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D'une théorie de la référence àune linguistique du texte: Saussure contre Saussure? Author(s): Simon Bouquet Source: Cahiers Ferdinand de Saussure, No. 52 (1999), pp. 37-42 Published by: Librairie Droz Stable URL: http://www.jstor.org/stable/27758579 . Accessed: 16/06/2014 19:12 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Librairie Droz is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers Ferdinand de Saussure. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.228 on Mon, 16 Jun 2014 19:12:46 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

D'une théorie de la référence à une linguistique du texte: Saussure contre Saussure?

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D'une théorie de la référence àune linguistique du texte: Saussure contre Saussure?Author(s): Simon BouquetSource: Cahiers Ferdinand de Saussure, No. 52 (1999), pp. 37-42Published by: Librairie DrozStable URL: http://www.jstor.org/stable/27758579 .

Accessed: 16/06/2014 19:12

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CFS 52 (1999), pp. 37-42

Simon Bouquet

D'UNE TH?ORIE DE LA R?F?RENCE

? UNE LINGUISTIQUE DU TEXTE:

SAUSSURE CONTRE SAUSSURE?

Le th?me de la r?f?rence offre une perspective pour consid?rer la pens?e s?mantique de F. de Saussure, en cela simplement que le terme de r?f?rence

st?nographie aujourd'hui, dans les r?flexions sur le langage, un ensemble de

questions ? partir desquelles les linguistes ont amen?s ? concevoir et ? ?valuer cette pens?e. Bien s?r, ce terme, r?f?rence, n'appara?t pas dans la bouche ou sous la plume du linguiste genevois ; mais le faisceau de probl?mes ?voqu?s par ce terme y est li? de mani?re cruciale. Ce lien prend selon certains la forme d'un

manque -

par exemple Benveniste, pour qui Saussure aurait tout simplement manqu? le r?f?rent -, ou selon d'autres la forme d'une th?orie, souvent

consid?r?e comme paradoxale - on peut citer ici Jean-Claude Milner qui ?crit

en 1994 : ?Sur la question de la r?f?rence, la pens?e de Saussure demeure d'une irr?ductible singularit??1

- Une th?orie qui se r?approprie la th?se philoso phique du relativisme linguistique. En bref, si l'on ne trouve pas chez Saussure le mot, qui n'occupait pas ? son ?poque la place qu'il occupe aujourd'hui dans

1 J.-C. Milner, ?Retour ? Saussure?, Lettres sur tous les sujets N? 12, Le Perroquet,

Paris, avril 1994

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la philosophie du langage, la chose - ou l'ensemble de choses - que le mot

r?f?rence st?nographie est bien l?, en tout cas pour des linguistes comme

Benveniste ou Milner.

Plus que cet argument d'autorit?, ce qui permet, voire impose, d'examiner la pens?e saussurienne dans la perspective du concept contemporain de ?r?f?

rence?, c'est une approche ?pist?mologique: autrement dit, c'est l'histoire des id?es. Le th?me du rapport entre le langage et le monde n'est gu?re nouveau

dans l'histoire des id?es, certes, mais les r?flexions r?centes des linguistes comme des philosophes

- celles du XXe si?cle - th?matisent cette question de

mani?re sp?cifique d?s lors qu'elle est pos?e comme ?tant celle de la r?f?rence. De par l'influence massive d'un courant de pens?e largement issu de la philo sophie de la logique, r?f?rence est massivement un terme qui en est venu ? st?

nographier, faisant d'une pierre deux coups, d'une part le rapport des mots au

monde, d'autre part le rapport des propositions au monde (ou le rapport des ?nonc?s au monde suivant que l'on se place d'un point de vue logique ou d'un

point de vue linguistique) - le concept de ?monde? se fondant en l'occurrence

dans une valeur transcendantale (que ce soit la transcendance de l'objet ou la transcendance de la v?rit?), ou dans une valeur d'?vidence, ce qui est au fond la m?me chose : ?monde? est ici, et de mani?re indissociable, ce dont r?pond une perception multi-sensorielle et, de mani?re tautologique, ce dont r?pond le

langage (il est remarquable que le ?premier? Wittgenstein, th?oricien de la tau

tologie, soit aussi celui de la construction du monde par le langage).

Si l'on cherche ? retrouver ? travers l'histoire des th?ories linguistiques ce

que d?note pour nous aujourd'hui le concept de ?r?f?rence?, le moins qu'on puisse dire est que cette d?notation enveloppe r?trospectivement une certaine

opacit? et une certaine inscrutabilit?. Mais on est pas pour autant tenu d'envi

sager cette opacit? et cette inscrutabilit?, toute r?v?rence faite ? W. O. Quine, comme des caract?res inh?rents de la r?f?rence de ce concept de ?r?f?rence?. Il appara?t plut?t, quand on replonge la question de la r?f?rence (ou la question du sens, ou la question de la signification, c'est ici la m?me chose) dans l'his toire des id?es linguistiques prise au long cours sur plus de deux mill?naires,

que cette question de la r?f?rence peut ?tre consid?r?e comme appartenant ? deux champs de r?flexion, l'un ?centr? sur le signe?, l'autre ?gag? sur le texte? ? je reprends ici des expressions de Fran?ois Rastier qui nomme par ailleurs les deux traditions d'?tudes r?pondant de ces champs : d'une part la tradi tion logico-grammaticale et d'autre part la tradition rh?torico-herm?neutique2.

2 Cf. notamment: F. Rastier, ?Probl?matiques du signe et du texte?, Intellectica,

1996/2, 23, 1996; F. Rastier, ?Le probl?me ?pist?mologique du contexte et le statut de

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On notera encore que, si le vocable moderne de r?f?rence, utilis? par les lin

guistes, est issu de la logique, il en va de m?me du principe qui commande la double application de ce concept aux mots d'une part, et aux propositions (voire aux ?nonc?s) d'autre part: ? savoir, le principe fr?g?en de compositio nalit?. Ce principe permet d'assimiler le fonctionnement s?mantique de la propo sition ? celui de l'addition et de sa notation ?quative: de m?me que 2 + 3 = 5, de m?me, dans un ?nonc? ? deux termes, le sens du terme A + le sens du terme

= le sens de la proposition. C'est ainsi que Frege construit appelle ?le sens?

(Sinn) corr?lativement ? la Bedeutung qu'on traduira, notamment, par ?r?f? rence?. A l'?poque de la r?flexion fr?g?enne, Saussure, qui ne connaissait cer

tainement pas les recherches de l'auteur de Ueber Sinn und Bedeutung, pose la

question de la r?f?rence en des termes qui semblent ? certains ?gards d'un nominaliste extr?me, mais, en regardant de plus pr?s les textes originaux grat t?s sous le palimpseste du Cours de linguistique g?n?rale, il appara?t plut?t que son approche est sur ce point, pour reprendre les mots de Milner, d'une irr? ductible singularit?: l'analyse de cet aspect de la th?orie saussurienne du signe d?velopp?e par Benveniste dans son article ?Nature de signe linguistique? aura, malheureusement, contribu? durablement ? statufier un texte de ally et

Sechehaye truff?, sur ce point, de contresens3.

Rench?rissant, par ailleurs et en g?n?ral, sur le caract?re logico-grammati cal de la pens?e saussurienne, les ?diteurs du Cours ont, l? aussi, statufi? cette

dimension du programme ?pist?mologique saussurien. Le geste, ici, est lourd de cons?quences, car la derni?re phrase du texte de 1916, posant que la lin

guistique sera la science de la langue et rel?guant aux oubliettes l'importance qu'accordait Saussure ? ce qu'il appelait ?linguistique de la parole?

- projet de

la derni?re partie de l'ultime cours de linguistique g?n?rale, ?la facult? et

l'exercice du langage chez les individus?4, annonc?e par le ma?tre au d?but de celui-ci et non donn?e; projet d'un quatri?me cours de linguistique g?n?rale consacr? ? cette question ; remise en question de la distinction langue/parole sur

le chapitre de la syntaxe (cf. infra) ; r?affirmation de la dualit? de la linguis tique dans son dernier texte autographe connu traitant de linguistique g?n?rale, qu'il ?crit en 1912 ? l'occasion de la cr?ation de la chaire de stylistique de

l'interpr?tation dans les sciences du langage?, in: S. Bouquet (?d.)? Diversit? de la (des) science(s) du langage aujourd'hui, Langages N? 129, 1998.

3 Cf. S. Bouquet, ?Benveniste et la repr?sentation du sens: de arbitraire du signe ? l'objet extra-linguistique?, actes du colloque Benveniste vingt ans apr?s, Cerisy-la-Salle, ao?t 1995, M. Arriv? et C. Normand (?d.), Linx, 1997

4 CLG/E: 1.24.122

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Bally5 - revient bien ? faire de la pens?e saussurienne la banni?re d'une

conception exclusivement logico-grammaticale en sciences du langage.

Or, si la th?orie saussurienne du signe traite la r?f?rence du signe, la ques tion de ce qu'on peut d?signer comme la r?f?rence des propositions ou des ?nonc?s n'est gu?re d?velopp?e dans les textes qui nous sont parvenus. Mais, sur ce point, ce n'est cependant pas le silence du Cours de linguistique g?n? rale. Ainsi, dans les aphorismes Item, qui offrent un t?moignage crucial des avanc?es des investigations saussuriennes sur une th?orie de la signification, la r?flexion sur le sens des signes est encadr?e par une r?flexion sur les compo santes logiques de la proposition.

En outre, si l'on trouve certes bien, dans les le?ons orales, la th?se formu l?e par le Cours, que la phrase, dans la mesure o? elle rel?ve de la libert? indi

viduelle, appartient ? la parole et non ? la langue, on peut placer, en regard de cette th?se, cet autre passage des notes d'?tudiants du troisi?me cours :

L'usage individuel du code de la langue soul?ve une question. Ce n'est

que dans la syntaxe en somme que se pr?sentera un certain flottement entre ce qui est donn? <var: fix?> dans la langue et ce qui est laiss? ? l'initiative individuelle. La d?limitation, est difficile ? faire. <I1 faut avouer qu'ici> dans le domaine de la syntaxe, fait social et fait indivi

duel, ex?cution et association fixe, se m?lent quelque peu <arrivent ? se

m?ler plus ou moins>. Nous avouons que c'est sur cette fronti?re seule ment qu'on pourra trouver ? redire ? une s?paration entre la langue et la

parole6.

Simultan?ment, la th?orie saussurienne de la valeur implique deux ordres de celle-ci - et le Cours, sur ce point, ne pr?sente pas clairement les choses, notamment en ce que, dans son chapitre titr? ?La valeur linguistique?, il n'en

visage que l'un de ces ordres. Ces deux ordres sont, d'une part, l'ordre de la valeur in absentia (c'est-?-dire celle fond?e sur les rapports associatifs, ?

laquelle est consacr? le chapitre en question du Cours) et, d'autre part, l'ordre de la valeur in praesentia, celle produite par la syntagmation. Pour Saussure, le sens ne prend forme que dans la conjonction de la valeur in absentia et de la valeur in praesentia. En d'autres termes, le sens n'est complet, actualis?, que dans ce que le linguiste genevois appelle encore, dans des textes autographes,

5 On trouvera quelques pistes de r?flexion sur ce sujet dans mon Introduction ? la lec ture de Saussure, Paris, Payot, 1997 (notamment pp. 264-269 et 334-345) 6 CLG/E: 1.285/286.2022. AM2-5

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le discursif1. Dans la mesure o? l'on consid?rerait la valeur in praesentia non

pas simplement comme un fait de langue, mais aussi comme un fait de parole, il n'est pas impossible que ce soit pr?cis?ment cette transversalit? de la valeur aux ordres de la langue et de la parole qui implique, pour Saussure, que l'on

puisse ?trouver ? redire ? une s?paration entre langue et parole?, d?s lors que le point de vue s?mantique est en cause et qu'une th?orie unifi?e (et diff?ren

tielle) du sens est vis?e.

Car, finalement, Saussure th?matise la valeur linguistique de telle sorte qu'il laisse largement ouverte la question du sens (ou de la signification, ou de la

r?f?rence des ?nonc?s) : ? cette ouverture, correspond le domaine de la linguis

tique de la parole, qu'il concevait, contrairement ? ce que laisse entendre la der

ni?re phrase du Cours, comme formant un tout avec la linguistique de la langue.

Contrairement ? une tradition tenace, Saussure n'appara?t pas aujourd'hui, dans les textes originaux red?couverts, comme le th?oricien de la seule dimen

sion logico-grammaticale du langage (en cela il aura ?t? bien s?r une source

d'inspiration majeure pour une bonne part de la linguistique de ce si?cle - et

tout autant la grammaire g?n?rative ou la linguistique de l'?nonciation que la

linguistique structurale) ; il appara?t tout aussi bien comme le th?oricien de sa

dimension rh?torico-herm?neutique. Si l'on peut parler d'herm?neutique, regardant Saussure et regardant une science du langage aujourd'hui, il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'une herm?neutique m?taphysique ? la Heidegger, mais d'une herm?neutique mat?rielle - fond?e sur une ?pist?mologie des sciences du langage -, au sens que cette expression de Schleiermacher a pu prendre dans

des r?flexions contemporaines comme celle de P. Szondi ou de F. Rastier.

De ce Saussure-l?, t?moigne un texte ?tonnant, issu de la donation r?cente

faite par sa famille ? la Biblioth?que publique et universitaire de Gen?ve. D s'agit d'un fragment qui peut ?tre consid?r? comme une repr?sentation du

?signe de parole? - autrement dit, une repr?sentation du biface compos? par

un constituant phonologique (propre ? ?tre con?u tout autant comme segmen tai que comme supra-segmental) et par un ?sens textuel?, ressortissant ? une

approche rh?torico-herm?neutique de nature ? instancier les traits logico-gra maticaux qui le constituent :

7 Cf. Introduction ? la lecture de Saussure, op. cit., pp. 344-345, n. 5.

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(S?miologie =

morphologie, grammaire, syntaxe,

synonymie, rh?torique, stylistique, lexicologie, etc.

... le tout ?tant ins?parable)

(phon?tique)

^ Quelle que soit la date de r?daction de ce texte, on peut y voir l'esquisse d'une conception de ce qu'en 1911 le professeur genevois proposera de nom

mersignifiant et signifi?, dans la perspective ou la bifacialit? du langage serait envisag?e non plus dans la tradition logico-grammaticale d'un th?orie du signe, mais dans la perspective rh?torico-herm?neutique d'une th?orie du texte.

Adresse de l'auteur:

13 Rue Dispan 94240 L'HajMes-Roses [email protected]

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