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ANNEE UNIVERSITAIRE 2011-2012 DROIT des Contrats spéciaux Principaux contrats d’entreprise Cours de Mme Martine BARBIER Objectifs pédagogiques : Etudier le régime juridique des principaux contrats qui peuvent être conclus par une entreprise avec ses partenaires. Connaître et comprendre les principales clauses insérées dans chaque type de contrat afin de prévoir les difficultés liées à leur application. Bibliographie : - Pour une approche synthétique de la matière, on consultera notamment : Béatrice Bourdelois : Les contrats spéciaux, Mémentos Dalloz, 2ème éd.2011 C.Lisanti : Les contrats spéciaux, Hachette supérieur, 2011 G. Vermelle : Les contrats spéciaux, Mémento Dalloz, 5 ème éd.2006 - Pour une approche plus complète, voir les manuels suivants : P. Puig : Contrats spéciaux, Dalloz 4 ème éd. 2011 A. Benabent : Contrats spéciaux civils et commerciaux, Montchrestien coll. Précis Domat, 9 ème éd. 2011 F. Collart Dutilleul et Ph. Delebecque : Contrats civils et commerciaux, Dalloz, Précis,9 ème éd. 2011. D. Mainguy : Les contrats spéciaux,Dalloz, 7 ème éd.2010 P-H Antonmattei et J.Raynard : Les contrats spéciaux, Litec, 6 ème éd.2008 J.Huet : Les principaux contrats spéciaux, LGDJ 2 ème éd. 2001

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ANNEE UNIVERSITAIRE 2011-2012

DROIT

des Contrats spéciaux Principaux contrats d’entreprise

Cours de Mme Martine BARBIER

Objectifs pédagogiques :

Etudier le régime juridique des principaux contrats qui peuvent être conclus par une entreprise avec

ses partenaires. Connaître et comprendre les principales clauses insérées dans chaque type de contrat

afin de prévoir les difficultés liées à leur application.

Bibliographie :

- Pour une approche synthétique de la matière, on consultera notamment :

Béatrice Bourdelois : Les contrats spéciaux, Mémentos Dalloz, 2ème éd.2011

C.Lisanti : Les contrats spéciaux, Hachette supérieur, 2011

G. Vermelle : Les contrats spéciaux, Mémento Dalloz, 5ème éd.2006

- Pour une approche plus complète, voir les manuels suivants :

P. Puig : Contrats spéciaux, Dalloz 4ème éd. 2011

A. Benabent : Contrats spéciaux civils et commerciaux, Montchrestien coll. Précis

Domat, 9ème éd. 2011

F. Collart Dutilleul et Ph. Delebecque : Contrats civils et commerciaux, Dalloz,

Précis,9ème éd. 2011.

D. Mainguy : Les contrats spéciaux,Dalloz, 7ème éd.2010

P-H Antonmattei et J.Raynard : Les contrats spéciaux, Litec, 6ème éd.2008

J.Huet : Les principaux contrats spéciaux, LGDJ 2ème éd. 2001

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SEANCE 1

INTRODUCTION

Le cours sur les principaux contrats d’entreprise, que nous débutons aujourd’hui, pourrait plus

justement s’intituler « cours sur les contrats spéciaux » :

- Tout d’abord, parce que la notion de contrat d’entreprise est restrictive et ne concerne

stricto sensu, que les contrats dits de louage d’ouvrage ou d’industrie, comme nous aurons

l’occasion de le voir plus avant ;

- Ensuite, parce que si nous voulons nous intéresser aux principaux contrats qu’une personne

morale, une entreprise, est susceptible de conclure, nous devons élargir notre champ

d’investigation.

Alors, qu’appelle-t-on, en droit, « contrats spéciaux » ? Sont-ils des contrats particuliers, comme

leur intitulé le laisse supposer, qui dérogent au droit commun des contrats ? ou présentent-ils un

caractère marginal ?

En réalité, les contrats spéciaux sont les contrats les plus courants. Notre univers quotidien est

d’ailleurs peuplé de contrats spéciaux.

En fait, le droit des contrats spéciaux n’est pas un droit à part, il s’appuie largement sur le droit

commun des contrats, qu’il adapte, par des règles spécifiques, propres à chaque espèce ou catégorie.

Nous allons donc tenter de cerner la notion de contrats spéciaux (§1), puis nous rechercherons les

principales sources (§2) qui alimentent ces contrats.

§1 Notion de contrats spéciaux

La notion de contrats spéciaux peut être dégagée à partir de l’article 1107 CC, qui stipule :

« Les contrats, soit qu’ils aient une dénomination propre, soit qu’ils n’en aient pas, sont soumis à

des règles générales, qui sont l’objet du présent titre. Les règles particulières à certains contrats sont

établies sous les titres relatifs à chacun d’eux, et les règles particulières aux transactions

commerciales sont établies par les lois relatives au commerce ».

Que faut –il retenir de l’ article 1107 CC?

A- Il instaure une distinction entre contrats nommés et contrats innommés

1. On appelle « contrats nommés », les contrats auquel la loi a donné un nom et qu’elle a, en

conséquence, spécialement prévus et règlementés. Ils sont nombreux. On citera

notamment :

- le contrat de vente (Titre VI, art. 1582 à 1701 du CC),

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- le louage ( Titre VIII du CC), qui se distingue en sous-catégories :

le louage de choses régi par le code civil ( art. 1713 à 1778 et 1800 à 1831) ou

réglementés spécifiquement par la loi concernant des baux spéciaux ( ex : bail

commercial dont les articles sont regroupés dans le code du commerce,…),

le louage d’industrie ( art. 1780 et 1781 CC) qui se prolonge par le louage d’ouvrage

(art. 1782 à 1799 CC), appelé plus communément contrat d’entreprise,

puis le louage de services désigné plus généralement sous l’appellation de contrat de

travail ( dont l’essentiel des dispositions est regroupé dans le code du travail)

La liste de ces contrats nommés est longue. Il conviendrait d’ajouter aussi le contrat d’association

(Loi du 1er juillet 1901), le contrat d’assurance, les contrats de distribution …..

Même incomplète, cette liste démontre la multiplicité et la diversité des contrats nommés. Pour la

plupart, ils constituent des contrats spéciaux, précisément réglementés, voire souvent de manière

impérative, en particulier lorsqu’ils mettent en présence des cocontractants qui ne sont pas placés

sous un plan égalitaire.

2. En revanche, parce que le principe de la liberté contractuelle suppose la possibilité de

conclure n’importe quel contrat, en sus des contrats nommés, l’article 1107 CC laisse une

place aux contrats innommés qui sont ceux, que la loi n’a pas réglementés, même si

parfois la pratique leur donne un nom (exemples : contrat d’hôtellerie, de «parking »,…).

Au demeurant, il faut souligner que les contrats innommés ont naturellement vocation à devenir

des contrats nommés, en particulier du fait du juge. En effet, concernant les contrats innommés, on

se réfère, en principe, aux règles que les cocontractants ont adoptées dans leur convention. Mais,

des différends sont susceptibles de naître sur les règles applicables. Dans ce cas, le juge pourra être

saisi et sera amené à qualifier le contrat pour déterminer la règle applicable :

- soit en rapprochant le contrat litigieux d’un contrat nommé ( ex : un contrat d’entretien

d’ascenseur pourra relever de la catégorie de contrat de louage d’ouvrage),

- soit en recherchant le contrat nommé le mieux adapté au contexte considéré ( ex : contrat

de parking pourra être soit un contrat de louage soit un contrat de dépôt). Il faut noter que le

juge n’est d’ailleurs pas tenu par la qualification éventuellement donnée au contrat par les

parties, notamment si celle-ci apparaît erronée ou mensongère.

- Enfin, si le contrat ne peut être ramené à aucun contrat connu, il s’agira d’un contrat sui

generis ( du latin « de son propre genre »).

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B- L’article 1107 du CC précise aussi que les contrats nommés comme les

contrats innommés sont soumis aux règles générales du droit des

contrats, mais que des règles particulières sont applicables à certains

d’entre eux.

Ainsi, pour la majorité des contrats nommés, on se référera aux règles spécifiques édictées

essentiellement par la loi. Ce peut être des règles supplétives, qui s’appliquent, à défaut de volonté

contraire exprimée par les parties, ou des règles impératives, qui ne peuvent être écartées par la

volonté des parties.

On constate, depuis quelques années déjà, en raison du développement des contrats dans la

pratique professionnelle et commerciale, un mouvement de nomination et de spécialisation des

contrats, consacré essentiellement par la loi et la jurisprudence.

D’où l’importance de connaître les principales sources du droit des contrats spéciaux .

§2 Les sources des contrats spéciaux

Les règles qui alimentent le droit des contrats spéciaux proviennent essentiellement des normes

internes mais aussi internationales et européennes , et de la jurisprudence. Toutefois, d’autres

sources existent.

A- Les normes internes, internationales et européennes

1. Les normes internes

Le code civil, bien entendu, est la source première. Il réglemente les contrats les plus usuels : la

vente, le mandat, le prêt, le louage, le bail,…. On notera, que dans la catégorie des contrats spéciaux,

il peut y avoir des sous-distinctions (exemples : dans la catégorie contrat de bail et de louage-> bail

commercial, bail d’habitation ; contrat de vente -> ventes particulières).

Depuis l’origine du code civil ( 1804), de nombreux contrats ont été crées par le législateur. Ils n’ont

pas tous été intégrés dans le code civil. Certains ont fait l’objet de codes « compilation », comme le

code des assurances, le code de la consommation, le code de commerce, …

2. Les normes internationales et européennes

Les conventions internationales sont également à l’origine de certains contrats spéciaux. Ainsi,

certaines conventions ont plus spécifiquement tenté de régler les conflits de lois pouvant porter sur

certains contrats spéciaux (ex : Convention de La Haye du 15/06/1955 sur les ventes à caractère

international d’objets mobiliers corporels ; Convention de Vienne du 11/04/1980 sur la vente

internationale de marchandises,…).

Mais, surtout, le droit européen intervient de plus en plus, comme source de règles, en particulier

concernant la vente commerciale et le contrat d’entreprise (ex : directive du 25 mai 1999 sur la vente

et les garanties de biens de consommation, transposée par une ordonnance du 17/02/2005).

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B- La jurisprudence

La jurisprudence exerce ici, comme dans d’autres domaines, un rôle essentiel.

La Cour de cassation exerce, outre une fonction interprétative des textes en vigueur, une fonction

normative, comme par exemples, s’agissant des garanties de vices cachés, de l’obligation de

sécurité, de la détermination des prix, des obligations de moyens et de résultats, …..

C- Les autres influences

1. Les autorités administratives indépendantes

Certains organismes interviennent également pour donner des avis, conseils, décisions,… . Par

exemples, le Conseil de la concurrence devenu l’Autorité de la Concurrence par l’intervention de la

loi du 04/08/2008 de modernisation de l’économie (ex : clauses de non –concurrence, d’exclusivité,

refus de vente…) ou encore, la Commission des clauses abusives, ou la Commission d’examen des

pratiques commerciales ( pour les relations entre producteurs et distributeurs).

2. Les valeurs objectives du droit positif

Certaines valeurs objectives imprègnent le droit des contrats et imposent une certaine

« moralisation » dans les relations contractuelles :

- L’exigence d’égalité et la protection du contractant le plus faible ou du non-professionnel (ex :

droit du travail, droit de la consommation, droit des assurances, ….)

- L’équilibre contractuel ( ex : lutte contre les clauses abusives,…)

- La solidarité contractuelle (obligations d’information et de renseignement, délais de réflexion,

délais de rétractation ….)

Cette présentation du droit des contrats spéciaux ne prétend évidemment pas à l’exhaustivité mais a

pour but de vous donner quelques repères de base.

Présentation du plan du cours

L’étude des contrats spéciaux peut être abordée sous divers angles.

Pour une appréhension la plus claire possible, compte-tenu aussi des objectifs pédagogiques assignés

à ce cours, l’étude sera entreprise selon une classification dite économique, fondée sur l’objet des

contrats spéciaux.

On distinguera donc les contrats spéciaux :

- selon qu’ils portent sur une chose (Partie I). Cette 1ère partie se subdivisera en 2 titres : les

contrats entraînant un transfert de propriété de la chose ( vente et ventes particulières) et les

contrats relatifs à l’usage de la chose (prêts, contrat de bail, bail commercial)

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-ou selon qu’ils portent sur une prestation, un service (Partie II). La 2ème partie traitera plus

particulièrement du contrat d’entreprise (titre I) et du contrat de mandat (titre II).

Mais au préalable, il n’est sans doute pas inutile de procéder, à ce qui pourra constituer, pour

certains d’entre vous, un simple rappel, et pour d’autres, une prise de connaissance : la notion

générale de contrat (Chapitre préliminaire).

CHAPITRE PRELIMINAIRE

Nous étudierons successivement, dans ce chapitre, la notion générale de contrat (Section 1), qui

doit être entendu de façon large, puisqu’elle inclut ce qu’on désigne par avant-contrat (Section 2), et

enfin nous rappellerons les règles générales qui président à la formation de tout contrat (Section 3).

Section 1 : La notion générale de contrat

Art 1101 du CC : Le contrat est « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent

envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou ne pas faire quelque chose ».

Il résulte de cette définition :

- Que le contrat est une convention (du latin convenire, venir ensemble), c'est-à-dire un acte

juridique formé par l’accord de 2 ou plusieurs volontés individuelles, la rencontre de

volontés concordantes ;

- Que sera qualifié de contrat, la convention qui produit un effet juridique, qui crée des

obligations (de donner, faire ou ne pas faire). En conséquence, on peut en déduire que toute

convention ne sera pas forcément un contrat.

§ 1 Les caractéristiques du contrat

Le contrat peut donc être caractérisé comme un accord de volonté ( A ) destiné à créer des

obligations (B ).

A-L’accord de volonté

La volonté contractuelle se manifeste par le consentement de chaque partie à la formation du

contrat. Le consentement désigne aussi la rencontre des 2 volontés, celle du débiteur qui s’oblige et

celle du créancier envers lequel il s’oblige (par opposition à l’acte unilatéral qui émane d’une seule

volonté, tout en pouvant cependant être source d’obligations).

La volonté des parties joue donc un rôle essentiel dans la formation du contrat, en tant que force

d’engagement juridique. Mais, ce rôle se place à l’intérieur des bornes posées par l’ordre juridique.

C’est le sens même de l’article 1134 du code civil : « Les conventions légalement formées tiennent

lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement

mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

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« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » : ce 1er alinéa a

été diversement interprété. La théorie de l’autonomie de la volonté (19ème siècle) donnait la primeur

à la volonté des contractants, comme source créatrice de droit. Puis progressivement, on en est venu

à considérer, que si la volonté des parties est source d’engagements juridiques, elle n’en reste pas

soumise à la loi . Certains des principes qui ont découlé de cette théorie ont d’ailleurs subi, au cours

du temps, de sérieuses atténuations. Ainsi :

- Le principe du consensualisme = « l’accord des volontés se suffit en lui-même sans avoir

besoin de respecter certaines formes à cet accord ». Aujourd’hui, ce principe n’est plus aussi

vrai en raison d’un formalisme accru (forme écrite des contrats, souvent obligatoire, comme

en matière de baux, mentions obligatoires prévues par la loi, règles de publicité, raisons

probatoires,…) ;

- Le principe de la liberté contractuelle qui se traduit par la liberté de contracter ou non, et la

liberté pour les cocontractants de déterminer le contenu du contrat.

Aujourd’hui, même si la liberté de contracter ou non, est toujours essentielle au stade la

formation du contrat, on constate que, la loi impose de plus en plus des obligations de

contracter, notamment dans des buts de protection (exemples : obligation d’assurance,

obligation de vendre sous peine de délit de refus de vente, droit de préemption, obligation de

louer avec le droit au renouvellement du bail,…).

De même, concernant la libre détermination du contenu du contrat, on observe, que de très

nombreux contrats sont réglementés par la loi (exemples : contrat d’assurance, contrat de

louage, contrat de travail,…), souvent de manière impérative, en vue de protéger la partie

réputée la plus faible dans le rapport contractuel. Se développe ainsi, ce qu’on appelle un

ordre public en matière économique et sociale ( exemple : la réglementation des clauses

abusives).

Néanmoins, il faut souligner, qu’au stade de la formation du contrat, la volonté individuelle

continue de jouer un rôle déterminant, en particulier à travers :

- Le principe de l’effet relatif du contrat : on ne peut être engagé que par sa propre volonté,

pas par celle des autres. Il en résulte que n’ayant rien voulu, les tiers au contrat ne peuvent

en principe se retrouver ni créanciers, ni débiteurs, par suite de ce contrat. En revanche, les

contrats sont opposables aux tiers, en tant que faits, ce qui entraîne certaines conséquences,

comme nous le verrons.

- Le principe de l’effet obligatoire du contrat : une partie ne peut pas modifier

unilatéralement le contrat en cause, sauf accord de son cocontractant (art 1134 CC), ou

intervention de la loi.

« Elles doivent être exécutées de bonne foi » : principe de loyauté entre les parties à toutes les étapes

du contrat (formation, exécution, rupture).

Au surplus, pour qu’il y ait contrat, il importe que l’accord des volontés soit générateur d’obligations.

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La création d’obligations est donc la seconde caractéristique du contrat.

B- La création d’obligations

L’article 1101 CC vise les obligations de donner, de faire ou de ne pas faire. Le contrat est donc

source d’obligations définies comme un lien de droit en vertu duquel une personne ( le créancier)

peut exiger d’une autre personne (le débiteur) une action, une prestation ou une abstention.

L’obligation est considérée comme un élément du patrimoine d’une personne. Il faut entendre par

patrimoine, un ensemble composé :

- A l’actif : de droits réels ( portant sur une chose. Ex : droit de propriété sur une chose), de

créances (aspect positif du droit personnel. Ex : la créance du prix dans la vente entre dans

l’actif du patrimoine du vendeur), de droits intellectuels,…

- Au passif : des obligations ou dettes ( aspect négatif du droit personnel. Ex : la dette du prix

dans la vente figure au passif du patrimoine de l’acquéreur)

1. L’article 1101 du code civil propose une distinction des obligations selon la nature de

l’obligation ( donner, faire ou ne pas faire)

L’obligation de donner doit être entendue comme l’obligation de transférer la propriété d’une

chose ( La vente, par exemple, crée à la charge du vendeur une obligation de donner, de transférer la

propriété du bien vendu).

L’obligation de faire est celle par laquelle le débiteur s’engage à accomplir un fait positif, à exécuter

une prestation au profit du créancier (ex : contrat de prestation de service).

Enfin, l’obligation de ne pas faire est celle par laquelle le débiteur promet de s’abstenir d’un fait (ex :

vendeur d’un fonds de commerce s’engageant à ne pas se réinstaller dans le voisinage par une clause

de non-concurrence).

Un même contrat peut évidemment contenir plusieurs types d’obligations.

2. D’autres classifications des obligations sont proposées, notamment :

- La distinction entre obligations de moyens et obligations de résultat . L’obligation est dite

de résultat lorsque le débiteur promet de parvenir à un résultat déterminé (ex :

l’entrepreneur qui s’engage à construire un immeuble). En revanche, l’obligation est de

moyens, lorsque le débiteur s’engage à mettre en œuvre tous les moyens dont il dispose

pour parvenir au résultat considéré, sans promettre cependant d’y parvenir, en raison d’un

aléa (ex : le médecin qui soigne un patient). Cette distinction est particulièrement pertinente

au regard de la responsabilité du débiteur.

- La distinction entre obligations en nature et obligations pécuniaires ( sommes d’argent)

Le contrat n’est cependant pas une figure juridique uniforme, au point qu’on parle, le plus souvent,

« des contrats ». Aussi, est-il apparu utile, d’ordonner la diversité des contrats, en élaborant des

classifications dont l’intérêt est de les regrouper selon leur régime ou leur nature juridique.

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§ 2 Les classifications des contrats

Outre la distinction entre contrats nommés et contrats innommés, plusieurs classifications des

contrats sont utilisées. En réalité, il faut savoir que les contrats ne rentrent rarement, que dans une

seule classification, mais dans plusieurs d’entre elles. Je vous propose les 7 classifications les plus

courantes :

A- Contrats consensuels, solennels, réels :

Certains contrats sont consensuels dès lors qu’ils sont conclus par le seul échange de

consentements des parties, en dehors de tout écrit ou autre formalité. A l’opposé, d’autres contrats

sont dits solennels car ils imposent l’établissement d’un écrit. Parfois, dans un souci de protection

des parties ou des tiers, ou de l’ordre public, la loi exige que le contrat soit établi par acte

authentique devant notaire. Le plus souvent, on se contentera d’un acte sous-seing privé.

Enfin, les contrats réels sont ceux qui se forment, non pas par l’échange des consentements, mais

par le remise de la chose (exemples : le prêt à usage et de consommation, le dépôt, le gage, …). En

fait, dans ces contrats, la remise de la chose est une condition de la formation du contrat et non pas

l’exécution de l’obligation d’une des parties.

B- Contrats de gré à gré et contrats d’adhésion :

Dans le premier cas, les parties peuvent librement discuter du contenu des clauses du contrat.

Dans le second cas, l’une des parties au contrat est dans une position dominante, au point de ne

laisser à l’autre, aucune possibilité de négociation, sinon d’accepter ou de refuser en bloc de

contracter (exemples : contrat de transport, contrat de distribution, …)

C- Contrats individuels et contrats collectifs

D- Contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux :

Le contrat synallagmatique est un contrat par lequel chacune des parties s’engagent

réciproquement envers l’autre (art.1102 du CC).

En revanche, le contrat unilatéral est un contrat par lequel une ou plusieurs parties s’obligent envers

une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières, il y ait engagement (art.1103 du CC). Il

n’y a pas réciprocité.

E- Contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit :

Le contrat à titre onéreux est celui qui assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque

chose (art. 1106 du CC). Tels que le contrat de vente, de louage, le contrat de prestation,….

En revanche, le contrat dans lequel l’une des parties procure à l’autre un avantage purement gratuit,

est dit à titre gratuit ou de bienfaisance (art. 1105 du CC). L’exemple le plus typique est la donation.

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F- Contrats commutatifs et contrats aléatoires (art. 1104 CC) :

Le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à donner ou à faire une chose qui

est regardée comme l’équivalent de ce qu’on lui donne ou de ce qu’on fait pour elle (exemple : vente

d’une chose contre un prix exprimé en capital).

Lorsque l’équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte, pour chacune des parties, d’après

un événement incertain, le contrat est dit aléatoire (exemples : contrat d’assurance, contrat de

viager,…).

G- Contrats instantanés et contrats successifs :

Le contrat instantané est celui dont l’exécution est prévue en une seule fois, ou en un trait de

temps (exemple : la vente au comptant).

Le contrat successif est celui dont l’exécution nécessite l’écoulement du temps ( exemples : le

contrat de louage, le contrat de travail, le contrat d’entreprise, …)

Nous l’avons dit précédemment, la notion de contrat doit être entendue, de façon large. Elle

comprend, en effet, tous les actes que, dans le langage courant, on nomme compromis, avant-

contrat, promesse,… Dans le domaine des affaires, il peut s’agir d’accords de principe, de lettres

d’intention,…

Section 2 : Les avant-contrats

Ces avant-contrats sont de véritables engagements juridiques.

§1-Définition

Les avant-contrats sont des contrats préparatoires à un autre contrat : on les rencontre, très

fréquemment, en matière de vente immobilière, car c’est un domaine où il est difficile, sinon

impossible, de conclure d’emblée le contrat définitif.

Dans l’attente de celui-ci, il sera souvent établi une promesse de contrat qui peut être, selon les cas,

unilatérale ou synallagmatique.

§2 La promesse unilatérale et synallagmatique

A- La promesse unilatérale

C’est un contrat unilatéral par lequel l’un s’engage (le promettant), par exemple à vendre un bien à

un prix déterminé, cependant que l’autre (le bénéficiaire), se réserve de « lever l’option » dans un

certain délai. Cette levée d’option confére au bénéficiaire une faculté d’achat.

Ainsi, seul le premier s’engage, le second étant libre de lever ou non l’option, dans le délai imparti

par le contrat, ou à défaut, dans un délai dit raisonnable. Il faut cependant noter que cette faculté

de lever l’option est le plus souvent assortie d’une clause de dédit, constituée par une « indemnité

d’immobilisation ». Il s’agira alors pour le bénéficiaire de la promesse qui ne lève pas l’option, de

verser au vendeur une certaine somme. C’est en quelque sorte le prix de la promesse unilatérale ou

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encore, la contrepartie indemnitaire des chances perdues par le vendeur de vendre le bien à un

tiers. Par cet élément de réciprocité, le contrat devient alors un contrat synallagmatique de

promesse unilatérale (la nature unilatérale de la promesse ne changeant pas, sauf si l’indemnité est

trop élevée, car dans ce cas, le bénéficiaire n’est pas libre de lever ou non l’option, d’acheter ou de ne

pas acheter par ex).

B- La promesse synallagmatique

Il faut, dans ce cas, une véritable réciprocité des obligations. Par exemple, l’un s’engageant à

vendre, l’autre à acheter. Elle ne se distingue de la vente elle-même, que dans la mesure où, le plus

souvent, le transfert de propriété qui est un effet de la vente, est retardé jusqu’à la réitération de la

vente par acte authentique.

Cette distinction entre promesse unilatérale et synallagmatique est importante. Par exemple, en

matière de vente, l’article 1589 -2 du CC, se référant à l’article 1840 A du CGI, édicte que doit être

constatée par acte authentique ou acte sous-seing privé enregistré dans les 10 jours toute promesse

unilatérale de vente afférente à un immeuble, un fonds de commerce,…à peine de nullité ( à

l’origine, cette disposition cherchait à lutter contre la fraude fiscale, par exemple, des intermédiaires

se faisant consentir une promesse occulte qu’ils cédaient ensuite à l’acquéreur).

Il importe donc de connaitre la nature juridique de la promesse et de vérifier que les formalités

correspondantes ont été effectuées.

§3 Le pacte de préférence

Le pacte de préférence qui est un contrat par lequel une partie (le propriétaire d’un bien) s’engage à

ne pas conclure un contrat déterminé avec un tiers avant de le proposer au bénéficiaire du pacte.

C’est une priorité d’acquisition accordée à une personne. Le débiteur d’un pacte de préférence ne

prend pas l’engagement de vendre, mais seulement de « préférer » telle personne au cas où il

vendrait.

Lorsque le promettant prend la décision de vendre, et que le bénéficiaire du pacte accepte de

conclure le contrat aux conditions posées, le promettant est tenu de conclure avec lui. A défaut, il

engage sa responsabilité contractuelle.

Si le bénéficiaire du pacte refuse, le promettant retrouve toute liberté pour contracter avec un tiers

de son choix.

Ces différents avant- contrats seront revus en détail dans la partie I, Titre I, Chapitre I, le contrat de

vente.