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DG/92/6

ORGANISATION DES NATIONS UNIESPOUR L'EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE

Discours- prononcé par

M. Federico Mayor

Directeur généralde

l'Organisation des Nations Uniespour l'éducation, la science et la culture

(UNESCO)

à la conférence annuelle de l'Association américaine pour leprogrès de la science - "La prise de décision dans la viepublique aujourd'hui : la science et le citoyen"

Chicago, 7 février 1992

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Le savoir est la plus grande des richesses. C'est aussi une responsabilité pour ceuxqui le détiennent puisqu'ils doivent le transmettre chaque fois que ce savoir peutservir à corriger des erreurs d'orientation ou contribuer à une prise de décision bienfondée. Nous ne pouvons pas rester silencieux, réduits au rôle de simples spectateurs.Lorsqu'il le faut, nous devons dire ce que nous pensons, parfois d'une voix ferme. Nousdevons en fait devenir des acteurs, pleinement engagés et impliqués en tantqu'habitants de cette planète bleue - elle l'est encore pour le moment - pour lesquelsil n'y a pas de place pour une contemplation passive. "L'enfer réserve ses flammes lesplus ardentes à ceux qui restent neutres dans les temps de grande crise morale",écrivait Dante. Les crises, surtout quand elles sont à la fois morales et matérielles,sont l'occasion de découvrir de nouvelles voies, de réaliser des percées.

La communauté scientifique doit avoir le courage de dire ce qu'elle pense, et de ledire clairement et au moment voulu. "La plupart des gens, disait Martin Luther King,ont tendance à adopter un point de vue si ambigu qu'il embrasse tout et si populairequ'il embrasse tout le monde". Parler clairement aux gens pour favoriser chez eux laprise de conscience. Parler sans détours au pouvoir pour l'orienter comme il convientdans ses décisions. Tels doivent être nos deux mots d'ordre, car l'un et l'autre sontindispensables pour façonner un avenir meilleur.

Les fondateurs de la république que constituent les Etats-Unis d'Amérique (et,permettez-moi de l'ajouter, les cofondateurs américains de l'UNESCO) n'imaginaient pasqu'on puisse bâtir une collectivité qui vaut la peine d'être bâtie, et surtoutraisonnable, sans une étroite symbiose entre le monde de la connaissance et celui dupouvoir. La démocratie dans sa forme idéale exigeait et exige toujours des citoyens, etdes responsables et décideurs qui sont sensibles au monde des connaissancesfondamentales, qu'il s'agisse de connaissances scientifiques, pédagogiques ouhumanistes, et auxquels ce monde est familier. Tous ces aspects font partie de laculture dans son acception la plus authentique et doivent par conséquent jouer le rôlequi leur revient dans la culture politique.

Monsieur le Président, Mon cher ami, le professeur Francisco Ayala, Mes cherscollègues, membres de l'Association, Mesdames et Messieurs,

C'est pour moi, biochimiste et fonctionnaire international, à la fois un grand plaisiret un rare privilège que d'avoir l'occasion de rencontrer une assemblée aussireprésentative de l'élite scientifique des Etats-Unis et de prendre la parole devantelle. Je suis très honoré de me trouver aujourd'hui parmi vous, à Chicago, en tantqu'invité de l'Association américaine pour le progrès de la science. Le programme devotre conférence est très complet puisqu'il porte à la fois sur l'éthique de larecherche, la neurologie de la connaissance, les soins de santé, l'alimentationmondiale, les changements planétaires, le maintien de la paix, et même les "voyagesfantastiques". Le sujet que je vais traiter - et espère que vous ne le rangerez pasdans la catégorie des voyages fantastiques - est l'écart indéniable séparant larecherche du savoir scientifique, qui s'accélère et qui est très spécialisée, del'application de ce savoir à l'élaboration des politiques dans la vie publique.

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En tant que chercheurs et scientifiques, nous apprécions l'intérêt croissant de pouvoiratteindre les yeux, les oreilles et l'esprit des décideurs aux niveaux local, nationalet international. Mais atteindre simplement ne suffit plus. Le temps est révolu où leshommes ou les femmes qui nous gouvernent puissent ignorer en toute impunité les avis duscientifique, du chercheur et de la multitude qui participe à l'application ou à latransmission quotidienne du savoir accumulé par l'humanité en physique, en chimie, enbiologie et dans de nombreuses autres sphères d'action.

En tant que scientifiques, qu'il s'agisse de sciences naturelles ou de scienceshumaines, nous devons affronter dans leur complexité et leur diversité les phénomènesqui se sont imposés aujourd'hui comme ayant une importance égale pour la sécuriténationale que naguère la course aux armes nucléaires, à savoir : l'environnement, lechangement climatique à l'échelle du globe, l'utilisation de l'énergie et la pressiondémographique qui pèse sur la capacité d'accueil de notre planète. Il nous fautégalement - si nous voulons vraiment réfléchir à ces problèmes - nous pencher surd'autres questions humaines plus générales comme les problèmes du sous-développement,les conflits culturels, la pauvreté et l'ignorance, les flux des ressources financièreset intellectuelles qui vont du sud vers le nord au mépris de l'équité et de lasolidarité, sans oublier la nécessité de mettre les libertés nouvellement conquises ouretrouvées à travers le monde au service de la démocratie basée sur la participation.Certes, la science n'apporte pas une réponse complète à l'un quelconque des problèmescruciaux, mais elle peut dans bien des cas contribuer à des solutions ou à desaméliorations viables. Il appartient donc à la communauté scientifique - y compris leséducateurs et les communicateurs - d'aider à combler, dans les allées du pouvoir maisaussi à la base, l'écart qui sépare ce que nous savons de ce que nous faisons.

Les Américains, peut-être mieux que d'autres, se rappellent le rôle de premier planqu'ont joué pendant les années longues et difficiles de la seconde guerre mondialeleurs hommes et femmes de science. Ainsi, le Président des Etats-Unis de l'époqueappela à ses côtés, à la Maison blanche, un conseiller scientifique, le premier dugenre. Cette fonction représentait une attribution tout à fait nouvelle pour despersonnes qui jusqu'alors gagnaient leur vie principalement par la recherche oul'enseignement des sciences. De cette manière, la science contribua à la défaite desennemis de la liberté et de la démocratie - qui avaient déclenché les hostilités alorsqu'ils étaient mieux préparés militairement. A la fin de la guerre, la scienceaméricaine devint une force majeure dans la reconstruction des écoles, laboratoires,musées et des industries de pointe dans une grande partie de l'Europe dévastée et auJapon. Et ce sont des scientifiques et éducateurs américains qui se sont joints à ceuxd'autres pays pour fonder l'organisation que j'ai l'honneur de diriger, l'UNESCO.

Un certain nombre de défis essentiels nous interpellent aujourd'hui, dont l'importanceest comparable à celle des défis qui ont amené le recours aux compétencesscientifiques pendant la guerre. La nature de ces défis me semble faire ressortir trèscrûment les limites de nos procédures traditionnelles de décision. Les décideursd'aujourd'hui sont aux prises avec un certain nombre de facteurs qui rendentinopérantes bon nombre de pratiques bien établies. Je pense au caractère de plus enplus technique des problèmes qu'ils doivent résoudre, et dont la solution exige desconnaissances très spécialisées. En même temps, les problèmes deviennent pluscomplexes, dans lesquels entre en jeu une plus grande imprévisibilité et appelant deplus en plus une approche interdisciplinaire. J'ajoute le rythme accéléré desévénements qui se produisent dans le monde d'aujourd'hui, et qui réclame une réactionplus rapide et une capacité d'information renforcée dans la prise de décision. Enfin,le facteur le plus déterminant est peut-être le caractère de plus en plus mondial desproblèmes que doivent affronter les décideurs nationaux.

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L'environnement, les télécommunications, la santé, l'énergie, l'éducation, lespolitiques en matière de sciences et la défense de la propriété intellectuelle sontautant de domaines où envisager les problèmes dans une perspective purement nationalen'a plus guère de sens. Dans un monde chaque jour plus interdépendant, la prise dedécision doit inévitablement prendre une dimension de plus en plus mondiale.

Il semblerait que ces facteurs pris ensemble appellent une approche nouvelle de laprise de décision au niveau national. La pratique actuelle continue à relever largementdu modèle traditionnel : des experts donnent, chacun dans son propre domaine decompétence, et à titre confidentiel, leur avis aux décideurs, dont les intérêts et lesréflexes sont souvent plus politiques que scientifiques. Pour se départir de ce modèle,il semblerait qu'il faille élargir le processus consultatif et le rendre plustransparent, ce qui donnerait à la prise de décision un caractère de plus en plusscientifique. En même temps, il convient de reconnaître les limites d'une prise dedécision purement nationale et d'accorder l'importance voulue à la coopérationinternationale en la matière. Les scientifiques ont toujours considéré leur propreactivité comme une entreprise fondée sur la collaboration. Aujourd'hui aucun homme -pas même un Jefferson - ne peut à lui seul combler l'écart qui sépare le savoir dupouvoir ; la science doit donc montrer le chemin d'un exercice du pouvoir pluscollectif, plus participatif, au moyen d'une application efficace des connaissances.

Le transfert approprié des connaissances devient ainsi la clé du développement àl'échelle mondiale, non seulement à cause du rôle des sciences appliquées dans la viesociale (en particulier dans les pays en développement) mais aussi de la nécessité deces connaissances à tous les niveaux et à toutes les étapes de la prise de décision.L'Organisation que je dirige attache beaucoup d'importance à la promotion del'enseignement des sciences et à la création progressive d'une capacité scientifiqueendogène dans le tiers monde. A cette fin, elle met au point et en oeuvre de nouvellesmodalités de transfert des connaissances - y compris le renforcement des réseaux et lejumelage des universités, l'octroi de bourses de courte durée et le système de chairesUNESCO, qui visent à dispenser une formation de haut niveau et à créer des noyauxd'excellence dans des domaines intéressant le développement. Au niveau tant régionalqu'international, elle encourage activement la coopération dans les domaines de lascience et de la technologie. En septembre 1990, par exemple, au lendemain de la chutedu mur de Berlin, elle a organisé au Reichstag un colloque de haut niveau sur le thème"La science et la technologie pour l'avenir de l'Europe : nouvelles formes decoopération entre l'Est et l'Ouest". Des réunions analogues ont été ou sont organiséesdans d'autres régions du monde, car une répartition équilibrée et la stabilité de lacommunauté scientifique et technologique sont indispensables au développement nationalet à la prévention de migrations forcées - y compris celles des scientifiques eux-mêmes- qui peuvent avoir des effets très préjudiciables sur la coexistence pacifiqueinternationale et la consolidation des démocraties.

Dans un contexte mondial caractérisé par des déséquilibres spectaculaires et autogènes,l'une des missions essentielles de l'UNESCO, avec l'indispensable concours desscientifiques et spécialistes en exercice dans nos domaines de compétence, consiste àconcevoir et à tester de nouvelles modalités de transfert des connaissances, de ceuxqui sont riches en ressources scientifiques et économiques vers les collectivités bienmoins dotées et beaucoup plus dans le besoin. Ces modalités nouvelles devraientenglober, à tout le moins, la volonté d'élargir les critères de la complexité au-delàde nos étroits domaines de spécialisation et de notre cadre local, et de comprendre queles principaux problèmes qui nous interpellent, dans la nature comme dans la nature descollectivités humaines, transcendent les frontières d'un seul pays, quel qu'il soit, etdoivent être abordés dans une perspective planétaire.

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Partant de cette nouvelle prise de conscience fondamentale, nous pouvons ensuiteenvisager les moyens pratiques par lesquels on garantirait que les connaissances sontsuffisamment et pertinemment mises en commun à travers le monde, de manière que lescitoyens comme les décideurs puissent travailler sur une base mondiale à des solutionsqui reflètent la pluralité de la communauté humaine. Parmi ces solutions figurentnotamment le renforcement des réseaux et des bases de données facilement accessibles,destiné à aider les spécialistes du tiers monde, souvent isolés, dans l'effortquotidien qu'ils font pour transmettre les connaissances les plus récentes dans leursdomaines respectifs. Il faut également prévoir des bourses de courte durée ayant un bonrapport coût-efficacité sur le plan éducatif en vue d'une formation intensive dans lesmeilleurs centres de recherche des pays riches, ainsi que l'envoi dans le tiers mondedes spécialistes du plus haut niveau qui développeraient sur place les talents. En mêmetemps, une application moins formelle des modèles éducatifs importés qui sont déjàfrappés d'obsolescence dans leurs pays d'origine permettrait de réaliser des économiesconsidérables en matière d'investissement, lesquelles pourraient être réparties àmeilleur compte entre un plus grand nombre de chercheurs. Ce ne sont pas là seulementdes solutions à la question de la diffusion des connaissances et des garanties que cesconnaissances ont une incidence sur les décisions en matière de politiques. Ce sont làaussi des solutions toutes trouvées à l'exode des cerveaux, qui détourne les talentsscientifiques et autres des pays qui en ont besoin vers d'autres pays, simplement parcequ'ils y sont mieux payés et mieux équipés. C'est ainsi que pour aider lesscientifiques et ingénieurs russes à refondre leurs structures institutionnelles et àformuler leur stratégie - comment vendre et protéger leurs réalisations, qui sontconsidérables, par exemple ainsi que les propositions qu'ils présenteraient aux sourcesde financement potentielles, j'ai décidé de fournir à l'Académie des sciences deRussie, à titre de mesure d'urgence, un crédit d'amorçage substantiel.

L'exode des talents, qui quittent un environnement peu propice pour d'autresapparemment plus satisfaisants, s'explique aussi en grande partie par la manière dontleur communauté d'origine apprécie et soutient l'acquis individuel dans la quête de laconnaissance. De nouvelles modalités peuvent apporter aux chercheurs et scientifiquescette reconnaissance internationale qui aurait vite une incidence sur leurenvironnement et la prise de décision au niveau local.

Dans le cadre de son programme, l'UNESCO poursuit également un travail de longuehaleine de popularisation de la science et de la technologie en vue de contribuer àdonner aux populations des notions scientifiques de base et à promouvoir une culturescientifique authentique. Car, s'il est vrai qu'une prise de décisions politiquesfondée uniquement sur le bon sens - c'est-à-dire souvent un savoir scientifiquepérimé, datant d'une ou deux décennies - a ses limites, il est vrai aussi que même laprise de décision la mieux fondée et à jour sur le plan scientifique doit venir à boutde coutumes sociales invétérées et d'intérêts particuliers qui résistent auchangement. C'est là que les spécialistes des sciences exactes et des sciencessociales et humaines doivent se rencontrer, au carrefour de ce que nous savons de lanature et de ce que nous ne cessons d'apprendre au sujet de la nature humaine. Descitoyens informés peuvent explorer et adopter une gamme plus étendue d'options que descitoyens embourbés dans l'ignorance et le préjugé.

En tant qu'instrument de la communauté mondiale, l'UNESCO joue aussi pleinement lerôle qui lui revient dans les mesures qui sont prises, pour le moment à titreprovisoire, pour élaborer et mettre en oeuvre une politique mondiale dans un certainnombre de domaines essentiels à la survie et à l'avenir de notre planète. Nous sommesactuellement engagés, comme les autres organismes des Nations Unies, dans lapréparation de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement(CNUCED) qui doit se tenir en

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juin prochain à Rio de Janeiro. Cette conférence fait largement appel aux ressourcesscientifiques des grands programmes de l'UNESCO relatifs à l'écologie, à l'océanologie,à l'hydrologie, à la géologie et à l'important domaine du transfert de l'information.Nous travaillons également en étroite association avec d'autres organes des NationsUnies et bon nombre d'organisations scientifiques non gouvernementales dans le domainede l'environnement - nous le faisons depuis plus de deux décennies - à donner suite(par exemple) au Protocole de Montréal de 1987 sur la couche d'ozone et à la Conférencemondiale de 1990 sur le climat. Cette conférence, avec le précieux concours du GroupeIntergouvernemental d'experts pour l'étude du changement climatique et le coparrainagede l'OMS, du PNUD, de l'UNESCO, de la FAO et du CIUS, est un bon exemple d'une actioncommune menée conjointement par des organisations gouvernementales et le secteur nongouvernemental. Nous sommes convaincus que c'est dans cette perspective pluralistequ'il convient d'aborder les problèmes de l'environnement planétaire et de sonatmosphère - à savoir dans le contexte de la vie, de la mer, de l'eau, de la terre etde toutes les données qui les concernent, sans oublier le rapport entre l'espècehumaine elle-même et son milieu ambiant. Les dernières informations de la NASA au sujetde la diminution de la couche d'ozone au-dessus de l'Amérique du Nord devraientdessiller les yeux de ceux qui sont encore sceptiques et les convaincre de la nécessitéde mettre en oeuvre des politiques mondiales efficaces dans les domaines visés par laCNUCED.

Le regain de faveur dont jouit actuellement le système des Nations Unies permetd'espérer une évolution des attitudes à cet égard. La fin de la guerre froide pourraitéliminer un certain nombre de contraintes importantes qui pèsent sur l'élaboration despolitiques scientifiques comme elle l'a déjà fait pour les relations internationales.Dans ce nouveau contexte, on se montre aussi davantage enclin à envisager la fusion desresponsabilités actuellement réparties sur une base nationale dans des domaines où desconsidérations d'ordre planétaire paraissent s'imposer. Si l'on pense aux récentesopérations de maintien de la paix des Nations Unies, est-il un tel fantasme ou unetelle utopie que d'imaginer qu'un jour, très prochainement, des forces internationalescomposées de chercheurs, de gestionnaires et de techniciens seront constituées pourcoopérer avec les collectivités locales en cas de catastrophes ou en vue de faire faceà des menaces chroniques d'ordre environnemental qui mèneraient à des catastrophesprévisibles ? Ces "casques verts" ou "commandos écologiques", qui pourraient aussicontribuer à favoriser un développement viable, pourraient bénéficier du statutinternational attaché aux Nations Unies et le savoir scientifique, de la même manièreque les Casques bleus qui interviennent militairement dans des situations de conflitouvert ou larvé.

Un autre indice qui permet d'espérer que les gouvernements adopteront des politiquesplus éclairées sur le plan scientifique est le progrès de la démocratie constaté cesdernières années dans toutes les régions du monde. La coopération plus étroite que jepréconise entre la science - prise au sens le plus large du terme - et les pouvoirspublics n'est guère envisageable que dans le contexte de la démocratie, où ceux qui nesont pas d'accord ont la possibilité de faire entendre leur voix. Bien entendu,l'éducation a un rôle important à jouer dans la promotion de la démocratie et sonfonctionnement. De même, elle a un rôle indispensable à jouer dans le développementd'une culture de la paix, notamment par le biais de l'éducation dispensée dans uneoptique mondiale ou internationale. Une culture de la paix exige l'adoption denombreuses priorités nouvelles tant au niveau des attitudes que dans l'allocation desressources. Nous ne pourrons toucher les dividendes de la paix que si nous favorisonsle passage d'une économie de destruction à une économie de construction. Nous devonsêtre prêts à payer le prix de la paix comme nous avons accepté de payer celui de laguerre. De nombreux domaines importants de

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l'activité de l'UNESCO répondent à ce souci - tels son vaste programme d'éducation, quiva de l'alphabétisation à l'enseignement supérieur, les recherches qu'elle mène dansles domaines des droits de l'homme et du règlement des conflits, son programme depromotion et de renforcement de la démocratie dont les premiers jalons ont été laDéclaration de Montevideo de novembre 1990 et le Forum sur la culture et la démocratieorganisé conjointement avec le président Havel en septembre dernier à Prague. On peutaussi dire que tout cela contribue indirectement à renforcer les liens entre lascience, le citoyen et les pouvoirs publics.

Chers collègues,Mesdames et Messieurs,

J'ai peut-être parlé suffisamment longtemps et devrais me soumettre maintenant à undialogue plus démocratique avec mes pairs. Néanmoins, puis-je, en terminant, ajouter unmot au sujet des responsabilités des scientifiques, quel que soit le rôle qu'ils jouentdirectement dans l'élaboration des politiques, dans le nouveau village planétaire, deplus en plus transparent. Dans un monde que façonnent de plus en plus les médiasomniprésents, les scientifiques doivent se faire entendre sous peine de devenir lescomplices du maintien de situations moralement inacceptables. Etant donné l'existencede seuils de non-retour, de tendances qui menacent de causer un dommage ou une perteirrémédiables aux générations futures, il est également d'une nécessité impérieusequ'ils disent ce qu'ils pensent à temps. Dans un tel contexte, le temps acquiert enquelque sorte une dimension morale. Certes, il restera de nombreuses questions ensuspens qui devront être résolues sur bien des points. Mais dès lors que le rapportcertitude/incertitude nous autorise à préconiser une action immédiate, nous ne devrionspas hésiter à le faire auprès des autorités compétentes et auprès du public. Endernière analyse, les scientifiques ne disposent que de la force du verbe ; c'estpourquoi ils ne doivent pas hésiter à faire entendre leur voix avec toute la sobriétéet la rigueur qui sont de mise dans l'entreprise scientifique mais aussi avec lafermeté et le courage qu'exige la quête de la vérité. De cette manière, l'une desprincipales vocations de la science - "parler au pouvoir le langage de la vérité" serahonorée et accomplie, pour le bien de famille humaine.

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