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EBP vignette clinique : Intervention phonologique et
dyslexie
Hélène LAFONTAINE
Logopède et Neuropsychologue
Unité de Recherches en Neurosciences Cognitives
Centre de Recherche Cognitive et Neurosciences
Université Libre de Bruxelles
Cet article constitue une illustration de la démarche de recherche dans la
littérature scientifique pour la prise en charge logopédique de la dyslexie.
Des précisions sur les étapes de cette démarche sont disponibles dans
l’article de Durieux et al. (Les Cahiers de l’ASELF, 2012, volume 10, fasc. 1).
Formulation de la question clinique
Chez les enfants dyslexiques d’âge scolaire apprenant à lire dans une langue
relativement transparente comme le français1 (P), une intervention de type
phonologique (I) est-elle, à elle seule, efficace pour améliorer la lecture (O) ?
1 En lecture, le français est considéré comme une langue “intermédiaire” donc relativement transparente. Du moins, la consistence grapho-phonémique est plus consitante qu’en anglais et moins qu’en espagnol, italien ou allemand (voir par exemple, Borgwaldt, Hellwig & de Groot, 2005 in Sprenger-Charolles, Siegel, Jiménez & Ziegler, 2010)
2 – Les Cahiers de l’ASELF (2014) Vol. 11, fasc. 3
Recherche des données issues de la littérature
Termes utilisés pour la recherche: Dyslexia, phonological remediation
program, children, reading skills.
Bases de données bibliographiques utilisées pour la recherche de données
scientifiques: Cochrane Database of Systematic Reviews et Scopus.
Résultats de la recherche : 15 articles (juin 2014).
Analyse et sélection des données issues de la littérature
Dans un premier temps, les trois articles ayant pour objet des langues non
alphabétiques ont été écartés : un article sur le malais (15), un sur le chinois
(13) et un sur l’arabe (1).
Voici une description succincte du contenu des 12 autres articles
obtenus par la recherche documentaire :
Un article compare l’efficacité de deux programmes multiples
d’intervention (programme phonologique combiné, soit à l’entrainement
de stratégies d’identification de mots, soit à un entrainement de type
lexical et morpho-orthographique) avec deux programmes
d’intervention alternatifs (n’entrainant pas la lecture) et avec un
programme unique d’intervention phonologique (sans groupe contrôle).
Les enfants sont de mauvais lecteurs (et non des dyslexiques). La langue
cible est l’anglais (8).
Un article s’intéresse aux effets d’un programme d’intervention de type
phonologique. Les enfants sont de mauvais lecteurs (et non des
dyslexiques) et sont comparés à un groupe contrôle (non soumis au
programme) composé d’enfants n’ayant pas de difficulté dans
l’apprentissage de la lecture. La langue cible est le portugais (3).
3 – Les Cahiers de l’ASELF (2014) Vol. 11, fasc. 3
Un article s’intéresse aux effets d’un entrainement multimodal
(phonologique et du traitement orthographique) sur l’activité corticale
d’enfants dyslexiques. Les effets respectifs des deux programmes ne sont
pas dissociés (avec un groupe contrôle). La langue cible est le français
(5).
Un article s’intéresse aux effets d’un programme d’intervention de type
phonologique (avec trois groupes contrôles). La langue cible est le
portugais (11).
Un article s’intéresse aux effets d’une intervention de type phonologique
combinée au décodage, sur l’activité cérébrale d’enfants présentant un
risque de retard en lecture (pas de groupe contrôle). La langue cible est
l’anglais (12).
Un article évalue l’effet d’un traitement lexico-phonologique sur les
performances en lecture d’enfants dyslexiques (pas de groupe contrôle
mais comparaison à des normes existantes). La langue cible est le
néerlandais (14).
Un article évalue l’effet d’un entrainement à l’identification de
changements auditifs rapides, sur les performances en lecture chez des
enfants dyslexiques (pas de groupe contrôle). La langue cible est l’anglais
(2).
Un article évalue l’effet d’un programme de stimulation sensorielle,
intégré à une thérapie visuo-motrice et vestibulaire (avec un groupe
contrôle) (10).
Un article est une revue de la littérature qui discute de l’activité complexe
qu’est la lecture ; de la dyslexie et des différences inter langues ; des
différentes aires cérébrales impliquées dans la lecture ; du caractère
génétique de la dyslexie et de la comorbidité avec d’autres troubles (4).
4 – Les Cahiers de l’ASELF (2014) Vol. 11, fasc. 3
Un article est théorique et expose le programme PHASt (Phonological
and Strategy training) (6).
Un article compare l’efficacité de trois types d’interventions
(phonologique, morphologique et mathématique) chez le mauvais
lecteur (sans groupe contrôle). La langue cible est l’anglais (9).
Un article est une méta-analyse de 11 études qui avaient pour objectif
d’évaluer les effets d’un entrainement phonique. La langue cible est
l’anglais (7).
Voici le tri réalisé suite à l’analyse des résumés des articles obtenus
dans la recherche :
Un article est conservé pour répondre à la question clinique (11).
Deux articles sont conservés pour aller au-delà de la question clinique
de départ : l’article qui concerne l’effet d’un entrainement lexico-
phonologique en néerlandais (14); l’article qui s’intéresse aux effets d’un
programme d’intervention de type phonologique en lecture car il décrit
en quoi consiste un programme de ce type (3).
Neuf articles sont rejetés pour la question clinique : les enfants évalués
ne sont pas des enfants dyslexiques (8), (9), (12) ; l’entrainement n’est pas
de type phonologique (2), (10), (7) ou est combiné à un entrainement
d’un autre type (5) ; les articles ne reprennent pas des données
expérimentales (4) (6).
5 – Les Cahiers de l’ASELF (2014) Vol. 11, fasc. 3
Evaluation critique des preuves
Article conservé pour la question clinique
Salgado, C., & Capellini, S., (2008). Phonological remediation program in
students with developmental dyslexia. Pro-Fono, 20 (1), 31-36.
Qualités de l’étude. L’expérience consiste en un design pré-test –
intervention – post-test. En plus d’un groupe d’enfants dyslexiques recevant
le programme, trois groupes contrôles interviennent : un groupe d’enfants
dyslexiques qui ne reçoit pas le programme ; deux groupes d’enfants
normo-lecteurs (un recevant le programme, l’autre pas). Tous les enfants
sont pré- et post-testés sur leurs habiletés phonologiques, de lecture et
d’écriture.
Caractéristiques de la population testée. 24 enfants (6 par groupe) âgés
de 8 à 12 ans, de la 2ème à la 4ème primaire participent à l’étude. Les enfants
viennent tous d’un même service ambulatoire d’un hôpital universitaire qui
a lui-même posé le diagnostic de dyslexie. Ils parlent portugais.
Caractéristiques de l’intervention. Le programme est constitué de 20
sessions de 40 minutes (une session par semaine) et est composé de huit
niveaux (correspondance graphophonologique 1, un graphème est associé
à un son ; discrimination phonémique sur base de syllabes orales ;
discrimination de paires de mots; correspondance graphophonologique 2,
une consonne suivie d’une voyelle sont présentées et l’enfant doit les
fusionner en syllabe ; identification phonémique ; segmentation
phonémique ; suppression phonémique).
Résultats. En pré-test, les enfants dyslexiques présentaient de moins
bonnes habiletés phonologiques, de lecture et d’écriture que les enfants
normo-lecteurs. En post-test, cependant, les enfants dyslexiques qui ont
reçu le programme présentent des performances similaires aux enfants
normo-lecteurs.
6 – Les Cahiers de l’ASELF (2014) Vol. 11, fasc. 3
Conclusions. Cette étude montre l’efficacité d’un programme de
remédiation phonologique chez des enfants présentant une dyslexie
développementale.
Article concernant un autre type de rééducation, menée
également dans une langue transparente (néerlandais)
Tijms, J., & Hoeks, J. (2005). Computerized treatment of dyslexia:
Benefits from treating lexico-phonological processing problems.
Dyslexia, 11 (1), 22-40.
Qualités de l’étude. L’expérience consiste en un design pré-test –
intervention – post-test. Il n’y a pas de groupe contrôle. Cependant, lors de
l’analyse des résultats, les données ont été comparées à des normes.
L’entrainement est prévu pour une période d’un an.
Caractéristiques de la population testée. 267 enfants de 10 à 14 ans ont
participé à l’étude. Ils ont été recrutés dans un centre spécialisé dans la
dyslexie fondé par le département de psychologie de l’Université
d’Amsterdam. Les enfants sélectionnés présentent des performances en
lecture et écriture en deçà de moins un écart-type ; ils présentent un trouble
phonologique ; leur score au test de QI se situe au-delà de moins un écart-
type ; ils ne présentent pas de trouble visuel, auditif ou neurologique.
Caractéristiques de l’intervention. En pré- et post-test, les enfants sont
évalués sur la lecture de mots (vitesse), de textes (vitesse et précision) et
l’écriture de mots. L’intervention est de type lexico-phonologique et
consiste en 30 à 70 sessions de 45 minutes par semaine. De plus, l’enfant
doit s’entrainer 15 minutes, trois fois par semaine. Le programme
informatique utilisé est LEXY et se concentre sur la reconnaissance et
l’utilisation de la structure phonologique et morphologique des mots
néerlandais. Le programme commence avec un focus sur la structure
phonologique (du phonème à la syllabe) de la langue, puis sur le lien entre
la forme phonologique du mot avec son correspondant orthographique.
7 – Les Cahiers de l’ASELF (2014) Vol. 11, fasc. 3
Enfin, la structure morphologique de la langue est abordée. L’entrainement
consiste en des modules de lecture et d’écriture, exclusivement via un écran
et un clavier approprié. Le corpus des mots utilisés dans le programme n’est
pas le même qu’aux tests dans le but d’évaluer la généralisation de la prise
en charge.
Résultats. A la fin du programme, les enfants atteignent un niveau
comparable à ceux de leurs pairs en écriture et lecture de textes (précision)
mais, bien qu’il y ait eu progression, ils n’atteignent pas la
norme en lecture de mots, ni en vitesse de lecture de
textes. En outre, les analyses de régression montrent que
les niveaux de lecture et d’écriture au post-test sont
négativement corrélés avec le bénéfice du
traitement. Enfin, le niveau aux tâches
phonologiques en pré-test n’est pas lié au bénéfice
du traitement.
Conclusions. Cette étude montre l’efficacité d’un traitement de type
morpho-phonologique chez l’enfant dyslexique. Celui-ci soutiendrait le
module phonétique et faciliterait ainsi l'accès au lexique. Donc, en dépit du
trouble phonologique, l’enfant dyslexique peut atteindre des niveaux de
lecture et d’écriture comparables à ceux de ses pairs.
Article détaillant un programme d’intervention de type
phonologique
Partie de l’article : de Castro Silva, A.P., & Capellini, S.A. (2011). Phonological
remediation program in students with learning difficulties. Jornal da
Sociedade Brasileira de Fonoaudiologia, 23 (1), 13-20.
Caractéristiques de la population. Le programme a été élaboré à partir
des travaux de Hatcher, Hulme & Ellis (1994) et a été adapté au portugais
(Silva & Capellini, 2012 ; Capellini, 2009). Les enfants qui ont participé à
l’étude ont entre 8 ans et 12 ans et se trouvent entre la deuxième à la
8 – Les Cahiers de l’ASELF (2014) Vol. 11, fasc. 3
quatrième année primaire. Ils ont été sélectionnés par leurs instituteurs sur
base de leurs résultats scolaires. Le groupe contrôle (n’ayant pas été soumis
au programme) est constitué d’enfants n’ayant pas de difficulté
d’apprentissage de la lecture.
Durée du programme. 18 sessions à raison de deux sessions de 40 minutes
par semaine.
Composition du programme. Chaque session est composée d’une
nouvelle activité ajoutée aux activités précédentes. L’ordre des activités est
prévu comme suit :
1) Identification du son de la lettre : Chaque lettre de l’alphabet est
présentée. L’enfant doit l’identifier et donner le son correspondant.
2) Identification de mots au sein de la phrase : Sept énoncés sont donnés
oralement et l’enfant doit décomposer chacun d’eux en mots, en
frappant dans les mains.
3) Identification de syllabe et manipulation dans un mot : Deux mots sont
donnés oralement et l’enfant doit identifier les syllabes. Ensuite, il lui
est demandé d’isoler les syllabes initiales, médianes ou finales des deux
mots et de les fusionner pour former un nouveau mot.
4) Fusion phonémique : Sept mots sont énoncés oralement, son par son.
L’enfant doit les reconnaître.
5) Rime : L’enfant est sollicité à énoncer des mots qui finissent par le
même son et à identifier des images correspondant à une rime donnée.
6) Identification et discrimination phonémique : Un phonème est donné
et l’enfant doit donner un mot qui commence par ce son. Ensuite, sept
mots sont donnés oralement et l’enfant
doit identifier si le phonème cible en fait
partie ou pas.
7) Segmentation phonémique : Sept mots
sont énoncés et l’enfant doit donner les
phonèmes qui le composent. Des cartes
colorées sont utilisées pour l’aider.
9 – Les Cahiers de l’ASELF (2014) Vol. 11, fasc. 3
8) Soustraction phonémique : Six mots sont énoncés, l’enfant doit y
soustraire le dernier phonème. Ensuite, six autres mots sont énoncés,
l’enfant doit y soustraire le premier phonème.
9) Substitution phonémique : Sept mots sont énoncés oralement et
l’enfant doit en soustraire le premier phonème pour le remplacer par
un autre et ainsi former un nouveau mot.
10) Transposition phonémique : L’enfant doit répéter un mot en inversant
les phonèmes pour former un nouveau mot.
BIBLIOGRAPHIE - ARTICLES SELECTIONNES
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3. de Castro Silva, A.P., & Capellini, S.A. (2011). Phonological remediation program in students with learning difficulties. Jornal da Sociedade Brasileira de Fonoaudiologia, 23 (1), 13-20.
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10 – Les Cahiers de l’ASELF (2014) Vol. 11, fasc. 3
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BIBLIOGRAPHIE - REFERENCES SUPPLEMENTAIRES
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