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Diversification alimentaire et risque allergique

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ARCPED-3740; No. of Pages 4

Diversification alimentaire et risque allergique

Solid food introduction and allergic riskN. Pham-Thi a,*, E. Bidat b

a CNRS U8147, hôpital Necker–Enfants-Malades, hôpital du Kremlin-Bicêtre, AP–HP, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, Franceb Hôpital Ambroise-Paré, AP–HP, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne-Billancourt, France

Résumé

La diversification alimentaire en pédiatrie a subi durant ces dernières décennies de nombreux bouleversements. Lesrecommandations initiales, empiriques, n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, elles sont peut être responsables del’augmentation des allergies. La tendance actuelle, faisant suite à des études, est une avance de la diversification. Les conseilsrisquent évoluer aux vues de la compréhension des mécanismes de sensibilisation et de développement des allergies. Iln’existe pas de modalités précises et prouvées quant à l’ordre et le calendrier précis d’introduction des aliments. Il sembleque l’âge d’introduction des aliments solides puisse être favorable entre 4 et 6 mois. Retarder l’introduction d’un potentielallergène n’a jamais apporté la preuve d’une efficacité préventive. Il est possible qu’il soit préférable d’induire une toléranceorale précoce que de provoquer une allergie par sensibilisation transcunée en ingérant toute nouvelle protéine alimentaireprésente dans l’environnement de l’enfant.� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Solid food introduction in childhood suffered in recent decades many changes due to findings of increased allergies with alikely mismatch schemes and a recent reversal of recommendations for delaying the introduction of foods. The advice maystill change due to the latest findings on the mechanisms of sensitization. There is little or no certainty on the date and toprovide food at the right time. It seems that the introduction of solid foods may be favorable age between 4 and 6 months.Delaying the introduction of allergenic potential has not yet demonstrated a preventive effect. It could be preferable toinduce an early oral tolerance that cause allergy with transcutaneous sensitization by ingesting any new dietary proteinintroduced in the environment of the infant.� 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Archives de pédiatrie xxx (2014) xxx–xxx

1. L’ORIGINE D’UNE DIVERSIFICATIONTARDIVE, LES RECOMMANDATIONSHISTORIQUES

Il n’existe pas de recommandations fondées sur des preuvessur les quantités exactes et un calendrier précis d’introductiondes différents aliments. Les recommandations ont été

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Pham-Thi).

http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.07.003

0929-693X/� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

élaborées sur la base d’études observationnelles et d’avisd’experts. Jusque récemment, la prévention primaire del’allergie reposait sur le dogme de l’éviction. Dès les années1970, quelques études ont soulevé un éventuel risque accrupour l’eczéma et l’asthme chez les nourrissons chez qui ont étéintroduits des aliments solides très tôt. Dans une étudelongitudinale de 10 ans, Ferguson et al. ont observé quel’introduction précoce (avant 4 mois de vie) d’aliments solidespouvait prédisposer les enfants sensibles à l’eczéma. Mais cettediversification pouvait débuter à 2 mois et comporter jusque4 aliments avant 4 mois [1]. Zeiger et al. ont rapporté les

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résultats d’un essai randomisé, contrôlé. Une action précoce(avant 4 mois) combinée comprenant une éviction del’allergènes alimentaires chez la maman et chez l’enfantréduisait significativement le risque d’eczéma mais que chezles enfants de parents atopiques [2]. Dans le début des années2000, les sociétés Anglo-Saxonnes recommandaient encoreaux futures mamans à risque d’atopie puis aux nourrissonsd’éviter l’arachide, les fruits à coque, le poisson et les fruits demer les 3 premières années, le lait durant la 1re année, l’œuf la2e année, mais ceci sans aucune preuve de l’efficacité préventive[3]. Une déclaration conjointe de la Société européenne depédiatrie allergologie et d’immunologie clinique (ESPACI) et dela Société européenne de gastropédiatrie et de nutrition(ESPGHAN) a conseillé de retarder préventivement l’intro-duction des aliments solides après 6 mois, ici aussi sans aucunepreuve [4]. L’Organisation mondiale de la santé confirma avecla promotion de l’allaitement maternel exclusif pendant 6 moisafin de prévenir l’allergie, retardant ainsi le sevrage etl’introduction des solides, sans aucune preuve d’efficacité [5].

2. ÉCHEC DE RECOMMANDATIONSHISTORIQUES

En 2004, pour la première fois, Zutavern et al. ont montréune augmentation du risque d’eczéma lié à l’introductiontardive d’œufs et du lait dans une cohorte prospectivenéonatale. L’introduction tardive des œufs était associée àun risque accru mais non significatif de l’asthme du nourrisson[6]. En 2006, les mêmes auteurs ont montré que l’introductiontardive de légumes, de produits laitiers et de la viandeaugmentait le risque de dermatite atopique chez les enfants à2 ans [7]. En 2008, Zutavern et al. étudient une cohorte de2073 enfants de 6 ans, ils démontrent que l’introduction tardivede solides (après 6 mois) est associée à une diminution des oddsratios pour l’asthme, la rhinite allergique ou de sensibilisation à5 ans [8]. Poole et al. montrent que les enfants qui ontconsommé des céréales après 6 mois ont un risque accrud’allergie au blé par rapport aux enfants qui en consommentavant [9]. L’introduction de l’œuf (cuit) entre 4 à 7 moisdiminue le risque d’allergie aux œufs, même après ajustementdes antécédents familiaux d’allergie [10]. Nwaru et al. montrentque la sensibilisation allergique à des allergènes alimentaires etrespiratoires est associée à l’introduction tardive de pommesde terre, avoine, seigle, la viande, le poisson et les œufs (après4 mois) [11]. Du Toit et al. constatent que, malgré lesrecommandations d’éviction de l’arachide pendant la petiteenfance, qui sont strictement appliquées au Royaume-Uni, enAustralie et en Amérique du Nord, l’allergie à l’arachidecontinue d’augmenter dans ces pays, et que cette sensibilisationest en baisse chez les enfants d’Israël qui en consomment plustôt (à 8–14 mois : 7,1 g/mois contre 0 au Royaume-Uni[p < 0,01]). L’introduction précoce d’arachide pendant lapetite enfance, plutôt que son éviction stricte, pourraitempêcher le développement de l’allergie à l’arachide [12].Dans une cohorte d’un 594 enfants, les aliments introduitsavant 4 mois donnent un risque réduit de sensibilisation àl’arachide (et peut-être à l’œuf) à l’âge de 2 à 3 ans, mais

seulement pour les enfants ayant des antécédents parentauxd’asthme ou d’allergie [13].

3. CHANGEMENTS DE CONSEILS

Il est possible que les recommandations de l’époque(l’introduction tardive de l’arachide à partir de 3 ans), aientpu contribué à l’augmentation de la prévalence et la gravité del’allergie alimentaire [14]. En 2008, ces mêmes sociétésretiraient ces conseils de restrictions alimentaires pendant lagrossesse ou l’allaitement ainsi que l’introduction retardéeaprès 6 mois d’âge ; car il n’y avait pas de preuve d’un effetpréventif [15]. Notre Société française de pédiatrie a émis lesrecommandations suivantes : « Pour les aliments à fort pouvoirantigénique sans intérêt nutritionnel particulier (kiwi, céleri,arachide, fruits à coque, crustacés), l’introduction doit, parprécaution, dans l’état actuel des connaissances, être retardéeau-delà d’un an. En revanche, pour l’œuf et le poisson, alimentsde consommation courante et de grande qualité nutritionnelle,il n’est pas, à ce jour, démontré que retarder leur introductionaprès un an ait un effet bénéfique chez l’enfant, quel que soit lerisque allergique » [16].

4. « LUNE DE MIEL, FENÊTRE DE TOLÉRANCEIMMUNITAIRE »

La tolérance aux protéines alimentaires semble être induitepar une exposition précoce aux protéines au cours d’unepériode favorable, sorte de « fenêtre immunitaire » d’oppor-tunité. La détermination de cette fenêtre pour éviter lesallergies n’est pas encore bien précisée. Les données actuellessuggèrent qu’elle se situerait entre le 4e (environ 17 semaines)et le 7e mois de la vie, et que l’exposition retardée aux alimentssolides au-delà de cette période pouvait augmenter le risqued’allergie alimentaire [17]. De nombreux arguments fontpenser que la sensibilisation allergénique se passe par la voiecutanée au travers d’une peau atopique lésée. Les allergènesalimentaires environnementaux (consommés par l’entourage)pénètreraient l’organisme pour initialiser la réaction aller-génique [18]. Il semblerait que l’induction de la tolérance par lavoie orale pourrait contrebalancer cet effet. Cela a étédémontré pour le lait [19] et pour l’œuf [20]. Il en résulte que laprévention primaire de l’allergie passerait plus par l’acquisitionde la tolérance à un allergène que par son éviction ou le retard àson introduction.

5. CONSEILS PERSONNALISÉS

En 2008, la Société pédiatrique américaine indique quel’introduction des aliments dépendait du propre développe-ment de l’enfant. Il serait prêt pour la nourriture solide quand iltiendrait sa tête, ouvrirait la bouche, lorsque la nourriture luiserait donnée à la cuillère avec une déglutition satisfaisante etquand il aurait doublé son poids de naissance (vers 4 mois) [21].Il y a des suggestions indiquant que retarder l’introduction decertains aliments peut effectivement augmenter (au lieu dediminuer) la prévalence des maladies allergiques. Par

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conséquent, quand un enfant est prêt, à partir du 4e mois de lavie, un nouvel aliment solide peut être introduit. La mère peutcontinuer à allaiter pendant cette période. Au total, il faudraitretenir qu’il n’existe que très peu de preuves d’efficacité desrégimes préventifs proposés actuellement, qu’il existe denombreuses inconnues et qu’il est difficile d’imposer aveccertitude des restrictions. Le moment opportun pourl’introduction des aliments varierait en fonction de diversfacteurs : génétiques, aptitude neurologique, dentition (?),composition de la flore digestive, type et quantité d’allergènes,pH gastrique, allaitement maternel prolongé, stress. . . [17]. Lerisque allergique lié à un nourrisson atopique dépend deshabitudes alimentaires de la famille et des protéines utilisées parcelle-ci. Les découvertes récentes tendraient à montrer que lesmécanismes de sensibilisations allergéniques antérieures à uneréaction allergénique viendraient d’un contact cutané del’aliment. À la lumière de l’ensemble de ces données, il seraitlogique, mais reste à être démontré, d’introduire dansl’alimentation les protéines nouvelles qui pénètrent dansl’environnement notamment aérien/cutané d’un nourrissonatopique.

Conseils de diversification pour le nourrisson avec

ou sans risque allergique.

Poursuivre l’allaitement si possible.

Introduire les aliments entre l’a ge de 4 et 6 mois

(envie et capacite identifie es).

N’interdire aucun aliment pre sent dans son

environnement : faire gouter vos pre parations

culinaires.

Proposer sans forcer avec des quantite s croissan-

tes.

Pour le lait de vache : introduction de s que possible,

en l’absence d’allergie.

Commencer par exemple par les le gumes et fruits

cuits puis crus de saison.

Puis proposer viandes, poissons (sardine, maque-

reau en boıte d’abord par exemple).

Pour l’œuf : commencer par les biscuits, les

ga teaux, cre mes, omelette puis œuf dur (entier).

Introduire les ce re ales a base de gluten autour de

56 mois : par exemple 1 cuille re a cafe dans un

biberon.

Partager votre culture, vos « habitudes » alimentai-

res, faire de couvrir, re-proposer a distance en cas

de « refus ».

Garder du « bon sens ».

Soigner, prote ger la peau en cas de xe rose,

dermatite, ecze ma (surtout les mains et le visage)

afin de diminuer le risque de pe ne tration trans-

cutane e des allerge nes.

Allerge nes fre quents probablement a e viter autant

que possible autour/sur de l’enfant avant la

diversification.

DÉCLARATION D’INTÉRÊTS

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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