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DG/92/2

ORGANISATION DES NATIONS UNIESPOUR L'EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE

"La voix des scientifiquesdans un monde en mutation"

Allocution prononcéepar

M. Federico Mayor

Directeur généralde

l'Organisation des Nations Uniespour l'éducation, la science et la culture

(UNESCO)

à l'occasion de sa nominationà la dignité de docteur "honoris causa"

de l'Université de Barcelone

Barcelone, 13 janvier 1992

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DG/92/2

Monsieur le Recteur de l'Université de Barcelone,Mesdames et Messieurs les membres de la Faculté,Messieurs les professeurs,Mesdames et Messieurs,

Je suis né à Barcelone en 1934 et ai fait mes études primaires et secondaires auCollège Virtelia, ce qui explique que votre Université, au même titre que l'UniversitéComplutence de Madrid et celle de Grenade, soit l'une de celles autour desquelless'articule mon existence et que je considère comme les "miennes". J'exerceactuellement les fonctions de Directeur général de l'UNESCO, mais nombre d'entre vousle savent bien, je suis fondamentalement un professeur d'université convaincu du rôlecapital de l'institution universitaire dans la vie des peuples. Je suis doncprofondément reconnaissant à tous les membres de cette Faculté qui ont accueillifavorablement la proposition du professeur Antonio Torralba concernant ma nomination.

Le fait qu'un Grenadin propose la candidature d'un Barcelonais au titre de docteurhonoris causa de l'Université de Barcelone démontre parfaitement le rôle de foyer deconvergence que joue l'Université, où se reflètent et s'épanouissent l'identitéculturelle, la diversité et l'universalité. Une solide amitié me lie de longue date auprofesseur Torralba dont j'ai suivi avec intérêt et vivement apprécié le parcoursprofessionnel et humain. Vous devez donc garder à l'esprit que les éloges dont ilm'honore sont dictés, dans une large mesure, par notre vieille amitié.

Monsieur le Recteur,

LA VOIX DES SCIENTIFIQUES DANS UN MONDE EN MUTATION

S'il est un point sur lequel tous les analystes concordent, indépendamment de laperspective qui leur est propre, c'est que nous nous trouvons, à l'aube du troisièmemillénaire, à un moment historique de transitions multiples qui nous oblige àreconsidérer nombre de stratégies, à redéfinir maints concepts, à actualiser forceméthodes, procédures et normes, nous contraint, en somme, à revoir et à adapter leschemins et les voies qu'emprunte le monde en marche. Un monde qui a connu au cours desderniers mois des transformations radicales, passant en quelques mois de l'époque oùles superpuissances brandissaient le spectre des fusées nucléaires à l'allégressed'une liberté enfin recouvrée ou conquise, au constat de l'impréparation de nosgouvernements et des organisations intergouvernementales face à une évolution aussirapide des événements, un monde où la question se pose de savoir si nous sauronsmaintenant, passée l'exultation de la première vague débordante de promesses,retrouver une crédibilité contestée, agir efficacement, doter les organisationsinternationales de pouvoirs et de moyens appropriés et enfin instaurer ou consoliderdans tous les pays des systèmes démocratiques participatifs et garantir le respectuniversel et effectif des dispositions de la Déclaration des droits de l'homme et dela Charte des Nations Unies.

Or tout cela ne peut attendre. Une des qualités inhérentes à l'espèce humaine est sacapacité de prévoir et d'anticiper, d'imaginer des voies nouvelles permettant d'éviterles cercles vicieux et d'inventer des moyens de trancher les noeuds gordiens, demanière à pouvoir agir à temps. Ce temps, qui

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est à la fois notre trésor le plus précieux et la plus limitée de nos ressources.Lorsque risquent d'être atteints des points de non-retour et de se produire desmodifications irréversibles, surtout si elles sont de nature à avoir des retombéespour les générations futures, le temps prend une formidable dimension éthique. Enréalité, il n'y a plus à atermoyer : il nous faut agir immédiatement pour instaurerune meilleure répartition des richesses de tous ordres, afin que cesse de se creuserl'abîme qui sépare les pays développés des pays pauvres et que, renonçant à appliquerdes politiques énergétiques à courte vue ou guidées par l'intérêt, nous parvenions àenrayer la dégradation de l'environnement. Nous devrions tous mourir de honte à l'idéede laisser un héritage à nos enfants, avec tous les moyens et les connaissancestechniques dont nous disposons, notre terre nourricière souillée, une biosphère abîméeet un air irrespirable.

Afin d'être à même, non seulement de suivre le rythme de l'époque, mais d'en anticiperl'évolution, il nous faut avoir une vision de l'avenir, posséder une conviction,fondée sur quelques objectifs, principes et valeurs indiscutables, qui nouspermettront d'agir avec lucidité, fermeté et persévérance. La lucidité avec laquelle,à l'issue de la seconde guerre mondiale, a été rédigée la Déclaration universelle desdroits de l'homme, créé le système des Nations Unies, conçu et appliqué le PlanMarshall pour aider au redressement des nations vaincues ; la lucidité avec laquelleMikhaïl Gorbatchev a su déclencher l'écroulement de tout un système fondé surl'oppression et l'ignominie, parfaitement conscient - je peux l'attesterpersonnellement - des conséquences que cela pourrait avoir sur son propre destin. Cesont ces événements phares qui ont déterminé la situation dans laquelle nous noustrouvons actuellement, en ce moment précis où s'impose le fait que la culture passe aupremier plan des préoccupations politiques, où nous nous rendons compte que descomportements et des habitudes forgés jour après jour ne peuvent être modifiés enquelques heures par simple décret, que la préservation de l'identité et du génie despeuples passe, non pas par le repli sur soi, mais par l'interaction et la coexistence; que la consommation n'apporte pas le bonheur ; que c'est la liberté et nonl'économie de marché qui a détruit le rideau de fer ; que le rêve de l'équité doitabsolument figurer au nombre des aspirations les plus hautes de notre destin commun ;que le mur de Berlin et beaucoup d'autres murs symboliques sont tombés mais qued'autres, plus résistants, subsistent dans l'esprit des hommes ; que les alliancesinternationales purement économiques et commerciales n'ont ni la cohésion ni lacapacité de réaction qui leur permettraient de jouer le rôle historique qui devraitêtre le leur, en tant qu'acteurs et non plus que simples spectateurs.

Certes il y a un vide idéologique, un manque d'ordonnancement politique. Mais il nedoit, il ne peut y avoir, et il n'y a pas carence d'idées et d'idéaux. Ce sont cesidées et ces idéaux qui ont généré et nourri les différentes options politiques, parla suite progressivement obscurcies, limitées et occultées par les structures et lesprocédures, par "l'appareil", jusqu'à disparition même de leurs fondements. Il en estallé de même des religions, fondées sur l'amour et la modération et qui, aujourd'huiencore malheureusement, alimentent non seulement les dissensions et lesparticularismes, mais encore la violence, l'agression et la haine. Les espaces enfinabandonnés par l'Etat omnipotent et omniprésent doivent être occupés sans délai parles institutions civiles - et en tout premier lieu par l'Université - lesquelles,intégrées dans la société, pourront alors contribuer à une bonne gestion du pays auxniveaux municipal, national et de l'Etat - dans cet ordre - en garantissant l'accès àla pleine citoyenneté, grâce aux nouveaux systèmes d'éducation permanente que rendpossible le formidable développement des technologies de la communication.

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Toutes ces transformations exigent de nouveaux mécanismes de prise de décision quifassent appel à tous ceux qui possèdent les informations et les connaissancesindispensables. Nous devons faire en sorte que le pouvoir, à tous les niveaux, puissemieux s'acquitter de sa tâche. Je voudrais esquisser ici les principalescaractéristiques de ce faisceau d'autorités, de volontés, de compétences et deressources financières et techniques dont dépendra, en dernière analyse, lagouvernabilité du "village planétaire", et qui permettra d'offrir à tous ses habitantsun développement à visage humain.

1. Les limites de la décision politique

Jusqu'à une époque récente, la plupart des décisions politiques étaient adoptées sur labase d'une doctrine et en fonction d'une situation économique et sociale qui étaitanalysée et gérée selon des critères largement admis. Les formules traditionnellesétaient adaptées au goût du consommateur. Pendant les années de guerre froide, toutétait subordonné, en fin de compte, à l'escalade de la force entre les deuxsuperpuissances et la plupart des décisions étaient dictées par la méfiancequ'inspirait l'une ou l'autre. La compétence territoriale et la souveraineté nationaleconféraient encore aux frontières une valeur pourtant déjà remise en question par lesprogrès des télécommunications, la pollution atmosphérique, les épidémies et les cartesde crédit. Après la guerre froide, les limites de la décision politique sont subitementapparues de façon plus évidente dans des domaines tels que l'environnement, l'énergie,l'éducation, la politique scientifique, les relations internationales, la protection dela propriété intellectuelle, etc.

Sans prétendre en donner une liste exhaustive ni entrer dans des détails, qui parailleurs sont évidents, j'estime que les principaux facteurs limitatifs de la décisionpolitique sont les suivants :

(i) spécificité grandissante des questions ;

(ii) degré d'accélération ;

(iii) complexité croissante et augmentation du nombre d'événements imprévisibles,qui exigent une démarche interdisciplinaire ;

(iv) mondialisation : de plus en plus de problèmes débordent les limitesterritoriales et revêtent un caractère régional ou planétaire. Maintspays, certains d'entre eux très avancés, continuent de se conformer à larecommandation qui figurait - et figure toujours, je suppose, sur lesfenêtres des trains : "Il est dangereux de se pencher au-dehors". Or,c'est exactement l'inverse qui est vrai aujourd'hui : ce qui estdangereux, c'est de ne pas se pencher à l'extérieur, d'envisager lesproblèmes sous l'angle local et à court terme, au lieu de les situer dansune perspective mondiale, à moyen et à long termes ;

(v) diversité : il existe des variantes multiples de problèmes de même naturedont il faut tenir compte lorsqu'il s'agit d'adopter des solutions.

2. Obsolescence de nombreuses pratiques conventionnelles

L'application par discernement de formules financières, économiques, commerciales,scientifiques, technologiques, éducatives et autres qui n'étaient pas adaptées auximperfections ou insuffisances qu'il s'agissait de supprimer ou de corriger a conduit àdes situations contradictoires et à une aggravation de l'écart existant entre sous-développement et surconsommation.

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Les flux de capitaux et de connaissances constituent à cet égard deux exemplessignificatifs : le Nord - qui est riche - draine les dollars et les compétences du Sudpauvre. Les institutions financières internationales ont appliqué le même traitement àdes pays dont la situation différait sensiblement. Résultat : dans les pays les plusdéfavorisés, le poids de la dette s'est aggravé cependant que les services sociaux(santé, éducation, etc.) ont subi une détérioration radicale et, l'an passé, le sous-développement a subventionné le progrès des pays industrialisés à concurrence de plusde 50 milliards de dollars. Pire encore, dans le même temps, les systèmes de formationet de spécialisation à l'étranger ont favorisé un transfert inverse de celui qui étaitsouhaitable : les pays du Sud, après avoir consenti d'importants investissements pourfaciliter l'accès de leur potentiel humain aux différents niveaux d'enseignement, ontvu les talents qu'ils avaient ainsi formés aller enrichir la capacité intellectuelledes pays les plus développés.

Les lois dites du marché (producteurs, entrepreneurs, consommateurs, fournisseurs desavoir-faire, de techniques, etc.) ont pendant longtemps imposé leur domination aupoint de se muer en règles pratiquement indiscutables. Peu à peu, les idéologies - ycompris celles qui comportaient un fort contenu social - se sont pliées à cettedomination et ont accepté en pratique qu'elle s'exerce jusque dans les rares marges demanoeuvre ménagées par les accords commerciaux internationaux. Il est pourtant évidentque, pour changer d'orientation et éviter que ne perdurent les contradictionssignalées, il faudra modifier bien des choses et, en premier lieu, les paradigmeséconomiques actuels, en y incorporant les trois paramètres que sont l'écologie,l'équité et l'éthique.

Si l'on souhaite véritablement induire un changement radical des modalités actuellesde prise de décision, il est absolument indispensable, à mon sens, de procéder dansles plus brefs délais aux trois opérations préalables suivantes :

(a) Redéfinir les concepts . Pour que l'on puisse modifier une réalité donnée, il fautdéfinir avec précision les termes utilisés pour la décrire. Il est donc urgent deredéfinir les principales notions auxquelles renvoient à la fois la réalitéactuelle et les solutions d'avenir qui semblent les plus appropriées. Troisexemples :

- "Le marché libre". On parle, par opposition au marché dirigé, de marché libreet d'économie de marché ... en oubliant les énormes investissements qu'exigeleur protection (des dizaines de milliards de dollars dans le cas du marchéagricole de la Communauté économique européenne, l'an passé) ;

- "La démocratie". Très souvent, on ne prend en compte que les aspects formels,institutionnels et représentatifs de la démocratie, sans prêter l'attentionqui convient, ni à ses fondements essentiels, ni à ses aspects quotidiens,dont l'absence risque de faire naître un sentiment d'exclusion, demarginalisation et de frustration. Tout comme la liberté et l'amour, ladémocratie ne peut être octroyée par décret ; elle se forge et se conquiertjour après jour. Comme je l'ai déjà indiqué, la démocratie ne peut s'implanterdurablement, en surmontant les difficultés et en résistant aux tentationsdémagogiques, que si elle est participative. La démocratie n'a pas d'autresracines que la famille, l'école, l'administration municipale.

- "Le développement" : exprimé habituellement en termes de croissance économique,à l'échelle nationale et par des valeurs moyennes, il ne tient pas compte desdiversités et disparités territoriales, pas plus

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que des disymétries sociales, ne reflète pas la répartition des ressources etne prend en considération ni le respect de l'environnement, ni la nature desfacteurs de croissance. C'est la raison pour laquelle, au cours de cesdernières décennies, le développement a été diversement qualifié : on a dittout d'abord qu'il devait être "intégral", en se référant à la multiplicité desaspects dont il fallait se préoccuper pour obtenir un développement harmonieux; il a ensuite été question de développement "endogène", qualificatif quisoulignait la nécessité d'une intense activité intérieure, d'une déterminationdu pays concerné, qui ne pouvait se développer s'il se contentait d'être lebénéficiaire passif d'une aide extérieure : il s'agissait d'aider les pays àapprendre à s'aider eux-mêmes. Plus récemment, à la suite des travaux surl'environnement et le développement menés par la Commission présidée par lePremier ministre de Norvège, Gro Harlem Bruntland, on a vu apparaître la notionde développement "permanent et durable", qui doit être compatible avec laqualité de l'environnement. Peu après, l'UNICEF a utilisé le terme de"développement à visage humain" et le Programme des Nations Unies pour ledéveloppement celui de "développement humain". Ce dernier qualificatif est sansdoute le meilleur parce qu'il englobe tous les autres et met l'accent surl'être humain en tant que protagoniste et bénéficiaire du développement.

(b) Adoptera des structures moins formelles et simplifier radicalement les procédureset les méthodes actuelles

Je pourrais prendre pour exemple l'organisation internationale que je dirigeactuellement, l'administration publique que j'ai servie ou l'université. Puisquenous sommes ici dans une université, une grande université, c'est ce dernier casque je choisirai. Comme précédemment, quelques exemples suffiront à illustrer monpropos.

- Au niveau de l'institution :

. il faut passer de la perspective de l'enseignement à celle del'apprentissage ;

. passer des études à orientation unique à des études à orientation multiple oudiversifiées, en offrant la possibilité de multiples transferts d'unefilière à l'autre par des passerelles appropriées, des qualificationsintermédiaires, etc. ;

. passer d'une formation temporaire (durée normale d'un cursus) à la formationpermanente (cours de haute spécialisation, formation intensive et recyclage,etc.) ;

- Au niveau du corps enseignant :

. passer d'un statut prématurément octroyé à vie à un système concurrentiel,en instituant deux ou trois périodes initiales d'engagement, de façon àéviter les frustrations personnelles, la médiocrité institutionnalisée etl'endogamie ;

. passer de systèmes électifs, inspirés de la vie publique et ne convenant pasà la vie universitaire, à des mécanismes de garantie et de contrôle de laqualité dans l'exercice des fonctions d'enseignement, de recherche et dedirection ;

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- Au niveau des élèves : l'accès à l'enseignement supérieur est un privilège -même s'il est mérité - réservé à une minorité de jeunes âgés normalement de 17à 25 ou 26 ans. Il faut donner à ces jeunes tous les moyens de réussir afinque la société tout entière, y compris ceux qui n'ont pu accéder àl'université, bénéficient de la bonne utilisation des connaissances qui y sonttransmises. Aucun étudiant ne doit avoir l'impression que son choix estirréversible. Tous doivent pouvoir changer d'orientation et suivre d'autresfilières mieux adaptées à leurs aptitudes et à leur vocation. Persister dansun domaine où l'on sait que l'on n'obtiendra que de maigres résultatsconstitue une immense erreur dont souffriront l'individu aussi bien que lasociété. Aux autres niveaux de l'enseignement, on apprend à apprendre. Al'université, on apprend en outre à entreprendre, à créer, à mettre en route.Les privilégiés ne peuvent prétendre, dans une société démocratique et, de cefait, concurrentielle, que l'administration leur fournisse aussi un emploi.D'où l'importance de la qualité : c'est elle qui est à l'origine de tout :association, invention, création, production.

- Au niveau de la société : il faut considérer l'université comme uninterlocuteur, comme le centre dont on peut attendre des avis techniquesvalables et des offres de services avantageuses ; resserrer les liens avec lesecteur de production, à la fois sous la forme de contrats de recherche et destages de formation intensive ; entreprises en commun, participation à desinitiatives industrielles, etc.

- Au niveau de l'Etat : l'administration doit considérer l'université comme un deses meilleurs alliés, tant pour l'élaboration de rapports et d'études que pourfavoriser, dans l'intérêt commun des deux parties, la qualité de l'enseignementet de la recherche universitaires. En offrant des prêts sur l'honneur, enincitant les petites entreprises à offrir une formation, en octroyant desdégrèvements d'impôts aux fondations et aux industries qui favorisent lesactivités de l'enseignement supérieur, etc., l'Etat peut jouer un rôleconsidérable dans la conception d'un enseignement supérieur totalementdifférent de ce qu'il est actuellement. Il arrive, surtout dans les paysrelativement peu développés, que l'importation des modèles universitaires despays industrialisés et les systèmes existants d'échanges culturels etscientifiques aboutissent à des résultats contraires à ceux que l'on espéraitobtenir. S'il est une chose que les pays en développement doivent se garderd'importer, ce sont des modèles éducatifs qui ont déjà échoué dans les paysd'origine. Afin d'éviter ces courants de capitaux et cet exode de compétencesvers les pays riches, il convient de trouver rapidement de nouveaux types detransfert de connaissances. L'UNESCO a récemment mis en route trois catégoriesde projets destinés à lutter contre une situation aussi contraire aux intérêtsde la plupart des pays : les réseaux universitaires Nord-Sud et Sud-Sud, leschaires UNESCO, chaires conçues "sur mesure", dont le caractère particuliertient au fait que ce sont les professeurs qui se rendent dans les pays moinsdéveloppés pour faciliter un transfert rapide des connaissances à l'échellenationale et/ou sous-régionale ; enfin, des bourses de courte durée etd'apprentissage intensif, qui permettent normalement d'éviter que le titulaires'installe dans le pays industrialisé.

(c) Renforcer la souplesse et les capacités d'adaptation et d'anticipation. On ne peutattendre des administrations nationales et internationales qu'elles soient à mêmede concurrencer le secteur privé si on ne leur accorde pas le même degré deconfiance. En effet, le secteur privé fonctionne selon le principe d'évaluationex post facto . A l'inverse, les

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administrations publiques doivent satisfaire à de telles formalités préalablesqu'elles sont parfois conduite à se piéger elles-mêmes. Par exemple, commenttrois factures peuvent-elles être présentées pour des instruments qui ne sontfabriqués dans le monde entier que par une seule entreprise ? Pour qu'il y aitvéritable concurrence, c'est-à-dire lutte égale entre des aptitudes et desconnaissances, les règles du jeu doivent être les mêmes pour tous lesparticipants. Ne nous leurrons pas : il n'y a que deux sortes de gestion, l'unefondée sur la confiance et l'autre sur la méfiance. Seule la première engendre lasouplesse, l'aptitude à s'adapter à des situations en évolution permanente et, cequi est plus important encore, à prévoir les scénarios envisageables pourl'avenir, afin d'être dûment préparé à intervenir dans leur déroulement. Il y aquelques semaines, j'ai déjeuné à Paris avec l'un des plus grands chefsd'entreprise américains, M. John Sculley, l'homme du "miracle" de Pepsi Cola etd'Apple. Il m'a dit ceci : "Ma société est en perpétuelle mutation. La permanencene devrait pas être l'une des caractéristiques des organisations ... Certes, lagestion exige des données, un contrôle, des mécanismes de suivi appropriés ...mais la créativité suppose l'instinct, la liberté et l'incertitude". Il fautcompléter le conseil d'Horace "ose le savoir" par celui-ci : "ose agir lorsque tupossèdes le savoir", lorsque les connaissances de base nécessaires sontdisponibles. J'aime à répéter que sans la connaissance, le risque est dangereux,mais que la connaissance sans risque est inutile. Prendre des risques, c'estaller au-delà du visible, se sonder sur une projection raisonnable de la réalité.La prospective est aujourd'hui une composante indissociable du changement.

3. La voix des scientifiques

Mon propos ne concerne pas les spécialistes des sciences expérimentales, dont je faispartie, mais tous ceux qui ont des connaissances dans un secteur quelconque du savoir.Demeurer dans l'isolement serait faire montre d'une totale irresponsabilité. Lesdirigeants d'un côté, les scientifiques de l'autre. Chacun dans sa tour d'ivoire, lesuns et les autres trop souvent sans aucun contact avec la vie quotidienne des citoyens.Il ne s'agit pas de s'unir et encore moins de se confondre, mais de collaborer. Nonseulement d'identifier davantage de problèmes, mais aussi de suggérer des solutionspossibles, fondées sur la rigueur des données disponibles, tout en s'efforçant decombler les lacunes en procédant aux recherches les plus urgentes.

Dans un contexte démocratique - le seul dans lequel il est imaginable que s'établisseune telle coopération et que s'élèvent, le cas échéant, des voix discordantes, et dansun monde dont les médias omniprésents accroissent de jour en jour la transparence, lesscientifiques doivent se faire entendre sous peine de se faire les complices desituations moralement inacceptables. Surtout lorsque l'on risque d'atteindre despoints de non-retour. Certes, nombre de questions restent sans réponse. Mais lorsquele rapport certitudes/incertitudes permet de recommander des actions immédiates, eninformer toutes les instances concernées et veiller à ce qu'elles agissent enconséquence n'est pas seulement possible, c'est un devoir.

Les attitudes - en faveur de la tolérance, de l'environnement, de la démocratie - nes'acquièrent pas, ne se décrètent pas : elles se façonnent. Elles sont forgées parl'éducation, qui doit figurer au premier rang des priorités de toutes les nations. Jedis bien toutes, pas seulement les pays défavorisés. La qualité de l'éducation - peut-être pas de l'information ou de l'instruction - laisse beaucoup à désirer dans lespays dits "avancés". La

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culture de la paix exige l'établissement de nouvelles priorités. Les ressourcesexistent, mais elles sont utilisées à d'autres fins, principalement l'industrie de laguerre. Les dividences de la paix ne deviendront effectifs que si l'on favorise latransition, la reconversion progressive de l'industrie de la destruction en uneindustrie de la construction.

Il n'y a guère à attendre de changement de la part de ceux qui sont bien installés,sûrs d'eux, satisfaits, de ceux qui continuent de considérer leur voisin comme leurseul prochain, qui vivent sans s'interroger, sans se reposer chaque jour les questionsfondamentales. Ce ne sont pas - nous avons tendance à l'oublier en Occident - lessatisfactions matérielles, mais les aspirations morales qui rendent l'individudisponible, prêt à l'effort, voire au sacrifice pour une cause. Comme l'écrit Espriu :"Segur del pa de l'endema,/si t'entafores dins l'oblit,/t'adorms tranquil en calentllit''/1 (Sûr du pain du lendemain, si tu te réfugies dans l'oubli, tu t'endorstranquillement dans un lit chaud). Seules les tensions humaines sont porteuses dechangement. En l'absence de passion ... et de compassion, l'esprit de révolte ne peutperdurer. Ceux qui s'étaient autrefois engagés dans la voie du changement, finissentpar se soumettre. Et l'indispensable "conspiration civile" - comme il plaît à PedroDurán Farell de la nommer - se dissout prématurément dans l'acceptation des "chosestelles qu'elles sont" et le renoncement à la lutte pour faire en sorte qu'elles soient"telles qu'elles devraient être". Pour que s'affermisse une authentique démocratie,pour que s'amenuisent les différences, que la société civile occupe des espaces deresponsabilité incessibles, il n'est historiquement qu'une seule voie : la défense desvaleurs et des idéaux considérés comme essentiels pour le respect de la dignité de lapersonne humaine.

Devant des menaces aussi graves que celles qui pèsent sur l'écologie ou la coexistenceinterculturelle, nous ne pouvons nous permettre de manquer des rendez-vous cruciauxpour notre destin commun. Ces deux dernières années ont été marquées par de nombreuxretards et de longues absences : décrire les événements au lieu d'essayer de lesmaîtriser revient à sous-estimer le potentiel humain. Ceux qui détiennent le pouvoirdoivent toujours garder à l'esprit que les cultures et les croyances ne restent jamaisindéfiniment à genoux et qu'en se relevant, elles risquent de donner dans la démesure.

Connaissances scientifiques et techniques, sociologiques, culturelles ... : étantdonné la complexité des facteurs en jeu, il est bien certain que la prise de décisionne peut être un acte isolé. Les scientifiques doivent absolument se faire entendreavec force, rigueur et en permanence. Aujourd'hui, il nous faut agir, comme toujours,avec beaucoup de délicatesse, mais sans tiédeur. C'est, assurément, en cela queconsiste le "seny". Toute notre force réside dans les mots. Et ces mots, nous devonsoser les prononcer, avoir ce courage que tenait pour acquis Salvador Espriu dans son"Llibre de Sinera" (XV) :

"Voltat de por, enmig del glaç. . .

hem dit els mots que son la sang d'aquestvell poble que volem salvar".

"Figés par la peur, comme pris dans la glace,. . .

nous avons dit les mots qui sont le sang de cepeuple ancien que nous voulons sauver".

1. Salvador Espriu, Setmana Santa, XVIII.

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