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demain le monde n° 8 – juillet/août 2011 dlm dossier Venezuela Quand le poisson revient Musique Esperanzah, 10 ans plus tard… ABI Une camisole de force pour les États Palestine : un État pour quel territoire ?

dlm, demain le monde #8

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dlm, demain le monde est le magazine du CNCD-11.11.11 et supplément 'développement' du magazine Imagine

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demain le monden° 8 – juillet/août 2011

dlm

dossier

VenezuelaQuand le poisson revientMusiqueEsperanzah, 10 ans plus tard…ABI Une camisole de force pour les États

Palestine :un État

pour quel territoire ?

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02sommaire

dlmdemain le monde

n°8 – juillet/août 2011

Directeur de rédactionArnaud Zacharie

RédactionFrédéric Lévêque

GraphismeDominique Hambye, Élise Debouny

ImpressionKliemo – EupenImprimé à 6.000 exemplaires sur papier recyclé

Photo de couvertureUn des célèbres graffitis de l’artistebritannique Banksy sur le Mur israélien à Ramallah

Maureen (amerune) 2006

dlm est le supplément « développement » du magazineImagine demain le monde.

Pour le recevoir, abonnez-vous!www.imagine-magazine.comwww.cncd.be/dlm

[email protected] – 02 250 12 51

03éditoLes leçons non tirées du tiers-mondepar Arnaud Zacharie

04actuABI : une camisole de force pour les Étatspar Michel Cermak

07petites histoires de gros sousContre-attaquespar Antonio Gambini

08reportageVenezuela : quand le poisson revientpar Sébastien Brulez

11dossierPalestine : un État pour quel territoire?par Rabab Khairy et Nathalie Janne d’Othée

16multi-cultureEsperanzah, 10 ans plus tard…entretien avec Jean-Yves Laffineur, par Julien Truddaïu

18projet 11.11.11Pérou : protéger la terre et l’eaupar Frédéric Thomas

20introspectus« Dans les ONG, il est essentiel de prendre au sérieux ce que l’on montre »entretien avec Tineke d’Haese, par Frédéric Lévêque

22citoyen, citoyenneLa solidarité, par le vélopar Aurélie Mommens

23pas au sud, complètement à l’ouestIl n’y pas de sot-métierpar Gérard Manréson

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03édito

Il y a un an jour pour jour, dans cemême édito, nous mettions l’Unioneuropéenne (UE) en garde en luiconseillant de tirer les leçons de l’ex-périence du tiers-monde dans la ges-tion de la crise de la zone euro.

La première leçon à tirer était selon nous que « ceux qui pensent qu’une réductiondes dépenses publiques de 1% du PIB implique automatiquement une réduction dudéficit public de 1% du PIB sont dangereusement optimistes. La réduction du défi-cit public dépend également des recettes et donc de l’activité économique, alorsque cette dernière ne peut survenir dans un contexte d’austérité généralisée. Lesplans d’ajustement structurel appliqués suite à la crise de la dette du tiers-mondedu début des années 1980 ont ainsi débouché sur une décennie perdue enAmérique latine, la récession débouchant sur une diminution des recettes et uneaugmentation de la dette ».

La deuxième leçon était que « un État surendetté ne peut sortir de la crise sans unerestructuration de sa dette, c’est-à-dire un rééchelonnement et une annulation par-tielle. En Europe, la Grèce semble dans une situation similaire à celle qu’a connuel’Argentine dans les années 1990, avec une monnaie surévaluée débouchant surun endettement croissant et sur un défaut de paiement ». Un an plus tard, cescraintes se sont révélées dramatiquement pertinentes. Dans la foulée de la Grèce,l’Irlande et le Portugal ont nécessité un plan de soutien de l’UE et du FMI enéchange de politiques d’austérité. Dans le même temps, l’austérité en Grèce aaggravé la récession et condamné le pays à solliciter un deuxième plan d’aide… enéchange d’une austérité accrue, à un tel point que la question de la solvabilité del’économie grecque se pose avec de plus en plus de gravité, sur fond de manifes-tations d’« indignés » qui refusent d’être les dindons de la farce de la crise.

Au même moment, nombre de pays en développement voient les capitaux privésinternationaux affluer, ce qui leur fait craindre la formation de bulles spéculativessusceptibles de déboucher en crise financière, comme ce fut le cas il y a quinzeans en Asie et en Amérique latine. Dans ces pays, certaines leçons du passé ont été tirées, ce qui les incite notamment à adopter des mesures de contrôle descapitaux. Mais en l’absence de réforme profonde du système financier internatio-nal par le G20, l’instabilité financière et monétaire reste de mise et les risques decrise demeurent.

En définitive, le système financier international est au moins aussi dangereuxqu’avant la crise de 2008, alors que les États des pays industrialisés sont tellementendettés, suite aux plans de sauvetage des banques et à la récession provoquéepar la crise, qu’ils n’auraient plus les moyens de sauver ce qui pourrait l’être en casde nouvelle crise systémique. Il s’avère donc urgent de tirer toutes les leçons descrises que l’on pensait jusqu’il y a peu limitées aux pays en développement, maisqui touchent désormais les pays riches de plein fouet.

Les leçons non tirées

du tiers-monde

ARNAUD ZACHARIESecrétaire général du CNCD-11.11.11

« LE SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL EST AU MOINS AUSSI DANGEREUX QU’AVANT

LA CRISE DE 2008 »

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04actu

Une camisole de force ! L’expression n’est pas trop forte. La multiplication des accordsd’investissement entre États du monde entieraffaiblit la marge de manœuvre desgouvernements et octroie à des investisseursprivés jusqu’au droit de faire condamner les Étatsà des dommages et intérêts. Explications.

MICHEL CERMAKChargé de recherche Travail décent, CNCD-11.11.11

Décembre 2001. Plongée dans une grave crise sociale et économique, la popula-tion argentine se soulève. Plusieurs gouvernements tombent. Quand NestorKirchner arrive à la présidence en 2003, il décide d’affronter les privatizadas, lesentreprises privatisées dans les années 90. Aguas Argentinas, une filiale de Suez,se voit retirer sa concession du service des eaux de Buenos Aires. Le groupeattaque alors l’État argentin devant une cour d’arbitrage internationale. Celle-ci, en2010, condamne le pays sud-américain au versement de plus de 100 millions dedollars de dédommagement plus intérêts et frais de procédure.

Plus près de chez nous, en 2009,l’Allemagne prend des mesures pour li-miter les possibilités de prélèvement etde déversement d’eau dans l’Elbe, etceci en application d’une directive euro-péenne sur la qualité de l’eau. La sociétésuédoise Vatenfall porte l’affaire devantune cour internationale. Elle craint pourla viabilité économique d’une de sescentrales électriques. Elle réclame unecompensation de 1,4 milliards de dollars.Depuis lors, aucun verdict n’a été publié,le cas ayant été réglé à l’amiable. Maisil est difficile de croire que Vatenfall a re-tiré sa plainte sans un centime. De plus,certains médias ont mentionné un as-souplissement de la réglementation enquestion suite à l’affaire.

ABI : une camisole

de forcepour les États

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05actu

Ces deux exemples nous amènent à poser une question : qu’est-ce qui permet à uninvestisseur privé de traîner un État souverain devant une cour de justice interna-tionale, dont le verdict est sans appel? La réponse : les accords d’investissement.

Souveraineté amputéeLe premier accord bilatéral sur les investissements (ABI) a été conclu en 1959 entrel’Allemagne et le Pakistan. Bien que réciproque, son but manifeste était de protégerles investisseurs allemands au Pakistan contre toute discrimination ou atteinte por-tée par les pouvoirs publics pakistanais. Depuis lors, plus de 3.000 ABI similairesont été ratifiés dans le monde. Une très large majorité dans une perspectiveaujourd’hui périmée : celle de protéger des investissements essentiellement origi-naires des « pays développés » et destinés aux « pays en développement ». Or l’UEest aujourd’hui la première destination d’investissements directs étrangers (IDE)entrants, ce qui devrait enfin convaincre nos décideurs de trouver un équilibre entreles droits des États et ceux des investisseurs.

Croyance non fondéeLa multiplication des ABI repose sur la croyance quen’importe quel investissement est de facto pro-dévelop-pement, justifiant la doctrine selon laquelle chaque paysdoit tout faire pour attirer un maximum d’IDE. Pourtant, de nombreuses études,théoriques et empiriques, démontrent que cela n’est pas vrai dans tout contexte,pour tout investissement.

D’abord, parce que de nombreux pays ont tendance sur base de cette croyance às’engager dans une course vers le bas sur les plans social, environnemental et fis-cal pour attirer l’investissement, neutralisant ainsi une part non négligeable desbénéfices escomptés. Ensuite, les bénéfices seront plus équilibrés si le pays hôtepeut poser des conditions en matière de contenu et de travail local, de transferts detechnologies, etc. Or c’est justement cette marge de manœuvre qui est limitée parles ABI existants. Enfin, le terme « investissement » englobe une variété infinie depratiques dont 80% sont des fusions et acquisitions1, dont l’impact est nul voire

L’Europe à la barre

négatif si elles sont accompagnées derestructurations. Les 20% restants separtagent entre investissements de por-tefeuille, spéculation et enfin des green-field investment, comme par exemple lacréation d’une filiale de production,donc d’emplois neufs, avec un impactpositif sur le développement, mais seu-lement s’ils respectent les normessociales et environnementales.

Règlement des conflitsEn cas de litige, les ABI donnent à desinvestisseurs privés le droit d’attaquerdes États devant des cours d’arbitrageinternationales. L’ensemble du système

judiciaire des États est ainsi éludé etaffaibli, avec des règles de confidentia-lité maintenant la population dansl’ignorance de la procédure. Poussépar l’apparition de firmes de conseiljuridique et de filières universitairesspécialisées, le nombre d’arbitrages aexplosé à partir des années ’90.

Clauses inefficacesDepuis peu, l’Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL) a adopté un

« LA MULTIPLICATION DES ABI REPOSESUR LA CROYANCE QUE N’IMPORTE

QUEL INVESTISSEMENT EST DE FACTOPRO-DÉVELOPPEMENT »

Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne (2009), la conclusion d’ABI est une compétence européenne. Pendant encore quelques années, un régime de transitionpermettra aux États membres de conclure des ABI avec certainspays tiers. Il y aura donc encore un combat à mener aux niveauxeuropéen et belge. En ce moment, les orientations de la future politiqued’investissement de l’UE font l’objet de discussions, aveccomme question centrale l’équilibre entre investisseurs privéset États, une question profondément politique, dans le beausens du terme. La Commission européenne et le Conseil ont tousdeux exprimé des vues dans la ligne directe des ABI des Étatsmembres, malgré toutes les failles qu’ils contiennent. Par contre, dans une résolution adoptée le 6 avril, le Parlementeuropéen a pris une position légèrement plus progressiste,même si ses initiateurs ont dû composer avec un blocmajoritaire conservateur* qui a notamment remplacé desclauses juridiquement contraignantes par effectives, ce qui

les affaiblit, voire les rend caduques.C’est en juin-juillet 2011 que le Conseil, réunissant les Étatsmembres, prendra position. Malheureusement le Conseil estl’institution européenne la moins démocratique et transparente.L’essentiel des discussions et débats ont lieu entre experts des27, à huis clos, si bien que chaque pays peut prétendre avoirdéfendu une position sans que personne ne puisse le vérifier :seul le résultat est public. Cependant, il est évident que, sipersonne ne les en empêche, les grand États continueront àdéfendre des ABI européens calqués sur leurs ABI qu’ilsconcluent depuis 50 ans, perpétuant ainsi leurs erreurs passées.Il est urgent que chaque gouvernement soit interpellé sur les risques qu’il fait courir à la souveraineté de son État et en rende compte de bonne foi devant les parlements etpopulations d’Europe.

* PPE et ALDE (dont sont membres respectivement les partis belges cdHet CD&V pour le PPE, et MR et open VLD pour l’ALDE).

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06actu

modèle d’ABI avec des clauses sociales et environnementales, ce qui en fait unpionnier à l’échelle européenne. Pourtant, on peut craindre que cette « exceptionbelgo-luxembourgeoise » ne soit que cosmétique, avec un impact concret trèslimité. Les négociations avec les pays tiers aboutissent souvent à un allègementde ces clauses ou à leurs suppressions. De plus, le texte modèle contient un lan-gage très peu contraignant, des normes qui se limitent aux fondamentaux et aucunmécanisme de contrôle coercitif.

En 2009, par exemple, lors de la négociation d'un ABI avec la Colombie, la mentionde droits tels que le salaire minimum, des horaires de travail décents, la sécuritéet la santé, prévus dans le modèle d’accord de l’UEBL, a justement été biffée encours de négociation. La réaction ne s’était pas fait attendre…

VictoiresDès l’été 2009, syndicats et ONG, rassemblés au sein de la Coalition pour un tra-vail décent, avaient appelé les autorités belges à ne pas ratifier cet accord avec laColombie, un pays tristement célèbre pour ses violations des droits de l’Homme.Cette pression avait payé, puisque les régions flamande et wallonne avaient décidéde ne pas ratifier l'ABI en mars 2010.

Rebelote en mai 2011. Suite au licenciement de trente-trois employés de la firmePanama Gaming & Services de Panama S.A. y/o CIRSA Panama S.A. pour avoir

Mallette pédagogiqueJustice climatiqueL’outil incontournable qui accompagne la campagne du CNCD-11.11.11 pour la « justice climatique » dans le milieu scolaire

C’est quoi?Mallette qui regroupe divers outils sur le thème de la « justice climatique » : – 7 films-documentaires, 8 outils« papiers » et 4 outils Internet– Animations en lien avec leschangements climatiques,l’environnement et les ressourcesnaturelles (eau, terre, forêt)

Pour qui?– L’enseignement secondaire supérieur– Tout groupe constitué d’un public deminimum 15 ans

Par qui?– Mallette initiée et coordonnée par le CNCD-11.11.11

tenté de mettre sur pied un syndicat – leur demande de création d’un syndi-cat a été rejetée par les autorités –,syndicats et ONG se sont à nouveaumanifestés contre la ratification d’unABI avec le Panama, un pays qui se dis-tingue par des violations régulières desdroits des travailleurs. Citons notam-ment l’interdiction du droit de grève en vigueur dans la zone du Canal, prin-cipal pôle d’investissement étranger du pays. À l’heure de clôturer cet arti-cle, la région wallonne donnait dessignes d’ouverture aux arguments de laCoalition Travail décent.

1/ Cette proportion écrasante était d’ailleurssoulignée dans la résolution du Parlementeuropéen du 6 avril 2011 sur la future politiqued’investissement de l’Union européenne.

campagne 11.11.11

– Outils conçus par les organisationsactives en éducation au développementsur la thématique : Dynamo International,Entraide et Fraternité, Frères desHommes, Greenpeace, Ingénieurs SansFrontières, Monde Selon les Femmes,Oxfam Magasins du Monde, Oxfam-Solidarité, Protos, Quinoa, SCI, SOS-Faim,CSC et FGTB.

Se former, animer?Des formations à l’animation des outilssont proposées et peuvent êtresollicitées. Agenda et demandes sur notre site. Tout souhait d’animation est à introduire auprès du bureau régional le plus proche de chez vous([email protected],[email protected], [email protected],[email protected], [email protected],[email protected] )

Commandez votre mallette sur www.cncd.be/mallette ou par téléphoneau 02 250 12 57 auprès de Zohra Yassine.

Michel Dubois 2011

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ANTONIO GAMBINIChargé de recherche, CNCD-11.11.11

En novembre 2010, un rapport détaillé de l’ONG Action Aid1

révélait que le géant brassicole SABMiller était un spécialisteen matière d’évasion fiscale. A l’aide d’une vaste panoplie detrucs et astuces, le n°2 mondial du secteur – mais n°1 enAfrique, avec pas moins de 16 brasseries et 21 usines de miseen bouteille – s’arrange pour diminuer sa facture fiscale de pasmoins de 31 millions de dollars par an enInde et en Afrique; ce qui équivaut au coûtde la scolarisation d’un quart de milliond’enfants africains.

Parmi les ficelles utilisées par le géant de labière, signalons notamment la vente systématique desmarques des bières africaines les plus populaires à ses filialeslocalisées dans des paradis fiscaux. Pour diminuer les profitstaxables des filiales africaines et donc la facture fiscale, il suf-fit à SABMiller d’organiser le paiement par les filiales africainesde royalties (droit d’utilisation de propriété intellectuelle, enl’occurrence la marque) exorbitantes aux filiales localiséesdans les paradis fiscaux.

Initiative sans précédent, le Forum des administrations fis-cales africaines (ATAF en anglais) a lancé cette année unvaste audit coordonné des comptes et déclarations fiscalesdes filiales de SABMiller. Cinq pays y participent : l’Afrique deSud, la Zambie, la Tanzanie, le Ghana et l’île Maurice2. Mêmesi rien n’est gagné, il n’en reste pas moins qu’il s’agit ici de lapremière contre-attaque internationale menée par des admi-nistrations fiscales contre les pratiques d’une multinationale.

Une autre contre-attaque éclatante est celle lancée par 5 asso-ciations contre un des leaders mondiaux du secteur minier etdes matières premières : la multinationale Glencore, quicontrôle plus de 60% du commerce mondial de zinc et plusde 50% de celui du cuivre.3

Les fuites d’un audit réalisé par la firme Grant Thornton ont révélé les pratiques douteuses de cette entreprise enZambie, notamment dans le cadre des opérations de la minede Mopani : sous-estimation des volumes de production,sous-facturation de la vente du minerai à la maison mère enSuisse, surfacturation des coûts d’exploitation de la mine ;tous les moyens lui semblent bons pour réduire sa contribu-tion aux finances publiques zambiennes.

En réaction, Sherpa (France), le Center for Trade Policy andDevelopment (Zambie), la Déclaration de Berne (Suisse),l’Entraide missionnaire (Canada) et Mining Watch Canada ontdécidé de déposer plainte contre Glencore auprès de l’OCDE,l’organisation internationale de conseil et d’analyse écono-mique des pays industrialisés, pour non-respect de ses prin-cipes directeurs à l’intention des entreprises multinationales.

S’il n’est pas certain que cette procédure puisse aboutir vrai-ment à une sanction effective contre les manipulations comp-tables et financières de la firme fondée par le très controverséhomme d’affaires Marc Rich, cette plainte a au moins eu lemérite de relancer le débat sur la transparence et les pratiquesde Glencore, à l’heure où celle-ci procédait à une vaste opéra-tion de levée de capitaux par le biais d’une entrée en bourse.

On ne le répétera jamais assez : l’évasion massive de capi-taux des pays du Sud vers le Nord et les paradis fiscaux estla première source d’appauvrissement des pays les plus pau-vres. Et dans ce pillage organisé, les entreprises multinatio-nales jouent un rôle clé.

1/ Lire du même auteur, 1260 >< 120, dlm, demain le monde, n°6, mars-avril 2011. 2/ SABMiller to face tax audit in five African countries followingActionAid report, ActionAid, 6 mai 2011, www.actionaid.org.uk 3/ Evasion fiscale en Zambie : cinq ONG déposent plainte contreGlencore International AG et First Quantum Minerals, Communiqué depresse, 12 avril 2011, www.asso-sherpa.org

« IL S’AGIT DE LA PREMIÈRE CONTRE-ATTAQUEINTERNATIONALE D’ADMINISTRATIONSFISCALES CONTRE LES PRATIQUES D’UNE MULTINATIONALE »

Les entreprises multinationalesjouent un rôle clé dans les phénomènes d’évasion fiscale. Les pratiques de deux d’entre elles,et pas des moindres, font aujourd’huil’objet de contre-attaques menéespar des administrations fiscales et des associations.

07petites histoires

de gros sous

Contre-attaques

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08reportage

Au Venezuela, la pêche industrielle au chalut a été interdite en2009. Deux ans plus tard, la mesure porte ses fruits : la pêcheartisanale vit un nouvel essor. Mais le manque de vision globaleet à long terme du gouvernement pourrait freiner cette réussite.

SÉBASTIEN BRULEZChargé de campagne, CNCD-11.11.11

La péninsule d’Araya, dans le département de Sucre, estconnue depuis la colonisation pour ses salines. Ici, rien nepousse, ou presque. La côte est aride et le sol poussiéreux.L’agriculture (principalement des plantations de bananiers)ne se développe que dans les zones plus humides, à flanc demontagne. Les ruines du vieux fort témoignent de l’impor-tance stratégique d’Araya à l’époque coloniale, pour l’appro-visionnement en sel de la métropole espagnole.

À Caimancito, petit village situé sur la péninsule, on vit de lapêche de père en fils. Car les côtes du département,aujourd’hui, sont aussi et surtout laréserve poissonnière du Venezuela :plus de 60% du poisson pêché dans lepays en provient.

« Moi, je pêche depuis l’âge de 8 ans. Mon père est mortjeune et j’étais le seul garçon de la famille. J’ai dû arrêterl’école et sortir en mer pour ramener de quoi manger à la mai-son », explique Persiliano Rodríguez, membre d’une coopé-rative familiale de distribution de poissons. À Caimancito, onsavoure l’interdiction de la pêche industrielle au chalut1

comme une victoire.

Pêche industrielle néfaste« Les chalutiers pêchaient la langoustine et le corocoro(Haemulon Plumieri), ils décimaient le petit poisson et fai-saient fuir le reste », raconte un pêcheur sur la plage.Persiliano précise : « Ils pêchaient en zone interdite, tropprès des côtes, et sans aucun respect. Ils cassaient fré-

quemment les filets tendus par les petits pêcheurs etpayaient rarement pour les dommages occasionnés ».D’après les témoignages, les propriétaires de chalutiers sou-doyaient la Garde nationale (gendarmerie) pour échapper auxcontrôles le long des côtes. La langoustine se vend cher surle marché, quelques caisses offertes à la Guardia suffisaientpour s’assurer une sortie en mer sans réprimande.

Les pêcheurs du coin n’avaient alors d’autre choix que d’al-ler chercher le poisson ailleurs. Leurs petits peñeros(bateaux à moteur) les emmenaient jusqu’à l’île de Margarita,

située à environ 40km en face de la péninsule. Certains fai-saient l’aller-retour dans des journées et des nuits intermina-bles. D’autres préféraient passer jusqu’à deux semainescomplètes sur l’île ; ils rentraient ensuite quelques jours à lamaison et repartaient à nouveau.

« Aujourd’hui, on sort quatre à cinq heures par jour et onramène beaucoup plus de poisson. On a commencé à voir ladifférence à peine quelques mois après l’interdiction de lapêche industrielle », continue Persiliano qui aime raconter sesanecdotes. Il faut dire qu’il n’est pas seulement pêcheur, c’estaussi un agitateur qui reconnaît « ne pas s’être fait que desamis » par ses actions et ses apparitions dans la presse pourdénoncer les abus des chalutiers et la connivence des autori-tés. « Une nuit, nous avons organisé une expédition punitive.

« ON ÉTAIT OBLIGÉS DE VENDRE LE PRODUIT DE NOTRE PÊCHE AU PROPRIÉTAIRE DU BATEAU »

Venezuela

Quand le poisson revient

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09reportage

Nous sommes sortis en mer avec un petit groupe pour allerfoutre le feu aux chalutiers qui nous pourrissaient la vie. Maisles équipages ont eu vent de notre plan et ils ne sont pas sor-tis », se souvient-il avec un petit sourire au coin des lèvres.

Cette lutte contre les chalutiers affectait aussi les relationsentre villages voisins. Non loin de là, à Taguapire, la majoritédes hommes travaillaient sur les chalutiers. « À l’époque, jen’étais pas vraiment le bienvenu à Taguapire. Parce qu’ilsdisaient que si on interdisait la pêche au chalut ils allaientperdre leur travail. Mais je pense qu’ils ont pris consciencede l’opportunité que cela représente pour tout le monde »,ajoute Persiliano.

Récupérer le fruit de son travail Taguapire aujourd’hui, ce sont 48 bateaux pour près de 280pêcheurs. Carlos Salazar est un de ceux-ci. Reconverti à lapêche artisanale, il salue lui aussi la mesure. « J’ai travaillépendant 28 ans sur les chalutiers. À l’époque, on pêchait lalangoustine mais on ne la mangeait pas, c’était trop cher pournous. Et puis on était obligés de vendre le produit de notrepêche au propriétaire du bateau. Il gar-dait 75% de la vente et les pêcheursdevaient se répartir les 25% restants »,commente-t-il. D’après les chiffres del’Institut socialiste de la pêche et l’aqui-culture (Inso pesca), la crevette était leprincipal produit de la pêche des chalu-tiers industriels et 98% étaient destinésà l’exportation.

Aujourd’hui, les hommes du village sesont eux aussi reconvertis à la pêcheartisanale, même si celle à la langous-tine inclut toujours l’utilisation de pluspetits chaluts. « C’est différent, on n’estplus dans la pêche intensive indus-trielle », estime Persiliano. « Et puis c’estle type de pêche qu’ils manient, on nepeut pas leur interdire du jour au lende-

main, ces hommes ont leurs familles à nourrir. Au moins, main-tenant, cet argent reste dans le village ». La loi prévoit en effetune période de transition pour ce type de pêche (voir encadré).

Organiser les pêcheursDans la foulée de la réforme, des crédits ont été accordés parle gouvernement pour la reconversion. L’Insopesca a vouluégalement organiser les pêcheurs de la zone en « conseils depêcheurs et aquiculteurs ». L’idée s’inspire des conseilscommunaux, organes de démocratie locale participative dansles villes et les campagnes. Officiellement, ces conseils doi-vent permettre aux pêcheurs de participer directement à laplanification, gestion, direction, exécution, contrôle et éva-luation des politiques nationales en matière de pêche.

Persiliano fut, à une époque, président de l’association despêcheurs de Caimancito. Il a son opinion sur ces conseils : « Leproblème c’est qu’ils ont été instrumentalisés dès le départ. Le gouverneur, le maire et même un député de la région ontchacun créé ‘leur’ conseil de pêcheurs, avec un groupe de personnes qui les soutient. Donc, à la tête de ces conseils,

Plus de 10km de protection exclusiveDepuis 2001, un décret-loi réserve aux embarcations artisanales une zone exclusivede pêche de plus de 10km le long des côtes. Ce décret figurait parmi un ensemble de mesures qui avaient déclenché les foudres de l’opposition et mené au coup d’Étatpatronal et militaire du 11 avril 2002. En ce qui concerne la pêche industrielle au chalut, elle est interdite depuis 2008« dans les eaux territoriales et la zone économique exclusive de la Républiquebolivarienne du Venezuela ». La législation laissait un an aux entreprises activesdans le secteur pour s’adapter, les chalutiers sont donc définitivement rentrés dans les ports le 14 mars 2009. La loi dit également dans son article 23 que « la pêche artisanale au chalut seraprogressivement remplacée par d’autres méthodes afin de garantir ledéveloppement durable des ressources hydrobiologiques et l’environnement ». Selon l’Insopesca, le Venezuela produit environ 400.000 tonnes annuelles depoissons. Le pays compte près de 30.000 pêcheurs, dont la majorité travaille à bordde petites embarcations artisanales.

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on trouve des gens qui n’y connaissent pas grand-chose et quine revendiquent pas beaucoup; ils sont cooptés ». PourPersiliano, ce qui manque aujourd’hui c’est une organisationeffective de la pêche entre tous les villages de la zone.

Besoin d’une vision à long termeSur le marché de Carúpano, à deux heures de route deCaimancito, le poisson frais s’étale tous les jours sur leséchoppes. On y vend au gros pour le distribuer ensuite versCaracas et les autres villes du pays, mais aussi au détail pourles habitants du coin. « Les défenseurs de la pêche indus-trielle disaient que les pêcheurs artisanaux n’allaient paspouvoir alimenter le marché national. En à peine six moisaprès l’application de la loi, le marché était déjà amplementalimenté », explique Persiliano.

Alors que les vieux chalutiers sont coulés le long des côtescomme récifs artificiels pour attirer le poisson, le gouverne-ment a commencé les travaux pour construire un chantier navalsur la route entre Caimancito et Taguapire. Mais cette nouvelleinitiative est vue d’un mauvais œil par Persiliano et les siens :« C’est contradictoire de construire ça ici, cela va inévitable-

ment entraîner une pollution. Nous ne sommes pas une zoneindustrielle, nous vivons de la pêche artisanale. Cela démontrevraiment un manque de vision à long terme de la part du gou-vernement ». Il existe d’ailleurs déjà un chantier plus loin sur lacôte, près de la ville de Cumaná ; et d’après les pêcheurs, lescoquillages pêchés dans cette zone ont un goût de gasoil.

Co-financé par le Brésil et le Venezuela, le nouveau chantierdevrait être amené à produire des supertankers de près de300.000 tonnes, afin de fournir le marché asiatique en pétrolevénézuélien. Par ailleurs, la nouvelle flotte industrielle del’ALBA2, Pescalba, a été créée en 2009 entre Caracas et LaHavane comme « alternative » à la pêche au chalut. Certainsmembres des équipages de chalutiers ont été reconvertis etformés pour travailler sur les bateaux de Pescalba. Le gouver-nement vénézuélien ne cache son ambition de convertir lepays en « puissance poissonnière » de la région en dévelop-pant sa propre flotte industrielle. Les pêcheurs artisanaux dela péninsule d’Araya espèrent que cela se fera dans le respectde leur habitat et de leurs traditions de pêche.

Quid des eaux usées?Finalement, si la nouvelle législation favorise l’écosystèmemarin et les pêcheurs locaux, elle n’est pour l’instant pasintégrée à une politique générale de protection de l’environ-nement et des ressources naturelles. Les eaux usées, parexemple, sont très rarement traitées et les rivières chargéesde reflux industriels, agricoles ou encore ménagers finissentleur parcours directement dans les eaux turquoise de la merdes Caraïbes. Le cas du Guaire (cours d’eau qui traverse lacapitale Caracas) est emblématique : il ressemble plus à unégout à ciel ouvert qu’à une rivière. Selon la biologiste EvelynPallotta, des stations d’épuration existent mais très peu fonc-tionnent réellement. « Le poisson ne diminue pas seulementà cause de la surexploitation de la pêche, il est aussi affectépar la pollution »3.

Sur la route entre Caimancito et Carúpano, les déchets ména-gers des villages environnants sont entassés dans unedécharge à ciel ouvert, l’épaisse fumée et l’odeur qui s’en déga-gent laissent présumer qu’ils sont fréquemment brûlés en pleinair, à quelques centaines de mètres du front de mer. Sur le bordde la route, un panneau gouvernemental annonce la construc-tion d’un futur (hypothétique?) compacteur de déchets…

1/ Le chalut est le filé traîné par le chalutier. Il fonctionne comme un entonnoir au fond clos, dans lequel le poisson est capturé. Il permetune pêche intensive (les plus grands chaluts peuvent être tirés par deuxbateaux à la fois) et est un des principaux responsables de lasurexploitation des ressources marines. 2/ L’ALBA, ou l’Alliancebolivarienne pour les peuples de notre Amérique, est une organisationpolitique, sociale et économique de coopération entre des pays degouvernements « progressistes » d’Amérique latine et des Caraïbes. Elleest née en 2005 à l’initiative de Cuba et du Venezuela, comme alternativeà l’ALCA (ZLEA en français, Zone de libre-échange des Amériques, alorsimpulsée par Washington). 3/ Humberto Márquez, El calor sube y la pescadisminuye en el Caribe venezolano, IPS Noticias, octobre 2010,www.ipsnoticias.net

10reportage

Sébastien Brulez 2011

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Palestine,un État pour

quel territoire ?L’année 2011 semble être l’année de tous lesbouleversements dans le Maghreb-Machrek. Sera-t-elleaussi celle qui verra se concrétiser la création de l’Étatpalestinien ? L’Organisation de libération de la Palestine(OLP) a d’ores et déjà annoncé qu’elle soumettra laquestion de la reconnaissance de cet État à la prochaineAssemblée générale des Nations Unies en septembre 2011.Mais à quoi pourrait ressembler la Palestine alors que surle terrain, Israël poursuit inexorablement l’accaparementdes terres palestiniennes et l’extension intensive de sescolonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ?

11dossier

Scott Tingley 2010

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Page 12: dlm, demain le monde #8

Ka

ISRA

B

12dossier

L’OLP envisage de demander la reconnaissance de l’Étatpalestinien en septembre prochain. Si la communautéinternationale l’appuie, la viabilité de cet État n’est pas pour autant garantie. En cause : la politique de colonisationsystématique d’Israël.

ColonisationLa politique

du fait accompli

RABAB KHAIRYChargée du Moyen-Orient et Afrique du Nord,

CNCD-11.11.11

élémentaires des Palestiniens. Lescolonies sont reliées entre elles par unréseau de routes réservées aux colonset interdites aux Palestiniens. L’objectifdu Mur construit dans les Territoirespalestiniens depuis 2003 est de permet-tre l’expansion « naturelle » de ces colo-nies en leur assurant une réserve deterres pour y construire de nouveauxlogements et surtout en permettant deles annexer à Israël. Pour assurer leurapprovisionnement en eau, l’État israé-lien cherche à contrôler l’accès auxprincipales nappes aquifères. Selonl’organisation israélienne B’Tselempour les droits de l’homme, 80% desressources en eau des Territoires pales-tiniens sont captées par les coloniesisraéliennes, tandis qu’un colonconsomme six fois plus d’eau qu’unPalestinien, soumis au rationnement.

Tout reste à négocierSi, à l’instar de l’État israélien en 1948,l’OLP obtient la reconnaissance de l’Étatpalestinien par une résolution de l’ONU,celle-ci ne permettra pas à elle seule de

créer les conditions de viabilité et d’ef-fectivité de la Palestine. Des négocia-tions entre Palestiniens et Israéliens se-ront toujours aussi nécessaires pour yparvenir. Les parties devront s’entendresur leurs frontières respectives. Unéchange de territoires sera probable-ment la solution. Toutefois, sans despressions fortes de la communauté in-ternationale exercées sur le gouverne-ment israélien pour le contraindre à s’as-seoir à la table des négociations, c’est le

« Lorsque nous reviendrons ici l’an prochain nous pourrions avoir un nouveau mem-bre des Nations Unies, une Palestine indépendante vivant en paix avec Israël. »Formulée en septembre 2010, cette déclaration du président Barack Obama devantl’Assemblée générale des Nations Unies n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd.L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a pris la balle au bond et aannoncé sa volonté de demander la reconnaissance de l’État palestinien à la pro-chaine session de l’Assemblée (septembre 2011). Pour appuyer sa demande, elle amené un ballet diplomatique à travers le monde qui lui a d’ores et déjà permis derecueillir la reconnaissance de dix pays d’Amérique latine1, ce qui porte à un peuplus d’une centaine le nombre de pays qui reconnaissent le futur État dans les fron-tières de 1967. Plus de la moitié des 192 membres des Nations Unies !

Toujours plus de colonsC’est en 1948 que l’État israélien a déclaré son indépendance. S’en est suivie uneguerre avec les pays arabes. Un an plus tard, des accords entre les parties ont déli-mité la ligne d’armistice, ou « Ligne verte ». En 1967, la « guerre des six jours » a per-mis à Israël de s’emparer de l’ensemble des Territoires palestiniens (Jérusalem-Est,Cisjordanie et bande de Gaza). Depuis lors, les gouvernements israéliens successifsmènent une véritable politique d’accaparement et d’appropriation des terres palesti-niennes. Une politique du fait accompli sur le terrain, qui vise à rendre irréversibleréversible le retour aux frontières de 1967.

Dès 1972, quand il n’y avait encore que quelques milliers de colons, le journalisteisraélien, Amnon Kapeliouk, écrivait déjà dans Le Monde diplomatique que « l’établissement de colonies sur les terres arabes2 représente un acte délibéré,rendant ainsi plus difficile une solution au conflit israélo-arabe par compromis »3.Depuis les accords d’Oslo en 1993, le nombre de colons en terres palestiniennesa plus que doublé, passant de 230.000 à490.0004. L’expansion et le peuplement descolonies sont telles que certaines ont mêmeobtenu le statut de ville.

Du côté de Washington, la déclaration encourageante du président américain faitdéjà partie du passé. Il a opéré un revirement en considérant officiellement que lareconnaissance d’un État palestinien serait une « erreur » car elle risquerait de com-promettre le processus de paix – inexistant depuis des années ! – avec les Israéliens.Quant à ces derniers, ils refusent catégoriquement de geler la colonisation, cequ’exige l’Autorité palestinienne pour toute reprise des négociations. Pire, lesconstructions de logements ont repris de plus belle comme si les Israéliens étaientpressés de les agrandir au maximum afin que tout retour en arrière soit impossible.

Coloniser, puis annexer?Les colonies sont au centre de l’occupation et du contrôle de la Cisjordanie. Il s’agitd’assurer leur viabilité et leur pérennité, et cela au détriment des droits les plus

« 80% DES RESSOURCES EN EAU DESTERRITOIRES PALESTINIENS SONT CAPTÉES

PAR LES COLONIES ISRAÉLIENNES »

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Jérusalem-Est

Bethléem

Ramallah

Naplouse

Jénine

Tulkarem

Kalkiliya

Jéricho

HébronMer

Morte

PALESTINEOCCUPÉE

ISRAËL

JORDANIE

ATAROTHAR HOMA

BEITAR ILLIT

0 20 km10

13dossier

projet colonial israélien qui gagnera duterrain au détriment d’une solution àdeux États vivant côte à côte. Alors, seulun État binational deviendra envisagea-ble, ce dont les Israéliens ne semblentpas vouloir non plus.

1/ Brésil, Argentine, Pérou, Bolivie, Chili,Equateur, Paraguay, Uruguay, Guyane,Suriname. Le Venezuela, Costa Rica, Nicaraguaet Cuba avaient déjà reconnu l’État palestinienen plus de 90 autres pays dès 1988 lors de la première proclamation d’indépendance parl’Organisation de libération de la Palestine(OLP), à Alger, en 1988. Cette proclamationsera mise entre parenthèse suite à la signaturedes Accords intérimaires d’Oslo qui lançaient leprocessus de négociations avec les Israéliens envue de la création d’un État palestinien. 2/ À l’époque, il s’agissait en plus des coloniesdans le Golan syrien et les Territoirespalestiniens, de celles du Sinaï égyptien. 3/ Amnon Kapeliouk, « Le désastre des coloniesisraéliennes dans les territoires occupés », Le Monde diplomatique, juin 1972. 4/ Chiffredonné en janvier 2011 par l’organisationisraélienne Peace Now : 296.600 colons enCisjordanie et 190.000 à Jérusalem-Est.

Israël occupe la Palestine, je boycotte !Parce que l’occupation est illégale, qu’elle entraîne violence et violations des droitsde l’homme et qu’aucune action n’a été entreprise par la communauteinnternationale suite à la condamnatio du mur par la Cour internationale de justice,172 organisations palestiniennes lancé en 2005 l’Appel au boycott,désinvestissement et sanctions (BDS) qui a été adopté au niveau international par l’ensemble des mouvements de solidarité avec le peuple palestinien.

En Belgique, l’Association belgo-palestinienne (ABP) a démarré, en novembre 2010,la campagne « Israël occupe la Palestine, je boycotte ». Son objectif est desensibiliser sur la réalité et la brutalité de l’occupation et de la colonisationisraéliennes dans les Territoires palestiniens. À titre d’exemple, les habitantsd’Hebron sont harcelés au quotidien par quelques centaines de colons protégés par quelques milliers de soldats israéliens. Dans la vielle ville d’Hebron, desmagasins d’habitants sont fermés et des rues leurs sont interdites sous prétexted’assurer la sécurité des quelques centaines de colons qui y résident sous laprotection de quelques milliers de soldats israéliens. Dans la Vallée du Jourdain, les colons s’approprient la majorité des terres et des ressources en eau et confinentles Bédouins de cette région dans de minuscules parcelles de terre, les privant d’eau et d’espace pour faire paître leurs troupeaux.

Au regard du droit international, le commerce des produits issus des Territoiresoccupés est illégal. Des actions sont donc menées auprès des supermarchés et autres distributeurs qui vendent des produits de consommation dont l’originepourrait être des colonies israéliennes. L’objectif est de responsabiliser lesconsommateurs belges et de les inciter à boycotter ces divers produits (fruits,légumes et fleurs, notamment).

De même, toutes les entreprises et autres personnes morales qui participent et/outirent profit de l’occupation et de la colonisation israéliennes se mettent aussi en infraction.. La banque franco-belge Dexia, dont la filiale israélienne finance lescolonies, est notamment visée par la campagne. Après une multitude d’actions depression menées en Belgique, le groupe bancaire vient d’annoncer qu’il se sépareraitde sa filiale israélienne d’ici la fin de l’été 2011.

Ailleurs dans le monde, la campagne BDS a remporté des succès considérables. Desmusiciens comme Elvis Costello, Damon Albarn, Gil Scott-Heron, Santana, les Pixiesont ainsi annulé leur concert en Israël en signe de ralliement à la campagne. Lamultinationale Veolia qui construit un tramway reliant Jérusalem-Ouest aux coloniesisraéliennes de Jérusalem-Est et autour perd nombre de contrats dans le monde. EnItalie, deux chaînes de supermarchés, COOP et Conad, ont annoncé la suspension desventes des produits des colonies israéliennes. Ou encore, le plus important fond depensions suédois, KPA, a décidé de retirer de ses portefeuilles d’investissements lasociété israélienne de défense Elbit Systems pour des raisons éthiques.

© PhilippeRekacewicz, Le Mondediplomatique, Paris2009 / www.monde-diplomatique.frSource : Unocha-OPT,B’tselem, Haaretz, La Paix maintenant,novembre 2007 et février 2008

Colonies israéliennes illégales et voiesd’accès : territoires pratiquementinaccessibles pour les Palestiniens sansautorisation (régime de restriction trèsstrict)

Reste du territoire palestinienoccupé et bouclé par l’arméeisraélienne

« Ligne verte » (armistice de 1949)

Mur ou barrière de séparationachevé, projeté ou en coursde construction

Check-points permanents

Avant-postes israéliens illégaux (engénéral une ou plusieurs caravanesinstallées sur une colline) destinés àdevenir des colonies permanentes

Installés aprèsmars 2001

Installés avantmars 2001

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14dossier

La ville de Jérusalem est au cœur du conflit entre Palestiniens et Israéliens. Alors que les Palestiniens veulent faire de sa partie

orientale la capitale de leur futur État, Israëlpoursuit sa politique du fait accompli en

isolant la ville et en la judaïsant.

La ville de Jérusalem occupe une place très particulière dans le sentiment nationalpalestinien et israélien. Aujourd’hui sous le contrôle des Israéliens, la ville et sarégion devait être administrée par l’ONU selon un régime international spécial.Mais le plan de partage de la Palestine des Nations Unies en 1947 n’a pas fait longfeu. Les forces sionistes avaient déjà conquis la partie ouest de la ville quand ellesdéclarèrent l’indépendance de l’État d’Israël (1948). Après le conflit avec les paysarabes, la ligne d’armistice de 1949, divisa Jérusalem en deux parties, la partieOuest sous contrôle israélien, et la partie Est sous contrôle (trans)jordanien. Cettesituation perdura jusqu’en 1967. Cette année-là, l’armée israélienne conquit en sixjours l’ensemble des Territoires palestiniens. Cet état de fait fut entériné en décem-bre 1980 par le parlement israélien, la Knesset avec l’adoption de la « Loi deJérusalem », une des lois fondamentales du pays, proclamant Jérusalem « capitaleéternelle, une et indivisible » de l’État d’Israël.

Dépossession et judaïsationDepuis 1967, la politique israélienne menée à Jérusalem a été une politique du faitaccompli destinée à changer le rapport démographique dans la ville et à judaïser laville, afin que la souveraineté israélienne ne puisse plus y être remise en question.

Pour ce faire, une des premières mesures mises en place par le gouvernementisraélien fut d’élargir les limites de la municipalité, principalement à l’Est, tout encolonisant l’espace annexé. De 6,5 km² avant 1967, la municipalité est alors pas-sée à une superficie de 108 km², avec pour objectif d’englober le plus de terrespossible avec le moins d’habitants palestiniens. Cet agrandissement de la munici-palité a eu pour conséquence d’ôter à la Cisjordanie 28% de son territoire. Suite àl’annexion de la ville, les autorités israéliennes ont procédé à un recensement desPalestiniens. Seuls ceux qui étaient alors présents à Jérusalem ont obtenu le sta-tut de résidents permanents. Ceux qui pour des raisons d’études, de travail, d’exiltemporaire ne s’y trouvaient pas se virent refuser ce statut et rejetés hors des fron-tières de la ville.

À ces méthodes, l’ONG israélienne pour les droits de l’homme B’tselem en rajoutequatre autres par lesquelles Israël vise à atteindre son objectif de judaïsation de laville. Premièrement, l’État entend isoler Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie,notamment par la construction du Mur et de check-points qui séparent lesPalestiniens de leurs proches et/ou de leur activité principale. Deuxièmement, lesautorités israéliennes n’accordent que rarement, voire jamais de permis deconstruire aux Palestiniens de Jérusalem, qui font au contraire l’objet d’ordres d’ex-propriation et de destruction de leurs habitations. Troisièmement, la loi des « pré-

Jérusalem-Est Une capitale

confisquée

NATHALIE JANNE D’OTHÉEAssociation belgo-palestinienne (ABP)

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sents absents » permet de révoquer la résidence ou les avantages sociaux auxPalestiniens qui restent à l’étranger pendant au moins sept ans, ou qui sont inca-pables de prouver que leur lieu principal de vie est à Jérusalem. Un rapport de 2010établi par les consuls européens sur Jérusalem note qu’entre 1967 et 2010, quelque14.000 Palestiniens se sont ainsi vu retirer leur statut de résidents. Enfin, le budgetalloué à la municipalité de Jérusalem est inéquitablement réparti entre les deux par-ties de la ville, avec des effets néfastes sur les infrastructures et les services àJérusalem-Est.

Colonisation intensiveA ces mesures administratives visant à inverser la carte démographique de la ville,se rajoute une colonisation intensive de la vieille ville et des quartiers est de la ville.

Dans celui de Sheikh Jarrah, une soixantaine de Palestiniens ont déjà été expul-sées, fin 2009, de leurs maisons réclamées par des groupes de colons prétendanten être les propriétaires du temps des Ottomans. Vingt-quatre autres familles, soitenviron cinq cents Palestiniens risquent la même expulsion forcée. Comme l’ex-pliquait Sherihan Hanoun, une jeune fille membre d’une des familles expulsées duquartier, lors de son passage à Bruxelles en mars dernier, sa famille a mené uneaction en justice afin d’empêcher son expulsion et a réussi à démontrer que lestitres de propriétés présentés par les colons étaient des faux. Il s’agissait d’unepreuve solide, mais arrivant trop tard selon le juge israélien. Sherihan vitaujourd’hui dans la rue avec le reste de sa famille.

Plus au sud de la ville, le quartier de Silwan a quant à lui le malheur d’avoir étéconstruit sur les prétendus « Jardins de la cité de David ». Des pans de rue entiersse sont déjà affaissés du fait de fouilles archéologiques menées sous le quartier.Les 50.000 habitants palestiniens sont par ailleurs harassés par les quelques 500colons venus s’installer aux abords de l’ancienne « cité de David », des colons quibénéficient de la protection de l’armée.

Incohérence européenneFace à cette politique du fait accompli, la communauté internationale demeureanormalement silencieuse malgré une position généralement claire sur le statut deJérusalem. Aucune instance internationale n’a en effet jamais reconnu Jérusalemcomme étant la capitale d’Israël. L’Union européenne considère que Jérusalem-Estest un territoire occupé, et que la ville est appelée à devenir la capitale de deuxÉtats. Mais les paroles ne sont pas suivies d’effets. Comme en témoignent plu-sieurs rapports, chaque jour qui passe sape de plus en plus la présence palesti-nienne dans la ville sainte et accroît la séparation grandissante entre Jérusalem-Est et le reste des Territoires palestiniens occupés. Sans une action internationalerapide, la probabilité de voir la capitale du futur État palestinien s’établir àJérusalem-Est s’évanouira.

« ENTRE 1967 ET 2010, 14.000 PALESTINIENS SE SONT VU RETIRER LEUR STATUT DE RÉSIDENTS »

15dossier

Paolo Di Tommaso (paulecci) 2008

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16multi-culture

JULIEN TRUDDAÏUProducteur et animateur radio

Depuis dix ans, le festival Esperanzah fait vibrer les murs del’Abbaye de Floreffe. Dix ans de découvertes musicales etd’engagement. Mais dix ans aussi qui ont vu le monde musi-cal changer et compliquer la tâche du festival fondé et dirigépar Jean-Yves Laffineur. Entretien en toute non-objectivité.

Une décennie d’Esperanzah, c’était prévu?Non, il n’y avait pas de plan en ce sens. L’idée était juste defaire un événement très différent de ce qui se faisait d’habi-tude. Malgré un rapide succès, on remettait chaque année enquestion le fait d’organiser une autre édition, jusqu’en 2005.

Comment arrive-t-on à pérenniser un événementtout en gardant son côté alternatif?On a travaillé en interne sur une charte que nous respectonsà 100% et qui porte sur le social, l’économique, l’artistique,l’environnemental. Nous nous sommes inscrits dans ce quel’on appelle le « développement durable ». Mais nous préfé-rons parler de « festival responsable » car le mot « dévelop-pement » nous pose problème. On se doit, par respect pourles gens qui travaillent avec nous mais aussi pour le publicqui vient chez nous, de continuer à respecter ces valeurs.

Tu aurais des conseils à donner à d’autres festivals?Pas du tout (rires)… Depuis plusieurs années, des gens sontvenus observer comment nous fonctionnons. Certaines denos valeurs ont été reprises. Mais il y a une petite dérive quime dérange. Les valeurs que nous défendons, parce quenous y croyons, sont en fait, pour d’autres, des enjeux demarketing… Le marketing éthique et environnemental medérange. La grosse mode depuis 2 ans est au développementdurable. Plus aucun festival aujourd’hui n’oserait dire qu’il nes’inscrit pas dans ce cadre. On a initié beaucoup de chosesqui ont été reprises par des cabinets ministériels afin de lesamorcer dans d’autres festivals. Ce qui m’attriste un peu,c’est qu’on semble avoir oublié que ça venait de chez nous.Mais, en même temps, cela nous oblige aussi à être encoreplus forts, plus authentiques dans nos démarches.

L’engagement du festival a évolué en 10 ans. En effet, on a démarré les premières éditions sur des partena-riats forts avec des ONG1 pour en arriver maintenant à déve-lopper notre propre thématique et à travailler avec des asso-ciations qui sont de manière générale plus petites et plus

Esperanzah, 10 ans plus tard…

proches encore du citoyen. On s’est un peu radicalisé dansl’engagement, dans les choix que nous faisons. On a aussiremercié certains partenaires pour des raisons éthiques ou de« vigueur commerciale » qui ont pu parfois nous déranger. Uneradicalité qui, sur le plan financier, ne facilite pas les choses!

En 10 ans, le milieu de la musique a évolué…Notre positionnement est aujourd’hui difficile parce qu’iI y ade plus en plus de festivals et une transformation du milieuartistique avec notamment une envolée folle des cachets, àcause de la crise du disque. Ce n’est plus « l’aventura » desdébuts. On commence à le voir depuis deux ou trois ans. Onn’est plus les seuls à s’intéresser à un artiste porteur et qui aquelque chose à défendre sur scène.

Les têtes d’affiches coûtent de plus en plus cher.Comment le festival s’en sort?L’objectif n’a pas changé. On reste un festival de décou-vertes. On cherche les révélations de demain et que les gensdécouvrent quelque chose sur le plan artistique. On défendavant tout une identité artistique.

Pour les têtes d’affiche, Esperanzah n’a jamais joué la suren-chère sur le plan des cachets et ne le fera jamais. Je préfèrepayer 10 artistes à 8.000 euros qu’un seul à 80.000. Heureu -sement, tous les artistes ne rentrent pas dans cette suren-chère. Les Ogres de Barback, par exemple, vendent des

Du 5 au 7 août, l’abbaye de Floreffe vivra la dixième éditiond’Esperanzah. L’occasion est toute trouvée pour rencontrerson fondateur et directeur, Jean-Yves Laffineur, et enapprendre un peu plus sur un festival différent et engagé qui n’hésite pas à se remettre en cause.

Julien Truddaïu 2011

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17multi-culture

disques. On se les arrache partout et leur cachet reste pour-tant accessible. Chapeau!

Certains festivals jouent la carte des têtes d’affiche en prétextant que c’est d’abord pourelles que le public viendra. Comment expliqueralors le succès d’Esperanzah?J’ai comme le sentiment que le festivalier fait son marché.Pourtant, dès les premières années, ce qui se disaitd’Esperanzah, c’était qu’on ne connaît pas les groupes maisqu’on y va parce qu’on sait que ce sera génial. Notre festival,ce n’est pas seulement de la musique, c’est un tout. On faitune place pour tout le monde : pour les arts de la rue ou pourles enfants par exemple. Nous sommes les seuls à proposercela dans la région. Pourquoi changerions-nous?

Ce n’est pas frustrant de prendre toujours le risque de découvrir et de ne pas bénéficier desgrosses pointures?Non, c’est mon plus grand plaisir ! C’est une immense joiepour moi. Certains d’ailleurs comme la Phase ou Groundation,reviennent cette année. D’autres ne seront pas là parce qu’au-jourd’hui ils coûtent trop cher…

Le renforcement du contrôle des frontières avec le Sud a-t-il des conséquences pour faire venir des artistes?

Au départ, nous étions peu à programmer en Wallonie desartistes qui venaient d’Afrique ou d’Amérique latine.Aujourd’hui, ceux qui marchent, les vedettes, on les retrouveaussi dans des festivals pop-rock ou électro. C’est beaucoupplus difficile pour les découvertes parce qu’un artiste africaina du mal à s’exporter s’il n’a pas le soutien d’un producteureuropéen. Nous recevons moins d’artistes venant d’Afrique.Idem pour certains de l’Est. Nous avons eu le cas avec ungroupe russe.

Des coups de cœur pour cette année?En ce moment, j’écoute en boucle Raphael Gualazzi. Unesorte de Paolo Conte, un pianiste virtuose complètement cin-glé sur scène qui est en train de devenir une star en Italie. Ily aura aussi un groupe comme Shaka Ponk, une énergiebrute comme on a l’habitude d’en voir à Esperanzah. J’aienvie de voir que ça pogote, que les gens se lâchent. Avec detels groupes, on va faire la différence, c’est certain… Si lesgens continuent à venir pour écouter des choses hors dessentiers battus.

Donc on pourra te voir pogoter pour fêter ça?Entre autres ! (rires)

1/ Rappelons que le CNCD-11.11.11 a lancé plusieurs fois sa campagne lors du Festival. À l’instar d’autres association il sera à nouveau présent cette année

« LES VALEURS QUE NOUS DÉFENDONS SONTPOUR D’AUTRES DES ENJEUX DE MARKETING »

Geert Schneider 2009

Depuis le 1er juin, Radio Esperanzah! déballe des cartons sesarchives sonores… 10 ans de festival, 7 ans de radio éphémère.Découvrez cette petite mémoire du festival et retrouvez-la endirect depuis Floreffe dès le 4 août sur radio.esperanzah.be et le 106.2FM autour de Floreffe.

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Pérou

Protéger la terre et

l’eauDans le nord du Pérou, l’exploitation minière esten pleine expansion et pose de nombreux défis.L’ONG Servicios Educativos Rurales (SER)contribue à répondre à ces enjeux en formantassociations et autorités locales à s’approprier et à se positionner sur les questions de gestion du territoire et des ressources naturelles.

18projet 11.11.11

Où?Provinces de Hualgayoc et de Jaen,département de Cajamarca, nord du Pérou

ContexteDans une région où l’exploitationminière est en pleine expansion, laparticipation, l’information et laformation des acteurs locaux à lagestion du territoire sont plus quenécessaires pour contenir les effetsnéfastes de l’exploitation desressources naturelles.

Qui?Entraide & fraternitéwww.entraide.beAsociación Servicios EducativosRurales (SER)www.ser.org.pe

Quoi?Mise en place d’un processusd’échanges et de participation desorganisations sociales et desgouvernements locaux pour lagestion du territoire des provincesde Jaén et de Hualgayoc.

Soutenir 11.11.11N° de compte : BE33 0001 7032 6946BIC : BPOTBEB1 au nom du CNCD-11.11.11, 9, Quai du Commerce1000 Bruxelles

Le CNCD-11.11.11adhère au Code éthiquede l’AERFwww.vef-aerf.be

FRÉDÉRIC THOMASChargé de projets Amérique latine & CaraïbesEntraide et Fraternité

© Entraide & Fraternité

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Gestion participativeCe paradoxe constitue la toile de fond del’intervention de l’association péruvienneServicios Educativos Rurales (SER). Avecl’appui d’Entraide et Fraternité et duCNCD-11.11.11, elle réalise un pro-gramme de gestion participative du terri-toire, particulièrement d’actualité. Legouvernement a en effet lancé un ambi-tieux programme de « Zonification éco-nomique et environnementale (ZEE) ».L’objectif est de dresser une carte desdifférentes activités (économiques et au-tres), ressources et potentiels de chaquerégion afin de permettre une planificationdurable des ressources et une orienta-tion adéquate des investissements et po-litiques publiques. Les Commissions en-vironnementales régionales (CAM enespagnol) sont chargées de la mise enœuvre de ce programme au niveau local.Le travail principal du SER consiste àformer et accompagner les autorités lo-

cales, les associations paysannes et lesorganisations de base au sein de cescommissions. Les formations servent àacquérir les capacités techniques et lesmoyens de répondre aux questions plusgénérales de l’occupation et de la ges-tion du territoire, en lien avec l’environ-nement. Elles vulgarisent les élémentstechniques et éclairent les enjeux poli-tiques. Le but est aussi d’assurer uneréelle participation de l’ensemble desacteurs sociaux, particulièrement despaysans les plus pauvres et les pluséloignés de la ville et, surtout, desfemmes. De plus, en réunissant les pou-voirs locaux et les organisations so-ciales, se construit un espace de concer-tation, de gestion et de prévention deconflits. Enfin, il s’agit de renforcer lesCAM en veillant à ce que leurs décisionssoient respectées et institutionnalisées.

Contenir l’exploitation minièrePour les représentants des autorités lo-cales et des communautés au sein de laCAM de Hualgayoc, la ZEE offre un mé-canisme pour contenir l’exploitation mi-nière actuelle, empêcher toute nouvelleexploration et protéger leurs terres etles sources d’eau si nécessaires à l’agri-culture. D’ailleurs, la zone du projet deTantahuatay avait été identifiée commeune zone sensible, « de très grande im-portance hydraulique ». D’où la colèredes habitants. Le SER les aide à s’ap-proprier la démarche et à la faire res-pecter, tout en consolidant la mise enavant des projets alternatifs – notam-ment agricoles. Bien sûr, les défis res-tent énormes, fragilisés par les expé-riences passées, qui ont vu les grandesentreprises, avec la complicité de l’État,contourner et manipuler systématique-ment les mécanismes de consultation etde contrôle populaires.

Dans un pays en pleine croissance,riche en ressources naturelles, où lesconflits sociaux et environnementauxsont en hausse et se radicalisent, le tra-vail du SER à Hualgayoc et à Jaen (au-tre région un peu plus au nord) constitueun levier stratégique. En aidant la so-ciété péruvienne à s’approprier et à sepositionner sur les questions de ges-tion du territoire, de protection de l’en-vironnement et de choix énergétiques, ilpermet de renverser la fausse image vé-hiculée par le pouvoir d’Indiens et depaysans passifs, opposés au dévelop-pement du pays.

La carte que les habitants de Hualgayoc,appuyés par le SER, dessinent avec laZEE est tout autant une carte de l’es-pace qu’une carte du temps et du sym-bolique : elle délimite les contours du passé et du présent, des inquiétudeset des désirs, du monde que les pay-sans et paysannes aimeraient léguer àleurs enfants.

19projet 11.11.11

Le 26 avril dernier, dans la région deHualgayoc, au nord du Pérou, des af-frontements entre les paysans et la po-lice ont fait plusieurs blessés. La ten-sion n’avait cessé de croître àl’approche de l’audience publiqueconvoquée par le ministère de l’Énergieet des Mines, afin d’étudier le projet

controversé d’expansion du projet d’ex-ploitation minière Tantahuatay. De « pu-blique », cette audience, qui a durée 22minutes en tout, n’avait en réalité que lenom. En effet, plusieurs centaines d’ha-bitants ainsi que 5 représentants dugouvernement régional qui voulaient s’yrendre ont été bloqués en chemin par lapolice, mettant ainsi le feu aux poudres.

Il ne s’agit là que d’un exemple parmid’autres des conflits qui se multiplientdans le pays autour des questions desressources naturelles, de l’environne-ment et du développement. Une grandepartie du territoire de la région deHualgayoc est concédée aux nom-breuses mines d’or qui prospèrent dansla région. Pourtant, de cette richesse,les habitants ne connaissent que l’en-vers : contamination de l’eau (à causedes déchets chimiques de l’exploitationminière), dégradation de l’environne-ment et accentuation des inégalités so-ciales. Environ 68% de la population decette région vit en zone rurale etpresque autant dans la pauvreté.

« DE CETTE RICHESSE ISSUE DE L’EXPLOITATION MINIÈRE, LES HABITANTS NE CONNAISSENT QUE L’ENVERS »

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Magazines, affiches, dépliants, courriers,lettres d’information électroniques, sitesWeb… Quel que soit le support, la pho-tographie est omniprésente et représenteun aspect essentiel de la communica-tion des ONG envers le grand public.Pourtant, peu d’entre elles y investissentou prennent le temps de réfléchir àl’image du monde qu’elles diffusent.

Dans le secteur de la solidarité interna-tionale, Tineke d’Haese a peu d’homo-logues. Avec un diplôme de photo-graphe en poche, elle a travaillé commeindépendante avant d’entrer chezOxfam-Solidarité en 1993. Elle y a étéengagée pour élaborer de nouveaux ou-tils pédagogiques sur base d’images, yinstaurer une politique en matière dephotos, et créer une banque d’images« car le matériel était assez éclectique etpas du tout professionnel ». Entre un re-portage au Vietnam et un autre enTanzanie, nous avons discuté avec elle.

Quel rôle attribues-tu à la photo?Une photo qui évoque uniquement unebelle image au public ne m’intéressepas. La photo doit aussi raconter unehistoire et engendrer une réactioncomme: « Ah, c’est chouette ce que fontces gens ». Une image parlante, qui dé-voile une réalité, une problématique.

Une image positive?Je n’aime pas trop parler d’images posi-tives ou négatives. C’est plus nuancé.

J’essaie de montrer des interactions, unerelation. J’ai envie qu’on se dise que lespersonnes photographiées sont des genscomme toi et moi, qui ont des problèmeset qui tentent de les résoudre.

Ce rôle de la photo est sous-évalué dans les ONG?Souvent, les photos ne servent que dedécoration. Il est très difficile de réser-ver une place spécifique à une image.C’est souvent le graphiste qui rechercheles photos, et, pour lui, ce que racontela photo est secondaire. Or, la photon’est ni plus ni moins qu’un outil decommunication.

La politique des ONG en matièrede photos est-elle conformiste?Il est difficile de généraliser. Il y a debons et de mauvais exemples. Je reçoischaque jour des demandes pour desphotos. Neuf fois sur dix, je sais ce quiva être choisi. Les ONG font de bonneschoses mais pas toujours de manière ré-fléchie. Par contre, cela me fait plaisir dedécouvrir qu’il y a une réflexion, mêmesi le résultat n’est pas toujours parfait.

Comment cela se passe chezOxfam-Solidarité?Une image fait partie d’une communi-cation et il est essentiel de prendre ausérieux ce que l’on montre. On essaiedonc de trouver un équilibre entre lesdifférents éléments d’une communica-tion. Le message qu’une photo transmet

est très important et a de l’influence àlong terme.

En tant que professionnelle, tu as des principes quant àl’usage d’une photo?Je me présente toujours comme photo-graphe pour Oxfam et j’explique à lapersonne dans quel contexte la photosera utilisée. Si le photographe est bienvisible et la personne photographiée nes’oppose pas, il y a une forme d’accordtacite. C’est la jurisprudence. Mais siles photos sont utilisées dans un autrecontexte, je n’ai plus le contrôle. Je veuxrespecter mon engagement vis-à-vis dela personne que j’ai prise en photo.

L’investissement dans la photo a un coût que ne peuventsupporter toutes les ONG. D’où parfois la reprise de photoshors contexte!Si on a l’ambition d’éditer quelquechose, il faut tenir compte de plusieursaspects et faire le budget en fonction decela. Investir dans la photo, c’est renta-ble car elles sont omniprésentes danstout ce qu’on produit. Si on est dépen-dant d’autres sources d’images, cela a un certain coût même si à l’heure actuelle les tarifs sont bas à cause du dumping.

La faute à qui ou à quoi?Aux regroupements des médias. Lesgrandes agences de presse arrivent à

Si la photo est omniprésente dans la communication des ONG, on ne peut pas dire qu’elles y investissent temps et argent. Pourtant, affirme Tineke d’Haese, chargée des photos chezOxfam-Solidarité, « Le message qu’elle transmet est trèsimportant et a de l’influence à long terme ». Rencontre.

FRÉDÉRIC LÉVÊQUECNCD-11.11.11

Tineke d’Haese, photographe« Dans les ONG, il est essentiel de

prendre au sérieux ce que

l’on montre »

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mettre du matériel à disposition pourdes prix ridicules. Comment? En payantleurs photographes avec des miettes.Ils doivent faire plusieurs reportages parjour, filmer, photographier et intervieweret reçoivent un forfait bidon, presquesymbolique! Parfois, les kilomètres nesont même pas remboursés.

Je suis très familière avec le monde desphotographes en Belgique. Ce sont tousdes indépendants, sans beaucoup deprotection. Ce sont aussi souvent desjeunes prêts à faire n’importe quoi pourse faire connaître. C’est une passion.On leur en demande toujours plus et, defait, la qualité diminue à cause de lapression et parce qu’ils ne gagnent pasun salaire décent.

Tu as pourtant parfois recours à ces agences.C’est parfois un mal nécessaire. Toute -fois, j’aimerais travailler davantage avecdes indépendants mais c’est difficile carpour être correct, il faut payer des prixcorrects. Mais nous n’avons pas tou-jours le budget non plus.

Quelle est l’influence d’Internetsur le métier?Le support impose un format. Les imagesperdent en complexité car le format estde plus en plus petit sur écran. Encoreplus à l’heure des smartphones. Commeil faut que l’image attire au premier regard, on tombe souvent dans desimages clichées : des yeux par exemple.

Oxfam, tout comme le CNCD-11.11.11, gère des programmesde soutien aux sociétés civilesdu Sud. Ce n’est pas évident à illustrer, n’est-ce pas?Je suis souvent confrontée à des projets« abstraits », pas très photogéniques.On soutient des organisations des so-ciétés civiles du Sud que l’on apprend àconnaître lors de réunions. Certes, ilfaut être capable de faire une photo par-lante d’une réunion, mais est-ce biencela que l’on veut montrer? Commentreprésenter par exemple ce que fait unsyndicat? Moi, j’essaie toujours d’allervoir ce qui se passe concrètement sur le terrain et qui est le bénéficiaire duprojet. J’ai besoin de voir travailler un

représentant syndical dans une usineavec les ouvriers. C’est difficile maisc’est la partie créative de mon métier.

Est-ce que cela parle à de potentiels donateurs dont ont tant besoin les ONG?Les projets ne sont pas très « sexy »dans la réalité. Mais dois-je pour autantme focaliser sur des éléments soi-di-sant plus authentiques? On met tou-jours l’accent sur ce « pauvre » paysanou ce « pauvre » ouvrier qui travaille de-bout 14 heures durant. On n’aime pastoujours montrer un employé de bureauen réunion. Il faut être conscient de ceque l’on fait, que l’on travaille avec desclichés. On est convaincu que les gensvoient le monde avec des clichés. Ce nesont pourtant que des suppositions.Mais, moi aussi, avec le temps, sous lapression de mon environnement, je de-viens plus mainstream.

N’est pas photographe qui veut…On sous-estime le travail d’un photo-graphe. Un travail de contact, de pa-tience, d’observation, d’attente, de ré-flexion sur ce qu’on va mettre en image.Ce n’est pas ce qui apparaît au premierregard que l’on doit photographier.

« CE N’EST PAS CE QUI APPARAÎT AU PREMIERREGARD QUE L’ON DOIT PHOTOGRAPHIER. »

© Tieneke d’Haese

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22citoyen,citoyenne

La solidarité, par le vélo

AURÉLIE MOMMENSCNCD-11.11.11

Un moyen de transport, le vélo l’est certainement àl’heure où le tout-bagnole prend l’eau. Par contre, unmoyen d’exprimer sa solidarité avec le Sud… on n’yaurait peut-être pas pensé tout de suite, mais d’autresnous l’ont démontré. Petit tour d’horizon non exhaustif.

Aujourd’hui, on parle beaucoup de réchauffement climatique,de surconsommation énergétique, de gaz à effet de serre…Et chacun a sa petite idée sur la façon dont il faut « durabili-ser » le monde qui nous entoure : l’un recycle, l’autre achètedes produits bio, un troisième fait du covoiturage, et j’enpasse. Si ces initiatives ne sont pas négligeables, quelques-unes se détachent du lot par la curiosité qu’elles suscitent.En effet, certains ont décidé de mettre en place des actionsoriginales, et d’allier exercice physique, écologie et solidaritéNord-Sud. Comment me direz-vous? En pédalant ! Évoquonsces cyclistes amateurs qui ont enfourché leur vélo pour mar-quer leur solidarité.

Cédric Gillet est enseignant à Virton et sportif dans l’âme. Ilparcourt trois fois par semaine, depuis trois ans, les 45 kilo-mètres aller-retour entre son domicile et son lieu de travail. Etce par tous les temps! Son employeur lui accorde une indem-nité kilométrique liée à ce déplacement, et il a décidé, il y a unan, de la verser au CNCD-11.11.11. D’une pierre deux coups,voire trois, puisqu’il se maintient en forme, contribue à samicro échelle à freiner le réchauffement climatique et soutientdes projets de développement dans les pays du Sud. Selonlui, « le vélo a un avenir, contrairement à la voiture ». Il aime

cette idée de contribuer à l’actiond’une ONG, tout en intégrant des

gestes écologiques à sonquotidien. Il faut d’après lui« ne pas se contenter degestes ponctuels pour l’envi-

ronnement, mais bien en faireune habitude de vie ». Son sou-

hait? Créer un véritable réseauorganisé qui rassemblerait tous ceux

pour qui le trajet maison-boulot rimeavec vélo.

Il n’est pas le seul à préférer le guidon au volant. ClaudineDrion, ex-députée et membre de l’ONG Le Monde selon lesfemmes, a pris l’initiative de parcourir à bicyclette la Belgiqueen une série d’étapes de 35 à 100 kilomètres. Son objectif?Faire connaître les initiatives bio ici et au Sénégal. Ici, ellerend visite à des producteurs bio, souvent peu connus dugrand public. Là-bas, elle soutient le projet d’agriculture biode l’ONG Enda Pronet. Sensible depuis longtemps à la thé-matique de la souveraineté alimentaire, elle est convaincueque « l’agriculture bio familiale constitue au Sud un moyen desortir de la faim ». Elle verse ainsi l’intégralité des dons qui luisont octroyés par kilomètre parcouru au Monde selon lesfemmes, qui finance ce projet. Une bonne manière de combi-ner sa passion pour le vélo et de faire du Nord-Sud concret.

Au-delà des initiatives individuelles, des mouvements de plusgrande ampleur se mettent en place. Retenons-en un : ViaVélo Palestina, dont la 5e édition a eu lieu le 14 mai dernier àBruxelles. Les organisateurs de cette promenade à vélo sesont inspirés du « Peace cycle », une opération de soutien àla Palestine qui rassemble des cyclistes pour un trajet deLondres à Jérusalem. Leur but est de dénoncer ce qu’il sepasse en Palestine. Cette année, ils ont mis en avant la cam-pagne BDS (Boycott – Désinvestissement – Sanction) lancéepar la société civile palestinienne en 2005. Pourquoi avoirchoisi le vélo? Parce que, selon Geneviève Freres, coordina-trice de l’événement, « le vélo est un moyen pacifique et trèsfédérateur. Il permet de convaincre des gens qui ne milite-raient pas, d’entrer dans la militance ».

Bref, c’est l’été, les vacances pour certains, les week-ends(en principe) ensoleillés pour tous, le moment idéal pour pen-ser le vélo autrement.

Via Velo Palestina : www.viavelopalestina.beClaudion Drion : http://veloecosolidaire.hautetfort.com

© Rend 2011

© Clarice

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Être solidaire c’est important, très important, surtoutentre « nous ». Une fois n’est pas coutume, je voustransfère ici une offre d’emploi qui ne trouve pas facile-ment acquéreur en ces temps de dénigrements gratuits.Si vous pensez être qualifié, n’hésitez pas à m’envoyervotre CV et la liste des organisations inter nationalespour lesquelles vous avez préalablement sévi (OCDE,FMI, think tank…).

Description de fonction : analyste en notationVous travaillerez pour la plus grande agence interna-tionale de notation. Intégré dans une équipe motivée,vous serez en charge d’upgrader et de downgrader les pays souverains. Les nota-tions serviront à fixer les taux d’intérêts appliqué aux remboursements de toutessortes de crédits. C’est sur base d’analyses complexes (brainstorming avec voscollègues, pause-café et prévisions météos) que vous délivrerez deux fois par ances notations à plus de 120 pays. Au sein d’une entreprise cotée en bourse, voustiendrez compte dans vos recommandations des positions de nos principauxactionnaires pour qui la variabilité des conditions extérieures est nécessaire.

Profil≥ Grande assurance dans ses affirmations : « Nous pensons que les perspectives

à court et à moyen terme de l’économie de tel pays sont mauvaises ».≥ Capacité de bluffer. De toute façon, personne ne viendra vous demander com-

ment vous vous formez votre opinion.≥ Capacité d’initiative : downgrader le Japon après le tremblement de terre? ≥ Maîtrise du chantage et alimentation du suspense avec les médias. ≥ Capacité à annoncer à l’avance une potentielle décote pour obtenir le maximum

de mesures d’austérité.≥ Capacité d’analyse politique binaire : limiter le déficit par l’austérité = bien ;

limiter le déficit par une fiscalité progressive = pas bien.≥ Résistance au stress : quel pays décoter demain? Peu de conséquences tou-

tefois, vous n’êtes pas tenu responsable de vos notations, même excellentessur les subprimes.

≥ Capacité de détachement : si on vous cherche noise, affirmez que vos nota-tions ne sont que des recommandations.

≥ Cécité congénitale souhaitée : cela vous évite de voir les effets de vos décisions. ≥ Absence de tout sens moral fortement recommandée.

Dernière remarque : comme disait Confucius, « toutes les choses ont leur beauté,mais tout le monde ne sait les voir ». Cet adage pour dire qu’il faut arrêter de s’enprendre aux agences de notation Leur rôle est justement de mettre dans la merdeceux qui vont mal et de pousser encore un peu plus ceux qui vont bien. Noter, c’estpermettre d’y voir clair. Renforcer la sélection naturelle, c’est introduire de la trans-parence. Leur reprocher ça, c’est reprocher à l’eau de mouiller, c’est ridicule. Enplus, personne ne peut vivre sans eau!

Alors? Merci qui?

Chronique subjective et complètement à l’ouest,…

GÉRARD MANRÉSON,Docteur ès cynisme à HECC

Haute école du Café du Commerce

Il n’y pas de sot-métier

23pas au sud,

complètement à l’ouest !

Les agences de notationStandard & Poor’s, Moody’s et Fitchsont les trois grandes agences denotation (credit rating agencies enanglais), toutes basées à New York, qui dominent le marché mondial. Le métier de ces entreprises estd’évaluer les risques de défaut (nonpaiement) des émetteurs de dettes(obligations et autres titres), privés etpublics. Les notes vont de AAA (lameilleure évaluation possible) à B-,voire C pour les investissements lesplus risqués. Les notations sont non seulementutilisées par les entreprises pour gérerleurs investissements, mais aussiparfois par les régulateurs publicsnotamment afin d’évaluer la soliditédes fonds propres des banques. Largement critiquées pour ne pasavoir détecté la plupart des crises etautres faillites qui ont agité le mondede la finance, les agences de notationsont également accusées d’être ensituation de conflit d’intérêts, enraison d’un modèle économique oùl’évaluateur n’est pas en situationd’indépendance par rapport à l’évaluépuisque ce dernier le rémunère.

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Mardi 17h, une maman (p.3-4) qui allait chercher son bébé à la crèche (p.17) est restée bloquée dans un tram (p.25) suite à une manifestation pour le climat (p.19) !

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