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QUELS SONT LES POINTS DE SIMILITUDE ET DE DIVERGENCE ENTRE LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DES ENFANTS ET LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS ET DU BIEN-ÊTRE DES ENFANTS ? La CDE que la CADBE sont tous les deux des instruments internationaux travaillant sur les grands principes inhérents à la dignité humaine en général, et à l’enfant en particulier. Dans leurs préambules respectifs, les deux textes sont convenus que chacun « peut se prévaloir de tous les droits et libertés qui y sont énoncés » sans distinction aucune. Ils reconnaissent que l’enfant, « pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité doit grandir dans un milieu familial, dans une atmosphère de bonheur, d’amour et de compréhension », et qu’il a, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux. Si, sur les quatre points de notre exercice, les deux instruments se complètent, la Charte quant à elle tient compte de certaines réalités spécifiques à l’Afrique dans sa façon d’aborder ces aspects. Dans notre développement, nous tenterons de relever les points communs et ceux sur lesquels la CDE et la CADBE divergent. I- Participation L’ensemble des points relatifs à la participation à savoir la liberté d’expression, de pensée, de conscience, de religion, d’association, de réunion pacifique, la liberté de participer pleinement à la vie culturelle et artistique, etc., sont des points communs la CDE et à la CADBE. En effet, la Charte reprend pratiquement à son compte les mêmes dispositions contenues dans la Convention pour ce qui concerne la liberté d’expression, d’association, de pensée, de conscience, de religion, la liberté de faire entendre ses vues dans toute procédure judiciaire ou administrative soit directement, soit par le truchement d’un représentant impartial. Les articles 4 (alinéa 2) et 7 de la Charte correspondent à l’article 12 de la Convention ; l’article 9 de la Charte correspond à l’article 14 de la convention. La CDE consacre beaucoup plus d’articles que la CADBE à la participation et est plus large sur la question dans la définition des politiques concernant l’enfant. Par exemple, dans le cadre de la participation, la Convention entend par la liberté d’expression, à l’article 13 alinéa 1, celle de « rechercher, de recevoir et de répandre des

Droits Des Enfants

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QUELS SONT LES POINTS DE SIMILITUDE ET DE DIVERGENCE ENTRE LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DES ENFANTS ET LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS ET DU BIEN-ÊTRE DES ENFANTS ?

La CDE que la CADBE sont tous les deux des instruments internationaux travaillant sur les grands principes inhérents à la dignité humaine en général, et à l’enfant en particulier. Dans leurs préambules respectifs, les deux textes sont convenus que chacun « peut se prévaloir de tous les droits et libertés qui y sont énoncés » sans distinction aucune. Ils reconnaissent que l’enfant, « pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité doit grandir dans un milieu familial, dans une atmosphère de bonheur, d’amour et de compréhension », et qu’il a, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux. Si, sur les quatre points de notre exercice, les deux instruments se complètent, la Charte quant à elle tient compte de certaines réalités spécifiques à l’Afrique dans sa façon d’aborder ces aspects. Dans notre développement, nous tenterons de relever les points communs et ceux sur lesquels la CDE et la CADBE divergent.

I- Participation

L’ensemble des points relatifs à la participation à savoir la liberté d’expression, de pensée, de conscience, de religion, d’association, de réunion pacifique, la liberté de participer pleinement à la vie culturelle et artistique, etc., sont des points communs la CDE et à la CADBE. En effet, la Charte reprend pratiquement à son compte les mêmes dispositions contenues dans la Convention pour ce qui concerne la liberté d’expression, d’association, de pensée, de conscience, de religion, la liberté de faire entendre ses vues dans toute procédure judiciaire ou administrative soit directement, soit par le truchement d’un représentant impartial. Les articles 4 (alinéa 2) et 7 de la Charte correspondent à l’article 12 de la Convention ; l’article 9 de la Charte correspond à l’article 14 de la convention. La CDE consacre beaucoup plus d’articles que la CADBE à la participation et est plus large sur la question dans la définition des politiques concernant l’enfant. Par exemple, dans le cadre de la participation, la Convention entend par la liberté d’expression, à l’article 13 alinéa 1, celle de « rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant ». C’est là une reconnaissance du droit de l’enfant à l’information et à la libre expression de ses opinions à travers les médias.

Au niveau de la CDE, les dispositions relatives à la participation sont abordées dans les articles 12, 13, 14, 15, 17, 31. La CADBE quant à elle consacre seulement les articles 7, 8, 9 et 12 à la question. La CDE a beaucoup plus mis en exergue la participation que la CADBE.

II- Education

Toutes les deux, la Charte et la Convention reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation et postulent que l’enseignement primaire, (enseigne de base selon l’appellation de la Charte), doit être obligatoire et gratuit. La Charte aborde la question de l’éducation dans son article 11 alors que la Convention lui consacre les articles 28, 29 et 30. Elles se rejoignent pratiquement, lorsqu’elles affirment le but de l’éducation qui est de « favoriser l’épanouissement de la personnalité de

l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ; inculquer à l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies ; inculquer à l’enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne ; préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone ; inculquer à l’enfant le respect du milieu naturel », article 29 pour la Convention et de « promouvoir et développer la personnalité de l’enfant, ses talents ainsi que ses capacités mentales et physiques jusqu’à leur plein épanouissement ; encourager le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment ceux qui sont énoncés dans les dispositions de divers instruments africains relatifs aux droits de l’homme et des peuples et dans les déclarations et convenions internationales sur les droits de l’homme ; préparer l’enfant à mener une vie responsable dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de tolérance, de dialogue, de respect mutuel et d’amitié entre des peuples, et entre les groupes ethniques et les communautés religieuses ; susciter les respect pour l’environnement et les ressources naturelles », article 11 pour la Charte. Mais tenant compte des réalités spécifiques à l’Afrique à savoir certaines pratiques ancestrales et culturelles, son passé colonial et le rêve nourri par les Africains d’une unité du continent, cette dernière ajoute aux objectifs visés par l’éducation des éléments particuliers tels que « la préservation et le renforcement des valeurs morales, traditionnelles et culturelles africaines positives (11-1 c) ; préserver l’indépendance nationale et l’intégrité territoriale (11-1 e) ; promouvoir et instaurer l’unité et la solidarité africaines (11-1 f) ; promouvoir la compréhension des soins de santé primaire par l’enfant (11-1 h) ». En outre, la Charte tient compte de la situation de certaines familles et des filles en Afrique et recommande aux Etats parties de « prendre des mesures spéciales pour veiller à ce que les enfants féminins doués et défavorisés aient un accès égal à l’éducation dans toutes les couches sociales (11-2 e) » et de « [prendre] toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que les filles qui deviennent enceintes avant d’avoir achevé leur éducation aient la possibilité de la poursuivre compte tenu de leurs aptitudes individuelles (11-6) ». De son côté, la Convention, une émanation des Etats des différents continents, met un accent sur la discipline scolaire qui doit être « appliquée d’une manière compatible avec la dignité de l’enfant en tant qu’être humain (28-2) ». C’est là un garde-fou aux châtiments corporels ou autres coups de cravache qui sont admis dans certaines cultures du continent africain comme étant utiles pour mettre l’écolier turbulent sur le "droit chemin". Sans doute la raison pour laquelle la Charte n’en fait pas cas.

Somme toute, la Charte insiste beaucoup plus sur les spécificités africaines (les coutumes et les traditions), la scolarisation des filles, le maintien des filles enceintes à l’école, la prise en charge des soins de santé primaire dans les curricula tandis que la Convention encadre la discipline scolaire afin d’éviter certains excès.

III- Santé

« Tout enfant a le droit de jouir du meilleur état de santé physique, mental et spirituel possible », article 14-1 de la Charte. « Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’accès à ces services », article 24-1 de la Convention. Les deux instruments se rejoignent pratiquement dès l’entame de leurs articles respectifs consacrés à la santé. Dans leur développement, elles abordent sous le même angle les mesures à prendre par les Etats pour réduire la mortalité prénatale et infantile (la Charte), la mortalité parmi les nourrissons (la Convention), la fourniture d’une assistance médicale et des soins de santé nécessaires, en mettant l’accent sur les soins de santé primaires, la lutte contre la maladie et la malnutrition, l’utilisation des techniques appropriées pour la fourniture d’aliments adéquats et d’eau potable, la fourniture de soins prénatals et postnatals, etc. Mais la Charte insiste sur l’implication « des dirigeants et des agents communautaires, l’association des organisations non gouvernementales, des communautés locales et des populations bénéficiaires à la planification et à la gestion des programmes de services de base pour enfants (14-2 i) ». Elle appelle également les Etats à « soutenir, par des moyens techniques et financiers, la mobilisation des ressources des communautés locales en faveur du développement des soins de santé primaires (14-2 j) ». C’est ainsi l’esprit communautaire légendaire du continent africain qui est pris en compte. En revanche, la Convention va un peu plus loin en invitant dans son article 25 les Etats à « [reconnaître] à l’enfant qui a été placé par les autorités compétentes pour recevoir des soins, une protection ou un traitement physique ou mental, le droit à un examen périodique dudit traitement et de toute autre circonstance relative à son placement ». Aussi, dans l’article 26, elle appelle les Etats à reconnaître à tout enfant, le « droit de bénéficier de la sécurité sociale, y compris les assurances sociales, et à prendre les mesures nécessaires pour assurer la réalisation de ce droit (…)» et précise que « les prestations doivent, lorsqu’il y a lieu, être accordées compte tenu des ressources et de la situation de l’enfant et des personnes responsables de son entretien ». Ces derniers points n’ont pas été abordés dans la Charte, sans doute en raison de l’entraide familiale et communautaire propre à l’Afrique et au nom de laquelle l’élevation d’un enfant est une tâche commune à la société dans laquelle vit l’enfant.

IV- Participation

Dans la CDE, les dispositions relatives à la protection sont abordées dans les articles 8, 9, 10, 11, 16, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 27, 30, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40. Tandis que la Charte consacre à la question les articles 5, 10, 15, 16, 17, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29 et 30. Pêle-mêle, et la Convention et la Charte abordent dans leurs articles respectifs et sous le même angle les points relatifs à la protection de l’enfant contre une peine privative de liberté, la peine de mort, toute immixtion dans sa vie privée, sa famille, son foyer ou sa correspondance, la protection contre le travail des enfants, contre l’abus et les mauvais traitements, la protection de la famille, cellule de base de la société, la protection de ses parents, la protection contre les conflits armés, la protection des enfants réfugiés, la protection contre toute adoption abusive qui nuirait à l’intérêt de l’enfant, la protection en cas de séparation temporaire ou définitive des parents, la protection contre l’exploitation sexuelle, contre la consommation de drogue, etc. Cependant, la Charte va plus loin que la Convention lorsqu’elle insiste sur l’éradication des pratiques négatives sociales et culturelles. A ce titre, elle énonce dans son article 21 que « les Etats parties prennent toutes les mesures

appropriées pour abolir les coutumes et les pratiques négatives, culturelles et sociales qui sont au détriment du bien-être, de la dignité, de la croissance et du développement normal de l’enfant en particulier : les coutumes et pratiques préjudiciables à la santé, voire à la vie de l’enfant et les coutumes et pratiques qui constituent une discrimination à l’égard de certains enfants, pour des raisons de sexe ou autres raisons ; les mariages d’enfants et la promesse de jeunes filles et garçons en mariage sont interdits et des mesures effectives, y compris des lois, sont prises pour spécifier que l’âge minimal requis pour le mariage est de 18 ans et pour rendre obligatoire l’enregistrement de tous les mariages dans un registre officiel ». Aussi, mentionne-t-elle la protection contre l’apartheid et la discrimination dans son article 26 et invite les Etats à « s’engager, individuellement ou collectivement, à accorder la plus haute priorité aux besoins spéciaux des enfants qui vivent sous le régime d’apartheid ; et à accorder la plus haute priorité aux besoins spéciaux des enfants qui vivent sous des régimes pratiquant la discrimination raciale, ethnique, religieuse ou toutes autres formes de discrimination ainsi que dans les Etats sujets à la déstabilisation militaire ; à fournir, chaque fois que possible, une assistance matérielle ces enfants et à orienter leurs efforts vers l’élimination de toutes les formes de discrimination et d’apartheid du continent africain ». Enfin, la Charte consacre l’article 30 à la protection des enfants des mères emprisonnées et demandent que les Etats parties « s’engagent à prévoir un traitement spécial pour les femmes enceintes et les mères de nourrissons et de jeunes enfants qui ont été accusées ou jugées coupables d’infraction à la loi pénale et s’engagent en particulier à : veiller à ce qu’une peine autre qu’une peine d’emprisonnement soit d’abord envisagée dans tous les cas lorsqu’une sentence est rendue contre ces mères ; établir et promouvoir des mesures changeant l’emprisonnement en institution pour le traitement de ces mères ; créer des institutions spéciales pour assurer la détention de ces mères ; veiller à interdire qu’une mère soi emprisonnée avec son enfant ; veiller à interdire qu’une sentence de mort soit rendue contre ces mères ; veiller à ce que le système pénitencier ait essentiellement pour but la réforme, la réintégration de la mère au sein de sa famille et la réhabilitation sociale ».