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1 UNIVERSITÉ D’AIX-MARSEILLE FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE TRAVAUX DIRIGÉS DE DROIT CONSTITUTIONNEL Cours de Madame Priscilla JENSEL MONGE Maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille Licence 1 – Formation continue Premier semestre Chargé d'enseignement Julien PADOVANI, ATER à l’Université d’Aix-Marseille Année universitaire 2017-2018

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UNIVERSITÉ D’AIX-MARSEILLE

FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE

TRAVAUX DIRIGÉS DE

DROIT CONSTITUTIONNEL

Cours de

Madame Priscilla JENSEL MONGE

Maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille

Licence 1 – Formation continue

Premier semestre

Chargé d'enseignement

Julien PADOVANI, ATER à l’Université d’Aix-Marseille

Année universitaire 2017-2018

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INDICATIONS GÉNÉRALES

Les séances de TD sont conçues comme un approfondissement des cours

magistraux. Certains points clés abordés en cours seront nécessairement abordés à nouveau,

mais il est évident que les deux forment un tout indivisible.

Six thèmes seront abordés au cours des neuf séances de travaux dirigés.

Chaque séance thématique contient les pré-requis de la séance, plusieurs documents

et des exercices : questions, dissertations, résumés de textes. Les notions fondamentales

permettent d’accéder à la dissertation plus facilement. Les documents fournis sont

nécessaires mais non suffisants, il est donc absolument indispensable d’utiliser des sources

complémentaires pour préparer les séances, notamment les manuels et les sites internet

officiels (Conseil constitutionnel, Assemblée nationale, Légifrance…).

STRUCTURE DE LA PLAQUETTE

Les séances sont conçues de la manière suivante :

Eléments à maîtriser : ce sont les éléments fondamentaux du cours que l’étudiant doit

nécessairement connaître avant la préparation de la séance.

Dossier documentaire : composé d’articles de doctrine, de discours ou de rappels de cours,

il doit être parcouru et étudié par l’étudiant au préalable en réalisant, au besoin, des fiches de

synthèse : l’intérêt est non seulement l’approfondissement du cours mais aussi l’analyse de

problématiques qui lui permettent de contextualiser les connaissances, de lier théorie et

pratique, prendre du recul sur la matière et ainsi ne pas s’enfermer dans un apprentissage par

cœur déconnecté des problématiques juridiques ;

Exercices : les exercices doivent être réalisés après étude du dossier documentaire et

permettent la pratique du raisonnement juridique, notamment à travers l’entrainement à la

dissertation laquelle doit être résolu selon une méthodologie propre, communiquée lors de

la première séance. Celle-ci ne peut être préparée sans la maitrise des fondamentaux et pour

s’en assurer, l’étudiant doit au préalable procéder au traitement des questions indiquées. Il

ne sera pas question, lors des séances de travaux dirigés de revenir en détail sur l’ensemble

des notions du cours, c’est pourquoi ces notions doivent êtres maitrisées au préalable, la

séance ayant vocation à acquérir le raisonnement juridique à travers une solide maitrise de la

méthodologie.

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PLAN ET CALENDRIER DU SEMESTRE

Thème n°1 – L’État

Thème n°2 – La garantie juridictionnelle de la constitution

Thème n°3 – La souveraineté au service de la démocratie ?

Thème n°4 – La séparation des pouvoirs : théorie (s) et applications

Thème n°5 – Histoire constitutionnelle : Les émergences constitutionnelles nouvelles et l’émergence du parlementarisme (1789-1870)

Thème n°6 – Histoire constitutionnelle : l’affirmation du régime parlementaire (1870-1958)

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

FAVOREU (Louis) et. alii., Droit constitutionnel, Dalloz, coll. « Précis », 19e édition, 2017, 1120 p.

ARDANT (Philippe) et MATHIEU (Bertrand), Droit constitutionnel et institutions politiques, LGDJ.

AVRIL (Pierre), GICQUEL (Jean), Lexique de droit constitutionnel, 3e édition, Paris, PUF, « Que

sais-je », 2012.

GICQUEL (Jean), GICQUEL (Jean-Eric), Droit constitutionnel et institutionnel politiques, LGDJ, 28e

édition, 2014, 830 p.

BODINEAU (Pierre), VERPEAUX (Michel), Histoire constitutionnelle de la France, PUF, Que sais-

je ?, 4e édition, 2014, 128 p.

CARCASSONNE (Guy), DUHAMEL (Olivier), CHEVALLIER (Jean-Jacques), Histoire de la V°

République, 1958-2012, Coll. « Classic », Dalloz, 2012, 14° édition

DUVERGER (Maurice), Les Constitutions de la France, PUF, Que sais-je ?, 4e éd., 2004.ll

« Manuel », 26e édition, 2014, 510 p.

GHEVONTIAN (Richard), Les grandes dates de la V° République, Coll. « A savoir » (petits livres),

Dalloz, 2012

HAMON (Francis), TROPER (Michel), Droit constitutionnel, LGDJ, Manuel, 36e édition, 2015,

827 p.

Notation du semestre : contrôle continu intégral

- Participation orale et travaux maison : coefficient 1

- Interrogation(s) en cours de semestre : coefficient 2

- Colle de fin de semestre : coefficient 3

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ÉLÉMENTS À MAÎTRISER POUR LA SÉANCE

- Les grandes définitions de l’État

- Les éléments constitutifs de l’État

- Les différentes formes étatiques

DOSSIER DOCUMENTAIRE

- Doc. n°1 - Extrait de l’ouvrage « L’Etat », Renaud Denoix de Saint Marc, Que sais-je,

2012.

- Doc. n°2 - Extrait de l’ouvrage De Cive, Thomas HOBBES.

- Doc. n°3 - « Polémique sur le droit du sol, beaucoup de bruit pour rien? par Maxime

Tandonnet, Le Figaro, 10 juin 2015.

- Doc n°4 - « Revenir au droit du sang » : une idée compliquée… et survendue, par

Samuel Laurent, Le Monde, 5 juin 2016.

- Doc n°5 - Constitution du 4 octobre 1958 (non reproduite).

EXERCICES

Questions : À l’appui des documents, du contenu du cours et de vos connaissances, vous

préparerez des réponses aux questions suivantes

1. Donnez au moins deux définitions différentes de l’État.

2. Qu’est-ce qui distingue l’État de la Nation ?

3. Comment distinguez-vous les notions de « forme étatique » et « type de régime » ?

4. Pour chacune des formes étatiques admises (Fédération, Confédération, Unitaire),

citez quelques exemples dans le monde.

5. Que signifie l’expression « division verticale des pouvoirs » et comment la

distinguez-vous de la notion de « division horizontale des pouvoirs » ?

6. Distinguez les notions de centralisation/décentralisation de celles de

concentration/déconcentration.

Débat : L’Etat-nation est-il une fiction ?

THÈME N° 1

L’État : définition (s), origines et structure

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DOCUMENTS

Document n°1

Extrait de l’ouvrage « L’Etat », Renaud Denoix de Saint Marc, Que sais-je, 2012.

« La notion d’État est liée à celles de pouvoir souverain, d’organisation permanente, de

territoire et de population. L’État peut être défini, d’un point de vue institutionnel, comme

l’autorité souveraine qui exerce son pouvoir sur la population habitant un territoire

déterminé et qui, à cette fin, est dotée d’une organisation permanente.

On peut, selon la coutume académique classique, reprendre les termes de cette définition.

L’autorité souveraine, c’est celle qui est capable d’imposer sa volonté, à l’intérieur du cadre

géographique où elle est installée, tout à la fois aux individus, aux groupements que ces

derniers ont pu constituer ainsi qu’aux collectivités à assise territoriale dans lesquelles ils se

sont, en général, regroupés. L’autorité souveraine est également celle qui est capable de

traiter d’égal à égal avec les autres sujets de la communauté internationale. Cet élément de

définition implique l’existence d’un territoire. Aucun État n’existe sans une base territoriale.

Un gouvernement en exil, même reconnu par les États amis, ne peut pas revendiquer la

qualité d’État. La présence d’une population est une condition de l’existence d’un État : il

n’y a pas d’État sans population d’êtres humains. Ceux-ci en étaient autrefois les sujets ; ils

en sont aujourd’hui les citoyens et, à ce titre, participent à la désignation des gouvernants. Le

lien entre les êtres humains soumis à la souveraineté de l’État et ce dernier est constitué par

la nationalité : les personnes vivant en permanence sur le territoire d’un État ont en principe

la nationalité de cet État.

L’État s’incarne dans une organisation permanente destinée à procurer les moyens de la

souveraineté et, tout d’abord, à faire respecter l’ordre public à l’intérieur des frontières, à

assurer son existence vis-à-vis de ses partenaires dans le concert international. À la force

publique dont l’État a, en principe, le monopole, s’ajoutent des services publics destinés à

subvenir aux besoins essentiels de la population et à maintenir la cohésion du groupe social.

La permanence de l’institution étatique implique que l’État ait une personnalité juridique

propre qui s’exerce tant à l’égard de ses ressortissants qu’à celui des autres États. Cette

personnalité est permanente ; elle survit aux changements de régime, même provoqués par

la force.

Le mode d’organisation le plus simple est celui de l’État unitaire, où, en dessous de lui,

existent seulement des collectivités dont les compétences limitées sont fixées par l’État lui-

même. L’État fédéral est, quant à lui, fondé sur l’idée qu’une ou plusieurs entités qui

auraient pu prétendre à la qualité d’État souverain décident librement de s’associer (fœdus :

traité) pour ne former qu’un seul État, tout en conservant par-devers elles bon nombre de

compétences étatiques. La répartition des compétences entre l’État fédéral et les États

membres est, au demeurant, une des questions les plus difficiles à résoudre dans ce type

d’organisation.

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On a souvent associé la notion d’État unitaire à celle d’État national. Il existe, bien sûr, un

lien entre État et nation. Parfois, l’État a forgé le sentiment national en assimilant autour

d’un noyau central les populations d’alentour ; telle est l’œuvre de la monarchie de France,

« ces quarante rois qui, en mille ans, ont fait la France ». Parfois, l’émergence d’un sentiment

national conduit à disloquer les structures étatiques préexistantes pour faire naître des États

nationaux. Tel a été le cas de l’application du principe des nationalités en Europe au

XIXe siècle.

Enfin, on tend aujourd’hui à établir une relation entre l’État et la démocratie. Naguère, ce

lien n’existait pas, et l’oppression tyrannique qui pouvait régner dans un État ne rejetait pas

celui-ci de la communauté internationale. Mais, de nos jours, le droit international tend à

considérer que la protection des droits individuels implique un certain type de rapports entre

gouvernants et gouvernés. Le Conseil de l’Europe, par exemple, subordonne l’adhésion d’un

État à son acceptation des principes de la démocratie pluraliste et représentative.

Il est possible, après ces préliminaires, d’entrer dans le vif du sujet. Après un chapitre qui

exposera la genèse de l’État à partir de l’histoire de France, on traitera successivement des

relations entre l’État et le droit et des rapports entre l’État et le citoyen, les services publics,

la justice, les fonctionnaires et les collectivités territoriales. Enfin, on évoquera la place de

l’État dans la société internationale. »

Document n°2

Extrait de De Cive, Thomas HOBBES

« Cependant il y a cette remarque à faire, qu’une société fondée sur la gloire ne peut être ni

de beaucoup de personnes, ni de longue durée ; parce que la gloire, de même que l’honneur,

si elle se communique à tous sans exception, elle ne se communique à personne ; la raison

en est, que la gloire dépend de la comparaison avec quelqu’autre, et de la prééminence qu’on

a sur lui ; et comme la communauté de l’honneur ne donne à personne occasion de se

glorifier, le secours d’autrui qu’on a reçu pour monter à la gloire en diminue le prix. Car on

est d’autant plus grand et à estimer, qu’on a eu de propre puissance, et moins d’assistance

étrangère. Mais bien que les commodités de cette vie puissent recevoir augmentation par

l’assistance mutuelle que nous nous prêtons, il est pourtant certain qu’elles s’avancent

davantage par une domination absolue, que par la société ; d’où il s’ensuit, que si la crainte

était ôtée de parmi les hommes, ils se porteraient de leur nature plus avidement à la

domination, qu’à la société. C’est donc une chose tout avérée, que l’origine des plus grandes

et des plus durables sociétés, ne vient point d’une réciproque bienveillance que les hommes

se portent, mais d’une crainte mutuelle qu’ils ont les uns les autres.

(…)

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(…) vous m’avouerez sans doute que l’état naturel des hommes, avant qu’ils eussent formé

des sociétés, était une guerre perpétuelle, et non seulement cela, mais une guerre de tous

contre tous. Car qu’est autre chose la guerre que cette saison pendant laquelle on déclare de

paroles et d’effet la volonté qu’on a de combattre ? Le reste du temps est ce qu’on nomme

la paix (…). Or il est aisé de juger combien la guerre est mal propre à la conservation du

genre humain, ou même de quelque homme que ce soit en particulier. Mais cette guerre doit

être naturellement d’une éternelle durée à laquelle il n’y a pas à espérer, à cause de l’égalité

des combattants, qu’aucune victoire la finisse : car les vainqueurs se trouvent toujours

enveloppés dans de nouveaux dangers, et c’est une merveille de voir mourir un vaillant

homme chargé d’années et accablé de vieillesse. (…) Celui qui estimerait qu’il faut demeurer

en cet état auquel toutes choses sont permises à tous, se contredirait soi-même : car chacun

désire par une nécessité naturelle ce qui lui est bon, et il n’y a personne qui puisse estimer

que cette guerre de tous contre tous, attachée nécessairement à l’état naturel, soit une bonne

chose. Ce qui fait que, par une crainte mutuelle, nous désirons de sortir d’un état si

incommode, et recherchons la société ; en laquelle s’il faut avoir de guerre, du moins elle

n’est pas sans secours, ni de tous contre tous. »

Document n°3

« Revenir au droit du sang » : une idée compliquée… et survendue »,

Samuel Laurent, Le Monde, 5 juin 2016

« La nationalité ne peut pas s’acquérir par hasard (…) ceux qui veulent devenir français doivent s’assimiler,

adhérer aux valeurs de la République. »

La question du droit du sol et du droit du sang revient régulièrement dans le débat à droite.

Toutefois, M. Sarkozy effectue un pas supplémentaire : jusqu’ici, la volonté de revenir au

droit du sang était surtout un élément programmatique du Front national, lui-même s’étant

plusieurs fois dit opposé à cette idée.

La France pratique déjà le droit du sang

La législation sur la nationalité diffère selon les pays, mais on peut distinguer deux modes

d’acquisition distincts :

– le « droit du sol » (jus soli, pour les latinistes) : je suis français car je suis né en France ;

– le « droit du sang » (jus sanguinis) : je suis français car mes parents le sont.

Contrairement à une croyance répandue, la France n’a pas choisi le seul « droit du sol ». En

réalité, les deux coexistent dans notre pays : un enfant né de parents français possède, dès sa

naissance et sans besoin d’aucune démarche, la nationalité française par filiation. Donc par

« droit du sang ».

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Un enfant né sur le sol français de parents étrangers obtiendra automatiquement la

citoyenneté française à sa majorité, à certaines conditions : posséder un certificat de

naissance en France, résider effectivement en France, et y avoir vécu durant au moins cinq

ans depuis l’âge de 11 ans. La citoyenneté peut être accordée avant la majorité de l’enfant au

prix d’une démarche administrative.

Enfin, la France reconnaît le « double droit du sol » : si un parent étranger, mais né en

France, a un enfant en France, celui-ci bénéficie du droit du sol et donc de la nationalité

française dès sa naissance.

Un droit du sang datant de Napoléon

M. Ciotti évoquait un « retour » au droit du sang, laissant entendre que ce seul principe a été

la règle à un moment de notre histoire. Ce qui n’est pas faux, mais remonte assez loin :

comme le rappelait le philosophe et écrivain Yves Roucaute dans une tribune au Monde en

octobre 2013, dès Clovis, le droit du sol apparaît, mais c’est en 1515 qu’il sera formalisé,

essentiellement pour des questions d’héritage : naître et résider en France suffit à devenir un

« sujet du roi ».

La Révolution française transformera le sujet en citoyen, mais conserve le principe du droit

du sol : la Nation est composée des citoyens qui y résident. C’est en réalité Napoléon qui

sera le premier à remettre en cause le droit du sol, sans toutefois l’abandonner. Le code civil

de 1802 précise ainsi (art.9) :

« Tout individu né en France d’un étranger pourra, dans l’année qui suivra l’époque de sa

majorité, réclamer la qualité de Français pourvu que dans le cas où il résiderait en France, il

déclare que son intention est d’y fixer son domicile, et que, dans le cas où il résiderait en

pays étranger, il fasse sa soumission de fixer en France son domicile et qu’il s’y établisse

dans l’année. »

Le durcissement est alors réel : il faut justifier de « grands services [rendus] à l’Etat » pour

obtenir la nationalité française lorsqu’on est étranger. Néanmoins, note Thierry Lentz dans

le tome III de sa « Nouvelle Histoire du premier empire », « pendant toute la période, on ne remit

pas en cause le droit pour un étranger d’élire domicile en France, à condition qu’il présentât un passeport ou

un titre prouvant qu’il n’était pas un vagabond ».

Même Napoléon n’avait donc pas totalement supprimé le droit du sol au profit du droit du

sang. Et la IIe, puis la IIIe République reviendront, en 1851 et 1889, sur ces restrictions, et

rétabliront la situation antérieure.

L’automaticité en cause

Comme l’explique l’historien Patrick Weill, spécialiste de la question, rétablir le « droit du

sang » serait, pour le moins, extrêmement compliqué, notamment car cela changerait

totalement les pratiques en la matière : aujourd’hui, être né en France de parents français

vous rend automatiquement français, c’est le « double droit du sol ».

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En cas de droit du sang, il faudrait prouver la nationalité des ascendants, ce qui peut s’avérer

dans bien des cas très complexe, voire impossible. Non seulement pour des Français dont

les ascendants venaient de l’étranger à quelques générations, mais aussi pour nombre

d’autres cas : pieds noirs, alsaciens dont les familles furent allemandes au début du siècle…

Mais en réalité, l’idée avancée par la droite n’est pas véritablement un passage au « droit du

sang » : celui-ci, on l’a vu, coexiste avec le droit du sol. L’objectif est en réalité plus modeste,

comme M. Ciotti le précisait à Paris Match en mai : « Je suis favorable au rétablissement du droit du

sang pour que la naturalisation ne soit plus automatique pour les personnes nées sur le territoire français de

parents non ressortissants de l’UE. »

On l’a vu, un enfant né en France de parents étrangers devient actuellement

automatiquement français à ses 18 ans, s’il vit dans notre pays et s’il y a vécu plus de cinq

ans. Cela n’a pas toujours été le cas. En 1993, le gouvernement Balladur avait supprimé le

caractère automatique de l’acquisition de nationalité pour un enfant né en France de parents

étrangers : il devait en faire la demande à sa majorité. La loi a été supprimée par le

gouvernement Jospin en 1998. La Droite forte, courant droitier de l’ex-UMP, avait proposé

de la rétablir en 2010.

Une question symbolique avant tout

M. Ciotti veut donc remettre en place ce principe, car, selon lui, « ceux qui veulent devenir

français doivent s’assimiler, adhérer aux valeurs de la République ». Un argumentaire qui peut

surprendre : on ne parle pas ici d’adultes venus de l’étranger et demandant la nationalité,

mais d’enfants, nés en France, qui ont effectué leur scolarité dans notre pays avant leurs 18

ans.

Mais on est ici dans un registre bien plus symbolique, semblable à l’argumentaire du FN, qui

propose lui aussi de « supprimer » le droit du sol depuis longtemps. Car si l’on regarde les

chiffres, on constate que le « droit du sol » n’est pas le premier pourvoyeur de nouveaux

citoyens français.

Le « droit du sol » ne concerne en effet que les personnes nées en France de parents

étrangers. Or, si l’on regarde le détail des acquisitions de nationalité, ce sont les

naturalisations (donc le fait pour des étrangers résidant en France et justifiant de certains

critères d’obtenir la nationalité française par décret) qui sont largement en tête :

40 941 adultes et 16 669 enfants ont obtenu la nationalité ainsi en 2014.

Les acquisitions de nationalité par déclaration anticipée, donc de mineurs nés en France de

parents étrangers, représentaient seulement en 2013 un peu plus de 25 000 cas. Les

acquisitions de nationalité par mariage arrivent ensuite, avec 19 725 personnes l’an dernier.

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Document n°4 « Polémique sur le droit du sol, beaucoup de bruit pour rien? »

par Maxime Tandonnet

Le Figaro, 10 juin 2015

La vie politique se nourrit de paroles, de slogans, de polémiques. Elle est faite aussi d'un travail de fond au service du bien commun. Il n'est pas inutile d'en revenir parfois à cette seconde facette, moins visible et spectaculaire, de la «chose publique».

140 000 ressortissants étrangers en France, en moyenne, acquièrent chaque année la nationalité française selon trois voies d'accès.

La vie politique se nourrit de paroles, de slogans, de polémiques. Elle est faite aussi d'un travail de fond au service du bien commun.

La première est la naturalisation. Par choix discrétionnaire du gouvernement, un étranger ayant vécu au moins cinq ans en France, n'ayant pas commis de crime et délit, vivant de ressources d'un travail en France et parlant le français, peut être naturalisé par décret. Cette voie bénéficie à environ 80 000 personnes.

La seconde est le mariage avec un conjoint français: après quatre ans de vie commune, l'acquisition de la nationalité française est de droit, sous réserve de remplir certaines conditions. Environ 30 000 hommes ou femmes obtiennent ainsi la nationalité.

Enfin, le droit du sol (jus soli) s'applique à des personnes nées sur le territoire français et y ayant vécu. 30 000 jeunes en bénéficient chaque année. Il est mis en œuvre selon trois modalités possibles:

- Entre 13 et 16 ans, par déclaration des parents, pour un enfant ayant vécu 5 années en France depuis l'âge de 8 ans;

- Entre 16 et 18 ans, par déclaration de l'intéressé, ayant vécu 5 années en France depuis l'âge de 11 ans, sans l'accord nécessaire des parents;

- Automatique à la majorité de 18 ans, sous réserve d'un séjour de 5 années depuis l'âge de 11 ans (sauf refus de l'intéressé).

Une réforme du droit de la nationalité, centrée sur le droit du sol, a été proposée par plusieurs personnalités de l'opposition, en termes parfois flous.

Certains réclament l'introduction d'une «manifestation de volonté», à l'image de ce qui existait entre 1993 et 1997. Un jeune souhaitant bénéficier du droit du sol devrait exprimer une demande pour devenir français. Dans le dispositif juridique actuel, cette suggestion a peu d'intérêt. En effet, 90 % des bénéficiaires du droit du sol sont entrés dans la communauté française par déclaration avant l'âge de 18 ans, donc d'ores et déjà dans le cadre d'une démarche volontaire.

Un jeune souhaitant bénéficier du droit du sol devrait exprimer une demande pour devenir français. Dans le dispositif juridique actuel, cette suggestion a peu d'intérêt.

Une telle manifestation de volonté ne concernerait en pratique que les 3 000 personnes qui accèdent automatiquement à la nationalité à la majorité. Une brève formalité leur serait imposée. Et après? N'est-ce pas beaucoup de bruit pour rien?

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L'autre vision, plus radicale, consisterait à supprimer le droit du sol. L'idée qui a été exprimée de «rétablir le droit du sang» ne veut pas dire grand-chose en soi, puisque, d'ores et déjà, l'immense majorité des Français ont obtenu leur qualité de français parce que leur père ou leur mère est français. Les chantres de cette abrogation du jus soli pensent qu'elle aurait un effet positif sur la cohésion sociale en durcissant les conditions d'accession à la communauté française, rendues ainsi plus sélectives.

L'idée qui a été exprimée de «rétablir le droit du sang» ne veut pas dire grand-chose en soi, puisque, d'ores et déjà, l'immense majorité des Français ont obtenu leur qualité de français parce que leur père ou leur mère est français.

De fait, la diminution du nombre des nouveaux Français serait marginale (moins d'un quart). Les jeunes nés en France et y ayant vécu resteraient, bien entendu, dans un pays où ils ont passé l'essentiel de leur vie sociale, scolaire et familiale. Le seul véritable impact serait de les priver du droit de vote et de l'accès à certaines professions de la fonction publique. Le sentiment d'être rejeté et exclus ne pourrait que se traduire par des frustrations et de la révolte, contraires à l'objectif recherché. Enfin, le droit du sol est un symbole républicain extrêmement fort issu des grandes lois de la IIIe République. Le supprimer provoquerait un séisme politique -sans rien régler- et aurait pour effet de déchirer le pays, qui n'a pas besoin d'un tel psychodrame.

Le droit du sol est avant tout un chiffon rouge que les politiques agitent périodiquement pour tenter

de faire croire à leur volonté de rigueur en matière de politique migratoire. Les vrais sujets sont

ailleurs, dans la vie concrète et non par les annonces et propositions spectaculaires. Comment faire

respecter la loi et appliquer les reconduites à la frontière des migrants en situation irrégulière?

Contrôler efficacement les frontières? Limiter les régularisations qui récompensent une infraction au

droit de l'entrée et du séjour? Maîtriser la demande d'asile qui explose depuis une dizaine d'années?

Lutter contre les détournements de visas de court séjour ou les mariages de complaisance? Utiliser

de manière efficace les aides au développement pour favoriser les créations d'emplois dans les pays

d'origine? Tous les gouvernements, à des degrés divers, ont échoué sur ces questions. Il est facile

aujourd'hui de fuir les réalités en jonglant avec des sujets passionnels sans intérêt pratique et qui ne

déboucheront sur rien. Cela peut permettre de gagner une élection; pas d'œuvrer en faveur du bien

commun ni de réconcilier les Français avec la politique.

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ÉLÉMENTS À MAÎTRISER POUR LA SÉANCE

- Notion de constitution.

- Hiérarchie des normes

- Procédures de révisions

- L’Etat de droit et la justice constitutionnelle

"Une bonne Constitution ne peut suffire à faire le bonheur d’une Nation. Une mauvaise

peut suffire à faire son malheur ».

[Guy Carcassonne, La Constitution, éd. du Seuil, coll. « Points », 2004, p. 33]

DOSSIER DOCUMENTAIRE

- Doc. n°1 - FAVOREU Louis, extraits de « La justice constitutionnelle en France, 1985, Les

Cahiers de droit, vol. 26, n°2.

- Doc. n°2 - MATHIEU Bertrand., « Qu’est-ce que la Constitution ? », la Constitution en 20

questions : question n°1, Dossier thématique « 2008, cinquantenaire de la Constitution »,

accessible en ligne (www.conseil-constitutionnel.fr).

- Doc. n°3 : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-

question-prioritaire-de-constitutionnalite/decouvrir-la-qpc/la-question-prioritaire-de-

constitutionnalite-par-marc-guillaume.138360.html.

-

EXERCICES

Après avoir étudié les documents ci-dessous, veuillez consacrer quelques développements aux

questions suivantes :

1- Qu’est-ce que la justice constitutionnelle ?

2- Pourquoi la France ne s’est-elle pas dotée d’un contrôle de constitutionnalité avant 1958.

3- La justice constitutionnelle permet-elle la protection totale de la Constitution en France en

2017 ?

THEME N° 2

LA GARANTIE JURIDICTIONNELLE DE LA CONSTITUTION

AU DROIT CONSTITUTIONNEL

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Doc. 1 : Extrait de FAVOREU (Louis), « La justice constitutionnelle en France, 1985, Cahiers de droit, vol. 25, n°2

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Doc. 2 : MATHIEU (Bertrand), « Qu’est-ce que la Constitution ? », La Constitution en 20 questions

La Constitution, règle de droit suprême

La Constitution est un acte de souveraineté. C'est au sein d'un État démocratique la règle

qu'un peuple se donne à lui-même.

La Constitution est formellement une norme juridique supérieure à l'ensemble des autres

normes juridiques produites et applicables dans l'ordre juridique national. Cette suprématie est

en général assurée par des mécanismes de contrôle de constitutionnalité assurés soit par les

juges ordinaires, soit par un juge spécialisé, en France le Conseil constitutionnel. La

Constitution est élaborée selon une procédure spéciale faisant intervenir directement le Peuple,

ou adoptée par ses représentants, le plus souvent selon une procédure particulière (par exemple

en France, sous la Ve République un vote par le Congrès, c'est à dire l'Assemblée nationale et le

Sénat réunis, à la majorité des trois cinquièmes).

Sur le plan substantiel, une Constitution contient deux types de règles. D'une part des

règles relatives au fonctionnement des institutions, d'autre part des règles relatives aux droits

garantis aux individus. Cette conception de la Constitution est inscrite dans l'article 16 de la

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel : « Toute société dans laquelle la

garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminées, n'a point de

Constitution ». S'agissant des aspects institutionnels, la Constitution détermine la nature de

l'État (par exemple État unitaire ou fédéral), le régime politique (par exemple régime

parlementaire ou présidentiel), la nature des pouvoirs (par exemple existence, ou non, d'un

pouvoir juridictionnel), la désignation des gouvernants (par exemple élection du chef de l'État)

et la définition de leurs compétences (par exemple répartition des compétences entre le

législateur et le gouvernement). Par ailleurs, la Constitution exprime un certain nombre de

valeurs (par exemple l'égalité ontologique entre les hommes), pose un certain nombre de

principes (par exemple la souveraineté nationale) et décline un certain nombre de droits (par

exemple la liberté d'expression).

Historiquement la notion de Constitution est liée à l'État. Mais le développement

d'ordres juridiques non étatiques comme l'Union européenne a conduit à s'interroger sur la

question de savoir si de tels ordres pouvaient être dotés d'une Constitution.

La Constitution française, un texte composite

La Constitution française actuellement en vigueur est celle de la Ve République. Elle a

été approuvée par le référendum du 28 septembre 1958 et porte la date de sa promulgation par

le Président de la République : le 4 octobre 1958. Elle a fait depuis lors l'objet de maintes

révisions partielles. La plus importante est celle opérée par la loi constitutionnelle du 6

novembre 1962. Cette révision instaure l'élection du Président de la République au suffrage

universel direct. Les effets de cette réforme ont été renforcés par l'adoption en 2000 du

quinquennat présidentiel qui s'est substitué au septennat. D'autres révisions ont eu pour objet

d'adapter la Constitution à la construction européenne et de prendre acte du transfert à l'Union

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européenne de compétences relevant de l'exercice de la souveraineté nationale. Enfin, en 2008,

une réforme d'une grande ampleur a eu pour objet de rééquilibrer le fonctionnement des

institutions en faveur du Parlement et de renforcer la protection des droits des citoyens.

La Constitution de la Ve République est constituée non seulement des articles numérotés

qu'elle contient, mais aussi d'un certain nombre de dispositions auxquelles elle renvoie. Ces

textes concernent essentiellement les droits et libertés fondamentaux. Il en est ainsi de la

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, du Préambule de la Constitution de

1946, qui renvoie aux principes de 1789 et énonce de nouveaux « principes politiques,

économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps » et de la Charte de

l'environnement de 2004. Par un effet de « poupées gigognes », le Préambule de 1946 renvoie

lui-même aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, c'est à dire des

principes fixés par des grandes lois de la République, notamment de la III° République. C'est

ainsi l'ensemble du patrimoine républicain relatif à la protection des droits et libertés qui est

intégré dans la Constitution ; mais aussi des droits, et devoirs, qui concernent des questions

nouvelles et considérées comme essentielles, comme la protection de l'environnement.

Ainsi l'ensemble des règles de nature et de niveau constitutionnels qui composent la

Constitution, au sens plein du terme, est formé de parties datant de périodes différentes. Il

s'ensuit que certaines contradictions peuvent apparaître entre elles, notamment par exemple

entre les principes de 1789 inspirés par l'individualisme libéral et ceux de 1946 marqués par une

empreinte sociale. La solution de ces difficultés renvoie au problème général de l'interprétation

de la Constitution dont on dira plus loin quelques mots.

(…)

Présence et avenir de la Constitution

La constitutionnalisation de l'ensemble des branches du droit et « l'appropriation » par

les citoyens des droits que leur reconnaît la Constitution devraient connaître un grand

développement du fait de l'instauration, en 2008, d'une exception d'inconstitutionnalité qui

permet à tout justiciable de soulever devant un juge, à l'occasion d'un litige, l'inconstitutionnalité

de la loi qui lui est appliquée, à charge pour le juge, de saisir de cette question le Conseil d'État

et la Cour de cassation qui, s'ils l'estiment fondée, la soumettront au Conseil constitutionnel qui

pourra le cas échéant abroger la disposition législative contestée.

Sur le plan institutionnel, la Constitution de 1958 qui a fait preuve de sa solidité et de

son efficacité, dans le cadre de configurations politiques variées, a été modernisée et rééquilibrée

par la réforme de 2008, ce qui est peut-être un gage de sa pérennité.

Comme l'écrivait ici, en 1998, Georges Vedel : « Peut-être ce que la Constitution de 1958

a apporté de plus neuf et de plus assuré pour l'avenir, c'est cette " présence " (...). La

Constitution n'est plus alternativement, comme très souvent dans le passé, un majestueux

document philosophique ou un code de la route parlementaire, dans les deux cas étranger au

citoyen et à sa vie personnelle et quotidienne. Elle est descendue parmi les hommes. »

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ÉLÉMENTS À MAÎTRISER POUR LA SÉANCE

- Les origines de la souveraineté

- Les différentes sources et types de la souveraineté (droit divin, nationale, populaire)

- La souveraineté dans la Constitution de la Ve République

- Doc. n°1 - Articles relatifs à l’expression de la souveraineté dans la Constitution de la Ve République

- Doc. n°2 - « Le référendum, un "outil gaulliste" utilisé neuf fois sous la Ve République », Le Monde | 9 fév. 2012, Par Alexandre Lemarié

- Doc n°3 : J-E. Sieyes, Qu’est-ce que le Tiers État, chap. V, Paris, Quadrige/PUF, extraits

EXERCICES

Vous traiterez le sujet de dissertation ci-dessous en veillant bien à définir et maîtriser préalablement les notions suivantes : théories de la souveraineté, souveraineté populaire, souveraineté nationale. Dissertation : La Constitution de la Ve République et les théories de la souveraineté.

THEME N° 3

LA SOUVERAINETÉ AU SERVICE DE LA DÉMOCRATIE

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Document n°1 Articles relatifs à l’expression de la souveraineté dans la Constitution de la Ve République

Préambule

Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004.

En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.

Article 2

La langue de la République est le français.

L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.

L'hymne national est la "Marseillaise".

La devise de la République est "Liberté, Egalité, Fraternité".

Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Article 3

La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum.

Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice.

Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.

Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques.

ARTICLE 11

Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

Lorsque le référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat.

Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.

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Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.

Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.

Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.

Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin.

Lorsque le référendum a conclu à l'adoption du projet ou de la proposition de loi, le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation.

NOTA:

Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 article 46 I : Les articles 11, 13, le dernier alinéa de l'article 25, les articles 34-1, 39, 44, 56, 61-1, 65, 69, 71-1 et 73 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques nécessaires à leur application.

Article 53

Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient les dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi.

Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés.

Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées.

Article 72-1

La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l'exercice du droit de pétition, demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa compétence.

Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité.

Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi.

Article 88-5

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Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République. Toutefois, par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l'adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 89.

NOTA:

Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008, art. 2 : le présent article entrera en vigueur à compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007. Le traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009.

Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 article 47 III : L'article 88-5 de la Constitution, dans sa rédaction résultant tant de l'article 44 de la présente loi constitutionnelle que du 2° du I du présent article, n'est pas applicable aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004.

Article 89

L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.

Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée nationale.

Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire.

La forme républicaine du Gouvernement

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Document n°2

Le référendum, un "outil gaulliste" utilisé neuf fois sous la Ve République

Le Monde, 9 février 2012, Par Alexandre Lemarié

Nicolas Sarkozy envisage de recourir au référendum, sur des sujets de société, comme le

droit des chômeurs à refuser – ou non – une formation ou un emploi. Il s'intéresse aussi au

droit des étrangers et aimerait faciliter les expulsions en confiant cette tâche à la justice

administrative. C'est ce que le président-candidat, qui pourrait annoncer sa candidature le 16

février, indique dans son entretien au Figaro Magazine à paraître samedi 11 février.

Comment peut-on utiliser cet instrument de démocratie directe ? Quelle expérience M.

Sarkozy a-t-il eu des référendums ? Combien en ont été organisés sous la Ve République ?

Revue de détails.

• Quelle expérience M. Sarkozy a-t-il des référendums ?

C'est un outil que le président de la République n'apprécie guère, précise Arnaud

Leparmentier, le journaliste du Monde qui suit l'Elysée. Et pour cause : lorsqu'il était ministre

de l'intérieur, M. Sarkozy avait essuyé un échec sur le référendum corse de 2003 – une

consultation locale qui prévoyait la fusion des deux départements de l'île. Sur ce sujet, le

président Jacques Chirac s'était assez peu exprimé, laissant le ministre de l'intérieur Sarkozy

en première ligne.

La victoire du "non" avait alors été perçue comme le premier revers politique de M. Sarkozy

à l'intérieur :

Nicolas Sarkozy se rappelle aussi que le référendum national sur le traité constitutionnel

européen en 2005 a laissé la France coupée en deux, celle du non et celle du oui.

• Pourquoi le référendum est-il considéré comme "un outil gaulliste" ?

Le référendum est associé au général de Gaulle car celui-ci y a eu recours à six reprises. Une

première fois le 21 octobre 1945 pour donner une légitimité démocratique à la

reconstruction constitutionnelle de la France. Un nouveau référendum constituant a lieu le

28 septembre 1958 pour poser les bases de la Ve République, précise le site du Conseil

constitutionnel.

Le général de Gaulle a ensuite utilisé cet outil à quatre autres reprises : le 8 janvier 1961 pour

valider sa politique d'autodétermination en Algérie ; le 8 avril 1962 pour l'autoriser à

négocier un traité avec le futur gouvernement algérien ; le 28 octobre 1962 pour établir

l'élection du président de la République au suffrage universel direct ; et une dernière fois, le

27 avril 1969 sur la régionalisation et la réforme du Sénat.

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Tous les référendums de De Gaulle ont été approuvés, sauf le dernier, qui s'est transformé

en scrutin autour du président et l'avait contraint à se démettre de ses fonctions, rappelle le

site Vie-publique.fr.

• Quel est le sens institutionnel d'un référendum ?

Le référendum est avant tout, un instrument de "démocratie directe" car il permet au peuple

d'intervenir directement dans la conduite de la politique nationale ou locale. Cette procédure

de vote permet de consulter directement les électeurs sur une question ou un texte, qui ne

sera adopté qu'en cas de réponse positive, précise le site Vie-publique.fr.

Le président de la République peut organiser un référendum pour deux raisons : faire

adopter une loi ou réviser la Constitution. Dans la pratique, une consultation nationale peut

aussi servir à consacrer la légitimité du chef de l'Etat et de sa majorité. Il s'apparente alors au

plébiscite. C'est le sens qu'a pris le référendum organisé par le général de Gaulle en 1969.

Mais les trois derniers référendums n'ont pas été utilisés de cette manière. Ni François

Mitterrand (en 1992 pour le traité de Maastricht), ni Jacques Chirac (en 2000, pour le

quinquennat, et en 2005, pour le projet de constitution européenne) n'ont lié la poursuite de

leur mandat au résultat de la consultation.

• Combien de référendums ont été organisés sous la Ve République ?

Neuf référendums nationaux ont été organisés sous la Ve République, tous sur décision du

chef de l'Etat. Seules deux consultations ont vu le non l'emporter depuis 1958 : celle du 27

avril 1969 sur la régionalisation et la réforme du Sénat et celle du 29 mai 2005, qui devait

permettre la ratification du traité établissant une constitution pour l'Europe.

Sept autres référendums ont vu le oui l'emporter :

- les trois premiers organisés par le général de Gaulle en janvier 1961, avril 1962 et octobre

1962 ;

- celui du 23 avril 1972 permettant la ratification du traité d'élargissement de la

Communauté économique européenne ;

- celui du 6 novembre 1988 sur le statut de la Nouvelle-Calédonie ;

- celui du 20 septembre 1992 sur le traité de Maastricht ;

- et celui du 24 septembre 2000 instituant le quinquennat.

Huit ont eu lieu, selon la procédure prévue à l'article 11 de la constitution. Seul le

référendum du 24 septembre 2000 sur la réduction du mandat présidentiel à cinq ans a été

organisé en application de l'article 89 du texte constitutionnel.

Alexandre Lemarié

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DOCUMENT N°3

J-E. Sieyes, Qu’est-ce que le Tiers État, chap. V, Paris, Quadrige/PUF, extraits.

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« C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser »

« Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir

arrête le pouvoir »

Montesquieu, De l’esprit des lois, 1748

ÉLÉMENTS À MAITRISER

- Grandes distinctions entre régime parlementaire (séparation souple des pouvoirs) et présidentiel

(séparation rigide des pouvoirs)

- Applications concrètes (régimes américains et anglais en premier lieu).

DOSSIER DOCUMENTAIRE

- Doc n°1 - MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, 1748, extraits.

- Doc n°2 - ROSANVALLON P., « Mieux contrôler l'exécutif, voilà la liberté des modernes ! », Le

Monde, 17 juin 2011.

- Doc n°3 – La séparation des pouvoirs en schémas.

EXERCICES

Après avoir étudié les notions fondamentales et envisagé les questions ci-dessous, vous traiterez le

sujet de dissertation indiqué.

Notions fondamentales: Pouvoir législatif ; Pouvoir exécutif ; Pouvoir judiciaire ; Séparation

des pouvoirs/confusion des pouvoirs ; Séparation souple/séparation stricte ; Régime

parlementaire dualiste/moniste ; Régime présidentiel ; Bipartisme ; Checks and balances ;

Cabinet / Shadow Cabinet

Questions susceptibles d’aider à identifier la problématique :

- Qu’est-ce que la séparation des pouvoirs ?

- Distinguez régime parlementaire et régime présidentiel.

- Comment est assuré l’équilibre du régime présidentiel aux États-Unis ?

- Quelles sont les grandes caractéristiques du régime parlementaire britannique ?

Sujet de dissertation : « Existe-t-il une convergence entre régime parlementaire et régime

présidentiel ? »

THEME N° 4

LA SEPARATION DES POUVOIRS : THEORIE (S)

ET APPLICATIONS HISTORIQUES

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Doc. 1 – Montesquieu, De l’esprit des lois, 1748, Livre XI chapitre IV, (extraits)

La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n’est

pas toujours dans les États modérés. Elle n’y est que lorsqu’on n’abuse pas du pouvoir : mais

c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va

jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! La vertu même a besoin de limites.

Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le

pouvoir arrête le pouvoir. Une Constitution peut être telle, que personne ne sera contraint de

faire les choses auxquelles la loi ne l’oblige pas, et à ne point faire celles que la loi lui permet.

Il y a, dans chaque Etat, trois sortes de pouvoirs ; la puissance législative, la puissance

exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui

dépendent du droit civil.

Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et

corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou

reçoit des ambassades, établit la sureté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les

crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger ;

et l’autre, simplement la puissance exécutrice de l’Etat.

La liberté politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de

l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et, pour qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement

soit tel, qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen.

Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance

législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre

que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques, pour les exécuter

tyranniquement.

Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance

législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la

liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance

exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur.

Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux ou des nobles,

ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui d’exécuter les

résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.

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Doc. 2 – Rosanvallon Pierre, « Mieux contrôler l'exécutif, voilà la liberté des modernes !

», Le Monde, 17 juin 2011

La séparation des pouvoirs : il n'y a pas de notion plus célébrée. Mais il n'en est guère

d'aussi confuse. Dès 1789, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen notait en son

article 16 qu'une société dans laquelle la séparation des pouvoirs n'était pas garantie "n'a point

de Constitution". Deux siècles plus tard, la quasi-totalité des Constitutions adoptées dans les

pays de l'ex-bloc soviétique reprenaient presque mot à mot le même énoncé.

Mais, dans les faits, nul n'a pourtant jamais envisagé que les trois pouvoirs exécutif,

judiciaire et législatif - puisque c'est d'eux qu'il s'agissait - puissent fonctionner de façon

vraiment autonome. Derrière le terme de séparation, c'est en fait plutôt l'idée d'un équilibre,

d'une balance des pouvoirs que l'on avait envisagée.

Paradoxe : ce sont les régimes les moins démocratiques qui ont entendu s'appuyer au XIXe

siècle sur l'expression de "séparation des pouvoirs", en sacralisant par exemple l'indépendance

du pouvoir exécutif pour le mettre à l'abri de toute velléité de contrôle parlementaire. Cela a été

le cas du Second Empire en France.

Mais concentrons-nous sur le présent. En posant deux questions : avons-nous besoin

d'une séparation ou d'un équilibre des pouvoirs ? Et si oui, selon quelles modalités ? Notons en

préambule que la vieille tripartition n'a plus aucun sens. Dans toutes les sociétés modernes, il n'y

a partout qu'un seul pouvoir dirigeant : le pouvoir exécutif. C'est à lui que reviennent les

initiatives et les décisions essentielles. Le pouvoir législatif n'a, selon des modalités différentes

dans les autres pays, qu'une capacité limitée de contrôler, de contraindre, voire de censurer

l'exécutif. Quant au pouvoir judiciaire, il n'existe plus depuis longtemps en tant que tel.

La notion n'avait de sens que lorsque le système judiciaire participait de l'exercice de la

volonté politique et avait une fonction législative, ou même exécutive avant que ne se mette en

place un Etat administratif. Son activité étant dorénavant contentieuse, c'est d'autorité judiciaire

qu'il convient de parler. Le terme de séparation des pouvoirs selon l'ancienne tripartition n'a

donc plus de consistance.

Mais il n'en est pas moins plus nécessaire que jamais de contrecarrer la tendance

permanente du pouvoir en général (exécutif) à s'exercer sans contrepoids et à se présenter

comme seul légitime. Contre cette double prétention, il est nécessaire de reformuler les termes

d'une nouvelle architecture des pouvoirs. Mais plus que d'une séparation ou d'une balance de

ceux-ci, c'est en termes de complication, de démultiplication et de distinction des fonctions et

des formes démocratiques qu'il faut raisonner.

Il faut d'abord démultiplier les modes d'expression de la volonté générale. Le pouvoir

politique tire sa légitimité de l'élection. Mais celle-ci mêle deux dimensions distinctes : un

principe de justification et une technique de dérision. Le problème est que les deux éléments ne

sont pas de même nature. Si la décision de majorité s'impose techniquement, elle n'épuise pas

l'idée d'une légitimation renvoyant à un consensus social plus large. D'où la nécessité d'autres

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institutions démocratiques qui s'appuient sur des mises en forme différentes du réquisit de

généralité.

C'est le cas des institutions identifiées aux principes d'impartialité (les autorités

indépendantes, la justice) et de réflexivité (les cours constitutionnelles exprimant le peuple-

principe dans la durée). Doit ainsi être considéré comme démocratique un système qui mêle ces

trois formes concurrentes et complémentaires d'expression de la volonté générale.

Il s'agit en second lieu de séparer fonctionnellement action et contrôle, c'est-à-dire aussi

gouvernement et opposition. Le monde moderne nécessite des pouvoirs forts et réactifs. Mais

ceux-ci doivent être en permanence contrôlés, leurs projets et leurs décisions soumis à la

discussion, leurs actions évaluées et critiquées. Il ne s'agit pas tant là de séparer des pouvoirs

que de distinguer des positions. L'essentiel est notamment en ce sens de donner à l'opposition

tous les moyens nécessaires pour qu'elle joue son rôle de stimulation et de contestation.

Dans une perspective américaine, on pourrait dire que son rôle est de jouer le rôle du procureur

de la société mettant en accusation le pouvoir exécutif. Sur un mode différent, c'est aussi le rôle

du Parlement qui devrait être un autre "grand surveillant" du pouvoir, comme celui de groupes

citoyens ou de la presse.

Démultiplier les modes d'expression de la volonté générale et différencier les fonctions

également nécessaires du gouvernement et de l'opposition, donc. Mais à côté d'un nouvel

agencement de ces différents pouvoirs, il s'agit aussi d'enrichir les modes d'expression des

citoyens, de tendre à améliorer le système représentatif en l'élargissant. Il faut aller au-delà de la

représentation-élection, structurellement centrale, mais partielle et intermittente.

En donnant une voix au long terme, mais également aux expressions immédiates du

sentiment social autant qu'aux visages changeants de l'opinion. La perspective doit être là d'aller

vers une représentation généralisée. Simultanément, c'est le régime de la décision qui doit être

reconsidéré. Si la décision définit l'exercice d'une souveraineté, elle doit de plus en plus s'insérer

dans un processus public, structuré et permanent de délibération.

L'objectif est dorénavant de compliquer la démocratie pour l'accomplir, plus que de

séparer des pouvoirs. Compliquer ne signifie pas affaiblir, condamner à l'impuissance, mais

contraindre en permanence à l'explication, à la reddition de compte, à l'évaluation et au

contrôle. Compliquer veut aussi dire donner son congé à l'idée d'une démocratie simple et

immédiate.

Les intérêts du pouvoir et ceux de la société se lient de cette façon : pour être fort, un

pouvoir devra être plus démocratique. Cette exigence est spécialement appelée en France, le

pays qui n'a cessé d'osciller dans son histoire entre démocratie illibérale et libéralisme

antidémocratique.

Doc n°3 – La séparation des pouvoirs en schémas

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THEME N°5

LES EXPERIENCES CONSTITUTIONNELLES NOUVELLES

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ET L’ÉMERGENCE DU PARLEMENTARISME (1791-1870)

ELEMENTS A MAITRISER

- Les grandes dates de l’histoire constitutionnelle de la France et les successions des régimes

- La naissance du régime parlementaire

- Les grandes caractéristiques institutionnelles des régimes politiques de la période considérée

DOCUMENTS

FOURNIS

- Doc n°1 Convocation des Etats généraux, serment du Jeu de paume.

- Doc n°2: Frise chronologique de l’histoire constitutionnelle de la France

- Doc n°3 : Discours de Victor Hugo du 31 mai 1850 en faveur du suffrage universel

- Doc n°4 : Constitution de 1791 - 3 et 4 septembre 1791 (Extraits)

- Doc n°5 : Sacre de Napoléon à Notre-Dame de Paris

- Doc n°6 – Le vote de l’adresse des 221 du 16 mars 1830

À CONSULTER

- Les Constitutions de la France, Site internet du Conseil constitutionnel :

• Constitution de l'An I –Convention - 24 juin 1793

• Constitution de l'An III - Directoire - 5 fructidor An III, 22 août 1795

• Constitution de l'An VIII - Consulat - 22 frimaire An VIII, 13 décembre 1799

• Constitution de l'An XII - Empire - 28 floréal An XII, 18 mai 1804

• Charte de 1814 - 1ère Restauration - 4 juin 1814

• Charte de 1830, monarchie de Juillet - 14 août 1830

• Constitution de 1848, IIe République - 4 novembre 1848

• Constitution de 1852, Second Empire - 14 janvier 1852

EXERCICES

1- Quel est l’intérêt d’étudier l’histoire constitutionnelle de la France dans un cours de

droit constitutionnel ?

2- Relevez les erreurs qui se sont glissées dans les frises de l’histoire constitutionnelle (doc.

2).

3- En vous appuyant directement sur le contenu de chacune des constitutions concernées,

veuillez distinguer, dans le tableau prévu à cet effet, dans chacun des grands régimes

politiques français de 1789 à 1875, la manière dont a été prévue la séparation des

pouvoirs (forme du pouvoir exécutif, forme du pouvoir législatif, type de séparation des

pouvoirs).

QUESTION 1 – TABLEAU A COMPLETER

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CONSTITUTION FORME DU POUVOIR EXECUTIF

FORME DU POUVOIR LEGISLATIF

TYPE DE SEPARATION DES POUVOIR (Souple,

rigide, mixte)

Constitution des 3 et 4 septembre 1791- Monarchie constitutionnelle

Constitution de l’an I -

Convention

Constitution de l’an III -

Directoire

Constitution de l’an VIII- Consulat

Constitution de l’an XII – Ier

Empire

Constitution de 1814 –

Restauration

Constitution de 1830 – Monarchie

de Juillet

Constitution de 1848 – IIe

République

Constitution de 1852 – IInd

Empire

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DOC. N°1

a- Lettre de convocation des États généraux à Versailles

« De par le Roi,

Notre amé et féal.(i.e. aimé et fidèle). Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets pour

Nous aider à surmonter toutes les difficultés où Nous Nous trouvons, relativement à l’état de nos

finances, et pour établir, suivant nos vœux, un ordre constant et invariable dans toutes les parties du

gouvernement qui intéressent le bonheur de nos sujets et la prospérité de notre royaume. Ces

grands motifs Nous ont déterminé à convoquer l’assemblée des États de toutes les provinces de

notre obéissance, tant pour Nous conseiller et Nous assister dans toutes les choses qui seront mises

sous ses yeux, que pour Nous faire connaître les souhaits et les doléances de nos peuples, de

manière que par une mutuelle confiance et par un amour réciproque entre le souverain et ses sujets,

il soit apporté le plus promptement possible un remède efficace aux maux de l’État, et que les abus

de tous genres soient réformés et prévenus par de bons et solides moyens qui assurent la félicité

publique (i.e. bonheur et prospérité) et qui nous rendent, à Nous particulièrement, le calme et la

tranquillité dont Nous sommes privé depuis si longtemps. A ces causes, Nous vous avertissons et

signifions que notre volonté est de recommencer à tenir les États libres et généraux de notre

royaume, au lundi 27 avril prochain, en notre ville de Versailles, où nous entendons et désirons que

se trouvent aucuns des plus notables personnages de chaque province, bailliage et sénéchaussée.

Donnée à Versailles, le 24 janvier 1789. »

b- Serment du jeu de Paume

« L’Assemblée nationale, considérant qu’appelée à fixer la constitution du royaume, opérer la

régénération de l’ordre public et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut

empêcher qu’elle continue ses délibérations dans quelque lieu qu’elle soit forcée de s’établir, et

qu’enfin, partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale ;

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Arrête que tous les membres de cette assemblée prêteront, à l’instant, serment solennel de ne jamais

se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la

Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides, et que ledit serment

étant prêté, tous les membres et chacun d’eux en particulier confirmeront, par leur signature, cette

résolution inébranlable.

Lecture faite de l’arrêté, M. le Président a demandé pour lui et pour ses secrétaires à prêter le

serment les premiers, ce qu’ils ont fait à l’instant ; ensuite l’assemblée a prêté le même serment entre

les mains de son Président. Et aussitôt l’appel des Bailliages, Sénéchaussées, Provinces et Villes a été

fait suivant l’ordre alphabétique, et chacun des membres * présents [en marge] en répondant à l’appel,

s’est approché du Bureau et a signé.

[en marge] * M. le Président ayant rendu compte à l’assemblée que le Bureau de vérification avait

été unanimement d’avis de l’admission provisoire de douze députés de S. Domingue, l’assemblée

nationale a décidé que les dits députés seraient admis provisoirement, ce dont ils ont témoigné leur

vive reconnaissance ; en conséquence ils ont prêté le serment, et ont été admis à signer l’arrêté.

Après les signatures données par les Députés, quelques-uns de MM. les Députés, dont les titres ne

sont pas [….] jugés, MM. les Suppléants se sont présentés, et ont demandé qu’il leur fût donc

permis d’adhérer à l’arrêté pris par l’assemblée, et à apposer leur signature, ce qui leur ayant été

accordé par l’assemblée, ils ont signé.

M. le Président a averti au nom de l’assemblée le comité concernant les subsistances de l’assemblée

dès demain chez l’ancien des membres qui le composent. L’assemblée a arrêté que le procès-verbal

de ce jour sera imprimé par l’imprimeur de l’assemblée nationale.

La séance a été continuée à lundi vingt-deux de ce mois en la salle et à l’heure ordinaires ; M. le

Président et ses

et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée

antérieurement au délit, et légalement appliquée.

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DOC N°2

Frise chronologique de l’histoire constitutionnelle de la France

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DOC. N°3 – Discours de Victor Hugo du 31 mai 1850 en faveur du suffrage universel

Messieurs, la révolution de février, et, pour ma part, puisqu’elle semble vaincue, puisqu’elle est

calomniée, je chercherai toutes les occasions de la glorifier dans ce qu’elle a fait de magnanime et de

beau (Très bien ! très bien !), la révolution de février avait eu deux magnifiques pensées. La première, je

vous la rappelais l’autre jour, ce fut de monter jusqu’aux sommets de l’ordre politique et d’en

arracher la peine de mort ; la seconde, ce fut d’élever subitement les plus humbles régions de l’ordre

social au niveau des plus hautes et d’y installer la souveraineté.

Double et pacifique victoire du progrès qui, d’une part, relevait l’humanité, qui, d’autre part,

constituait le peuple, qui emplissait de lumière en même temps le monde politique et le monde

social, et qui les régénérait et les consolidait tous deux à la fois : l’un par la clémence, l’autre par

l’égalité. (Bravo ! à gauche.)

Messieurs, le grand acte, tout ensemble politique et chrétien, par lequel la révolution de Février fit

pénétrer son principe jusque dans les racines mêmes de l’ordre social, fut l’établissement du suffrage

universel : fait capital, fait immense, événement considérable qui introduisit dans l’État un élément

nouveau, irrévocable, définitif. Remarquez-en, messieurs, toute la portée. Certes, ce fut une grand-

chose de reconnaître le droit de tous, de composer l’autorité universelle de la somme des libertés

individuelles, de dissoudre ce qui restait des castes dans l’unité auguste d’une souveraineté

commune, et d’emplir du même peuple tous les compartiments du vieux monde social ; certes, cela

fut grand ; mais, messieurs, c’est surtout dans son action sur les classes qualifiées jusqu’alors classes

inférieures qu’éclate la beauté du suffrage universel. (Rires ironiques à droite)

Messieurs, vos rires me contraignent d’y insister. Oui, le merveilleux côté du suffrage universel, le

côté efficace, le côté politique, le côté profond, ce ne fut pas de lever le bizarre interdit électoral qui

pesait, sans qu’on pût deviner pourquoi, mais c’était la sagesse des grands hommes d’État de ce

temps-là (On rit à gauche), - qui sont les mêmes que ceux de ce temps ci… – (Nouveaux rires approbatifs

à gauche) ; ce ne fut pas, dis-je, de lever le bizarre interdit électoral qui pesait sur une partie de ce

qu’on nommait la classe moyenne, et même de ce qu’on nommait la classe élevée ; ce ne fut pas de

restituer son droit à l’homme qui était avocat, médecin, lettré, administrateur, officier, professeur,

prêtre, magistrat, et qui n’était pas électeur ; à l’homme qui était juré, et qui n’était pas électeur ; à

l’homme qui était membre de l’Institut, et qui n’était pas électeur ; à l’homme qui était pair de

France, et qui n’était pas électeur ; non, le côté merveilleux, je le répète, le côté profond, efficace,

politique, du suffrage universel, ce fut d’aller chercher dans les régions douloureuses de la société,

dans les bas-fonds, comme vous dites, l’être courbé sous le poids des négations sociales, l’être

froissé qui, jusqu’alors, n’avait eu d’autre espoir que la révolte, et de lui apporter l’espérance sous

une autre forme (Très bien), et de lui dire : Vote ! ne te bats plus. (Mouvement.) Ce fut de rendre sa

part de souveraineté à celui qui jusque-là n’avait eu que sa part de souffrance !...

Ce fut d’aborder dans ses ténèbres matérielles et morales l’infortuné qui, dans les extrémités de sa

détresse, n’avait d’autre arme, d’autre défense, d’autre ressource que la violence, et de lui retirer la

violence, et de lui remettre dans les mains, à la place de la violence, le droit ! (Bravos prolongés.) Oui, la

grande sagesse de cette révolution de février qui, prenant pour base de la politique l’Évangile, (À

droite : Quelle impiété !) institua le suffrage universel ; sa grande sagesse, et en même temps sa grande

justice, ce ne fut pas seulement de confondre et de dignifier dans l’exercice du même pouvoir

souverain le bourgeois et le prolétaire ; ce fut d’aller chercher dans l’accablement, dans le

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délaissement, dans l’abandon, dans cet abaissement qui conseille si mal, l’homme de désespoir, et de

lui dire : Espère ! l’homme de colère, et de lui dire : Raisonne ! le mendiant, comme on l’appelle, le

vagabond, comme on l’appelle, le pauvre, l’indigent, le déshérité, le malheureux, le misérable,

comme on l’appelle, et de le sacrer citoyen ! (Acclamation à gauche.)

Voyez, Messieurs, comme ce qui est profondément juste est toujours en même temps profondément politique : le suffrage universel, en donnant un bulletin à ceux qui souffrent, leur ôte le fusil. En leur donnant la puissance, il leur donne le calme. Tout ce qui grandit l’homme l’apaise.(Mouvement.)

Le suffrage universel dit à tous, et je ne connais pas de plus admirable formule de la paix publique : Soyez tranquilles, vous êtes souverains. (Sensation.)

DOC. N°4 – Extrait de la Constitution de 1791

TITRE III - Des pouvoirs publics

Article 1. - La Souveraineté est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la

Nation ; aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s'en attribuer l'exercice.

Article 2. - La Nation, de qui seule émanent tous les Pouvoirs, ne peut les exercer que par

délégation. - La Constitution française est représentative : les représentants sont le Corps législatif et

le roi.

Article 3. - Le Pouvoir législatif est délégué à une Assemblée nationale composée de représentants

temporaires, librement élus par le peuple, pour être exercé par elle, avec la sanction du roi, de la

manière qui sera déterminée ci-après.

Article 4. - Le Gouvernement est monarchique : le Pouvoir exécutif est délégué au roi, pour être

exercé sous son autorité, par des ministres et autres agents responsables, de la manière qui sera

déterminée ci-après.

Article 5. - Le Pouvoir Judiciaire est délégué à des juges élus à temps par le peuple.

CHAPITRE PREMIER - DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE

Article 1. - L'Assemblée nationale formant le corps législatif est permanente, et n'est composée que

d'une Chambre.

Article 2. - Elle sera formée tous les deux ans par de nouvelles élections. - Chaque période de deux

années formera une législature.

Article 3. - Les dispositions de l'article précédent n'auront pas lieu à l'égard du prochain Corps

législatif, dont les pouvoirs cesseront le dernier jour d'avril 1793.

Article 4. - Le renouvellement du Corps législatif se fera de plein droit.

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Article 5. - Le Corps législatif ne pourra être dissous par le roi.

(…)

Section première. - De la Royauté et du roi.

Article 1.. - La Royauté est indivisible, et déléguée héréditairement à la race régnante de mâle en

mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. -

(Rien n'est préjugé sur l'effet des renonciations, dans la race actuellement régnante.)

Article 2. - La personne du roi est inviolable et sacrée ; son seul titre est Roi des Français.

Article 3. - Il n'y a point en France d'autorité supérieure à celle de la loi. Le roi ne règne que par

elle, et ce n'est qu'au nom de la loi qu'il peut exiger l'obéissance.

Article 4. - Le roi, à son avènement au trône, ou dès qu'il aura atteint sa majorité, prêtera à la

Nation, en présence du Corps législatif, le serment d'être fidèle à la Nation et à la loi, d'employer tout le

pouvoir qui lui est délégué, à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale constituante, aux années

1789, 1790 et 1791, et à faire exécuter les lois. - Si le Corps législatif n'est pas assemblée, le roi fera

publier une proclamation, dans laquelle seront exprimés ce serment et la promesse de la réitérer

aussitôt que le Corps législatif sera réuni.

(…)

Section IV. - Des ministres.

Article 1. - Au roi seul appartiennent le choix et la révocation des ministres.

Article 2. - Les membres de l'Assemblée nationale actuelle et des législatures suivantes, les membres

du Tribunal de cassation, et ceux qui serviront dans le haut-juré, ne pourront être promus au

ministère, ni recevoir aucunes places, dons, pensions, traitements, ou commissions du Pouvoir

exécutif ou de ses agents, pendant la durée de leurs fonctions, ni pendant deux ans après en avoir

cessé l'exercice. - Il en sera de même de ceux qui seront seulement inscrits sur la liste du haut-juré,

pendant tout le temps que durera leur inscription.

Article 3. - Nul ne peut entrer en exercice d'aucun emploi, soit dans les bureaux du ministère, soit

dans ceux des régies ou administrations des revenus publics, ni en général d'aucun emploi à la

nomination du Pouvoir exécutif, sans prêter le serment civique, ou sans justifier qu'il l'a prêté.

Article 4. - Aucun ordre du roi ne pourra être exécuté, s'il n'est signé par lui et contresigné par le

ministre ou l'ordonnateur du département.

Article 5. - Les ministres sont responsables de tous les délits par eux commis contre la sûreté

nationale et la Constitution ; - De tout attentat à la propriété et à la liberté individuelle ; - De toute

dissipation des deniers destinés aux dépenses de leur département.

Article 6. - En aucun cas, l'ordre du roi, verbal ou par écrit, ne peut soustraire un ministre à la

responsabilité.

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Article 7. - Les ministres sont tenus de présenter chaque année au Corps législatif, à l'ouverture de

la session, l'aperçu des dépenses à faire dans leur département, de rendre compte de l'emploi des

sommes qui y étaient destinées, et d'indiquer les abus qui auraient pu s'introduire dans les

différentes parties du gouvernement.

Article 8. - Aucun ministre en place, ou hors de place, ne peut être poursuivi en matière criminelle

pour fait de son administration, sans un décret du Corps législatif

DOC. n°5– Sacre de Napoléon

Serment constitutionnel prononcé par Napoléon Ier lors de la cérémonie de son

sacre, le 2 décembre 1804

"Je jure de maintenir l'intégrité du territoire de la République ; de respecter et de faire

respecter les lois du concordat et la liberté des cultes ; de respecter et faire respecter l'égalité

des droits, la liberté politique et civile, l'irrévocabilité des ventes des biens nationaux ; de ne

lever aucun impôt, de n'établir aucune taxe qu'en vertu de la loi ; de maintenir l'institution de

la légion d'honneur ; de gouverner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire

du peuple français."

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DOC. N°6 – Le vote de l’adresse des 221 du 16 mars 1830

« Sire,

C’est avec une vive reconnaissance que vos fidèles sujets les députés des départements,

réunis, autour de votre trône, ont entendu de votre bouche auguste le témoignage flatteur de

la confiance que vous leur accordez. Heureux de vous inspirer ce sentiment, Sire, ils le

justifient par l’inviolable fidélité dont ils viennent vous renouveler le respectueux hommage ;

ils sauront le justifier encore par le loyal accomplissement de leurs devoirs. […]

Accourus à votre voix de tous les points de votre royaume, nous vous apportons de toutes

parts, Sire, l’hommage d’un peuple fidèle, encore ému de vous avoir vu le plus bienfaisant de

tous au milieu de la bienfaisance universelle, et qui révère en vous le modèle accompli des

plus touchantes vertus. Sire, ce peuple chérit et respecte votre autorité ; quinze ans de paix

et de liberté qu’il doit à votre auguste frère et à vous ont profondément enraciné dans son

cœur la reconnaissance qui l’attache à votre royale famille ; sa raison mûrie par l’expérience

et par la liberté des discussions, lui dit que c’est surtout en matière d’autorité que l’antiquité

de la possession est le plus saint de tous les titres, et que c’est pour son bonheur autant que

pour votre gloire que les siècles ont placé votre trône dans une région inaccessible aux

orages. Sa conviction s’accorde donc avec son devoir pour lui présenter les droits sacrés de

votre couronne comme la plus sûre garantie de ses libertés, et l’intégrité de vos prérogatives,

comme nécessaires à la conservation de ses droits.

Cependant, Sire, au milieu des sentiments unanimes de respect et d'affection dont votre

peuple vous entoure, il se manifeste dans les esprits une vive inquiétude qui trouble la

sécurité dont la France avait commencé à jouir, altère les sources de sa prospérité, et

pourrait, si elle se prolongeait, devenir funeste à son repos. Notre conscience, notre

honneur, la fidélité que nous vous avons jurée, et que nous vous garderons toujours, nous

imposent le devoir de vous en dévoiler la cause.

Sire, la Charte que nous devons à votre auguste prédécesseur, et dont Votre Majesté a la

ferme résolution de consolider le bienfait, consacre, comme un droit, l'intervention du pays

dans la délibération des intérêts publics. Cette intervention devait être, elle est en effet

indirecte, largement mesurée, circonscrite dans des limites exactement tracées, et que nous

ne souffrirons jamais que l'on ose tenter de franchir ; mais elle est positive dans son résultat,

car elle fait du concours permanent des vues politiques de votre gouvernement avec les

vœux de votre peuple la condition indispensable de la marche régulière des affaires

publiques. Sire, notre loyauté, notre dévouement, nous condamnent à vous dire que ce

concours n’existe pas. Une défiance injuste des sentiments et de la raison de la France est

aujourd'hui la pensée fondamentale de l'administration ; votre peuple s'en afflige, parce

qu'elle est injurieuse pour lui ; il s'en inquiète, parce qu'elle est menaçante pour ses libertés.

Cette défiance ne saurait approcher de votre noble cœur. Non, Sire la France ne veut pas

plus de l’anarchie que vous ne voulez du despotisme ; elle est digne que vous ayez foi dans

sa loyauté, comme elle a foi dans vos promesses.

Entre ceux qui méconnaissent une nation si calme, si fidèle, et nous qui, avec une conviction

profonde, venons déposer dans votre sein les douleurs de tout un peuple jaloux de l'estime

et de la confiance de son roi, que la haute sagesse de Votre Majesté prononce ! Ses royales

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prérogatives ont placé dans ses mains les moyens d'assurer entre les pouvoirs de l'État cette

harmonie constitutionnelle, première et nécessaire condition de la force du trône et de la

grandeur de la France. »

Réponse de Charles X :

« Monsieur, j’ai entendu l’adresse que vous me présentez au nom de la Chambre des

députés. J’avais droit de compter sur le concours des deux chambres pour accomplir tout le

bien que je méditais ; mon cœur s’afflige de voir les députés des départements déclarer que,

de leur part, ce concours n’existe pas.

Messieurs, j’ai annoncé mes résolutions dans mon discours d’ouverture de la session. Ces

résolutions sont immuables ; l’intérêt de mon peuple me défend de m’en écarter. Mes

ministres vous feront connaître mes intentions. »

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THEME N°6

L’AFFIRMATION DU RÉGIME PARLEMENTAIRE :

LES IIIe ET IVe RÉPUBLIQUES

ELEMENTS A MAITRISER

- Les grandes dates de l’histoire constitutionnelle française de la période considérée

- Les caractéristiques institutionnelles des régimes des IIIe et IVe Républiques

DOCUMENTS

Document 1 : Les textes constitutifs de la IIIe République

Document 2 : le message présidentiel de Jules Grévy au Parlement

EXERCICES

Question n°1 : A la lecture des lois constitutionnelles de 1875, veuillez qualifier la nature du régime

politique instauré par la IIIe République (parlementaire, présidentiel, mixte ?) en justifiant votre

réponse.

Question n°2 : Pourquoi l’amendement Wallon est-il entré dans l’histoire ?

Question n°3 : Après avoir rappelé dans quel contexte politique intervient le message du Président

Grévy au Parlement, expliquez la portée de ce message et ses conséquences historiques.

Question n°4 : En conclusion et au vu de la pratique de la IIIe République, quelle est la véritable

nature du régime politique le plus long de l’histoire républicaine de la France ?

Question n°5 : Quelles sont les justifications de l’échec de la IVe République ?

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DOC. 1 : Les textes constitutifs de la IIIe République

a- Adoption de l'amendement Wallon par l'Assemblée nationale - Séance du 30

janvier 1875 (Journal officiel du 31 janvier 1875, page 827)- Suite de la 2e

délibération sur les projets de fois relatifs à l'organisation des pouvoirs publics

(extraits)

M. Henri Wallon : « Cela dit, je viens à l'objet de mon amendement. Loin d'ébranler la loi du 20

novembre 1873, mon amendement a, au contraire, pour but de la compléter et de l'affermir. Qu'a

voulu la loi du 20 novembre ? Elle a voulu donner la stabilité au pouvoir, et la sécurité au pays. La

sécurité du pays !... Cette sécurité sera complète, sans doute, tant que le pays aura à sa tête le loyal et

vaillant maréchal duc de Magenta... (Légères rumeurs sur quelques bancs à gauche); mais pour que

cette sécurité dure, il ne faut pas dire que le régime que vous avez établi ne durera que sept ans,

comme l'a dit la commission. Sept ans de sécurité pour le pays, c'est beaucoup sans doute ; mais

quand vous dites que cela ne durera que sept ans, il semble que ce ne soit plus rien ; quand vous

marquez un terme, il semble qu'on y touche. (Approbation à gauche). »

M. le marquis de Franclieu : « C'est pour cela que la royauté est indispensable ! »

M. le général baron de Chabaud La Tour, ministre de l'intérieur : « Alors, c'est la République

définitive que vous voulez ! Dites-le franchement ! »

M. Henri Wallon : « Dire que le provisoire durera sept ans, ce n'est pas faire cesser le malaise,

c'est le faire durer. (Nouvelle approbation à gauche.) … Le projet de la commission, c'était

l'organisation du provisoire ; eh bien, le pays est las du provisoire. (Très bien ! très bien ! à gauche.)

M. le ministre de l'intérieur : « Si vous voulez voter la République définitive, dites-le ! »

M. Henri Wallon : « Oui ! l'empire, c'est la guerre. Le premier empire est né de la guerre, a vécu

par la guerre, et est tombé par la guerre. Il est né, il a vécu et il est tombé glorieusement. Le second

empire avait dit : l’empire, c'est la paix ! Mais comme il ne s'était établi qu'en violant son serment, il

n'a pas tenu davantage sa parole. (Très bien ! Bravos à gauche.) Il a troublé l'Europe pour faire

diversion aux questions intérieures ; il a maudit les traités de 1815 et il est arrivé à faire établir

autour de nous des frontières tout autrement menaçantes. (Approbation à gauche.) Il est tombé par

la guerre et je ne veux pas rappeler dans quels désastres. Quant au troisième empire, s’il y avait un

troisième empire, il se présenterait assurément avec un langage tout pacifique et, j'ajoute, avec des

intentions pacifiques ; mais il ne serait pas plutôt établi qu'il verrait se dresser devant lui l'opposition

qui lui crierait : Qu'as-tu fait de l'Alsace et de la Lorraine ? (Bravos à gauche.) Devant ce spectre de

nos provinces mutilées et pour échapper à ce cri vengeur, il se jetterait follement dans la revanche,

et il consommerait la ruine de la France. (Très bien ! très bien ! à gauche.). C’est l'intérêt de la

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France même qui veut savoir sous quel régime elle doit vivre ; c'est notre intérêt aussi comme

représentation nationale.

Nous sommes des constituants, nous avons promis de ne point nous séparer sans donner une

constitution à la France. Quel est le propre d'une constitution ? C'est, que plus on avance, plus la

confiance s'accroît par le fait même de sa durée. Ici, au contraire, à mesure même qu'on avancerait,

la confiance irait diminuant, car à mesure qu'on avancerait on approcherait du terme où tout serait

remis en question, où les pouvoirs du Président de la République cesseraient, et où on ne saurait ce

que deviendrait la Constitution de la France. (Assentiment à gauche.) Il faut donc sortir du

provisoire. Mais comment ?

Je ne connais, messieurs, que trois formes de gouvernement : la monarchie, la république,

l'empire. L'empire, personne n'a osé vous proposer de le voter. La monarchie est-elle possible ? …

Je n'en veux pas juger par moi-même, mais j'en juge par l'opinion de ceux qu'on peut regarder

comme les plus fidèles et les plus dévoués défenseurs de la monarchie.

Si la monarchie était possible en novembre 1873, pourquoi l'honorable M. Lucien Brun et ses amis

ont-ils voté la loi du 20 novembre ? Si la monarchie est possible aujourd'hui pourquoi l'honorable

M. de Carayon La Tour a-t-il demandé qu'on ne passait point à une deuxième délibération sur la loi

que nous discutons aujourd'hui ? C'était le moment, au contraire, de venir proposer la monarchie,

d'exposer son programme et de voir si l'Assemblée était en disposition de l'accepter. (Très bien !

très bien ! à gauche.) Le vote de la loi du 20 novembre 1873 par les royalistes est la preuve qu'ils ne

croyaient pas la monarchie possible de longtemps. Si l'on pensait qu'elle sera plus possible à

l'échéance du 20 novembre 1880, je dis que c'est une erreur profonde. Ceux-là seuls seront prêts

alors qui sont prêts aujourd'hui, et leurs chances seront accrues de toutes celles que vous aurez

perdues en vous obstinant à maintenir le pays dans le provisoire. (Marques d'approbation à gauche.)

Mais, dira-t-on, vous proclamez donc la république ?

Messieurs, je ne proclame rien... (Exclamations et rires à droite) , je ne proclame rien, je prends

ce qui est. (Très bien ! très bien ! sur plusieurs bancs à gauche.) J'appelle les choses par leur nom ; je

les prends sous le nom que vous avez accepté, que vous acceptez encore... (Très bien ! à gauche. -

Rumeurs à droite), et je veux faire que ce Gouvernement qui est, dure tant que vous ne trouverez

pas quelque chose de mieux à faire. Mais, dira-t-on, vous n'en faites pas moins la république ! A cela

je réponds tout simplement : Si la république ne convient pas à la France, la plus sûre manière d'en

finir avec elle, c'est de la faire. (Exclamations et rires ironiques à droite.) A l'heure qu'il est, la

république prend pour elle toutes les bonnes valeurs ; et s'il y a quelque mauvais billet, c'est le parti

monarchique qui l'endosse. Si l'emprunt réussit d'une manière prodigieuse, c'est que nous sommes

en République. (Dénégations sur plusieurs bancs à droite.)

Eh bien, je demande que la République ait la responsabilité complète de ce qui arrive. Je lui

souhaite les meilleures chances, et je suis décidé à faire qu'elle les ait les meilleures possible. Je crois,

messieurs, que c'est là le devoir de tout bon citoyen.

Dans la situation où est la France, il faut que nous sacrifiions nos préférences, nos théories.

Nous n'avons pas le choix. Nous trouvons une forme de Gouvernement, il faut la prendre telle

qu'elle est ; il faut la faire durer. Je dis que c'est le devoir de tout bon citoyen. J'ajoute, au risque

d'avoir l'air de soutenir un paradoxe, que c'est l'intérêt même du parti monarchique.

En effet ou la République s'affermira avec votre concours et donnera à la France le moyen de se

relever et de recouvrer sa prospérité, de reprendre sa place dans le monde, et alors vous ne pourrez

que vous réjouir du bien auquel vous aurez contribué ; ou bien votre concours même sera

insuffisant ; on trouvera qu'il n'y a pas assez de stabilité dans le pouvoir, que les affaires ne

reprennent pas, et alors, après une épreuve loyale, le pays reconnaissant des sacrifices d'opinion que

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vous aurez fait, du concours que vous aurez apporté à la chose publique, sera plus disposé à suivre

vos idées, et ce jour là vous trouverez le concours de ceux qui, aujourd'hui, ont une autre opinion,

mais qui, éclairés par l'expérience et voulant comme nous, avant tout, le bien du pays, vous aideront

à faire ce que le pays réclame. Ma conclusion, messieurs, c'est qu'il faut sortir du provisoire. Si la

monarchie est possible, si vous pouvez montrer qu'elle est acceptable, proposez-la. (Très bien ! à

gauche.) … Mais il ne dépend pas malheureusement de vous, ici présents, de la rendre acceptable.

… Je vous dis : Constituez le gouvernement qui se trouve maintenant établi et qui est le

gouvernement de la république. …

Je ne vous demande pas de le déclarer définitif. Qu'est-ce qui est définitif ? Mais ne le déclarez

pas non plus provisoire. Faites Un Gouvernement qui ait en lui les moyens de vivre et de se

continuer, qui ait aussi en lui les moyens de se transformer, si le besoin du pays le demande, de se

transformer, non pas à une date fixe comme le 20 novembre 1880, mais alors que le besoin du pays

le demandera, ni plus tôt ni plus tard. Voilà, messieurs, quel était l'objet de mon amendement. »

M. le président : « Je donne de nouveau lecture de l'amendement de M. Wallon, avec la

modification que M. Wallon y a apportée et qu'il a indiquée à la tribune : Le Président de la

République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés,

réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. »

M. le président : « Voici le résultat du dépouillement du scrutin, vérifié par MM. les secrétaires :

Nombre des votants.......... 705

Majorité absolue............... 353

Pour l'adoption............................... 353

Contre........................................... 352

L'Assemblée nationale a adopté. »

b- Décret du 17 février 1871

L'Assemblée nationale, dépositaire de l'autorité souveraine, Considérant qu'il importe, en

attendant qu'il soit statué sur les institutions de la France, de pourvoir immédiatement aux

nécessités du gouvernement et à la conduite des négociations,

Décrète : M. Thiers est nommé chef du pouvoir exécutif de la République française ; il exercera ses

fonctions, sous l'autorité de l'Assemblée nationale, avec le concours des ministres qu'il aura choisis

et qu'il présidera.

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c- Loi du 31 août 1871 [constitution Rivet]

L'Assemblée nationale, Considérant qu'elle a le droit d'user du pouvoir constituant, attribut

essentiel de la souveraineté dont elle est investie, et que les devoirs impérieux que tout d'abord elle a

dû s'imposer, et qui sont encore loin d'être accomplis, l'ont seuls empêchée jusqu'ici d'user de ce

pouvoir ;

Considérant que, jusqu'à l'établissement des institutions définitives du pays, il importe aux besoins

du travail, aux intérêts du commerce, au développement de l'industrie, que nos institutions

provisoires prennent, aux yeux de tous, sinon cette stabilité qui est l'oeuvre du temps, du moins

celle que peuvent assurer l'accord des volontés et l'apaisement des partis ;

Considérant qu'un nouveau titre, une appellation plus précise, sans rien changer au fond des choses,

peut avoir cet effet de mettre mieux en évidence l'intention de l'Assemblée de continuer

franchement l'essai loyal commencé à Bordeaux ;

Que la prorogation des fonctions conférées au chef du pouvoir exécutif, limitée désormais à la

durée des travaux de l'Assemblée, dégage ces fonctions de ce qu'elles semblent avoir d'instable et de

précaire, sans que les droits souverains de l'Assemblée en souffrent la moindre atteinte, puisque

dans tous les cas la décision suprême appartient à l'Assemblée, et qu'un ensemble de garanties

nouvelles vient assurer le maintien de ces principes parlementaires, tout à la fois la sauvegarde et

l'honneur du pays ;

Prenant, d'ailleurs, en considération les services éminents rendus au pays par M. Thiers depuis six

mois et les garanties que présente la durée du pouvoir qu'il tient de l'Assemblée ;

Décrète : Article premier.

Le chef du pouvoir exécutif prendra le titre de président de la République française, et continuera

d'exercer, sous l'autorité de l'Assemblée nationale, tant qu'elle n'aura pas terminé ses travaux, les

fonctions qui lui ont été déléguées par décret du 17 février 1871.

Article 2.

Le président de la République promulgue les lois dès qu'elles lui sont transmises par le président

de l'Assemblée nationale.

Il assure et surveille l'exécution des lois.

Il réside au lieu où siège l'Assemblée.

Il est entendu par l'Assemblée nationale toutes les fois qu'il le croit nécessaire, et après avoir

informé de son intention le président de l'Assemblée.

Il nomme et révoque les ministres. Le conseil des ministres et les ministres sont responsables

devant l'Assemblée.

Chacun des actes du président de la République doit être contresigné par un ministre.

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Article 3.

Le président de la République est responsable devant l'Assemblée.

[ J.O. du 3 septembre 1971]

d- Loi du 13 mars 1873 [constitution de Broglie]

L'Assemblée nationale,

Réservant dans son intégrité le pouvoir constituant qui lui appartient, mais voulant apporter des

améliorations aux attributions des pouvoirs publics,

Décrète : Article premier.

La loi du 31 août 1871 est modifiée ainsi qu'il suit :

Le président de la République communique avec l'Assemblée par des messages qui, à l'exception de

ceux par lesquels s'ouvrent les sessions, sont lus à la tribune par un ministre.

Néanmoins, il sera entendu par l'Assemblée dans la discussion des lois, lorsqu'il le jugera nécessaire,

et après l'avoir informée de son intention par un message.

La discussion à l'occasion de laquelle le président de la République veut prendre la parole est

suspendue après la réception du message, et le président sera entendu le lendemain, à moins qu'un

vote spécial ne décide qu'il le sera le même jour. La séance est levée après qu'il a été entendu, et la

discussion n'est reprise qu'à une séance ultérieure. La délibération a lieu hors la présence du

président de la République.

Article 2.

Le président de la République promulgue les lois déclarées urgentes dans les trois jours, et les lois

non urgentes dans le mois après le vote de l'Assemblée.

Dans le délai de trois jours, lorsqu'il s'agira d'une loi non soumise à trois lectures, le président de la

République aura le droit de demander, par un message motivé, une nouvelle délibération.

Pour les lois soumises à la formalité des trois lectures, le président de la République aura le droit,

après la seconde, de demander que la mise à l'ordre du jour pour la troisième lecture ne soit fixée

qu'après le délai de deux mois.

Article 3.

Les dispositions de l'article précédent ne s'appliqueront pas aux actes par lesquels l'Assemblée

nationale exercera le pouvoir constituant qu'elle s'est réservé dans le préambule de la présente loi.

Article 4.

Les interpellations ne peuvent être adressées qu'aux ministres et non au président de la République.

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Lorsque les interpellations adressées aux ministres ou les pétitions envoyées à l'Assemblée se

rapportent aux affaires extérieures, le président de la République aura le droit d'être entendu.

Lorsque ces interpellations ou ces pétitions auront trait à la politique intérieure, les ministres

répondront seuls des actes qui les concernent. Néanmoins, si par une délibération spéciale,

communiquée à l'Assemblée avant l'ouverture de la discussion par le vice-président du conseil des

ministres, le conseil déclare que les questions soulevées se rattachent à la politique générale du

gouvernement et engagent ainsi la responsabilité du président de la République, le président aura le

droit d'être entendu dans les formes déterminées par l'article 1er

Après avoir entendu le vice-président du conseil, l'Assemblée fixe le jour de la discussion.

Article 5.

L'Assemblée nationale ne se séparera pas avant d'avoir statué :

1° sur l'organisation et le mode de transmission des pouvoirs législatif et exécutif ;

2° sur la création et les attributions d'une seconde chambre ne devant entrer en fonctions qu'après

la séparation de l'Assemblée actuelle ;

3° sur la loi électorale.

Le gouvernement soumettra à l'Assemblée des projets de loi sur les objets ci-dessus énumérés.

e- Loi du 20 novembre 1873 [loi du septennat]

Article premier.

Le pouvoir exécutif est confié pour sept ans au maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta, à partir

de la promulgation de la présente loi ; ce pouvoir continuera à être exercé avec le titre de président

de la République et dans les conditions actuelles jusqu'aux modifications qui pourraient y être

apportées par les lois constitutionnelles.

Article 2.

Dans les trois jours qui suivront la promulgation de la présente loi, une commission de trente

membres sera nommée en séance publique et au scrutin de liste, pour l'examen des lois

constitutionnelles.

f- Extraits des lois constitutionnelles de 1875

Loi du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs

Article 1. - Le pouvoir législatif s'exerce par deux assemblées : la Chambre des députés et le Sénat. -

La Chambre des Députés est nommée par le suffrage universel, dans les conditions déterminées par

la loi électorale. - La composition, le mode de nomination et les attributions du Sénat seront réglés

par une loi spéciale.

Article 2. - Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et

par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est

rééligible.

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Article 3. - Le président de la République a l'initiative des lois, concurremment avec les membres

des deux chambres. Il promulgue les lois lorsqu'elles ont été votées par les deux chambres ; il en

surveille et en assure l'exécution. - Il a le droit de faire grâce ; les amnisties ne peuvent être

accordées que par une loi. - Il dispose de la force armée. - Il nomme à tous les emplois civils et

militaires. - Il préside aux solennités nationales ; les envoyés et les ambassadeurs des puissances

étrangères sont accrédités auprès de lui. - Chacun des actes du président de la République doit être

contresigné par un ministre.

Article 4. - Au fur et à mesure des vacances qui se produiront à partir de la promulgation de la

présente loi, le président de la République nomme, en Conseil des ministres, les conseillers d'Etat en

service ordinaire. - Les conseillers d'Etat ainsi nommés ne pourront être révoqués que par décret

rendu en Conseil des ministres. - Les conseillers d'Etat nommés en vertu de la loi du 24 mai 1872

ne pourront, jusqu'à l'expiration de leurs pouvoirs, être révoqués que dans la forme déterminée par

cette loi. - Après la séparation de l'Assemblée nationale, la révocation ne pourra être prononcée que

par une résolution du Sénat.

Article 5. - Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre

des députés avant l'expiration légale de son mandat. - En ce cas, les collèges électoraux sont

convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois.

Article 6. - Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique

générale du Gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. - Le Président de la

République n'est responsable que dans le cas de haute trahison.

Article 7. - En cas de vacance par décès ou pour toute autre cause, les deux chambres procèdent

immédiatement à l'élection d'un nouveau Président. - Dans l'intervalle, le Conseil des ministres est

investi du pouvoir exécutif.

Article 8. - Les chambres auront le droit, par délibérations séparées prises dans chacune à la

majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la République, de

déclarer qu'il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles. - Après que chacune des deux chambres

aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée nationale pour procéder à la révision. -

Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être

prises à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. - Toutefois, pendant la

durée des pouvoirs conférés par la loi du 20 novembre 1873 à M. le maréchal de Mac-Mahon, cette

révision ne peut avoir lieu que sur proposition du Président de la République.

Article 9. - Le siège du pouvoir exécutif et des deux chambres est à Versailles.

Loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics

Article 1. - Le Sénat et la Chambre des députés se réunissent chaque année le second mardi de

janvier, à moins d'une convocation antérieure faite par le Président de la République. - Les deux

chambres doivent être réunies en session cinq mois au moins chaque année. La session de l'une

commence et finit en même temps que celle de l'autre. - Le dimanche qui suivra la rentrée, des

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prières publiques seront adressées à Dieu dans les églises et dans les temples pour appeler son

secours sur les travaux des assemblées.

Article 2. - Le Président de la République prononce la clôture de la session. Il a le droit de

convoquer extraordinairement les chambres. Il devra les convoquer si la demande en est faite, dans

l'intervalle des sessions, par la majorité absolue des membres composant chaque chambre. - Le

Président peut ajourner les chambres. Toutefois, l'ajournement ne peut excéder le terme d'un mois

ni avoir lieu plus de deux fois dans la même session.

Article 3. - Un mois avant le terme légal des pouvoirs du Président de la République, les chambres

devront être réunies en Assemblée nationale pour procéder à l'élection du nouveau Président. - A

défaut de convocation, cette réunion aurait lieu de plein droit le quinzième jour avant l'expiration de

ces pouvoirs. - En cas de décès ou de démission du Président de la République, les deux chambres

se réunissent immédiatement et de plein droit. - Dans le cas où, par application de l'article 5 de la loi

du 25 février 1875, la Chambre des députés se trouverait dissoute au moment où la présidence de la

République deviendrait vacante, les collèges électoraux seraient convoqués, et le Sénat se réunirait

de plein droit.

Article 4. - Toute assemblée de l'une des deux chambres qui serait tenue hors du temps de la session

commune est illicite et nulle de plein droit, sauf le cas prévu par l'article précédent et celui où le

Sénat est réuni comme Cour de justice ; et, dans ce dernier cas, il ne peut exercer que des fonctions

judiciaires.

Article 5. - Les séances du Sénat et celles de la Chambre des députés sont publiques. - Néanmoins,

chaque chambre peut se former en comité secret, sur la demande d'un certain nombre de ses

membres, fixé par le règlement. - Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être

reprise en public sur le même sujet.

Article 6. - Le Président de la République communique avec les chambres par des messages qui sont

lus à la tribune par un ministre. - Les ministres ont leur entrée dans les deux chambres et doivent

être entendus quand ils le demandent. Ils peuvent se faire assister par des commissaires désignés,

pour la discussion d'un projet de loi déterminé, par décret du Président de la République.

Article 7. - Le Président de la République promulgue les lois dans le mois qui suit la transmission au

Gouvernement de la loi définitivement adoptée. Il doit promulguer dans les trois jours les lois dont

la promulgation, par un vote exprès de l'une et l'autre chambres, aura été déclarée urgente. - Dans le

délai fixé par la promulgation, le Président de la République peut, par un message motivé, demander

aux deux chambres une nouvelle délibération qui ne peut être refusée.

Article 8. - Le Président de la République négocie et ratifie les traités. Il en donne connaissance aux

Chambres aussitôt que l'intérêt et la sûreté de l'Etat le permettent. - Les traités de paix, de

commerce, les traités qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes

et au droit de propriété des Français à l'étranger, ne sont définitifs qu'après avoir été votés par les

deux chambres. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en

vertu d'une loi.

Article 9. - Le Président de la République ne peut déclarer la guerre sans l'assentiment préalable des

deux chambres.

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Article 10. - Chacune des chambres est juge de l'éligibilité de ses membres et de la régularité de

l'élection ; elle peut, seule, recevoir leur démission.

Article 11. - Le bureau de chacune des deux chambres est élu chaque année pour la durée de la

session, et pour toute session extraordinaire qui aurait lieu avant la session ordinaire de l'année

suivante. - Lorsque les deux chambres se réunissent en Assemblée nationale, leur bureau se

compose du président, des vice-présidents et secrétaires du Sénat.

Article 12. - Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par la Chambre des

députés, et ne peut être jugé que par le Sénat. - Les ministres peuvent être mis en accusation par la

Chambre des députés pour crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions. En ce cas, ils sont

jugés par le Sénat. - Le Sénat peut être constitué en Cour de justice par un décret du Président de la

République, rendu en Conseil des ministres, pour juger toute personne prévenue d'attentat contre la

sûreté de l'Etat. - Si l'instruction est commencée par la justice ordinaire, le décret de convocation du

Sénat peut être rendu jusqu'à l'arrêt de renvoi. - Une loi déterminera le mode de procéder pour

l'accusation, l'instruction et le jugement.

Article 13. - Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut être poursuivi ou recherché à

l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions.

Article 14. - Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut, pendant la durée de la session,

être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de la chambre

dont il fait partie, sauf le cas de flagrant délit. - La détention ou la poursuite d'un membre de l'une

ou de l'autre chambre est suspendue pendant la session, et pour toute sa durée, si la chambre le

requiert.

DOC. 2 : Message présidentiel de Jules Grévy aux députés le 6 février 1879

« Messieurs les députés,

L’assemblée nationale, en m’élevant à la présidence de la République m’a imposé de grands

devoirs. Je m’appliquerai sans relâche à les accomplir, avec le concours du Sénat et de la Chambre

des députés.

Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte

contre la volonté nationale, (applaudissements et bravo), contre la volonté nationale exprimée par

ses organes constitutionnels (applaudissements). …

C’est par cette politique que les grands pouvoirs de la République, toujours unis, toujours

animés du même esprit, marchant toujours avec sagesse, feront porter ses fruits naturels au

gouvernement que la France, instruite par ses malheurs, s’est donné comme seul qui puisse assurer

son repos et travailler utilement au développement de sa prospérité, de sa force et de sa grandeur. »