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156 Actualités Dis moi comment tu dors je te dirais pourquoi tu as mal... Tell me how you sleep and I will tell you why you have pains all over Le patient atteint de polyarthrite rhumatoïde (PR) demande souvent au médecin, à juste titre, quelle est l’origine de ses douleurs. Si fréquemment le médecin fait appel au pro- cessus inflammatoire pour expliquer tous les maux, qu’en est-il chez les patients douloureux chroniques en rémis- sion articulaire ? Il est maintenant admis qu’il existe au cours de la PR, un état d’hyperalgie généralisée (articu- laire et extra-articulaire), lequel sous-tend l’hypothèse d’un dysfonctionnement central à l’origine de la douleur. Par ana- logie avec la fibromyalgie, où l’on observe ce même état, l’une des théories récentes est l’existence d’une pertur- bation du système de contrôle inhibiteur diffus nociceptif (CIDN) récemment renommé modulation conditionnée de la douleur (CPM). Il s’agit d’un mécanisme endogène de régulation de la douleur induit par des stimulations nocicep- tives. Un stimulus douloureux survient en un point donné et déclenche dans le même temps une boucle de rétroaction négative. Celle-ci active le pool de neurones nociceptifs non spécifiques correspondant au segment médullaire activé, tout en inhibant simultanément des neurones du même type situés ailleurs dans la moelle épinière. Il en résulte une amplification du contraste entre la zone activée et la mise sous silence des neurones non concernés, facilitant ainsi la localisation de la zone douloureuse. Prenons mainte- nant le raisonnement inverse. En cas de dysfonctionnement de ce système, le bruit de fond deviendrait permanent. Et si l’intensité augmente au-delà d’un certain seuil, elle pourrait générer une information erronée de douleur sans qu’il y ait de stimulus douloureux périphérique, créant ainsi un état d’hypersensibilité. Existe-t-il une diminution du CPM chez les patients atteints de PR en rémission ? Pour les auteurs de cet article [1], la réponse est oui et ce de manière statistiquement significative par rapport à un groupe de contrôle de sujets sains. Dans ce cas pourquoi ? La question reste à ce jour en suspend et prouver un lien de causalité direct entre PR et CPM est pour le moins complexe. À l’instar des patientes fibromyalgiques, le sommeil des patients PR est perturbé. Et si la clé de l’énigme s’y trouvait ? À travers l’outil statistique qu’est le modèle de médiation, les auteurs ont émis l’hypothèse que la PR influait sur le sommeil, lequel à son tour influait sur le CPM. Pari osé, mais gagnant. Cela demande bien sûr d’être confirmé par d’autres études mais le jour où l’on prescrira de bien dormir n’est peut-être pas si loin. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela- tion avec cet article. Référence [1] Lee YC, Lu B, Edwards RR, Wasan AD, Nassikas NJ, Clauw DJ, et al. The role of sleep problems in central pain pro- cessing in rheumatoid arthritis. Arthritis Rhum 2013;65(1): 59—68. Étienne Dahan Centre hospitalier, 20, avenue Dr-René-Laennec, 68100 Mulhouse, France Adresse e-mail : [email protected] Rec ¸u le 19 mars 2013 ; accepté le 19 mars 2013 Disponible sur Internet le 25 avril 2013 http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2013.03.002 Douleur et maladie de Parkinson : données actuelles de la science Pain and Parkinson disease: Current findings La maladie de Parkinson est une affection neurodégénéra- tive chronique d’aggravation progressive, caractérisée par l’altération des voies dopaminergiques nigrostriées, dont la prévalence est de 0,1 à 0,3 % de la population. Elle se développe surtout après 65 ans et se traduit par des signes moteurs (rigidité, akinésie, tremblement, instabilité postu- rale) et non moteurs, parmi lesquels la douleur, observée en moyenne chez 30 à 50 % des patients. Celle-ci est pré- sente à tous les stades de la maladie, y compris avant le diagnostic. Les auteurs de cette revue de la littéra- ture [1] proposent un état des lieux des connaissances sur les mécanismes, la classification, les moyens d’évaluation et les facteurs de risques potentiels de la douleur dans la maladie de Parkinson. Sur le plan physiopathologique, l’essentiel des études ont eu lieu chez l’animal et sont en faveur de liens entre les modifications anatomiques de la maladie de Parkinson et les voies de la douleur, de la trans- mission des structures périphériques jusqu’à l’intégration corticale. Les mécanismes en sont complexes, la dopamine et la sérotonine joueraient un rôle sur la modulation du seuil de sensibilité à la douleur. Il n’existe pas de consen- sus quant à la classification des douleurs dans la maladie de Parkinson. Les classifications les plus récentes proposent de corréler plus ou moins directement les douleurs obser- vées à la maladie. Les douleurs musculo-squelettiques (45 à 74 % des patients), dystoniques (8 à 47 %), les radiculalgies (5 à 20 %) et le syndrome des jambes sans repos (8 à 20 %) sont les plus fréquentes. L’évaluation de la douleur diffère selon les études (seuil de sensibilité, perception de la dou- leur dans toutes ses dimensions), avec pour conséquence des données très variables, notamment en termes de préva- lence. La douleur dépend essentiellement de l’importance des signes moteurs. L’âge ne semble pas être un facteur de risque, bien que l’on observe davantage de douleurs en raison des pathologies dégénératives rhumatismales conco- mitantes. Il ne semble pas exister de différence entre hommes et femmes, mais certaines études mettent en évi- dence un seuil douloureux à la pression abaissé et davantage de douleurs musculo-squelettiques chez la femme. Les cor- rélations entre la sévérité, l’ancienneté de la maladie et la douleur sont controversées. En ce qui concerne la dépres- sion, fréquente dans la maladie de Parkinson, les résultats sont encore une fois discordants, alors qu’on s’attendrait à un lien entre les deux. Bien que la douleur soit fréquente, altère la qualité de vie du patient et représente le pro- blème non moteur le plus important de sa maladie, elle reste sous-évaluée. Les études montrent que 50 % des patients

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insi la localisation de la zone douloureuse. Prenons mainte-ant le raisonnement inverse. En cas de dysfonctionnemente ce système, le bruit de fond deviendrait permanent.t si l’intensité augmente au-delà d’un certain seuil, elleourrait générer une information erronée de douleur sansu’il y ait de stimulus douloureux périphérique, créant ainsin état d’hypersensibilité. Existe-t-il une diminution duPM chez les patients atteints de PR en rémission ? Pour lesuteurs de cet article [1], la réponse est oui et ce de manièretatistiquement significative par rapport à un groupe deontrôle de sujets sains. Dans ce cas pourquoi ? La questioneste à ce jour en suspend et prouver un lien de causalitéirect entre PR et CPM est pour le moins complexe. À l’instares patientes fibromyalgiques, le sommeil des patients PRst perturbé. Et si la clé de l’énigme s’y trouvait ? À travers’outil statistique qu’est le modèle de médiation, les auteursnt émis l’hypothèse que la PR influait sur le sommeil, lequelson tour influait sur le CPM. Pari osé, mais gagnant. Cela

emande bien sûr d’être confirmé par d’autres études maise jour où l’on prescrira de bien dormir n’est peut-être pasi loin.

éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

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1] Lee YC, Lu B, Edwards RR, Wasan AD, Nassikas NJ, ClauwDJ, et al. The role of sleep problems in central pain pro-cessing in rheumatoid arthritis. Arthritis Rhum 2013;65(1):59—68.

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Actualités

Étienne DahanCentre hospitalier, 20, avenue Dr-René-Laennec,

68100 Mulhouse, France

Adresse e-mail : [email protected]

Recu le 19 mars 2013 ; accepté le 19 mars 2013

Disponible sur Internet le 25 avril 2013

ttp://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2013.03.002

ouleur et maladie de Parkinson : donnéesctuelles de la science

ain and Parkinson disease: Current findings

a maladie de Parkinson est une affection neurodégénéra-ive chronique d’aggravation progressive, caractérisée par’altération des voies dopaminergiques nigrostriées, donta prévalence est de 0,1 à 0,3 % de la population. Elle seéveloppe surtout après 65 ans et se traduit par des signesoteurs (rigidité, akinésie, tremblement, instabilité postu-

ale) et non moteurs, parmi lesquels la douleur, observéen moyenne chez 30 à 50 % des patients. Celle-ci est pré-ente à tous les stades de la maladie, y compris avante diagnostic. Les auteurs de cette revue de la littéra-ure [1] proposent un état des lieux des connaissances sures mécanismes, la classification, les moyens d’évaluationt les facteurs de risques potentiels de la douleur dansa maladie de Parkinson. Sur le plan physiopathologique,’essentiel des études ont eu lieu chez l’animal et sont enaveur de liens entre les modifications anatomiques de laaladie de Parkinson et les voies de la douleur, de la trans-ission des structures périphériques jusqu’à l’intégration

orticale. Les mécanismes en sont complexes, la dopaminet la sérotonine joueraient un rôle sur la modulation dueuil de sensibilité à la douleur. Il n’existe pas de consen-us quant à la classification des douleurs dans la maladiee Parkinson. Les classifications les plus récentes proposente corréler plus ou moins directement les douleurs obser-ées à la maladie. Les douleurs musculo-squelettiques (45 à4 % des patients), dystoniques (8 à 47 %), les radiculalgies5 à 20 %) et le syndrome des jambes sans repos (8 à 20 %)ont les plus fréquentes. L’évaluation de la douleur diffèreelon les études (seuil de sensibilité, perception de la dou-eur dans toutes ses dimensions), avec pour conséquencees données très variables, notamment en termes de préva-ence. La douleur dépend essentiellement de l’importancees signes moteurs. L’âge ne semble pas être un facteure risque, bien que l’on observe davantage de douleurs enaison des pathologies dégénératives rhumatismales conco-itantes. Il ne semble pas exister de différence entre

ommes et femmes, mais certaines études mettent en évi-ence un seuil douloureux à la pression abaissé et davantagee douleurs musculo-squelettiques chez la femme. Les cor-élations entre la sévérité, l’ancienneté de la maladie et laouleur sont controversées. En ce qui concerne la dépres-ion, fréquente dans la maladie de Parkinson, les résultatsont encore une fois discordants, alors qu’on s’attendrait àn lien entre les deux. Bien que la douleur soit fréquente,

ltère la qualité de vie du patient et représente le pro-lème non moteur le plus important de sa maladie, elle resteous-évaluée. Les études montrent que 50 % des patients