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DG/99/5/KMOriginal français/espagnol

ORGANISATION DES NATIONS UNIESPOUR L'EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE

Discoursde

M. Koïchiro Matsuura

Directeur généralde

l'Organisation des Nations Uniespour l'éducation, la science et la culture

(UNESCO)

à la cérémonie de remisedu Prix UNESCO de l'éducation pour la paix 1999

UNESCO, 13 décembre 1999

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DG/99/5/KM

[Le Directeur général commence son discours en français]

Madame la représentante de l’Association lauréate,Mesdames et Messieurs les représentants des mentions d’honneur,Madame la Présidente du jury international,Mesdames et Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi que de vous accueillir aujourd’hui à cette cérémonie de remisedu Prix UNESCO 1999 de l’éducation pour la paix. Permettez-moi avant tout de remercierchaleureusement les membres du jury de leurs efforts et de leur sagacité.

L’escalade de l’intolérance et de la violence continue à déchirer les sociétés et lespeuples, avec son sinistre cortège de guerres, de conflits et de fractures sociales.

Soyons lucides : la culture de la prévention que l’UNESCO a pour vocation d’instaurerpar l’éducation, la science et la culture, est encore très loin d’être acceptée dans lesconsciences et de se traduire dans les faits. L’histoire de l’humanité, comme les événementsde cette année l’illustrent cruellement, reste dominée par l’intolérance et la violence.Renverser cette tendance apparaît à beaucoup comme une utopie. Vos actions et vosengagements respectifs, votre foi en l’humain, prouvent qu’il n’en est rien.

Les guerres et les conflits ont des racines profondes : la misère économique, l’injusticesociale, l’oppression politique, la violation des droits de l’homme. Une autre de ces causes, etl’une des plus tenaces, est l’ignorance. Les réactions en chaîne qu’elle provoque ont des effetsdestructeurs : ils nourrissent insidieusement le rejet d’autrui, la peur, voire la haine de ladifférence. Ils dressent les uns contre les autres individus, groupes, cultures et aboutissent à unrepli sur soi. Ils sont les pires ennemis du dialogue, sans lequel il ne peut y avoir deconscience saine et équilibrée de l’altérité.

C’est pourquoi l’éducation est au coeur de la construction de la paix. L’éducation pourla paix, les droits de l’homme et la démocratie est inséparable d’une pédagogie qui forme,jeunes et moins jeunes, aux attitudes de dialogue et de non-violence, autrement dit àl’enseignement des valeurs de tolérance, d’ouverture à l’autre, de partage.

Le Prix UNESCO de l’éducation pour la paix a été institué en 1980, grâce à un dongénéreux de la Japan Shipbuilding Industry Foundation, pour récompenser une activitéremarquable qui a largement sensibilisé l’opinion publique et mobilisé les consciences enfaveur de la paix. Il est l’un des éléments importants de la stratégie déployée par l’UNESCOpour mobiliser en faveur de l’édification de la paix aussi bien les particuliers que lesinstitutions.

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[Le Directeur général poursuit en espagnol]

Mesdames, Messieurs,

Je suis particulièrement heureux d'accueillir l'Association des mères de la Place de maid'Argentine, qui a obtenu le Prix UNESCO 1999 de l'éducation pour la paix, et c'est avecémotion que j'en félicite les représentantes. Comme vous le savez, ce mouvement de lutte enfaveur des droits humains et de la paix a vu le jour à Buenos Aires en 1977. Un groupe de14 femmes se sont réunies sur la Place de mai, à Buenos Aires, devant le palais présidentielpour demander à la junte militaire au pouvoir des nouvelles de leurs enfants disparus, qu'ellesrecherchaient depuis des mois en vain, sans jamais obtenir de réponse des organes officiels.La police a essayé de les disperser et, refusant d'obéir, elles se sont mises à tourner en rondsur la place. Cette marche des mères se renouvelle chaque jeudi, depuis 22 ans.

Cette association est un mouvement éthique d'action non violente en faveur de la paix ;une paix fondée sur le respect de la vie et des droits fondamentaux. D'où l'exigence qu'ellemanifeste d'une justice indépendante et d'une société pleinement démocratique.

Son engagement en faveur de l'éducation pour la paix, en particulier au sein de lajeunesse, ne cesse de s'affirmer. Après avoir ouvert une librairie, un café littéraire et un centreculturel comme lieu de réunion et d'échange, les mères ont décidé d'élargir leur action. Ellesviennent de fonder une université populaire qui a pour vocation d'enseigner "la valeur de lavie, de la parole, des principes et de l'éthique" et de doter les hommes et les femmes desmoyens intellectuels, politiques et éthiques nécessaires pour édifier une société plus juste etsolidaire, capable de prendre soin d'elle-même. Par leur courage et leur persévérance, cesfemmes défendent la cause de la paix et de la justice de manière exemplaire. Je les salue avecbeaucoup de respect et d'émotion.

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de remettre à Mme Hebe de Bonafini, présidente de l'Association des mèresde la Place de mai, la statuette qui symbolise la paix, oeuvre du sculpteur Apel.les Fenosa, enmême temps qu'un chèque de 25.000 dollars des Etats-Unis, correspondant à la dotation duPrix UNESCO de l'éducation pour la paix.

Le Directeur général remet la statue, le certificat et le chèque à la Présidente del’Association des mères de la Place de mai

[Le Directeur général reprend son discours en français]

Mesdames, Messieurs,

J’ai également le plaisir de récompenser, par trois mentions d’honneur, d’autres activitésremarquables menées dans le domaine de l’éducation pour la paix.

Mme Irène Drolet, tout d’abord. Cette institutrice canadienne accomplit au Québec unetâche à la fois pédagogique et éthique de première importance : rendre à l’école sa vocation delieu d’apprentissage de la vie démocratique, du vivre ensemble. En formant, dès l’écoleprimaire, les jeunes aux valeurs de tolérance, de respect des droits de l’être humain, de non-violence, elle les initie très tôt à la démocratie participative. Elle vise à faire d’eux des

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citoyens responsables, non seulement au plan national, mais à l’échelle planétaire. Elleparticipe à l’avènement d’une citoyenneté mondiale fondée sur la compréhension et l’écoutede l’autre, et qui fait appel à la participation de chacun et à la solidarité de tous.

Dans sa classe d’école primaire, à la fois atelier de travail, groupe de réflexion et forumdémocratique, Irène Drolet conduit ses jeunes élèves à faire par eux-mêmes l’apprentissageactif de ces valeurs. Ils sont invités à réfléchir sur la pauvreté dans le monde, le racisme, laviolence, la protection de l’environnement, la paix, les droits de l’être humain. C’est ainsiqu’elle permet à l’école de préparer ce changement d’attitudes et d’habitudes indispensableafin que les citoyens de demain reconnaissent enfin dans les relations humaines la force desressemblances et la richesse des différences. Tous mes voeux de réussite l’accompagnent dansla poursuite de cette tâche.

Le Directeur général remet le certificat de la mention d’honneur à Mme Drolet

Mesdames et Messieurs,

La deuxième mention d’honneur va au Verein für Friedenspädagogik Tübingen, l’Associationde l’éducation pour la paix de Tübingen, représentée par M. Uli Jäger. Depuis plus de vingtans, cette association pionnière s’emploie à sensibiliser l’opinion publique aux questionstouchant à la paix et aux conflits, et à renforcer sa vigilance civique. Elle mise essentiellementsur l’éducation pour changer les attitudes et les comportements, convaincue que cestransformations influent directement sur les décisions et les structures politiques. Soucieused’actions concrètes en faveur de la paix et d’une responsabilité citoyenne, elle mène descampagnes internationales contre les armes nucléaires, les essais atomiques, les ventesd’armes et les mines antipersonnel.

Le vaste travail de réconciliation et de communication qu’elle réalise à travers lemonde, en coopération avec de nombreuses organisations non gouvernementales, et sa luttecontre la discrimination et la violence se traduisent par de nombreuses initiatives concrètes. Jeciterai, outre son Programme éducatif mondial (Global Learning), la campagne internationalequ’elle a lancée en 1998 à l’occasion de la Coupe du monde de football pour renforcerl’éthique du franc-jeu, ou fair-play, dans le sport, ou encore l’action didactique qu’elle mèneauprès du public pour aiguiser son sens critique à l’égard des médias, en particulier dans leurfaçon de couvrir les crises et les conflits internationaux.

Je formule tous mes encouragements à la Verein für Friedenspädagogik pour lapoursuite de sa tâche.

Le Directeur général remet le certificat de la mention d’honneur à M. Jäger

Mesdames, Messieurs,

La troisième mention d’honneur récompense la Congrégation des Filles de Marie-Auxiliatriceen Angola, représentée ici par la Soeur Lorella Figgini. Cet ordre religieux de caractèreinternational, qui compte près de 16.000 membres répartis dans 87 pays, s’investit de manièretout à fait remarquable dans sa mission éducatrice. En luttant activement contre lamarginalisation croissante des jeunes, et plus spécialement des femmes, les Filles de Marie-Auxiliatrice cherchent à préserver ce droit essentiel et préalable à tout état de paix qu’est ledroit à l’éducation. Et les femmes, en tant que vecteur privilégié de l’éducation à l’échellefamiliale, sont au coeur de leurs préoccupations.

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Aussi déploient-elles, en Afrique, des efforts particuliers en faveur des enfants et desadolescents, et en priorité à l’intention des petites filles les plus pauvres. Avec le CentreDon Bosco (du nom de Jean Bosco, le fondateur de leur ordre au siècle dernier) qu’elles ontcréé dans la municipalité angolaise de Kakuako, elles ont donné vie, voici neuf ans, à uneexpérience exceptionnelle d’éducation pour la paix et la cohabitation. D’autant plusexceptionnelle qu’elle s’inscrit dans un pays où l’un des conflits les plus longs et les plusmeurtriers du continent africain a mis la population à rude épreuve.

Le Centre Don Bosco est une école de dialogue et de coopération. Que les Filles deMarie-Auxiliatrice en soient félicitées !

Le Directeur général remet le certificat de la mention d’honneur à Soeur LorellaFiggini

Pour conclure, j’aimerais citer ces paroles du professeur Paulo Freire, qu’il aprononcées au moment où il recevait en 1986, des mains du Directeur général de l’UNESCO,ce même prix de l’éducation pour la paix : "Des anonymes, des malheureux, des exploités, j’aisurtout appris que la paix est fondamentale, indispensable, mais que la paix exige qu’on sebatte pour elle. La paix se crée, s’édifie, dans le dépassement de la réalité, de cette réalitésociale perverse. La paix se crée, s’élabore dans la conquête incessante de la justice sociale".

C’est ce combat que nous menons tous ici, et que je vous invite à continuer de menersans relâche.

D’autres obligations m’appellent à présent, et je ne pourrai, à mon vif regret, écouteravec vous le concert qui va suivre. Je remercie les musiciens présents et, toutparticulièrement, M. Miguel Angel Estrella, grand pianiste argentin, ardent défenseur deslibertés, et ambassadeur de bonne volonté auprès de l’UNESCO, qui nous a fait l’honneur d’yparticiper.

Je vous remercie.