie des Sciences. Belles-Lettres et Arts de Savoie, 3e série, t. VIlI

PALLUEL-GUILIARD A. , "L'administration communale de Chambéry au XVIlle siècle", Mémoires et Documents publiés par la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie. t. LXXVlIi