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SUPRÉMATIE DU MODÈLE ANGLAIS DANS LA BATAILLE MONDIALE DU FOOTBALL LIRE PAGE 2 J CAC 40 3 958 PTS – 0,40 % Un hors-série du Monde, 100 pages 7,50 en vente chez votre marchand de journaux Le laboratoire BioMérieux s’offre une pépite américaine des tests ADN LIRE PAGE 6 CHINE : LA DIRECTION DU GROUPE GSK SOUPÇONNÉE DE CORRUPTION LIRE PAGE 6 Au G20, les BRICS grondent et réclament plus de coordination LIRE PAGE 3 j TAUX FRANÇAIS À 10 ANS 2,51 % 04/09 - 9 H 30 LVMH I l est tentant d’y voir un aveu de culpabilité. Le groupe LVMH a renoncé à faire appel de la sanction record que lui a infligée l’Auto- rité des marchés financiers (AMF) dans l’affaire Hermès. Le 1 er juillet, lors de l’annon- ce de cette amende de 8 mil- lions d’euros, la plus lourde jamais arrêtée par le gendar- me de la Bourse de Paris, le géant du luxe avait immédiate- ment fait savoir par communi- qué qu’il irait devant la cour d’appel afin de rétablir la « réa- lité des faits ». « Le principe même de la sanction et plus encore le montant de celle-ci » sont « totalement injustifiés », écrivait-il. Changement de ton. Le com- muniqué du 1 er juillet a disparu du site Internet de LVMH, et un nouveau texte publié le 3 sep- tembre annonce sa décision de clore la procédure. Il n’y est plus question de réalité des faits à rétablir, cette procédure se réduisant à un débat juridico-financier. « L’intérêt des actionnaires de LVMH ne saurait se réduire à la seule défen- se des grands principes du droit », justifie la société. Au-delà de cette volte-face sémantique, le calcul du groupe de Bernard Arnault peut se com- prendre. Le géant mondial du luxe avait sans doute plus à per- dre à voir le déplorable feuille- ton de son arrivée masquée au capital d’Hermès, en 2010, rem- plir les gazettes du monde entier. L’image dans le luxe est sans doute le plus précieux capi- tal à préserver avec la qualité. Bilan plus que positif Côté financier, le montant de l’amende a beau être stratosphé- rique pour l’AMF, il est insigni- fiant pour le malletier-joaillier- parfumeur. Il représente 0,2 % de son bénéfice net 2012. Le bilan de l’opération est plus que posi- tif puisque les 23 % qu’il détient dans le groupe familial Hermès représentent une plus-value potentielle d’environ 3,5 mil- liards d’euros. Comme dans les transactions judiciaires aux Etats-Unis, il est ici plus rentable de laisser tomber l’affaire. Le montant se digère aisé- ment, les motifs de la sanction de l’AMF resteront donc sans contestation. Dans ce dossier, le gendarme de la Bourse avait jus- tifié sa sévérité par la « politique d’opacité » et « un manquement à l’obligation d’information (…) caractérisé ». Nous ne saurons pas si le groupe de Bernard Arnault était fondé à protester LVMH préfère aujourd’hui y voir des signes encourageants pour le reste des procédures. Car la bataille judiciaire avec Her- mès se poursuit sur d’autres fronts. Celui qui s’était invité de façon inamicale au capital de son voisin estime que l’AMF a confirmé qu’il n’avait commis « ni manquement à la réglemen- tation sur les franchissements de seuil, ni délit d’initié, ni manipu- lation de cours ». Laissons le soin à l’instruction en cours de déci- der si la réalité des faits mérite d’être présentée au tribunal. Pendant ce temps, LVMH sou- haite « assurer une saine gestion de sa participation dans Her- mès ». Dont il a encore grignoté 0,5 % du capital au premier semestre. L’histoire n’est pas ter- minée. p [email protected] Le vinyle creuse son (micro)sillon La survie miraculeuse des galettes noires ne suffira pas, et de loin, à tirer l’industrie musicale de sa langueur. En revanche, elle est riche d’enseignements quant aux ressacs de la transition numérique. LIRE PAGE 8 Les géographes retrouvent le goût du débat économique Les économistes oublient souvent la dimension spatiale dans leurs travaux et leurs théories. Une série d’ouvrages récents tente de réconcilier les deux disciplines et témoigne de l’utilité de leurs enrichissements réciproques. LIRE PAGE 7 PERTES & PROFITS | par Jean-Baptiste Jacquin La réalité des faits à l’épreuve du temps La compétitivité de la France continue sa glissade CULTURE PUBLICATIONS L a France a perdu en 2013 deux places dans le classement mondial de la com- pétitivité et de l’innovation publié, mercredi 4 septembre, par le Forum économique mondial de Davos. A en croire ce baromètre très suivi par la communauté internationale, l’Hexagone se range désor- mais à la 23 e place sur 148, derrière la Suisse (n o 1), Singapour (n o 2), la Finlande (n o 3), l’Alle- magne (n o 4) ou les Etats-Unis (n o 5). Mais aus- si le Qatar (n o 13) ou l’Arabie saoudite (n o 20). En dix ans, la France a, certes, amélioré sa position – elle était au 26 e rang en 2003 –, mais s’est laissé largement distancer par l’Al- lemagne, qui arrivait alors en 13 e position. Ces dernières années, l’Hexagone, qui occupait la 15 e place en 2010, n’a cessé de reculer sur la car- te de la compétitivité mondiale. Pour l’heure, le « pacte de compétitivité », présenté par le gouvernement en novem- bre 2012, n’a pas fait ses preuves, même si Klaus Schwab, l’organisateur de Davos, y voyait, fin 2012, un « bon signe » attestant de la « prise de conscience » du déclin français par les élites au pouvoir. Les experts de Davos dénoncent une nouvelle fois un marché du travail trop rigide et des relations entre sala- riés et employeurs trop conflictuelles. Ils expliquent aussi la glissade de 2013 par les inquiétudes des milieux d’affaires au sujet de la santé du secteur bancaire, qui ne s’est pas remis de la crise financière. A l’heure où le gouvernementveut une « pause fiscale », le rapport pointe un régime fiscal (classé n o 127) « distordu », défavorable au travail. p LIRE PAGE 4 j PÉTROLE 115,76 $ LE BARIL t L’Hexagone perd deux places et arrive au 23 e rang du classement 2013 du Forum économique mondial de Davos j EURO-DOLLAR 1,3167 Rang dans le classement Davos 2013-2014 et variation par rapport à 2012-2013 Allemagne 4 e +2 Etats-Unis 5 e +2 Royaume-Uni 10 e –2 France 23 e –2 L’EUROPE A PERDU LA BATAILLE DE LA HIGH-TECH t Le rachat de l’activité « mobiles » de Nokia par Microsoft marque la disparition du dernier fleuron européen dans l’électronique grand public t Le Vieux Continent peut toutefois encore compter sur la puissance de ses opérateurs téléphoniques LIRE PAGE 5 Mardi 3 septembre, Microsoft a acquis la division « mobiles » de la société finlandaise pour 5,4 milliards de dollars. REUTERS j DOW JONES 14 833 PTS + 0,16 % Jeudi 5 septembre 2013 Cahier du « Monde » N˚ 21346 daté Jeudi 5 septembre 2013 - Ne peut être vendu séparément

ECO - 05 Septembre 2013

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SUPRÉMATIEDU MODÈLEANGLAIS DANSLA BATAILLEMONDIALEDU FOOTBALLLIRE PAGE2

J CAC 40 3958PTS–0,40%

Un hors-série du Monde, 100 pages

7,50€ en vente chez votre marchand de journaux

Le laboratoireBioMérieuxs’offreunepépiteaméricainedestestsADNLIRE PAGE 6

CHINE :LA DIRECTIONDU GROUPE GSKSOUPÇONNÉEDECORRUPTIONLIRE PAGE6

AuG20,lesBRICSgrondentet réclamentplusdecoordinationLIRE PAGE 3

j TAUX FRANÇAIS À 10 ANS 2,51%04/09 - 9H 30

LVMH

Il est tentant d’y voir unaveu de culpabilité. Legroupe LVMH a renoncé àfaire appel de la sanction

recordque luia infligée l’Auto-rité des marchés financiers(AMF)dans l’affaireHermès.

Le 1er juillet, lors de l’annon-ce de cette amende de 8mil-lions d’euros, la plus lourdejamais arrêtée par le gendar-me de la Bourse de Paris, legéantduluxeavaitimmédiate-mentfait savoirparcommuni-qué qu’il irait devant la courd’appel afinde rétablir la «réa-lité des faits ». « Le principemême de la sanction et plusencore le montant de celle-ci»sont «totalement injustifiés»,écrivait-il.

Changementdeton.Lecom-muniquédu1er juilletadisparudusiteInternetdeLVMH,etunnouveau texte publié le 3sep-tembreannoncesadécisiondeclore la procédure. Il n’y estplus question de réalité desfaits à rétablir, cette procédurese réduisant à un débatjuridico-financier. «L’intérêtdes actionnaires de LVMH ne

sauraitseréduireàlaseuledéfen-se des grands principes dudroit», justifie la société.

Au-delà de cette volte-facesémantique, le calcul du groupedeBernardArnaultpeut se com-prendre. Le géant mondial duluxe avait sans doute plus à per-dre à voir le déplorable feuille-ton de son arrivée masquée aucapital d’Hermès, en 2010, rem-plir les gazettes du mondeentier. L’image dans le luxe estsansdoute leplusprécieuxcapi-tal à préserver avec la qualité.

Bilan plus quepositifCôté financier, le montant de

l’amendeabeauêtrestratosphé-rique pour l’AMF, il est insigni-fiant pour le malletier-joaillier-parfumeur. Il représente 0,2%desonbénéficenet2012.Lebilande l’opération est plus que posi-tif puisque les 23% qu’il détientdans le groupe familial Hermèsreprésentent une plus-valuepotentielle d’environ 3,5mil-liards d’euros. Comme dans lestransactions judiciaires auxEtats-Unis, il est ici plus rentablede laisser tomber l’affaire.

Le montant se digère aisé-ment, les motifs de la sanction

de l’AMF resteront donc sanscontestation. Dans ce dossier, legendarmede laBourseavait jus-tifié sa sévérité par la «politiqued’opacité» et «unmanquementà l’obligation d’information (…)caractérisé». Nous ne sauronspas si le groupe de BernardArnault était fondé àprotester

LVMH préfère aujourd’hui yvoir des signes encourageantspour le restedesprocédures.Carla bataille judiciaire avec Her-mès se poursuit sur d’autresfronts. Celui qui s’était invité defaçon inamicale au capital deson voisin estime que l’AMF aconfirmé qu’il n’avait commis«nimanquement à la réglemen-tation sur les franchissementsdeseuil, ni délit d’initié, nimanipu-lationde cours». Laissons le soinà l’instruction en cours de déci-der si la réalité des faits mérited’êtreprésentée au tribunal.

Pendantce temps, LVMHsou-haite «assurer une saine gestionde sa participation dans Her-mès». Dont il a encore grignoté0,5% du capital au premiersemestre.L’histoiren’estpaster-minée.p

[email protected]

Le vinyle creuseson (micro)sillonLasurviemiraculeusedesgalettesnoiresnesuffirapas, etde loin,àtirer l’industriemusicaledesa langueur.Enrevanche,elleest riched’enseignementsquantauxressacsde la transitionnumérique.LIREPAGE8

Les géographesretrouvent le goûtdudébat économiqueLeséconomistesoublientsouventladimensionspatialedans leurstravauxet leurs théories.Uneséried’ouvragesrécents tentederéconcilier lesdeuxdisciplinesettémoignede l’utilitéde leursenrichissementsréciproques.LIREPAGE7

PERTES & PROFITS | par Jean-Baptiste Jacquin

Laréalitédes faitsà l’épreuvedu temps

Lacompétitivitéde laFrancecontinuesaglissade

CULTURE

PUBLICATIONS

La France a perdu en 2013 deux placesdansleclassementmondialdelacom-pétitivité et de l’innovation publié,mercredi 4septembre, par le Forum

économiquemondial de Davos. A en croirece baromètre très suivi par la communautéinternationale, l’Hexagone se range désor-mais à la 23eplace sur 148, derrière la Suisse(no 1), Singapour (no2), la Finlande (no3), l’Alle-magne(no4)ou lesEtats-Unis (no5).Maisaus-si leQatar (no13) ou l’Arabie saoudite (no20).

En dix ans, la France a, certes, amélioré sa

position – elle était au 26e rang en 2003 –,mais s’est laissé largementdistancerpar l’Al-lemagne,quiarrivaitalorsen13eposition.Cesdernièresannées,l’Hexagone,quioccupaitla15eplaceen2010,n’acessédereculersurlacar-tede la compétitivitémondiale.

Pour l’heure, le «pacte de compétitivité»,présenté par le gouvernement en novem-bre2012, n’a pas fait ses preuves, même siKlaus Schwab, l’organisateur de Davos, yvoyait, fin 2012, un «bon signe» attestant dela «prise de conscience» du déclin français

parlesélitesaupouvoir.LesexpertsdeDavosdénoncent une nouvelle fois un marché dutravail trop rigide et des relations entre sala-riés et employeurs trop conflictuelles. Ilsexpliquent aussi la glissade de 2013 par lesinquiétudes des milieux d’affaires au sujetde la santé du secteur bancaire, qui ne s’estpas remis de la crise financière. A l’heure oùlegouvernementveutune«pausefiscale», lerapportpointeunrégimefiscal (classéno127)«distordu», défavorableau travail.p

LIRE PAGE4

j PÉTROLE 115,76$ LE BARIL

tL’Hexagoneperddeuxplaces et arrive au23e rangduclassement 2013duForuméconomiquemondial deDavos

j EURO-DOLLAR 1,3167

Rangdans le classementDavos 2013-2014et variation par rapport à 2012-2013

Allemagne 4e + 2

Etats-Unis 5e + 2

Royaume-Uni 10e– 2

France 23e– 2

L’EUROPEA PERDULA BATAILLE DELA HIGH-TECH

t Le rachat de l’activité«mobiles»deNokiaparMicrosoftmarque ladisparitiondudernierfleuroneuropéendansl’électronique grandpublict LeVieuxContinentpeut toutefois encorecompter sur lapuissancedeses opérateurstéléphoniquesLIREPAGE5

Mardi 3 septembre,Microsoftaacquis la division «mobiles»de la société finlandaise pour

5,4milliards de dollars.REUTERS

j DOW JONES 14 833 PTS +0,16%

Jeudi 5 septembre 2013

Cahier du «Monde »N˚ 21346 daté Jeudi 5 septembre 2013 - Nepeut être vendu séparément

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Lefootballanglais,stardusystèmeLesclubsde laPremierLeagueont faitexploser lemarchédestransferts lorsdumercatod’été

CE MARCHÉGLOBAL

INTÉRESSEANNONCEURSET SPONSORS,QUI VEULENTAPPOSER

À TOUT PRIXLEUR LOGODANS LESSTADES OUSUR LESMAILLOTS

LE TICKETD’ENTRÉE

DANS LA LIGUEANGLAISERESTE

MODESTECOMPARÉAU PRIX

QU’IL FAUTPAYER POURACQUÉRIRUNE ÉQUIPEEN AMÉRIQUEDU NORD

plein cadre

LondresCorrespondant

On ne voit qu’eux. On ne parleque d’eux. Ils s’appellentGareth Bale, Mesut Özil ouMarouaneFellaini. Ils sontres-pectivementgallois, allemand

etbelge.Avecunepoignéed’autresgrossespointures,cestroisstarsdufootballanglaisont fait exploser le marché des transfertslorsdumercatod’étéquis’est terminé lun-di 2septembre – le chiffre faramineux de647millions de livres (764,5millions d’eu-ros) constitueunrecordhistorique.

Le jour de la clôture, le club londoniendeTottenhamacédéGarethBalepourunesommeavoisinant85millionsde livresauReal Madrid qui a, pour sa part, venduMesut Özil pour 42,4millions de livresàArsenal,uneautreformationdelacapita-lebritannique.Danslemêmetemps,Man-chester United raflait Marouane FellainiàEverton pour 27,5millions de livres. Lessupporteurs de la Premier League, l’équi-valent anglais de la Ligue 1 française, enont encoreplein les yeux.

Plusque jamais,dans labatailledu foot,devenuunbusiness planétaire, lemodèleéconomique anglais écrase ses concur-rents sur le Vieux Continent. Cette courseaux transferts, qui se joue parallèlementàcelled’untitre,confirmel’ascendantprispar le berceauduballon rond.

A lire la dernière étude du cabinet bri-tanniqued’auditDeloitte, lorsde la saison2011-2012, le chiffre d’affaires de la Pre-mier League s’est élevé à 2,2milliards delivres, dépassant largement celui de laLigue1 (1,3milliard d’euros), ainsi queceux de la Bundesliga allemande et de laLiga espagnole. Sur la même période, leRealMadrid et le FC Barcelonemonopoli-saientlesdeuxpremièresplacesduclasse-ment, mais sept clubs anglais figuraientparmi les vingtplus riches d’Europe.

Comment expliquer une telle domina-tion en ces temps de difficultés économi-queoutre-Manche?

Formidable pourvoyeur d’une audien-ce désormais planétaire, donc de recettespublicitaires, le football anglais fait l’objetde toutes les convoitises parmi les géantsde la communication. Et c’est à l’écheloninternational que se jouent ces gigantes-ques enjeux.

Pour courtiser les fans en Asie, auxEtats-UnisouenAmérique latine, les diri-geants des enseignes les plus réputéescomme Manchester United, Chelsea FCouLiverpoolFConteurecoursauxtechni-ques de marketing les plus élaborées :déplacements médiatisés des équipeslorsdelaprésaison,campagnesdepromo-tion des stars qui composent les effectifset recrutementde vedettes locales.

Résultat, le championnat anglais estdevenu une vraie tour de Babel danslaquelleévoluentnonseulementdesEuro-péens mais aussi des Japonais, des Sud-Coréens,desChinois,ouencoredesAustra-liennes, desAméricains oudesArabes.

Cemarché global intéresse à l’évidencepublicitaires, annonceurs et sponsors quientendent apposer leur logo à tout prixdans les stades ou sur lesmaillots.

«Le foot anglais a réussi cette prouessedemêler la technique, le contrôleduballonetlebrioindividueldesétrangersaujeutra-ditionnel d’ici, physique et collectif, en uneformule gagnante », explique JohnWilliams,professeurdesociologiedufoot-ball à l’université de Leicester. A ses yeux,l’arrivée en masse, outre-Manche, desFrançais menés par Eric Cantona, DavidGinola et Thierry Henry dans les années1990achamboulé la feuille dematch, jus-que-là limitéeauxjoueursanglaisavecuntraditionnelrenfortd’Ecossais,d’Irlandaisoude Scandinaves.

Enfin,l’oligarquerusseRomanAbramo-vitch, propriétaire du Chelsea FC depuisdixans, a fait des émules. Aujourd’hui, lesquatre premiers du championnat2012-2013 appartiennent en totalité oumajoritairementàderichesétrangers,ori-ginaires des Etats-Unis, d’Abou Dhabi oudeRussie.

«Ce sont des entreprises privées rache-tées par des individus aux poches profon-desquin’ontdecomptesàrendreàperson-ne», souligne Rogan Taylor, spécialiste de

l’économie du football à l’université deLiverpool. Or, quels que soient les motifsréels de ces investissements – prestige,diversification ou blanchiment d’argent,voire les trois –, le ticket d’entrée dans laligueanglaisedemeuremodeste comparéauprix qu’il faut payer pour acquérir, parexemple, une équipe professionnelle debase-ball,dehockeysurglaceoudebasketenAmériqueduNord.

Mais les nouveauxmagnats duballonrondontunobstacledetaille à surmonter en la per-sonne de Richard Scudamore.

Ledirecteurde laPremierLeaguea sorti lecarton rouge devant la frénésie de dépen-ses des clubs, en particulier l’envolée desrémunérations et des primes des joueursoctroyéesparcespatronsvenusd’ailleurs.

Teln’estpaslemoindreparadoxedecet-teindustrieoùl’argentcouleàflots:enrai-son de l’inflation salariale, la plupart desclubssontdéficitairesetsontendettésjus-qu’aucou.C’estpourquoilaLeagueaadop-té, en mars, des restrictions sur les rému-nérations et des limites aux pertes.Roman Abramovitch avait pour sa partpris les devants en effaçant, en 2009, latotalitéde la dette duChelsea FC.

Parmi les autres réformes en discus-sion, figurentunemeilleure transparencecomptable et l’octroi de garanties de rem-boursementde la dette en cas de vente.

Sur le papier,M.Scudamore n’avait pasle choix. Le «fair-play financier» introduitpar l’Union européenne de football(UEFA), selon lequel un club ne peut pasdépenserplusqu’ilnegagnepourpouvoirparticiper à la Ligue des champions – laplus prestigieuse compétition du VieuxContinent–doitentrerenvigueuren2014.

Maisdanslesfaits,contournerlalégisla-tion est un jeu d’enfant. D’autant que lefuturrèglementde l’UEFApermetdemet-tre les dépenses d’infrastructure horsbilan. C’est le cas par exemple du colossalprojet de Manchester City, un club forte-mentdéficitaire,de créer…uncentre com-mercial et d’affaires autour du stade Eti-haddans lequel évolue l’équipe.

Le président de l’UEFA, le FrançaisMichel Platini, l’a d’ailleurs reconnu dansune interview à l’Evening Standard : lesclubsanglaisdisposentdesmeilleursavo-catspour faireannuler toute sanctionquepourraitprendreun tribunal.

Une société qui emprunte à tire-larigotà son heure de gloire pour acheter desstars surpayées et a recours aux techni-

ques de financement les plus opaques etacrobatiques… Beaucoup voient là dessimilitudes entre l’actuelle course augigantisme du foot anglais et la crise dessubprimes, en 2008.

Professeur à l’université du Michigan,Stefan Szymanski, co-auteur de Soccerno-mics, se veut rassurant. «Ces récents trans-ferts, au contraire, soulignent la solidité dufootballenEuropequia ignoré lacrise. Iln’yapasderisquesystémique,commec’était lecas de la finance, car il y aura toujours unrepreneur et le foot est facile à compren-dre». Par ailleurs, insiste notre interlocu-teur, les transferts vont dans les deuxsens. Bale souhaitait changer d’air. Et bonnombrede joueursétrangersontdumal àsupporterlerythmeinfernaldescompéti-tionsanglaises, l’absencede trêvedeNoël,leharcèlementde lapressepopulaire et laconcurrenceàcouteauxtiréspourunepla-ce en Ligue des champions.

Aujourd’hui, pour l’emporter au plushaut niveau, il n’y a pas d’autre solutionquede sacrifier les profits en recrutant aupluscher lesmeilleurséléments.LeFinan-cialTimesenestpersuadé,comparantl’ac-quisition de Gareth Bale par le RealMadrid à l’achat d’unPicasso… p

MarcRoche

Gareth Bale au stadeSantiago Bernabeu àMadrid,

mardi 3 septembre.Le joueur gallois a été transféré

du club londonien de TottenhamauRealMadrid pour unmontant

estimé à 100millions d’euros.GÉRARD JULIEN/AFP

Lasurenchèredesdroitsderetransmissionàlatélévision

LondresCorrespondant

C’est unebataillede titans, par lesport interposé, que se livrent leschaînesbritanniquesde télévision.Le 1eraoût, l’opérateurBT alancé sonoffrede retransmissionendirect de38matchsde laPremierLeague, lechampionnatélite anglais de foot-ball. Les droitsde télédiffusion,acquispour trois années, s’élèventà738millionsde livres (872millionsd’euros).

BSkyB, le bouquet par satellitedont lemagnat australo-américainRupertMurdoch est actionnaireàhauteur de 39%, continue, lui, dese tailler la part du lion endébour-sant 2,3milliards de livres pourdif-fuser 116 rencontres.Quant à laBBC, elle a versé 180millions delivres en vuededécrocher lesmatchs endifféré.

Grandséducteur, le footballanglais est aussi pleinde dangers.AvantBT,OnDigital, Setanta etESPNontdû rendre leur tablier faceau rouleau compresseurBSkyB.

Etmalgré une campagnepublici-taire coûteuse, BT Sport ne compteque 500000abonnés à ses troischaînes (contre 11millions pourSky) uniquementdisponibles surl’Internet.Qu’importe, puisque l’ob-jectif affichéde cet investissementest avant tout de consolider sa clien-tèle d’abonnésauWebhaut-débit.

Expansion internationaleCette foire d’empoigne souligne

combien lamanne télévisée desdroits de retransmissionde la Pre-mier League est devenueunepom-pe à argent: lors de la saison2013-2014, le pactole s’élevait à4,4milliards de livres, dont 1, 4mil-liard à l’international, contre 3mil-

liards au total en 2012-2013 et 1,1mil-liard lors de la créationde la League,en 1992. Lamoitié des revenus estdistribuéeàparts égales entre lesvingt clubs, l’autremoitié dépenddes résultats et de l’exposition télé-visuelle.

Le systèmeest destinéàmainte-nir lemodèleéconomiquetripartitedesparticipantsà laPremierLeague.Envertudecetarrangement, les reve-nusseventilentgrossomodode lamanièresuivante:un tiersprovientdesdroits télévisés,untiersde labilletterie,de la restaurationetdesautresproduitsdérivés les joursdematch,et undernier tiersdusponso-ringainsiquedumerchandising.

Lorsdu lancementde laPremierLeague, en 1992, les recettes tiréesdes retransmissionsétaientoriginai-resduRoyaume-Uni.Aujourd’hui,l’envoléede l’internationalboulever-se ladonne.AuxEtats-Unis,où le

«soccer» est enexpansion, le réseauNBCapayé250millionsdedollars(190millionsdedollars)pendanttroisanspourgarantir l’exclusivité,soit trois fois lemontant régléparFoxSportspour la saison2012-2013.Descontratsont été aussi signésenIndeet enAfriquesubsaharienne.

Poursesdétracteurs, lepactoletélévisuelne faitqu’accentuer le cli-vageentregrandsetpetits clubs. SiSouthamptonouFulhamqui se lan-guissentenbasdeclassementpeu-ventgagner jusqu’à60millionsdelivresparanendroits,ManchesterUnitedouArsenaldevraient rece-voir le double.

Par ailleurs, en raisonde leurpres-tige, lesmastodontesdeLondres, deManchesteroudeLiverpool, quijouentàguichets fermés,peuventaugmenterà leurguise leprixdesplacesetdesproduitsdérivés. p

M.R.

2 0123Jeudi 5 septembre 2013

Page 3: ECO - 05 Septembre 2013

économie&entreprise

Lesémergentsmieuxarmésquelorsdelacriseasiatiquede1997-1998

L a situation en Syrie n’est cer-tes pas de la compétence duG20, mais elle occupera une

bonnepartie de l’agendades chefsd’Etat et de gouvernement desvingt plus grandes puissancesmondiales jeudi 5 et vendredi6septembre à Saint-Pétersbourg(Russie). Au risque que l’autre thè-medediscussionsquis’est imposéces dernières semaines, à savoir lecoup de déprime économique etmonétaire de certains pays émer-gents, enpâtisse.

Etpourtant,AfriqueduSud,Bré-sil, Inde, Indonésie, Turquie, ouautres «BRICS» viennent à Saint-Pétersbourgpourprotester contreles dégâts provoqués chez euxparles pays industrialisés.

«Les questions relatives à unemeilleure coordination des politi-ques pour restaurer la croissancedans le monde doivent être abor-dées.Plusparticulièrementlarelan-ce de la croissance dans les paysémergents,quiaralenti»,prévient,dansunentretien auMonde,Mon-tek Singh Ahluwalia, «sherpa» dupremierministre indien, Manmo-han Singh. « Il faut trouver unmoyen de faire face aux effets decontagionmonétaire», ajoute-t-il.

Le ralentissement aux Etats-Unis et la crise de la dette en zoneeuro ont amenuisé les importa-tions,dégradantlabalancecouran-te des pays émergents et affaiblis-sant leur croissance.

L’annonce faite en mai par laRéserve fédérale américaine (ban-que centrale, Fed) – elle réfléchitàréduire les85milliardsdedollars(64milliardsd’euros)qu’elle injec-te chaquemois dans l’économie –aaggravé la situation en déclen-chantunehaussedestauxquiatti-rent les capitaux hors des paysémergents et les obligent à freinerla chutede leurmonnaie.

«Les effets de contagion sont unproblème pour tous les pays émer-gents, ce qui rend nécessaire unesolution systémique. De la mêmemanière que le G20 essaie de coor-donner les politiques fiscales, une

consultation devrait être organiséepour harmoniser les politiquesmonétaires, aumoinspour les paysdont la monnaie est une monnaiederéserve»,ditM.SinghAhluwalia.

Fuite des capitaux«Le problème de ces pays est

qu’ils protestent contre la légèretéavec laquelle les Occidentaux déci-dent leurs orientations économi-quesetmonétaires– et ilsn’ontpastort –, mais ils ne savent pas quoileur demander en compensation»,relève l’un des négociateurs dusommetduG20.

Poursuivreunepolitiquemoné-taire accommodante pour inciterles capitaux à rester chez eux ?«Impossible, ilsontréclaméàlaFedla fin de cette politique», note cemêmeexpert. Que le Fondsmoné-taire international (FMI) autoriseun contrôle des changes ou descapitaux? «Cela leur est déjà per-mis.» Obtenir des pays occiden-taux les liquidités pour contrerleur hémorragie de capitaux? «LeFMI dispose de facilités pour cela,mais lesémergentsneveulentpasyrecourir en raison de l’humiliationque cela représenterait pour leur

opinion publique. » Ces paysdevraient donc ressortir à Saint-Pétersbourgleurprojetd’unesortede FMI à eux dont les exigencesseraientmoins rudes que celles del’institutiondeWashington.

«Les leadersdesBRICSparlerontsansdouteaussi enmargedu som-met» de la création d’un fonds deréserve commun des devises de100milliards de dollars, indiqueM.Singh Ahluwalia. Il s’agit dechercheràseprotégerdelavolatili-té du marché des changes et des’aider mutuellement à résisteràunefuitedecapitaux.«Lesdispo-

sitions d’intervention nécessitentdes arrangements financiers com-plexes. Il fautdutempspoursemet-tre d’accord sur les règles», relèvetoutefois le négociateur indien.

Outre le faitque lasommeenvi-sagée est insignifiante pourcontrer les paniques desmarchés,les questions qui ont fait différerla création d’une «banque desBRICS», rivale de la Banque mon-diale, compliqueront la naissancede ce fonds. Qui le financera? Quisurveillerasesprêts?Quiaccueille-ra son siège? Comment y serontrépartis les droits de vote?

Le président français, FrançoisHollande, pourrait avoir, pour sapart, un motif de satisfactionenobtenantdesavancéessurlesques-tions fiscales.

Il sepourrait en effetque le seulrésultat tangible du sommet deSaint-Pétersbourg soit l’annexe àson communiqué final où l’onpourra lire que les dirigeants veu-lentmettreenplace, avec l’aideduFMI, des dispositifs obligeant lesgrandes entreprises àpayer… desimpôts. p

AlainFaujas avecJulienBouissou (àNewDelhi)

DEQUELLEnature sont les turbu-lencesque connaissent lespaysémergents? S’agit-il d’un simpleajustementau resserrementdespolitiquesmonétaires?Ouest-ceunecriseplus sérieuse, comme lefut celle de 1997-1998?

C’est enThaïlande, qui connais-sait depuisplusieurs annéesunecroissanceannuelled’aumoins8%, que la criseasiatiquedébuteily a seize ans. Le 14mai 1997, uneattaquespéculativeest lancéepardes fondsanglo-saxons contre lamonnaienationale, le baht, arri-méeaudollar. Le 2juillet, aprèsavoir assuréqu’il nedévalueraitpas, le gouvernementy estcontraint. Ladeviseperdalors50%de savaleur.

L’inquiétudegagne tous lespaysde l’Asie du Sud-Est qui affi-

chentdes déficits extérieurs éle-vés. Inquiets, les investisseurs ces-sent deprêter auxbanques. Lesmonnaies sontdévaluéesde 20 %à 30%, ce qui ruine l’économie,tandis que les remboursementsdesprêts consentis endollarsdeviennent colossaux. La perte decroissance sur unoudeuxans estde l’ordre de 10%à 15%.

Le Fondsmonétaire internatio-nal est appelé à la rescousse. La cri-se est violentemais brève. Elle setraduitpardes licenciementsmas-sifs et par des faillites bancairesenThaïlande et en Indonésie.Dès1999, la croissance repart.

Les similitudes avec la situa-tion actuellenemanquentpas.PatrickArtus (Natixis) les recen-se: «l’augmentationdes déficitsextérieurs, la très forte progression

du crédit, les effets de change, lasortie de capitauxpuis les très for-tesdépréciationsde certainesmon-naies (en l’espèce, le real brésilienet la roupie indienne).»

«Matelas»BenjaminCarton, chercheurau

CEPII, fait observerque les entréesde capitauxdans les pays émer-gents débutent toujours par unproblèmedans les pays industria-lisés. «Apartir des années1992-1993, les capitauxont affluédans ces économiesaprès la réces-sionaméricainequi avait entraînéunebaisse des tauxd’intérêt et derendementsaux Etats-Unis. Lesdétenteurs de capitaux cher-chaientun eldorado. Ce fut le “mi-racle asiatique”. C’est ànouveau labaissedes tauxdans les économies

avancées, consécutiveà la crisefinancièrede 2008-2009, quiaconduit les investisseursà cher-cherdes rendements enAsie.»

Commeen 1997-1998, la criseest brutale.Aupremier signed’in-quiétudesur la croissanceet aupremier impayé, la situation seretourne.«Le ralentissementde lacroissanceen2012a euuneffet derenversementdesanticipationsetprovoquéunesortiedes capitaux»,analyseM.Carton. Laperspectived’uneremontéedes tauxauxEtats-Unis conduit alors les investis-seursàquitter lespays émergents.Leursmonnaiesplongent.

Malgré cesdifficultés, ces payssemblentmieux armésqu’en1997-1998. Ils ont une épargnedomestiqueplus importante etdes réservesde changes colossa-

les. Ce «matelas» peut les aideràstopper l’hémorragiede capi-taux, à calmer le jeu. LeBrésil apuinjecter45milliardsd’eurosdanssonéconomie.«Desdispositifsdecontrôlede capitauxàlacarte exis-tentaussi, qui sontautantdegrainsde sabledans les rouagesdela financemondiale», ditM.Car-ton.Aquoi sacollèguede l’Observa-toire françaisdesconjonctureséco-nomiques,DanielleSchweisguth,ajoutedes tauxd’endettementplus faiblesetune intégrationasia-tiqueplusmarquée.

Les pays émergentsdevraientdoncpouvoir amortir le choc.Mêmesi le ralentissementde l’ac-tivité rappelle queni la croissanceni le passagede l’émergence audéveloppementne vont de soi. p

ClaireGuélaud

Présentationdesoutils delutte contre l’évasion fiscale

AuG20,lesBRICSveulentêtreentendusLespaysémergentsréclamentplusdecoordinationpourrelancer lacroissanceetatténuer leschocsmonétaires

Standard&Poor’saccuselegouvernementaméricaindesevengerdelapertedutripleAWashingtonadéposéplainte, en février, contre l’agencedenotation, l’accusantd’avoir créé«unsystèmedestinéàtromper les investisseurs»

Aucoursdusommetdes5et6septembreàSaint-Pétersbourg(Russie), leG20devrait encoura-ger l’Organisationdecoopérationetdedéveloppementéconomi-quesà luiprésenteren juin2014lesmodèlesd’accordsentreEtatset lesstandards informatiquespourque les informationssur lesmouvementsde fondssuspectset lesstructuresopaquessoientautomatiquementéchangéesentreadministrations fiscales.LeG20aborderaaussi la régula-tiondesassurancesetdes fondsspéculatifspourque leurdéconfi-tureéventuellenedéclenchepasdecatastrophes.Aumenufigureaussi leblocagepar lesEtats-Unisde la réformedesstatutsduFondsmonétaire internationalvisantà faireunemeilleureplaceauxgrandsémergents.

NewYorkCorrespondant

L e ton est monté d’un cran,mardi 3 septembre entreStandard &Poor’s (S&P) et le

gouvernement américain. Dansun document déposé auprès de lacour de Santa Ana, en Californie,l’agence de notation financière aaccusé le gouvernement d’avoirexercé des « représailles» à sonencontre en déposant une plaintecontre elle le 4février.

La puissance publique repro-che à S&P, à la veille de la crisefinancière, d’avoir attribué à des

titres de dettes immobilières lesmeilleures notes possibles, alorsque l’agence savait qu’ils étaientobjectivement toxiques.

Pour S&P, cette plainte seraitdirectement liée à la dégradationde la note de la dette américaine,qu’elle avait annoncée quelquesmois auparavant.

En août2011, S&P avait en effetretiré aux Etats-Unis leur triple A,pour la première fois de l’histoire,ébranlantlaconfiancedesprêteursà l’égard du pays. «Seule S&P adégradélesEtats-UnisetseuleS&Paété poursuivie par les Etats-Unis»,fait valoir l’agence.

S&P estime que les notationsqu’elle attribue constituent desopinions et se retranche derrièrele premier amendement de laConstitution américaine, qui pro-tège la liberté d’expression. Sesavocats vontmême jusqu’à quali-fier la démarche du gouverne-mentd’«inconstitutionnelle».

L’agencede notation financièredonne ainsi clairement une tour-nure politique à sa ligne de défen-se dans cette affaire, qualifiant laplainte du gouvernement de«sélective, punitive» et de « litigesans valeur».

Cetteripostevigoureuses’expli-

que par l’enjeu de ce procès. L’Etatréclame à S&P 5milliards de dol-lars (3,8milliards d’euros), soitl’équivalentdespertesdes institu-tionspubliques.

Ce montant représente aussicinq fois le bénéfice annuel deMcGraw-Hill, la maison mère deS&P,dont le coursdeBourse avaitdévissé lors de l’annonce de laplainte.

Niveau de risqueminimiséLes accusations du gouverne-

ment sont graves : S&P aurait«conçu et mis en œuvre un systè-me destiné à tromper les investis-

seurs». Dans saplainte, l’Etat fédé-ral estime que lorsque S&P attri-buait une bonne note à un titretoxique, minimisant de fait sonniveaude risque, l’agence «savait,contrairement à ce qu’elle présen-tait au public, être mue par sondésir de préserver et de renforcerses relations avec les émetteurs [deces titres]».

Le gouvernement estime quel’agence étant rémunérée par lesbanques émettrices de titres sub-primes, elle avait tout intérêt àbien les noter, quelle que soit laqualité réelle de ces dettes.

En février, le ministre de la jus-

tice américain, Eric Holder, avaitaffirmé,aulendemaindudépôtdela plainte, qu’elle n’avait aucunlienavec ladégradationde lanota-tionde la dette.

En réponse, dans le documentdéposéauprèsde la justice, l’agen-ce fait valoir que ses opinionsétaient indépendantes et baséessur une évaluation de bonne foides prêts immobiliers pendantunepériodeagitéesur lesmarchéset ajouteque, commequiconqueàl’époque, S&P n’avait pas anticipél’ampleurdel’impactdel’effondre-mentdumarché immobilier. p

Stéphane Lauer

30123Jeudi 5 septembre 2013

Page 4: ECO - 05 Septembre 2013

5000participants venus

du monde entierdu monde entierdu monde entier

200organisations

partenairespartenaires

300intervenants experts

venus de 100 pays

5000

Forum MondialCONVERGENCES17, 18 et 19 septembre 2013

6e édition – Paris

Plus d’infos surwww.c2015.orgPlus d’infos surwww.c2015.orgPlus d’infos surPlus d’infos surwww.c2015.orgPlus d’infos surPlus d’infos surPlus d’infos surPlus d’infos surPlus d’infos surPlus d’infos surPlus d’infos surwww.c2015.orgwww.c2015.orgwww.c2015.org

Sous le Haut Patronage deMonsieur François HOLLANDE

Président de la République

3 jours et 3 jours et 3 nuits pour nuits pour o-construire co-construire co-construire les solutions les solutions les solutions

de demainde demainde demainde demainde demainde demain

En partenariat avec

économie& entreprise

Rang2013-2014

Rang2012-2013

Suisse

Singapour

Finlande

Allemagne

1

2

3

4

1

2

3

6

Etats-Unis 5 7

Suède 6 4

Hongkong 7 9

Pays-Bas 8 5

Japon 9 10

Royaume-Uni 10 8

Rang2013-2014

Rang2012-2013

Norvège

Taïwan

Qatar

Canada

11

12

13

14

15

13

11

14

Danemark 15 12

Autriche 16 16

Belgique 17 17

Nouvelle-Zélande 18 23

Emirats arabes unis 19 24

Arabie saoudite 20 18

SOURCE : FORUM MONDIAL ÉCONOMIQUE

Rang2013-2014

Rang2012-2013

Australie

Luxembourg

France

Malaisie

21

22

23

24

20

22

21

25

Corée du Sud 25 19

Brunéi 26 28

Israël 27 26

Irlande 28 27

Chine 29 29

Puerto Rico 30 31

L’indice de compétitivité duWorld Economic Forum de Davos

P ierre Moscovici, à son tour,apportesapierre aucomple-xe édifice de la simplifica-

tion. Le projet de loi que le minis-tre de l’économie et des finances aprésenté, mercredi 4septembre,au conseil desministres constituele volet entreprise du programmetriennal de simplification décidélors du comité interministérielpour la modernisation de l’admi-nistration publique (Cimap) du17 juillet. Il répond au fameux«chocdesimplification»appelédeses vœuxpar FrançoisHollande.

Le gouvernement a choisi depasserparunprojetdeloid’habili-tation l’autorisant à prendre desordonnances. Celui-ci devrait êtreexaminé en première lecturedébut octobre pour être adoptéavant la fin de l’année. Les ordon-nancesdemise enœuvre seraientprises début 2014. Une procédureque ne goûtent guère les parle-mentaires, mais qui traduit lavolonté d’aller vite en la matière.La part d’ombredes ordonnances,c’est qu’elles échappent au débatparlementaire et ménagent uncircuit court aux réseaux d’in-fluence.

Le projet de loi porte la trace dedifférentes propositions formu-lées dans le rapport remis enjuillet par ThierryMandon, dépu-té (PS) de l’Essonne,mais aussi parles organisationsprofessionnelleset par les préfets.

Dans un premier bloc, il vise àalléger les obligations comptablesdes très petites entreprises (TPE,moinsde 10salariés) et des petitesentreprises (moins de 50salariés).Pour les TPE, cela se traduirapar la

suppression de l’annexe auxcomptes annuels – qui détaille lesméthodes comptables – et, suroption, la possibilité de ne paspublier leurs comptes. Les petitesentreprises pourront établir desétats simplifiés pour leur bilan etleur comptede résultat.

Le gouvernement entenddéve-lopper la facturation électroniqueentre les services de l’Etat et leursfournisseurs, soit près de 5mil-lions de factures traitées, chaqueannée. L’objectif est d’abaisser les

délais de paiement – aujourd’huide trente jours en moyenne – àmoinsde vingtjours en 2017.

Le projet de loi autorise le gou-vernementàprendredesmesuressur le traitement des entreprisesen difficulté. Objectif : favoriser lerecours aux procédures amiables,faciliter la recherchede nouveauxfinancements et améliorer lesgarantiesen faveurdes créanciers.

Le gouvernement veut allégercertaines obligations relevant dudroit du travail. Les entreprises severraientainsiexonéréesdecertai-nes obligations d’affichage ou detransmissiondedocumentsà l’ad-ministration du travail. En outre,

elles devraient bénéficier d’unenouvelleprocédurededéclarationde projets immobiliers pour lacréation ou l’extension de locauxcommerciauxoud’activité.

D’autres mesures spécifiquesconcernent les professions régle-mentées comme lesnotaires et lesavocats au Conseil d’Etat ou à laCour de cassation, ou les règlesd’accèsaucapitaldessociétésd’ex-pertise comptable.

Ilestenfinundomaineoùl’exé-cutif entend laisser sa marque :encourager l’essor du finance-ment participatif (« crowdfun-ding»). Ce mode de financementpermet de collecter, sur des plate-formes Internet, les apports finan-ciers de particuliers pour des pro-jets innovantsoudecréationd’en-treprise.SelonBercy, lesmontantslevésgrâceaufinancementpartici-patif en France doublent chaqueannée. Loin, cependant, des som-mes collectées auplanmondial.

«LaFrancedoitprendresaplacedans cette révolution», soulignel’entourage de M.Moscovici. Lefinancement participatif est sou-mis à une réglementation juridi-que élaborée pour les modes definancement classique. Celle-cidevrait être assouplie et unedéro-gation aumonopole bancaire per-mettra d’autoriser, de manièreencadrée, le prêt par des person-nes physiques. Unnouveau statutdeconseillerenfinancementparti-cipatif va être créé. Ce nouveaucadre, cependant,ne concernequela France.«L’objectif est qu’ensuitele relais soit pris au niveau euro-péen», indique leministère. p

PatrickRoger

N ouvel argument pour lesadeptes du «déclinisme»,la France a perdu en 2013

deux places dans le classementmondial de la compétitivité et del’innovation publié, mercredi4septembre par le Forum écono-miquemondialdeDavos.Cetorga-nisateurdelagrand-messeannuel-le du capitalisme qui se tient cha-que hiver dans la petite station deski suisse.

L’Hexagonese rangedésormaisà la 23eplace sur 148 (leTchad), der-rière… la Suisse (n˚ 1), Singapour(n˚2), la Finlande (n˚3), l’Allema-gne (n˚4) et les Etats-Unis (n˚5).Quitteà froisser l’orgueilnational,notre pays est aussi jugé moinscompétitif que le Qatar (n˚13) oul’Arabie Saoudite (n˚20).

Réalisé à partir de l’analysed’une centaine d’indicateursmesurantlaqualitédes infrastruc-tures,de l’environnement,des ins-titutionspolitiques, de l’enseigne-ment,dusystèmedesantéouenco-releniveaudelaproductivitéetdel’innovation, mais aussi à partird’éléments subjectifs – le juge-ment des milieux d’affaires –, cebaromètreesttrèssuiviparlacom-munauté internationale.

Il peut être perçu comme un

nouveau rappel à l’ordre, pour laFrance. Le pays poursuit, de fait,uneglissadeentaméeilyquelquesannées. A la quinzième place en2010, il est passé à la dix-huitièmeen 2011, à la 21e en 2012 avant detomber, cette année aun˚23.

Si, à longterme, lepaysprogres-se un peu, il n’en reste pas moinsqu’il s’est laissé largement distan-cé par son voisin allemand. Il y adixans,eneffet, leFranceétaitclas-sée n˚ 26 quand l’Allemagne,aujourd’hui dans le «Top 5», arri-vait à la 13eplace.

Interrogé mercredi, le ministredel’économieetdesfinances,Pier-re Moscovici, a confié au Mondeprendre ce type de classement«avecprécaution». Le rapport, quimêle critères objectifs et subjec-tifs, est souvent considéré commeunoutil incitantlesdirigeantspoli-tiques à engager des réformesstructurelles.

M.Moscovici affirme toutefoisla nécessité pour la France degagner en compétitivité.«C’est unsujetdemobilisationmajeur,dit-il.Lesigne leplusévidentdedégrada-tion de notre compétitivité estl’augmentation,depuis dixans, dudéficitextérieuret ladésindustriali-sation.»

« Nous sommes tout à faitconscients du problème, poursuitM.Moscovici, C’est la raison pourlaquelle nous avons commandé lerapport Gallois et mis au point lePactepour la compétitivité et l’em-ploi.Ceteffortserapoursuivietuneconcertation sur le coût du travailva s’ouvrir avec les partenairessociaux.»

De plus, «nous nous sommesengagés à ne plus augmenter puisà baisser les prélèvements obliga-toires sur les entreprises. Nousallonsmême, finalement,respecterdès 2014 notre engagement de sta-bilité fiscale», insiste-t-il.

Davos n’est pas la seule organi-sation à mettre en garde Paris sur

la dégradation de son climat desaffaires. Le classement Ernst&Young, qui mesure l’attractivitédes grands pays auprès des inves-tisseurs, alertait également, enjuin,lepayssurlerisquede«décro-chage.»

Auxyeuxdes expertsdeDavos,l’originedunouveau recul de 2013viendrait enpartie des préoccupa-tions des hommes d’affairesconcernantlasantédusecteurban-caire,quines’est toujourspastota-lementremisdelacrisefinancière.

La qualité des infrastructures(n˚4mondial)dusystèmedecom-munication, de la main-d’œuvre,du système éducatif et de la santé(n˚24pour l’éducationprimaireetla santé, 15e pour l’enseignementsupérieurenmathématiquesetenscienceset5epourlesécolesdeges-tion) restent vantés comme desatouts.

Lepaysestaussiconsidérécom-me innovant (n˚ 19) et dispose

d’une économie diversifiée quiplaît aux entrepreneurs.

Mais ces atouts ne permettentpas de faire oublier les faiblessesfrançaises.Unefoisencore, lefonc-tionnement dumarché du travail,dit trop rigide, est dénoncé. «Lacompétitivitéfrançaise seraitamé-liorée en injectant plus de flexibili-

tédans sonmarchédutravail, clas-sén˚116», conseille le rapport.

En cause : des règles trop stric-tes qui freinent les licenciementset lesembauchesainsiquelesrela-tions entre employeurs et tra-vailleurs hantées par le «conflit».L’«ambiance»estmêmejugéeexé-crable si l’on en croit la note attri-

buée (n˚ 135). A rebours des rela-tions réputées plus apaisées dansles pays nordiques ou en Allema-gne.

Al’heureoù leministredel’éco-nomie, M.Moscovici suspecte un« ras-le-bol fiscal » chez lescitoyens, le rapport pointe aussiunrégimefiscal (classén˚127)«dis-tordu», défavorable au travail.

Le rapport fustige d’ailleurs lalourdeur de l’imposition commeunhandicap à la compétitivité dupays. Enfin, les normes et la lour-deur des réglementationsqui aga-cent tant les patrons de PME sontdénoncées.

Reste un encouragement: «Lesefforts engagés par la France pourcorrigerces travers, s’ils sontmenésavec rigueur pourraient lui fournirun levier important pour doper sesperformances économiques àvenir», conclut le rapport. p

ClaireGatinoisetClaireGuélaud

Compétitivité:l’AllemagnedistancetoujourspluslaFranceL’Hexagonearriveau23e rangduclassement2013duForuméconomiquemondialdeDavos

Lechoixdepasserparunprojetdeloid’habilitationavec

possibilitédeprendredesordonnances

traduitunevolontéd’allervite

Lerapportpointeunrégimefiscal«distordu»,

défavorableautravail

LegouvernementveutdoperlefinancementparticipatifUnprojetde loidestinéàamorcer le«chocdesimplification»vouluparM.Hollandeallège lesobligationscomptablesdespetitesentreprises

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Page 5: ECO - 05 Septembre 2013

techno&médias

Analyse

P eupropicesauxeffusions, lesFinlandais cultivent un cer-tain goût pour l’euphémis-

me.«C’estnaturellementunjourdegrandchangementpour l’industriefinlandaise», s’est contenté d’affir-merlepremierministre,JyrkiKatai-nen, à l’annonce, mardi 3septem-bre,durachatdeNokia, lapluscélè-bre entreprise de son pays, parl’américainMicrosoft pour 5,4mil-liards de dollars (4,1milliards d’eu-ros). Quinze foismoins cher que ceque valait la société en 2000. Ilauraitpuajouterqu’ils’agissaitéga-lement d’un jour particulier pourl’Europe, qui perd avec Nokia sondernierfleurondans ledomainedel’électroniquegrandpublic.

Siemens,Thomson,Philips,Alca-tel, Ericsson, l’un après l’autre tousles grands de l’électronique euro-péensontsonnélaretraited’unsec-teurmaudit qui ne leur a valu quedes déconvenues. Et à l’exceptionde quelques pépites comme l’alle-mand SAP dans les logiciels ou lefranco-italien STMicroelectronicsdans les composants électroni-ques, on pourrait dresser lemêmeconstatpour l’ensemblede l’indus-triedunumérique.

Seule surnage encoreune filièretélécoms, longtemps protégée desagressionsextérieurespar le statutmonopolistique des grands opéra-teurs téléphoniques commeOran-ge (France Télécom), DeutscheTelekom ou Telefonica. Ces der-niers ont en retour soutenu uneindustrie du bien d’équipementdont il ne reste plus aujourd’huique trois acteurs majeurs, le fran-çais Alcatel-Lucent, ce qui resteradeNokiaetlesuédoisEricsson.Seulcedernier,leadermondialdel’équi-pementmobile, affiche une relati-vebonnesanté.Lesdeuxautresres-tentabonnésauxpertes.

Ce tableaun’est pas très réjouis-

sant, et bien loin de l’objectif affi-ché en 2000 lors du sommet euro-péen de Lisbonne qui promettait«une économie de la connaissancela plus compétitive et la plus dyna-miquedumonded’icià2010». Biensûr, les industries du numérique,qu’il s’agisse de l’électroniquegrand public, des télécommunica-tions ou de l’informatique, neconstituent pas à elles seules cettefameuse économie de la connais-sance,maiselles ensont l’ossature.

Ainsi, l’accès à l’Internet rapide,qui est probablement l’élément leplus important de cette nouvelleère,est-il aujourd’hui, selonlecabi-net d’étude Idate, vingt fois plus

développé en Asie et Amérique duNord qu’en Europe. Selon lesconsultantsduBCG, si le déclindesinvestissementsdans les télécoms,de 2% par an depuis cinq ans, sepoursuit (contre 2% de hausseailleurs), le manque à gagner pourle Vieux Continent s’élèvera à750milliards d’euros de produitintérieur brut (PIB) en 2020 et5,5millionsd’emploisnoncréés.

La raison première de ce déclinest connue: avec la révolution dunumérique et de l’Internet, l’Euro-pe s’est retrouvée prise en tenailleentre la vitalité entrepreneurialedes Etats-Unis, capables d’inventerun leadermondial tous les dix ans,

et la compétitivité industrielle desAsiatiques.Résultat,sur lesdixpre-mières capitalisations boursièresdelahigh-techmondiale,horsopé-rateurs télécoms, neuf sont améri-cainsetunest coréen (Samsung).

La bataille de l’InternetUn autre aspect est moins sou-

ventmisenavant:ils’agitdel’hégé-monieaméricainedansledomainedu logiciel. «Le logiciel mange lemonde», avait averti, il y a deuxans, l’investisseur et entrepreneurcalifornien Marc Andreessen. Ilvoulaitdirequelavaleurdesobjetsquinousentourent,dutéléphoneàl’automobile, est de plus en plus

captéeparle logicielquiyestenfer-mé. Quand les autocommutateurstélécomsont commencéà ressem-bler de plus en plus à des ordina-teurs, ce sont de nouveaux acteursquisontapparusdansl’espaced’Al-cateloudeSiemens. Idemquand letéléphoneestdevenuuneinterfaceinformatiquedestinéeavanttoutàaccéder à Internet. L’américainCisco a alors remplacé Alcatel, etApplea faitdemêmeavecNokia.

Les nouveaux acteurs du Net,qui, deGoogle à Amazon, sont peuou prou des sociétés de logiciel,sont en train de pomper l’oxygènequiassurait la rentedesopérateurstéléphoniques condamnés à ne

devenir que des transporteurs dedonnées. L’Amérique gagne labataille de l’Internet, et donc dunumérique, car elle est imbattabledans les logiciels. D’autant qu’ils’agit d’une industrie construitesur l’initiative individuelle et ledarwinisme entrepreneurial. Passur l’infrastructure, plus liée à despolitiquespubliquescommeonlesaimeenFrance.

L’Europepeut-ellesortirdecetteornière ou doit-elle se résoudre àregarderpasserlestrains?Sonprin-cipalatoutrésidedans lapuissancede ses opérateurs téléphoniques,qui figurent parmi les premiersmondiaux. Mais le paysage restetrès émietté. Aux Etats-Unis, qua-tre acteurs se partagent l’essentieldumarchéde la téléphoniemobilequand ils sont encore plus d’unedizaineenEurope.Egalementpéna-liséspar la crise, ils sontaffaiblis aumoment où il faut investir lourde-ment dans les nouveaux réseauxmobileshautdébit4G.

La solution passera par uneconcentration des acteurs, commel’ont fait les Américains durant lesannées2000.LebritanniqueVoda-fonedispose,depuissonretraitdesEtats-Unis,de38milliardsd’eurosàinvestir et l’espagnol Telefonica,déjà présent en Allemagne, tentede racheter le troisième opérateurdupays. La Francen’échapperapasà cemouvement puisque SFR est àvendre et que l’on prête au géantaméricainATTun fort intérêt pourl’Europe… p

Philippe Escande

J usqu’ici, la Finlande pouvait secaricaturer en quelques clichés:ses lacs, ses saunas… et Nokia.

Depuis l’annonce,mardi 3septem-bre, du rachat du fabricant de télé-phones mobiles par l’américainMicrosoft, le pays nordique perddoncunepartiede son identitéet…desonproduit intérieurbrut (PIB).

Ex-poids lourd de l’économiefinlandaise, le groupe, créé à la findesannées1980,aassuréau«paysdes mille lacs» plus d’une décen-nie de prospérité tout en gonflantd’orgueil les Finlandais. Aujour-d’hui pris dans la tourmente de lacrise de la zone euro, souffrantd’une population vieillissante eten panne de champion industriel,le pays saura-t-il rebondir?

«Il y a une charge émotionnelleforte. Nokia est un symbole ici.Nous sommes presque nés avec unNokia dans la poche», commenteAlexander Stubb, ministre desaffaireseuropéennesjointpartélé-

phone.«Maisil fautêtrepositif,dit-il,Nokia n’est pasmort, il reste unepartie dugroupe en Finlande!»

M.Stubbn’estpas leseulàpren-dre les choses du bon côté, évitantsoigneusementlepatriotismeéco-nomique. Certes, Timo Soini, lechef du Parti des Finlandais, à ten-dance eurosceptique et populiste,dénonce «une prise en otage» dufleuron finlandais par Microsoft.Mais,àHelsinki,onaprisconscien-ce, depuis des années déjà, que lapageNokia était tournée.

Le groupe avait fermé, en 2012,sa dernière usine de fabrication àSalo,dans le sud-ouestdupays.Nerestaient en Finlande que lesemplois de recherche et dévelop-pement, seuls rescapés de laconcurrence asiatique et de samain-d’œuvrebonmarché.

Le fabricant de téléphones, quireprésentait au tempsde sa splen-deur plus de 4%duPIB finlandais,nepesaitcetteannéeguèreplusde

1%, relativise Christophe André,spécialiste de la Finlande au seinde l’Organisation de coopérationet de développement économi-ques (OCDE). Un chiffre en baisse,certes,mais encore important.

Réformes structurellesLa disparition des téléphones

Nokia, engloutis par le groupeaméricain, n’en reste pas moinsunchocquimetaujourlesdifficul-tés du pays. Malgré des comptespublics impeccables, que les agen-ces de notation récompensentd’un AAA, les défis sont nom-breux.

Au-delà de Nokia, c’est tout lesecteur de l’électronique qui esten crise. Le quotidien HelsinginSanomat rappelait, le 28juin, quece secteur est passé de61500emplois en 2008 à 46000en mars 2013. S’ajoute à cettedégringoladeladéconfituredel’in-dustrieforestièreetdesesusinesà

papier, autre pilier de l’économiefinlandaise.

Pourprendrele relais,quelquesentreprisessedémarquent.Enpar-ticulier dans le secteur des jeuxsurmobile, ordinateur et console.AinsideRovio, l’éditeurdesAngryBirds, ces oiseaux en colère quiont fait un ravage dans les coursde récré, de Supercell, l’éditeur dujeu«ClashofClans», ouencoredeRemedy et de ses jeux «Max Pay-ne» et «AlanWake». Le fabricantd’ascenseurs Kone fait aussi par-tie des réussites finlandaises. Res-te qu’aucun de ces groupes n’esten mesure d’occuper la placequ’avait prise Nokia. A tel pointquelepayscèdeparfoisaudéfaitis-me.

En dépit d’un taux de chômageraisonnable (7,9% selon Eurostat),d’un système éducatif perfor-mant et d’un climat des affairesvantés sur la scène internationale,«on prend nos problèmes très au

sérieux», atteste Sixten Korkmanprofesseur de l’économie à l’uni-versitéAalto d’Helsinki.

Dépendante de ses exporta-tions, la Finlande désespère devoir ses partenaires européensrenouer avec la croissance. Et avecune population active qui devraitdécroître en 2014 sous l’effet duvieillissement, lepayssaitqu’iln’apasdroit à l’erreur s’il veut conser-ver un Etat-providence, parmi lesplusgénéreuxd’Europe(lesdépen-ses publiques représentent 56%duPIB selon l’OCDE).

En attendant la reprise, le gou-vernement a entamé cet été desréformes structurelles pour retar-der l’âge de la retraite et comptesur la responsabilité des partenai-ressociauxpourdoperunecompé-titivité en berne. «Depuis l’adhé-sion de la Finlande à la zone euro,en 1999, le coût unitaire du travaila progressé de 20% de plus qu’enAllemagne,notre boussole», expli-

queM.Korkman.Lessyndicatsontaccepté des hausses de salaireslimitées à 20euros par mois cetteannée et d’à peine 0,4% à 0,5% en2014. «Mais les bas salaires ne sontqu’un outil pour stabiliser l’écono-mie finlandaise. Ce n’est pasassez», souligneAnttiRinne,prési-dent du Syndicat des employéssalariés. Ce dernier plaide pourque les entreprises réinvestissentleurs profits afin de développerdesproduitsinnovantsetexporta-bles.

«Une Finlande sans les télépho-nes Nokia, ça va être dur à avalerpendant quelques jours», résumeAndré Noël Chaker, un Canadieninstallé enFinlande, auteurde TheFinnish Miracle (Talentum, 2011).Mais,selonlui, lepayssaurarebon-dir, notamment grâce au sisu, cemélangedecourageetdedétermi-nation si caractéristique des Fin-landais. p

ClaireGatinois

Leroidéchudumobileouvre«unnouveauchapitre»desonhistoire

LaFinlandechercheàseréinventerNokia,quia représenté jusqu’à4%de l’économiedupays ,pèseencorecetteannée1%duproduit intérieurbrut finlandais

SOURCE : SOCIÉTÉS

L’Europe exclue du marché de l’électronique grand publicCHIFFRE D’AFFAIRES DES PRINCIPAUXACTEURS DU SECTEUR EN 2012, ENMILLIARDS DE DOLLARS

GOOGLE(Etats-Unis)

APPLE(Etats-Unis)

156

7420,2

39,7184

34

46

68,49,735MICROSOFT

(Etats-Unis)

NOKIA(Finlande)

avant l’offrede Microsoft

SAMSUNG(Corée du Sud)

LG(Corée du Sud)

LENOVO(Chine)

HUAWEI(Chine) HTC

(Taïwan)SONY(Japon)

LachutedeNokiaconfirmeledéclindelahigh-techeuropéenneSeuls lesopérateursdetélécommunications restentpuissants,mais le secteur, fragilisé,devraitvivreunenouvellevaguedeconcentrations

ENCENTCINQUANTEANSd’acti-vité, Nokia a connuplusieurs vies.L’entreprise finlandaise a d’abordexploitédes forêts de pins, puisusinédes pneus, des bottes encaoutchouc, des téléviseurs, pourenfin fabriquerdes téléphonesportables.Dupassé. En annon-çant,mardi 3septembre, la ventepour 5,4milliardsd’euros de sadivisionmobile à l’américainMicrosoft,Nokia commence«unnouveauchapitre» de sonhistoi-re, selon sonPDG intérimaire,Risto Siilasmaa.

Quereste-t-il auxmainsde l’en-treprise? Lamoitiédes revenusdugroupe,et plusde 56000salariés,essentiellement le fruitde ses acti-

vitésd’équipementspour lesréseaux.Débutaoût,Nokia ad’ailleursdépensé 1,7milliardd’eu-rospour racheter laparticipationdesonpartenaireallemandSie-mensdansNokiaSiemensNetworks (NSN). Le roidéchudumobileavait lancéen2007cettecoentreprisespécialiséedans lesréseauxmobiles.Mais ensixans,l’attelagefinlando-germaniqueaperduplusde6milliardsd’euros.En2012,NSNaffichait 14milliardsd’eurosde chiffred’affaires,maisencore800millionsdepertes…

«Avec la force financière renou-veléede lamaisonmère,NSNestbienplacé», affirmeRajeevSuri, leresponsabledecettebranche,deve-

nuenumérodeuxmondialduseg-mentdes équipements4G, le trèshautdébitdes smartphones.

Aprèsunebaissede 7%en2012,lemarchémondialdes équipe-ments télécommunicationsdevrait, selonGartner, repartir à lahausseen2013,portépar lesven-tesde réseau4Gdans lespaysriches, et le déploiementde la 3GenAfrique, enAmérique latine, enChineouen Inde.

Une concurrence rudeLe finlandaispourrait enprofi-

ter, à conditionde s’imposer faceàuneconcurrence rude. Celle deschinoisHuaweiet ZTE, très agres-sifs sur lesprix,mais aussi celles

de sonvoisin suédois Ericsson, quiavait abandonnédès 2011 l’idéedevendre ses propres téléphonespourdevenir aujourd’hui le cham-pionde la 4G, et d’Alcatel-Lucent,enplus fâcheuseposture.

Le groupe franco-américainest, en effet, enpleine restructura-tion.Michel Combes, sonnou-veaudirecteur général, est en quê-te d’alliés. En juillet, il a annoncéune alliance avecQualcomm, lespécialiste américaindes pucespourmobiles, et espère ennouerd’autres dans les prochains tri-mestres.

«Dans lemonde, il reste beau-coupd’équipementiers.Dansl’idéal, les opérateurs souhaite-

raient trois interlocuteurs seule-ment, estimeSylvainFavre, analys-te chezGartner.Des rapproche-ments sontdoncpossibles,mais ilsréclamenténormémentd’effortsd’intégration.» «Ericssona tropdepartdemarchépourpouvoir rache-terun concurrent. Pour voir les cho-ses bouger, ce quin’est pas certain,il faudraattendrequeNokiaetAlcatel se soient stabilisés. Cela vaprendreaumoins sixmois», jugeunconnaisseurdu secteur.

Les investisseurs, eux, jouent lasuite.Mardi, le titreAlcatel a aug-mentéde 12%, celuid’Ericssonde5,7%, commeceluideHuawei. L’ac-tionNokia a bondide 34%.p

JulienDupont-Calbo

50123Jeudi 5 septembre 2013

Page 6: ECO - 05 Septembre 2013

économie& entreprise

M ême si cela coûte cher,BioMérieux est décidé àrattraper son retard dans

les tests ADN, son principal pointfaible. Tel est le sens de l’acquisi-tiondelasociétéaméricaineBioFi-re Diagnostics, annoncée mardi3septembrepar le championfran-çais du diagnostic, contrôlé par lafamilleMérieux.

Cette opération, l’une des pluslourdes de l’histoire du groupe, semonte à près de 500millions dedollars, soit 380millions d’euros,avec les dettes. Cela représenteenviron sept fois le chiffre d’affai-res et 15 fois lamargebrutedeBio-Fire. Un montant élevé pour unePME déficitaire, mais «en ligneavec la valorisation des sociétéscotées comparables », assureBioMérieux.

«C’est un gros pari sur l’avenirauregardduprixpayé»,commen-te Arsène Guekam, analyste chezCM-CIC Securities. L’entreprise deSalt Lake City (Utah), considéréecommeunepépitetechnologique,était convoitée.

BioFireDiagnosticsaétéfondéeen 1990 par trois amis, Carl Wit-twer, Randy Rasmussen et KirkRirie. Au départ, il s’agissait d’ex-ploiter une technologie d’amplifi-cation de l’ADN mise au pointdans le cadre de leuruniversité.

La société a démarré ses activi-tés dans un coin de l’entreprised’équipementspour la culturedespommes de terre du père de KirkRirie. Puis elle a grandi, notam-mentgrâceàdescontratsavec l’ar-mée américaine pour la détectionde l’anthrax, et emploie désor-mais plus de 500personnes.

Cetteannée,elledevrait réaliserunchiffred’affairesde70millionsde dollars, dont 40millions avecun nouveau système de diagnos-ticmoléculaire, appelé FilmArray.

Un produit «révolutionnaire»,assure Jean-Luc Bélingard, lepatrondeBioMérieux.Enuneheu-re, il peut mesurer la présence deplusde20agentspathogènesdiffé-rents dansunmêmeéchantillon.

Quand un patient a de la fièvreet tousse, par exemple, les méde-cins donnent souvent des antibio-

tiques sans savoir si une bactérieestbienencause, ou s’il s’agitd’unvirus – auquel cas les antibioti-quesne servent à rien.

Le système de BioFire, qui peutdétecter aussi bien l’une quel’autre, permetenprinciped’iden-tifier les causes de la maladieavant de prescrire le traitement leplusopportun.Aupassage,«ilabo-lit lafrontièrehistoriquedelabiolo-gie entre virus et bactéries», expli-queunprofessionnel.

«Notre système est très facile àutiliser, se félicite M.Ririe, le PDGde BioFire. Les hôpitaux peuventainsi effectuer eux-mêmes la plu-part des tests de diagnostic, au lieude les envoyeràdes laboratoiresderéférence. D’où un net gain detemps et d’argent.»

«Aller le plus vite possible»Lancé en 2011, FilmArray est en

plein décollage aux Etats-Unis, etdepuis peu en Europe. Pour finan-cer ce déploiement commercial, lasociétéa levéaucoursdesderniersmois 45millions de dollars auprèsd’investisseurs, sous forme essen-tiellementd’obligations.

«C’étaitlemaximumdecequ’onpouvait obtenir sans ouvrir le capi-tal»,verrouillé jusqu’à présent parles fondateurs, indique M.Ririe.Seul actionnaire extérieur, le grou-pe suisseRochedétient 21%.

Pour aller plus loin, une mis-sion a été confiée à JPMorgan. Labanque a passé au crible diversesoptions: entrée en Bourse, accordindustriel, cession… C’est cettesolution qui a été retenue. Vingtcandidats ont étudié le dossier, etl’offre deBioMérieux l’a emporté.

Pour le groupe tricolore, l’occa-sion était trop belle. Alors quel’analyse de l’ADN constitue la cléde la médecine personnalisée etconnaîtunecroissancesupérieureau reste dumarché du diagnostic,BioMérieux est resté un peu àl’écart des tests de ce type. Malgréune première acquisition, celle delasociété françaiseArgeneen2011,ils représentent encore moins de5%du chiffre d’affaires.

Leadermondial de lamicrobio-logie classique, BioMérieux

demeureunpoidslégerdelabiolo-gie moléculaire. Dans ce métier àforte valeur ajoutée, qui croît del’ordre de 7% par an, l’entreprisene se situe qu’autour du 10e rangmondial, loin du leader Roche,mais aussi d’industriels commeQiagen, Becton Dickinson, Novar-tis ou Abbott, selon le classementétabli parKalorama Information.

Avec son acquisition américai-ne, BioMérieux espère comblerune partie de son retard etmettreun tigre dans sonmoteur, un peupoussif en ce moment. D’autantque la spécialité de BioFire, lesmaladiesinfectieuses,estaussicel-le de lamaison lyonnaise.

Danstroisans, lesventesdeBio-

Fire pourraient dépasser 200mil-lions de dollars, estiment les ana-lystesdeGilbertDupont.

Restera ensuite à rentabiliserl’investissement. Dans l’immé-diat,«comptetenud’unambitieuxplan destiné à stimuler le dévelop-pement de cette nouvelle gam-me », l’intégration pèsera aumoins deux ans sur les profits deBioMérieux.

«Onpourraitgagnerde l’argentdès aujourd’hui, il suffirait de reti-rer le pied de l’accélérateur, expli-queM.Ririe.Maisonpréfèrealler leplus vite possible pour développernotre produit.» Une philosophiepartagéeparBioMérieux. p

Denis Cosnard

Le laboratoire Biofortis, filiale du groupeMérieux,à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), en 2012. FRANCK PERRY/AFP

BioMérieuxmisegrosauxEtats-UnispourcomblersonretarddanslestestsADNLegroupe lyonnaisachèteunepépiteaméricaine,BioFire,pourprèsde500millionsdedollars

N ouveau coup de semoncepourlelaboratoirepharma-ceutique GlaxoSmithKline

(GSK)enChine.Selondes informa-tions publiées mardi 3septembrepar l’agence de presse officielleChine Nouvelle, la direction dugroupe britannique serait directe-ment impliquée dans le systèmede corruption révélé cet été.

La justice soupçonne GSKd’avoir versé des pots-de-vin à desfonctionnaires et des médecinschinois via des agences de voyagependantsixans.Jusque-làlelabora-toireavait réussiàcontenir lescan-daleenaffirmantquecespratiquesétaient le fait de quelques brebiségarées. Mais selon Chine Nouvel-le, «plus l’enquête progresse, plus ildevientclairqu’ellesétaientorgani-sées par GSK-Chine et non par sesreprésentants en médicamentsagissantde façon individuelle.»

Cesnouvellesaccusationsrepo-sent sur le témoignage des quatredirigeants de GSK en Chine, arrê-tés en juillet. Dans un articlepublié par LeQuotidien du Peuple,le responsable des opérations,Huang Hong, explique que lesobjectifs fixéspar legroupe(+25%de croissance par an, soit septàhuit points de plus que la crois-sance du secteur) étaient impossi-bles à atteindre sans recourir à des

«pratiques d’affaires douteuses».Selon lui, les équipes étaientd’autant plus encouragées à fran-chir la ligne jaune que leurs salai-resétaientfonctionduvolumedesventesdugroupe.

HuangHong a précisé que GSKavait constitué une équipe char-gée d’entretenir les bonnes rela-tions avec des personnalitésinfluentes dans la santé. Dotéed’unbudget annuel de 10millionsdeyuans (1,23milliond’euros), ellepouvait difficilement être connuede quelques employés seulement,souligne-t-il. Un autre dirigeantcité par le Quotidien du Peuple,confirme que le laboratoire étaitaucourantmaisavaitchoisidefer-mer les yeux.

En réponse à ces accusations,GSK s’est contenté de rappelerqu’il prenait l’affaire très ausérieux. «Les problèmes identifiésseraient en claire contradictionavec nos valeurs d’entreprise etnous avons une tolérance zéropour toute conduite de cette natu-re», indiqueun communiqué.

LepréjudicepourGSKest enco-re difficile à chiffrer. La Chinereprésente 3,5% de ses ventesannuelles (32,5milliards d’eurosen2012),mais il s’agitd’unmarchéclépourl’avenir,avecunecroissan-ce de 17% en 2012. Le groupe y

investit massivement depuis plu-sieursannéesetypossèdecinqusi-nes et un centrede recherche.

L’enquête inquiète les autreslaboratoires présents en Chine.Certains, comme le français Sano-fi, lesuisseNovartisoul’américainLilly ont reçu la visite des policiersChinois. Ce climat de suspicionn’est guèrepropice aux affaires.

Mardi 3 septembre, lors de laprésentation des résultats semes-trielsd’Ipsen, lePDG,MarcdeGari-del a ainsi réduit la hausse prévueduchiffred’affaires sur l’année,enévoquantlesincertitudessurl’évo-lution du marché Chinois. Selonlui, les commerciaux rencontrentdésormaisdesdifficultésdanscer-tainesparties dupays.

Les laboratoires visés par cesenquêtes «ont, d’après nos infor-mationssurleterrain,arrêté lapro-motiondeleursproduits»et«dansun nombre croissant d’hôpitaux,

les médecins ne veulent plus voirles délégués médicaux des labora-toires», a-t-il dit. A ce jour, Ipsenn’est pas concerné par les investi-gations, «mais cela ne veut pasdire que nous ne serons pas visitésun jour», a reconnuM.deGaridel.

Seulsmis en cause, les groupesétrangersnenientpas leproblèmemais craignent des « investiga-tionsopportunistes»motivéesparle souci de favoriser des groupeschinois et de canaliser le mécon-tentementpopulaire.«La réformelancée ilyacinq troisanspour faci-liter l’accès au soin et faire baisserle prix des médicaments patine»,rappelle BrunoGensburger, prési-dent du groupe de travail «phar-maceutique» à la Chambre euro-péennede commerce enChine.

Il espère que cette affaire seral’occasiondemettrefinàdesprati-ques largement répandues. Mais«s’il s’agit seulement d’effrayerune poignée d’entreprises, celarecommencera», prévient-il. PourFrançois Huchet, professeur à l’I-nalco et spécialiste de l’économiechinoise, « les autorités préfèrentcommencer par faire le ménagedans les groupes étrangers, maiscette affaire est un signal fort pourl’ensemble des entreprises, y com-pris chinoises.» p

ChloéHecketsweiler

LajusticechinoiseincrimineladirectiondeGSKdanssonenquêtesurlessupposéespratiquesdecorruptionUneéquipeétait chargéed’entretenir les relationsavec lespersonnalités influentesdans lasanté

PHOTOGRAPHIE

KodaksortdelafailliteL’anciengéantde laphotographieKodakest sorti de la failliteaprèsplusd’unanetdemide restructuration,a annoncé le groupeaméricain,mardi 3septembre.Victimede la révolutionde lapho-tographienumérique, l’entreprise,déficitaireet endettée, avaitétéplacéeen faillite en janvier2011.Depuis, elle s’estdélestéedel’essentieldesactivitésqui avaient fait sa réputation.Kodakacédésonactivitéde tiragesphotoetd’impressiondedocumentationau fondsde retraitedugroupeauRoyaume-Uni. Il a aussivendusonsite Internetd’albumsen ligne, ses activitésde reprographieetungrosportefeuilledebrevets.Kodakse concentre sur les tra-vauxpour les entreprises, l’emballage, l’impressiondedocumentspromotionnelsou la communicationgraphique.– (AFP). p

TélécommunicationsXavierNiel cède3%d’IliadXavierNiel, fondateurd’Iliadet actionnaireà titrepersonnelduMonde, a commencé,mardi 3septembre, la cessiond’environ3%ducapitalde lamaison-mèredeFree,par lebiaisd’unplacementprivé. L’opérationreprésente319millionsd’eurosauxcoursactuels.– (Reuters.)

Automobile Siemens abandonne son activitéde bornes de recharge pour véhicules électriquesL’industriel allemandSiemensva abandonnerunegrandepartiede son activitéde bornesde rechargepour voitures électriques,faute d’undéveloppement suffisant de cemarché, a indiqué legroupemercredi 4septembre. Siemens conservera tout demême l’activité «wallbox», des bornes installées à l’intérieur desdomicilesde propriétaires de voitures électriques. – (AFP.)

Finance LeCrédit agricole a vendu sa participationrésiduelle dans la banque espagnoleBankinterCréditAgricole SA, le «véhicule» coté enBourseduCrédit agrico-le, a annoncé,mercredi 4septembre, la cessionàdes investis-seurs institutionnels, des 7,6%du capital de la banque espagnoleBankinterqu’il détenait encore. Cette cession lui permetd’en-grangeruneplus-valuede 106millions d’euros. Elle s’inscritdans le cadre du recentragede la «banqueverte» sur la France,après ses déboires financiersde 2012.

Conjoncture Le PIB australien a grimpéde0,6%entre avril et juinL’Australie afficheune croissancede0,6%audeuxième trimes-tre, par rapport aux troismois précédents, et de 2,6% surunan,selon les statistiquesofficiellespubliéesmercredi 4septembre.

Lesgroupesétrangerscraignent

desenquêtesmotivéespar lesouci

defavoriserdesgroupeslocaux

L echangementd’organigram-me n’aura pas traîné. Mardi3 septembre, une semaine

après l’annonce par Renault dudépart de Carlos Tavares, sonancien directeur général déléguéqui avait annoncé mi-août publi-quement sa volonté de diriger unconcurrent du constructeur fran-çais, le PDG de Renault et de Nis-san,CarlosGhosn,adétaillé lanou-velle organisation du construc-teur français.

Après avoir créé le poste denuméro deux en 2008, qu’il avaitconfié à Patrick Pelata démis à lasuited’une fausseaffaired’espion-nageen2011, puisàCarlosTavares,Carlos Ghosn décide cinq ans plustardde le supprimer.Les fonctionsassumées par l’ancien directeurgénéraldéléguéauxopérationsdeRenault seront désormais parta-gées par deux directeurs, dont lesidentités seront dévoilées par lePDG le 9 septembre, lors d’uncomité central d’entreprise.

Le premier aura en charge la«compétitivité». Il supervisera lesfonctions en amont du construc-teur, c’est-à-dire les directions dudesign, des produits et program-mes, de l’ingénierie, des achats, dela fabrication, des fournisseurs, dela qualité et de l’informatique.Objectif : maîtriser et améliorer lacompétitivité des véhiculesRenault.

Un directeur délégué à la «per-formance» sera également nom-mé. Il sera responsable de l’aspectcommercial du groupe. Il pilotera

ladirectioncommercialeetmarke-tinget gérera l’ensembledesdirec-tions régionalesdugroupe.

Cette nouvelle organisationdiverge désormais de celle de Nis-san, l’autreconstructeurquedirigeCarlos Ghosn. Dans l’Archipel, lePDGdisposedesondirecteurgéné-ral délégué depuis 2005, en la per-sonnedeToshiyuki Shiga.

Historiques ou jeunes cadresChezRenault,CarlosGhosna-t-il

préféré diviser pourmieux régneret se prémunir des ambitions d’unéventuel nouveau numéro deux?«Non,assure-t-onchezRenault.Cet-te réorganisation doit avant toutrenforcer la performance du grou-pe,quivise,enamont,uneaméliora-tion de ses coûts et, en aval, à don-ner plus d’autonomie aux direc-tions des différentes régions oùRenaultest implanté.»

Reste que les CV des titulairesdes nouvelles directions dirontbeaucoupdes intentions de CarlosGhosn pour cette réorganisation.S’il nomme des historiques deRenault, quin’ontplus rienàprou-veretne chercherontpasà lui fairede l’ombre, il démontreraune réel-le repriseenmain.

S’il promeut des jeunes cadresplus ambitieux, il démontrera aucontraire sa volonté de préparer sasuccession à moyen terme. Alorsqu’il concentre tous les pouvoirschez Renault et Nissan, CarlosGhosn, 59ans, doit tout de mêmepréparer la relève. p

Philippe Jacqué

CarlosGhosnsepasseradenumérodeuxchezRenaultDeuxdirecteurs remplacerontCarlosTavares

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publications

A ujourd’hui, les attentes immen-ses des salariés européensàl’égarddu travail ne sont pas

satisfaites,«notammentdans lespays où elles sont le plus intenses»,constatent les sociologuesDomini-queMédaet PatriciaVendramin, enconclusionde leur étude réaliséede2006à 2008avec des chercheurs enBelgique, France, Allemagne, Portu-gal,Hongrie et Italie sur «l’évolutiondurapport au travail pour les différen-tes générations».

Les plus récentes enquêtes euro-péennes (EuropeanSocial Survey 2011,

EuropeanValue Study 2008, International Social SurveyProgramme2005) rappellent à quel point les Européenssont attachés à ce que leur apporte le travail en termesderéalisationde soi. Les jeunespensent-ilsdifféremmentdeleurs aînés? L’augmentationdes niveauxd’éducation etl’évolutiondumarchéde l’emploi ont-ils changé les rap-ports au travail? Ce sont les questions auxquelles tentederépondre cet ouvrage.

L’engagementde chaque individudépendde ses pro-pres expériences sur lemarchédu travail, notent lesauteurs.Or, «la flexibilité a largement contribuéà indivi-dualiser les situationsde travail et les parcours profession-nels», écrivent-elles.Mais aussi «àproduire de l’insécuritéet de l’exclusion»…

Selon l’enquête EWCS2010 enEurope, 40%des salariésdemoins de 30ans ontun contrat à duréedéterminéeouintérimaire.Or si les jeunes ont intégré la flexibilité dutempsde travail, du lieude travail et des systèmesderémunérationcomme«normale» endébut de carrière,s’ils ont trouvédansunmoded’organisationparprojetune sourcede développementpersonnel, cette fragmenta-tiondumarchédu travail n’est, pour lamajorité des sala-riés, pas compatible avec l’objectif de réalisationde soi autravail, postulent les auteurs.«L’insécurité économique etla dégradationde la qualité de l’emploi laissent peud’espa-ce d’épanouissement, enparticulier à long terme», expli-quent-elles.

A la critique succèdent leurs recommandations. Pourréoffrir du sens à tous les salariés, les auteursproposentde changer la donne, de réinventer le travail enquelquesorte.

Comment? En recherchant«unnouveau typede prospé-rité», fondé sur la coopérationentreproducteurs etconsommateurspour produiredes biens et des servicessocialementutiles et durables, qui permettrait d’organiser«l’accèsde tous àunemploi décent».pAnneRodierRéinventer le travailDominiqueMéda et Patricia VendraminPUF, «Le Lien social », août2013, 262 pages, 19,60 euros.

L’ÉCO SUR LA TOILEUnCVouunepubvidéoensixsecondes

A vez-vous ramené des Vine de vos vacances? Vine? C’est leTwitter de la vidéo. Le réseau social à l’oiseau bleu permetdepartagerdes liensenmoinsde 140caractères; Vinevous

laisse, lui, sixsecondespourcréerunmini-filmquitourneenbou-cle. Pour chaque «plan», il suffit d’appuyer son doigt sur l’écrandu smartphone.

Concrètement, l’utilisateur crée un compte lié à Twitter ou àson adresse électronique, enregistre son œuvre et l’agrémented’un commentaire et demots-clés (hashtags) et envoie le résultatsur le réseau de Vine (13millions d’utilisateurs chaque mois) oucelui, plus large, de Twitter (200millions d’utilisateurs). Gratuite,l’application est devenue l’une des plus téléchargées depuis leprintemps.

Six secondes, c’est court.Mais c’est assez pour concevoirunCVoriginal,commel’a fait–avecsuccès–unejournalisteaméricaine.Pour créer de mini-publicités, comme l’ont récemment expéri-menté General Electric, Microsoft ou lamarque de biscuits Oreo.Oupourproduireducontenudereportage,commedernièrementenTurquie ouenEgypte.

Twitterad’ailleursbiensaisi l’intérêtdecenouveaumédiaet l’aracheté en octobre2012 avec ses trois employés avant de le lancersursonréseaudébut2013. Lemontantn’apasétédivulguémais, àtitre de comparaison, le concurrent Facebook a déboursé unmil-liarddedollars (758millionsd’euros)pour l’applicationmobiledephotosInstagram.Ilgénèreaujourd’hui30%desesrevenuspubli-citaires sur les téléphonesportables. p

MathildeDamgé

Lagéographie,çasertd’abordàfai-re la guerre», disait le géographeYves Lacoste dans lesannées1970…La guerre économi-que, serait-on tenté de préciser

aujourd’hui. Mais, dans un monde sansfrontières où les délocalisations font rageetoùlescapitauxcirculentàtrèshautefré-quence, la représentation que les écono-mistes se font dumondene court-elle pasle risque de devenir elle aussi de plus enplus abstraite?

«L’espace compte», écrivait naguèrePaul Krugman. Le Prix Nobel américainsuggérait déjà de «faire revenir la géogra-phie dans l’analyse économique». DepuisRicardo et ses avantages comparatifs, éco-nomie et géographie se sont, de fait, fré-quemment nourries l’une l’autre. C’est decet enrichissement réciproqueque témoi-gnent plusieurs essais récemment parusoubientôtparus.

S’agissantde la compétitivité, lepoint leplusmarquantétait jusqu’àprésent «l’ab-sence quasi totale des géographes sur laquestion», note ainsi Gilles Ardinat, lau-réat du prix LeMondede la rechercheuni-versitaire. Réciproquement, constate-t-il,les travaux des économistes n’utilisaientpresque jamais les outils de la géographie.

Son livre,Géographie de la compétitivi-té, entenddonc combler une lacune. Com-portant de nombreuses cartes en couleur,il se veut une «passerelle» entre les deuxdisciplines.Selonsonauteur, troisgrandesconceptions de la compétitivité sontaujourd’hui à l’œuvre : une conception«néo-mercantiliste»,danslaquellelamon-dialisation fabrique inévitablement desgagnants et des perdants; une conception«attractiviste», dont le marketing territo-rial est l’expression; enfinune conceptioninstitutionnelle, promue en particulierparlesgrandesorganisationsinternationa-les, pour qui l’ouverture des frontières estundeal gagnant-gagnant.

L’idéologie de la compétitivité est unenouvelleformede«nationalismeéconomi-que», affirme Gilles Ardinat, très critiqueenvers ce qu’il qualifie d’«une présenta-tion politiquement correcte du dumpinggénéralisé qui caractérise la mondialisa-tion libérale». Les choix économiques etsociaux induits par la compétitivité sont«largement endehors du choixdémocrati-que», écrit-il. La compétitivité participe-rait ainsi au «déficit démocratique» de lamondialisation.

Il y a deux conclusions, pas vraimentoptimistes, au livre de Gilles Ardinat. Pre-mièrement, les pays occidentaux ne sontclairement pas compétitifs, à terme, esti-me-t-il, et les discours sur la nécessairereconquêtedelacompétitiviténesontdes-tinés qu’à «masquer les graves contradic-tionsdusystème».Deuxièmement,lacom-pétitivitérelèvedu«mimétisme»àl’échel-lemondiale.Jusqu’oùpeutallercette«quê-te de reconnaissance» planétaire? Invo-

quant les mânes du philosophe anglaisHobbes(1588-1679),GillesArdinatenappel-leau«principedesouveraineté», seulcapa-ble de tempérer lamise en concurrencedetous contre tous et de résister à l’«injonc-tion à la performance» présente aujour-d’huià tous les échelonsde la société.

Minerais «belligènes»C’est un retour sur le territoire africain

que propose quant à lui Apoli BertrandKameni, chercheur en sciences politiques,également lauréat en 2012duprix LeMon-de de la recherche universitaire.Mineraisstratégiques. Enjeux africains montre lelien existant entre les extraordinaires res-sources en minerai de l’Afrique et lesconflits qui s’y déroulent depuis le milieudu XXe siècle. Il dresse une cartographiecomplète de la «tectonique des conflits»africains. Phosphates au Soudan,uraniumauNiger, germaniumauCongo, la liste estlonguedesminerais«belligènes».

Ladémonstrationest implacable.Le fac-teur minier est « la matrice de conflitmajeure en Afrique», écrit M.Kameni,pourqui«lalogiquedeFachoda»yesttou-jours à l’œuvre. Pour mémoire, Fachoda,au Soudan, fut le lieu à la fin duXIXesiècled’un affrontement, heureusement réglépacifiquement, entre Français et Britanni-quespour le contrôledes sourcesduNil, etdonc de l’Egypte. En conclusion, l’auteurappelle de ses vœux une gouvernance

mondialedesminerais stratégiques.Deux autres essais, qui se tiennent à la

lisière de l’analyse économique, de la géo-graphieetdel’aménagementduterritoire,se signalent par leurs qualités pédagogi-ques. Ressources naturelles et peuplementsouligneque le peuplement de la Terre nes’est pas développé en lien direct avec lalocalisation des ressources. Les auteurs,Michel Deshaies, professeur de géogra-phieà l’universitédeLorraine, etGuyBau-delle,professeurd’aménagementdel’espa-ce à l’université de Rennes, en appellenteux aussi à une gouvernance mondialedans le domaine des matières premièrescomme de l’énergie, mais soulignentqu’«une intervention coordonnée entre lesdifférentes puissances économiques relèvepour le moment et probablement pourlongtempsencorede l’utopie».

Enfin,Archéologie du territoire en Fran-ce, de Vincent Carpentier et PhilippeLeveau, deux archéologues, montrenotammentque la notion de territoire estune«construction» sociale.

En France, à la différence de l’Italie, leconceptdepaysage culturel a tardé à s’im-poser, écrivent les auteurs, qui insistentpourquel’onconsidèrelepaysagecommeun «bien culturel». Ceux qui, pendant lesvacances, ont arpenté avec bonheur notrebeau pays, à pied, à cheval ou à vélo,approuveront. p

PhilippeArnaud

LesgéographesretrouventlegoûtdudébatéconomiquePlusieursouvrages témoignentde lacomplémentarité entre lesdeuxdisciplines

LIRE AUSSIDucôté des émergentsDe2008à2013, lesBRIC–Brésil, Russie, Inde,Chine–ontmieuxrésistéà la criseque lesautres. Ils ont certes contri-buépouruntiers à l’augmentationde laproductionmon-dialede2000à2010 (endollars constants),mais ils comp-tentencoreplusde lamoitiédespauvresdumonde, rappel-lent lesdeuxéconomistesAndreaGoldsteinet FrançoiseLemoine.Danscebrefouvrage, les auteuresdécryptent lesmutationset lesdynamiqueséconomiqueset socialespro-presà cespaysémergents.Autantde clésmises à laportéedugrandpublicpourmieuxcomprendre l’évolutionde cesquatrenouvellespuissances.L’Economie des BRICAndrea Goldstein et Françoise LemoineLa Découverte, «Repères», 128 pages, 10 euros.

LE LIVREPeut-onencores’épanouirparletravail?

¶Géographiede lacompétitivitéGilles ArdinatPUF, 208 pages,19 euros (sortiele 11septembre).Mineraisstratégiques,enjeuxafricainsApoli BertrandKameniPUF, 248p.,22 euros(25septembre).Ressourcesnaturelles etpeuplementMichel Deshaieset Guy BaudelleEllipses, 350p.,25euros.Archéologiedu territoireen France -8 000 ansd’aménagementVincentCarpentier etPhilippe LeveauLa Découverte,170p., 22 euros.

S eptembre1913. C’était il y a cent ans,ladernièrerentréesous le signede lapaix perpétuelle qu’annonçait l’es-

sayisteanglaisNormanAngell. FuturPrixNobel, Angell était l’auteur d’un best-sel-ler publié en 1910 sous le titre La GrandeIllusion. L’illusion, c’était de croire à unemenace de guerre internationale… car,affirmait-il, l’économie du nouveau siè-cle était mondialisée et les grandesnations prises dans d’inextricablesréseaux d’intérêts croisés formant unrempart contre les tentations guerrièresdes gouvernements aventureux.

Cent ans plus tard, Kishore Mahbuba-ni, Indien de Singapour, diplomate etdoyen d’université, reprend le thème del’interconnexion bienfaisante des écono-mies comme instrument de paix.

Certes, il s’indigne de l’archaïsme desoutilsdegouvernancedel’espacemondia-lisé. D’un côté, l’Occident, «maître dumonde» depuis la chute du communis-me, dicte les normes dans les domainesde la culture et des affaires, décide desquantités de monnaie à injecter dansl’économie mondiale, contrôle le calen-drier de la libéralisation des échanges et

assure la formation des élites de la planè-te. De l’autre, 88%des habitants de la pla-nètequiviventdansunensembledispara-te au Sud et à l’Est, mais ont repris auxpaysde l’Ouest le feuprométhéen – éner-gie vitale, appétit de croissance, espritd’entreprise.

Uneplanète rétrécieLe titre du livre renvoie à l’ouvrage de

KennethPomeranz,TheGreatDivergence,qui décrivait le basculement du lea-dershipmondial en faveur de l’Europe audébutde la révolution industrielle.

Onassisteaujourd’huiaubasculementinverse, laChine,chefdefiledes88%,s’ap-prêtant à reprendre son rang séculaire depremièrepuissancemondiale.

Mais, affirme l’auteur, à la différenceduXVIIIesiècle, la victoirede l’unne signi-fie pas la défaite de l’autre. La masse des88% est équilibrée par les colossales res-sources matérielles et immatérielles desOccidentaux. Les avancées de la mon-dialisation ont réveillé l’espoir, fracas-sé en 1914, de l’avènement d’uneconscience mondiale, sur une planèterétrécie par l’avion et par l’Internet, en

matière de travail, de santé, d’environne-ment, d’éducation…

Depuis trente ans, le choc frontal entrel’Occident et les émergents a modifié lagéographiementale de la planète.

L’irruptiondenouvellesclassesmoyen-nes s’accompagne d’un alignement desconceptions sur l’art de vivre, d’agir et depenser. Du Nord au Sud, les opinionsconvergent sur la science, la famille, l’éco-le, les loisirs, la culture et même la reli-gion, en dépit des représentations défor-méesoupartielles desmédias.

Mais le plus dur reste à faire : comblerl’écart entre les attentes des peuples et lesréflexes défensifs des Etats-nations.Convergence en bas, divergence au som-met.Prèsdesoixante-dixansaprèslacréa-tion de l’ONU, le «concert des nations»fonctionne toujours sur le modèle euro-péo-centré d’avant 1914. On attend lesidéesnouvelles venuesd’Asie. p

JacquesBarraux

The Great Convergence – Asia, The West,and the Logic of OneWorld.Kishore Mahbubani, 317 pages, 36,65 euros.PublicAffairs, www.publicaffairsbooks.com

¶JacquesBarrauxest journaliste,anciendirecteurde la rédactiondes «Echos»

LamondialisationenpannedegouvernanceLecturesétrangèresPour lediplomate singapourienKishoreMahbubani, «lemondeestun»

70123Jeudi 5 septembre 2013

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D ans l’interminablenaufragede lamusi-queenregistrée,onvoit surnagerà lasurfacedesgalettesnoires.Quiaurait

parié, en 1999, aumomentoù lespremiers cra-quementsse sont fait entendredans levais-seaude l’industriemusicale,que lesdisquesdevinyles’en sortiraientmieuxque lesCD?EnFrance, lesventesont triplé enquatre ans, pourdépasser les 300000exemplairesvendusen2012.AuxEtats-Unis, 19000exemplairesdeRandomAccessMemory, l’albumdeDaftPunk,ontétévendus la semainedesa sortie, le 6mai.

Ceschiffres sontà la fois impressionnants,puisque ledisquevinyleavait étédonnépourmortaprèsque leCDse fut imposé commeleformatuniverselpour lamusiqueenregistrée,maisaussidérisoires. Levinylene représenteque4%desventesdemusiquesursupportphy-siqueenFrance, 6%desventesdudisquedeDaftPunk. Sa surviemiraculeusene suffirapas,etde loin, à tirer l’industriemusicalede sagran-de langueur. Enrevanche, elle est riched’ensei-gnementsquantauxressacsde la transitionnumériquesur les arts et les industriesqui lesservent,ou lesmaîtrisent.

ApparuaumilieuduXXesiècle, le disquemicrosillonenpolychloruredevinylea été le

supportprivilégiéde la formidableexpansionde l’industriemusicale. Servipar lesprogrèsdel’équipement–stéréophonie,haute fidélité–, ledisquevinyleoffrait des supports idéauxauxformatsartistiquesqui se sont imposésdanslesdécenniesquiont suivi sonapparition.Le45toursétait lemaillonessentield’unsystèmequiallaitdes radiosaux tourne-disquesdesado-lescents, enpassantpar ladictaturedeshit-parades,pendantque le 33 tours, avec sesdeuxfacesquiduraientchacuneentre20et 25minu-tes, convenait aussi bienau répertoireclassiquequ’à l’élaborationdesœuvresd’artistesaussidifférentsqueMilesDavis,BobDylanouMichael Jackson.Lespossibilitésgraphiquesqu’offraient lespochettesd’albumsde30centi-mètresdediamètreontparachevéunsystèmequi faisaitdesdisquesdesobjetsde convoitiseet les constituants idéauxde collectionsplusoumoinséclectiques.

Le recorddesventes, atteintparMichael Jack-son,quivenditplusde40millionsd’exemplai-resde l’albumThrillerdans les annéesqui suivi-rent sa sortie, en 1982, futaussi le chantducygned’un formatque l’industrie a remplacépar le compactdisc, qui trouvait saplacedansunechaînedeproductionnumérisée.Mais le

CDn’a jamais suscité les enthousiasmesféti-chistesqui entouraient levinyle. Etne l’ajamais remplacédans le cœurdesmélomanes.

Pendantquelquesannées, les amateursdevinyleont célébré leurcultedans les catacom-bes. Lesdisc-jockeys lui conservaient leur esti-me, lesmélomanesreprochaientauCDunesécheressede son.Mais ces enthousiastesn’étaientpasasseznombreuxpourempêcherla fermeturedesusinesdepressageet laquasi-disparitiondesdisques33 et45 toursdesbacsdesmagasins.

Objet du désirIl a falluque leCDentamesondéclin, sous

les coupsdes téléchargements,d’abord illé-gaux,pourque levinyle redresse la tête. Ledis-quenoirest apparucommeunealternativedésirableà cesbibliothèquesnumériquesconstituéessurdes lecteursoustockées surdesnuages forcémenthorsd’atteinte.Nonseule-ment les labelsdiscographiquesont réédité, àl’identique,desgalettes fameusescommelesalbumsdesBeatles,maisde jeunesgroupesquivendentdirectement leurmusiquesur laToileproposentdésormaisunecombinaisontéléchargement/vinyle.

L’objet estd’autantplusdésirablequesoncoûtn’estpas réductibleà l’infini, contraire-mentauCD.Dans le casde cedernier, le prixdeventedéclineau fil des semainesqui suiventsasortie, jusqu’à se stabiliser autourde5 euros.Orc’est le prixde revientde la fabricationd’undis-quedevinyledequalité (levinyle 180gram-mes,uneexpressionqui rapprocheencoreunpeuplus cettenichede l’industriemusicaledelabibliophilie). Cesdisques sontdoncplutôt

chers, d’unmaniementmoinscommodequeles fichiersoumêmeleCD.Mais ce sontdesobjetsphysiquement liés auxmusicienspar lareproductionanalogiqueet à l’histoirede touteuneculture.

Cettevoguen’apas échappéàcequi restedesmultinationalesde lamusique,ni à cer-tains industriels, commelesdirigeantsde l’usi-ne tchèqueGZMedia, quiont racheté leurusi-neàunmomentoù laproductiondedisquess’était effondrée.De200000à la findesannées 1990, lenombreannueldegalettespro-duitesest remontéà 10millions.

La fortunedesmicrosillonsauprèsdupublictrouveunéchodécalédans le tempsdansd’autresdisciplines, car lamusiqueaeu ledou-teuxprivilèged’affronter lapremière la tour-mentenumérique. Lorsde la sortiedu filmTheMaster, en 2012, son réalisateur,PaulTho-masAnderson, aexigéque le filmsoitprojetésurpellicule70mmdans les festivalsoù il étaitprésenté.Dansunparcdesallespresqueentiè-rementnumérisées,onpeut imaginerquequel-ques îlotsanalogiques subsisterontpoursatis-faire les fanatiquesdesbobines, tout commel’argentiquegarderasaplacedans laphotogra-phie. L’édition–particulièrementenFrance–vientàpeined’entamer la transitionnuméri-que,maisonvoitdéjàquelleplace labibliophi-liepeutencore tenir faceaux textes sur tablet-te.A côtéd’uneproductiondemassepresquecomplètementdématérialisée,onpourrait voirs’épanouiruneproductiond’objets singuliers,entreartisanatetpetite industrie,destinéeàdesamateurséclairés. p

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E ncoooooredevant l’écran?»Interjectionquotidienne liéeàune scènede flagrantdélit

ordinaire? Jusqu’alors, lesparentsdevaientgérer l’épineusequestiondutempsd’expositionquotidiendesenfantset adosdevant l’écrandutéléviseuret des consolesdejeux.Aujourd’hui, cespetitsécransnesontplus les seulsàmobiliser l’attentiondes cadetset,est-ilnécessairede l’avouer,deleursaînés.

«Onvoit trop souvent les aspectsnégatifs, les inquiétudesque lesécrans suscitent,mais il existeaussibeaucoupd’aspectspositifs», esti-mait, en janvier, Jean-FrançoisBach, secrétaireperpétuelde l’Aca-démiedes sciences, en introduc-tiondespréconisationsde l’institu-tionsur le rapportenfant-écrans(bit.ly/15uJdLI).

Unesurutilisationdesécransest«potentiellementpréoccupantedans lamesureoùelle est à l’origi-nede troublesde la concentration,demanquede sommeil etde l’élimi-nationdesautres formesdeculture», écritM.Bach. Etô com-bien il est ardud’inculquer l’auto-régulationauxplus jeunes, voiredese… l’infliger! :«Ton smartpho-ne…pasà table!»,«Et tuarrivesàte laver lesdents avec ta consoleàlamain?»,«Cessede textoterpen-dant le film!»,«Tucomptesdormiravec tonmini-ordinateursousl’oreiller?»…

En2013, unadulte américaindevrait passer enmoyenne5heu-res et 16minutespar jour à surfer,dont 2heures et 21minutesdepuisun terminalmobile, contre4heu-reset 31minutesdevant son télévi-seur. Pourquoi cette affectionsansbornepour lesnouveauxécrans?

Miroir aux alouettes?Si l’on se cantonneaux choses

pratiques,plusde9 internautessur 10ont réalisé aumoinsune tel-le activité aucoursduderniermoisdepuis leur ordinateur, télé-phonemobileou tablette, avanceleWebObservatoiredeMédiamé-trie (2e trimestre 2013,bit.ly/175hSNd).

Et àuneutilisationcorrespondunécrandeprédilection: l’ordina-teur, trèsprésentdans les foyers,resteunpointd’ancragepourconsulter sescomptesbancaires(71%)oueffectuerdes formalitésadministrativesen ligne (54%).L’écrandes smartphoneset destablettesest, lui, plébiscitépour lagéolocalisation, la consultationdelamétéo,de l’horoscopeetpourchercherdes recettesde cuisine.

Toutnousportevers l’écran,petits et grands. Faut-il craindre cemiroir, que certainsvoudraientauxalouettes?Miroir,monbeaumiroir, dis-moiplutôt le tempsqu’il ferademain! p

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L’ÉCONOMIE DE LA CULTURE | CHRONIQUEpar Thomas Sotinel

Levinylecreuseson(micro)sillon

C’EST TOUT NET ! | CHRONIQUEpar Marlène Duretz

Tousécransdehors

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L’OBJET ESTD’AUTANTPLUS

DÉSIRABLEQUE SON

COÛT N’ESTPAS

RÉDUCTIBLEÀ L’INFINI,À L’INVERSEDU CD

LES INDÉGIVRABLES | par Xavier Gorce