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DROIT DES SOCIÉTÉS ET DROIT DU TRAVAIL Éléments d’actualité concernant les Sociétés par Actions Simplifiées Mars 2010 Y AURAIT-IL INCOMPATIBILITÉ ENTRE LES SAS ET LE DROIT DU TRAVAIL ? Pierre Grenier Avocat au Barreau de Paris Le succès de la Société par Actions Simplifiée ou « SAS » ces dernières années s’explique principalement par sa grande « souplesse » 1 . Certaines règles « générales » du droit des sociétés lui restent applicables 2 . Mais son régime juridique 3 laisse place à une grande « liberté d’organisation ». 1 Instituée par une loi n° 94-1 du 3 janvier 1994, le régime de la SAS a été réformé par la « loi Allègre » du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche, qui lui a donné son plein essor. Quelques retouches ont été réalisées depuis lors : - loi « NRE » (loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques) : régime des décisions collectives des associés et conditions d’approbation des conventions réglementées (conclues entre la société, d’une part, et ses dirigeants ou associés principaux, d’autre part ; - loi « LSF » (loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière) : consacre la possibilité de nommer des directeurs généraux et/ou directeurs généraux délégués en plus du président pour représenter la SAS ; - loi « LME » (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie) : concerne la fixation par les statuts du montant du capital, autorise à émettre des actions inaliénables en rémunération d’apports en industrie, permet dans certains cas de ne pas désigner de commissaire aux comptes, d’opter pour le régime fiscal de l’IR et consolide le régime de la SASU (à associé unique). 2 S’appliquent notamment les dispositions des articles 1832 et suivants du Code civil, L.210-1 à L.210-9, L.224-1, L.224-3, L.228-1 à L.228-106, L.232-1 à L.227-31 du code de commerce et, « dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières » applicables aux SAS (articles L.227-1 et suivants…), les règles concernant les sociétés anonymes (à l’exception des articles L. 224-2, L. 225-17 à L. 225-126, L. 225-243 et du I de l’article L. 233-8) adaptées (les attributions du conseil d’administration ou de son président sont exercées par le président de la SAS ou « celui ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet »)... 3 Le régime juridique des SAS est encadré principalement par les articles L. 227-1 à L. 227-20 et L. 244- 1 à L. 244-4 du code de commerce. Il convient donc de se reporter aux statuts, qui décrivent les organes dirigeants (seule la présence d’un président est obligatoire), leurs prérogatives, les procédures de contrôle des dirigeants, de prise de décision, d’information des associés, etc. La pratique montre que la liberté d’organisation est habituellement utilisée dans les SAS pour mettre en place des structures simples, souples et réactives, dont la gestion est allégée et donc peu coûteuse 4 . Curieusement, cette souplesse encouragée par le législateur se heurte à certaines procédures imposées par le droit du travail par ce même législateur, parfois dans le même texte et sans souci de cohérence ou de sécurité juridique. Or, les explications ou précisions interviennent seulement par touches successives et en soulevant de nouveaux problèmes, parfois en des termes surprenants. 4 Ce n’est pas toujours le cas. Certains fondateurs chercheront au contraire à multiplier « conseils » et « comités ». D’autres dupliquent des structures sociales connues à l’étranger, d’une gestion souvent beaucoup plus complexe et coûteuse que pour des SA ou des SARL de droit français. Pour mettre ces observations en perspective, nous développerons trois exemples (correspondant à des questions souvent posées aux praticiens ces derniers mois), et pour lesquels le degré de certitude actuel est « variable » : - L’information à donner au comité d’entreprise sur le « résultat » de l’entreprise ; - le rôle du comité d’entreprise en l’absence d’assemblée ; - l’opposabilité des pouvoirs des représentants de la société. 1. Une solution claire : La transmission du « résultat » au comité d’entreprise : La question est souvent posée aux praticiens de savoir quand et comment (le cas des entreprises en difficulté étant mis à part) le comité d’entreprise peut ou doit obtenir le montant du « résultat ». De fait, il s’agit d’une information considérée comme particulièrement stratégique, que les entreprises répugnent à

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DROIT DES SOCIÉTÉS ET DROIT DU TRAVAIL Éléments d’actualité concernant les Sociétés par Actions Simplifiées

Mars 2010

Y AURAIT-IL INCOMPATIBILITÉ ENTRE LES SAS ET LE DROIT DU TRAVAIL ?

Pierre GrenierAvocat au Barreau de Paris

Le succès de la Société par Actions Simplifiée ou « SAS » ces dernières années s’explique principalement par sa grande « souplesse »1.

Certaines règles « générales » du droit des sociétés lui restent applicables2.

Mais son régime juridique3 laisse place à une grande « liberté d’organisation ».

1 Instituée par une loi n° 94-1 du 3 janvier 1994, le

régime de la SAS a été réformé par la « loi Allègre » du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche, qui lui a donné son plein essor. Quelques retouches ont été réalisées depuis lors :

- loi « NRE » (loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques) : régime des décisions collectives des associés et conditions d’approbation des conventions réglementées (conclues entre la société, d’une part, et ses dirigeants ou associés principaux, d’autre part ;

- loi « LSF » (loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière) : consacre la possibilité de nommer des directeurs généraux et/ou directeurs généraux délégués en plus du président pour représenter la SAS ;

- loi « LME » (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie) : concerne la fixation par les statuts du montant du capital, autorise à émettre des actions inaliénables en rémunération d’apports en industrie, permet dans certains cas de ne pas désigner de commissaire aux comptes, d’opter pour le régime fiscal de l’IR et consolide le régime de la SASU (à associé unique).

2

S’appliquent notamment les dispositions des articles 1832 et suivants du Code civil, L.210-1 à L.210-9, L.224-1, L.224-3, L.228-1 à L.228-106, L.232-1 à L.227-31 du code de commerce et, « dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières » applicables aux SAS (articles L.227-1 et suivants…), les règles concernant les sociétés anonymes (à l’exception des articles L. 224-2, L. 225-17 à L. 225-126, L. 225-243 et du I de l’article L. 233-8) adaptées (les attributions du conseil d’administration ou de son président sont exercées par le président de la SAS ou « celui ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet »)... 3

Le régime juridique des SAS est encadré principalement par les articles L. 227-1 à L. 227-20 et L. 244-1 à L. 244-4 du code de commerce.

Il convient donc de se reporter aux statuts, qui décrivent les organes dirigeants (seule la présence d’un président est obligatoire), leurs prérogatives, les procédures de contrôle des dirigeants, de prise de décision, d’information des associés, etc.

La pratique montre que la liberté d’organisation est habituellement utilisée dans les SAS pour mettre en place des structures simples, souples et réactives, dont la gestion est allégée et donc peu coûteuse4.

Curieusement, cette souplesse encouragée par le législateur se heurte à certaines procédures imposées par le droit du travail par ce même législateur, parfois dans le même texte et sans souci de cohérence ou de sécurité juridique.

Or, les explications ou précisions interviennent seulement par touches successives et en soulevant de nouveaux problèmes, parfois en des termes surprenants.

4 Ce n’est pas toujours le cas. Certains fondateurs chercheront au contraire à multiplier « conseils » et « comités ». D’autres dupliquent des structures sociales connues à l’étranger, d’une gestion souvent beaucoup plus complexe et coûteuse que pour des SA ou des SARL de droit français.

Pour mettre ces observations en perspective, nous développerons trois exemples (correspondant à des questions souvent posées aux praticiens ces derniers mois), et pour lesquels le degré de certitude actuel est « variable » :

- L’information à donner au comité d’entreprise sur le « résultat » de l’entreprise ;

- le rôle du comité d’entreprise en l’absence d’assemblée ;

- l’opposabilité des pouvoirs des représentants de la société.

1. Une solution claire : La transmission du « résultat » au comité d’entreprise :

La question est souvent posée aux praticiens de savoir quand et comment (le cas des entreprises en difficulté étant mis à part) le comité d’entreprise peut ou doit obtenir le montant du « résultat ».

De fait, il s’agit d’une information considérée comme particulièrement stratégique, que les entreprises répugnent à

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divulguer, y compris au comité,5

mais qui leur est parfois réclamée sur le fondement des attributions économiques de ce comité (art. L.2323-1 et s. du code du travail).

Une incompréhension, d’ordre « terminologique », devrait être écartée facilement.

Il convient de ne pas confondre la « situation économique » de l’entreprise avec son « résultat ».

Le résultat est une notion comptable et/ou fiscale précise.

Il correspondant au résultat des produits et charges et/ou à la variation de l’actif net corrigée pour tenir compte d’opérations affectant les capitaux propres.

Le résultat permet de constater, en fin d’exercice, la réalisation d’un bénéfice ou d’une perte.

Conceptuellement, même si le résultat peut donner un éclairage sur la situation économique de l’entreprise, il ne suffit pas pour décrire cette situation.

À l’inverse, la situation financière d’une entreprise peut être décrite et expliquée sans référence à un résultat, qui peut ne pas avoir pas été calculé et/ou validé à la date considérée.

Du reste, la réglementation fixe le contenu de l’information qui doit être communiquée au comité dans le cadre de ses attributions économiques.

5 La protection de l'information confidentielle acquise

par les salariés et leurs représentants, Marion Del Sol et Carole Lefranc-Hamoniaux, La Semaine Juridique Social n° 52, 23 décembre 2008, 1666.

Force est de constater que ce n’est que dans certains cas seulement que le « résultat » est visé et doit, effectivement, être transmis.Le résultat ne figure pas dans la liste des informations transmises à l’occasion de l’élection du comité.

Au contraire, le montant du bénéfice ou de la perte est communiqué dans le rapport annuel d’ensemble sur la situation économique et les perspectives de l’entreprise pour l’avenir.

En effet, en ligne avec ce qui se pratique depuis de nombreuses années6, l’article L.2323-55 du code du travail (qui reprend une partie de l’ancien article L.432-4 de ce code) précise que « au moins une fois par an , dans les entreprises de trois cents salariés et plus, l'employeur remet au comité d'entreprise un rapport d'ensemble sur la situation économique et les perspectives de l'entreprise pour l'année à venir ».

Le contenu de l’information à transmettre dans ce cadre est déterminé par décret (dans des termes repris aux articles R 2323-8 et suivants du code du travail).

Or l’article R.2323-11 indique à cet égard que « le rapport annuel d'ensemble sur la situation économique et les perspectives de l'entreprise prévu à l'article L. 2323-55 porte sur : 1° L'activité de l'entreprise ; 2° Le chiffre d'affaires ; 3° Les bénéfices ou pertes constatés ; 4° Les résultats globaux de la production en valeur et en volume ; […] ».

6 Ch. Freyria, Le contenu de l’information économique et sociale du comité d’entreprise : in Dr. soc. n° spécial avril 1979, p. 35.

S’agissant des entreprises de moins de 300 salariés, il conviendra de se reporter aux termes de l’article R. 2323-9, qui indique que « le rapport annuel comporte les informations suivantes : [au titre des « données chiffrées » à fournir concernant l’« activité et situation financière de l'entreprise » :] a) Chiffre d'affaires, bénéfices ou pertes constatés […] ».

Ce rapport ne doit pas être confondu avec les autres rapports et/ou informations, de nature économique, susceptibles d’être transmis (évolution générale des commandes, de la situation financière, l’exécution des programmes de production, éventuels délais pris dans le paiement de cotisations, etc.)…

Il est à noter également que l’article L.2323-8 prévoit, pour les sociétés commerciales, que l’employeur communique au comité, avant leur présentation à l’assemblée générale des actionnaires (ou des associés), le rapport des commissaires aux comptes et l’ensemble des documents transmis annuellement à ces assemblées, ce qui vise principalement les comptes annuels (bilan, compte de résultats, annexes) comprenant le « résultat » (stricto sensus), le rapport de gestion, l’ordre du jour et les projets de résolutions sur lesquels l’assemblée doit se prononcer (visant le résultat et comprenant la proposition d’affectation du bénéfice ou de la perte constatée).

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Viennent s’y ajouter, le cas échéant, les documents rétrospectifs, consolidés et/ou prévisionnels que la loi imposerait éventuellement.

On notera que ce même article L.2323-8 du code de travail indique également que « les membres du comité d'entreprise ont droit aux mêmes communications et copies que les actionnaires, aux mêmes époques, dans les conditions prévues par les articles L. 225-100 et suivants du code de commerce. »

Il est important de souligner que ces dispositions, qui visent les droits des actionnaires dans les sociétés anonymes, sont inapplicables aux SAS (l’article L. 227-1 du code de commerce excluant l’application des articles L. 225-17 à L. 225-126 de ce code aux SAS).

Comme le font observer certains commentateurs7 « les dispositions légales sur la SAS sont pratiquement muettes sur l'information » car « en supprimant les articles organisant la société anonyme, l’article L. 227-1 du Code de commerce fait disparaître tout un pan de l’information disponible dans ces sociétés ».

Les associés des SAS doivent donc se reporter aux statuts sociaux en ce qui concerne leur droit d’accès à l’information. En pratique, ils ont accès aux informations qui leur sont indispensables pour se prononcer

7 Michel Germain, Sociétés par Actions Simplifiées, organisation des pouvoirs, fonctionnement, in JCP Sociétés Traité, Fasc. 155-20 (mis à jour au 15 Septembre 2009).

utilement sur les projets de décisions soumises à la collectivité des associés (ce qui vise essentiellement les comptes, les données concernant les opérations sur le capital, etc.). Les statuts peuvent évidemment prévoir des droits d’accès à l’information renforcés. Mais la pratique montre que le droit à l’information des associés de SAS est souvent réduit en terme de contenu, de fréquence et de durée.

Il est important de souligner, pour conclure (la question étant souvent posée dans la pratique), que les articles L.2323-55, R. 2323-9 et 11 ne visent qu’une obligation de transmission « annuelle » , même s’il semble réserver la faculté pour les entreprises employant 300 salariés ou plus d’y procéder à plusieurs reprises (« au moins » une fois par an), l’information faite au titre de l’approbation « annuelle » des comptes n’intervenant, bien évidemment, qu’une fois par an.

2. Une solution à confirmer : les prérogatives du comité d’entreprise en l’absence d’assemblée :

La loi NRE de 2001 a précisé le régime applicable aux « décisions collectives » dans les SAS, les assemblée n’étant pas systématiquement nécessaires.

Cette même loi NRE a élargi les droits du comité d’entreprise et de ses représentants à l’occasion des « assemblées d’actionnaires »…

…mais sans indiquer ce qu’il en serait lorsque la SAS ne tiendrait pas d’assemblée.8

Deux des membres du comité d’entreprise peuvent assister aux assemblées générales (art. L. 2323-67 du code du travail) ou de demander à être entendus lors des délibérations pour lesquelles l’unanimité est requise. Le comité d’entreprise peut d’ailleurs parfois demander en justice la désignation d’un mandataire chargé de convoquer une assemblée générale et demander que des projets de résolution soient portés à l’ordre du jour.

Concrètement, comment ces dispositions pouvaient-elles s’appliquer si la SAS ne tient pas d’assemblée ?

Il a fallu attendre plusieurs années d’incertitude – avec en filigrane un risque de délits d’entrave ! – pour que la loi vienne préciser que « dans les sociétés par actions simplifiées, les statuts précisent l’organe social auprès duquel les délégués du comité d’entreprise exercent les droits » définis aux art. L. 2323-62 à L. 2323-67 du Code du travail.

Il a alors été nécessaire de modifier et d’adapter bon nombre de statuts de SAS.

Dans la pratique actuelle (en tout cas dans les PME-PMI), l’organe devant lequel les délégués du comité d’entreprise exercent

8 Les nouvelles prérogatives du comité d’entreprise lors de la prise de décisions collectives dans les SAS, Alain Theimer, JCP E, n° 49, 4 décembre 2008, 2476.

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leurs droits est souvent le président de la SAS.

Mais c’est rarement le cas dans d’entreprises plus importantes et/ou faisant partie de groupes internationaux.

De nombreuses questions restent encore à confirmer ou clarifier.

A titre d’exemple, qu’en est-il du cas, très courant en pratique, dans lequel les décisions sont prises à l’unanimité et retranscrites dans un acte sous seing privé ?

Doit-on aller contre la liberté (ouverte par le droit des sociétés) et imposer systématiquement la réunion d’assemblées (du fait du droit du travail) afin de permettre aux représentants du comité d’entreprise d’y assister ?

Sur ce point, on considère en pratique que seules les délibérations qui exigent l’unanimité sont concernées par cette question et qu’il suffit par ailleurs de faire en sorte que l’organe « compétent » informe les délégués du comité d’entreprise de la signature d’un acte en leur permettant de s’exprimer, s’ils le souhaitent, pour que les obligations légales soient respectées.

De même, la plupart des praticiens estiment que les délégués du comité d’entreprise n’ont pas à demander l’inscription de projets de résolution à l’ordre du jour lorsque des décisions sont prises et retracées dans un acte sous seing privé.

La situation mériterait néanmoins d’être confirmée.

3. Une situation à clarifier : L’opposabilité des pouvoirs des représentants de la société.

Au sens de l’art. L.227-6 du code de commerce, la SAS est représentée à l’égard des tiers par un président, « investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social ».

Néanmoins, s’alignant avec la pratique, la loi NRE de 2001 a ajouté à cet art. L.227-6 un troisième alinéa disposant que « les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article. »

Il est donc courant dans la pratique de prévoir aux statuts la faculté pour la collectivité des associés de désigner un directeur général ou un directeur général délégué en précisant ses pouvoirs dans les statuts.

S’il en est désigné, il convient de faire enregistrer sa désignation de sorte que mention en soit faite dans l’extrait K-bis de la SAS.

Or, les cours d’appel de Paris et Versailles ont rendu ces derniers mois plusieurs décisions faisant naître des inquiétudes concernant les conditions dans lesquelles des directeurs généraux ou directeurs généraux délégués peuvent exercer leurs pouvoirs de

représentants légaux de la SAS, en tout cas à l’égard des salariés9, suscitant en cela interrogations et critiques.

Certains commentateurs exposent que ces décisions font planer un doute de mauvais aloi sur le fait qu’un licenciement peut être valablement décidé par d’autres représentants légaux que le président d’une SAS, voire sur le fait même que les directeurs généraux ou directeurs généraux délégués des SAS sont des représentants légaux. Une interprétation extrême de ces arrêts suggèreraient que la délégation du pouvoir de licencier en général devrait être autorisé par les statuts pour les SAS et/ou publiée au registre du commerce et des sociétés, ce qui serait rajouter à la loi. Les auteurs soulignent également que la sanction infligée par ces arrêts excède celle consacrée par la jurisprudence de la cour de cassation puisque ces arrêts ont décidé que les licenciements étaient nuls, les salariés concernés pouvant demander leur réintégration.10

La question est actuellement soumise à la sagacité de la Cour de Cassation, dont la position est, évidemment, très attendue.

* **

Ces exemples mettent en exergue les difficultés auxquelles sont confrontées

9 CA Versailles, 24 septembre 2009, CA Paris, 3 et 10

décembre 2009.

10 Dérives jurisprudentielles sur le détenteur du pouvoir de licencier dans une SAS, BRDA 1/10, Commentaires, pp. 9 à 11.

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entreprises et praticiens face à des politiques peu conciliables, mais que leurs responsables ont peut-être estimé nécessaires pour rendre au système juridique français – en perte de vitesse rapide ces dernières décennies – un peu de sa compétitivité dans un environnement international hostile, tout en essayant de préserver et/ou d’améliorer les droits des salariés dans une conjoncture difficile... PG