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DG/90/14 ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L"EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE Allocution de M. Federico Mayor Directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) pour l'ouverture de la ‘ "Réunion informelle de presse Est-Ouest" Unesco, le 27 février 1990

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DG/90/14

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L"EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE

Allocution de

M. Federico Mayor

Directeur général de

l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

(Unesco)

pour l'ouverture de la ‘"Réunion informelle de presse Est-Ouest"

Unesco, le 27 février 1990

DG/90/14

L’histoire, nous le savons à présent, c’est le peuple qui la fait. Ce sont les intellectuels, les artistes, tous ceux qui émanent des forces vives de la nation qui écrivent cette histoire, d’abord immergée, souterraine, anonyme, jour de joie, éclate et devient force,

et qui, un action, pouvoir. Regardez l’Europe, ces

pays qui ont conquis ou reconquis leurs libertés : la force décisive qui y surgit est née de l’effort commun, long et pénible, d’écrivains et de créateurs, dont certains occupent aujourd’hui la première place dans leur pays, dans le cadre de la liberté qu’ils ont eux-mêmes forgée.

La pensée est la force de la condition humaine. Souvent l’écume de l’actualité cache ou déguise le mouvement des profondeurs, là où se trouve l’essence même du réel. En effet, les forces des profondeurs ne sont pas les forces économiques, même si celles-ci jouent un rôle important. C’est dans le dialogue interculturel, dans le domaine des idées et des idéaux, dans les raisons de vivre - et non pas seulement dans les moyens de vivre - qu’il faut explorer avec persévérance et audace les chemins de l’avenir et la construction de nouvelles utopies.

La civilisation guerrière est peut-être en train de s’éteindre. Si finalement, tous ensemble, nous gagnons la dernière guerre, la guerre de la paix, sommes-nous préparés pour autant à vivre la paix ? Nous sommes habitués à payer le prix de la guerre et nous savons bien, fort malheureusement, comment s’écrit l’histoire de la guerre. Mais la nouvelle page, comment peut-elle s’écrire ? Avec quel langage s’écrit l’histoire de la paix ? Comment éliminer les insupportables asymétries présentes ? Comme protéger l’environnement ? Comment supprimer l’analphabétisme et l’ignorance ? Comment passer de la défense de la souveraineté nationale à la défense de la souveraineté personnelle ? Comment démocratiser réellement les mécanismes mondiaux de la prise de décision, aujourd’hui si inégaux ? Comment, par-delà les rites et liturgies, lever le voile d’Isis et découvrir l’essence commune des messages idéologiques et religieux ? Comment assurer l’arrêt effectif de la course aux armements et passer de la macro-industrie de la guerre à la micro-industrie de la paix ?

L’LJnesco est ouverte à tous les partenariats, à la collaboration et à la coopération de toutes les régions, de tous les citoyens du monde. Elle n’est ni “Paris-centrique”, ni eurocentrique ; elle se trouve au carrefour des cultures, pour écouter, recueillir et transmettre. Nous avons la chance de pouvoir communiquer simultanément, avec toutes les régions du monde, suivre des visions différentes, des styles de vie et de pensée différents. Entre la Chine, l’Inde, le Sud-Ouest asiatique et l’Amérique, et les pays islamiques, et l’Europe, l’entente sera culturelle, ou ne sera pas. Entre l’orient et l’occident, entre le Sud et le Nord, les ponts seront spirituels, ou ne seront pas.

Quelles merveilleuses contributions à la tolérance, à la liberté, à la paix, à la compassion, ont été apportées par Mandela, par Martin Luther King, par Ghandi ! Tous ont donné à l’humanité ce qui est la mesure même de sa dignité. Tous ont inscrit dans le réel les vers de Neruda : “On peut couper toutes les roses, mais on ne peut pas retarder l’arrivée du printemps.”

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Tentons tous ensemble d’entendre la chanson que chaque pays chante avec sa propre voix. Comme me le disait le Président Carlos Salinas de Gortari en novembre dernier en exprimant sa conception de ce que devrait être le développement dans son pays : “Progreso, si, pero con acento mexicano”. Progrès, oui, mais à la mexicaine. Chaque pays doit choisir sa manière:Notre grand ennemi, aujourd’hui, c’est, précisément, les positions extrêmes, dogmatiques, fanatiques. C’est pourquoi nous devons joindre nos voix, en ce moment de l’histoire ou la liberté s’avance et la fraternité se consolide, pour crier tous ensemble : stoppez la course aux armements, arrêtez les ventes d’armes, asphyxiez le trafic de drogues, libérez les otages, consolidez les bases d’une convivialité pacifique, condamnez non pas tant les corrompus que les corrupteurs . . . et le monde changera !

La presse a un rôle essentiel, unique en son genre, à cet égard. Elle peut nous donner une vision unique des différentes perceptions et émotions ressenties depuis toutes les places d’observation dans le monde, C’est à elle de décrire les événements, mais aussi d’entendre, de comprendre et de diffuser les faits les plus importants du changement : le changement conceptuel.

La vague ne s ‘arrêtera pas à l’Europe. Elle déferlera bientôt jusque dans les autocraties, même animées de bonnes intentions qui n’ont encore pas compris que le pluralisme est essentiel à la dignité des peuples. Le temps des partis uniques est révolu. Les dirigeants les plus clairvoyants favoriseront eux-mêmes l’apparition des libertés publiques dans le scénario politique de leur pays.

On peut s’effrayer du rythme accéléré de cette évolution. Mais c’est souvent le rythme qui fait l’histoire. De tels moments constituent non seulement une opportunité historique mais une obligation, un devoir. Ici, comme dans d’autres cas, le temps a une dimension éthique. Il s’agit de moments dans lesquels il ne faut pas se contenter de prendre l’avis des experts et des sages ; il faut surtout faire appel à l’imagination et à la coopération de tous. La démocratie est le seul système qui nous permet de nous identifier à la voix suprême des Nations Unies : “Nous, peuples du monde” . . . et le peuple ne peut se faire entendre que dans les démocraties.

Mesdames, Messieurs,

Il m’est plus qu’agréable - vous êtes témoins de mon émotion - de vous souhaiter une très cordiale bienvenue dans cette “Maison de l’Unesco”, qui est aussi votre Maison. Car 1’Unesco est la maison des journalistes, comme elle est la maison des scientifiques, des enseignants, des artistes, des écrivains, pour ne citer que ceux-là. J’aimerais adresser un salut tout particulier aux femmes et aux hommes de presse venus d’Europe centrale et orientale, qui ont joué et continuent de jouer un rôle décisif dans le processus de démocratisation qui secoue cette partie du vieux continent. C’est pour eux que cette réunion informelle est organisée. Il est, en effet, du devoir de 1’LJnesco d’encourager tout effort visant à favoriser l’avènement et le développement d’une presse libre, indépendante et pluraliste, que ce soit en Europe ou dans toute autre région du monde. Tel est en tout cas le mandat que m’ont confié les Etats membres - lors de la vingt-cinquième session de la Conférence générale qui s’est déroulée ici même voici trois mois - en m’invitant à “examiner concrètement par quelles mesures 1’Unesco peut encourager la liberté de la presse et l’indépendance, le pluralisme et la diversité des médias , publics , privés et autres”.

Permettez-moi d’ajouter qu’au-delà de mes responsabilités de Directeur général de cette Organisation, j’éprouve beaucoup de sympathie - et d’empathie - pour l’expérience historique que vous êtes en train de vivre en Europe centrale et orientale. Je viens en effet d’un pays qui lui aussi, voici bientôt 15 ans, a connu le passage à la liberté et je mesure combien est essentielle la contribution de la presse dans tout processus de démocratisation. Mais je n’ai nul besoin de m’étendre sur cette évidence : les événements de ces derniers mois parlent d’eux-mêmes.

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L’initiative que prend aujourd’hui 1’Unesco constitue une première. Il est vrai que la nouvelle stratépie qu’a adoptée récemment la Conférence générale en matière de communication nous engage à aller dans cette voie. La présente réunion constitue donc un premier exemple concret de sa mise en oeuvre. Mais j’aimerais tout de suite préciser que, si les circonstances ont amené 1’Unesco à se tourner en premier lieu vers l’Europe centrale et orientale, il est clair que l’organi- sation ne manquera pas de prendre prochainement des initiatives similaires en faveur d’autres régions du monde. En effet, j’ai demandé à mes services d’étudier

_ la possibilité d’organiser, à l’automne prochain, une réunion de même nature dans des régions où l’avènement d’une presse libre, indépendante et pluraliste devrait aller de pair avec les importants changements politiques qui sont en cours. Dans la mesure où ‘ce projet pourra se concrétiser , je compte beaucoup sur le soutien de tous ceux qui sont présents dans cette salle - responsables des médias, représen- tants des gouvernements, des organisations gouvernementales et non gouvernemen- tales - pour que le formidable élan de solidarité Est-Ouest qui se manifeste aujourd’hui trouve son équivalent au niveau des relations Nord-Sud. Les besoins sont au moins aussi importants en Afrique, en Asie et en Amérique latine qu’en Europe centrale et orientale. Aussi le caractère universel de la mission de 1’Unesco l’oblige-t-elle à maintenir un juste équilibre entre les diverses régions du monde, ce que - j ‘en suis certain - mes amis européens seront les premiers à comprendre.

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais, au sujet de la réunion qui s’ouvre ici aujourd’hui et qui se pour- suivra demain, formuler trois questions :

Pourquoi 1’Unesco a-t-elle pris l’initiative d’organiser cette réunion ?

Que peut-on attendre de cette réunion ?

Quel sera le rôle de 1’Unesco dans les suites qui lui seront apportées ?

La première question n’est peut-être pas aussi simple qu’il y paraît. Certes, vous avez pu constater à la lecture de la lettre d’invitation que 1’Unesco a orga- nisé cette réunion pour répondre à la demande d’un certain nombre d’organisations internationales du secteur de la communication. Très impressionnées par les événe- ments récents d’Europe de l’Est qu’elles ont suivis avec un intense intérêt, ces organisations n’en prévoyaient pas moins, avec beaucoup de lucidité, les diffé- rentes sortes de problèmes qui n’allaient pas manquer de se poser aux médias de ces pays où s’opéraient des transformations si spectaculaires dans tous les domaines : financier, matériel, technique, juridique ou professionnel. Des solu- tions, même provisoires, devaient, estimaient-elles, être trouvées d’urgence sous peine de laisser se perdre les chances nouvelles qui s’offraient.

Pourquoi se sont-elles adressées à 1’Unesco ? Je crois qu’il faut en recher- cher la raison dans les débats qui se sont déroulés lors de la dernière session de notre Conférence générale, qui s’est tenue au mois de novembre - mois durant lequel, je n’ai pas besoin de la rappeler, le mur de Berlin s’est effondré - et qui ont démontré sans équivoque l’importance que 1’Unesco attache à la libre cir- culation de l’information et à l’existence d’une presse libre, indépendante et pluraliste. Ces principes fondamentaux ont été très clairement réaffirmés dans la nouvelle stratégie relative à la communication que la Conférence générale a adoptée et que reflète le champ majeur de programme intitulé : “La communication au service de l’humanité”.

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Mais ce n’est pas tout. L’Unesco est à bien des égards l’institution la mieux placée pour offrir aux différentes organisations professionnelles de l’Europe occidentale et de l’Europe de 1 ‘Est un cadre où se rencontrer. Depuis de nom- breuses années nous avons suivi les rknions qu’elles ont organisées dans toute l’Europe et avons contribué au renforcement des réseaux européens, considérant souvent qu’il nous incombait de servir de lien entre ces deux parties de l’Europe naguère divisée. Je veux croire qu’en agissant de la sorte, 1 ‘Unesco est apparue tout à la fois comme une organisation neutre et apolitique et comme un partenaire amical et dévoué ; c’est en effet dans cet esprit que nous avons accepté avec plaisir d’organiser la présente réunion.

J’ai posé en deuxième lieu la question de savoir ce qu’on pouvait attendre de cette réunion. D’une part, nous parviendrons très certainement à nous accorder pour reconnaître l’importance de la contribution que les médias peuvent apporter à l’édification de sociétés et à l’établissement de rapports sociaux d’un genre nou- veau. Les médias sont les véhicules de la démocratie ; ils sont les instruments qui permettent d’informer le public, de remettre en cause des politiques, d’assu- rer une communication à double sens et de prévenir les éventuels abus de pouvoir, sous réserve toutefois que leur liberté, leur indépendance et leur pluralisme soient respectés. Ils contribuent à assurer la cohésion interne des sociétés et à les relier les unes aux autres, permettant aussi bien d’organiser un vigoureux débat sur le plan intérieur que de faire parvenir au monde extérieur, et d’en recevoir en retour, un flux régulier d’informations.

Créer des médias de ce genre dans des pays qui en étaient dépourvus est une tâche redoutable. La démocratie naissante est par définition fragile et vulné- rable ; les institutions démocratiques demandent du temps pour se fortifier et trouver leur place, surtout lorsque les libertés publiques sont absentes de la mémoire collective et que la culture politique reste tout entière à acquérir. Si les nouveaux médias de l’Europe de l’Est ont besoin d’être aidés, à tel ou tel niveau ou encore à tous les niveaux, depuis le travail du journaliste jusqu’au fonctionnement des institutions médiatiques et l’environnement dans lequel elles opèrent, alors, à n’en point douter, la présente réunion permettra de jeter les bases sur lesquelles cette aide pourra être fournie.

Au niveau institutionnel, assurer l’indépendance des médias, c’est leur donner d’amples possibilités de se diversifier et de créer, ce faisant, le plura- lisme qui, mieux que toute autre condition, garantira l’expression de toutes les nuances de l’opinion - de toutes les teintes de gris qui séparent le blanc du noir.

Mais au-delà de la reconnaissance de ces principes, cette réunion pourrait poser les fondements d’une assistance d’une autre nature, moins ambitieuse mais plus immédiatement efficace.

Cette aide pourrait prendre d’abord la forme de conseils. Ce n’est pas chose aisée en effet que de repenser de fond en comble les structures des médias, et si l’on envisage de s’inspirer, en matière de gestion, de commercialisation et de publicité, de modèles mal connus, on aura besoin de tirer parti de l’expérience de spécialistes chevronnés. Ces derniers ne manquent pas dans les médias occidentaux et dans les organisations professionnelles correspondantes.

Autre forme d’aide possible : faciliter l’accès à l’information. Il est nécessaire de mettre en commun l’information concernant l’évolution des médias en Europe de l’Est afin de pouvoir établir des liens et éviter les doubles emplois ; mais il est également urgent de relier entre elles les banques d’information de l’Est et de l’Ouest.

L’aide pourrait avoir trait aussi à la technologie. Dans le secteur de la communication, bien des tâches peuvent être aujourd’hui effectuées de façon plus rapide, plus efficace et plus économique, sous réserve de disposer des technolo- gies nouvelles (informatique et édition électronique, notamment) et de bénéficier d’une assistance technique.

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Un quatrième domaine où une aide pourraît être envisagée est celui de la formation - formation qui pourrait porter non seulement sur la manipulation des nouveaux outils de la communication mais aussi sur lfactivité journalistique elle-même, dont les règles fondamentales ont changé et qui est moins soumise aux pressions émanant des directeurs de rédaction et de la censure. Au seuil d’une période stimulante mais difficile de renouveau, les journalistes des médias de l’Europe de l’Est apprécieraient peut-être qu’on les aide quelque peu à baliser les routes qui les mèneront vers d’autres horizons.

Une cinquième forme d’aide possible est l’établissement de réseaux, c’est-à-dire de relations institutionnelles et de contacts personnels entre les milieux de la co.m&nication de l’Est et de l’Ouest. Les pr.incipaux bénéficiaires de ces échanges devraient être les journalistes, car l’évaluation des expériences nouvelles constitue un aspect fondamental de leur formation.

Nul doute que vous souhaiterez explorer bien d’autres possibilités, et vous interroger sur les moyens notamment de répondre aux besoins en matériels d’impression. Mais avant que vous ne commenciez à le faire, je me dois de répondre à la dernière des questions que j’ai posées il y a un instant : que peut faire 1’Unesco ?

La contribution de l’organisation sera nécessairement limitée (ce point a été souligné dans la lettre d’invitation que vous avez reçue), mais je pense qu’elle peut cependant être d’une grande valeur. Je peux en tout cas assurer qu’elle sera apportée de grand coeur.

Tout d’abord, nous pouvons créer des occasions de dialogue qui peuvent être l’amorce de la mise en place de réseaux de relations ; cette action pourrait être relayée ensuite par les organisations professionnelles et renforcée par des échanges de personnel spécialisé (des échanges de ce genre sont déjà prévus au titre du programme de 1’Unesco relatif à la communication pour le prochain exercice biennal).

Ensuite, nous pouvons donner des informations concernant les besoins en matière de formation, recenser les institutions qui mènent des travaux de recherche et diffuser les données que nous possédons déjà.

Nous pouvons également offrir quelque assistance en matière de formation, notamment en ce qui concerne l’initiation aux technologies nouvelles (domaine où nous avons acquis une expérience appréciable). Nous pouvons en outre fournir des avis spécialisés dans certains domaines et des services d’orientation documentaire dans d’autres.

Enfin, si des donateurs se présentent, nous pouvons collaborer avec eux pour mettre sur pied - dans le cadre, si possible, du mécanisme offert par le PIDC - des projets spécialement conçus pour répondre aux besoins qui se font jour.

Pour 1’ exécution de ces projets, nous devons aussi faire appel aux organisations professionnelles du secteur des médias, et notamment à celles qui ont pris l’initiative de demander que la présente réunion soit organisée.

A cet égard, je crois devoir souligner qu’aux termes des statuts du PIDC, les principaux bénéficiaires de ce programme sont les pays en développement. Certes, je n’exclus pas la possibilité que le Conseil intergouvernemental du PIDC soit prêt à interpréter les textes avec souplesse afin que des projets intéressant les pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est puissent également être retenus, en particulier si des fonds sont spécialement alloués à cet effet. Il ne m’appartient pas toutefois de préjuger des décisions que le Conseil pourrait prendre à cet égard au cours de la session qu’il tiendra à Paris le mois prochain. C’est en raison de ces circonstances que le Président du PIDC a préféré ne pas présenter une description de ce programme lors de la séance de demain matin, afin d’éviter tout malentendu.

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Je tiens néanmoins à dire que je suis disposé à soutenir toute proposition concrète et de caractère prioritaire que vous pourriez me soumettre à la fin de la présente réunion.

Les changements spectaculaires qui sont en cours en Europe de l’Est doivent eux-mêmes beaucoup aux médias. Il est indéniable que les médias ont couvert ces événements - et c’est là leur force - pratiquement en direct et avec tant de précision que les millions de personnes qu’ils ont touchées ont pu apporter leur soutien silencieux (et, sous la pression d’un tel soutien, il devenait peut-être plus difficile encore de refuser de reconnaître la signification réelle de ces événements).

Voilà les réponses que l’on peut apporter aux questions que j’ai posées tout à l’heure. C’est maintenant vers vous, que je me tourne, car c’est vous qui êtes invités à formuler des idées concrètes sur la manière de gérer une période de transition cruciale. Je sais qu’en l’espace de deux jours c’est vous demander beaucoup, mais les journalistes ne sont-ils pas habitués aux missions impossibles ?

Mesdames, Messieurs,

Le renouveau gagnera beaucoup de pays qui, comme je le disais tout à l’heure, devraient maintenant anticiper. La sagesse consiste à agir par vision pour ne pas avoir à le faire par obligation. La lucidité consiste à reconnaître la différence entre perception et réalité. La perception, c’est la “stabilité” préconisée par quelques-uns, qui cachent aux décideurs les inquiétudes et les malaises. Ils suivent les événements à distance, dans des tours d’ivoire, intérieures ou extérieures. Ils se tiennent à l’écart de la réalité, hors du contexte véritable des événements et de leur gestation, éloignés du courage comme des souffrances. La réalité, elle, est dans l’espoir, dans l’effort de chaque jour, dans le long chemin vers la liberté des peuples.

Les changements dont nous suivons avec joie le rythme accéléré sont souvent aidés par les médias. Hommes et femmes de communication, vous détenez l’instrument le plus puissant pour faire passer le message de la liberté, de la dignité humaine, de l’équité, de la fraternité. Contrairement à ceux qui ont des yeux pour voir et ne voient pas, un coeur pour sentir et ne sentent pas, c’est à vous de voir, de sentir, de décrire les méfaits de la misère et de l’ignorance partout où sévissent ces fléaux. Ainsi, l’Europe ouvrira ses portes et ses coeurs, j’en suis sûr, à tous les hémisphères, et notamment à nos frères plus démunis.

Les vents sont forts, les ailes sont faibles. Mais si on a la raison on aura la force. Cette force que Orwell décrit dans une des pages les plus belles de 1984 : - “Et, dites-moi, quelle est la force qui va nous vaincre ? - la force de l’esprit”.