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Diachronie: l'apport de GenèveAuthor(s): Rudolf EnglerSource: Cahiers Ferdinand de Saussure, No. 42 (1988), pp. 127-166Published by: Librairie DrozStable URL: http://www.jstor.org/stable/27758397 .
Accessed: 14/06/2014 14:13
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Rudolf Engler
DIACHRONIE: L'APPORT DE GEN?VE*
1 Selon un raccourci commode de l'histoire de la linguistique1, on a fait de la grammaire jusqu'? Bopp, de la linguistique comparative et histo
rique de Bopp ? Saussure. Ensuite Saussure aurait donn? un fondement
linguistique ? la grammaire en d?finissant un point de vue synchronique pour l'?tude de la langue; il aurait appel? diachronie la linguistique comparative et historique, accept?e telle quelle. Dans cette vue, le prin
cipal apport de Gen?ve aux ?tudes diachroniques est d'avoir forg? et
divulgu? un terme2. Pourtant un des linguistes contemporains les plus perspicaces, Hugo
Schuchardt, a dit de la distinction saussurienne en diachronie et
synchronie:
[1] Das kommt mir so vor wie wenn man die Lehre von den Koordi
naten in eine von den Ordinaten und eine von den Abszissen spal tete (Literaturblatt 38, 1917, 4).
Il vaut la peine de m?diter cet avis qui sugg?re une interpr?tation toute diff?rente du r?le de Gen?ve: dans un ensemble de faits consid?r?
jusqu'alors un et indivisible, une d?limitation a ?t? op?r?e; par une d?ci sion th?orique un ordre de ph?nom?nes a ?t? isol? et oppos? ? un autre; une m?thode propre est assign?e ? chacun des ordres et deux disciplines
* Communication pr?sent?e au Colloque La diachronie hier et demain, Lille 21-23
octobre 1982, dont les actes n'ont jamais paru. Cf. l'article Saussure et la diachronie (TLL 22/1, 1984, 19-51) de Claude Buridant, rapporteur g?n?ral de la s?ance, ? laquelle ?tait
intervenu ?galement Peter Wunderli. 1 Vue sugg?r?e par CLG 121/118ss. (CLG/E 1357ss.). 2 ?Les termes 'diachronique' et 'diachronie' ont ?t? cr??s par Saussure; il n'a y a pas eu
d'ant?c?dents ? ma connaissance? (Koerner 1980, p. 100).
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ind?pendantes sont constitu?es. M?me si certaines formules et les
m?thodes employ?es restent similaires, la diachronie saussurienne dans
cette seconde vue est tout aussi nouvelle que sa synchronie. En outre, l'apport de Gen?ve n'est pas forc?ment r?duit ? celui de
Saussure. Deux linguistiques au moins, Charles Bally et Albert Seehe
haye, ont d?velopp? des th?ories personnelles qui ont des racines ant?
rieures aux cours saussuriens3. Ils ont tent? par la suite d'accorder leurs vues ? la 'doctrine' saussurienne4, mais des diff?rences sensibles persis tent. La notion de diachronie saussurienne est modifi?e et enrichie par leur apport. Il semble juste d'en tenir compte.
2 Dans un travail ant?rieur5, nous avons tent? de d?finir quelques acceptions linguistiques du terme d'histoire au XIXe si?cle: histoire
mythique postulant sous une forme ou une autre l'id?e de perfection des
origines, histoire naturelle assimilant la langue ? un organisme portant en
lui sa vie et sa mort, histoire humaine qui suit et interpr?te les documents. La philologie romane inaugur?e par Diez et poursuivie en France par Gaston Paris et Paul Meyer d?fend et cerne cette acception d'histoire humaine des langues contre toute autre et commence ? y distinguer deux branches: l'histoire externe fond?e sur l'histoire des peuples parlant une
langue (extension et transport, colonisation, extinction; formation de
langues litt?raires et officielles) et l'histoire interne des entit?s de langue (phon?tique historique, histoire des formes, des constructions et des sens), puis au centre de l'histoire interne na?t une notion d'?tat de langue: ?tat
historique, fortuit, form? par les accidents historiques internes et externes de la langue. C'est l'ant?c?dent de l'?tat synchronique saussurien, mais
3 Charles Bally (1865-1947): th?se de Berlin 1889 De Euripidis tragoediarum partibus lyhcis quaestiones; Les langues classiques sont-elles des langues mortes? 1899; Contribution ? la th?orie du z voyelle 1902; Les diphtongues longues de l'attique 1903; Pr?cis de stylistique 1905; Albert Sechehaye (1870-1846): th?se de Goettingue 1902 Der Konjunktiv Imperfect i und seine Konkurrenten in den normalen hypothetischen Satzgef?gen im Franz?sischen', Programmes et m?thodes de la linguistique th?orique 1908.
4 V. en particulier Ch. Bally, Ferdinand de Saussure et l'?tat actuel des ?tudes linguis tiques [1913], in Le langage et la vie, Gen?ve, Droz; Lille, Giard, 1952, p. 147-159; A. Seche
haye, Essai sur la structure logique de la phrase, Paris, Champion, 1926: Appendice: Note sur le classement des disciplines linguistiques (219-223).
5 R. Engler, Sous l'?gide de l'histoire (Les m?tamorphoses d'un terme et ses enjeux th?o
riques dans la constitution d'une science linguistique au XIXe si?cle), Langue fran?aise 48, 1980,100-112.
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 129
toujours compris dans une unit? de vue fondamentale, qui trouve l'accord
de la plupart des linguistes de la fin du si?cle:
[2] Ruhe und Bewegung (diese im weitesten Sinne genommen) bilden
wie ?berhaupt so bei der Sprache keinen Gegensatz; nur die Bewe
gung ist wirklich, nur die Ruhe ist wahrnehmbar (Schuchardt, ibidem, 4).
Ce n'est pas dire que les deux autres conceptions aient ?t? compl? tement abandonn?es. L'id?e de perfection de l'?tat ancien est toujours latente en linguistique historique, m?me si la nouvelle linguistique, de
Whitney aux n?ogrammairiens, r?p?te ? l'envie l'adage qu'il ne faut rien
postuler pour les temps pass?s qui ne soit observ? dans les langues modernes. La th?se naturaliste trouve un refuge dans la croyance aux lois
phon?tiques et aux tendances linguistiques. Au nom de l'unit? fonda
mentale des ph?nom?nes humains le m?me Schuchardt qui bl?me la
dichotomie saussurienne de synchronie et diachronie s'?leva contre la
distinction de ph?nom?nes phon?tiques, physiologiques et de ph?no m?nes analogiques, psychologiques. En g?n?ral un autre accord sur la
multiplicit? irr?ductible des faits empiriques, historiques - contraire ?
toute classification sch?matique - s'instaure entre romanistes (notam
ment Schuchardt, Ascoli, Meyer, Paris) qui combattent les th?ses natu
ralistes et mettent en question le concept de lois naturelles, aveugles et sans exception.
Appara?t ici l'ambig?it? de la position saussurienne. Orient?, initia
lement au moins (v. infra [4]), vers l'empirisme historique et tributaire de
l'?cole romaniste6, il enseigne, ? l'encontre des m?mes romanistes, une
opposition stricte entre ph?nom?nes (ou 'lois') phon?tiques et formation
analogique (se rangeant ainsi du c?t? des n?ogrammairiens) et en fait m?me la pierre angulaire de la distinction entre faits diachroniques et
synchroniques (distinction rejet?e par les m?mes n?ogrammairiens et par Schuchardt au nom du principe historique). L'opposition d'?coles, qui semblait tout ? fait nette, se brouille; il n'y a plus de limites tranch?es entre tendances diff?rentes mais une distribution diverse des m?mes
6 R. Engler, Saussure und die Romanistik, Universit?t Bern, Institut f?r Sprachwissens chaft, 1976 (Arbeitspapiere 16).
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130 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
arguments7. Le m?me ph?nom?ne se reproduit ? l'int?rieur de l'?cole de Gen?ve. C'est Bally qui le premier affirme avec force le principe synchro nique, tandis que Sechehaye en ignore la division compl?mentaire de
langue et parole dans son livre th?orique de 1908. Il cherchera de la r?cu
p?rer ensuite, mais persiste ? donner ? sa diachronie une dimension
psychologique ?trang?re aux originaux saussuriens. Bally le suivra dans cette voie.
Enfin, en d?pit de ce qui vient d'?tre dit sur les affinit?s et les dimen sions int?rieures ou ext?rieures, on peut dire que la distinction entre
synchronie et diachronie appara?t ?tre la pi?ce majeure de l'apport 'gene vois' ? la linguistique de 1916.
3 II faut donc partir, pour ?valuer l'apport de Gen?ve, de la notion d'histoire et plus particuli?rement de ce qu'il y a pu avoir de commun
dans cette notion chez les diff?rents linguistes de la fin du XIXe si?cle, en
laissant provisoirement de c?t? ce qui a pu s'y m?ler d'?tranger. Une s?rie de citations d?j? connue8 peut nous aider ? discerner ce fond commun:
[3] Le mot historique, appliqu? ? la grammaire d'une langue, [...] signifie seulement [...] que les ph?nom?nes grammaticaux se produisent non
ensemble mais successivement, en sorte que l'?tat d'une langue ? un
?tat donn? de son existence est toujours la cons?quence de son ?tat
ant?rieur, modifi? soit par les lois qui lui sont immanentes, soit par des causes externes. Il en r?sulte que pr?tendre faire la grammaire d'une langue sans conna?tre l'histoire de cette langue, c'est-?-dire les
phases qui ont pr?c?d? celle qu'on ?tudie, c'est renoncer ? tout
r?sultat scientifique. Le travail se r?duit alors ? une simple cons
tatation empirique, comme dans les manuels ? l'usage des ?trangers, ou ? une technique, comme dans nos grammaires ordinaires (Paris 1868: M?langes, p. 167s.);
7 V. pour le m?me ph?nom?ne ailleurs R. Engler, Linguistique 1908: un d?bat-clef de
linguistique g?ographique et une question de sources saussuriennes, in: Progress in linguistic
historiography, Amsterdam, Benjamins, 1980, p. 257-270, et Geograf?a ling?istica e assio
matica saussuriana: di una convergenza ideol?gica nelprimo Novecento [1978], in: Ideolog?a,
filosof?a e ling?istica, Atti del Convegno internazionale di studi, Rende (Cs), 15-17 sett. 1978,
Roma, Bulzoni, 1982, 356-375. 8 V. l'article cit? n. 5. Nous laissons de c?t? la premi?re citation, de Schlegel, qui
renferme un sens tout diff?rent d'histoire.
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 131
[4] es ist eingewendet, dass es noch eine andere wissenschaftliche
betrachtung der spr?che g?be, als die geschichtliche. Ich muss das in
abrede stellen. Was man f?r eine nichtgeschichtliche und doch wissenschaftliche betrachtung der spr?che erkl?rt, ist im gr?nde nichts als eine unvollkommen geschichtliche, unvollkommen teils durch schuld des betrachters, teils durch schuld des beobachtungs materials (Paul 1886, p. 19);
[5] plus on ?tudie la langue, plus on arrive ? se p?n?trer de ce fait que tout dans la langue est histoire, c'est-?-dire qu'elle est un objet
d'analyse historique, et non d'analyse abstraite, qu'elle se compose de faits, et non de lois, que tout ce qui semble organique dans le
langage est en r?alit? contingent et compl?tement accidentel (Saus sure 1891: CLG/E 3283.15).
?Tout dans la langue est histoire?; ?[la langue] est un objet d'analyse
historique, et non d'analyse abstraite?: la citation [5], saussurienne, semble l'addition des citations [3] ?l'?tat d'une langue ? un ?tat donn? de son existence est toujours la cons?quence de son ?tat ant?rieur? et [4] ?[Es
gibt keine] andere wissenschaftliche betrachtung der spr?che [...] als die
geschichtliche?. La pr?valence de l'objet et de l'analyse historique -
qui ne signifie pas encore diachronique mais englobe les ?tats - en d'autres
mots l'appartenance de la langue au devenir temporel et aux actes
humains est l'affirmation commune des trois linguistiques. Car c'est l? la
d?finition d'historique au sein des Kulturwissenschaften9:
[6] [...] La langue a une histoire, c'est un caract?re constant. Est-il d?cisif
? lui seul pour ranger la science du langage dans les sciences histo
9 Nous choisissons le terme de Paul et Rickert. Pour Gaston Paris la distinction est entre sciences historiques et sciences naturelles; elle est douteuse, car ?la classification des sciences doit s'appuyer sur leur m?thode et non sur leur objet. Mais si on veut conserver
cette distinction, on sera oblig? d'admettre que la linguistique appartient ?galement aux
deux s?ries de sciences? (Grammaire historique, p. 166). Naville (Classification des sciences
1888; Nouvelle classification 1901, 21920), pour autant qu'il reconna?t la linguistique comme
science autonome, h?site entre 'science des faits' ou 'science des lois' (auxquelles il oppose comme 3L division les 'sciences des r?gles id?ales d'action), v. R. Engler, S?miologies saus
suriennes, 2: Le canevas, CFS 34, 1980, 3ss. Saussure ?voque un compartiment particulier des 'sciences s?miologiques' entre les sciences historiques et les sciences naturelles. Pour
Sechehaye, v. [56].
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riques?10 Assur?ment non. La Terre par exemple a une histoire, qui est racont?e par la g?ologie, d'o? il ne suit pas que la g?ologie soit une science historique au moins au sens ?troit et pr?cis que nous
donnons ? ce terme. Quelle est donc la seconde condition impliqu?e par le mot de science historique? C'est que l'objet qui fait la mati?re
de l'histoire - par exemple l'art, la religion, le costume, etc. - repr?
sente, dans un sens quelconque, des actes humains, r?gis par la
volont? et l'intelligence humaine - et qui d'ailleurs doivent ?tre tels
qu'ils n'int?ressent pas seulement l'individu mais la collectivit?
(Saussure 1891: CLG/E 3283, 17s.).
Rien de contraire ? cette vue dans la notion d'?tat: nous l'avons fait
entrevoir (citations 2-3 et ? 3). On a pu retrouver chez Hermann Paul la
plupart des observations que Saussure r?unit sous le point de vue
synchronique; mais on a pu remarquer avec tout autant de pertinence qu'on n'avait pas le droit pour autant d'affirmer que Paul renfermait la
synchronie11: la lecture de Paul ? travers Saussure trompe sur le sens
v?ritable de ses d?clarations. L'opposition n'est pas dans l'inclusion ou non de l'?tat, mais dans le rapport qu'on ?tablit entre histoire et ?tat. Ce
rapport chez Paul comme chez Schuchardt (cf. [2] ?nur die Bewegung ist
wirklich?) fait de l'histoire le concret, de l'?tat une perspective secondaire, abstraite:
[7] Die deskriptive Grammatik verzeichnet, was von grammatischen Formen und Verh?ltnissen innerhalb einer Sprachgenossenschaft zu
einer gewissen Zeit ?blich ist, was von einem jeden gebraucht werden kann, ohne vom andern missverstanden zu werden und ohne ihn fremdartig zu ber?hren. Ihr Inhalt sind nicht Tatsachen, sondern nur eine Abstraktion aus den beobachteten Tatsachen.
Macht man solche Abstraktionen innerhalb der selben Sprachge
10 Remarquer l'ambigu?t? de l'expression. Saussure oppose 'historique'
= 'qui a une
histoire' ? 'impliqu? dans l'histoire des hommes'. 'Sciences humaines' aurait pu ?tre un meilleur terme, s'il n'y avait pas l'opposition latente ? la philosophie et ? la psychologie que Saussure consid?re comme humaines mais abstraites; cf. Paris, pour qui la ?psychologie des
peuples rentre, par un certain c?t?, dans les sciences naturelles? (Grammaire historique, p. 166).
11 E. F. K. Koerner, Hermann Paul and synchronie linguistics, Lingua 29, 1972, 204-307. - M. Reis, Hermann Paul, in Beitr?ge zur Geschichte der deutschen Sprache und Literatur
(T?bingen), 100, 1978, 159-204.
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 133
nossenschaft zu verschiedenen Zeiten, so werden sie verschieden ausfallen (Paul 192012: 24).
Pour Saussure, l'?tat est tout aussi r?el que l'?volution:
[8] Ce n'est pas en ?tudiant les corps (= r?alit? diachronique) qu'on conna?tra les projections (= r?alit? synchronique
= aspect de la
r?alit? diachronique projet? sur un plan d?termin?) [...] (CLG/E 1457 C);
il est m?me possible, en tenant compte de sa notion toute particuli?re de
concret et r?el -
[9] Crit?re de ce qui est abstraction pure et de ce qui est concret: A tout
moment, il est parl? du danger des abstractions. Pour se rendre
compte de ce que c'est, il faut un crit?re. Ce crit?re est dans la cons
cience de chacun. Ce qui est dans le sentiment des sujets parlants, ce
qui est ressenti ? un degr? quelconque, c'est la signification, et on
pourra dire alors que le concret r?el [...] [est] ce qui est ressenti, ce
qui ? son tour [est] ce qui est significatif ? un degr? quelconque
(CLG/E 1737 D)
d'affirmer qu'il est seul r?el:
[10] La linguistique synchronique s'occupera des rapports logiques et
psychologiques reliant des termes coexistants et formant syst?me, tels qu'ils sont aper?us par la m?me conscience collective. - La
linguistique diachronique ?tudiera au contraire les rapports reliant
des termes successifs non aper?us par une m?me conscience collec
tive [...] (CLG 144/140 < CLG/E 1660s.).
Notre propos est de faire voir qu'en effet Saussure amorce ce
renversement des valeurs qui aboutit finalement ? faire de l'histoire -
dans l'acception ?troite de diachronie - la chose abstraite.
3.1. ?Bewegung [...] im weitesten Sinne genommen? (Schuchardt [3]) -
'histoire au sens ?troit de diachronie': il est ?vident que la diachronie du
XXe si?cle n'est pas l'histoire du XIXe et que le mouvement du concret ?
l'abstrait va de pair avec une forte perte de substance. En particulier, le
12 Nous citons maintenant l'?dition d?finitive de 1920, r?impression de 1960.
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134 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
mouvement linguistique de Schuchardt, l'histoire de Paul comprennent la
parole, qui est un acte dans le temps, et que Saussure fait d?pendre de la
synchronie (la comprenant ainsi dans le champ de la r?alit? consciente), tout en statuant qu'elle est ? l'origine de la diachronie:
[11] tout ce qui est diachronique dans la langue l'est par la parole (CLG/E 1640 D),
mais:
[12] on n'a jamais parl? qu'avec des ?tats. Ce sont les ?tats seuls qui sont
importants [...] (CLG/E 1486 C).
3.2. Retranchements et divisions sont le prix que la science paie pour sa
progression. Les n?ogrammairiens n'y ont pas ?chapp? plus que Saussure. Leur premier grand abandon est l'id?e d'ensemble linguistique supra individuel contenue pour Schleicher dans l'id?e d'organisme naturel et
r?cup?r?e par Whitney ? travers sa conception institutionnelle de langue. C'est peut-?tre ce d?faut qui les induit ? donner tant d'importance ? la notion de loi phon?tique. La loi phon?tique sauvegarde l'unit? historique de la langue, explique la diversification g?ographique, contraint les indi vidus et oppose les groupes. Mais on ne voit pas tr?s bien sur quoi elle se
fonde. Osthoff (Das physiologische und psychologische Moment in der
sprachlichen Formenbildung, 1879) pensait recourir ? des diff?rences de constitution physiologique des hommes:
[13] Wenn zwei einzelne Individuen A und B in Hinsicht auf die Aus
sprache eines Sprachlautes oder genauer auf die F?higkeit dazu sich verschieden verhalten, so wird es dem unbefangen Urtheilenden doch offenbar am n?chsten liegen, diese Erscheinung auf eine Verschiedenheit der Sprachorgane zur?ckzuf?hren, welche dem A etwas erm?glicht, was B nicht fertig bringt, oder
umgekehrt. Ganz ebenso muss es zwischen zwei V?lkerindividuen sein. [...] Ganz derselbe Umstand, Verschiedenheit der Sprachor gane n?mlich, muss aber offenbar auch verantwortlich gemacht werden, wenn bei einem und demselben Volke auf zwei verschiedenen Punkten seiner historischen Sprach entwicklung sich das verschiedene Verhalten in Hinsicht auf die
Aussprache eines Lautes zeigt. Wir gelangen also hier zun?chst zu
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 135
dem Schl?sse: eingetretene Verschiedenheit, d. i. einfach Ver?n
derung der Sprachorgane ist im allgemeinen die
eigentliche Ursache des historischen Lautwandels der Sprachen (ed. Christmann, p. 219s.).
C'est un point de vue qui ne pourra ?tre maintenu [cf. 14]. Brugmann (Introduction ? Osthoff-Brugmann, Morphologische Untersuchungen, 1,
1878) se rabattra sur l'aspect psychologique du changement phon?tique et Paul interposera r?solument l'image psychique du son et du mouvement
articulatoire. Mais la loi phon?tique n'est pas expliqu?e par l?, et jusqu'? Sapir il lui reste, avec l'id?e d'absolu et de tendance inh?rente, un arri?re
go?t de conception organique de la langue. Osthoff opposait la loi phon?tique comme d?pendant d'un principe
physiologique ? l'analogie qui est psychologique. C'est la grande division des n?ogrammairiens, et on ne peut leur refuser le m?rite d'avoir clarifi? la linguistique en reconnaissant une action r?guli?re ? l'analogie, la d?ba rassant de l'?pith?te de 'fausse'. Mais l'h?t?rog?n?it? des forces physio logique et psychologique offensait la notion de l'unit? du ph?nom?ne linguistique:
[14] Tobler [c.r. Paul 1880, Literaturblatt 2, 1881; v. ?galement L. Tobler, Ueber die Anwendung des Begriffes von Gesetzen auf die
Sprache, Vierteljahresschrift f?r wissenschaftliche Philosophie 3,
1879, 130-52] weist darauf hin dass ?heterogene Kr?fte sich nicht
ausgleichen, ja eigentlich ?berhaupt einander nirgends ber?hren
k?nnen?. Es wird kaum von vornherein die Heterogenit?t von
Kr?ften sich bestimmen lassen; sie ergibt sich eben erst aus der
absoluten Getrenntheit ihrer Wirkungen. Der Wille vermag im
eigenen K?rper substantielle Ver?nderungen nicht zu hemmen, wohl aber Reflexbewegungen, und das erkl?rt sich daraus dass diese
weiter nichts als mechanisch gewordene Willenshandlungen sind.
Der Fall der uns besch?ftigt, ist ein ?hnlicher. Wo die rein physio
logische Ursache einer Lautvertretung ausser Zweifel steht, als
eigenth?mliche Gestaltung, als nat?rlicher oder k?nstlicher Defect
der Sprachwerkzeuge, da sind analogische Ausnahmen unm?glich; wo wir daher solche finden, da haben wir den Gedanken an rein
physiologische Wirkungen aufzugeben (Schuchardt 1885, p. 5).
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136 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
Et comme il s'?l?vera bien plus tard contre la division en synchronique et
diachronique, Schuchardt attaque la division en ph?nom?nes analogiques et phon?tiques elle-m?me au nom de l'unit? et de la continuit? des faits
linguistiques:
[15] Ich habe es eben schon ausgesprochen dass diejenigen Lautgesetze welche durch die Analogie gest?rt werden k?nnen, psychologisch bedingt sind: dies best?tigt sich nun dadurch dass zwischen den
Erscheinungen der beiden Kategorien keine Kluft, sondern ein
Uebergang wahrnehmbar ist, der sich etwa in folgender Reihe romanischer Beispiele andeuten l?sst: conte = comit?, dunque
=
nunc, treatro = theatro, eglino amano =
egli amano, non grieve ma
Heve = non grave magis leve. Es werden nicht nur unmittelbar
folgende, sondern auch entferntere lautliche Vorstellungen anti
cipiert, und wiederum beruhen die Analogiebildungen zum grossen Theil nicht bloss auf einer ideellen, sondern auf einer thats?chlichen
Nebeneinanderstellung von W?rtern; insofern k?nnen wir sie als eine h?here Ordnung von Assimilationen auffassen. Anderseits lassen sich nicht selten Erscheinungen bei denen durchaus keine
begrifflichen Beziehungen im Spiele sind, auf ideelle Nebeneinan
derstellung zur?ckf?hren, und da k?nnen wir von einer niedrigeren Ordnung von Analogiebildungen reden (Schuchardt 1885, p. 7).
La m?me perspective historique d'une continuit? des faits et de leur pr?valence sur l'artifice des divisions th?oriques est d?fendue par Ascoli -
avec la seule diff?rence qu'il ne rejette pas comme Schuchardt l'enseigne ment des n?ogrammairiens mais conteste qu'il soit essentiellement nouveau et diff?rent de sa propre pratique13:
[16] In unserer 'Schule' wird beispielsweise 'seit undenklichen Zeiten', und zwar stets unter ausdr?cklicher Betonung der systematischen Geltung gelehrt: chied?te an Stelle von ched?te wie die Regel verlangte, ist nach chi?de chi?dere (quaerere) etc. gebildet; hier liegt also eine Ausgleichung vor, indem der f?r den lateinischen Vokal in betonter Stellung regelrechte Lautwandel ?ber die Regel hinaus, oder 'unorganischer Weise', wie wir es bescheiden nennen, auch auf
13 De m?me Saussure r?clame la priorit? de Whitney pour certains grands principes des n?ogrammairiens (CLG/E 3300, 3).
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 137
die unbetonte Stellung ?bergreift; wir haben demnach einen Fall
von 'auf analogischem Wege sich ausbreitendem
Lautwandel' vor uns. F?r den parallelen Vorgang hinsichtlich
der Konsonanten ist ein bequemes Beispiel das dialektische cresso
cresco, welches nach cressi, cresse, crescis, -it gebildet ist (s. Kuhns
Zeitschr. XVI, 1867, und vgl. Arch, glott. VII, 419). Ebenso wieder
holen wir seit einer langen Reihe von Jahren: lateinisches ? in
offener Silbe ist im Franz?sischen zu e geworden, aber zu ie wenn c
etc. vorherging; daher hatte das Altfranz?sische zwei Typen von
Infinitiven der ersten Konjugation: trouver chevauchier; aber im
modernen Franz?sisch verschwindet der zweite Typus (w?hrend im
Francoprovenzalischen diese Verschiedenheit sich noch weiter
versch?rft und dauernd fortbesteht; s. Arch, glott. III); dies ist eine
Ausgleichung, insofern diejenigen Formen, denen organisch eine
besondere Umgestaltung des lateinischen Vokals zukam, sich dem
Typus der zahlreicheren Formen anschl?ssen, die eine solche nicht
erlitten hatten; somit haben wir es mit der Kategorie des auf
analogischem Wege unterdr?ckten Lautwandels zu
thun. Ja wir sind sogar thats?chlich noch weiter gegangen: wir
haben auch diejenige Kategorie stets mit Nachdruck hervorge hoben, wo die Ausgleichung durch einen auf analogischem
Wege hervorgerufenen oder geregelten Lautwandel zu Stande kommt. In ital. esco esci uscite etc. (exire) sehen wir, wie
einerseits (vgl. Arch, glott. III, 447) die organische Reihe ""eso esi ese
nach dem h?ufigeren Typ cresco cresi crese, finisco finisi, etc. nivel
liert oder eigentlich differenziert wird, und wie anderseits eine
eigent?mliche Ver?nderung, die von lexikalischer Kontamination
(uscita u.s.f. statt escita u.s.f. wegen uscio) ausgegangen ist, in einer
bestimmten Kategorie von Formen nach Analogie des Wechsels von
e mit ie etc. an die Stelle des unversehrten Lautes tritt (?sce uscite,
parallel mit si?de s?dete, ?do ud?te, etc.). Der organische Wechsel
zwischen o und ie ( =
ue), der in surselvisch ziep zops lahm und in so
vielen andern F?llen vorliegt, ergreift schliesslich unorganisch auch
den Reflex von caecus: cieg coc-s. Wie jedermann weiss, w?rde es
ein Leichtes sein, die Beispiele ins Unendliche zu h?ufen und dabei
alle m?glichen sekund?ren Unterschiede hervorzuheben (Ascoli 1887, p. 109s.).
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138 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
3.3. Un terme frappe chez Ascoli, le terme d'organique. Il se rapporte aux ?volutions phon?tiques 'r?guli?res' et fait toucher du doigt le rapport entre conception organique et loi phon?tique que nous supposions pour les n?ogrammairiens. Mais il ne faut pas trop se fier aux termes14: pour le
reste, la conception d'Ascoli est beaucoup plus historique que celle des
n?ogrammairiens et toujours voisine de Schuchardt, qui est ? l'oppos? d'une conception organique. C'est d?montrable si nous consid?rons deux autres ?l?ments de leur critique aux n?ogrammairiens: leur refus de
distinguer des ?poques d'?quilibre et des ?poques transitoires d'une
langue et de reconna?tre ainsi une t?l?ologie des lois phon?tiques:
[17] ?Die Lautgesetze wirken ausnahmslos innerhalb derselben Periode.? Es ist dies nur eine erg?nzende Bestimmung. Innerhalb erst nachtr?glich festzustellender zeitlicher Grenzen vollzieht sich ein Lautgesetz in der ganzen Ausdehnung der Sprachgenossenschaft und in der ganzen Ausdehnung des Sprachmaterials. [...] Hier nur ein Wort ?ber die ?bergangsstadien im Allgemeinen. Dem Nach weis derselben, mag er nun diesen oder jenen Fall betreffen, sucht man dadurch die Spitze abzubrechen dass man das Gesetz von der
Ausnahmslosigkeit der Lautgesetze f?r die ?bergangsstadien suspendiert. Das ist durchaus unzul?ssig. Jedes Stadium der
Sprache ist ein ?bergangsstadium, ein jedes ebenso normal wie
irgend ein anderes; was vom Ganzen gilt, gilt auch vom Einzelnen. Ich darf mir nicht die Sprache als ein Nebeneinander von fertigen und unfertigen Lautgesetzen denken: das hiesse in die nat?rliche
Betrachtung teleologische Vorstellungen einbauen. Wenn auch ich von ?bergangsstadien rede, so nur in relativem Sinn, nur mit Bezug auf sp?tere schon feststehende Thatsachen; irgend ein gegenw?r tiges Verh?ltnis als ?bergangsstadium zu bezeichnen, dazu haben
wir kein Recht (Schuchardt 1885, p. 17).
[18] Der Lautwandel kann aber nicht allein, wie in den bisher er?rterten
F?llen, in sich selber Abstufungen zeigen, sondern auch in dem
Sinne, dass die ursprachliche Lautform sich in den einzelnen Bei
14 Cf. Paris 1868, qui se sert lui aussi du terme d'organique: ?il faut se garder de
prendre, comme on le fait trop souvent, une m?taphore pour une d?finition. On entend seulement par organique ce qui est conforme aux lois primitives d'une langue, par inorga nique ce qui les viole. Mais les langues ne sont pas, toute m?taphore ? part, des ?tres vivants
[...]? (p. 165). A son tour, Saussure usera du terme avant de le remplacer par 'syst?me'.
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 139
spielen nicht gleichzeitig alterierte, w?hrend dieselben doch keine
verschiedenen Bedingungen, hinsichtlich des Accents oder derglei chen, aufweisen; daraus ergiebt sich dann f?r einen mehr oder
weniger langen Zeitraum ein Schwanken zwischen intakten und ver?nderten Exemplaren, und das Nebeneinanderbestehen von
intakter und ver?nderter Lautform in den n?mlichen Exemplaren. Ob der hier beschriebene Hergang sich leicht ereignet oder nicht, wird nat?rlich zu nicht geringem Teil von der Beschaffenheit des
Lautes oder des Lautkomplexes abh?ngen, an welchem die Ver?n
derung eintritt; mitunter werden uns die Zeitverh?ltnisse erlauben, dies Ph?nomen von Phase zu Phase zu beobachten; wir k?nnen
dasselbe 'die allm?hliche Ausbreitung eines Lautwandels infolge der
successiven Wirkung eines und desselben Antriebes' nennen.
[Exemple de latin TL.] Die Sprache (und unter Sprache ist stets der
Gesammtdurchschnitt der Individualsprechweisen zu verstehen) hat eine sehr energische Tendenz, die wellenf?rmigen Reihen zu nivel lieren (Ascoli 1887, 176 s.);
leur insistance sur le ph?nom?ne g?ographique (circuit? de la d?finition de dialecte et ph?nom?ne de transition):
[19] ?Die Lautgesetze wirken ausnahmslos innerhalb desselben Dialektes?. In dem Audruck ?Ein und derselbe Dialekt? steckt eine
Unklarheit; wir wissen nicht ob wir ihn a priori oder a posteriori zu fassen haben (ob wir z.B. sagen sollen: ?im Dialekt von Neapel, in dem von Rom, in dem von Florenz u.s.w. ist lat. k vor e und / zu c
geworden? oder: ?c = ke^1 herrscht in der Sprache von ganz S?d und Mittelitalien?). Das letztere empfiehlt der damit verbundene Ausdruck ?ein und dieselbe Periode?, welcher nur so genommen werden kann; das Erstere aber die principielle Erw?gung, und so
pflegt man denn in der That hier unter ?Dialekt? eine ganz einheit liche Sprachgemeinschaft zu verstehen. Aber gibt es die? Selbst
Delbr?ck steigt, um eine wirkliche Einheitlichkeit zu finden, inne rhalb deren die Ausnahmslosigkeit der Lautgesetze gelte, zur Indi
vidualsprache herab und zwar zu deren Momentandurchschnitt. Ob diese Beschr?nkung des junggrammatischen Satzes nicht eigentlich ihn aufhebt, oder wenigstens seinen praktischen Werth, das will ich nicht weiter untersuchen (Tobler [1879] schon hatte gesagt: ?je enger die Kreise werden, um so mehr n?hern sie sich dem Indivi
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140 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
duellen, welches niemals von Gesetzen ersch?pft werden kann?); mir aber geschieht nicht einmal damit gen?ge, mir scheint nicht einmal in diesem Falle nothwendige Einheitlichkeit erweislich. So weit direkte Beobachtung an uns selbst oder an anderen reicht, ist die Aussprache des Individuums von Schwankungen nie frei, worunter ich nat?rlich keine in strenger Gem?ssheit der Zeitfolge auftretenden Ver?nderungen begreife. Mit dieser endlosen Sprachs paltung geht endlose Sprachmischung Hand in Hand. Die Beein
flussung des einen Dialekts durch den andern, welche den Jung grammatikern zufolge eine St?rung der ausnahmslosen Lautgesetze bewirkt, und die Ausgleichung der Individualsprachen, welche denselben Junggrammatikern zufolge ausnahmslose Lautgesetze erst erm?glicht, diese Processe von contr?rer Wirkung sind im
Wesen gleich, sie sind nur verschiedene Mischungsstufen (Schu chardt 1885, p. 10).
[20] Neben solchen Lautbewegungen, welche sich ?ber weit ausgedehnte Gebiete erstrecken, und deren Begr?ndung in ethnologischen Verh?ltnissen wir nachweien oder behaupten, wie zum Beispiel die von ? zu i/, hat man stets allgemein auch solche anerkannt, die auf
ein engbegrenztes Gebiet eingeschr?nkt, aber darum nicht weniger
gesetzm?ssig sind, und die man auf ziemlich bescheidene und nicht
sehr alte, ja vielleicht auf individuelle und moderne Gr?nde
zur?ckzuf?hren hat. Dabei hat man auch stets anerkannt, dass der
Unterschied zwischen diesen beiden Kategorien von Lautbewe
gungen, den bisher besprochenen und denen, auf die wir jetzt
anspielen, auch auf einen rein chronologischen Unterschied
zur?ckgef?hrt werden darf. [...] [exemple franco-proven?al]. Eine
gewisse Verwandtschaft, so zu sagen von Haus zu Haus, wird zwi
schen diesen 'Alpenbewohnern mit dem -ek -ik uk\ die wir diesseits
und jenseits des Matterhorns fast aneinander grenzend finden, sicherlich bestehn; und ihre auf wenige Gemeinden beschr?nkte
Eigent?mlichkeit in der Aussprache wird ?ber kurz oder lang unter
der Welle der beiden Kulturstr?mungen verloren gehen, die ?ber
die franco-provenzalische Mundart von h?ben und dr?ben herein
bricht. Denken wir uns aber einmal statt dessen dieses sp?rliche V?lkchen 'mit dem -ik und -uk' in ein sehr sp?rlich bev?lkertes
Europa versetzt, denken wir es uns mit so kr?ftigen Eigenschaften
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 141
ausger?stet, dass es gleichsam von Natur anderen kleinen V?lker
schaften ?berlegen w?re, von denen es in gr?sserer oder geringerer
Entfernung umgeben ist; denken wir uns, es habe einen von jenen M?nnern hervorgebracht, die man mit Recht Begr?nder von
Nationen nennt; so k?nnte dasselbe im Lauf der Jahrhunderte seine
Herrschaft ?ber einen grossen Teil des Kontinents ausgedehnt haben, und mit der Herrschaft seine Sprache. Wenn nun wieder nach einer Reihe von Jahrhunderten eine andere Kultursprache sich ?ber die Sprache 'mit dem -ik und uk' lagerte, und von dieser
Eigent?mlichkeit der ihm unterworfenen Sprache beeinflusst w?rde, so m?sste doch der Schluss bestehn bleiben, dass die von dem -ik
und -uk ausgehende Reaktion eine 'ethnologisch begr?ndete'
Umgestaltung w?re (Ascoli 1887, p. 121s.).
4 Nous avons fait des citations tr?s longues parce qu'il nous semble
qu'elles importent pour l'?valuation de la position saussurienne et de
l'apport de Gen?ve. En fait, ces citations nous ont amen? du commun au
sp?cifique et nous avons retrouv?, dans la critique des romanistes, la face
empirique de la conception historique qui caract?rise avec eux le 'premier' Saussure - si l'on veut opposer ce Saussure au Saussure th?oricien plus proche des n?ogrammairiens
- ou le 'vrai' Saussure - si l'on est pr?t ?
admettre que la concordance de certains textes (en particulier les obser
vations sur la linguistique g?ographique et leur incidence sur la notion de
langue), de 1891 ? 1911, demande une int?gration de l'?difice th?orique dans l'?pist?mologie historique et empirique (cf. notes 5 s.).
Les ?l?ments de cette conception empirique sont: la continuit? dans le
temps et dans l'espace, l'arbitraire de la d?limitation d'une langue ou d'un dialecte et la non-co?ncidence de telles unit?s avec les p?riodes ou les aires de chaque ph?nom?ne, l'aporie de la d?limitation inverse qui part du
ph?nom?ne et est riv? ? lui (Sprache 'mit dem -ik und -uk'), la fortuit? des choses de la langue exemplifi?e par Ascoli comme par Gaston Paris par la
technique des suppositions:
[21] Si le petit peuple romain, au lieu de conqu?rir le monde, avait eu le sort des Etrusques ou des Samnites, non seulement on ne parlerait pas latin ou n?o-latin actuellement en France et en Espagne,
- ce
qui peut ?tre envisag? comme un simple accident historique, - mais
les germes des langues n?o-latines, qui reposaient dans le latin, ne se
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142 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
seraient jamais d?velopp?s. Si au contraire les Etrusques, par
exemple, avaient jou? le r?le des Romains, non seulement la langue
?trusque n'aurait pas p?ri si compl?tement qu'on ne sait ? quelle famille de langues en rattacher les rares d?bris, mais des forces
latentes qui ?taient dans cette langue, que n'y soup?onnaient pas ceux qui la parlaient, que nous ne pourrions gu?re d?m?ler si nous
la connaissions encore, ces forces latentes, dis-je, seraient arriv?es ?
l'expression et auraient produit des langues qui seraient ? l'?trusque ce que les langues n?o-latines sont au latin. Mais ce n'est pas seule ment l'existence de la langue ou de telle de ses formes possibles qui
d?pend de circonstances historiques; la nature de la langue en est
profond?ment affect?e15 (Paris 1868: M?langes p. 165s.).
5 Si nous avons repouss? l'id?e que l'apport saussurien ? la diachronie
f?t avant tout dans les termes, l'examen du terme de diachronie dans les
divers emplois qu'il trouve chez Saussure est pourtant apte ? faire voir
quelle est sa signification pour la nouvelle linguistique, ceci bien qu'il soit
loin d'?tre le seul ? viser les conceptions qui nous importent et qu'une ?tude compl?te d?t comprendre tous les synonymes (linguistique cin?
matique, ?volutive, historique, grammaire historique, etc.). Nous suivrons
pour pr?senter cet examen isol? du terme de diachronie la forme que nous
avons g?n?ralement adopt? pour notre index de l'?dition critique du
Cours de linguistique g?n?rale, faisant suivre chaque paragraphe de quel
ques mots de commentaire:
[22] diachronie: [d?f.] d' 1346 1496 1550?d. 1554?d. 1639?d. 2211 3089 3101 3297,14a [3339T], diachronique s.m. 1337 1406 1453?d.
1494?d. 1498 1500s. 1509 1516 1527 1558 1565 1597?d. 1600 1626 2221 2234 2591 2737 (et adj. 1336 1343s. 1344?d. 1350 1515 1619 1640 2215 2226 2738 3079 3299,1216, d'quement 1509 1518 1624
2230 3314.8) p?riode se passant ? travers le temps 1346, d'o?
a) ordre 1344 2738, champ 1337 2215 3079 3081, mati?re 1554, terrain 1543 1554, sph?re 1527 caract?ris? par le fait qu'on se trouve
15 Dans la suite, Paris - ? la recherche de lois 'historiques' (v. infra, contexte de [26]) -
ouvre le d?bat sur l'influence de la volont? individuelle et sociale sur l'?volution interne de
la langue, d?bat repris plus tard par Bally (v. infra: 7). 16 Le relev? des occurrences est loin d'?tre complet, mais il s'agit plut?t d'indiquer la
direction des r?flexions que d'en livrer tout le d?tail.
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 143
en face d'emplois successifs 1346, d'?tats (de langue 3079) successifs 1346 3079 consid?r?s les uns en face des autres 3079 (mais ce ne
serait pas se mouvoir dans le d'que que de consid?rer deux ou trois ?tats d'un m?me idiome successivement 1337);
b) lien, jonction de termes ? travers le temps 1515; passage d'un
rapport de termes 1396, d'une ?poque 1515, d'un ?tat 2211 ? l'autre; histoire 1600; succession d'?l?ments, d'?v?nements (dont la cha?ne
forme des d's) 3101; vue de la langue ? travers le temps 3081, cf.
1345s. 1515; et en particulier: alt?ration 1345s., changement 1398
1618 2591, d?placement 1475, ?v?nement 1516, ?volution 1348s.
(phase d'?volution 1346?d., champ d'que: grand domaine d'?volu
tions linguistiques 3079), transformation 1514 2428; mais aussi
permanence (des formes casuelles) 1563, cf. 1622 entre capio et
capio, il y a un ph?nom?ne d'que: transmission sans changement; d'que: ce qui a produit un ?tat dans le temps 1350, tout ce qui a
trait aux ?volutions 1344?d. = cin?matique 1336 1343s., dynamique
1343 (d' suppose un facteur dynamique par lequel un effet est
produit, une chose ex?cut?e 1554?d.), ?volutif 1385 1501, historique 1336 1457, 3332,6, cf. 144 151 l?d. 2221 et [term.]; ?* ?tat 1496,
synchronique 1344, 1516 (v. [ling.] et [Ige], grammatical 3332,6
(v. [ling.], statique 1343, cf. 144, synchronique 1344 3299,12 ou
idiosynchronique 1344 3299,12 (v. [ling.] et [term.];
c) correspondance, identit? phon?tique dans le temps 2747?d. -
d'que [...]: Pourquoi ?quivalent de phon?tique? 3299,12 Index; comparer des phon?mes ou des groupes de phon?mes avec ce qu'ils ont ?t? ant?rieurement revient ? ?tablir une d'2221; le changement phon?tique est un fait capital et typique du fait d'que 1565: si le
champ d'que ne renfermait que la phon?tique, l'opposition pos?e entre les mati?res des deux champs [synchronique et d'que] serait tout de suite lumineuse. On aurait d'que = non grammatical; synchronique
= grammatical 2215 -, avec tendance ? r?duire les
changements non phon?tiques ? la phon?tique: Springbrunnen, Reitschule, produits d'un fait d'interpr?tation. Mais historiquement, pour fixer l'origine de ces compos?s, il n'y a qu'? constater le fait
phon?tique (beta-h?s 'maison de la pri?re' >Bethaus 'maison ?
prier'): donc entre les deux interpr?tations, il n'y a qu'un fait d'que (pour le d'que, il n'y a que le fait phon?tique) 2221; l'origine d'une
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144 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
quantit? de faits synchroniques n'est que phon?tique, par
cons?quent d'que 2226; la question de ce qu'il faut penser de la vue
?volutive des choses pour ce qui n'est pas purement phon?tique n'est pas claire; on ne trouvera pas quelque chose de simple l?
dedans, et la phon?tique y jouera un r?le; la phon?tique intervient
g?n?ralement dans l'?tude de tout changement historique 2233 ?=
2233?d. r?sidu semblant justifier l'id?e d'une histoire de la gram
maire; cf. loi d'que repr?sent?e par la loi phon?tique 1565 (v.[?p.] et
Uge});
Sans compter le sens litt?ral, il y a au moins trois d?finitions de
diachronie. Des trois la premi?re la consid?re comme une suite de
synchronies, en pr?cisant cependant que cette suite ne peut pas ?tre une
simple superposition de descriptions d'?tats. En ceci Saussure rejoint Paul
pour qui une suite de descriptions est naturellement insuffisante:
[23] Man erh?lt durch Vergleichung die Gewissheit, dass sich Umw?l
zungen vollzogen haben, man entdeckt wohl auch eine gewisse
Regelm?ssigkeit in dem gegenseitigen Verh?ltnis, aber ?ber das
eigentliche Wesen der vollzogenen Umw?lzung wird man auf diese
Wese nicht aufgekl?rt (Paul 1920: 24, suite de [7]).
Mais elle est insuffisante parce que ces descriptions lui paraissent des
abstractions et qu'on ne peut pas faire d?river des abstractions l'une de
l'autre:
[24] Der Kausalzusammenhang bleibt verschlossen, so lange man nur
mit diesen Abstraktionen rechnet, als w?re die eine wirklich aus der
andern entstanden. Denn zwischen Abstraktionen gibt es ?berhaupt keinen Kausalnexus, sondern nur zwischen realen Objekten und
Tatsachen. So lange man sich mit der deskriptiven Grammatik bei
den ersteren beruhigt, ist man noch sehr weit entfernt von einer
wissenschaftlichen Erfassung des Sprachlebens (ibidem, suite de
[23]).
Il cherchera ? fonder le concept d'une autre description des ?tats qui tient
compte de l'activit? psychique et de la conscience des individus. Saussure
comprend les ?tats grammaticaux comme les produits de cette activit?
individuelle, produits sociaux et r?els reproduisant ? leur tour la cons
cience des sujets parlants: il lui est donc tout ? fait licite de joindre ces
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 145
r?alit?s en diachronie, et c'est l? sa seconde d?finition. Mais il est clair
que cette jonction est, elle, en dehors de la conscience des sujets parlants, donc en dehors de la r?alit? (v. [9]), et qu'elle peut ?tre effectu?e par le
seul linguiste; elle est sa d?duction: une hypoth?se, une abstraction, si
l'on veut, ce qui renverse le rapport entre histoire et description. La troisi?me d?finition qui revient ? identifier autant que faire se peut
la diachronie et l'?volution phon?tique peut ?tre interpr?t?e comme un
dernier reste de la conception irrationnelle, organique de la langue; nous
pr?f?rons y voir l'expression d'une conception s?miotique - ou comme dit
Saussure: s?miologique - de la langue qui veut qu'il y ait toujours, vis
?-vis du c?t? conceptuel, un c?t? mat?riel du signe, et que la continuit? du
signe soit fonction des accidents formels de ce support de signe (th?orie des apos?mes).
*
[25] [?p.] D' n'a pas sa fin en elle-m?me 1500?d., m?ne ? tout pourvu qu'on en sorte 1501; ?v?nements, faits d'ques ne sont que des ?v?nements (?= syst?me, v. [s?m.]) 1516 accidentels 1557 - accidents
d'ques auxquels est expos? l'?tat statique 3251; caract?re d'que, accidentel dans le temps du type linguistique 3251 -, particuliers 1557?d. 1558 - fait d'que ne s'attaque mat?riellement qu'? une
pi?ce 1477; d?placement d'une seule pi?ce suffisante 1475 -; cons?
quences synchroniques leur sont ?trang?res 1400 ?d. - faits d'ques ne tendent pas ? changer le syst?me 1401, n'ont pas pour but de
marquer une valeur par un autre signe 1398?d., de marquer autre ment le pluriel 1398; d'o? 1400?d. fait d'que est un ?v?nement qui a sa raison d'?tre en lui-m?me [!] -; pas de lois dans le d'que 1558 - y a-t-il des lois d'ques et quelle est leur nature? 1523; loi d'que est
imp?rative et dynamique, produit un effet 1554, [mais n'est pas vraiment une loi]: il n'y a pas de loi si on ne peut indiquer une
quantit? de faits individuels qui s'y rattachent 1556 = 1571 (pour les lois phon?tiques, nous percevons une r?gularit? par illusion
1557; il y a une loi, si ce sont les mots comme unit?s qui sont
frapp?s. Mais si on compare le son -a qui devient ?- ? une corde de
harpe, il y a absurdit? de parler de loi 1572); l'emploi du terme de loi en parlant de faits d'ques est douteux, suspect; il faut se servir avec beaucoup plus de r?serve du terme de loi pour les faits d'ques
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146 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
que pour les faits synchroniques 1557; ce caract?re de faits parti culiers [en D'] conduit assez vite ? la question si Ton peut leur attri buer le terme de loi: il n'y a pas de lois puisque tout est particulier dans ce domaine, puisqu'on leur reconna?t le caract?re d'accidents
1558;
Du c?t? ?pist?mologique, il appara?t que toute id?e d'entit? ou
d'essence, de finalit?, de force agissant en elle-m?me et par elle-m?me est retir?e du concept de diachronie. Si les ?diteurs de 1916 ?crivent que ia diachronie suppose un facteur dynamique par lequel un effet est produit, une chose ex?cut?e' (1554?d., v. [22]), c'est une adaptation malheureuse de la formule traditionnelle 1554D/S ?Sur terrain diachronique loi est
imp?rative ou dynamique, produit un effet; la chose s'ex?cute/on voit
que la loi diachronique a une force imp?rative ou dynamique. Il y a une
force en elle? invalid?e au niveau th?orique par la mise en question de la notion de loi dans 1557R [25]. 'Avoir sa raison en lui-m?me' 1400?d. ne
doit pas ?tre compris comme une valorisation du fait diachronique, mais est simplement l'expression positive de l'absence de finalit?. Gaston Paris
avait mis en ?vidence le caract?re fortuit, accidentel de l'?volution
linguistique [21]. Mais il esp?rait ensuite r?duire la langue ? la psycho logie individuelle et sociale des peuples et lui trouver ainsi de nouvelles lois dans l'histoire:
[26] Qui niera [...] que le caract?re des Romains soit en partie le produit des conditions politiques et sociales de leur existence, et qui niera l'influence de ce caract?re sur la nature de la langue latine? (Paris 1868: M?langes, p. 166).
Saussure s'oppose absolument ? une id?e pareille:
[27] Le ?g?nie de la langue? p?se z?ro en face d'un seul fait comme
suppression d'un o final, qui est ? chaque instant capable de r?vo
lutionner de fond en comble le rapport du signe et de l'id?e, dans
n'importe quelle forme de langage, pr?c?demment donn?e (CLG/E 3297, 28a [3280]);
[28] La v?rit? est qu'une simple fortuit? [a supprim? la marque du g?nitif latin en fran?ais]; et alors il est tout aussi clair qu'une fortuit? de
m?me genre a pu pr?cipiter le protos?mite dans ce qui semble ?tre un de ses traits ind?l?biles: il n'y a pas l? le moindre indice d'une
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 147
diff?rence d'esprit originelle, ni m?me d'une diff?rence d'esprit
accidentelle; le tout se passe hors de l'esprit, dans la sph?re des
mutations de sons, qui bient?t imposent un joug absolu ? l'esprit et
le forcent d'entrer dans la voie sp?ciale qui lui est laiss?e par l'?tat
mat?riel des signes (CLG/E, 3297, 27a-28 [3241/3274]).
La 'loi phon?tique' ne sera pour lui plus rien qu'une constatation post? rieure d'un changement de son attest? par une s?rie plus ou moins large
d'exemples. Si l'on tient compte du fait que la s?rie d'exemples sert ?
d?finir le dialecte ou la langue dans la continuit? spatio-temporelle que Saussure suppose pour le langage, on voit qu'on est maintenant tr?s pr?s de la position de Schuchardt ([17] et [19]).
[29] [sc.] dualit? de la linguistique compar?e aux autres sciences 1304ss = 3339,4ss.: astronomie 1305, droit 1307, ?conomie politique 1310,
g?ologie 1306 3100, histoire 1308; sciences de valeurs sciences
s'occupant de choses) 1319ss. = 3339,6s.; v. [fig.] et [term.].
La le?on saussurienne sur la dualit? de la linguistique (CLG/E 1302ss. ?
3339,3ss.) nous est conserv?e dans l'original. C'est un texte de choix, d'une ind?niable teneur rh?torique. Il est manifeste que Saussure voyait dans cette distinction un apport essentiel, personnel ? la th?orie linguis
tique:
[30] Le fait que le Temps intervient pour alt?rer la langue, comme il
intervient pour alt?rer ou modifier toute chose, ne semble pas d'abord un fait bien grave pour les conditions o? est plac?e la
science linguistique. Et je dois ajouter que je ne vois qu'une infime
proportion de linguistes, ou peut-?tre aucune, qui soit dispos?e elle
m?me ? croire que la question du Temps cr?e ? la Linguistique des
conditions particuli?res, des difficult?s particuli?res, des questions
particuli?res, voire une question centrale et pouvant aboutir ?
scinder la Linguistique en deux sciences. (CLG/E 3339,3s [1303]).
*
[31] [s?m.] fait d'que montre passivit? du sujet parlant devant le signe 1499, illustre nature diff?rentielle du signe 1950?d.; mot, [signe]
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148 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
consid?r? d'quement 2738 3314,8: signifie 'est-ce le m?me apos?me
[= signifiant]; n'entra?ne pas que c'est le m?me s?me 3314.8; n'est
pas la m?me chose, n'a pas la m?me valeur dans l'ordre d'que et
dans l'ordre synchronique 2738; v. [ling.] et [Lge]; le d'que n'a pas le
caract?re de ne pouvoir s'?tudier qu'en fonction de la collection
1406: faits d'ques ne forment pas syst?me entre eux 1406 1516
1661;
Il est certainement tr?s important de voir que les deux axes ne signifient
pas simplement deux voies du signe ou de la langue, mais qu'ils s'oppo sent comme existence et destruction, association et dissociation du signe. On est donc, l? encore, sur deux niveaux tout ? fait diff?rents.
[32] [ling.] linguistique d'que 1343 1509?d. 1661 ?d. 2129 2202?d.T 2211 3079?d.T 3081 ?d. 3087 ?= synchronique 1343 1385s. 1395s.
1494?d.ss. 1495ss. 1516 1518 1543 1626 = antinomie 1498, bifur
cation 1637, crois?e 1639?d., distinction 1406 2234?d., division
centrale 1516, opposition (n?cessaire mais difficile) 1626, s?paration 1527 3297,14as. des deux grands axes 1516, balances 1518, bases
(sur lesquelles on op?re) 1516, champs (champ d'que et champs
synchroniques 1337 [mais ibid.: deux champs d'que et synchro
nique]) 1337 3079, ?tudes (ensemble comme faits d'ques ne peut ?tre r?uni dans la m?me ?tude que faits statiques) 1386, perspectives
1496s., points de vue (vue d'que dans laquelle on rapproche les
termes 1509) 2739, sph?res 1527; - forme rationnelle que doit
prendre l'?tude linguistique: langage (langue <synchronie diachro
nie>) parole 1647?d. (mais: bon de commencer l'?tude de la lan
gue par le point de vue historique, non pas qu'il soit plus impor tant que le statique avec lequel il a une sorte d'antinomie, mais
parce qu'il nous ?chappe ? premi?re vue 2202); -
linguistiques
synchronique et d'que ne s'excluent pas 1599, mais sont irr?duc
tibles dans leurs ph?nom?nes 1500 qui n'ont rien de commun
1514?d., sont d'ordre diff?rent 1386?d., v. [l.ge]; -
linguistique d'que utile pour bien conna?tre les faits statiques (montre passivit? du sujet parlant, caract?re accidentel de l'?tat, v. [?p.] et fortuit?) 1386 = 1499; perspective d'que doit ?tre abandonn?e pour faire la
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 149
linguistique statique (est un g?ne) 1350 1497s. 1600 1624 2230. -
linguistique d'que n'est jamais grammaticale 2129, cf. 3332,6
(critique de l'appellation 'grammaire historique' s.v., cf. 2129;
s'occupera de rapports entre termes successifs (cha?ne d'que, o?
forme est un point 3088) 1661/2204 (?d. < 1661/2204 linguistique ?volutive) se rempla?ant les uns les autres, ne formant pas entre eux
de syst?me (v. [s?m.]) 1161/2204; r?unit faits diff?rents de langues diff?rentes, v. [ige] et [l.s]\ comprend le changement phon?tique (toute la phon?tique) 2211 2241ss. 3079, la cr?ation analogique [en tant que changement du total, de l'ensemble de la langue] 2455ss.
3079 (point d?licat entre le d'que et le synchronique: l'analogie: ne
peut se produire que par le jeu des forces synchroniques 2591);
F?tymologie populaire 3079 2638ss., l'agglutination 2674ss.; un
?ventuel r?sidu de changements grammaticaux (v. [d?f.c]) 2233?d.; -
a deux sous-perspectives 1497 = perspectives de la linguistique
d'que 3079?d.T: la prospective (D' prospective 3089) et la r?tro
spective (D' r?trospective 3089) 1497 3081 3087 3089.
Autrement que ses devanciers, qui donnaient la pr??minence ? l'histoire, ou que la plupart de ceux qui par la suite se r?clameront de lui et
n'admettront plus que la synchronie, Saussure ?tablit un ?quilibre entre
les deux disciplines. Il isole la synchronie du point de vue m?thodique en
prohibant le m?lange des ?poques dans ses consid?rations, mais la lie au
diachronique du point de vue ?pist?mologique en pr?cisant qu'on ne juge
pas correctement du synchronique, si l'on ne garde pas ? l'esprit qu'elle est un produit historique et accidentel d'?v?nements particuliers; cette
liaison lui importe tellement qu'il recommande du point de vue p?dago
gique d'?tudier la linguistique diachronique avant la linguistique
synchronique. De ne pas avoir reconnu ce caract?re historique et acci
dentel est le reproche de Saussure ? toute analyse 'abstraite' (v. [5]) qu'il maintiendra m?me du point de vue s?miologique
-
[33] Parmi tous les syst?mes s?miologiques le syst?me s?miologique
'langue' est le seul (avec l'?criture) [...] qui ait eu ? affronter cette
?preuve [de] se trouver en pr?sence du Temps, qui ne se soit pas
simplement fond? de voisin ? voisin par mutuel consentement, mais
aussi de p?re en fils par imp?rative tradition et au hasard de ce qui arriverait en cette tradition, chose hors de cela inexp?riment?e, non
connue ni d?crite. <Si l'on veut, la linguistique est donc une science
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150 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
psychologique en tant que s?miologique, mais les psychologues n'ont
jamais fait intervenir le temps dans leur s?miologie [b.]>. Ce fait qui est le premier qui puisse exciter l'int?r?t du philosophe reste ignor? des philosophes; aucun d'eux n'enseigne ce qui se passe dans la
transmission d'une s?miologie -
quand du concept d'histoire il aura extrait celui de diachronie ou trans
mission:
Et ce m?me fait accapare en revanche tellement l'attention des
linguistes que ceux-ci en sont ? croire pour cela que leur science est
historique ou ?minement historique, n'?tant rien d'autre que s?mio
logique: par l? compl?tement comprise d'avance dans la psycho logie, ? condition que celle-ci voie de son c?t? qu'elle a dans la
langue un objet s'?tendant ? travers le temps, et la for?ant de sortir
absolument de ses sp?culations [abstraites!] sur le signe momentan? et l'id?e momentan?e (CLG/E 3342.1).
*
[34] [l.ge] autonomie et interd?pendance du synchronique et du d'que 1453?d. < d?pendance et ind?pendance du fait synchronique par
rapport au fait d'que 1453 - une langue n'est comparable qu'? la
compl?te id?e de la partie d'?checs, comportant ? la fois les posi tions et les coups, ? la fois des changements et des ?tats 3297,10
(1489); cf. quadrilat?re 1618: tableau contenant tout ce qu'il y a
d'important ? consid?rer pour le synchronique et le d'que, pour la
langue elle-m?me 1616 -; ressemblance et dissemblance des faits
d'que et synchronique 1597: illusions cr??es par leur agencement 1564?d, pi?ges 1597, dangers de confusion 1597?d.T 1608: v?rit?
synchronique se pr?sente comme la n?gation de la v?rit? d'que 1599 1604 1619; v?rit? synchronique correspond tellement ? v?rit? d'que
qu'on n'en aper?oit qu'une seule 1625, alors que: v?rit? d'que est
tout aussi absolue que v?rit? synchronique 1606; - loi d'que 1520T
?d.T 1523 1538ss. 1554, v. \?p.\\ - faits d'ques 1345s. 1385s. 1398
1400?d. 1406 1451 1453 1476s. 1499 1510 1516 1557s. 1563 1564?d. 1565 1597 1610 1639 1950?d. 2221: n'ob?issent pas aux m?mes conditions que le synchronique 1564?d.;
- identit? d'que 1509 1517?d. 1518 2747?d. synchronique 1515 1517?d. = identit? de
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 151
termes successifs 1515; ne demande pas sp?cification de langue 1509: suffit que lien d'que entre deux termes soit vrai 1511;
- unit?
d'que 1509 3091 ?d. ?= synchronique 1509: avant de reconna?tre les
unit?s, il faut leur appliquer le point de vue d'que et le point de vue
synchronique comme base d'appr?ciation 2739; unit? d'que que font entrevoir deux signes diff?rents de m?me origine par leur
comparaison 3091 ?d.
L'irr?ductibilit? des deux linguistiques diachronique et synchronique
postul?e par Saussure [32] a ?t? beaucoup critiqu?e. Walther von Wart
burg lui a oppos? sa notion d'entrelacement (Ineinandergreifen). Son
propos est valable, sa critique l'est moins, car il a mal lu Saussure ou s'est
tromp? sur des notes prises trop rapidement. A preuve la suite de textes
suivante qui, il est vrai, t?moigne aussi d'une transcription contestable
des notes de cours par le CLG de Bally et Sechehaye:
[35] Multiplicit? des signes composant une langue [...] fait qu'il sera
presque impossible de [suivre] les deux axes simultan?ment (CLG/E
1333).
[36] [...] plus un syst?me de valeurs est complexe et rigoureusement
organis?, plus il est n?cessaire, ? cause de sa complexit? m?me, de
l'?tudier successivement selon les deux axes [...] La multiplicit? des
signes, d?j? invoqu?e pour expliquer la continuit? de la langue, nous
interdit absolument d'?tudier simultan?ment les rapports dans le
temps et les rapports dans le syst?me (CLG 119/116).
[37] Il nous est interdit absolument d'?tudier simultan?ment les rapports dans le temps et les rapports dans le syst?me (Wartburg cit. CLG,
Ineinandergreifen, p. 8).
Ce que Wartburg n'a pas compris, c'est que, malgr? la s?paration des
deux linguistiques, Saussure a toujours maintenu le principe de l'unit? de
mati?re: au niveau du langage les ph?nom?nes que Saussure s?pare
m?thodiquement par sa figure du quadrilat?re ou carr? linguistique, sont
encastr?s, et il faut les ?tudier dans leur connexion. Jaberg en a fait la
remarque dans un compte rendu de Wartburg 194317, ce qui montre
qu'une interpr?tation correcte du CLG ?tait possible.
17 Vox Rom?nica 7, 1943-44, 277-286.
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152 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
[38] [1.] (v. [ige] et [l.s]
[l./p.] tout ce qui est d'que dans la langue l'est par la parole 1640 >
ne Test que par la parole 1640?d. (v. 3.1); identit? d'que: passage ?
travers une s?rie d'identit?s synchroniques dans la parole 2750?d.;
[l.s.] langue n'est plus aper?ue en d' 1497?d., (v. [s?m.])\ d'que ne
demande pas sp?cification de langue 1509, (v. [ling.]) (?= *idiodia chronie (v. [term.]) < idiosynchronie); diversit? des idiomes cr??e
par l'ensemble des faits d'ques et leur sp?cialisation;
[m?th.] 1493?d.T 1502 1505ss. 3081 (v. [ling.]; -
plan th?orique ?=
plan pratique (division qui devrait exister plut?t qu'on ne peut
l'observer) 1658; - mani?re id?ale de pratiquer la linguistique
d'que: la prospective = narration simple (sans besoin de m?thode)
3089 m?thode reconstructive (comparaison) en d' prospective 3089;
- r?union des diff?rentes d's en une m?me ?tude par le m?me savant serait naturelle 1654ss., mais en fait la r?partition du travail est diff?rente (difficult? de conna?tre diff?rentes langues ? fond) 1655;
- g?n?ralisation des faits d'alt?ration et institution d'une
science coordonnant et classant les ph?nom?nes 1656;
Les unit?s s?miologiques n'existent pas pour la diachronie: nous l'avons vu pour le signe [31], qui est dissoci?: de m?me pour la langue, qu'on prenne ce terme au sens g?n?ral de syst?me de signes
-
[39] la langue = n ud psychique entre id?e et signe [signifiant] (CLG/E
1284)
ou au sens individuel d'idiome (commentaire ? [28]). La synchronie est au
niveau du signe, la diachronie au niveau de la dissociation du signe, ce
qui, du point de vue s?miologique, signifie abstraction:
[40] La premi?re condition pour que nous soyons devant une entit?
linguistique, c'est que l'association entre les deux ?l?ments soit
pr?sente, soit maintenue. Si sans nous en douter nous ne prenons qu'un des ?l?ments, une des parties, nous avons aussit?t falsifi? l'unit? linguistique. Nous avons fait une abstraction et ce n'est plus l'objet concret que nous avons devant nous (CLG/E 1690).
Les formes de cette dissociation diachronique sont ?nonc?es sous les termes de 'd?placement du lien entre id?e et signe' et d"alt?ration' (CLG/
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 153
E 336, 1248ss., 2836) et donnent en quelque sorte un autre d?tail des domaines de la diachronie que nous l'avons vu plus haut, car nous avons
ici l'alt?ration du c?t? du signifiant, l'alt?ration du c?t? du signifi? (manque dans [22c] et [32]), l'alt?ration des deux entit?s et la transmission sans changement. Il y aurait donc ? discuter du r?le de la s?mantique
diachronique et ? voir par exemple, jusqu'? quel point elle est pour Saus sure aussi un produit secondaire des changements de forme, comme les
changements grammaticaux.18 Un ?l?ment important ? consid?rer est
alors que la diachronie transgresse la langue aussi du c?t? de la parole; et
que la parole, selon toute probabilit?, participe de la notion de dissocia
tion du signe:
[41] Voil? d?j? de quoi faire r?fl?chir sur le mariage d'une id?e et d'un nom quand intervient ce facteur impr?vu, absolument ignor? dans
la combinaison philosophique, le temps. Mais il n'y aurait l? rien encore de frappant, rien de caract?ristique, rien de sp?cialement propre au langage, s'il n'y avait que ces deux genres d'alt?ration [du c?t? du nom et du c?t? de l'id?e], et ce premier genre de dissocia
tion19 par lequel l'id?e quitte le signe, spontan?ment, que celui-ci
s'alt?re ou non (CLG/E 3299,22[1091];
[42] Les sujets parlants n'ont aucune conscience des apos?mes qu'ils prononcent, pas plus que de l'id?e pure d'autre part (CLG/E
3315.2);
[43] [circuit de la parole:] Supposons qu'un concept donn? d?clenche
dans le cerveau une image acoustique correspondante [association]: c'est un ph?nom?ne enti?rement psychique, suivi ? son tour d'un
proc?s physiologique: le cerveau transmet aux organes de la phona tion une impulsion corr?lative ? l'image [dissociation: transmission
du signifiant]; puis les ondes sonores se propagent de la bouche de
A ? l'oreille de B dans un ordre inverse: de l'oreille au cerveau, transmission physiologique de l'image acoustique; dans le cerveau, association psychique [!] de cette image avec le concept correspon dant (CLG 28/28 = CLG/E 197?d.)
18 V. R. Engler, R?le et place d'une s?mantique dans une linguistique saussurienne, CFS
28, 1973, 35-52. 19 C'est nous qui soulignons.
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154 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
Le second genre de dissociation que serait la parole en vient alors ? expli quer la diachronie:
[44] Ils [les sujets parlants] n'ont conscience que du s?me. C'est l? ce qui assure la transformation parfaitement m?canique de l'apos?me ? travers les si?cles. (CLG/E 3315.2; suite de [42]).
Dans la dissociation les accidents historiques - variation des sons,
latitude dans l'interpr?tation et dans la r?f?rence, etc. - attaquent le signe et conduisent ? son alt?ration dans l'activit? psychique de comparaison et
de d?coupement (CLG/E 2524ss.) qui constitue et r?organise ? chaque moment la langue.
[45] [fig.] D' (?= synchronie) figur?e par: axe vertical (?= horizontal) 1396; corps (?= projection) 1457; coup d'?checs (?= position) 1476; fl?che [verticale] repr?sentant le passage d'un ?tat ? un autre 2211; section verticale d'un v?g?tal (= horizontale) 1459 1495; panorama de la cha?ne des Alpes 1353, syst?me solaire 1449ss. 1582, journa lisme 1501, dualit? interne et histoire de la linguistique 1347?d.T;
linguistique moderne absorb?e dans la d' 1357?d.;
[hist.] confusion du synchronique et du d'que en linguistique 1626; id?e de s?paration ne frappait pas les esprits 1357;
[term.] D', s.f.; d'que, s.m. et adj., v. [d?f.]; propos? au lieu d'alt? ration 1346, ?volution 1339 1346, au lieu d'histoire 1335s. 3079; v. motus; alt?ration d'que 1654 axe d'que 1518; caract?re d'que 2213?d. 3332,6; cha?ne d'que 3088; champ d'que (v. [d?f.])] chan
gement d'que 1488; choses d'ques 1346 1406; c?t? d'que 1623
2220; ?v?nement d'que 1457?d. 1557s.; fait d'que (v. [ige]) propos? au lieu d'alt?ration, ?volution 1346; force d'que 1336; identit?
d'que (v. [ige]), lien d'que 1511; linguistique d'que (v. [ling.]) =
linguistique cin?matique 1343, ?volutive (?volutif n'est pas encore assez pr?cis, ne met pas assez en opposition les deux syst?mes de
forces) 1342; loi d'que (v. [?p.] et [l.ge]); mati?re d'que 1554; notion
d'que 1624 2230; ordre d'que 1344 2738; perspective d'que 1423 1496s. 1502 1506 3080; ph?nom?ne d'que 1435 1514?d. 1515 1536 1620 1623s. 1626 1639 1972 2220 2230 2730 2735; plan d'que 1497;
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 155
point de vue d'que 1353 1377?d. 1592 1600 2086 2739 (?= synchro
nique... 1353 ...); rapport d'que 1626; r?alit? d'que 1457; relation
d'que 1511; section d'que 1459 1495; s?rie d'que synchro
nique) 1418 cf. 1423; terrain d'que 1453 1554; transformation
d'que 1514 1619 1622 2428; unit? d'que (v. [Lge]); v?rit? d'que 1599 1604 1608 1625, 3091?d.; vue d'que1509;
- pas ? parler
d'iDIO-D'que 1511.
[ex.] 1376?d.T, aiwa > je 2743, amicum > ami 1429?d., ang?lus >
ange 1429, betah?s > Bethaus 2221 3297,28 (1413), calidum >
chaud 2743 2750?d., causa > chose 1592, confacio > conficio
1610ss. 2439?d., crispus, cr?p- > d?cr?pi(t) 1380 ss. 1386, cubare >
couver 2836 ?d., d?pit (il faut laisser de c?t? la question d'que) 1600, dh > th, bh > ph, (grec) 1531 ?d., dicentem, dicendum >
disant 1606, dicitis > dites, estis > ?tes, facitis > faites 1600, esti
> ist, est, etc. 1509, ?pheret > ?phere, etc. 1537, faber, fabrica >
f?vre, forge 1457, f?ti > f?t 1392ss. 1408 ss. 1421 3297,9a (1392),
gasti > gesti 1388ss. 1399 1414 1623 2220, gero, gestus 3091?d.,
gebe, gab 1624 2230, gunaik > gunai 1537, hanti > henti 1388, inamicus > inimicus 1532 1610?d., ka > sa (fr?.) 1532 1538, labourer 2836?d., leipo, le loipa 1624 2230, m > n (grec) 1535s.,
mansionem > maison 1435, ministerium > m?tier 1429, nahti >
N?chte 1623 1972 2220, ?reos bain? kat? > katabain? ?reos
2722ss. 2730, passum > pas 1518 7759?d., paste > p?te, teste >
t?te 1532, percapio > percipio 1514 1619s. 2428, pitar > pater 3091 ?d., reddatus > redditus 1532, s > h (grec) 1534 1541, slovo, zena >slov, zen 1438, t, k > o (grec) 1541, tragit > tr?gt 1399, was
> war 1642ss.
Une liste plus compl?te des figures, des connexions terminologiques et des exemples serait n?cessaire pour illustrer les multiples aspects de la
diachronie dans les limites pr?cises impos?es par Saussure. Etendue et
limites que peuvent d?montrer en fin de compte les passages m?mes du
CLG/E qui opposent diachronie ? histoire:
[46] Ne pas en rester ? constater qu'il y a des faits ?volutifs et des faits
statiques. Il y a lieu de les s?parer, afin d'en voir compl?tement le
contraste; c'est ? quoi nous arrivons. En g?n?ral, on n'oppose pas suffisamment les deux ordres. Il y a un certain nombre de termes ?
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156 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
peu pr?s synonymes sur lesquels on peut se mettre d'accord:
histoire, ?volution, alt?ration - et on peut proposer aussi le terme de
diachronie, fait diachronique. Cet ordre est principalement carac
t?ris? par le fait qu'on se trouve en face d'?tats successifs. A c?t? on a les mots ?tats, langues qui sont un ?quilibre d?termin? des termes et des valeurs plac?s dans un certain rapport. On est en face de termes coexistants, de synchronie (CLG/E 1335 + 1345s.).
[47] Mais ce qui est cin?matique, n'est-ce pas tout simplement ce qui est
historique? Le terme d'histoire appelle des id?es trop vagues, d?j? parce que la description d'une ?poque s'appelle aussi histoire, n'est
pas oppos?e au passage d'une ?poque ? l'autre. Les forces statiques et diachroniques de la langue sont non seulement dans un contact et un rapport perp?tuels, mais en conflit. Leur jeu r?ciproque les unit de trop pr?s pour que la th?orie n'ait pas ? les opposer tr?s nette ment (CLG/E 1336).
6 Nous r?sumons ainsi: dans l'ensemble de l'histoire - qui dans les
termes saussuriens est repr?sent?e par la -chronie - les ?tats synchro niques repr?sentent la r?alit? linguistique. Pris dans leur succession, les m?mes ?tats forment une r?alit? diachronique: mais c'est bien les ?tats successifs qui la forment, pas le mouvement en lui-m?me. Le mouvement est en dehors de la r?alit? linguistique; il est dans des accidents de parole que la conscience ne peut saisir et que le linguiste ne peut reconstruire
qu'a posteriori, par des conclusions. Ces conclusions ?tablissent entre autre ce qu'on appelle les lois phon?tiques que Saussure oppose comme
principe diachronique ? l'analogie, tout comme les n?ogrammairiens. Mais les n?ogrammairiens se servent de l'analogie comme exp?dient pour expliquer ce qui d?roge aux lois phon?tiques, tandis que Saussure fonde
l'analogie dans l'activit? synchronique, mais retire ? la loi phon?tique toute force propre. Elle n'est pas seulement aveugle et incalculable, elle est aussi accidentelle, particuli?re et incommensurable:
[48] C'est le changement phon?tique ou linguistique qui cr?e la langue dans sa diversit? et non la diversit? des langues qui conditionne la diff?rence des changements linguistiques (CLG/E 3348,81).
C'est en apparence, pour la diachronie, un r?sultat plut?t n?gatif. Mais il faut voir les possibilit?s qu'il ouvre. Dans sa 'linguistique g?ographique'
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 157
Saussure expose l'action des deux forces du clocher et de l'intercourse. Il fait comprendre que le sch?ma de la langue dans le temps n'est pas suffi sant, qu'il faut ajouter la notion de propagation dans l'espace:
[49] Premier principe. La diff?rence g?ographique serait purement r?ductible au temps. Ce qui revient ? dire qu'il n'y a pas de passage mat?riellement ? un moment quelconque entre les formes g?ogra phiques [...] axe du temps seul [...] Pour toutes sortes de raisons, ce
sch?ma est vraiment celui dont on doit se pr?occuper et se p?n?trer en premier lieu, et qui reste juste comme base g?n?rale. Mais ce qui vient d'?tre ajout?, le fait de la propagation contagieuse d'un carac t?re ? d'autres r?gions, force de compliquer le sch?ma [...]. Au point de vue de celui qui veut ?tablir ce qui se passe au juste, il y a lieu de
distinguer les foyers, d?pendant uniquement de l'axe du temps, et les aires de contagion appelant la double notion du temps et de la
propagation par l'espace (CLG/E 3334,18s [3032s.])
Cela veut dire que, dans les aires de contagion, la parole dont la diachronie ?mane est expos?e ? des accidents g?ographiques et ? produire des changements de cette nature. La diachronie, vid?e du mythe de
l'?volution organique, s'ouvre ? la propagation g?ographique, aux
influences multilingues, etc. N'?tant plus le fait lui-m?me mais une r?sul tante et, au mieux, une approximation du fait, la jonction diachronique de deux ?tats redevient en outre un champ de sp?culation libre du
linguiste: libre en ce sens que les cat?gories de l'explication ne pr?jugent pas de la nature des faits, de leur continuit? et individualit? (v. 3.2 et [15]).
7 En nous tournant maintenant du c?t? de Bally, il faut d'abord remar
quer une chose: Saussure le cite parmi ses sources d'inspiration:
[50] Exemple de d?pit (cf. Hatzfeld et Darmesteter, au mot d?pit I, et
leur m?thode, Introduction p. lss.: expliquer le sens des mots par leur histoire); c'est une m?thode possible, mais pas celle qui rend
l'image de la langue; cf. Bally, [Pr?cis de] stylistique, p. 47ss.). La
valeur, c'est l'impression. (Littr?, que contredit Hatzfeld, serait
donc plus dans le vrai quand il dit: ?l'usage complet a en lui sa
raison? Pr?face du Dictionnaire, p. 5). (CLG/E 1600).
Certainement, la stylistique de Bally est une des disciplines qui d?montrent le plus nettement la n?cessit? d'une s?paration des deux
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158 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
linguistiques synchronique et diachronique. Plus qu'aucun autre Bally
persistera donc sur ce th?me; il est en fait, sinon en th?orie, un repr?sen tant de la pr??minence absolue du synchronique qui conduira ? la
consid?ration exclusive des ?tats. Dans Le langage et la vie [LV], la direc
tion est clairement indiqu?e:
[51] Quant ? la stylistique, sa t?che est bien d?finie: lorsqu'on ?tudie par la r?flexion int?rieure les relations existant entre les formes de la
pens?e et leur expression, toute consid?ration historique est
d?plac?e ou, pour mieux dire, impossible; celui qui parle sa langue ne vit pas dans le pass?, mais dans le pr?sent le plus imm?diat; toutes les associations cr??es par l'usage vivant de l'idiome maternel
sont synchroniques; elles sont constitu?es par un seul et m?me ?tat
de langue, et le r?seau d'associations linguistiques qui le compose se
retrouve sensiblement pareil chez les autres sujets parlants. La
stylistique interne est forc?ment descriptive; c'est une forme de la
linguistique statique (Stylistique et linguistique g?n?rale [1912],
p. 73).
Dans Linguistique g?n?rale et linguistique fran?aise [LGLF] la
diachronie n'appara?t pour ainsi dire plus que sous la forme de la d?fi
nition saussurienne [22] a, que Bally pr?ne dans LV (idem, p. 72):
[52] En linguistique, il y a deux mani?res tr?s diff?rentes de faire de
l'histoire: on peut choisir un fait caract?ristique, p. ex. une forme
grammaticale, un type de construction de phrase, un type de
formation de mots, ou encore un mot isol?, et poursuivre les trans
formations de ce fait ou de ce mot ? travers les phases successives de
l'?volution. Ou bien, apr?s avoir d?crit dans son ensemble une
p?riode de la langue, on peut la comparer avec d'autres p?riodes et
ainsi, d'?tape en ?tape, ?tudier l'?volution de la langue tout enti?re.
Cette seconde d?marche est infiniment plus malais?e que la
premi?re, car elle suppose une foule de recherches de d?tail non
encore entreprises ou achev?es; mais elle seule m?rite le nom
d'histoire de la langue -,
et encore de fa?on essentiellement contrastive:
[53] comparaison d'?tats successifs, pr?alablement d?crits sans vues
historiques (ibidem, p. 73).
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 159
Le rejet de la confusion diachronique des ?tats est formul?e dans
LGLF ? 14, o? il est pr?cis? que l'appel au pass?, dans l'?tude du pr?sent, ne peut avoir que le but de fournir des termes de comparaison, d'illu
miner par contraste la nature vraie et diff?rente de la langue moderne.
Pour un Surrogat de diachronie, cf. la gen?se psychologique des ?tats,
pr?sent dans LGLF, v. 8.
Dans un contraste saisissant ? cette position m?thodique le principe
th?orique de la r?alit? des ?tats n'est plus enti?rement d?fendu et il
semble que Bally en retourne ici ? la tradition n?o-grammairienne:
[54] Il est vrai qu'en mati?re de langage, la notion de p?riode ou d'?tat
est une fiction, puisque l'?volution est continue; mais pour les sujets
parlants, elle est une r?alit? subjective: ils ont non seulement le
sentiment d'un syst?me o? tout se tient, mais encore l'illusion que ce
syst?me a toujours exist? et ne changera pas. Cette croyance
instinctive r?sulte d'un besoin de conservation; c'est la n?cessit? du
maintien des formes linguistiques qui fait croire ? la r?alit? d'un ?tat
immuable; et cette croyance est si forte, comme tout ce qui est
instinctif, qu'elle cesse d'?tre une r?alit? purement subjective; elle
finit par s'objectiver, et c'est gr?ce ? elle que les changements sont
beaucoup plus lents qu'ils ne le seraient sans cette illusion n?ces
saire et vitale. Ainsi il n'est pas illogique de parler d'?tats de langue;
leur dur?e est variable, mais toujours suffisante pour permettre des
constatations valables (LV, ibidem, p. 72s.).
Dans LGLF ? 14 l'?tat est appel? une abstraction, n?cessaire et naturelle,
mais abstraction. Par contre l'ouverture de la diachronie vers les ph?nom?nes d'inter
f?rence sociale est reconnue et maintenue:
[55] F. de Saussure a montr? dans son Cours de linguistique g?n?rale
(3e ?d., p. 281 et suiv.) que les langues, comme les soci?t?s ob?issent
tant?t ? l'esprit de clocher, tant?t au besoin de rayonner, et
M. Meillet (Linguistique historique et linguistique g?n?rale, p. 110 et
suiv.) a mis en lumi?re les effets de ces deux tendances, dont l'une
pousse les langues ? se diff?rencier, ? se fractionner, ? s'isoler,
l'autre, ? s'interp?n?trer et ? s'unifier. Ces deux mouvements ont
des causes sociales: le premier, confinant des collectivit?s restreintes
dans des int?r?ts particuliers, favorise le traditionnalisme, l'accep
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160 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
tation passive du donn?, et conf?re, en un mot, la supr?matie ?
'l'h?r?dit? sociale'; l'autre tendance, mettant en jeu des forces
oppos?es qui s'entre-choquent pour finalement se concilier,
provoque des combinaisons vari?es et complexes qui n?cessitent, de
la part des sujets, une surveillance intellectuelle plus active, et
accroissent le r?le de la r?flexion et du choix d?lib?r?. Selon qu'une
langue est entra?n?e par l'un ou par l'autre de ces courants, les sujets parlants l'assimileront et la feront fonctionner diff?remment; les
facteurs de l'?volution en seront modifi?s dans le m?me sens, et
finalement la structure de la langue elle-m?me en recevra le contre
coup. Il se pourrait qu'une attention exclusive accord?e soit ? des
idiomes qu'on ne peut plus voir fonctionner, soit ? de petits dialectes fig?s dans la tradition, ait donn? une id?e trop simpliste du
m?canisme linguistique en g?n?ral. (LV, Langage transmis et
langage acquis [1921], p. 101).
Comme ?l?ments nouveaux lanc?s dans la discussion par Bally on
peut nommer son ?valuation typologique de ce qu'il appelle des 'survi vances' (LGLF ? 14 'faits isol?s et aberrants ne pouvant pas servir ? la caract?risation d'un ?tat'; ? 217 'principe d'explication pour le signe frac tionn? -
agglutination - Y incompr?hension des fragments en linguistique
synchronique, linguistique historique qui cherche ? expliquer ce que les sujets parlants ne comprennent pas), son insistance sur l'intervention
intelligente et volontaire des sujets parlants dans l'?volution d'une langue (LV: Langage transmis et langage acquis) et l'interrogation nouvellement
pos?e sur les notions de progr?s et de finalit? (LV: L'?volution de langage et la vie [1925]).
8 Quant ? Albert Sechehaye, il d?tient, on le sait, un droit de pr?publi cation sur plusieurs principes de la linguistique saussurienne20. L'anti nomie entre sychronie et diachronie est un crit?re d'embo?tement dans
20 Voir, outre Programme et m?thodes, l'important article sur La stylistique et la linguis
tique th?orique dans les M?langes F. de Saussure, Paris, Champion, 1908, 155-187. On pourra discuter alors des questions de priorit? et d'influence, cf. P. Wunderli, Saussure als Sch?ler
Sechehayes? in In memoriam Friedrich Diez, Amsterdam, Benjamin, 1976, p. 419-460. Mais on se rappellera aussi la belle d?dicace de Programme et m?thodes: ?A mon ma?tre Monsieur Ferdinand de Saussure. Monsieur, c'est vous qui avez ?veill? en moi l'int?r?t que je porte aux probl?mes g?n?raux de la linguistique [...]?.
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 161
Programme et m?thodes de la linguistique th?orique [1908], qui est un essai, dira Sechehaye en 1927,
[56] sans doute entrepris pr?matur?ment, de syst?matiser l'ensemble de
[la science linguistique]. Cet ouvrage d?veloppe une th?orie de
T'embo?tement' des disciplines de la linguistique les unes dans les
autres, th?orie qui ne para?t pas avoir retenu l'attention des
linguistes mais dont l'avenir reconna?tra peut-?tre le bien-fond?. On
classe les sciences de la nature dans un ordre qui correspond ? la
complication croissante de leur objet: la physique s'embo?te dans
les math?matiques, comme la chimie dans la physique, parce que chacune de ces sciences, en retenant toutes les conditions de la
science pr?c?dente, y introduit un facteur nouveau dont l'interven
tion fait appara?tre un nouvel ordre de choses plus complexe, et la
complication va en croissant jusqu'? la sociologie. C'est en se
fondant sur un principe logique identique que, partant de la science
du langage pr?grammatical, c'est-?-dire de l'expression spontan?e par des signes naturels, on y embo?tera la science du langage orga nis?. La premi?re de ces disciplines est du ressort de la psychologie individuelle, la seconde appartient ? la psychologie collective.
D'autres principes d'embo?tement naissent de la distinction entre
l'aspect statique et l'aspect ?volutif de la langue, de celle qui s'?tablit entre l'id?e et la forme mat?rielle de son signe ou encore
entre le signe isol? et la combinaison des signes. Le syst?me qui en
r?sulte, tel qu'il est expos? dans le livre de M. Sechehaye, n'est pas
compl?tement satisfaisant parce qu'il n'a pas ?t? tenu compte comme il l'aurait fallu de la distinction saussurienne entre la langue et la parole. Mais qu'on fasse intervenir ce nouveau principe de
classement - ce qui ne souffre pas de difficult? - et on se trouvera en face d'un syst?me bien agenc? impliquant des rapports logiques
qui constituent la structure interne de toute pens?e linguistique
rigoureusement m?thodique. (L'?cole genevoise, p. 234s.).
Une premi?re ?tude diachronique de Sechehaye avait ?t? sa th?se de
G?ttingen (1902) r?imprim?e en version int?grale fran?aise dans Roma
nische Forschungen 19, 1906 (L'imparfait du subjonctif et ses concurrents
dans les hypoth?tiques normales en fran?ais. Esquisse de syntaxe historique). Le principe de la particularit? des ?volutions, oppos?e aux syst?mes
synchroniques, est affirm? avec force:
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162 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
[57] Ce travail avait ?t? entrepris parall?lement avec un autre travail
d'une port?e plus g?n?rale, qui traite des lois des ?volutions syntac
tiques et de la m?thode ? suivre pour les bien ?tudier. Nous ?tions
partis de l'id?e, que nous consid?rons encore comme juste, que l'une
des t?ches principales de la syntaxe historique est de discerner les
?l?ments syntactiques et de les prendre un ? un pour suivre ainsi les
destin?es de chacun depuis ses origines jusqu'? sa mort, s'il y a lieu.
[...] C'est en faisant ce travail, dont nous avions d?j? fix? les grandes
lignes et bon nombre de d?tails, que nous nous sommes rendu
compte de l'?norme importance qu'avait pour la connaissance et la
compr?hension des destin?es d'un ?l?ment de syntaxe la connais sance de ses relations avec ses concurrents. Nous nous sommes
livr?s ? des recherches dans cette direction, et le travail qui va suivre en a ?t? le r?sultat. (L'imparfait du subjonctif p. 321s.).
L'imparfait du subjonctifentre ainsi avant la lettre dans la d?finition b de la diachronie saussurienne [22].
Les parties 'diachroniques' de Programme et m?thodes m?riteraient une longue analyse. Ce qui peut int?resser ici, c'est la tentative de Seche
haye d'expliquer les lois phon?tiques. Pour lui comme pour Saussure, bien que selon son propre aveu il n'ait pas encore reconnu la d?limitation entre langue et parole, l'origine des ?volutions phon?tiques est
[58] dans ces innombrables et le plus souvent insaisissables variations que
chaque sujet parlant fait subir aux phon?mes qu'il emploie au cours de la parole [sens usuel du mot] (PM, p. 201).
Il intervient ensuite (tr?s t?t!) l'id?e du 'phon?me' -
type d'un son:
[59] Nous avons vu que le phon?me n'existe r?ellement qu'? titre d'id?e ou de repr?sentation. C'est un type moyen auquel on assimile tout ce que l'on entend, et auquel on se conforme plus ou moins exac tement dans l'articulation r?elle. Les sons varient donc, ils oscillent autour du type, tant?t dans un sens, tant?t dans un autre. Leur
qualit?, leur tonalit?, leur quantit? subissent des modifications dont
l'importance n'est limit?e que par les exigences du langage. Il faut
qu'il reste intelligible, il faut donc que les phon?mes gardent suffi samment leurs caract?res diff?rentiels pour que les symboles qu'ils composent soient reconnaissables. Cette limite impos?e ? ces varia
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 163
tions constitue une premi?re intervention de la morphologie dans
les ?volutions phon?tiques. (PM, p. 201s.)
Or la notion de type cr?e la pr?tendue r?gularit? du changement phon?
tique:
[60] Le symbole ne se fixe et ne se reconna?t que par son analyse en des
?l?ments phonologiques connus. Tout ?l?ment articulatoire dans le
langage n'existe que par son assimilation ? un type. Quand donc ?
l'int?rieur d'un mot un ?l?ment articulatoire se modifie, de deux choses l'une: ou il se conformera au type et reviendra ? sa forme
premi?re, ou bien il faudra de toute n?cessit? que ce soit le type qui varie et qui se conforme ? lui; mais alors il entra?nera dans son
?volution toutes les autres r?alisations de ce m?me type dans tous
les autres mots. Et cela arrivera toutes les fois que les forces qui poussent ? cette transformation seront plus grandes que celles qui y r?sistent. (PM, p. 209).
La diff?rence essentielle entre Sechehaye et Saussure r?side dans le
fait - et l'aveu de Sechehaye quant ? langue et parole est donc confirm? -
que pour Saussure l'?volution implique simplement ou surtout le jeu du
circuit de la parole entre association et dissociation, tandis que pour
Sechehaye la langue (premi?re version) ou le jeu entre parole et langue
(seconde version) vit ? tout moment du langage pr?grammatical, de
l'expression naturelle (fond?e en psychologie) propre ? l'homme. En
essayant d'adapter son syst?me aux d?limitations saussuriennes, Seche
haye fait semblant qu'il ne s'agit en fait que d'une question de hi?rarchie, de la place accord?e ? la parole, mais subrepticement il d?double la
parole saussurienne et s'assimile ainsi Saussure:
[61 ] Une diff?rence essentielle entre la doctrine saussurienne et la n?tre, c'est que le Cours de linguistique g?n?rale ne tire de ses distinctions aucun principe de classement rigoureux et met plut?t en ?vidence
les relations de r?ciprocit? qui s'?tablissent entre les divers aspects du fait linguistique. Ainsi pour Ferdinand de Saussure la langue existe pour la parole, mais elle na?t aussi de la parole; elle en ?mane
et elle la rend possible, et rien ne nous force ? mettre l'une devant
l'autre ou au-dessus de l'autre. C'est un complexe que seule
l'abstraction analyse. Pour nous, au contraire, dans cette abstrac
tion m?me nous apercevons un principe de subordination et de
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164 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)
classement et nous mettons la parole, sous sa forme pr?grammati cale21, avant la langue. Il en est ainsi sur tous les points, et nous
croyons toujours qu'il doit en ?tre ainsi. Ce qui a manqu? ? la clas
sification que nous avons propos?e, c'est la conception claire de la science de la parole comme lien n?cessaire entre la connaissance des ?tats de langue et celle des ?volutions. Or, c'est par l? justement que le syst?me des disciplines linguistiques trouve son enti?re perfection et s'adapte compl?tement et d?finitivement ? son objet. Cette vue
peut se ramener au sch?ma:
qui constitue le corps m?me de toute classification des disciplines
linguistiques. (Structure logique de la phrase [1926], p. 219s.)
Le recours au pr?grammatical et ? des donn?es psychologiques qui donnent forme et structure au langage est partout pr?sent dans
Programme et m?thodes et dans la Structure logique de la phrase; il se retrouve ?galement dans LGLF de Charles Bally. A c?t? de la gen?se linguistique et s?miologique des ?tats de langue une gen?se psychologique s'?tablit qui recourt ? des universaux et n'est pas sans offrir quelque analogie ? la grammaire g?n?rative.
9 Dans son cahier Whitney Saussure ?crivait:
[62] Avant que cette dualit? fondamentale ait ?t? reconnue, au moins
discut?e, nous admettons qu'il peut y avoir d'une part des opinions simplement chim?riques, et d'autres qui ont le m?rite de ne pas contredire la r?alit? des faits; de ramener ? leur observation; mais il nous est impossible de conc?der que les unes soient plus instructives
que les autres, fond?es sur la base naturelle, et capables de nous ?clairer positivement. C'est ? peu pr?s la m?me chose (toutes proportions gard?es) que si l'un disait, apr?s une s?rie d'observa tions ext?rieures, que le carr? de l'hypoth?nuse est [le] double du carr? des autres c?t?s, que l'autre dit qu'il n'y a point de rapport avec eux, que le troisi?me, [qu'il est ?gal ? la somme des carr?s des autres c?t?s]. On ne peut refuser au troisi?me une sup?riorit? dans
Pr?grammatical Grammatical
> Parole organis?e > Evolution,
21 C'est nous qui soulignons.
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R. Engler: Diachronie: l'apport de Gen?ve 165
son r?sultat ou dans son coup d' il; mais ce serait une erreur [d'y voir un progr?s]: entre celle de ces affirmations qui est juste (et contr?lable, remarquons-le) ou celles dont la fausset? [appara?t], il
n'y a pas proprement de progr?s de m?thode; et il ne pourra y en
avoir que si on renverse [le proc?d?]. Aucune de ces affirmations n'a
plus de valeur que l'autre, parce que la notion du vrai point de
d?part leur manque au m?me degr?. (CLG/E 3297, 14a-15.)
Nous sommes moins rigoureux. Nous croyons que toutes les vues que nous avons expos?es ont un tr?s grand int?r?t, substantiel et m?thodique; mais il est ?vident que dans l'apport de Gen?ve il y a une tentative tout ? fait remarquable de d?mystifier l'histoire et de cr?er un concept de diachronie exact et maniable. C'est bien son int?r?t.
Rudolf Engler
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