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1 DOB II – Tome 2 – Les effets du contrat Titre 1. Le contrat : accord de volontés et norme obligatoire Chapitre 1. La convention, loi des parties Section 1 : Le rôle de la volonté dans la détermination de la norme contractuelle L’article 1134 al. 1 C.C. affirme que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Cette loi tient son fondement dans plusieurs principes et notamment celui de l’autonomie de la volonté. L’autonomie de la volonté se décline en trois facettes : la liberté contractuelle, la force obligatoire du contrat (ou convention-loi) et le consensualisme. La doctrine contemporaine ne défend cependant pas l’idée selon laquelle la volonté des parties contractantes fonderait, à elle seule, la force obligatoire du contrat. Il existe, en effet, de nombreuses limites à ce principe (abus de droit, interventions jurisprudentielles et légales sur le contenu et la forme du contrat, etc.). Les explications à la force obligatoire du contrat se dont orientés dans plusieurs directions : - Vers une perspective positive, faisant de la loi la seule source d’obligation conventionnelle. - Vers une perspective jusnaturaliste, mettant l’accent sur l’exigence de justice et d’équilibre. - Vers un principe de confiance, la force obligatoire du contrat et de l’engagement par déclaration unilatérale de volonté étant alors fondés sur les attentes légitimes de chacune des parties. La doctrine et la jurisprudence belge récentes accordent un rôle croissant à la théorie de la confiance légitime en droit des obligations, comme sources d’obligations ou comme critère d’évaluation du manquement d’une partie à ses obligations, notamment dans la période précontractuelle. Le contrat ne produit donc d’effets qu’en vertu du droit objectif et fait l’objet d’un encadrement législatif de plus en plus strict qui limite le rôle de la volonté. Néanmoins, l’accord de volonté demeure un élément essentiel sans lequel un contrat ne peut naître. L’abandon du dogme de l’autonomie de la volonté ne signifie pas l’abandon de la liberté contractuelle : elle demeure mais sous contrainte. Les parties gardent donc une marge de manœuvre pour déterminer l’objet, le type de contrat, l’intensité des obligations, les sanctions contractuelles ou encore la détermination de la loi applicable. La volonté continue d’affirmer son rôle en ce qui concerne l’interprétation des conventions : en cas de difficulté, celle-ci reste gouvernée par la recherche de la commune intention des parties (1156 C.C.). Cependant, la volonté trouve vite ses limites. En effet, le juge de fond n’est pas prisonnier de la qualification choisie par les parties ; il peut, en cas de contestation ou d’office si l’ordre public est en jeu, lui substituer une qualification plus conforme à ce qu’il estime être la volonté des cocontractants en se fondant non seulement sur les termes du contrat en cause mais sur les circonstances et le contexte dans lequel il s’exécute. Il nous arrive aussi que la qualification retenue par les parties aboutisse à appliquer à la relation contractuelle un régime juridique dont elles n’ont pas prévu ni voulu toute la rigueur, qui est souvent d’origine prétorienne. A partir de la qualification (rattachement de la situation à une catégorie contractuelle déterminée), les jurisprudences belge et française ont dégagé l’idée qu’il existe, par type de contrat, un minimum obligatoire incompressible, une obligation essentielle ou fondamentale dont les parties ne sauraient s’exonérer par convention.

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Droit des Obligations tome 2 synthèse

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DOB II – Tome 2 – Les effets du contrat

Titre 1. Le contrat : accord de volontés et norme obligatoire

Chapitre 1. La convention, loi des parties Section 1 : Le rôle de la volonté dans la détermination de la norme contractuelle  L’article 1134 al. 1 C.C. affirme que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Cette loi tient son fondement dans plusieurs principes et notamment celui de l’autonomie de la volonté. L’autonomie de la volonté se décline en trois facettes : la liberté contractuelle, la force obligatoire du contrat (ou convention-loi) et le consensualisme. La doctrine contemporaine ne défend cependant pas l’idée selon laquelle la volonté des parties contractantes fonderait, à elle seule, la force obligatoire du contrat. Il existe, en effet, de nombreuses limites à ce principe (abus de droit, interventions jurisprudentielles et légales sur le contenu et la forme du contrat, etc.). Les explications à la force obligatoire du contrat se dont orientés dans plusieurs directions :

- Vers une perspective positive, faisant de la loi la seule source d’obligation conventionnelle. - Vers une perspective jusnaturaliste, mettant l’accent sur l’exigence de justice et d’équilibre. - Vers un principe de confiance, la force obligatoire du contrat et de l’engagement par

déclaration unilatérale de volonté étant alors fondés sur les attentes légitimes de chacune des parties.

La doctrine et la jurisprudence belge récentes accordent un rôle croissant à la théorie de la confiance légitime en droit des obligations, comme sources d’obligations ou comme critère d’évaluation du manquement d’une partie à ses obligations, notamment dans la période précontractuelle. Le contrat ne produit donc d’effets qu’en vertu du droit objectif et fait l’objet d’un encadrement législatif de plus en plus strict qui limite le rôle de la volonté. Néanmoins, l’accord de volonté demeure un élément essentiel sans lequel un contrat ne peut naître. L’abandon du dogme de l’autonomie de la volonté ne signifie pas l’abandon de la liberté contractuelle : elle demeure mais sous contrainte. Les parties gardent donc une marge de manœuvre pour déterminer l’objet, le type de contrat, l’intensité des obligations, les sanctions contractuelles ou encore la détermination de la loi applicable. La volonté continue d’affirmer son rôle en ce qui concerne l’interprétation des conventions : en cas de difficulté, celle-ci reste gouvernée par la recherche de la commune intention des parties (1156 C.C.). Cependant, la volonté trouve vite ses limites. En effet, le juge de fond n’est pas prisonnier de la qualification choisie par les parties ; il peut, en cas de contestation ou d’office si l’ordre public est en jeu, lui substituer une qualification plus conforme à ce qu’il estime être la volonté des cocontractants en se fondant non seulement sur les termes du contrat en cause mais sur les circonstances et le contexte dans lequel il s’exécute. Il nous arrive aussi que la qualification retenue par les parties aboutisse à appliquer à la relation contractuelle un régime juridique dont elles n’ont pas prévu ni voulu toute la rigueur, qui est souvent d’origine prétorienne. A partir de la qualification (rattachement de la situation à une catégorie contractuelle déterminée), les jurisprudences belge et française ont dégagé l’idée qu’il existe, par type de contrat, un minimum obligatoire incompressible, une obligation essentielle ou fondamentale dont les parties ne sauraient s’exonérer par convention.

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Section 2 : Portée du principe de la convention-loi Le principe de la convention-loi (1134 al. 1 et 2 C.C.) se fonde sur une justification morale (respect de la parole donnée) et sur une nécessité économique (sécurité juridique). Le contrat est, comme l’écrit Ripert, une emprise sur le futur ; elle suppose donc que le droit impose le respect des engagements dans la durée. Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi uniquement aux parties, elle est donc relative. La loi étatique est, quant à elle, absolue. Le principe de la convention-loi a deux volets :

- D’une part, le débiteur doit s’exécuter conformément à ce qui a été convenu et le créancier peut l’y contraindre en demandant une condamnation en nature.

- D’autre part, les conventions sont, en principe, intangibles. Elles ne peuvent être modifiées ou résiliées que par l’accord des parties ou dans certains cas prévus par la loi. Cette intangibilité du contrat s’applique, sauf exceptions, aux parties, aux tiers, au juge et au législateur.

Le principe de la convention-loi connaît certaines limites :

- Article 6 C.C. (ordre public et bonnes mœurs). - Autres dispositions législatives générales ou spécifiques (protection du consommateur, etc.). - Intervention du juge se basant sur l’interprétation de lois (1134 al. 3, 1135 C.C.).

Tout contrat engendre une ou plusieurs obligations et, corrélativement, une ou plusieurs créances. Certains contrats ont pour caractéristique de comporter une obligation de dare dont l’objet est donc le transfert ou a constitution de droits réels. En droit romain, la vente n’est pas translative de propriété mais elle crée une obligation de livrer la chose vendue. Dans le Code Civil, la propriété se transfère « solo consensu ». La vente est donc translative de propriété ; l’obligation de livrer la chose est en réalité l’obligation du vendeur de transférer la propriété, pour autant qu’il s’agisse d’un corps certain et non d’une chose de genre. Le transfert de propriété « solo consensu » a fait l’objet de vives critiques, notamment concernant la théorie du risque. Ces risques sont liés au transfert de propriété. En principe, c’est le propriétaire de la chose qui supporte les risques de sa destruction à la suite d’une cause étrangère exonératoire ; il en résulte, en cas de vente, qu’un acheteur, devenu propriétaire d’une chose individualisée dès l’échange de consentements, pourrait supporter la perte de la chose sans qu’elle lui ait été effectivement délivrée. La portée du risque est, toutefois, limitée :

- Le transfert « solo consensu » n’a lieu qu’entres parties et ne concerne que les corps certain, ce qui en réduit la portée pratique.

- L’article 1138 n’est ni d’ordre public, ni impératif. Les parties peuvent donc conventionnellement y déroger et retarder le transfert de propriété de la chose vendue à l’acheteur jusqu’au paiement de la totalité du prix de la chose au vendeur. Ce genre de clause a aussi pour effet de retarder le transfert des risques et donc de les maintenir à charge du vendeur, sauf clause contraire.

Chapitre 2. La construction d’une norme de bon comportement : l’impératif de bonne foi Section 1 : Notion et fondement La bonne foi est difficilement définissable. Elle est plus un principe régulateur qu’un concept strictement défini. Le principe de l’exécution de bonne foi est consacré par les articles 1134 al. 3 et 1135 du Code civil en matière contractuelle. Il ne s’agit pas d’une bonne foi subjective qui scrute les intentions des parties mais d’une bonne foi objective, norme abstraite de comportement loyal, s’imposant aux parties contractantes dans

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l’exécution du contrat mais aussi dans la formation de celui-ci. De façon plus précise, le principe de l’exécution de bonne foi implique « une triple obligation de loyauté, de pondération et de collaboration dans l’exécution des contrats ». L’obligation de loyauté et de collaboration implique l’obligation de favoriser la réussite de l’entreprise contractuelle, notamment en livrant au cocontractant les informations nécessaires à la bonne exécution du contrat et en prenant les mesures nécessaires pour que le partenaire puisse exécuter ses obligations. Quant au devoir de modération, il impose au créancier de se montrer raisonnable dans l’exercice de ses prérogatives et dans le choix des sanctions à appliquer en cas d’inexécution du contrat. Il ne faut pas abuser de ses droits en matière contractuelle, pas plus qu’en matière extracontractuelle. La bonne foi permet à la règle morale de pénétrer dans le droit positif mais moyennant transmutation. La bonne foi n’est ni la bonté ni la fraternité car le contrat reste une confrontation d’intérêts divergents. Le souci de moralisation du contrat explique que les tribunaux et la doctrine étendent le principe de bonne foi au stade de la formation des contrats où s’impose également aux négociateurs, futurs contractants, une obligation de loyauté et de collaboration dont l’obligation de renseignements offre une illustration remarquable. Des discussions ont lieu quant au fondement du devoir de loyauté existant dans la période précontractuelle. Parfois, la lois s’exprime explicitement et concrétise le devoir de bonne foi (ex : loi du 6 avril 2010). Section 2 : Fonctions La bonne foi est un principe en expansion. La doctrine a été amenée à systématiser les différentes fonctions de la bonne foi.

1. Fonction interprétative Il ne faut pas s’en tenir au sens littéral des termes d’un contrat mais exécuter le contrat conformément à son esprit. Fait ainsi preuve de mauvaise foi dans l’interprétation et l’exécution d’une convention un cafetier qui tente de se dérober à la clause d’approvisionnement exclusif du contrat de brasserie, en vendant une bière concurrente, non dans son établissement, mais dans une caravane installée sur le parking de l’établissement au motif qu’il s’agirait d’un établissement distinct. Cette fonction interprétative est contestée car elle est proche de la recherche d’une volonté commune visée à l’article 1156 du Code Civil.

2. Fonction complétive ou supplétive La fonction complétive permet au juge d’imposer aux parties des obligations additionnelles, sur la base des suites que l’usage, l’équité ou la loi donnent au contrat d’après sa nature (1135 C.C.). La jurisprudence offre de nombreux cas et est particulièrement fournier en ce qui concerne le devoir d’information en cours d’exécution (comme elle l’est d’ailleurs dans la période précontractuelle). L’expansion donnée à la bonne foi par la doctrine et la jurisprudence belges a un peu occulté l’article 1135 du Code Civil. La jurisprudence belge admet, notamment, que les usages puissent servir à compléter le contrat en l’absence de volonté exprimée par les parties pour autant qu’ils présentent un caractère de généralité suffisant qui permette de supposer que les parties ont entendu s’y référer implicitement. Dans cette optique, l’usage est plus un mode d’interprétation de la volonté que de construction de la norme contractuelle de comportement proprement dit. L’équité, en droit des obligations, a mauvaise presse car on craint l’arbitraire. L’équité mentionnée à l’article 1135 C.C. joue, comme la bonne foi, un rôle supplétif ou complétif. C’est un principe de cohérence que le juge applique aux relations contractuelles : il est par exemple contradictoire d’imposer au contractant de développer son activité en accroissant le volume de vente, tout en sabordant ses efforts par la création d’une station-service concurrente dans un environnement immédiat.

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3. Fonction modératrice La fonction modératrice de la bonne foi impose aux parties un devoir de pondération dans l’exercice de leurs droits contractuels et leur interdit d’en abuser. L’abus de droit s’est vu conférer le droit de cité en matière contractuelle par Un arrêt de la Cour de cassation du 19 septembre 1983. Cet arrêt fonde l’abus de droit non sur l’article 1382 du Code civil mais sur le principe de l’exécution de bonne foi des conventions énoncé à l’article 1134 al. 3 du Code Civil. Selon la Cour de cassation, « si le principe de l’exécution de bonne foi des conventions, consacré par l’article 1134 C.C., interdit à une partie à un contrat d’abuser des droits que lui confère celui-ci, pareil abus suppose que lorsque cette partie use, dans son seul intérêt, d’un droit qu’elle puise dans la convention, elle en retire un avantage disproportionné à la charge corrélative de l’autre partie ». La jurisprudence inaugurée par l’arrêt du 19 septembre 1983 a un triple intérêt :

- L’abus de droit contractuel se voit reconnaître un fondement juridique propre et se trouve sanctionné par les règles de la responsabilité contractuelle, ce qui permet d’éviter le problème du cumul des responsabilités.

- Elle consacre l’effet modérateur (appelé aussi effet restrictif ou limitatif) de la bonne foi à l’abus de droit contractuel.

- La Cour se réfère au critère de proportionnalité. L’abus de droit ne se déduit pas du simple fait que le titulaire du droit l’exerce à son avantage ou égoïstement, mais résulte de l’exercice d’un droit d’une manière qui dépasse manifestement les limites de l’exercice de celui-ci par une personne normalement diligente et prudente. Au fil du temps, la jurisprudence a dégagé des critères spécifiques (d’autres peuvent exister) qui permettent de concrétiser la notion :

o L’exercice d’un droit dans l’intention de nuire. o L’exercice d’un droit sans intérêt ou motif légitime ou encore sans intérêt raisonnable

et suffisant, de façon préjudiciable à autrui. o Le choix entre différentes façons d’exercer un droit avec la même utilité, et l’exercer

de la façon la plus dommageable à autrui. o L’exercice d’un droit entrainant une importante disproportion entre l’avantage obtenu

par le titulaire du droit et le préjudice causé à l’autre partie. o Le détournement du droit de sa finalité, s’il s’agit d’un droit fonction.

Qu’en est-il de l’inertie prolongée d’un créancier dans l’exercice de son droit ? Par exemple d’un créancier omettant de réclamer ce qui lui est du pendant ans et qui se manifeste en réclamant les intérêts de sa créance. Ce type de comportement a soulevé un débat franco-flamand sur l’introduction en droit belge de la « rechtsverwerking ». Cette théorie affirme qu’un droit subjectif ne peut plus être invoqué toute les fois que le titulaire aura adopté un comportement objectivement inconciliable avec ce droit. Dans deux arrêts, la Cour de cassation rejette cette théorie comme principe général de droit tout en n’excluant pas la possibilité de l’appliquer dans certains cas particuliers, pour autant qu’elle remplisse les critères de l’abus de droit. Dans un arrêt du 16 septembre 1982, la Cour de cassation a précisé que l’exercice abusif d’un droit est sanctionné non par la déchéance totale de ce droit mais par la réduction de celui-ci à son usage normal ou par la réparation du dommage que l’abus a causé. Dans certains cas, la réduction du droit équivaut à une déchéance parce que la prérogative contractuelle exercée abusivement. Dans d’autres cas, la sanction appliquée par le juge consistera à substituer un remède autre que celui réclamé par le créancier. Section 3 : Limites La fonction correctrice ou adaptatrice de la bonne foi permettrait aux juges d’adapter le contenu d’un contrat en fonction de circonstances exceptionnelles qui ont pour effet de bouleverser l’économie contractuelle, l’équilibre des prestations prévu à la conclusion du contrat. Elle n’est pas admise en droit belge. Le principe doit, en effet, être concilié avec le respect du principe de convention-loi (qui garantit la sécurité juridique), interdisant ainsi au juge de modifier le contrat pour cause d’équité.

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Chapitre 3. La dialectique de la loi et du contrat dans la construction de la norme contractuelle : l’élimination des clauses abusives L’ordre public classique visé à l’article 6 du Code civil a surtout une fonction défensive et un effet prohibitif : il fait obstacle à la création ou à la transmission d’obligations contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs. L’ordre public de protection nous intéresse plus directement : il se compose de dispositions impératives dont la finalité est de protéger certaines catégories de contractants, jugées plus faibles : travailleurs, locataires, consommateurs de produits et de services. En droit belge, la protection de la partie faible s’est faite dans un premier temps par la jurisprudence qui, à l’aide des principes et des concepts généraux du droit des obligations, a combattu ou limité les excès liés à l’autonomie de la volonté. Dans un second temps, l’intervention législative a porté spécifiquement sur l’élimination des clauses abusives dont l’existence ne fait que refléter l’inégalité des rapports de force entre parties contractantes. La loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur illustre la façon dont l’ordre public de protection pénètre dans le contrat. En son article 4, elle impose à l’entreprise une obligation très large d’information vis-à-vis du consommateur, tant sur les caractéristiques principales du produit que sur les conditions juridiques de sa délivrance. La loi vise aussi, dans les articles 73 et suivants, à éliminer les clauses abusives dans les relations entre entreprise et consommateurs. La loi du 14 juillet 1991 comportait une section consacrée aux clauses abusives (article 31 et suivants). Elle avait dû légèrement être modifiée pour satisfaire aux exigences de la directive européenne du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. En outre, elle avait été complétée par une loi du 2 août 2002 qui assurait la transposition de la directive en ce qui concerne les professions libérales. Les règles applicables aux clauses abusives sont désormais dispersées dans plusieurs chapitres de la nouvelle loi. La définition de clause abusive, qui énonce les critères sur lesquels on peut se fonder pour qualifier une clause de la sorte, et la sanctionner même si elle ne figure pas dans la liste noire, est ainsi déplacée dans l’article 2 de la loi, avec les autres définitions. (Clause abusive : toute clause ou toute condition dans un contrat entre une entreprise et un consommateur qui, à elle seule ou combinée avec une ou plusieurs autres, crée un déséquilibre manifeste entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur). Comme sous le régime antérieur, l’objectif de la LMPC est de rétablir l’équilibre contractuel entre les droits et obligations respectives des parties par l’élimination des clauses abusives. Elle vise à protéger une catégorie particulière d’agent économique : le consommateur définit comme toute personne physique qui acquiert ou utilise à des fins excluant tout caractère professionnel des produits mis sur le marché. Quant à l’entreprise, l’article 2, 1°, la définit comme : toute personne physique ou personne morale poursuivant de manière durable un but économique, y compris ses associations. La loi s’applique aux rapports de consommation. Les contrats conclus entre non-professionnels et les contrats conclus entre professionnels restent soumis au droit commun. Cette restriction ratione personae peut d’ailleurs créer des problèmes de délimitation en cas d’acquisition ou d’utilisation mixte. Un professionnel peut naturellement aussi être un consommateur au sens de la loi et bénéficier de la protection offerte par celle-ci. Cette loi confère au juge le pouvoir d’apprécier la validité de certaines clauses douteuse ou lui impose l’obligation d’annuler des clauses « noires », considérées d’emblée comme abusives (article 74). Le juge dispose donc d’un pouvoir de contrôle sur le contenu du contrat, soit qu’il estime que la clause litigieuse appartient à la liste limitative de l’article 74, soit qu’il estime, par application de l’article 2, 28°,

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de la loi que la clause litigieuse « seule ou combinée avec une ou plusieurs autre, crée un déséquilibre manifeste entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur ». Cette définition de la clause abusive est une définition large. Enfin, la notion de déséquilibre manifeste laisse un grand pouvoir d’appréciation au juge et fait l’objet des débats en doctrine. Il s’agit d’un déséquilibre indiscutable apparaissant à la lecture du contrat, d’un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties. La loi ne permet pas au juge de remettre en cause le rapport économique sous-jacent à la contestation juridique parce qu’il y aurait une disproportion importante entre la valeur des prestations réciproques. Le pouvoir d’appréciation donné au juge est large mais il n’est pas sans limites. Le déséquilibre manifeste est une notion légale soumise au contrôle de la Cour de cassation. Quelles sont les sanctions applicables en cas de clause abusive ? Selon l’article 75, § 1er, de la loi, toute clause abusive est interdite et nulle. Le juge doit donc prononcer la nullité de la clause. La nullité ne s’étend pas en principe à l’ensemble du contrat (cfr. Article 75, § 1er, al.2, de la loi, ancien article 33, § 1er, aliéna de la LPCC). Le maintien du contrat est une solution avantageuse pour le consommateur. L’élimination de la clause abusive par le juge restaure l’application du droit commun et notamment les règles de la responsabilité contractuelle paralysée totalement ou partiellement par la clause querellée. L’application de la nullité sanctionnant l’abus entraine la restauration du régime de droit commun. Le contrat est non seulement « nettoyé » mais, dans une certaine mesure, « remeublé ». Nonobstant l’article 33, § 1er, alinéa 3 de la LPCC, la doctrine belge considérait en général l’article 32 (nouvel article 74 de la LMPC) comme une disposition impérative dont la violation est sanctionnée par une nullité relative. Un arrêt Océano Gruppo du 27 juin 2000 de la Cour de justice de l’Union européenne a cependant jeté le doute en affirmant que la directive du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ne pouvait assurer une protection effective à ces derniers que si le juge saisi avait le pouvoir d’apprécier d’office le caractère abusif de la clause. Cela implique-t-il que la loi du 14 juillet 1991, dans ses dispositions relatives aux clauses abusives, aurait un caractère d’ordre public et non pas simplement impératif ? La Cour de cassation répond par la négative : la nullité qui sanctionne une clause reste une nullité relative avec toutefois une faculté et même un devoir du juge de soulever la nullité d’office. La clause abusive peut aussi faire l’objet d’une action en cessation (article 113 LMPC) visant à l’éliminer dans tous les contrats d’adhésion qui l’imposent. Ce genre d’action est utilisé par des organisations défendant un intérêt collectif.

Chapitre 4. La résolution des difficultés d’application de la loi contractuelle Section 1 : Généralités

1. Interpréter : découvrir ou recréer ? Interpréter, c’est donner un sens à un concept, à une règle, à un texte. La qualification est distincte de l’interprétation, elle consiste à distinguer dans le complexe des faits en cause ce qui justifie le rattachement à telle ou telle catégorie juridique déterminée. L’interprétation et la qualification sont liées. L’interprétation comporte une dimension créatrice, en ce sens que le juge, confronté à une difficulté ou à une contestation, va dégager le sens et la portée d’un texte pour en permettre l’application à une hypothèse imprévue. Cette dimension créatrice est néanmoins confrontée à des limites (dérivant du texte lui-même, du contexte, de l’interprétation d’une communauté humaine déterminée, etc.).

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2. Principes du Code Civil. Présentation générale La convention fait loi des parties. Encore faut-il savoir, en cas de litige, quel est le contenu de cette loi ? Le Code Civil consacre ce problème aux articles 1156 à 1164. Pendant longtemps, ces règles ont été considérées comme de simples conseils donnés aux juges de fond. La tendance actuelle est de les considérer comme de véritables directives s’imposant aux juges de fond et dont la violation ouvre la voie à un pourvoi en cassation. Le juge, moyennant le respect de ces directives, garde néanmoins un pouvoir souverain d’appréciation ; la Cour de cassation impose toutefois des limites en censurant les décisions qui violent les principes fondamentaux. La recherche de la commune intention des parties est le principe essentiel qui gouverne l’interprétation des conventions : il prolonge à la fois le principe d’autonomie de la volonté et le principe de la bonne foi. Section 2 : Deux directives d’interprétation importantes

1. Recherche de la commune intention des parties L’article 1156 C.C. est à rattacher au principe selon lequel un accord trouve le fondement de sa force obligatoire dans l’autonomie de la volonté. Cela suscite plusieurs remarques :

- Cette recherche de la commune intention a un caractère assez hypothétique et artificiel dans la mesure où les parties sont précisément en désaccord sur ce qui les lie. L’interprétation des textes se fait en fait plutôt selon l’esprit qui les anime.

- Dans la pratique, de nombreux contrats ne se négocient pas ou très peu (contrat d’adhésion). Il n’y a donc pas réellement de « commune intention des parties ».

Dans la recherche de la volonté des parties, le juge a un pouvoir souverain d’appréciation. Le pouvoir est notamment reconnu au juge de qualifier une situation contractuelle si les parties ne se sont pas exprimées. Il n’est pas tenu par la qualification que les parties donnent à leur convention. Il peut la requalifier en cas de qualification incorrecte, ce faisant il cherche la commune intention des parties. Souverain ne veut pas dire absolu ; le juge ne peut requalifier une convention que si la qualification donnée par les partie est manifestement erronée, en ce sens qu’il y a contradiction entre la qualification et le contenu du texte. Le pouvoir d’interprétation du juge connaît quelques limites :

- Il doit respecter l’article 1134 al1 C.C. et la foi due aux actes (1219 et s. C.C.). Il ne peut pas utilisé le critère de l’équité pour refuser de donner effet à une convention. Il ne peut pas non plus donner une interprétation inconciliable avec les termes utilisés par la convention.

- Il doit respecter la hiérarchie des preuves, ce qui implique qu’il prenne en considération la teneur même de l’acte qui lui est soumis.

Le juge peut, sans violer le principe de la prééminence de la preuve écrite, se fonder sur des éléments extrinsèques à l’’acte pour retrouver la volonté commune des parties (échange de lettre, bon de commande, etc.). L’exécution donnée par les parties peut également être pris en considération mais ne peut être un élément suffisant se lequel se fondrait la décision du juge. L’application des principes d’interprétation pose des problèmes délicats, l’interprète étant naturellement amené à compléter les conventions quand les parties ne se sont pas explicitement exprimées. Il semble que les articles 1134 alinéa 3 et 1135 du Code civil fournissent au juge des instruments en ce sens. Mais jusqu’où le juge peut-il ou doit-il aller ? Une police d’assurance stipule qu’ « aucune indemnité ne sera payée aux occupants d’un véhicule automoteur, s’il est établi que le conducteur a bu de l’alcool… ». Or l’accident survient alors que le conducteur a bu mais insuffisamment pour que cela crée le moindre risque. La compagnie d’assurance refuse d’indemniser. Elle est cependant condamné au nom de l’intention commune des parties car « les parties n’ont pu avoir raisonnablement l’intention d’exclure les occupants de la garantie … l’exclusion de la garantie au profit des occupants, en pareils cas, compte tenu du mode de vie normal dans notre société, reviendrait à rendre l’assurance lettre morte, alors que dans l’intention commune des parties elle devait avoir un effet utile ».

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2. A qui profite le doute ? Selon l’article 1162 C.C., « dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation ». Le fondement de cette règle est discuté. Le principe étant que l’on est libre d’obligation il serait logique, en cas de doute, de penser que celui qui s’engage n’a l’intention de s’engager qu’au minimum. Une autre explication voit dans ce principe d’interprétation une sorte de sanction contre le stipulant pour n’avoir pas rédigé le contrat ou la clause plus clairement. Il s’agit ici d’un doute que les méthodes et conseils d’interprétation exposés plus haut n’ont pas permis de réduire. Cette disposition ne peut jouer qu’en cas de doute réel, si le juge ne parvient pas à déterminer de façon suffisamment certaine la portée précise du contrat à l’aide des éléments intrinsèques et extrinsèques à l’acte. La question de savoir « qui s’oblige » et « qui stipule » est difficile à résoudre dans les contrats synallagmatiques où chacune des parties est à la fois débitrice et créancière. L’article 1162 est utilisé, avec plus ou moins de rigueur, pour protéger la partie la plus faible dans les contrats d’adhésion. La partie qui rédige ou impose le contrat est souvent considérée en jurisprudence comme celle qui a stipulé. De façon générale, la jurisprudence tend à interpréter les contrats d’adhésion à l’encontre de leur rédacteur. A cela s’ajoute que les clauses dérogatoires au droit commun, clauses exonératoires de responsabilité, clauses pénales ou encore clauses résolutoires expresses s’interprètent de façon stricte ou même restrictive.

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Titre 2. Force obligatoire du contrat entre parties

Chapitre 1 : L’exécution en nature de l’obligation contractuelle Section 1 : Primauté de l’exécution en nature. Portée et limites. Il y a, en droit belge, primauté de l’exécution en nature (agissant sur les obligation de dare, facere et non facere). L’exécution par équivalent (dommages et intérêts) constitue une sanction de 2ème rang. Il faut distinguer le principe d’exécution en nature (le débiteur exécute ce qu’il devait faire) de la réparation en nature (qui ne procure au créancier insatisfait qu’un équivalent non pécuniaire). La primauté de l’exécution en nature peut être du point de vue du créancier mais aussi du débiteur :

- C’est un droit du créancier de réclamer l’exécution en nature. Saisi d’une demande d’exécution en nature, le juge doit en principe l’accueillir (si elle est encore possible et si ce n’est pas une demande abusive).

- Le débiteur a la possibilité d’imposer l’exécution en nature de l’obligation en souffrance du créancier qui réclamerait sa condamnation à des dommages et intérêts (si exécution encore possible et utile pour le créancier).

Les voies d’exécution, sont les mesures de contrainte que le créancier peut obtenir au cas où le débiteur refuse de se conformer au jugement. Les mesures de contrainte qui s’ensuivront ne pourront pas s’appliquer à toutes les hypothèses d’inexécution. En principe, la violence physique directe sur la personne du débiteur est interdite par notre droit. Il existe quelques rares exceptions comme par exemple, l’expulsion « manu militari » de l’occupant d’un immeuble sans droit. Des distinctions doivent donc être faites suivant le type d’obligation en cause :

- S’il s’agit d’une obligation de donner une somme d’argent, il est toujours possible d’obtenir le paiement grâce à la saisie exécution et à la vente forcée des biens du débiteur. L’exécution forcée en nature peut aussi être mise en œuvre pour les obligations de donner une chose de genre non encore spécifiée.

- S’il s’agit d’une obligation de ne pas faire, dont l’inexécution est consommée, la condamnation à l’exécution en nature peut être obtenue par jugement mais elle n’a pas toujours d’intérêt.

- Pour les obligations de faire non strictement personnelles, l’exécution forcée en nature de l’obligation peut, moyennant en principe autorisation du tribunal, être obtenue par l’entremise d’un tiers qui accomplira la prestation aux dépens du débiteur.

- S’il s’agit d’une obligation de faire dont l’exécution implique du débiteur des qualités tout à fait spécifiques, il est possible d’obtenir un jugement de condamnation à l’exécution en nature mais il n’est pas possible, même en vertu d’un jugement, de pratiquer une mesure de contrainte physique sur la personne du débiteur pour l’obliger à exécuter. L’astreinte peut être demandée accessoirement à un jugement de condamnation.

Section 2 : La mise du débiteur sous pression On envisage deux moyens de pression du créancier insatisfait afin d’obtenir l’exécution en nature :

- La mise en demeure, rappel adressé par le créancier au débiteur en défaut - L’astreinte qui peut être accordée par décision judiciaire à l’encontre du débiteur récalcitrant.

Ces deux moyens se situent à des moments bien différents : la mise en demeure ouvre les hostilités et peut être le prélude à une procédure judiciaire ; l’astreinte suppose que l’inexécution soit consommée et qu’une procédure judiciaire soit arrivée à son terme.

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1. Un préalable obligé : la mise en demeure A. Notion

La mise en demeure est une interpellation claire et non équivoque faite par le créancier au débiteur, lui enjoignant d’exécuter l’obligation en souffrance soit immédiatement, soit dans un certain délai (articles 1138, 1139, 1146, 1153 et 1302 du Code civil). La mise en demeure est une formalité préalable à toute mesure d’exécution forcée que la Cour de cassation a érigée en principe général de droit. Il s’agit d’un acte juridique unilatéral et non d’un fait juridique. La mise en demeure constitue un acte réceptice dont l’efficacité est soumise à la réception par le débiteur. Il est admis qu’elle se fasse ad futurum, c’est-à-dire qu’elle porte sur une dette existante mais non encore exigible. On pourrait également concevoir que la mise en demeure s’adresse non seulement au débiteur mais aussi au créancier négligent d’exercer ses droits ou tardant à réceptionner le paiement qui lui est offert.

B. Formes et contenu Selon l’article 1139 du Code civil, le débiteur est mis en demeure par une sommation d’huissier ou par un acte équivalent. La tendance est à l’assouplissement. Malgré les termes de l’article 1139, il est admis, en matière commerciale, que la forme d’une mise en demeure est libre (lettre recommandé, etc.). La jurisprudence récente se montre d’ailleurs moins exigeante que la jurisprudence ancienne quant à la forme de la mise en demeure, même en matière civile, dès lors que le créancier manifeste sans équivoque son intention d’obtenir le paiement de l’obligation en souffrance et invite son débiteur à s’exécuter. Dans son arrêt du 28 mars 1994, la Cour de cassation a rompu avec le formalisme imposé par l’article 1139 du Code civil. « Par acte équivalent, selon la Cour, il y a lieu d’entendre tout acte contenant une interpellation dont le débiteur a dû nécessairement induire qu’il était mis en demeure d’exécuter son obligation ». La mise en demeure doit exprimer de manière claire et non équivoque la volonté du créancier de voir exécuter l’obligation principale et indiquer avec précision l’obligation en souffrance. Il existe toutefois quelques exceptions (crédit à la consommation, formalisme particulier quand la mise en demeure émane d’un mandataire professionnel, etc.).

C. Champ d’application. Exceptions. La mise en demeure ne concerne que l’inexécution fautive des obligations contractuelles. Elle n’est pas de mise, par la force des choses, pour des obligations délictuelles. Cela étant, la mise en demeure est possible pour obtenir l’exécution d’un jugement de condamnation à des dommages et intérêts. En matière contractuelle, la mise en demeure est en principe requise. La seule échéance du terme ne suffit pas à mettre le débiteur en demeure sous réserve d’un certain nombre d’exceptions :

- Le contrat peut prévoir que la seule échéance du terme vaut mise en demeure de plein droit. La loi interdit parfois ce genre de clause.

- La loi prévoit dans certains cas des mises en demeure automatiques dont certaines sont importantes en pratique.

- Il ne faut pas non plus mettre en demeure lorsqu’il résulte de l’objet ou de la nature de la convention ou de circonstances particulières à la cause que l’exécution en nature est devenue impossible ou ne présente plus d’utilité pour le créancier.

- Il y a lieu de mentionner l’importante dérogation introduite par l’article 5 de la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. Selon cette disposition, en cas de défaut de paiement dans le délai requis, « le créancier a

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droit, à compter du jour suivant, de plein droit et sans mise en demeure, au paiement d’intérêt… ». Le champ d’application de la loi est toutefois limité aux « transactions commerciales » (art. 2) c’est-à-dire aux transactions portant sur la fourniture de biens ou de services entre des entreprises ou entre des entreprises et des pouvoirs adjudicateurs.

D. Effets

La mise en demeure est un préalable pour pouvoir recourir à l’exécution forcée en nature ou par équivalent, à « l’exceptio non adimpleti contractus » ou à la résolution judiciaire du contrat. Elle fixe aussi le point de départ des intérêts moratoires qui compensent le préjudice dû au retard dans l’exécution (articles 1146 et 1153, al. 3 du Code civil). Les intérêts moratoires sont les intérêts dus par le débiteur à la suite du retard apporté au paiement d’une somme d’argent (articles 1153 à 1155 du Code civil). En principe, ils commencent à courir à la date de la mise en demeure, à moins que la partie n’ait convenu de les faire courir de plein droit à dater de l’échéance de l’obligation ou à moins que la loi ne les fasse courir de plein droit. Enfin, la mise en demeure opère un transfert de la charge des risques sur le débiteur de l’obligation de livrer un corps certain (articles 1138 al. 2 et 1302 du Code civil). Lorsque le débiteur a été mis en demeure de livrer la chose, la charge des risques est déplacée et le débiteur mis en demeure doit répondre des risques de perte ou de détérioration de la chose. Cet effet repose sur une présomption : si le débiteur avait livré la chose à temps cette perte ou ces détériorations ne se seraient pas produites chez le créancier. Le Code civil, en son article 1302 al. 2, dispose toutefois que le débiteur peut renverser la présomption énoncée ci-dessus. Il peut invoquer l’effet libératoire de la cause étrangère s’il démontre que la chose aurait péri chez le créancier même si elle avait été livrée en temps utile.

2. L’astreinte L’astreinte est une condamnation pécuniaire prononcée par le juge à charge du débiteur en cas d’inexécution par celui-ci de la condamnation principale. L’astreinte vise à favoriser l’exécution en nature de l’obligation en faisant pression sur le débiteur récalcitrant pour qu’il exécute la décision judiciaire le condamnant. Il ne s’agit toutefois que d’un incitant à l’exécution et ne permet pas de contraindre physiquement un débiteur récalcitrant. Elle est accessoire à la condamnation principale. Elle doit être demandée au juge qui peut ou non l’accorder et qui en fixe souverainement le montant et les modalités. Différents types d’astreinte sont possibles. Certaines condamnations ne peuvent toutefois être assorties d’astreinte, telles que les condamnations pécuniaires et celles tendant à l’exécution des contrats de travail. Section 3 : Une mesure de contrainte par substitution : le remplacement L’exécution forcée en nature d’une obligation de faire ou de ne pas faire peut se heurter à la mauvaise volonté ou à l’incapacité persistante du débiteur de l’obligation. Le principe est que l’exécution forcée en nature ne peut pas aboutir à une contrainte physique sur la personne du débiteur. L’article 1144 du Code Civil offre une issue au créancier : le remplacement. Le remplacement est une forme d’exécution forcée en nature qui consiste à faire exécuter par un tiers l’obligation en souffrance. Ceci suppose que l’obligation du débiteur ne lui est pas purement personnelle. Le remplacement aboutit à une exécution en nature puisque le créancier obtient ainsi une exécution conforme à son attente.

- Cette exécution forcée de l’obligation par un tiers est accordée en principe par jugement, contre le gré du débiteur. C’est le remplacement judiciaire dont les articles 1143 et 1144 du

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Code civil font application en matière d’obligations contractuelles de faire et de ne pas faire. Ce remplacement peut aussi aboutir à l’exécution forcée en nature des obligations de donner.

- Le juge jouit-il d’un pouvoir souverain d’appréciation en la matière ou doit-il accéder à la demande d’autorisation ? La tendance récente est de considérer que l’autorisation de remplacement constitue un droit pour le créancier et qu’elle n’est pas d’application facultative pour le juge du fond. Encore faut-il que ce droit ne soit pas exercé de façon abusive par le créancier insatisfait.

- Le remplacement du débiteur initial par un autre débiteur implique-t-il la résolution du contrat initial ? Le remplacement judiciaire implique la survie du contrat initial alors que la résolution prévue à l’article 1184 du Code civil vise à rompre le lien contractuel.

Le principe de l’autorisation judiciaire préalable souffre de plusieurs exceptions. Une dispense du recours préalable à justice est possible en matière de ventes commerciales de marchandises où le remplacement unilatéral est permis en vertu de l’usage. Il est aussi possible de prévoir par contrat que le créancier insatisfait peut remédier d’office à la carence du débiteur, aux dépens de celui-ci. (Les articles 1143 et 1144 du Code civil n’étant pas impératifs, ni d’ordre public, les parties peuvent y déroger librement et prévoir une clause de remplacement ou d’exécution d’office. Ceci permet au créancier de faire appel aux services d’un tiers de plein droit et de réclamer ensuite le paiement des frais de remplacement au débiteur défaillant). En l’absence de clause, la jurisprudence belge admet, lorsque les circonstances exigent une solution rapide, que le créancier « se remplace unilatéralement aux dépens du débiteur ». Cette faculté a notamment été reconnue par la jurisprudence belge au maitre de l’ouvrage ou à l’entrepreneur principal en cas de défaillance de son débiteur. Les conditions de cette faculté de remplacement unilatéral sont toutefois assez strictes :

- Il faut une situation d’urgence à laquelle il importe de remédier au plus vite. - Le créancier doit faire constater l’état des travaux d’où ressort un manquement du débiteur qui

lui soit imputable - Il doit le mettre en demeure en lui indiquant les défaillances relevées et en lui laissant un délai

raisonnable pour y remédier. Il doit aussi lui indiquer son intention de procéder au remplacement s’il ne remédie pas à la défaillance. Le créancier s’expose à un contrôle judiciaire a posteriori si les droits de la défense du débiteur en défaut ne sont pas respectés.

- A l’échéance de la mise en demeure, le créancier doit se remplacer effectivement, sans délais et à des conditions normales, dans le respect de la bonne foi.

Chapitre 2 : L’incidence d’un changement de circonstances sur la force obligatoire du contrat Il existe des situations où le rapport qui existait à la conclusion du contrat entre les prestations des parties est substantiellement altéré en raison de la survenance d’évènements techniques, économiques ou politiques imprévisibles à la conclusion du contrat et indépendants de la volonté des parties. La théorie de l’imprévision vise à admettre la dissolution ou l’adaptation du contrat quand il devient tout à fait déséquilibré suite à des circonstances imprévisibles postérieurs à la conclusion du contrat et non imputables à la partie qui s’en prévaut. Il y a lieu de ne pas confondre imprévision et lésion (qui concerne un déséquilibre affectant le contrat dès sa formation). L’imprévision ne doit pas non plus être confondu avec la force majeure (qui entraîne pour le débiteur une impossibilité d’exécution) alors que l’imprévision entraîne un bouleversement de l’économie contractuelle, une aggravation substantielle des charges pour le débiteur. La théorie de l’imprévision n’est pas reçue, comme telle en droit belge. La sécurité juridique prévaut sur les considérations d’équité qui pourraient conduire le juge à remodeler un peu facilement un contrat que le débiteur trouve déséquilibré suite aux circonstances. « Admettre l’imprévision serait, au

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nom de l’équité, compromettre la sécurité que le droit a voulu assurer par le principe de la convention loi ». Des lois apportent cependant des correctifs dans des domaines particuliers. Les concepts et principes généraux du droit des obligations peuvent aussi être sollicités, afin de porter remèdes aux situations les plus choquantes. Elargissement de la force majeure : la force majeure doit être appréciée de manière raisonnable, ce qui permet au juge de remédier aux cas d’imprévision les plus criants en élargissant la force majeure à des hypothèses de difficultés dans l’exécution de l’obligation, au risque de dénaturer la notion de force majeure. L’abus de droit peut aussi faire obstacle à l’exécution d’une convention dont l’économie a été profondément bouleversée. Rappelons toutefois que l’abus doit être caractérisé. Aucun de ces remèdes n’est toutefois pleinement satisfaisant car ils ne permettent pas comme tels d’imposer à une partie, favorisée par le bouleversement de l’économie contractuelle, l’obligation d’accepter une réadaptation du contrat. La convention, loi des parties, peut assouplir le droit commun. La pratique contractuelle, particulièrement dans les contrats internationaux de longue durée, a développé des clauses dites de hardship d’imprévision ou de sauvegarde. Celles-ci prévoient la révision ou la dissolution du contrat lorsqu’un bouleversement des circonstances modifie profondément l’équilibre initialement convenu entre les parties. Dans le même ordre d’idées, quand l’objet des prestations consiste dans le paiement d’une somme d’argent, la pratique contractuelle, pour contrer le principe du nominalisme monétaire prévu à l’article 1895 du Code civil, a mis au point des clauses de protection contre la dépréciation monétaire. La monnaie est une matière sensible à laquelle les Etats sont attentifs. Il s’agit notamment d’éviter la dépréciation de la monnaie en limitant la possibilité de clauses conventionnelles d’indexation. Le législateur met parfois des limites aux clauses d’indexation pour des raisons de politique monétaire. Il le fait aussi par souci de protection de la partie faible.

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Titre 3. Le contrat et les tiers

Chapitre 1 : La relativité des conventions Section 1 : Portée du principe L’article 1165 du Code civil, déjà annoncé par l’article 1119, indique que « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes … »

1. Effets internes et effets externes Les contrats créent une situation juridique, un fait qui peut affecter les tiers. La doctrine distingue les effets internes du contrat, les droits et les obligations qu’il crée en faveur ou à charge des parties (son effet obligatoire) et les effets externes, la situation née du contrat qui en principe s’impose aux tiers (son opposabilité). Celle-ci souligne qu’il y a un devoir de respect du lien contractuel qui s’impose aux tiers. Le principe de la relativité des conventions ne s’applique qu’aux effets internes. Historiquement, c’est un arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 1909 qui a établi la distinction entre effets internes et effets externes du contrat. La distinction entre effets internes et effets externes, confirmée par la jurisprudence ultérieure, n’est pas toujours facile à tracer. Il est en principe interdit à un tiers de puiser des droits dans une convention à laquelle il n’est pas partie, de même qu’il est interdit aux parties d’imposer à un tiers l’exécution d’obligation résultant de leur convention. Cela étant, le contrat est un fait dont les tiers peuvent tirer ou doivent accepter certaines conséquences favorables ou défavorables, comme l’indique l’arrêt précité du 27 mai 1909.

- Les tiers peuvent se prévaloir du contrat vis-à-vis des parties pour en tirer des avantages (opposabilité du contrat par les tiers aux parties).

- L’existence d’un contrat peut aussi jouer au détriment des tiers. Ils doivent en reconnaitre les effets. Le contrat est un tout qu’il faut prendre avec ses conséquences favorables et défavorables.

- Le contrat limite la liberté de contracter des parties avec des tiers qui ne peuvent pas contribuer sciemment à la violation du contrat sous peine d’engager leur responsabilité délictuelle. C’est le problème de la tierce complicité.

- Plus radicalement, les tiers peuvent contester l’opposabilité du contrat conclu en fraude de leurs droits, se prévaloir vis-à-vis des parties d’une situation apparente à l’encontre d’une situation cachée mais aussi d’une situation cachée non conforme à la situation apparente.

2. Parties et tiers A. Les parties

a. Vue d’ensemble

Sont parties ceux qui ont contracté, c’est à dire ceux qui ont participé à la conclusion de l’acte et y ont donné leur consentement. Un mandataire n’est pas partie à l’acte, il est représentant. Certaines personnes, qui n’ont pas participé à la conclusion de l’acte, sont parties ou le deviennent. Sont ainsi considérées comme parties contractantes :

- Les personnes représentées. - Les ayants cause universels ou à titre universel recueillant tout ou fraction du patrimoine de

leur auteur décédé. - Les cessionnaires de contrat (ou de créance, voir tome 4).

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b. Personnes représentées Des personnes représentées peuvent être parties contractantes alors qu’elles n’ont pas participé à la conclusion du contrat :

- La représentation est en effet une technique par laquelle une personne, le représentant, accomplit un acte juridique au nom et pour le compte d’une autre de manière telle que les effets de cet acte se produisent dans le chef du représenté. Le représenté est seul lié par les actes accomplis par son représentant pour autant que celui-ci agisse dans les limites de son pouvoir et ait une volonté saine.

- La représentation suppose l’existence d’un pouvoir dans le chef du représentant, c’est-à-dire d’une aptitude à engager autrui. L’étendue des pouvoirs dépend de la source de la représentation (légale, conventionnelle ou judiciaire).

- Il existe différents types de représentations. o La représentation est parfaite : quand l’acte accompli par le représentant au nom et

pour le compte du représenté lie immédiatement ce dernier qui est alors partie au contrat.

o La représentation est imparfaite : lorsque l’effet de substitution ne se produit pas immédiatement mais se produit ultérieurement à la conclusion de la convention. Le représentant est personnellement lié envers le tiers contractant et lui incombe de transférer à la personne qu’il représente les charges et les avantages de l’opération.

- La représentation ne produit en principe ses effets que dans la mesure où me représentant n’a pas excédé ses pouvoirs. La jurisprudence notamment par le biais du mandat apparent, et la loi tempèrent parfois la rigueur de ce principe pour des raisons de protection des tiers. Le mandat apparent a pour effet de conférer la qualité de partie contractant à un pseudo-mandant qui n’a pas, en réalité, entendu donner son consentement à l’acte conclu par celui que le tiers contractant a pu légitimement considérer comme mandataire.

c. Personnes assimilées aux parties contractantes : ayants cause universels

et à titre universel Selon l’article 1122 du Code civil, « on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause ». Seuls les ayants cause universels ou à titre universel sont visés par cette disposition et non les ayants cause à titre particulier. L’ayant cause universel est : celui qui recueille l’intégralité du patrimoine de son auteur tandis que l’ayant cause à titre universel recueille une fraction du patrimoine de son auteur. L’ayant cause à titre particulier : recueille, quant à lui, non un ensemble ou une fraction d’un ensemble mais un droit déterminé. La transmission universelle ou à titre universel d’un patrimoine se produit lors du décès du titulaire d’un patrimoine. Le principe prévu par l’article 1122 du Code civil est que les ayants cause universels ou à titre universel succèdent aux droits et obligations de leur auteur dans le contrat, lors de la transmission du patrimoine. Toutefois, il existe des exceptions à ce principe :

- L‘article 1122 C.C. ne s’applique pas si le contraire est prévu par les parties ou résulte du caractère intuitu personae de la convention.

- Il ne s’applique pas non plus si les héritiers renoncent à la succession ou ne l’acceptent que sous bénéfice d’inventaire.

- Diverses dispositions légales prévoient aussi la fin du contrat en cas de décès d’une partie.

B. Les tiers La notion de tiers est quelque peu tautologique (proposition dont la conclusion énonce une vérité déjà contenue dans le point de départ) : sont tiers ceux qui ne sont pas parties ou ne le sont pas devenus en reprenant les droits et obligations de l’une d’elles.

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La notion de tiers est relative et évolutive. Elle est aussi polysémique. Il y a une graduation dans la notion de tiers en fonction de l’intensité des relations que les tiers entretiennent avec une des parties :

- Il y a des tiers parfaitement étrangers au contrat ou aux contractants. - D’autres tiers sont « plus proches » d’une partie contractante parce que d’une façon ou d’une

autre, ils subissent certaines conséquences d’une opération juridique de leur débiteur. - Sont aussi des tiers les agents d’exécution (un agent d’exécution est une personne à qui un

contractant confie tout ou partie des obligations contractuelles qu’il assume à l’égard de son propre créancier). Les préposés et les sous-traitants sont des catégories typiques d’agents d’exécution.

o En droit belge, le statut d’agent d’exécution est assez ambigu : le préposé ou l’agent d’exécution que le transporteur se substitue pour exécuter tout ou une partie du contrat de transport, n’est pas un tiers au regard de l’exécution du contrat et à l’égard du cocontractant du transporteur. D’autre part, il est tiers par rapport à la formation du contrat principal conclu entre le créancier et le débiteur. Cette ambiguïté a des conséquences. Puisque l’agent d’exécution n’est pas un tiers, il s’ensuit, en principe, une éviction des règles de la responsabilité délictuelle dans les rapports entre le créancier principal insatisfait et l’agent d’exécution défaillant. Celui-ci bénéficie en jurisprudence belge d’une quasi-immunité vis-à-vis du créancier principal.

Il importe de préciser ici le statut des ayants cause à titre particulier qui ne sont pas visés par l’article 1122 du Code civil. L’ayant cause à titre particulier est un tiers par rapport aux conventions conclues par son auteur et n’est donc en principe pas tenu des dettes ni bénéficiaire des créances de son auteur. Un acheteur par exemple n’est en principe as tenu d’une dette que le vendeur d’un immeuble a contractée pour des travaux antérieurs à la vente. Les choses sont complexes. Il y a lieu d’opérer des distinctions. Les droits réels portant sur le bien sont transférés avec le bien auquel ils s’appliquent et s’imposent à l’ayant cause à titre particulier, pour autant que le formalisme d’opposabilité ait été suivi. Les droits de créance et obligations ne lui sont en principe pas transmis. En principe, l’ayant cause à titre particulier n’est pas tenu des dettes de son auteur. Il y a peu de dérogations à ce principe. En revanche, dans certains hypothèses, la loi ou la jurisprudence permettent à l’ayant cause à titre particulier de se prévaloir des droits de son auteur notamment des garanties dont celui-ci bénéficie contre son cocontractant :

- En matière de vente, la jurisprudence admet, en s’appuyant sur l’article 1615 du Code civil, que le sous-acquéreur d’un bien ayant fait l’objet de ventes successives puisse agir contre le vendeur initial en garantie des vices cachés. Le vendeur peut toutefois opposer au sous-acquéreur les exceptions qu’il peut opposer à son acheteur direct.

- En matière d’assurances terrestres , l’article 57 de la loi du 25 juin 1992 prévoit que l’assurance d’un bien aliéné entre vifs continue de bénéficier au cessionnaire pendant trois mois après la date de passation de l’acte authentique, sauf si ce dernier bénéficie d’une garantie résultant d’un autre contrat.

La théorie des groupes de contrats, développée surtout en doctrine française, oblige à repenser ou à nuancer les notions corrélatives de parties et de tiers. La notion de groupe de contrats vise un ensemble de contrats distincts mais liés parce qu’il portent sur un même bien ou qu’il participent à une opération économique unitaire. La conséquence de cette théorie est d’étendre la sphère contractuelle au-delà des parties originaires à certains cocontractants de l’une des parties qui doivent normalement être considérés comme tiers au regard de l’article 1165 du Code civil. Un des enjeux de la question est celui de la reconnaissance d’une action contractuelle entre les parties extrêmes de la chaine des contrats, ce qui permet d’éviter l’intrusion de la responsabilité délictuelle. Le droit civil classique reconnaît déjà l’interdépendance de certains contrats dont l’un est principal et l’autre accessoire. Le droit positif récent, s’il ne consacre pas la théorie des groupes de contrats de façon générale, tire cependant des conséquences juridiques des liens qui peuvent exister entre des contrats unissant des personnes différentes.

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Section 2 : Exceptions au principe de la relativité des conventions

1. La stipulation pour autrui A. Notion

La stipulation pour autrui est une exception à la relativité des conventions énoncée à l’article 1165 du Code civil. Visée à l’article 1121 du Code civil, il s’agit d’une opération par laquelle une personne (stipulant) demande à une autre (promettant), qui accepte, de prendre un engagement envers une troisième (tiers bénéficiaire). Cette dernière devient créancier du promettant en vertu d’un contrat auquel elle n’a pas participé. C’est le bénéfice d’un contrat que le tiers recueille et non les charges.

B. Conditions Il faut un contrat valable entre stipulant et promettant par lequel le premier manifeste une volonté certaine de faire naitre un droit propre au profit d’un tiers. Les conditions de fond de validité des conventions doivent être remplies. L’objet et la cause de la stipulation doivent être licites. La stipulation doit être faite au profit d’un tiers. Celui-ci doit être capable lors de l’acceptation. Il ne doit pas être nommément désigné mais il doit être déterminable au moment où la stipulation doit être exécutée. Il n’est pas requis que le bénéficiaire accepte la stipulation pour que le droit naisse à son profit mais son acceptation rend le droit irrévocable (Art. 1121 Code civil). Selon l’article 1121, la stipulation au profit d’un tiers doit être « la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou d’une donation que l’on fait à un autre ». L’intervention du stipulant ne pourrait, si l’on suit cette disposition, se limiter à faire promettre une prestation au profit d’un tiers.

C. Effets L’effet principal de la stipulation pour autrui est « d’ouvrir une action du tiers bénéficiaire contre le promettant vis-à-vis duquel il va pouvoir faire valoir des droits ». Le tiers ne se voit en principe pas imposer d’obligation. Trois rapports sont à analyser :

- Entre promettant et stipulant, la stipulation pour autrui est un engagement contractuel soumis aux principes de l’exécution en nature et de la responsabilité contractuelle.

- Les rapports du promettant et du tiers bénéficiaire sont au cœur de la stipulation pour autrui. Le droit du tiers bénéficiaire contre le promettant appartient à la définition de la stipulation pour autrui. Le tiers tire le droit d’exiger une prestation du promettant d’une convention à laquelle il n’est pas partie. Le droit du bénéficiaire présente plusieurs caractéristiques :

o Il s’agit d’un droit direct (ou propre). Le bénéfice de la créance revient au tiers bénéficiaire dont le droit est propre. La prestation due par le promettant ne transite donc pas par le patrimoine du stipulant et n’implique pas l’intervention de celui-ci. En cas d’inexécution de sa prestation par le promettant, le tiers dispose contre celui-ci d’une action propre en exécution forcée ou en dommages-intérêts. En revanche, il ne dispose pas d’une action en nullité ou en résolution qui appartiennent au stipulant.

o Il s’agit aussi d’un droit satellite ou dépendant du lien contractuel originaire entre stipulant et promettant. Ce dernier pourra donc opposer au tiers bénéficiaire les exceptions liées à la nullité du contrat principal ou à l’inexécution par le stipulant de ses obligations.

o Il s’agit d’un droit qui prend naissance au moment même de la stipulation. L’acceptation du tiers a pour seul effet de rendre la stipulation irrévocable par le stipulant.

o Il s’agit d’un droit personnel qui ne peut être exercé par les créanciers par la voie de l’action oblique prévue à l’article 1166 du Code civil.

- Il n’existe pas de lien de droit entre le stipulant et le tiers bénéficiaire La stipulation pour autrui ne donne pas de droit au stipulant contre le tiers bénéficiaire ni au tiers bénéficiaire contre le

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stipulant. Le stipulant peut révoquer la stipulation pour autrui tant que le tiers ne l’a pas acceptée. L’acceptation du tiers bénéficiaire met fin à la faculté de révocation du stipulant. Elle n’est pas soumise à des exigences de forme (des lois particulières peuvent toutefois prévoir des formes spécifiques). L’acceptation du tiers bénéficiaire ne peut naturellement intervenir que si le tiers est au courant de la stipulation.

2. Les actions directes

A. Notion

La théorie de l’action directe a été construite autour de trois dispositions du Code civil, les articles 1753 (bail), 1798 (entreprise) et 1994, alinéa 2 (mandat). En dehors du Code civil, le mécanisme est utilisé par le législateur notamment en matière d’assurance. L’action directe est un mécanisme légal en vertu duquel une personne peut se prévaloir d’un contrat, conclu par son débiteur, auquel elle n’est pas partie et exercer un droit propre et personnel contre le débiteur de son débiteur. L’action directe met en présence un créancier direct (titulaire de l’action directe), un débiteur immédiat et un sous-débiteur. Ainsi dans l’article 1798 du Code civil qui instaure une action directe au profit du sous-traitant, le sous-traitant est titulaire de l’action directe, l’entrepreneur, débiteur immédiat ou intermédiaire et le maitre de l’ouvrage, sous-débiteur et défendeur à l’action directe. L’action directe présente des caractéristiques originales :

- Elle confère à son titulaire un droit propre. - Elle diffère de l’action oblique ou subrogatoire où le créancier n’exerce pas un droit propre

mais se substitue à son débiteur négligeant d’exercer ses prérogatives. - Elle diffère aussi de la stipulation pour autrui qui est conventionnelle (le bénéficiaire d’une

action directe jouit d’une situation plus avantageuse que celui d’une stipulation pour autrui). - En principe, pas d’action directe sans texte.

L’action directe présente pour son titulaire pas mal d’avantages :

- Elle simplifie le recours puisqu’elle le met en relation avec le sous-débiteur sans passer par le débiteur intermédiaire.

- Elle permet au titulaire d’intenter son recours directement contre le débiteur du débiteur et d’éviter deux recours successifs.

- Elle permet aussi à son titulaire d’éviter le concours avec les créanciers du débiteur immédiat de l’obligation. Le créancier direct est investi d’un droit propre, d’une exclusivité portant sur ce que l’on appelle parfois la « créance objet », c’est à dire la créance que le débiteur intermédiaire détient contre le sous-débiteur (effet de privilège).

B. Conditions

Un certain nombre de conditions sont requises pour qu’une action directe puisse être intentée :

- Il y a les conditions de fond. o Une première condition est que le titulaire de l’action directe ait une créance valable et

exigible contre le débiteur intermédiaire. Cette créance peut être soit de nature contractuelle, comme celle du sous-traitant contre l’entrepreneur principal soit de nature délictuelle comme la créance en responsabilité de la victime contre l’assuré dans les assurances de responsabilité civile. Si cette créance n’existe pas ou si elle est prescrite, il ne peut y avoir d’action directe.

o Une deuxième condition de fond est qu’il existe une créance du débiteur intermédiaire contre le défendeur à l’action directe. Le sous-débiteur n’est tenu envers le titulaire de l’action directe que parce qu’il est débiteur du débiteur intermédiaire et dans la mesure de sa dette envers celui-ci.

- Il y a les conditions de forme ou de procédure. o En ce qui concerne la procédure, il ne semble pas requis que le titulaire de l’action

directe mette son propre débiteur en demeure préalablement à son action contre le

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sous-débiteur. L’action directe suppose toutefois une manifestation de la volonté de son bénéficiaire pour prendre effet vis-à-vis du sous-débiteur. Une notification adressée par lettre suffit.

C. Régime

Les effets juridiques de l’action directe sont complexes, faute notamment d’un régime général applicable à toutes les actions directes :

- Un premier effet est commun à toutes les actions directes : le titulaire de celle-ci dispose de deux recours, l’un contre son débiteur (immédiat), l’autre contre le sous-débiteur. Les deux débiteurs (maitre de l’ouvrage et entrepreneur / assureur et responsable de l’accident) sont tenus in solidum.

- L’action directe a aussi un effet conservatoire : la créance du débiteur intermédiaire est bloquée dans le patrimoine de celui-ci.

- L’effet le plus spectaculaire de l’action directe est l’effet dit privilège. Le titulaire de l’action directe peut réclamer directement le paiement de sa créance au sous-débiteur sans que le produit de cette action transite par le patrimoine du débiteur intermédiaire. Ceci permet donc au titulaire de l’action directe d’échapper à la loi du concours avec les autres créanciers du débiteur intermédiaire.

En ce qui concerne l’opposabilité des exceptions par le défendeur à l’action directe, , en principe, le défendeur à l’action directe peut opposer au demandeur toutes les exception qui auraient pu être opposées au demande par le débiteur intermédiaire et toutes les exceptions qu’il aurait pu, lui défendeur, opposer au débiteur intermédiaire. Il peut donc opposer les exceptions liées aux deux créances qui justifient l’action directe. Les exceptions du défendeur à l’action directe doivent être antérieures à l’intentement de l’action. Les exceptions liées à la créance du débiteur intermédiaire doivent, pour être opposables au titulaire de l’action directe, être nées avant l’exercice de l’action directe.

D. Dispositions légales a. Actions directes du Code Civil

Le Code civil comporte quelques exemples d’action directe :

- L’article 1798 du Code civil en matière d’entreprise. - L’article 1994, alinéa 2 en matière de mandat que la jurisprudence applique en matière de

virements bancaires ou en matière judiciaire. - L’article 1753 du Code civil protégeant les droits du bailleur vis-à-vis du sous-locataire.

b. Actions directes prévues par des textes particuliers

De nombreuses actions directes sont prévues par des textes particuliers, notamment par la législation sur les assurances. Par exemple :

- L’article 68 de la loi du 25 juin 1992. - L’article 86 de la loi du 25 juin 1992. - La loi sur les accidents du travail qui confère aux victimes un droit propre contre l’assureur

accidents du travail. On assiste dans la loi du 25 juin 1992 sur les assurances terrestres à une généralisation de l’action directe contre les assureurs de responsabilité. Le titulaire de l’action directe bénéficie d’un droit propre contre l’assureur (cf. articles 68 et 86 de la loi). Cette multiplication des actions directes s’accompagne d’une certaine inopposabilité des exceptions (article 87). Un compromis doit être trouvé entre la protection de la personne lésée et le souci des assureurs de ne pas indemniser les victimes de dommages causés par une personne manifestement non assurée. Cet article 87 fait une distinction entre les assurances obligatoires de la responsabilité civile et les assurances facultatives. Pour les premières, le législateur, dans cette disposition spéciale, donne un statut avantageux au bénéficiaire de l’action directe.

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Section 3 : La promesse de porte-fort Selon l’article 1119 du Code civil : On ne peut, en général, s’engager, ni stipuler en son propre nom, que pour soi-même. Mais l’article 1120 du Code civil dispose que néanmoins, on peut se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci ; sauf l’indemnité contre celui qui s’est porté fort ou qui a promis de faire ratifier si le tiers refuse de tenir l’engagement. La convention de porte-fort : est une convention par laquelle une personne (porte-fort) s'engage vis-à-vis de son cocontractant à obtenir le fait d'un tiers (acte juridique, prestation, ratification acte,..).Le porte-fort promet son fait personnel ; le plus souvent, il promet d’obtenir le consentement d’autrui (il faut que ni l’ordre public ni les règles impératives ne soient transgressées).On peut envisager différentes hypothèses :

- La promesse peut porter sur l’engagement futur d’un tiers. Je me porte pour que x nous vendra sa voiture pour 50 000 euros.

- Elle peut aussi porter sur le fait que le tiers ratifiera un acte déjà accompli sans pouvoir par le porte-fort. Celui-ci accomplit l’acte au nom du tiers sans mandat valable et promet que le tiers ratifiera son engagement.

La promesse de porte-fort a un beau domaine d’application en matière de vente d’immeubles, par exemple quand une personne copropriétaire, qui souhaite vendre, se porte-fort, vis-à-vis de l’acheteur du consentement des autres propriétaires. Le porte-fort se retrouve aussi en droit des sociétés, pour les engagements pris au nom d’une société en formation. La ratification ou, de façon plus générale, Le fait du tiers est le pivot du mécanisme. La ratification est un acte juridique unilatéral par lequel le tiers va consentir à l’acte accompli en son nom et pour son compte. Il faut distinguer plusieurs périodes et hypothèses en fonction du comportement du tiers :

- Avant la ratification ou l’accomplissement par le tiers du fait promis, le porte-fort est tenu d’une obligation de faire, qui, en cas d’inexécution, se résoudra en dommages et intérêts. Le tiers n’est pas engagé, seul le porte-fort l’est personnellement.

- Si le tiers ratifie ou accomplit le fait promis, plusieurs effets se produisent : o Le promettant est libéré de sa responsabilité vis-à-vis du bénéficiaire de la promesse.

Il disparaît du rapport juridique. o La ratification opère avec effet rétroactif ; le tiers devient partie à compter du jour de la

conclusion de la convention de portefort. La convention se noue entre le contractant du portefort et le tiers ratifiant.

- Si le tiers ne ratifie pas ou n’accomplit pas le fait promis, c’est le promettant qui engage sa responsabilité contractuelle et non le tiers.

La promesse de porte-fort n’est pas une dérogation au principe de la relativité des conventions. Le porte-fort est tenu à des dommages et intérêts en cas de refus du tiers de s’engager ou de ratifier ; en effet, la promesse de porte-fort, ne fait pas naitre d’obligation à charge d’un tiers au profit du cocontractant. Le promettant contracte une obligation de faire dont l’objet est d’obtenir un certain « fait » du tiers, c’est donc une obligation personnelle du promettant qui s’engage en son nom. Section 4 : La création d’obligations à charge d’un tiers est-elle possible ? Il n’est en principe pas possible de créer, par contrat, des obligations à charge d’un tiers. La loi fait parfois exception à ce principe. Ainsi, l’article 1743 du Code civil impose à l’acquéreur d’un immeuble loué de respecter un bail authentique ou dont la date est certaine. Il s’agit d’une exception au principe de la relativité des effets internes du contrat. L’adhésion du tiers à un contrat antérieurement conclu aboutit à le soumettre aux droits et obligations que ce contrat prévoit. Il n’y a pas de dérogation à la relativité des conventions.

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Chapitre 2 : L’opposabilité des effets externes de la convention Section 1 : Généralités On a vu que l’article 1165 C.C. vise les effets internes des contrats, c’est-à-dire les obligations et les droits qu’il fait naitre au bénéfice ou à charge des parties. Le contrat a aussi des effets externes ; il est opposable aux tiers. Les tiers ont alors un devoir de respect de ce qui a été conclu, ce qui n’exclut pas qu’ils puissent tirer les conséquences juridiques favorables du contrat en tant que fait. L’opposabilité n’est pas liée, en principe, à une connaissance préalable que les tiers ont ou devraient avoir du contrat. Dans certains cas, toutefois, l’opposabilité aux tiers est conditionné par la connaissance que le tiers a ou devrait avoir du contra ou encore par le respect de certaines formalités légales de publicité. Section 2 : Portée du principe

1. La tierce complicité, consécration de l’opposabilité des effets externes La tierce complicité : applique le principe selon lequel le contrat, sans lier les tiers, est un fait qui modifie l’ordre juridique et doit être respecté par les tiers. Le contrat est opposable aux tiers donc ceux-ci peuvent engager leur responsabilité délictuelle (1382-1383 du Code Civil) s’ils participent à inexécution fautive du contrat. La doctrine et la jurisprudence ont été divisées quand il a fallu préciser en quoi consiste la faute du tiers complice :

- La Cour de cassation, dans un arrêt du 22 avril 1983, parait considérer que la faute aquilienne du tiers peut se déduire de la connaissance qu’il avait ou devait avoir de la situation existante et du concours qu’il a néanmoins apporté à la rupture du contrat. L’intention de nuire n’est donc pas requise. Cet arrêt a été interprété comme une consécration de la théorie dite de la fraude simple.

- Certains auteurs fondent la responsabilité du tiers complice sur l’abus de droit (ce qui nous paraît discutable). Il s’agit plutôt d’un conflit entre un droit de créance contractuel doté d’opposabilité et une liberté : celle de contracter.

2. L’action paulienne et l’action en déclaration de simulation, exceptions à

l’opposabilité des effets externes Selon l’article 1167 C.C., les créanciers peuvent « en leur nom personnel attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits ». Fraus omnia corrumpit. L’opposabilité du contrat cède devant la fraude du débiteur qui tente de soustraire ses biens à ses créanciers en les dilapidant ou en les rendant indisponibles. La sanction originale : le créancier peut obtenir l’inopposabilité des actes accomplis par le débiteur en fraude de ses droits. Les conditions sont nombreuses et strictes, ce qui explique que l’action paulienne soit rare en pratique (voir tome 4). La simulation est une discordance voulue par les parties entre une convention apparente (acte apparent) et une convention réelle qui reste cachée (l’acte secret, dissimulé). Ce que l’article 1321 du Code Civil appelle « contre lettre » ; elle vient détruire totalement ou partiellement les effets de la convention ostensible. L’article 1321 du Code civil, peut-être excessivement tolérant, n’annule pas systématiquement l’acte secret. Il se contente d’indiquer que « les contres lettes n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles n’ont point d’effet contre les tiers ».

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Titre 4. L’inexécution du contrat

Une convention valablement formée fait la loi des parties et donne naissance à des obligations qui doivent être exécutées de bonne foi (article 1134, al. 3 du Code civil), le cas échéant, en tenant compte de toutes les suites que l’usage, l’équité ou la loi donne à l’obligation d’après sa nature (article 1135 du Code civil). Généralement, les parties contractantes s’acquittent de leurs obligations de manière ponctuelle et satisfaisante. Mais il existe des incidents qui perturbent l’exécution d’une convention, qui se révèle pathologique. Au sens large, l’inexécution contractuelle couvre divers cas de figure :

- Inexécution totale : l’acheteur refuse de payer le prix des marchandises lui ayant été livrées. - Inexécution partielle : seules certaines marchandises sont livrer à un entrepreneur en

construction. - Exécution défectueuse : les travaux ont été effectués, mais ils comportent des malfaçons. - Retard dans l’exécution : le locataire paie son loyer, mais en retard.

Dans un premier temps, les parties chercheront normalement à régler leur différend de manière amiable, en rappelant le partenaire défaillant à ses obligations par une mise en demeure. Si elles ne parviennent pas à s’entendre, la partie lésée peut :

- Soit renoncer à ses prétentions. - Soit tenter de faire valoir ses droits devant tribunal (plus souvent) : réclamer exécution en

nature de l’obligation (si possible : application des articles 1143 et 1144 du Code civil) ou réparation du dommage que lui a causé l’inexécution du contrat en cause (domaine de la responsabilité contractuelle).

S’il s’agit d’un contrat synallagmatique, des règles particulières liées à la connexité des obligations réciproquent s’appliquent en cas d’inexécution.

- Si l’inexécution de l’obligation n’est pas imputable au débiteur, sa responsabilité contractuelle n’est pas engagée et le sort des prestations est réglé par la théorie des risques.

- Si l’inexécution de l’obligation est imputable au débiteur : deux mécanismes peuvent sanctionner son manquement : exception d'inexécution et résolution pour inexécution fautive.

La gamme de sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles est étendue. Les sanctions explicitement prévues par loi varient en fonction du type de contrat : unilatéral ou synallagmatique :

- Elles doivent être étudiées en tenant compte des remèdes jurisprudentiels qui ,dans certains cas, font droit à un certain unilatéralisme.

- Il faut prendre en considération les clauses élaborées par les parties (clauses exonératoire ou limitative de responsabilité, clause résolutoire expresse, clauses d’imprévision, clauses pénales, etc.).

De façon générale, il faut voir si le débiteur a commis un manquement par rapport au contrat qui peut lui être imputé. Et c’est ça qui nous intéresse dans ce Titre 4.

Chapitre 1 : L’impossibilité d’exécution. Incidence d’une cause étrangère exonératoire Les articles 1147 et 1148 du Code civil prévoient des hypothèses où le débiteur qui n’effectue pas les prestations prévues peut être libéré, c’est à dire qu’il est dispensé de la prestation qui fait l’objet du contrat mais qu’il est aussi dispensé de verser des dommages et intérêts à titre compensatoire ou moratoire (art. 1148 C.C.).

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Section 1 : Notion et conditions L’article 1147 et 1148 C.C. semble distinguer la force majeure et le cas fortuit, mais il n’y a pas d'intérêt à la distinction. La force majeure est une variété de cause étrangère exonératoire pour le débiteur comme peuvent l’être le fait du créancier ou le fait d’un tiers pourvu qu’ils répondent aux conditions requises. Selon la Cour de Cass : la force majeure qui libère le débiteur de l’obligation de payer des dommages et intérêts, suppose événement créant un obstacle insurmontable à l’exécution par celui-ci de ses obligations et non imputable (quant à sa cause) à une faute quelconque du débiteur. L’événement doit, de plus, être imprévisible ! Il faut que soient alors remplies certaines caractéristiques strictes :

- L’obstacle à l’exécution doit être insurmontable o L’impossibilité doit en principe être absolue ; il n’est pas question d’invoquer une

grande difficulté d’exécution,… ce qui sera, le cas échéant, qualifiable d’imprévision. o S’agissant d’une O° de donner une chose de genre, il ne peut y avoir impossibilité

d’exécution ; une chose de même qualité et de même quantité pouvant toujours être trouvée par le débiteur.

- L’événement faisant obstacle à l’exécution doit en principe être imprévisible o L’imprévisibilité doit s’apprécier au moment de l’engagement ; l’appréciation sera, ici

aussi, raisonnable car, à la limite, tout est prévisible ! - La cause étrangère ne peut être imputable (même partiellement) à un fait fautif du débiteur :

o La maladie n’exonère pas lorsqu’elle est due à un surmenage, le vol non plus lorsqu’il se produit suite à l’insuffisance de précaution,… cela s’identifie à l’absence de faute !

Le fait du créancier et le fait d'un tiers (pas l’agent d'exécution ! Un tiers totalement étranger !) peuvent aussi exonérer le débiteur. Cela étant, le débiteur principal peut invoquer une cause étrangère exonératoire empêchant l’agent d'exécution de satisfaire à l’O° en cause. La notion d’agent d’exécution pose parfois des difficultés. Sont agents d’exécution : les auxiliaires (préposé ou salarié), les substituts, l’organe. Le mandataire ne l’est pas. Section 2 : Effets

1. Libération du débiteur et dissolution du contrat Le Code civil n’est pas très bavard sur les effets de la force majeure. Plusieurs questions doivent être distinguées. La force majeure a tout d’abord un effet libératoire pour le débiteur. Il est libéré de l’exécution de sa prestation et de l’obligation de restituer la chose qui fait l’objet du contrat (sauf s’il s’agit d’une chose de genre). D’autre part, sa responsabilité contractuelle n’est pas engagée (Article 1147 et 1148 du Code civil). Qu’en est-il du contrat, en cas d’obstacle à l’exécution de celui-ci ?

- Si obstacle temporaire : l’obligation n'est que suspendue, à condition que l’exécution garde son utilité.

- Si obstacle partiel : le débiteur ne sera libéré que si l’exécution partielle n’est pas concevable (1722 CC) ; dans le cas contraire, le débiteur devra s’exécuter dans la mesure du possible (1245 CC).

- Si obstacle définitif, le contrat dissous ex nunc, sans rétroactivité (>< résolution, qui a effet rétroactif). Souvent, Ct internationaux précisent les effets de la force majeure sur les O° des parties et la procédure à suivre.

Il est toujours possible que les parties règlent les conditions et les effets d’une cause étrangère exonératoire.

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2. Contrats synallagmatiques : la théorie des risques La question de la répartition des pertes entre les parties se pose :

- La locataire doit-il payer les loyers de la chose détruite ? - L’employeur les salaires du salarié malade ? Le Code ne donne pas de réponse.

Dans le contrat synallagmatique, l’inexécution de ses obligations contractuelles par la partie empêchée va justifier l’inexécution des obligations corrélatives par le partenaire contractuel. C’est donc la partie débitrice de l'obligation (devenue impossible à exécuter) qui subit le poids des risques, car elle ne peut plus exiger de son cocontractant l’exécution de son obligation, alors même que celle-ci serait encore possible. Arrêt de principe du 27/06/1946 ; la Cour de cassation consacre la théorie des risques : Dans les contrats synallagmatiques, l’extinction par la force majeure des obligations d’une partie entraîne l’extinction des obligations corrélatives de l’autre partie et justifie la dissolution du contrat. La jurisprudence a généralisé les solutions prévues aux articles 1722 et 1788 du Code civil en posant la règle « res perit debitori » ou « la chose périt à charge du débiteur ». Le débiteur libéré (exemple : le bailleur) ne peut plus réclamer la contrepartie prévue malgré les frais éventuellement consentis pour sa propre prestation. L’application de ces principes n’est pas toujours aisée. En matière de contrats de travail, elle suscite des controverses quand le travailleur est frappé d’incapacité permanente. En matière de contrats de construction immobilière, elle peut se heurter à la règle res perit domino. Précisément, dans les contrats translatifs de propriété prévaut la règle res perit domino = la chose périt à charge de son propriétaire. Selon l’article 1138 du Code civil : la propriété d’une chose certaine est transférée à l’acheteur dès l’échange des consentements, bien que celui-ci n’est pas reçu livraison. Le transfert de propriété entrainant la charge des risques (selon l’article 1138 al.2 du Code civil), l’acheteur propriétaire, mais créancier de la livraison, reste tenu de payer le prix au vendeur alors que celui-ci n’a pourtant rien livrée. Ce régime concerne seulement la livraison corps certain et non une chose de genre. Solution : si le débiteur est mis en demeure, il supporte la charge des risques (Article 1302 du Code civil). Le régime légal, assez inadéquat en pratique, est tempéré par des clauses qui font coïncider le transfert des risques avec la livraison de la chose ou des clauses retardant le transfert des risques et de la propriété. Des usages internationaux existent également en ce sens. Section 3 : Preuve La charge de la preuve de la cause étrangère incombe au débiteur qui l'invoque (1302 al.3 et 1147 CC). Le débiteur d’une O° de résultat doit en principe prouver positivement la cause étrangère, sans pouvoir se limiter à prouver l’absence de faute. Toutefois, la jurisprudence est tolérante. (Exemple en matière de louage, 1732 CC : le locataire répond des dégradations qui arrivent pendant sa jouissance à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute). Chapitre 2 : Défaillance contractuelle Section 1 : La suspension du contrat en vertu de l’exception d’inexécution

1. Notion L’exception d’inexécution est une institution propre aux contrats synallagmatiques. Elle permet au créancier d’une obligation inexécutée de refuser l’exécution de ses propres obligations tant que l’autre partie reste en défaut d’exécuter les siennes.

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L’ « exceptio non adimpleti contractus » est d’abord une stratégie défensive, un moyen de pression. Elle crée une situation provisoire, une suspension dans l’exécution du contrat. Cette suspension est appelée à se dénouer soit par une reprise de l’exécution, soit par une action judiciaire en exécution forcée ou en résolution si l’exception d’inexécution n’a pas produit ses effets.

2. Conditions Un rapport de connexité, d’interdépendance forte doit exister entre les obligations réciproques incombant aux parties contractantes. La connexité est une notion complexe. Il peut y avoir une connexité objective comme c’est le cas pour le contrat de bail où les obligations du bailleur et du locataire se répondent l’une l’autre. Il peut aussi y avoir connexité conventionnelle, définie par les parties pour éviter la contestation. L’exception d’inexécution trouve son fondement dans l’interdépendance des obligations réciproques caractérisant les contrats synallagmatiques : elle est inhérente aux contrats synallagmatiques, et peut donc même être opposée par le cédé au cessionnaire de la créance, même si le manquement du cédant est postérieur à l’accomplissement des formalités d’opposabilité. La créance dont se prévaut « l’excipiens » doit être certaine et exigible, ce qui n’est pas le cas si le cocontractant bénéficie d’un terme non échu. Elle ne doit pas forcément être liquide. L’exception ne peut être invoquée que si défaillance cocontractant est consommée (elle ne peut donc pas être invoquée anticipativement). Il existe toutefois des exceptions prévues dans le Code civil. La défaillance du débiteur doit lui être imputable. L’exception ne peut être invoquée si le débiteur bénéficie d’une cause étrangère exonératoire. Dans ce cas, c’est la théorie des risques qui doit s’appliquer. L’exception doit être invoquée dans le respect du principe de bonne fois et ne peut être exercée de manière abusive. Il doit exister une proportionnalité entre le manquement dénoncé et le dommage causé au cocontractant défaillant par la suspension du contrat : des manquements mineurs ne peuvent justifier la suspension de l’ensemble des obligations contractuelles. L’exception doit être refusée à celui qui est de mauvaise foi. Cela vaut également pour celui qui, par son fait, a provoqué l’inexécution du cocontractant dont il entend se prévaloir. Celui qui invoque l’exception abusivement doit réparer le préjudice matériel ou moral subi par le cocontractant. L’appréciation des tribunaux est plus rigoureuse quand l’exception d’inexécution aboutit à privation services de première nécessité (eau, gaz, etc.). La dignité humaine (article 23 de la Constitution) peut constituer une limite à l’application de l’exception.

3. Effets Entre parties, les effets de l’exception sont provisoires et suspensifs. Le jeu de l’exception ne peut aboutir à causer un dommage définitif à l’autre partie. De facto, la suspension de l’exécution de certaines obligations a des effets définitifs. Des loyers impayés le resteront même si le contrat reprend par la suite. C’est pour ce motif qu’on a parfois rapproché l’exception d’une résolution partielle. Le contrat n’est toutefois pas résolu. Le créancier excipiens garde ses recours si le débiteur s’obstine à ne pas s’exécuter ; il pourra demander par la suite l’exécution forcée ou la résolution du contrat. En cas de faillite, l’exception est opposable au curateur de la partie défaillante, ce qui permet au cocontractant du failli de jouir d’une situation de faveur par rapport aux autres créanciers du failli. La fonction de garantie de l’exceptio non adimpleti contractus acquiert le caractère d’un moyen de défense permanent qui fait échapper son titulaire à la loi du concours. Le droit de rétention qui permet au créancier de refuser la livraison d’une chose appartenant au débiteur tant qu’il est impayé est, pour une bonne part, une application de l'exception. Ainsi, un garagiste « retient » la voiture tant que sa créance de prix reste impayée. Ce droit de rétention ne peut être exercé abusivement. Il y a une superposition des deux institutions mais le droit de rétention n’est pas limité aux contrats synallagmatiques. A l’inverse, l’exception n’est pas seulement limitée aux obligations de livrer.

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4. Charge de la preuve La répartition de la charge de la preuve entre l’excipiens et le débiteur défaillant reste débattue. La Cour de cassation considère que c’est à celui qui soulève l’exception d’inexécution qu’il incombe d’apporter la preuve du fait qui justifie cette exception. L’excipiens doit prouver l’inexécution par l’autre partie de son obligation pour autant qu’elle soit exigible en premier lieu (il s’agit d’une application de l’article 1315 al.2 CC : « celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation »). Certains auteurs se sont toutefois demandés si la preuve ne devait pas incomber au demandeur à l’action, qui devrait établir l’accomplissement de ses obligations. Cette thèse serait également fondée sur l’article 1315 al.2 du Code civil : « le créancier qui poursuit son débiteur en exécution de son obligation doit avoir exécuté sa propre obligation, à supposer que celle-ci ait été la première exigible ». Il incomberait donc au créancier demandeur de prouver sa propre libération, rendant ainsi l’exception d’inexécution injustifiée. Section 2 : Maintien ou rupture du contrat « Dans un contrat synallagmatique, dit l’article 1184, alinéa 1 du Code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue ». La résolution, mode de dissolution du contrat synallagmatique, trouve son fondement dans l’interdépendance des obligations résultant du contrat. L’article 1184 al.2 du Code civil : « la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution du contrat ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts ». Le Code offre donc un choix au créancier qui peut soit poursuivre l’exécution du contrat soit rompre le contrat. Ce choix est notamment fonction de la gravité du manquement, de l’utilité pour le créancier de l’exécution du contrat, de l’état des relations avec son débiteur et des possibilités de contracter avec un autre partenaire mieux disposé, plus compétent ou plus solvable. L’article 1184 al.3 du Code civil : « la résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ». Avant d’aborder les conditions et les effets de la résolution, quelques précisions terminologiques :

- Résolution et résiliation = modes de dissolution d'un contrat, qui mettent fin à un contrat valablement formé dont l'exécution a pu avoir lieu durant une période plus ou moins longue.

- Nullité = mode de dissolution d'un contrat qui sanctionne un défaut affectant la formation du contrat (vice de consentement, absence d’objet et de cause, etc.)

Tous les auteurs n’ont pas la même conception de ce qu’est la résolution et de ce qu’est la résiliation. Nous proposons les définitions suivantes adoptées par une partie de la doctrine belge :

- Résolution = mode de dissolution des contrats synallagmatiques qui sanctionne l'inexécution fautive de ses O° par une des parties au contrat.

- Résiliation = acte par lequel soit deux parties mettent fin de commun accord au contrat (article 1134 al.2 du Code civil), soit une des parties y met fin unilatéralement dans les cas prévus par la loi (exemple : article 1794 du Code civil).

La résiliation est aussi des règles dans les contrats à durée indéterminée La faculté de résilier un contrat à durée indéterminée est un droit pour chacune des parties. Elle est liée à la prohibition des engagements perpétuels. Elle peut être subordonnée au respect d’un préavis. L’exposé qui suit concerne exclusivement la résolution.

1. Le droit d’option du créancier Le créancier dispose en règle générale d’une option entre l'exécution forcée du contrat et la résolution. La jurisprudence belge est soucieuse de maintenir ce droit d’option.

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La Cour de Cassation a estimé, en son arrêt du 5 septembre 1980, que ce droit appartient exclusivement au créancier victime de l’inexécution. Ce choix du créancier victime de l’inexécution fautive connaît quelques limites :

- Le choix n'existe plus lorsque le créancier a renoncé à une des branches de l'option sans aucune réserve et de façon expresse (ex : lorsqu’il fait jouer une clause résolutoire expresse prévue au contrat).

- L’abus de droit constitue une seconde limite. l’exercice par un créancier de son droit d’option ne peut être abusif (Cass 16/01/1986). Les conditions de l’abus de droit doivent être remplies (l’abus doit être caractérisé) : l’application de l’abus de droit aboutit à imposer aux demandeurs la résolution qu’ils n'avaient pas sollicitée, c.à.d. l’autre branche de l’option. Le juge conserve son pouvoir d'appréciation et peut décider du maintien du Ct si les chances d’exécution de celui-ci sont raisonnables et que l’exécution conserve un intérêt pour le créancier.

La résolution prévue à l’art. 1184 CC doit se concilier avec les dispositions particulières prévues par certains contrats spéciaux (contrat de vente 1641 ; etc.) qui limitent / suppriment la faculté de résolution. Parfois, la loi spécifie le manquement qui peut entrainer la résolution judiciaire.

2. La résolution pour inexécution fautive A. Le caractère a priori judiciaire de la résolution

a. Principe

La Résolution d’un contrat est une sanction qui a des conséquences graves car elle aboutit à la rupture du Ct. Il importe d’en faire une utilisation mesurée et de ne pas la laisser à l’entière discrétion des parties. L’interdiction de la justice privée est généralement invoquée à l’appui de l’intervention préalable du juge. L’intervention du juge qui opère à 2 niveaux :

- Appréciation de la gravité du manquement commis par le débiteur. o (selon une partie de la doctrine : le pouvoir modérateur du juge d’apprécier la gravité

du manquement n’est pas inscrit dans le texte de l’art. 1184 CC et serait une sorte de prise de pouvoir prétorienne). Le contrôle du juge sur la sanction pourrait intervenir a posteriori, après la résolution décidée unilatéralement par le créancier ; le juge opère un contrôle ex-post des éventuels abus par le créancier de ses prérogatives contractuelles (1134 CC). Si juge désavoue créancier, il peut :

! Prononcer le maintien du Ct (en considérant que la résolution, abusive, est inefficace)

! Ou déclarer la dissolution aux torts du créancier fautif. - Appréciation de l’octroi d'un délai pour permettre au débiteur de s’exécuter.

o (1184 CC : à rapprocher du délai de grâce 1244 CC).

b. Dérogations Le caractère judiciaire de la résolution n’est ni d’ordre public, ni impératif. Les partis peuvent y déroger par des clauses contractuelles appelées clauses résolutoires expresses (ou pactes commissoires exprès). Ces clauses visent à supprimer le contrôle préalable du juge parce que ce contrôle, dans une situation de crise contractuelle, peut prendre trop de temps et que son issue n’est pas totalement prévisible. Toutefois, le juge garde le droit de contrôler a posteriori l'abus dans l’exercice de la clause par la partie qui l’invoque.  Le caractère judiciaire de la résolution a des inconvénients :

- La justice est trop lente à trancher. - L’issue du conflit n’est pas certaine puisque le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation

 

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Ceci explique que des dérogations soient apportées au caractère judiciaire de la résolution par le législateur lui-même (1657 CC ; lois particulières : loi Ct travail, etc.). La doctrine et la jurisprudence ont admis que la résolution peut être décidée unilatéralement par créancier, sans recours au juge, même si pas de clause résolutoire expresse. La résolution non judiciaire ou unilatérale peut être admise en raison de circonstances exceptionnelles :

- Le débiteur doit avoir commis une faute suffisante, un manquement grave. - Toutefois, les droits de la défense doivent être respectés (mise en demeure, etc.). - Constat des défaillances du débiteur - Urgence. - Confiance définitivement rompue. - Exécution ultérieure s’avère sans intérêt pour le créancier

Ainsi, la mesure unilatérale ne peut être prise qu’avec la réunion de toutes ces conditions ; ces conditions font l’objet d’un contrôle, a posteriori, du juge. La résolution unilatérale pour circonstances exceptionnelles est bien implantée chez les juges du fond et la Cour de cassation n’y est pas hostile.

B. Conditions La résolution s’applique à un contrat synallagmatique (nommé ou innomé) existant au moment de l'inexécution fautive (une convention sous condition suspensive existe et peut être résolue pour inexécution fautive). Parfois restrictions ou particularités (LPC), ou exclue par la loi (1978 CC). Il reste cependant possible aux parties de prévoir un pacte commissoire exprès. L’inexécution du débiteur doit être fautive (si pas, c’est la théorie des risques qui trouve à s’appliquer). Si le créancier ne peut être à l'origine de l'inexécution du débiteur, il ne pourra pas demander la résolution (ex : le bailleur demandant la résolution d’un contrat de bail pour non-paiement du loyer alors que lui-même n’exécute pas son obligation d’entretien). Cette inexécution du débiteur doit être constatée au préalable par une mise en demeure. En pratique, l’assignation en résolution du contrat vaut mise en demeure, d’où l’on peut dire que ce principe est inutile. La résolution est en principe judiciaire (moyennant les réserves supra). Ceci signifie que la résolution est demandée en justice et soumise à l'appréciation du juge. Celui-ci tient compte de la gravité du manquement, de l'utilité économique de la poursuite du contrat pour le créancier, des possibilités d'exécution ultérieure. Le pouvoir d'appréciation du juge est fort large, puisqu’il porte tant sur la gravité du manquement que sur le choix de la sanction à appliquer.

C. Effets

La résolution, aussi bien la résolution judiciaire que celle qui résulte d’une clause résolutoire expresse, implique l’anéantissement rétroactif du contrat (article 1183 du Code civil). La résolution joue donc en principe ex nunc et implique des restitutions qui ne sont pas des dommages et intérêts. La rétroactivité n’est pas toujours possible. Lorsque des prestations de faire ont déjà été exécutées, il y a impossibilité de restitution en nature. La résolution joue alors non pas ex nunc mais ex nunc. Cette affirmation connait à son tour des nuances. La restitution par équivalent peut être ordonnée. Que signifie « ex nunc » ? La résolution prend-elle effet à compter de l’inexécution fautive, à compter de la demande de résolution ou à compter du prononcé de la décision ? La jurisprudence varie :

- Arrêts du 29/05/1980 et du 8/10/1987 : la Cour de cassation a affirmé le principe selon lequel la résolution judiciaire d’un contrat synallagmatique à prestations successives remonte en règle, quant à ses effets, à la demande en justice.

- Affinement par la Cour : le point de départ de la résolution peut être antérieur à la date de l’introduction de la demande toutes les fois que la question des restitutions ne se pose pas.

La rétroactivité de la résolution pose des problèmes à l’égard des tiers qui ont pu acquérir des droits :

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- En matière immobilière, la loi impose la publicité des demandes en résolution et des jugements qui la prononcent. En matière mobilière, l’article 2279 du Code civil protège les tiers acquéreurs de bonne foi.

- La résolution n’exclut pas l’octroi d’éventuels dommages et intérêts complémentaires pour le préjudice qu’elle ne suffit pas à combler ; ceux-ci se combinent avec les restitutions réciproques qui doivent intervenir suite à la résolution (Article 1184 al.2 du Code civil). La nature des dommages et intérêts complémentaires fait objet de discussion. Logiquement, le caractère rétroactif de la résolution devrait amener à conclure qu’ils sont extracontractuels, mais la jurisprudence considère qu’ils sont de nature contractuelle.

Section 3 : La responsabilité contractuelle

1. Responsabilité aquilienne et contrats

Le concept de responsabilité contractuelle a fait l’objet de critiques répétées d’une partie de la doctrine française. Cette critique reproche à la présentation traditionnelle, héritée de Planiol, d’aligner l’inexécution du contrat sur la responsabilité aquilienne et de réduire la responsabilité contractuelle a une fonction réparatrice alors qu’elle a pour objet, par le biais des dommages et intérêts, de procurer au créancier insatisfait l’équivalent de ce qui était promis par le contrat. Cette critique met en évidence la spécificité de l’action contractuelle en dommages et intérêts. Cette spécificité a été un peu occultée par souci de rapprochement des deux ordres de responsabilité. Ce qui s’est donc traduit par cet alignement de la responsabilité contractuelle sur la responsabilité aquilienne, et une tendance à calquer l’interprétation du dommage, du lien causal et de la faute en matière contractuelle sur l’interprétation qui en est faite en matière extracontractuelle. Malgré ces critiques, nous adoptons une présentation traditionnelle. Il existe une responsabilité contractuelle régie par les articles 1142 et suivants du Code civil : elle obéit à des règles propres bien que l’évolution jurisprudentielle tende à amenuiser les différences de régime.

A. Entre parties contractantes

Lorsque deux personnes sont unies par un contrat, peuvent-elles encore invoquer la responsabilité délictuelle pour sanctionner le manquement commis par l’une d’elles ? La victime d‘un manquement peut, en effet, avoir intérêt à agir sur une base délictuelle pour échapper à des clauses d’exonération ou de limitation de responsabilité prévues par le contrat ou encore pour bénéficier de la prescription parfois plus favorable prévue par le droit commun. Les principes suivants peuvent être énoncés :

- La violation d’une obligation purement contractuelle ne peut engager que la responsabilité contractuelle de la partie défaillante. Le dommage dans ce cas se résume à la privation de l’avantage attendu du contrat.

- Cela ne signifie pas que la responsabilité aquilienne soit nécessairement et toujours refoulée parce qu’il existe un contrat entre l’auteur et la victime du dommage. La responsabilité aquilienne est admise à des conditions restrictives : la victime du dommage peut mettre en cause la responsabilité délictuelle de l’auteur du dommage quand le manquement reproché constitue non la violation d’une obligation purement contractuelle mais la violation d’une obligation de prudence qui s’impose à tous et si cette violation cause un dommage distinct du dommage purement contractuel.

B. Entre le créancier principal et l’agent d’exécution

Il arrive que le débiteur d’une obligation ait recours aux services d’un tiers pour exécuter tout ou une partie de ses obligations.

- Le débiteur qui se substitue des agents pour assurer l’exécution de ses obligations contractuelles répond en principe des fautes commises par ceux-ci dans l’accomplissement

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des missions qui leur a confiées. Ces fautes ne constituent pas pour le débiteur une cause étrangère exonératoire.

- Le créancier ne peut pas exercer de recours contractuel contre l’agent d’exécution puisque le créancier est un tiers par rapport à cet agent.

- L’agent d’exécution ne peut être considéré comme un tiers par rapport au contrat, et il ne peut pas faire l’objet d’un recours sur une base extracontractuelle, à moins que l’on puisse démontrer qu’il a commis une faute aquilienne et que le dommage en résultant soit distinct de celui qui provient de l’inexécution du contrat.

Il y a alors une quasi-immunité de l’agent d’exécution sur le plan civil.

2. Les conditions de la responsabilité contractuelle dans le Code Civil

A. Le fait générateur de la responsabilité contractuelle

a. Obligation de moyens et de résultat : fondement et importance de la

distinction L’article 1147 du Code civil : constitue le texte le plus général en matière de responsabilité contractuelle. « Pour échapper à sa responsabilité, le débiteur doit établir une cause étrangère qui ne lui est pas imputable, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ». Ce texte est relativement strict. Pour échapper à sa responsabilité, le débiteur doit pouvoir établir une cause étrangère qui ne lui est pas imputable. La preuve de sa diligence ne suffit pas à l’exonérer. Ce texte figurant parmi une série de dispositions générales, on serait tenté d’y voir une directive applicable à l’ensemble des obligations contractuelles. Le problème est de concilier cet article avec l’article 1137 du Code civil (moins stricte à l’égard du débiteur) : celui qui conserve la chose n’est tenu de donner à la chose que les soins normaux permettant d’éviter sa perte ou sa détérioration. Ainsi, pour s’exonérer, il suffira au débiteur de prouver sa diligence ; il n’aura pas à prouver l’existence d’une cause étrangère. L’alinéa 2 de l’article 1137 indique que les obligations n’ont pas toujours la même intensité. Comment concilier les deux textes ? La majorité de la doctrine s’est rallié à Demogue : celui-ci propose un système ingénieux selon lequel l’article 1137 s’appliquerait aux obligations de moyen et l’article 1147 aux obligations de résultat. Deux systèmes différents de responsabilité contractuelle existent donc :

- Débiteur sous l’article 1137 : assume obligation de moyens. A l’instar du bon père de famille, il doit faire tout son possible. En cas d’insatisfaction, le créancier a la charge de la preuve du manquement.

- Débiteur sous l’article 1147 : assume obligation de résultat. Il promet d’obtenir un résultat déterminé : si le résultat n’est pas atteint, le débiteur ne pourra s’exonérer qu’en prouvant que l’inexécution est due à une cause étrangère exonératoire.

La distinction reposant sur l’intensité des obligations assumées par le débiteur a une importance pratique considérable CAR elle détermine l’attribution de la charge de la preuve en cas d’inexécution du contrat et l’imputation du risque de preuve au cas où l’origine du dommage n’est pas connue avec certitude. Au cas par cas, la jurisprudence a ainsi construit un régime dualiste de responsabilité contractuelle avec des variantes et avec des cas intermédiaires tels que l’obligation de moyen renforcée ou l’obligation de résultat atténuée. Il y a lieu d’ajouter une catégorie nouvelle : obligation de garantie. Le débiteur est responsable en toute circonstance sans pouvoir invoquer une quelconque cause exonératoire (cf. 1641 et suivants du Code civil en matière de vices cachés). Il semble qu’on sorte là du domaine de la responsabilité au sens strict.

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b. Critères de distinction Il arrive que la loi se prononce sur la qualification de l’obligation ou fournisse des indications permettant de la qualifier en obligation de moyens ou de résultats (ex : 1147, 1784 CC,..). Parfois, la loi prévoit une obligation de résultat atténuée (1732 CC,…). Mais le Code n’est pas systématique (ex : 1137 al.2). L’obligation de moyens a plusieurs degrés :

- Elle peut être renforcée. Ex : en matière de prêt à usage 1880, etc. - Ou parfois, elle peut être allégée : la loi allège sort débiteur. Ex : 1927 (dépositaire bénévole).

L’article 1927 C.C. consacre la culpa levis in concreto. La liberté contractuelle reste un principe dominant la formation des contrats :

- La volonté des parties peut alléger ou durcir les obligations du débiteur : o Une obligation considérée comme une obligation de moyens par application du critère

de l’aléa peut se muer, par la volonté des parties, en obligation de résultat. - La volonté des parties est déterminante pour qualifier une obligation contractuelle (Cass). - En l’absence de disposition contractuelle claire, la solution consiste à retenir une obligation de

moyen (1162 CC). - La recherche de la commune intention des parties (qui doit permettre la qualification de

l’obligation en obligation de moyens ou de résultat) a des limites : elle parait inadaptée pour qualifier les obligation étrangères à l’exécution du contrat, telle que l’obligation précontractuelle d’information ou de sécurité. Ce sont d’ailleurs des obligations que les contractants n’ont pas voulues. Ceci soulève le problème de la délimitation du périmètre contractuel.

- Un critère fréquent pour déterminer la qualification de l’obligation est celui de l’aléa (incertitude qui s'attache à la réalisation du résultat promis au contrat). (Ex : obligation de soins du médecin, obligation de l’avocat = ex classique d’obligation de moyens. Le résultat est espéré plus que garanti).

Si l’incertitude est telle que l’obtention du résultat envisagé par les parties ne peut pas être garantie par le débiteur, l’obligation sera normalement considérée comme une obligation de moyen.

- Il existe beaucoup d’autres critères. L’aléa est souvent couplé à l’analyse du rôle, +/- actif, du créancier dans l’exécution de l’obligation contractuelle (ex : contrat de conseil = obligation de moyens).

- L’objet de l'obligation peut déterminer son appartenance à l’une ou l’autre catégorie. (Ex : obligation de donner = obligation de résultat / obligation de ne pas faire = obligation de résultat / obligation de faire => débat : parfois obligation moyen parfois résultat).

- La qualité des parties en présence joue aussi un rôle important. Le débiteur professionnel qualifié est en principe jugé plus rigoureusement à raison de sa compétence et de sa supériorité par rapport au profane.

c. Portée de la distinction

La distinction est utile, et a obtenu un vif succès. Mais elle est toutefois relative, car un même Ct peut superposer les deux types d'obligations (ex : un médecin. Si l’obligation de soins du médecin est généralement qualifiée comme une obligation de moyens, certaines franges de son activité donnent naissance à des obligations de résultat). Il en est ainsi pour son obligation de se rendre chez son patient. Dans le dépôt, l’obligation de dépositaire de veiller à la conservation de la chose est une obligation de moyens. Le problème vient du fait que l’obligation de restitution est, quant à elle, généralement qualifiée d’obligation de résultat. La jurisprudence peut aussi évoluer : ainsi, l’obligation de sécurité est-elle selon les décisions mais aussi selon les époques, tantôt de moyens, tantôt de résultat. Le critère décisif reste sans doute ce qui a été promis au Ct mais celui-ci doit être interprété.

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B. Qualification du fait générateur : dol et faute lourde La lecture des articles 1150 et 1151 du Code civil révèle que l’étendue de la réparation du dommage peut varier en fonction de la gravité du manquement. C’est une différence par rapport à la responsabilité délictuelle. Alors que le principe, en matière contractuelle, est que la responsabilité du débiteur est limitée aux dommages prévisibles à la conclusion du contrat, le débiteur qui commet un dol est tenu des dommages même imprévisibles qui sont la suite immédiate et directe de l’inexécution. C’est le dol à l’exécution du contrat qui est visé et non le dol à la formation de celui-ci. La notion de dol n’est est pas claire : le droit belge refuse équipollence du dol et de la faute lourde. Sur le plan psychologique, le dol comporte un élément intentionnel que ne comporte pas la faute lourde. Le dol a plusieurs sens :

- Le dol = faute volontaire avec intention de nuire à créancier. Cette conception a été abandonnée.

- Selon le Procureur Hayoit de Termicourt, le dol = faute intentionnelle, c’est-à-dire, que son auteur a voulu non seulement le fait qui a causé le dommage, mais aussi ses conséquences : définition fort restrictive.

- Selon une partie de la doctrine, le dol = une faute volontaire ou une inexécution intentionnelle de l'obligation contractuelle, sans exiger que l’intention s’entende aux conséquences dommageables de celle-ci.

- Selon P. Van Ommeslaghe, le dol = faute résultant d'une violation volontaire d'une O°, pour autant que le responsable ait eu ou ait dû avoir conscience du préjudice qui devait normalement en résulter pour autrui et ait néanmoins persisté dans son comportement fautif.

- Selon Thunis, le dol = la volonté délibérée de se soustraire à l’exécution d'un engagement contractuel, sans souci de l'inconvénient pouvant en résulter pour le cocontractant (ex : société d’aviation pratiquant la surréservation ; il y a bien violation volontaire d’une O° dont le débiteur sait ou doit savoir qu’il peut en résulter un préjudice pour le contractant).

La faute lourde a aussi plusieurs sens :

- La notion de faute lourde est le plus souvent définie par rapport à la gravité du manquement commis par le débiteur contractuel :

o conception subjective : culpa lata = faute tellement grossière, tellement excessive qu'elle ne se comprend pas d'une personne raisonnable.

o conception objective (Cornelis) : la faute lourde contractuelle bouleverse l’économie du contrat : il s’agit de la méconnaissance d’une obligation essentielle du contrat. Cette conception se retrouve en jurisprudence.

Cette distinction entre dol et faute lourde conserve un intérêt en droit belge non seulement en ce qui concerne l’étendue du dommage réparable mais aussi la possibilité d’assurance :

- La faute lourde, contrairement au dol, est assurable, - Par contre, l’intérêt s’amenuise en ce qui concerne la validité des clauses exonératoires entre

professionnels et consommateurs depuis la loi du 14 juillet 1991 (article 32, 11°). Toute cette discussion ne doit pas faire oublier les principes de base qui est que : « toute faute, même légère, entraine la responsabilité de débiteur contractuel ».

C. Le dommage réparable et l’établissement d’un lien causal

a. Principes gouvernant la détermination et la réparation du dommage La responsabilité contractuelle a une fonction de paiement mais aussi de réparation. A ce titre, elle est gouvernée par le principe de la réparation intégrale du dommage sous les réserves énoncées ci-dessous. Comme l’exécution en nature n’a pas été possible, c’est une exécution par équivalent pécuniaire qui va généralement échoir au créancier insatisfait. Il n’est pas exclu qu’un équivalent non

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pécuniaire soit fourni au créancier pour le replacer dans une situation aussi proche que possible de ce qu’aurait procuré l’exécution en nature de la convention (réparation dite en nature). Ce principe de la réparation intégrale explique la variété de dommages réparables :

- Dommage matériel, moral ou corporel. - Dommage positif (damnum emergens) et dommage négatif (lucrum cessans) visé à l’article

1149 du Code civil. - Dommages et intérêts compensatoires (réparant le préjudice causé par la carence définitive

du débiteur) ou dommages et intérêts moratoires (sanctionnant le retard dans le paiement d’une dette de somme).

Les dommages sont donc assez complètements couvertes, même si l’indemnisation de certains types de dommages tels que la perte d'une chance est plus problématique. La jurisprudence belge a connu des évolutions sur plusieurs points :

- De plus en plus nettement se dégage le principe que le créancier victime de l’inexécution doit prendre les mesures nécessaires pour limiter son dommage (application de la BF).

- Cour de cassation le 2/9/04 a décidé que les frais et honoraires d’avocat ou conseil font partie du dommage réparable.

- 1153 et 1155 du Code civil : indemnisation du retard de paiement (à lire). Intérêts moratoires (Article 1153 du Code civil) = intérêts sanctionnant le retard mis par le débiteur à exécuter une obligation qui se borne « au paiement d'une certaine somme ». Le taux de ces intérêts moratoires pour 2009 : 5,5 %. Et pour 2010 : 3,5 % Il s’agit d’un forfait ce qui signifie que le créancier ne peut pas réclamer de dommages et intérêts supplémentaires sauf en cas de dol ou si clauses prévoyant des intérêts moratoires plus élevés. L’article 1154 du Code civil réglemente strictement l’anatocisme, c’est-à-dire la capitalisation des intérêts. La jurisprudence admet cependant que cet article ne s’applique pas à la capitalisation des intérêts en compte courant. Une remarque s’impose. Elle concerne la portée de l’article 1153 du Code civil. Cet article vise les dettes de sommes et non les dettes de valeur.

- Une dette de somme = dette dont le montant est déterminé ou déterminable en vertu de la loi ou du contrat. Un loyer, prime d’assurance, etc. sont des dettes de sommes donnant lieu, en cas de retard, à des intérêts moratoires, à compter de la mise en demeure du débiteur.

- Une dette de valeur = dette dont le montant est indéterminé à la naissance doit être fixé par le juge. Ce type de dette s’identifie à l’obligation de réparer le dommage en matière contractuelle ou extracontractuelle.

Exemple : dette de réparation pour dégâts locatifs = dette de valeur tant que son montant n’est pas déterminé par le juge. Une dette de valeur donne lieu à des intérêts compensatoires qui réparent le préjudice supplémentaire subi par victime à cause du retard de l'indemnisation. Il s’agit plus d’une indemnité que d’intérêts proprement dits ; leur taux est fixé librement par le juge et ils naissent dès que l’obligation de réparer le dommage existe. Il y a lieu de rappeler que la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle est soumise à une mise en demeure préalable (Article 1146 du Code civil). L’article 1153, alinéa 3 du code civil indique en effet les intérêts moratoires ne sont dus qu’à partir du jour de sommation à payer.

b. Dommages prévisibles et imprévisibles Voir article 1150 C.C. : règle fondée sur l’autonomie de la volonté. Uniquement la réparation des dommages prévisibles. En cas de contestation, le juge apprécie ce qui est prévisible et ce qui l’est pas. Les dommages imprévisibles ne donnent pas lieu à réparation, sauf si l’inexécution a été dolosive. Dans ce cas, le débiteur de mauvaise foi doit indemniser tous les dommages prévisibles et imprévisibles (différent de la responsabilité contractuelle). L’exclusion de la réparation du dommage imprévisible est interprétée différemment :

- En France : la prévisibilité s’applique au principe du dommage MAIS également à sa quotité.

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- En Belgique : au contraire, il suffit que le dommage contractuel soit prévisible quant à sa cause ou à son principe et non pas nécessairement quant à sa quotité ou à son étendue.

Ceci étend fortement la responsabilité du débiteur contractuel et rapproche la responsabilité contractuelle de la responsabilité délictuelle en ce qui concerne le dommage indemnisable. Des clauses peuvent prévoir ce qui est prévisible et imprévisible : pour éviter incertitude et extension excessive du dommage indemnisable.

c. Dommage direct ou indirect. Nécessité d’un lien de causalité Conformément à l’article 1151 du Code civil, même en cas de dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention. Comme le souligne De page, si l’idée est claire, les mots pour l’exprimer ne le sont pas. Il faut une relation causale de nécessité entre une faute et un dommage, si celle-ci n’existe pas, le dommage n’est pas indemnisable. L’exemple proverbiale de Pothier : « Si un marchand me vend une vache qu’il sait contaminée et qu’il me le dissimule, c’est un dol. Que cette vache contamine mon troupeau, il m’en doit réparation car c’est là un dommage qui est une suite directe et immédiate de la convention. Si par la perte des bestiaux, je n’ai pu cultiver mes terres ou payer mes dettes, il s’agit d’un dommage trop éloigné pour qu’il puisse être indemnisé ». Le lien causal est une exigence fondamentale de la responsabilité civile toute entière. Tout en rappelant qu’en matière contractuelle « les dommages et intérêts dus au créancier ne doivent comprendre que ce qui est une suite immédiate et directe de la convention », la Cour de cassation du 24/06/1977 : il faut entendre par là « une suite nécessaire de l'inexécution de la convention », et dans un arrêt du 14/10/1985 la Cour a indiqué que : le dommage indirect doit lui aussi être réparé dès lors qu’il entretient une relation de causalité nécessaire avec la faute du débiteur. La théorie de l’équivalence des conditions se trouve ainsi appliquée à la matière contractuelle ce qui rapproche les deux ordres de responsabilité.

Chapitre 3 : Clauses aménageant les conditions ou les effets de l’inexécution du contrat En vertu du principe de la liberté contractuelle, les parties peuvent aménager le contenu du contrat : elles peuvent régler soit en faveur du créancier soit en faveur du débiteur, les conditions et les conséquences d’un incident d’inexécution. Suivant le « poids » des parties à la convention, les clauses joueront en faveur de l’un ou de l’autre. Même si la liberté contractuelle reste le principe, l’autonomie des parties connaît des limites de plus en plus nombreuses ; elles sont de deux types :

- Des limites de type jurisprudentiel : la jurisprudence a utilisé son pouvoir d’appréciation pour limiter la portée de clauses qui avantagent outrageusement l’un des cocontractants.

- Des limites légales spécifiques : certaines lois limites la validité de certaines clauses abusives. Dans certains cas, le juge est même autorisé à réduire ou réadapter certaines clauses.

Plusieurs classifications existent concernant les clauses aménageant les conditions ou les effets de l’inexécution du contrat, nous ne les voyons pas toute ici :

- Clauses qui tendent à assouplir, en faveur du débiteur, les conséquences d’un changement de circonstances sur l’exécution d’un contrat.

- Clauses dispensant le créancier de certaines procédures nécessaires à l’exercice de ses droits. Ex : clause de mise en demeure, résolution automatique de contrat, etc.

- Clauses relatives à la responsabilité et aux dommages-intérêts définissant, notamment, les conditions dans lesquelles la responsabilité du débiteur est engagée ou fixant le montant des dommages et intérêts en cas d’inexécution de ses obligations par une des parties.

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Section 1 : Clauses aménageant les conséquences d’un changement de circonstances sur l’exécution du contrat

1. Clauses relatives à l’imprévision La doctrine et la jurisprudence belges dominantes considèrent que l’article 1134 C.C. exclut la dissolution ou la modification de la convention tant que le bouleversement ne constitue pas une cause étrangère exonératoire ou un cas de force majeure. La pratique contractuelle, surtout internationale, assouplit ce régime en prévoyant des clauses spécifiques dites d’imprévision. Celles-ci prévoient alors les éléments constitutifs de l’imprévision ainsi que la procédure à suivre par les parties. Il existe également des clauses qui s’appliquent à corriger les effets d’une dépréciation monétaire en se référant à un étalon (valeur-or). Ce sont surtout des clauses de référence à une monnaie de compte étrangère normalement stable. Il est aussi possible de se référer à un index dont la variation entraine la variation de la dette monétaire.

2. Clauses relatives à la force majeure Le droit belge et français ont une conception très stricte de la force majeure ; néanmoins il existe une tendance dans les contrats à opérer un élargissement de ce concept. Ceci aboutit à la limitation de responsabilité dont la validité doit être appréciée en fonction de la portée de l’élargissement du concept de force majeure prévue au contrat. Les contrats précisent donc les effets et la procédure de la force majeure. Section 2 : Clauses dispensant le créancier de certaines procédures nécessaires à l’exercice de ses droits

1. Clauses relatives à la mise en demeure La mise en demeure est une interpellation non équivoque adressée au débiteur par le créancier insatisfait enjoignant de s’exécuter. Une clause relative à la mise en demeure peut, soit porter sur les formes qu’elle doit revêtir, soit dispenser le créancier de toute interpellation préalable. Dans ce dernier cas, le contrat prévoit alors que le simple dépassement du terme vaut mise en demeure et entraîne un certain nombre de sanctions (application d’une clause pénale, etc.).

2. Clauses résolutoires expresses L’article 1184 C.C. indique que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques et que la résolution de ces conditions résolutoires doit être demandée en justice. Néanmoins, les parties peuvent stipuler un pacte commissoire exprès ou une clause résolutoire expresse permettant de se passer de l’intervention préalable du juge. Dans ce cas, les parties doivent préciser clairement au contrat que, en cas de manquement, ils entendent se passer du recours à la justice et donc du pouvoir d’appréciation du juge quant à la gravité du manquement. En cas de doute, ces clauses sont interprétées de façon stricte. Le juge peut, toutefois, vérifier a posteriori si la mise en œuvre de la clause résolutoire ne constitue pas un abus de droit. On distingue divers degrés dans les pactes commissoires exprès :

- Soit le contrat se borne à appliquer l’article 1184 C.C. et il faut appliquer le droit commun. - Soit une clause du contrat prévoit que le contrat sera résolu de plein droit en cas de

manquement sur tel ou tel obligation précise. Le juge n’a alors plus l’obligation d’intervenir et

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ne pourra, en cas de doléance formée par l’une des parties, que constater l’existence du manquement éventuel, tel que celui-ci est défini dans le contrat. Une telle clause suppose l’envoi d’une mise en demeure.

- Soit le contrat peut prévoir que celui-ci sera résolu de plein droit sans mise en demeure préalable. Il faut alors que cette clause soit prévue de façon indiscutable.

Il existe, bien sûr, un certain nombre d’exception aux clauses résolutoires expresses : certaines lois mais aussi des dispositions impératives ou d’ordre public. Il y a lieu de distinguer la clause résolutoire expresse de la clause de résiliation unilatérale : cette dernière permet à une partie de rompre le contrat, en dehors de toute idée de faute ; elle ne sanctionne pas un manquement contractuel et ne dissout le contrat que pour l’avenir. Il y a lieu de distinguer la clause résolutoire expresse de la condition résolutoire : celle-ci est étrangère à l’idée de sanction contractuelle et opère de plein droit automatiquement. Section 3 : Clauses relatives à la responsabilité et aux dommages et intérêts en cas d’inexécution Il existe en pratique de nombreuses conventions ou clauses qui atténuent ou aggravent la responsabilité d’un contractant, ou encore qui fixent forfaitairement le montant de la répartition à charge du débiteur défaillant. Ces clauses sont, en principe, licites car la matière de responsabilité civile n’est pas considérée comme d’ordre public en droit belge. Ces clauses peuvent donner lieu à des abus, c’est pourquoi de nombreuses jurisprudences ont limité la validité de ces clauses. On distingue deux types de clauses relatives à la responsabilité et aux dommages et intérêts en cas d’inexécution :

- Les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité. - Les clauses pénales.

1. Les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité

A. Description

Les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité sont les clauses par lesquelles un débiteur supprime ou allègue sa responsabilité. Ces clauses sont diverses :

- Elles peuvent préciser que seuls certains types de manquement donnent lieu à responsabilité. - Elles peuvent plafonner les montants de réparation. - Elles peuvent limiter la responsabilité du débiteur à certains types de dommages. - Elles peuvent délimiter l’obligation que le débiteur accepte d’assumer ou transformer une

obligation de résultat en obligation de moyens. - Elles peuvent élargir certains concept (ex : force majeure). - Elles peuvent préciser certains concepts en les restreignant (ex : dommage prévisible).

La variété de ces clauses rend leur classification difficile :

- Certains distinguent « les clauses restreignant le contenu des engagements » des « clauses restrictives de responsabilité ».

- La doctrine française (non pratiquée en Belgique) distingue « les clauses élisives de responsabilité » et « les clauses limitatives de réparation ».

- D’autres distinguent « les clauses portant sur les conditions d’existence de responsabilité » et « les clauses aménageant les conséquences de responsabilité ».

Une tendance forte du droit positif est de restreindre la validité des clauses exonératoires ou limitative concernant le préjudice corporel.

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B. Restrictions jurisprudentielles La jurisprudence cherche à écarter ces clauses quand elles conduisent à des abus. La jurisprudence belge a ainsi utilisé des techniques d’interprétation permettant de limiter la portée de certaines clauses. Le principe de « l’effet utile » prévu à l’article 1157 C.C. est également utilisé. Lorsqu’une clause prête à diverses interprétations, il est parfois possible de l’interpréter dans un sens qui la rend licite : une clause rédigée en termes généraux, qui semble exonérer le débiteur de toute responsabilité en cas d’inexécution peut, par application de l’article 1157 C.C., être écartée en cas de faute lourde ou de faute dolosive, mais être considéré comme efficace en cas de faute légère. La jurisprudence a mis au point deux critères pour apprécier la validité d’une clause exonératoire ou limitative de responsabilité :

- La clause est inefficace lorsqu’elle prétend exonérer le débiteur de son propre dol. Le fondement de cette solution est discuté : certains parlent du « principe de l’interdiction des conditions purement potestatives » (article 1174 C.C.), d’autres disent que « s’exonérer du dol est contraire à l’ordre public » (article 6 C.C.), d’autres encore invoquent le « principe de l’abus de droit » et enfin, d’autres parlent du « principe d’exécution de bonne foi des obligations ». De plus la notion de dol est très controversée.

- La clause ne peut pas non plus porter atteinte à une obligation essentielle du contrat ou vider le contrat de sa substance, de tout contenu. Cette approche produit l’idée d’un minimum incompressible par type de contrat. Attention ! La nullité ne frappe pas nécessairement tout le contrat ; si une seule clause du contrat est frappée d’illicéité, l’annulation ne va pas automatiquement s’étendre au contrat tout entier. L’ensemble de la convention ne sera annulée que si, dans l’intention des parties, la clause illicite forme avec les autres dispositions contractuelles un ensemble indissociable.

C. Restrictions légales

Les clauses d’exonération ne sont pas valables lorsqu’elles sont contraires à l’ordre public ou à des dispositions légales impératives. Le Code Civil connaît d’autres restrictions à la validité de ces clauses : Il résulte de l’article 1645 C.C. que les clauses de non-responsabilité stipulées dans les contrats de vente sont nulles dès l’instant où l’acheteur démontre que son vendeur connaissait les vices de la chose, etc. Ces restrictions se sont tellement multipliés que le législateur a du intervenir pour réglementer, de façon plus générale, les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité. Ainsi, la loi du 6 avril 2010 comprend bon nombre de dispositions permettant de combattre les clauses limitatives ou exonératoires abusives, soit que celles-ci fassent partie de la liste des clauses interdites par l’article 74, soit qu’elles aboutissent à créer un déséquilibre manifeste entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur. Ces dispositions ne s’appliquent que dans le cadre de relation entre consommateurs et entreprises. Il n’est pas exclut, toutefois, que certaines des solutions qu’elle consacre s’appliquent par « contamination » aux rapports entre professionnels ou aux rapports entre non –professionnels. Le législateur contemporain procède plutôt par type de relations que par problème. Les textes sont parfois d’une qualité douteuse.

2. Les clauses pénales A. Le régime du Code Civil

a. Définition – caractéristiques

L’article 1226 C.C. définit la clause pénale.

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En bref, dans une clause pénale, les parties s’accordent pour déterminer, de façon anticipée et forfaitaire, les dommages-intérêts auxquels le créancier a droit en cas d’inexécution de l’engagement. Le créancier est dispensé d’établir l’existence et le montant du préjudice calculé forfaitairement à la conclusion du contrat de même que le lien causal entre la faute et le dommage. Ce second point est néanmoins discuté. Les clauses pénales sont très variées : elles peuvent prévoir un montant absolu, un pourcentage du montant dû, des intérêts moratoires supérieurs au taux d’intérêt légal ou encore la combinaison d’une majoration du montant dû et d’intérêts moratoires conventionnels. Les clauses pénales présentent plusieurs caractères :

- Caractère forfaitaire. - Caractère accessoire. Le sort de la clause pénale est tributaire de celui de l’obligation

principale. - Caractère sanctionnateur. Elle sanctionne l’inexécution fautive d’une convention.

o Selon la Cour de cassation, il y a une différence entre « clause pénale » et « clause de dédit » : la clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale ; la clause de dédit est le prix à payer par le débiteur pour quitter le contrat. Dans la pratique, la distinction entre les deux types de clauses est ténue.

o La mise en œuvre de la clause pénale implique une mise en demeure préalable du débiteur défaillant (article 1230 C.C.) sauf si des clauses conventionnelles dispensant le créancier de mise en demeure sont possibles.

La clause pénale a t-elle une fonction indemnitaire ou peut-elle remplir une fonction coercitive, comminatoire ? Une première conception attribue à la clause pénale une fonction comminatoire : si elle prévoit un forfait élevé, plus élevé que le dommage prévisible pouvant résulter de l’inexécution de la convention, elle constitue un moyen de pression sur le débiteur, une sorte de peine privée. Une seconde conception assigne une fonction exclusivement indemnitaire à la clause pénale : celle-ci doit se limiter à prévoir une évaluation forfaitaire des dommages-intérêts dus en cas d’inexécution fautive de ses obligations par le débiteur. Cette deuxième conception a été clairement affirmée en jurisprudence belge depuis un arrêt de la Cour de cassation du 17 avril 1970 selon lequel : « lorsque la clause ne peut-être une réparation du dommage et procure au créancier un bénéfice beaucoup plus important que l’exécution normale du contrat, elle est contraire aux dispositions de l’article 6 du Code Civil ». Elle est confirmée par l’article 1226, même si le Code, dans d’autres dispositions, utilise le mot peine à plusieurs reprises (article 1231 §1er C.C.). Face au caractère comminatoire de certaines clauses, l’article 1231 §1er C.C. permet au juge de réduire la clause lorsque la somme prévue par celle-ci « excède manifestement le montant que les parties pouvaient fixer pour réparer le dommage résultant de l’inexécution de la convention ». Ceci s’applique donc « in concreto » par rapport à un homme raisonnable et, le caractère comminatoire s’apprécie « ex ante » par rapport au dommage potentiel envisageable à la conclusion du contrat.

b. Sanction d’une clause pénale comminatoire Selon la jurisprudence antérieure à la loi de 1998, une clause pénale ayant un caractère comminatoire est contraire à l’ordre public et la sanction était donc : la nullité absolue. Cette nullité n’a d’effet que sur la clause pénale et non pas sur le contrat tout entier. L’annulation est une solution extrême qui entraine alors le retour à la responsabilité contractuelle du droit commun. La loi du 23 novembre 1998 permet, dans l’article 1231 §1er C.C., la réduction des clauses pénales excessives. Le juge dispose donc maintenant d’un pouvoir de réduction en vertu des articles 1231 §1er C.C. (clauses pénales excessives) et 1153 alinéa 5 nouveaux (clauses d’intérêts moratoires excessives). Attention, en vertu de l’article 1231 §2 C.C., le juge ne peut condamner le débiteur à une somme inférieure à celle qui aurait été due en l’absence de clause pénale.

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B. La loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du

consommateur Le Code Civil n’est pas le seul à traiter des clauses pénales. Certaines dispositions de la loi du 6 avril 2010 les concernent également. La loi du 6 avril 2010 prévoit la nullité des clauses comminatoires, apparemment plus avantageuse pour le consommateur que la réduction. Apparemment, la solution retenue par cette loi n’a pas été remise en cause par la réforme du 23 novembre 1998 ; la protection du consommateur étant très importante dans nos sociétés actuelles.

C. Autres dispositions D’autres dispositions existent en matière de clauses pénales. Cet éparpillement rend les approches d’ensemble difficiles. En ce qui concerne la réduction des clauses pénales par exemple, celle-ci peut-être accordée dans plusieurs hypothèses :

- Réduction des clauses pénales excessives, prévue par les articles 1231§1er C.C. et 1153 alinéa 5 du Code Civil.

- Adaptation de la clause pénale en cas d’exécution partielle de l’obligation par application de l’article 1231 §2 du C.C.

- En vertu des principes généraux, réduction des clauses pénales pour abus de droit fondée sur l’article 1134 alinéa 3 du Code Civil. Cette réduction s’applique à une clause valide mais utilisée de façon abusive ; dans un arrêt de la Cour de cassation du 18 février 1988, la Cour de cassation permet au juge de fond, qui constate que le créancier abuse de son droit en réclamant l’application intégrale de la clause, de réduire l’usage de la clause à son exercice normale.