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Revue de Pneumologie clinique (2009) 65, 365—368 DIAGNOSTIC Dyspnée aiguë et tumeur endobronchique rare Acute dyspnoea and rare endobronchial tumour F. Rivière a,, A. Bonnichon-Py a , H. Le Floch a , E. Staub a , A. Mairovitz a , J. Margery a , C. Marotel a , S. Crémades b , P. Saint-Blancard c , F. Vaylet a a Service des maladies respiratoires, hôpital Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart, France b Service de médecine interne et oncologie, hôpital Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France c Service d’anatomopathologie, hôpital Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart, France Observation M. L., âgé de 84 ans, se présente aux urgences pour dyspnée aiguë. Ses antécédents sont marqués par une hypothyroïdie à la Cordarone ® substituée et une arythmie complète par fibrillation auriculaire, un tabagisme à 20 paquets-année sevré depuis 30 ans. Son his- toire rapporte deux épisodes de dyspnée aiguë en trois semaines avec polypnée (sans douleur thoracique, toux, expectoration, hémoptysie, sibilants, altération de l’état géné- ral (performance status = 0), ni fièvre), un examen clinique normal. Biologiquement, l’hémogramme est normal tant quantitativement que qualitativement, il n’y a pas de syn- drome biologique inflammatoire (CRP < 1 mg/l), sans anomalie du ionogramme, du bilan hépatique ou rénal. La troponine Ic, dosée à deux reprises à six heures d’intervalle, est dans les limites de la normale. Les LDH sont dans les limites de la normale et la 2 micro- globuline légèrement élevée à 3,1 ng/L. L’électrocardiogramme retrouve la fibrillation auriculaire connue sans autre particularité. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Rivière). 0761-8417/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pneumo.2009.04.004

Dyspnée aiguë et tumeur endobronchique rare

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Page 1: Dyspnée aiguë et tumeur endobronchique rare

Revue de Pneumologie clinique (2009) 65, 365—368

DIAGNOSTIC

Dyspnée aiguë et tumeur endobronchique rare

Acute dyspnoea and rare endobronchial tumour

F. Rivièrea,∗, A. Bonnichon-Pya, H. Le Flocha,E. Stauba, A. Mairovitza, J. Margerya, C. Marotela,S. Crémadesb, P. Saint-Blancardc, F. Vayleta

a Service des maladies respiratoires, hôpital Percy, 101, avenue Henri-Barbusse,92140 Clamart, Franceb Service de médecine interne et oncologie, hôpital Bégin, 69, avenue de Paris,94160 Saint-Mandé, Francec

Service d’anatomopathologie, hôpital Percy, 101, avenue Henri-Barbusse,92140 Clamart, France

Observation

M. L., âgé de 84 ans, se présente aux urgences pour dyspnée aiguë. Ses antécédents sontmarqués par une hypothyroïdie à la Cordarone® substituée et une arythmie complète parfibrillation auriculaire, un tabagisme à 20 paquets-année sevré depuis 30 ans. Son his-toire rapporte deux épisodes de dyspnée aiguë en trois semaines avec polypnée (sansdouleur thoracique, toux, expectoration, hémoptysie, sibilants, altération de l’état géné-ral (performance status = 0), ni fièvre), un examen clinique normal. Biologiquement,l’hémogramme est normal tant quantitativement que qualitativement, il n’y a pas de syn-

drome biologique inflammatoire (CRP < 1 mg/l), sans anomalie du ionogramme, du bilanhépatique ou rénal. La troponine Ic, dosée à deux reprises à six heures d’intervalle, estdans les limites de la normale. Les LDH sont dans les limites de la normale et la �2 micro-globuline légèrement élevée à 3,1 ng/L. L’électrocardiogramme retrouve la fibrillationauriculaire connue sans autre particularité.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (F. Rivière).

0761-8417/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.pneumo.2009.04.004

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Figure 1. Tomodensitométrie thoracique. Infiltration trachéale distale et carènaire.

Figure 2. Endoscopie bronchique. Infiltration de la portion distale de la trachée, de la carène (C) et des deux troncs souches : droit (Td)e

dédsmn

é

cataretrouve une fixation d’intensité modérée (SUVmax = 2,1)

t gauche (Tg).

Le cliché thoracique étant normal, le patient bénéficie’une tomodensitométrie thoracique (Fig. 1), qui met envidence une infiltration de la portion distale de la trachée,e la carène et de la portion proximale des deux troncsouches, sans anomalie parenchymateuse, ni adénopathie

édiastinale, hépatosplénomégalie, adénopathie abdomi-

ale, ni embolie pulmonaire.L’endoscopie bronchique (Fig. 2) montre une muqueuse

rythémateuse, infiltrée, hypervascularisée, saignant au

dLtt

ontact débutant à l’extrémité distale de la trachée avectteinte de la carène et s’étendant par continuité à la por-ion proximale des deux troncs souches, sans aucune autrenomalie endobronchique. Le 18-FDG TEP/TDM (Fig. 3)

es zones infiltrées sans aucun autre foyer hyperfixant.es explorations fonctionnelles respiratoires retrouvent unrouble ventilatoire obstructif avec un VEMS à 60 % de lahéorique, un coefficient de tiffeneau à 50 %, une CPT à

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Dyspnée aiguë et tumeur endobronchique rare 367

la lé

Figure 3. 18-FDG TEP/TDM. Fixation modérée (SUVmax = 2,1) decordes vocales).

105 %. L’échographie cardiaque transthoracique ne montreaucune dilatation des cavités, pas d’hypertrophie, pas detrouble de cinétique globale, ni segmentaire (FEVG = 60 %),ni valvulopathie (Fig. 2).

sion scannographique (pour mémoire, fixation physiologique des

Quel est votre diagnostic ?

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368 F. Rivière et al.

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igure 4. Coupes histologiques. Infiltrat de lymphocytes de phén

ompte rendu diagnostique

ous sommes en présence d’un homme de 84 ans présen-ant des crises dyspnéiques aiguës et une lésion infiltrantendobronchique.

L’amylose peut être évoquée, cependant l’absence deathologie prédisposante, l’absence d’argument pour uneutre localisation (pas de syndrome néphrotique, pas’atteinte cardiaque, ni digestive, ni cutanée) n’oriente pasers cette étiologie, qui sera formellement infirmée par’analyse anatomopathologique de biopsies bronchiques.

Le plus probable chez ce patient fumeur est bien entendune cause tumorale (cancer bronchique primitif. . .), mais’absence d’altération de l’état général et la fixation’atteignant pas le seuil de malignité ne semblent pasrienter vers ce diagnostic, qui sera également infirmé par’analyse anatomopathologique.

Le diagnostic a bien évidemment été obtenu par’anatomopathologie (Fig. 4). L’histologie retrouve un infil-rat massif de petits lymphocytes monomorphes, CD20+,D79a+, Bcl2+, CD3—, CD5—, CD10— affirmant le diagnos-ic de lymphome B à petite cellules avec un marquage Ki67necdotique (« 30 %).

Notre patient présente donc un lymphome B stric-ement endobronchique sans anomalie médiastinale, niarenchymateuse, ni atteinte systémique : nous pouvonsonc conclure à un lymphome de type bronchial-associatedymphoid tissue (Balt).

M. L. a bénéficié d’un traitement par quatre curese rituximab sans efficacité, suivi de quatre cures d’uneolychimiothérapie (rituximab, cyclophosphamide, adria-ycine, oncovin, prednisone [R-CHOP]) permettant une

émission complète clinique, scannographique, endosco-ique confirmée un mois après la fin du traitement et stablesix mois.

iscussion

e lymphome de type Balt est extrêmement rare, indolent,vec un âge médian d’environ 61 ans, sans sex-ratio par-iculier. Un tiers est asymptomatique, et la présentation

[

B monomorphes (A : HES, × 20 ; B : CD20+, × 20).

linique, biologique ou scannographique est non spécifique1,2]. Cela confirme l’intérêt de l’endoscopie bronchiqueosant le diagnostic devant une infiltration de lympho-ytes de petite taille, centrocytiques ou plasmocytoïdes, dehénotype B CD20+, CD79a+, CD3—, CD5—, avec de raresellules blastiques et une faible prolifération (marquage Ki7 « 30 %) [3]. L’étiopathogénie n’est pas clairement élu-idée ; le rôle du tabagisme est discuté, tout comme laossibilité d’une stimulation antigénique par analogie à’infection par Hélicobacter pylori dans le lymphome deype Galt, mais sans antigène mis en évidence dans le lym-home de type Balt ; cependant, il semble qu’un contexteuto-immun prédispose (association fréquemment rapportévec la polyarthrite rhumatoïde. . .) [2,3]. Le traitement’est pas standardisé : de l’abstention thérapeutique à unraitement plus intensif (chirurgie, radiothérapie, chimio-hérapie) ; tous les schémas sont envisageables et doiventtre discutés, au cas par cas, en fonction de l’âge duatient, de son état général, de sa volonté et du rapporténéfice—risque, surtout au vu du bon pronostic : 100 % deurvie à deux ans, 84 — 95 % à cinq ans, ce qui contraste avecn taux de rechute élevé [2].

Nous rapportons donc un cas rare de lymphome de typealt strictement endobronchique, en insistant sur l’intérêtes explorations endobronchiques. Les mesures thérapeu-iques ont été discutées devant l’excellent état général, laolonté du patient et malgré son âge, avec obtention d’uneémission complète par une polychimiothérapie (R-CHOP) etprès échec d’une monothérapie (rituximab) en premièreigne.

éférences

1] Hashemi S, Heitbrink M, Jiwa M, Boersma W. A patient withendobronchial BALT lymphoma successfully treated with radio-therapy. Respir Med 2007;101:2227—9.

2] Ahmed S, Kussick S, Siddiqui A, Bhuiya T, Khan A, Sarewitz S, et

al. Bronchial-associated lymphoid tissue lymphoma: a clinicalstudy of a rare disease. Eur J Cancer 2004;40:1320—6.

3] Wislez M, Antoine M, Bellocq A, Carette MF, Cadranel J. Lym-phome pulmonaire de type MALT : mise au point. Rev PneumolClin 2007;63:177—82.