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Du Codex à l'Écran : les trajectoires de l'écrit Roger CHARTIER "Le livre n'exerce plus le pouvoir qui a été le sien, il n'est déjà plus le maure de nos raisonnements ou de nos sentiments face aux nouveaux moyens d'information et de communication dont nous disposons désormais" [1] : cette conclusion d'Henri-Jean Martin constituera le point de départ de ma réflexion. Celle-ci voudrait repérer et désigner les effets d'une révolution redoutée par les uns ou applaudie par les autres, donnée comme inéluctable ou seulement désignée comme possible : à savoir, le bouleversement radical des modalités de production, de transmission et de réception de l'écrit. Dissociés des supports où nous avons l'habitude de les rencontrer (le livre, le journal, le périodique), les textes seraient désormais voués à une existence électronique : composés sur l'ordinateur ou numérisés, convoyés par les procédés télématiques, ils atteignent un lecteur qui les appréhende sur un écran. Pour aborder ce futur (qui est peut-être déjà un présent) où les textes sont détachés de la forme du livre qui s'est imposé en Occident il y a dix-sept ou dix-huit siècles, mon point de vue sera double. Il sera celui d'un historien de la culture écrite, tout particulièrement attentif à nouer dans une même histoire l'étude des textes (canoniques ou ordinaires, littéraires ou sans qualité), celle des supports de leur transmission et dissémination, celle de leurs lectures, de leurs usages, de leurs interprétations. Il sera,

Du Codex à l'Écran : les trajectoires de l'écrit

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Roger Chartier

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Du Codex l'cran : les trajectoires de l'crit

Du Codex l'cran : les trajectoires de l'crit Roger CHARTIER

"Le livre n'exerce plus le pouvoir qui a t le sien, il n'est dj plus le maure de nos raisonnements ou de nos sentiments face aux nouveaux moyens d'information et de communication dont nous disposons dsormais" [1] : cette conclusion d'Henri-Jean Martin constituera le point de dpart de ma rflexion. Celle-ci voudrait reprer et dsigner les effets d'une rvolution redoute par les uns ou applaudie par les autres, donne comme inluctable ou seulement dsigne comme possible : savoir, le bouleversement radical des modalits de production, de transmission et de rception de l'crit. Dissocis des supports o nous avons l'habitude de les rencontrer (le livre, le journal, le priodique), les textes seraient dsormais vous une existence lectronique : composs sur l'ordinateur ou numriss, convoys par les procds tlmatiques, ils atteignent un lecteur qui les apprhende sur un cran.

Pour aborder ce futur (qui est peut-tre dj un prsent) o les textes sont dtachs de la forme du livre qui s'est impos en Occident il y a dix-sept ou dix-huit sicles, mon point de vue sera double. Il sera celui d'un historien de la culture crite, tout particulirement attentif nouer dans une mme histoire l'tude des textes (canoniques ou ordinaires, littraires ou sans qualit), celle des supports de leur transmission et dissmination, celle de leurs lectures, de leurs usages, de leurs interprtations. Il sera, galement, le point de vue de l'un des participants ( un rang modeste) du projet de la Bibliothque de France. L'un des axes essentiels de ce projet est, en effet, la constitution d'un important fonds de textes lectroniques que l'on pourra transmettre distance et qui pourront tre l'objet d'un nouveau type de lecture, rendu possible par le poste de lecture assist par ordinateur.

Ma premire question sera celle-ci : comment situer dans l'histoire longue du livre, de la lecture et des rapports l'crit la rvolution annonce, en fait dj commence, qui fait passer du livre (ou de l'objet crit) tel que nous le connaissons, avec ses cahiers, ses feuillets, ses pages, au texte lectronique et la lecture sur cran ? Il faut pour rpondre cette interrogation distinguer fortement trois registres de mutations dont les relations restent encore tablir. La premire rvolution est technique : elle bouleverse au milieu du XVe sicle les modes de reproduction des textes et de production du livre. Avec les caractres mobiles et la presse imprimer, la copie manuscrite n'est plus la seule ressource disponible pour assurer la multiplication et la circulation des textes. De l, l'accent mis sur ce moment essentiel de l'histoire occidentale, considr comme marquant l'Apparition du livre (c'est l le titre du livre pionnier de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin publi en 1958) [2] ou caractris comme une Printing Revolution (c'est celui de l'ouvrage d'Elizabeth Einsenstein paru en 1983) [3].

Aujourd'hui, l'attention s'est quelque peu dplace, insistant sur les limites de cette premire rvolution. Il est clair, tout d'abord, que dans ses structures essentielles, le livre n'est pas modifi par l'invention de Gutenberg. D'une part, au moins jusque vers 1530, le livre imprim reste fort dpendant du manuscrit : il en imite les mises en page, les critures, les apparences et, surtout, il est considr comme devant tre achev par la main : la main de l'enlumineur qui peint initiales ornes ou histories et miniatures ; la main du correcteur, ou emendator, qui ajoute signes de ponctuation, rubriques et titres ; la main du lecteur qui inscrit sur la page notes et indications marginales [4]. D'autre part, et plus fondamentalement, aprs comme avant Gutenberg, le livre est un objet compos de feuilles plies, runies en cahiers relis les uns aux autres ; en ce sens, la rvolution de l'imprimerie n'est en rien une "apparition du livre". C'est douze ou treize sicles avant la nouvelle technique que le livre occidental trouve la forme qui demeurera la sienne dans la culture de l'imprim.

Un regard jet vers l'est, du ct de la Chine, de la Core, du Japon, est une seconde raison pour rvaluer la rvolution de l'imprimerie. Il montre, en effet, que l'utilisation de la technique propre l'Occident n'est Pas une Condition ncessaire pour qu'existe une culture, non seulement crite, mais encore imprime de large assise [5]. Certes, en Orient, les caractres mobiles sont connus ; ils y ont mme t invents et utiliss bien avant Gutenberg : c'est au XIe sicle que sont utiliss en Chine des caractres en terre cuite, et au XIIIe que des textes sont imprims avec des caractres mtalliques en Core. Mais, la diffrence de l'Occident aprs Gutenberg, le recours aux caractres mobiles reste en Orient limit, discontinu, Confisqu par "empereur ou les monastres. Cela ne signifie pas pour autant l'absence d'une culture de l'imprim de grande envergure. Elle est rendue possible par une autre technique : la xylographie, c'est--dire la gravure sur bois de textes qui sont ensuite imprims par frottage. Atteste ds le milieu du VIIIe sicle en Core, la fin du IXe sicle en Chine, la xylographie porte dans la chine des Ming et des Qing comme dans le Japon des Tukogawa une trs large circulation de l'crit imprim, avec des entreprises d'dition commerciales indpendantes des pouvoirs, un rseau dense de librairies et de cabinets de lecture, des genres populaires largement diffuss.

Il ne faut donc pas mesurer la culture imprime des civilisations orientales la seule aune de la technique occidentale, comme par dfaut. La xylographie a ses avantages propres : elle est mieux adapte que les caractres mobiles des langues caractrises par un trs grand nombre de caractres ou, comme au Japon, par la pluralit des critures ; elle maintient un lien fort entre l'criture manuscrite et l'impression puisque les planches graves le sont partir de modles calligraphis ; elle permet, du fait de la rsistance des bois durablement conservs, l'ajustement du tirage la demande. Un tel constat doit conduire une plus juste apprciation de l'invention de Gutenberg. Elle est certes fondamentale, mais elle n'est pas seule technique capable d'assurer une dissmination de large ampleur du livre imprim.

La rvolution de notre prsent est, l'vidence, plus que celle de Gutenberg, elle ne modifie pas seulement la technique de reproduction du texte, mais aussi les structures et les formes mmes du support qui le communique ses lecteurs. Le livre imprim, jusqu' nos jours, a t [hritier du manuscrit : pour l'organisation en cahiers, pour la hirarchie des formats, du "libro da banco" au libellus, pour les aides la lecture : travail de traitement de l'info, concordances, index, tables etc. [6]. Avec l'cran, substitu au codex, le bouleversement est plus radical puisque ce sont les modes d'organisation, de structuration, de consultation du su port de l'crit qui se trouvent modifis. Une telle rvolution requiert donc d'autres termes de comparaisons. L'histoire longue de la lecture et du traitement de l'info pour l'accs au contenu nous en fournit d'essentiels. Sa chronologie s'organise partir du reprage de deux mutations fondamentales. La premire met l'accent sur une transformation de la modalit physique, corporelle, de l'acte de lecture et insiste sur l'importance dcisive du passage d'une lecture ncessairement oralise, indispensable au lecteur pour la comprhension du sens, une lecture possiblement silencieuse et visuelle [7]. Cette rvolution concerne le long Moyen Age puisque la lecture silencieuse, d'abord restreinte aux scriptoria monastiques entre VIIe et XIe sicles, gagne le monde des coles et des universits au XIIe, puis les aristocraties laques deux sicles plus tard. Sa condition est l'introduction de la sparation entre les mots par les scribes irlandais et anglo-saxons du Haut Moyen Me, et ses effets sont tout fait considrables, ouvrant la possibilit de lire plus rapidement, donc de lire plus de textes, et des textes plus complexes.

Une telle perspective suggre deux remarques. Tout d'abord, le fait que l'occident mdival ait d conqurir la comptence de la lecture en silence et par les yeux ne doit pas faire conclure son inexistence dans l'antiquit grecque et romaine. Dans les civilisations antiques, pour des populations pour lesquelles la langue crite est la mme que la langue vernaculaire, l'absence de sparation entre les mots n'interdit aucunement la lecture silencieuse [8]. La pratique commune dans l'antiquit de la lecture haute voix pour les autres ou pour soi, ne doit donc pas tre attribue l'absence de matrise de la lecture par les yeux seuls (celle-ci est sans doute pratique dans le monde grec ds le VIe sicle avant J.C.) [9] mais une convention culturelle qui associe fortement le texte et la voix, la lecture, la dclamation et l'coute [10]. Ce trait subsiste d'ailleurs l'poque moderne, entre XVIe et XVIIe sicle, lorsque lire en silence est devenu une pratique ordinaire des lecteurs lettrs. La lecture haute voix demeure alors le ciment fondamental des diverses formes de sociabilit, familiales, savantes, mondaines ou publiques, et le lecteur que vise nombre de genres littraires est un lecteur qui lit pour d'autres ou un "lecteur" qui entend lire. Dans la Castille du Sicle d'or, leer et oir, ver et escuchar sont de quasi synonymes, et la lecture haute voix est la lecture implicite de genres potiques, la comdie humaniste (pensons la Celestina), le roman en toutes ses formes, jusqu'au Quichotte, l'histoire elle-mme [11].

Seconde remarque en forme de question : ne faut-il pas accorder plus d'importance aux fonctions de l'crit qu'au mode de sa lecture ? Si tel est le cas, une csure essentielle est placer au XII. sicle lorsque l'crit n'est plus seulement investi d'une fonction de conservation et de mmorisation, mais est compos et copi aux fins d'une lecture, entendue comme un travail intellectuel. A un modle monastique de l'criture succde, dans les coles et les universits, un modle scolastique. Dans le monastre, le livre n'est pas copi pour tre lu, il thsaurise le savoir comme un bien patrimonial de la communaut et il porte des usages avant tout religieux : la ruminario du texte, vritablement incorpor par le fidle, la mdiatation, la prire. Avec les coles urbaines tout change : le lieu de la production du livre, qui passe du scriptorium la boutique du stationnaire ; les formes du livre, avec la multiplication des abrviations, des signalements, des gloses et des commentaires, et la mthode mme de lecture, qui n'est plus participation au mystre de la Parole, mais dchiffrement rgl et hirarchis de la lettre (littera), du sens (sensus) et de la doctrine (sententia) [12]. Les conqutes de la lecture silencieuse ne peuvent donc tre spares de la mutation majeure qui transforme la fonction mme de l'criture.

Une autre "rvolution de la lecture" concerne, elle, le style de lecture.

Dans la seconde moiti du XVIIIe sicle, la lecture "intensive" en succderait une autre, qualifie "d'extensive" [13]. Le lecteur "intensif" est confront un corpus limit et ferm de textes, lus et relus, mmoriss et rcits, entendus et sus par coeur, transmis de gnration en gnration. Les textes religieux, et en premier lieu la bible en pays protestants, sont les nourritures privilgies de cette lecture fortement empreinte de sacralit et d'autorit. Le lecteur "extensif", celui de la Lesewut, de la rage de lire qui s'empare de l'Allemagne au temps de Goethe, est un tout autre lecteur : il consomme des imprims nombreux et divers, il les lit avec rapidit et avidit, il exerce leur endroit une activit critique qui ne soustrait plus aucun domaine au doute mthodique.

Un semblable diagnostic a pu tre discut. Nombreux, en effet, sont les lecteurs "extensifs" au temps de la lecture "intensive" : songeons aux lettrs humanistes qui accumulent les lectures pour composer leurs cahiers de lieux communs [14]. Et l'inverse est plus vrai encore : c'est en effet au moment mme de la "rvolution de la lecture" que, avec Rousseau, Goethe ou Richardson, se dploie la plus "intensive" des lectures, celle par laquelle le roman s'empare de son lecteur, l'attache et le gouverne comme, auparavant, le texte religieux [15]. Par ailleurs, pour les plus nombreux et les plus humbles des lecteurs - ceux des chapbooks, de la Bibliothque bleue ou de la literatura de cordel - , la lecture garde durablement les traits d'une pratique rare, difficile, qui suppose la mmorisation et la rcitation de textes devenus familiers parce que peu nombreux et qui, en fait, sont reconnus plus que dcouverts.

Ces ncessaires prcautions, qui conduisent abandonner une opposition trop tranche entre les deux styles de lecture, n'invalident pas le constat qui situe dans la seconde moiti du XVIIIe sicle une "rvolution de la lecture". Les supports en sont bien reprs en Angleterre, en Allemagne et en France : ainsi la croissance de la production du livre, la multiplication et la transformation des journaux, le succs des petits formats, l'abaissement du prix du livre grce aux contrefaons, l'essaimage des socits de lecture Book-clubs, Lesegesellschaften, chambres de lecture) comme des librairies de prt (circulating libraries, Leihbibliotheken, cabinets de lecture). Dcrite comme un danger pour l'ordre politique, comme un narcotique (c'est le mot de Fichte) ou comme un drglement de l'imagination et des sens, cette "fureur de lire" frappe les observateurs contemporains. Elle joue n'en pas douter un rle essentiel dans les dtachements critiques qui, partout en Europe, et particulirement en France, loignent les sujets de leur prince, et les chrtiens de leurs glises.

La rvolution du texte lectronique sera elle aussi une rvolution de la lecture. Lire sur un cran n'est pas lire dans un codex Si elle ouvre des possibilits neuves et immenses, la reprsentation lectronique des textes modifie totalement leur condition : la matrialit du livre, elle substitue l'immatrialit de textes sans lieu propre ; aux relations de contigut tablies dans l'objet imprim, elle oppose la libre composition de fragments indfiniment manipulables ; la saisie immdiate de la totalit de l'oeuvre, rendue visible par l'objet qui la contient, elle fait succder la navigation au trs long cours dans des archipels textuels sans rives ni bornes [16]. Ces mutations commandent, invitablement, imprativement, de nouvelles manires de lire, de nouveaux rapports l'crit, de nouvelles techniques intellectuelles. Si les prcdentes rvolutions de la lecture sont advenues alors que ne changeaient pas les structures fondamentales du livre, il n'en va pas de mme dans notre monde contemporain. La rvolution entame est avant tout, une rvolution des supports et des formes qui transmettent l'crit. En cela, elle n'a qu'un seul prcdent dans le monde occidental : la substitution du codex au volumen, du livre compos de cahiers assembls au livre en forme de rouleau, aux premiers sicles de l're chrtienne.

A propos de cette rvolution premire, qui invente le livre qui est encore le ntre, trois questions doivent tre poses [17]. D'abord, celle de sa date. Les donnes archologiques disponibles, fournies par les fouilles menes en Egypte, permettent plusieurs conclusions. D'une part, c'est dans les communauts chrtiennes que le codex remplace le plus prcocement et le plus massivement le rouleau : ds le IIe sicle, tous les manuscrits de la Bible retrouvs sont des codex crits sur papyrus, et 90 % des textes bibliques et 70 % des textes liturgiques et hagiographiques des IIe-IVe sicles qui nous sont parvenus sont donns dans la forme codex. D'autre part, c'est avec un dcalage sensible que les textes grecs, littraires ou scientifiques, adoptent la nouvelle forme du livre : ce n'est que pour la priode des IIIe-lVe sicles que le nombre des codex gale celui des rouleaux. Mme si la datation des textes bibliques sur papyrus a pu tre discute, et parfois retarde au IIIe sicle, le lien reste fort qui lie la prfrence donne au codex au christianisme.

Une seconde question est celle des raisons de l'adoption de cette nouvelle forme du livre. Les motifs classiquement avancs gardent leur pertinence, mme s'ils doivent tre quelque peu nuancs. L'utilisation des deux cts du support rduit sans aucun doute le cot de fabrication du livre, mais elle n'a pas t accompagne par d'autres possibles conomies : diminution du module de l'criture, rtrcissement des marges, etc. Par ailleurs, le codex permet incontestablement de runir une grande quantit de texte dans un moindre volume, mais cet avantage n'a gure t exploit immdiatement : aux premiers sicles de leur existence, les codex restent de taille modeste, comportant moins de cent cinquante feuillets (soit trois cents pages). Ce n'est qu' partir du lVe, voire du Ve sicle que les codex grossissent, absorbant le contenu de plusieurs rouleaux. Enfin, il est indniable que le codex autorise un plus facile reprage et un plus ais maniement du texte : il rend possible la pagination, l'tablissement d'index et de concordances, la comparaison d'un passage avec un autre, ou encore la traverse du livre en son entier par le lecteur qui le feuillette. De l, l'adaptation de la forme nouvelle du livre aux besoins textuels propres au christianisme : savoir, la confrontation des Evangiles et la mobilisation, aux fins de la prdication, du culte ou de la prire, de citations de la Parole sacre. Mais en dehors des milieux chrtiens, la matrise et l'utilisation des possibilits offertes par le codex ne s'imposent que trs lentement. Son adoption semble le fait de lecteurs qui n'appartiennent pas l'lite lettre -- celle-ci demeure durablement fidle aux modles grecs, donc au volumen -- et concerne d'abord des textes situs en dehors du canon littraire : textes scolaires, ouvrages techniques, romans, etc.

Parmi les effets du passage du rouleau au codex, deux mritent une particulire attention. D'une part si le codex impose sa matrialit, il n'efface pas les dsignations ou les reprsentations anciennes du livre. Dans la Cit de Dieu de Saint Augustin, par exemple, si le terme codex nomme le livre en tant qu'objet physique, le mot liber est employ pour marquer les divisions de l'oeuvre, et ce, en gardant la mmoire de l'ancienne forme puisque "le livre", devenu ici unit du discours (la Cit de Dieu en comprend vingt-deux), correspond la quantit de texte que pouvait contenir un rouleau [18]. De mme faon, les reprsentations du livre sur les monnaies et les monuments, dans la peinture et la sculpture, demeurent durablement attaches au volumen, symbole de savoir et d'autorit, alors mme que le codex a dj impos sa matrialit nouvelle et oblig de nouvelles pratiques de lecture. D'autre part, pour tre lu, donc droul, un rouleau doit tre tenu deux mains : de l, comme le montrent les fresques et les bas-reliefs, l'impossibilit pour le lecteur d'crire en mme temps qu'il lit et, du coup, l'importance de la dicte voix haute. C'est avec le codex que le lecteur conquiert la libert : pos sur une table ou un pupitre, le livre en cahiers n'exige plus une totale mobilisation du corps.

Par rapport lui, le lecteur peut prendre ses distances, lire et crire en mme temps, aller sa guise d'une page l'autre, d'un livre l'autre. C'est avec le codex, galement, que s'invente la typologie formelle qui associe des formats et des genres, des types de livres et des catgories de discours, donc que se met en place le systme d'identification et de reprage des textes dont l'imprimerie sera l'hritire et qui est encore le ntre [19].

Pourquoi ces regards en arrire, pourquoi, en particulier, cette attention porte la naissance du codex ? Sans doute parce que la comprhension et la matrise de la rvolution lectronique de demain (ou d'aujourd'hui), dpend largement de sa correcte inscription dans une histoire de longue dure. Celle-ci permet de prendre pleine mesure des possibilits indites ouvertes par la numrisation des textes, leur transmission tlmatique et leur rception sur ordinateur. Dans le monde des textes lectroniques ou, plus exactement, de la reprsentation lectronique des textes, deux contraintes, tenues jusqu'ici comme impratives, peuvent tre leves. Premire contrainte : celle qui limite troitement les possibles interventions du lecteur dans le livre imprim. Depuis le XVIe sicle, c'est--dire depuis le temps o l'imprimeur a pris sa charge les signes, les marques et les titres, titres de chapitres ou titres courants, qui, au temps des incunables, taient ajouts la main sur la page imprime par le correcteur ou le possesseur du livre, le lecteur ne peut insinuer son criture que dans les espaces Verges du livre. L'objet imprim lui impose sa forme, sa structure, ses dispositions, et il ne suppose aucunement sa participation. Si le lecteur entend, nanmoins, inscrire sa prsence dans l'objet, il ne peut le faire qu'en occupant, subrepticement, clandestinement, les lieux du livre dlaisss par l'criture : intrieurs de la reliure, feuillets laisss en blanc, marges du texte, etc. [20].

Avec le texte lectronique, il n'en va plus de mme. Non seulement le lecteur peut soumettre le texte de multiples oprations (il peut l'indexer, l'annoter, le copier, le dmembrer, le recomposer, le dplacer, etc.), mais, plus encore, il peut en devenir le co-auteur. La distinction, fortement visible dans le livre imprim, entre l'criture et la lecture, entre l'auteur du texte et le lecteur du livre, s'efface au profit d'une ralit autre : celle o le lecteur devient un des acteurs d'une criture plusieurs voix ou, tout le moins, se trouve o en position de constituer un texte nouveau partir de fragments librement dcoups et assembls. Comme le lecteur du manuscrit qui pouvait runir dans un seul livre des oeuvres de nature fort diverses, rapproches dans un mme recueil, dans un mme libro-zibaldone, par sa seule volont, le lecteur de l'ge lectronique peut construire sa guise des ensembles textuels originaux dont l'existence et l'organisation ne dpendent que de lui. Mais, de plus, il peut tout moment intervenir sur les textes, les modifier, les rcrire, les faire siens. On comprend, ds lors, qu'une telle possibilit met en question et en pril les catgories qui sont les ntres pour dcrire les oeuvres, rapportes depuis le XVIIIe sicle un acte crateur individuel, singulier et original, et qui fondent le droit en matire de proprit littraire. La notion de copyright, entendue comme le droit de proprit d'un auteur sur une oeuvre originale, produite par son gnie crateur (la premire occurrence du terme est de 1728) [21] s'ajuste fort mal aux modes de constitution des banques de donnes lectroniques. C'est ainsi que la Cour suprme des Etats-Unis lui a dni toute pertinence pour la publication des annuaires tlphoniques... [22].

D'autre part, le texte lectronique autorise, pour la premire fois, de surmonter une contradiction qui a hant les hommes d'occident : celle qui oppose, d'un ct, le rve d'une bibliothque universelle, rassemblant tous les livres jamais publis, tous les textes jamais crits, voire, avec Borges, tous les livres qu'il est possible d'crire en puisant toutes les combinaisons des lettres de l'alphabet, et, de l'autre, la ralit, forcment dcevante, de collections qui, aussi grandes soient-elles, ne peuvent fournir qu'une image partielle, lacunaire, mutile du savoir universel [23].

L'Occident a donn une figure exemplaire et mythique cette nostalgie de l'exhaustivit perdue : celle de la bibliothque d'Alexandrie [24]. La communication des textes distance, qui annule la distinction, jusqu'ici irrmdiable, entre le lieu du texte et le lieu du lecteur, rend possible, accessible, ce rve ancien. Sans matrialit, sans localisation, le texte en sa reprsentation lectronique peut atteindre n'importe quel lecteur dot du matriel ncessaire pour le recevoir. A supposer que tous les textes existants, manuscrits ou imprims, soient numriss ou, dit autrement, qu'ils soient convertis en textes lectroniques, c'est l'universelle disponibilit du patrimoine crit qui devient possible. Tout lecteur, l ou il se trouve, la seule condition que ce soit devant un poste de lecture connect au rseau qui assure la distribution des documents informatiss, pourra consulter, lire, tudier n'importe quel texte, quelle qu'ait t sa localisation originelle [25]. "Quand on proclama que la Bibliothque comprenait tous les livres, la premire raction fut un bonheur extravagant" [26] : ce bonheur "extravagant" dont parle Borges nous est promis par les bibliothques sans murs, et mme sans lieu, qui seront sans doute celles de notre futur.

Bonheur extravagant, mais peut-tre pas sans risque. En effet, chaque forme, chaque support, chaque structure de la transmission et de la rception de l'crit affecte profondment ses possibles usages et interprtations; En ces dernires annes, l'histoire du livre s'est attache reprer, diverses chelles, ces effets de sens des formes [27].

Les exemples sont nombreux qui montrent comment des transformations proprement "typographiques" (dans un sens large du terme) modifient profondment les usages, les circulations, les comprhensions d'un "mme" texte. Ainsi les variations dans les dcoupages du texte biblique, en particulier des ditions de Robert Estienne et leurs versets numrots. Ainsi l'imposition de dispositifs propres au livre imprim (titre et page de titre, dcoupage en chapitres, bois gravs) des oeuvres dont la forme premire, lie une circulation uniquement manuscrite, leur tait tout fait trangre : c'est l, par exemple, le sort du Lazarillo de tormes, lettre apocryphe, sans titre, sans chapitre, sans illustration, destine un public lettr, transforme par ses premiers diteurs en un livre proche par sa prsentation des vies de saints ou des occasionnels, donc des genres de plus large circulation en Espagne du Sicle d'Or [28]. Ainsi, en Angleterre, pour les oeuvres thtrales, le passage des ditions lizabthaines, rudimentaires et compactes, aux ditions qui, au dbut du XVIIIe sicle, adoptant les conventions classiques franaises, rendent visible le dcoupage en actes et en scnes et restituent, par l'indication des jeux de scne, quelque chose de l'action thtrale dans le texte imprim [29].

Ainsi, encore, les formes nouvelles donnes tout un ensemble de textes dj publis, le plus souvent d'origine savante, afin qu'ils puissent atteindre les lecteurs les plus "populaires" et constituer le rpertoire des librairies de colportage en Castille, en Angleterre ou en France. A chaque fois, le constat est identique : la signification, ou plutt les significations, historiquement et socialement diffrencies d'un texte, quel qu'il soit, ne peuvent tre spars des modalits matrielles qui le donnent lire ses lecteurs.

De l, pour notre prsent, une forte leon : le possible transfert du patrimoine crit d'un support un autre, du codex l'cran, ouvre des possibilits immenses, mais il sera aussi une violence faite aux textes, spars des formes qui ont contribu construire leurs significations historiques. A supposer que, dans un avenir plus ou moins proche, les oeuvres de notre tradition ne soient plus communiques et dchiffres que dans une reprsentation lectronique, le risque serait grand de voir perdue l'intelligibilit d'une culture textuelle o un lien ancien, essentiel, a t nou entre le concept mme du texte et une forme particulire du [ivre : le codex. Rien ne montre mieux la force de ce lien que les mtaphores qui, dans la tradition occidentale, font du livre une figure possible du destin, du cosmos ou du corps humain [30]. Le livre qu'elles manient, de Dante Shakespeare, de Raymond Lulle Galile, n'est pas n'importe quel livre : il est compos de cahiers, form de feuillets et de pages, protg par une reliure. La mtaphore du livre du monde, du livre de la nature, si puissante l'ge moderne, se trouve comme arrime aux reprsentations immdiates et enracines qui associent naturellement l'crit au codex. L'univers des textes lectroniques signifiera ncessairement, un loignement vis--vis des reprsentations mentales et des oprations intellectuelles spcifiquement lies aux formes qu'a eu le livre en Occident depuis dix-sept ou dix-huit sicles. Aucun ordre des discours n'est en effet sparable de l'ordre des livres qui lui est contemporain.

Il me semble donc ncessaire, aujourd'hui, de tenir ensemble deux exigences. D'un ct, il nous faut accompagner par une rflexion historique, juridique, philosophique, la mutation considrable qui est en train de bouleverser les modes de communication et de rception de l'crit. Une rvolution technique ne se dcrte pas. Elle ne supprime pas non plus. Le codex l'a emport et a supplant le rouleau - mme si celui-ci, avec une autre forme et pour d'autres usages (en particulier archivistiques) a travers tout le Moyen Age/ Et l'imprimerie s'est substitue au manuscrit comme forme massive de reproduction et de diffusion des textes - mme si l'crit copi la main a conserv tout son rle l'ge de l'imprim pour la circulation de nombreux types de textes, issus de l'criture du for priv, des pratiques littraires aristocratiques commandes par la figure du gentleman-writer, ou des besoins de communauts particuliers : dsignes comme hrtiques, lies par le secret, des compagnonnages la Franc-maonnerie, ou, simplement cimentes par la circulation des textes manuscrits [31]. On peut donc penser qu'au XXVe sicle, en cet an 2440 que Louis-Sbastien Mercier a imagin dans son utopie publie en 1771, la Bibliothque du Roi (ou de France) ne sera pas ce "petit cabinet" qui ne contient que petits in-douze concentrant le seul savoir utile [32], mais un point dans un rseau tendu la plante toute entire et assurant l'universelle disponibilit d'un patrimoine textuel partout accessible grce sa forme lectronique. Le moment est donc venu de mieux reprer et mieux comprendre les effets d'une telle mutation et, en considrant que les textes ne sont pas ncessairement des livres, ni mme des priodiques ou des journaux, drivs, eux aussi, du codex, de redfinir les notions juridiques (proprit littraire, droits d'auteur, copyright), rglementaires (dpt lgal, bibliothque nationale) et bibliothconomiques (catalogage, classement, description bibliographique etc.) qui ont t penses et construites en relation avec une autre modalit de la production, de la conservation et de la communication de l'crit. Mais il est pour nous une seconde exigence, indissociable de la prcdente. La bibliothque du futur doit tre aussi le lieu o pourra tre maintenue la connaissance et la comprhension de la culture crite dans les formes qui ont t, et sont encore majoritairement les siennes aujourd'hui. La reprsentation lectronique de tous les textes dont l'existence ne commence pas avec l'informatique ne doit aucunement signifier la relgation, l'oubli ou, pire, la destruction des objets qui les ont ports. Plus que jamais, peut-tre, une des tches essentielles des grandes bibliothques est de collecter, protger, recenser (par exemple sous la forme de catalogues collectifs nationaux, premiers pas vers des bibliographies nationales rtrospectives) et, aussi, rendre accessible l'ordre des livres qui est encore le ntre et qui fut cela des hommes et des femmes qui lisent depuis les premiers sicles de l're chrtienne. C'est seulement si est prserve l'intelligence de la culture du codex que pourra tre sans nuances le "bonheur extravagant" promis par l'cran.

Notes

[1]

H.J. Martin, "Le message crit : la rception", confrence donne l'acadmie des sciences Morales et Politiques, Paris, 15 mars 1993.

[2]

L. Febvre et H.J. Martin, L'Apparition du livre, Paris, Albin Michel, 1958.

[3]

-- E. Eisenstein, The Printing Revolution in Early Modern Europe, Cambridge : Cambridge University Press, 1983 ; -- version abrge de The Printing Press as an Agent of Change : Communication an Cultural Transformation in Early Modern Europe, Cambridge University Press, 1979.

[4]

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[32]

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