Ecole Et Mobilite Sociale

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Ecole et mobilit socialeAnalyse de la notion de mobilit socialeChacun peut-il russir en fonction de ses mrites personnels, ou, au contraire, la fonction de chacun est-elle dtermine lavance ? Lcole peut-elle redresser ce dterminisme ou en estelle linstrument ? Pitirim Sorokin (1889-1968) est un sociologue amricain qui a dfini la mobilit sociale comme "le phnomne du dplacement dindividus dans lespace social". Il est le pionnier de la sociologie de la mobilit sociale. 1.1. Les termes utiliss La stratification sociale est la division de la socit en groupes sociaux hirarchiss et prsentant chacun une forte homognit au regard de certains critres (revenus, modes de vie, valeurs, statut juridique). Il existe deux conceptions de la stratification sociale. Dans un sens gnral, elle dsigne les diffrentes faons de classer les individus dans une socit en fonction de leurs positions sociales respectives. Ainsi une socit divise en castes, en ordres ou en classes sociales distinctes renvoie autant de formes distinctes de stratification. Au sens strict, la stratification sociale cherche simplement dcrire une socit divise en "strates", i. e. en groupes sociaux sans hirarchie officielle et juridique, dont les membres sont dfinis et classs partir dun ou de plusieurs critres (revenu, lieu de rsidence, prestige). A la diffrence des classes sociales, il existe une continuit dune strate lautre. En outre, les strates ne sont pas, comme les classes sociales, des groupes sociaux antagonistes. La mobilit intergnrationnelle dsigne le changement de position sociale dune gnration une autre. On compare la situation du fils par rapport celle du pre. Cette mobilit peut tre verticale ascendante quand le mouvement se fait du bas vers le haut (ex : le fils dun ouvrier devient cadre), verticale descendante quand le mouvement se fait du haut vers le bas (ex : un fils de cadre devient ouvrier) ou horizontale lorsquil ny a ni ascension sociale, ni rgression sociale. La mobilit structurelle ou contrainte est due lvolution de la structure de la population active. Cest la mobilit impose par lvolution de la structure sociale dune poque lautre. La mobilit totale observe (ou brute) est la somme de la mobilit nette (ou de circulation) et de la mobilit structurelle (contrainte). La mobilit intragnrationnelle dsigne le changement de position sociale dun individu au cours de sa vie active. Elle peut tre verticale ascendante (un ouvrier devient technicien au cours de sa vie active), verticale descendante (un ingnieur, aprs une priode de chmage, retrouve un emploi de technicien) ou horizontale (un ouvrier qualifi devient employ). La mobilit parfaite ou totale nexiste pas. Si elle existait, les hommes se rpartiraient, au hasard, aux diffrents niveaux indpendamment de leur origine : un fils douvrier aurait autant de chances de devenir PDG que le fils du patron dune socit. 1.2. Les outils danalyse : les tables de mobilit A Quest-ce quune table de mobilit ?

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Cest un tableau double entre croisant la position sociale dun individu lge adulte avec son origine familiale. La CSP des individus (40 59) est compare avec celle de leurs pres pour mesurer lcart ou la proximit entre le statut social de 2 gnrations. Ces tables analysent la mobilit intergnrationnelle et sont des instruments utiles pour apprcier la fluidit ou la rigidit de la structure sociale. Cest lINSEE qui est charg des enqutes, bases sur deux tables de mobilit sociale : la table de la destine sociale et la table de recrutement (ou dorigine). B La table de destine Cette table part du pass (CSP du pre) et se projette dans lavenir (fonction du fils). La diagonale explique lhrdit sociale (fils = pre). La dernire ligne indique la structure de la population active des fils. C La table de recrutement ou dorigine Cette table part du prsent (CSP du fils) pour se projeter dans le pass (CSP du pre). La diagonale reprsente lautorecrutement. La dernire colonne reprsente la structure de la population active des pres. 1.3. Analyse de la mobilit sociale en France A Interprtation des marges de la table Avec la dernire ligne (table de destine) et la dernire colonne (table de recrutement) on peut faire ltude de la mobilit structurelle (contrainte). Les transformations de la population active ont favoris dans une certaine mesure lascension sociale. B Commentaire des deux tables Pour toutes les catgories, les pourcentages de la diagonale sont les plus levs, dus lhrdit sociale et lautorecrutement. On peut donc parler dune certaine immobilit mais on est loin de le rigidit absolue. Labsence de mobilit varie selon les CSP. Limmobilit est plus forte pour les CSP extrmes (ouvriers, cadres et agriculteurs). La mobilit de proximit (passage entre des degrs voisins) est importante et les transferts entre les catgories extrmes sont limits. La mobilit concerne surtout les classes moyennes. Il existe une mobilit nette mais elle ne concerne que quelques CSP et les trajets courts. La mobilit est surtout due lvolution de la population active (mobilit structurelle) et labsence de rigidit. 1.4. Les problmes poss par cette analyse A Remarques gnrales

problme de correspondance entre les positions sociales problme de la profession de la mre, non prise en compte la table ne tient pas compte des tapes intermdiaires la table tient compte de la nomenclature de lINSEE or les CSP regroupent de nombreuses professions

B La mobilit fminine

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Les tudes sur la mobilit fminine sont rares cause de la carrire professionnelle discontinue des femmes et de leur taux dactivit infrieur celui des hommes. Un dveloppement est possible avec :

la hausse du taux dactivit la hausse du nombre de familles mono-parentales la hausse du clibat la hausse du nombre de diplmes la hausse des divorces les carrires de plus en plus continues

1.5. Lcole et la mobilit sociale Jules Ferry (1832-1893), ministre de linstruction publique, rend lenseignement primaire gratuit, lac et obligatoire. Lcole a pour but dassurer lgalit des chances selon les lves : idal mritocratique qui tend briser le modle de reproduction sociale. Lcole exerce-t-elle un effet favorable sur la mobilit sociale ? Existe-t-il des limites ? La dmocratisation quantitative est la massification : la scolarit est plus longue pour tous. Cest une condition ncessaire mais pas suffisante la dmocratie relle de lenseignement. La dmocratisation qualitative concerne lgalit des chances. Cest lanalyse des sociologues : on analyse laccroissement des effectifs scolaires selon les CSP ainsi que le choix des filires (types de baccalaurat). A Une dmocratisation quantitative de lenseignement : la massification 1 Constatations Le systme scolaire sest dmocratis sur le plan quantitatif. Tous les enfants, quelle que soit leur CSP, ont davantage accs au bac : en 1971 seuls 21.4% des enfants y avaient accs contre 54.7% en 1994. Les annes 1980 ont vu le dveloppement dune politique denseignement secondaire de masse, coupl avec un objectif de 80%. 2 Explications Il y a une volont de la part des parents de voir leurs enfants russir ainsi quune volont de lEtat :

obligation scolaire jusqu 16 ans cration de diffrents bacs zones dducation prioritaires (ZEP) bourses livres gratuits jusquen 3me passerelles crations de filires courtes dans lenseignement suprieur

3 Le diplme et la mobilit sociale Le diplme joue un rle dterminant dans lascension sociale. Lcole accompagne donc lvolution structurelle comme vecteur de la mobilit nette. Lconomie franaise se

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modernise et besoin de plus en plus de main doeuvre qualifie. Les classes moyennes et populaires ont profit de cette dmocratisation quantitative. B La massification na pas accru lgalit des chances 1 Mritocratie ? Lidal mritocratique repose sur le principe suivant : " chacun selon ses dons et ses mrites". Ni les relations ni la naissance ne doivent conditionner la russite sociale. Aujourdhui, les socits modernes sont fondes sur lidal mritocratique. 2 Constatations Le systme scolaire sest hirarchis en de multiples niveaux de valeurs diffrentes : bac gnral, bac pro, bac technique, choix de langues vivantes et de langues mortes, filires courtes et filires longues, gratuit et payant, tablissement priv ou public, centre et banlieue Le systme scolaire continue hirarchiser et diffrencier les lves. Les grandes coles ne sont quasiment frquentes que par les classes dominantes. Lenfant dune classe dominante redouble dans la mme srie alors que lenfant dune classe populaire change de srie. 3 Explications Le poids de lorigine sociale La situation quatteint un individu dpend largement de sa position sociale dorigine. Lidal mritocratique nest pas respect. Ce qui joue beaucoup dans la russite scolaire, ce sont les caractres sociaux du milieu familial. Dans les familles aises, la russite scolaire est perue comme un impratif : lenfant est maintenu le plus longtemps possible lcole (mme au prix de plusieurs redoublements). Leffet de dominance ou la diffrence dans les trajectoires post-scolaires Linfluence familiale sarrte-t-elle une fois le diplme obtenu ? Est-ce que le fils de cadre et le fils douvrier, titulaires dun mme diplme, sont-ils enfin galit sur le march du travail ? Non : le groupe familial agit en aval de lcole sur le rendement social du diplme. Cest leffet de dominance : lorigine sociale joue comme une force de rappel et continue faire sentir ses effets. Tout au long de la vie professionnelle, le milieu social dorigine a de limportance. Les sociologues emploient le terme de qualification sociale ou de savoir-tre. Cette qualification sociale sacquiert ailleurs qu lcole. Leffet de cliquet Cest un phnomne traduisant une rigidit la baisse. La transmission de capital exerce un effet de cliquet qui empche la "dmotion" sociale en cas dchec scolaire. Le paradoxe dAnderson ou les effets limits du diplme sur lascension sociale "Lacquisition dun diplme scolaire suprieur celui de son pre nassure pas au fils une position sociale plus leve". Le diplme est comme une monnaie : il connat aussi une inflation qui entrane une baisse de la valeur des diplmes. Le lien entre le diplme et le statut 4

social se relche. Le paradoxe dAnderson sexplique par le dcalage entre la croissance forte du nombre de diplmes levs et la croissance faible du nombre de positions sociales correspondant ces diplmes. C Lanalyse en terme de reproduction sociale de Pierre Bourdieu Pierre Bourdieu raisonne en terme de reproduction sociale (tel pre, tel fils). Il pense que la socit agit sur lindividu. Les pratiques des individus sont socialement dtermines. Bourdieu explique la reproduction sociale par lhritage culturel (capital culturel). De plus, il faut aussi accorder de limportance aux capitaux conomiques et sociaux : les ressources conomiques et les ressources sociales valorisent le diplme obtenu par lenfant. Lcole favorise la reproduction sociale des classes dominantes. Les diplms sont des hritiers qui disposent dun capital culturel : les titres scolaires quivalent des titres de noblesse. Lcole favorise ce capital culturel. La culture lgitime est celle de la classe dominante. Les enfants de la classe populaire doivent apprendre une autre culture, raliser un vritable processus dacculturation. Par le jeu de lhabitus, le systme scolaire reproduit ces divisions et ces classements. D Lanalyse en terme dingalit de chance de Raymond Boudon Raymond Boudon est partisan de lindividualisme mthodologique, tout comme Max Weber. Toute explication dun phnomne social doit partir du comportement des individus, de leurs choix, de leur motivation, compte tenu des contraintes. Chaque famille dtermine ses choix rationnels dorientation en fonction :

des cots : finances, livres des avantages : revenu correspondant au diplme, mobilit sociale des risques : russite alatoire

Les classes populaires choisissent les filires les moins valorisantes : phnomne dautoexclusion. Daprs Boudon, lcole nest pas responsable. A chaque bifurcation, un choix est effectu. Ce sont ces stratgies qui sont gnratrices dingalits car elles dpendent du milieu social. E Conclusion sur les deux auteurs Pour eux, le systme scolaire est incapable dassurer lgalit des chances. Ils font des constats proches concernant lingalit des chances lcole mais leur interprtation est diffrente. Boudon raisonne en termes de stratgie dacteur rationnel, Bourdieu met au premier plan la transmission du capital culturel et la fonction de reproduction sociale de

Un exemple de dissertation (source : ac-nancy-metz.fr)La mobilit sociale est, comme le disait Alfred Sauvy "un des sujets des plus attirants pour le public et des plus troublants pour le sociologue". Parmi toutes les instances d'intgration, l'cole en est une des plus importantes. Si l'cole joue un rle dans l'intgration sociale des individus, elle en joue aussi un dans leur mobilit sociale, le tout est de savoir prcisment 5

lequel. En dfinissant mobilit sociale comme la manire dont le statut des individus volue entre parents et enfants, aussi appele la mobilit intergnrationnelle (par opposition avec l'volution du statut social des individus au cours de sa vie : la mobilit intragnrationnelle) nous verrons dans une premire partie que l'cole favorise une mobilit sociale ascendante et dans une deuxime partie qu'elle comporte cependant quelques insuffisances. Tout d'abord, nous allons voir que puisque l'cole offre tous la possibilit d'apprendre, de dcrocher un ou des diplmes, elle permet tous de pouvoir gravir les chelons de l'chelle sociale en occupant un statut social plus lev que celui qu'avait son milieu social d'origine (ce qui est la dfinition de la mobilit sociale ascendante). La principale raison pour laquelle que Jules Ferry a promulgu le 28-29 mars 1882 la loi rendant l'cole laque et obligatoire pour tous les enfants (gs de 6 13 ans) tait d'abolir les barrires sociales entre individus, de permettre tous d'avoir un minimum de connaissance en leur enseignant le calcul, la lecture, l'criture et ainsi d'accorder tous la possibilit de faire ce que bon lui semblait (ce qui en gnrale se rsumait a obtenir le meilleur travail possible quel qu'il soit). La dmocratisation de l'accs l'cole a donc permis et permet toujours aux enfants des milieux les plus dfavoriss de pouvoir obtenir un bagage culturel auquel il n'aurait srement pas pu accder sans qu'elle soit ouverte tous. Ainsi mme ceux dont les parents n'auraient pas pu financer leurs tudes pouvaient et peuvent envisager d'acqurir un poste important, tout au moins plus important que leur niveau social d'origine (dtermin par sa position sur les trois hirarchies du revenu, du pouvoir et du prestige). En outre, on peut monter que l'cole favorise la mobilit social ascendante en montrant que l'cole permet effectivement ceux qui la frquente d'obtenir un bagage, de solides bases pour affronter leur avenir. Alors que l'on a montr ce qu'en thorie l'cole tait destine faire, nous allons voir que la ralit corrobore la thorie. En effet, comme le montre l'article de J-P Terrail:" de 1960 1994, le nombre de bacheliers a t multipli par huit, celui des tudiants par sept. Cette vritable massification des tudes longues atteste l'ouverture considrable d'un accs au patrimoine scientifique, technologique et culturel de l'humanit, rserv il n'y a pas si longtemps une toute petite lite" ce qui montre bien que l'accs l'cole et l'obtention du baccalaurat se dmocratise, ce qui favorise la mobilit sociale ascendante tant donn que plus le bagage culturel est important plus on devrait avoir un travail en rapport avec ce bagage. Dans une tude rcente, les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet analysent les transformations de la socit franaise en comparant le statut des individus qui avaient trente ans en 1968 aux trentenaires de 1998. Alors que les premiers taient en majorit sortis sans aucun diplme de systme ducatif, 43% des seconds sont bacheliers. Et le taux actuel d'une classe d'ge accdant au baccalaurat avoisine les 70%. Sans mme raisonner depuis la loi Ferry, le seul fait de raisonner sur cinquante ans suffit prouver que de plus en plus l'cole ouvre ses portes et que la proportion de bacheliers augmente. Le document 4, un extrait d'un texte de O.Galland, confirme cette tendance: "On peut juger sur l'exemple (franais) des gnrations 1957-1963 ges de 70 32 ans en 1990donc parvenues la maturit. Elles sont dj plus diplmes cet ges que leur devancire nes dans la premire moiti des annes cinquante: on compte parmi elles un tiers des bacheliers (contre un quart seulement huit ans auparavant) et un quart de diplms du suprieur (contre un cinquime). La proportion de diplms de niveau suprieur bac+2 a doubl, pour atteindre presque 9%". Cependant, si l'on a vu dans une premire partie que l'cole favorisait la mobilit sociale, nous

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allons voir que le rle qu'elle joue a tout de mme des limites. Malgr que la majorit des sociologues acceptent le fait que l'cole rduise les ingalit et favorise la mobilit, beaucoup en souligne les insuffisances. La premire de ces limites et la rapide et croissante dprciation de cette valeur des diplmes. Aujourd'hui, c'est d'avantage un individu ayant de fortes bases pratiques qu'un individu ayant de fortes bases thoriques qui est recherch. Ainsi, un employeur aura plutt tendance a employer quelqu'un avec une bonne exprience que quelqu'un avec un bon diplme . Autrefois, avoir des diplmes dnotait le caractre srieux, capable et presque tmraire de leur dtenteurs. Mais de nos jours cause de la perte du caractre litiste qu'avait ne serait-ce que l'arrive a une anne d'tude donnant l'opportunit de dcrocher un diplme par une forte augmentation de l'accs a l'enseignement, les entreprises prennent de moins en moins en considration les diplmes d'un individu prsentant sa candidature un poste que son experience. Comme le souligne le document 3: "plus largement distribus, les diplmes ne risquent-ils pas de constituer un passeport dvalu pour accder des emplois d'encadrement?" ou le document 5 "mme si, notamment avec l'extension des emplois salaris de type tertiaire, de plus en plus d'emplois sont soumis des conditions de diplmes, d'autres conditions ou critres d'apprciation des employeurs, explicites ou non, diffrencient les titulaires d'un mme diplme" il ne suffit plus seulement d'avoir un diplme pour dcrocher un empli. "Mme si le niveau mont" affirment C.Baudelot et R.Establet (par rfrence au titre de leur ouvrage: "Le niveau monte") "l'emploi n'a pas suivi, il faut plus de diplmes pour moins de rsultats". Il y a encore de cela cinquante ans, il tait frquent de pouvoir se raire embaucher avec seulement un certificat d'tude en poche (diplme dlivr la suite d'preuves ayant lieu la fin des tudes primaires, qui depuis a t supprim) maintenant il devient de plus en plus rare d'arriver trouver du travail seulement avec le baccalaurat. Avec des difficults conomiques survenues depuis les annes soixante-dix et l'augmentation du chmage (de 1% en 1968 il est pass 12% en 1998 pour les hommes de trente ans et 14% pour les femmes du mme ge), les diplms les plus nombreux n'ont plus la garantie d'un statut social comparable celui qui leur avait t offert dans une priode de croissance conomique forte. Les diplmes et en gnral le niveau de connaissance dterminant la place plus ou moins leves que l'on va prendre dans l'chelle sociale, l'cole ne remplirait donc pas entirement son rle dans la mobilit sociale. De plus, une seconde limite a l'efficacit de l'cole dans son rle dans la mobilit sociale ascendante est souleve par les sociologues Bourdieu et Boudon. Selon ce premier, l'cole au lieu de favoriser l'galit des chances, ne feraient que contribuer ce que les ingalits sociales restent ancres et ne participeraient qu'a le reproduction sociale (la reproduction sociale tant la transmission des statuts sociaux des parents aux enfants). Dans son ouvrage "la Reproduction. Elments sur une thorie du systme d'enseignement" datant de 1970, Bourdieu nous explique que le systme scolaire valorisant la culture des classes dominantes, ceux qui en sont issus en sont presque pleinement dots et sont donc fortement avantags tandis que les enfants issus d'un milieu plus populaire ne sont pas aussi bien dots en capital culturel et en ptissent: "Le systme scolaire tend a accorder un avantage supplmentaire aux enfants des milieux les plus favoriss parce qu'il suppose et vhicule, les traditions pdagogiques qu'ils perptue et mme le contenu et la forme de la culture qu'il transmet et qu'il exige sont en affinit avec les valeurs, les traditions et la culture des classes les plus favorises". Autre analyse des ingalits scolaires, celle du sociologue Raymond Boudon qui dans son ouvrage "L'ingalit des chances" paru en 1973nous montre que les ingalits proviennent de la simple comparaison des calculs du cot et des avantages de la scolarit d'un enfant partir d'un certain niveau. Pour une famille appartenant au milieu populaire, le cot des tudes de leur ou de leurs enfant(s) devient rapidement plus lourd que les avantages

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procurs par le niveau d'tude en question ce qui les pousse arrter d'investir dans les tudes de leur ou de leurs enfant(s). Par le mme raisonnement, les familles provenant des milieux les plus favoriss s'en trouvent donc avantages puisqu'il leur ai beaucoup plus facile de subvenir aux besoins de leur progniture: "les effets des diffrences d'apprciation des risques/cots/avantages sont ncessairement trs importants parce qu'ils sont exponentiels . L'on ne peut comprendre l'importance des disparits qui apparaissent vers la fin du cursus, au niveau de l'enseignement suprieur, si l'on ne voit pas qu'elle rsulte de du caractre exponentiel de ces mcanismes". Le document 4 nous montre bien aussi que mme si ces proportions ont augments d'une gnration l'autre, il y a toujours plus de fils de cadres ayant le bac que de fils d'ouvriers. Mme si leurs opinions divergent sur l'origine de ces ingalits scolaire, les deux sociologues (Bourdieu et Boudon) s'accordent pour dire que qu'elles existent et donc qu'elles apportent un frein la mobilit sociale. Enfin, dernire limite de l'cole, quand on a sa capacit de favoriser une mobilit sociale ascendante, toujours centre sur les ingalits: les accs aux diffrentes filires. Comme nous le montre le document1: "la valeur sociale des diplmes correspondant un mme niveau scolaire peut considrablement varier". Il faudrait "raisonner en terme de filires et plus seulement en terme de niveaux de scolarisation". L'tude des parcours scolaires montre que depuis les annes 80, la dmocratisation est loin d'tre uniforme, ainsi le sociologue Eric Plaisance explique que "les sections les plus prestigieuses et qui offrent les meilleures professions renforcent leur caractre litiste; inversement, les sections les plus dvalorises renforcent leur caractre populaire". D.Merlli et J.Prvot (document 5) ont eux la conviction que "l'ingalit sociale dans l'accs aux institutions se double d'une autre ingalit dans le rendement social des diplmes: la formation donn, le statut social dpend de l'origine" Selon eux l'orientation dont ont t victime les enfants des milieux les plus populaires leur a t dfavorable et leur statut social est rest le mme que celui de leurs parents ou a mme parfois t d'un niveau plus bas encore. L'cole aurait donc ici un rle dans la mobilit sociale mais dans la mobilit sociale descendante. Si dans une premire partie on a vu que l'cole jouait un rle important dans mobilit sociale ascendante grce la dmocratisation de son accs et sa tendance la rduction des ingalit sociales, on a galement vu dans une seconde partie que les diplmes qu'elle fournit ont de moins en moins de valeur et que certains sont convaincus que l'cole ne russit qu'a reproduire les statuts sociaux de gnrations en gnration sans vraiment effacer les ingalits sociales. La diffrence entre ce que l'cole devrait en thorie tre capable de faire et ce qu'elle est rellement en mesure de faire est donc remarquable et force beaucoup de gens penser que l'cole ne parait pas jouer un rle important dans la mobilit sociale. Est-ce qu'avant tout la proccupation actuelle ne devrait pas tre d'offrir chaque enfant la possibilit d'aller l'cole ?

Apprciation de la dissertationCette dissertation est bonne mais son plan et par consquent son raisonnement est videmment trop binaire : avantages/limites, pour un sujet de cette complexit. De fait des lments importants ont t omis : - Dans le rapport sur linstruction publique prsent le 20 avril 1792 lassemble lgislative,Condorcet indique que le premier but de linstruction nationale est dtablir entre les citoyens une galit de fait et de rendre relle lgalit politique recommande par la loi. En adoptant ce rapport le 12 dcembre 1792, le lgislateur dcide la cration de lcole primaire et donne au matre dcole le

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nom dinstituteur. Une cole est alors cre dans chaque village de plus de 400 habitants. Linstruction est le bien de tous nonce la constitution de 1793 et doit tre mise la porte de tous les citoyens afin de favoriser les progrs de la raison publique , traduction constitutionnelle de la philosophie des Lumires de Rousseau et Kant. - la loi Jules Ferry du 6 juin 1881 tablit la gratuit de lcole, la loi du 29 mars 1882 lobligation scolaire de 6 13 ans et de la lacit. Quel est le devoir de notre sicle ? Le sicle dernier et le commencement de celui-ci ont ananti les privilges et la distinction des classesJe la dfinis ainsi : faire disparatre la dernire, la plus redoutable des ingalits qui viennent de la naissance, lingalit dducationAvec lingalit dducation, je vous dfie davoir jamais lgalit des droits, non lgalit thorique, mais lgalit relle, et lgalit est pourtant le fond mme de la dmocratie. - Le nombre dlves des premier et second degrs slve 10 millions dont 6,6 millions dcoliers au sens strict. Cette massification de lenseignement nest pas quune augmentation numrique. Elle bouleverse les quilibres existants. La continuit sociologique qui existait entre les enseignants et les enseigns est en voie de rupture ; les enseignants vivent dans des univers sociaux distincts des lves avec lesquels ils changent de loin de vagues signes par smaphores (Christain Bachman, Ouali Brinis Sur la haine de proximit ; lcole et les apprentis casseurs ). - La massification du systme sest installe dans un contexte de slection intensifie ; ceci a entran la spcialisation des filires denseignement et une diffrenciation accrue entre les tablissements. La force et laugmentation de la relation entre les catgories socioprofessionnelles, nationalit et nombre denfants confirment lapparition de puissants processus sgrgatifs (rapport du ministre de lquipement, Division sociale de lespace et ingalits de scolarisation ) - Lethnicisation des relations sest de plus ajoute la sgrgation scolaire (Georges Felouzis Lapartheid scolaire ). Celle-ci selon Max Weber dans Economie et socit dsigne la construction subjective de soi partir de catgories ethniques socialement tablies, selon des origines culturelles sans quexiste pour autant une ncessaire communaut de sang . Ce processus, parfaitement illustr par le dbat sur le port du voile, ajoute la stigmatisation sociale et facilite la dsignation de boucs-missaires releve par Ren Girard dans La violence et le sacr . La question de la jeunesse sest ainsi trouve redfinie par lmergence concomitante au cours des annes 1980 du problme des banlieues et du chmage des jeunes, comme la not Bertrand Geay dans un ouvrage nomm de manire explicite Du cancre au sauvageon . - cette crise est aussi un chec de lcole : hausse de lillettrisme, augmentation de la violence, cart croissant entre lenseignement dlivr et lemploi propos sur le march du travail et les valeurs socoiales effectives. Lcole na pas volu alors que la socit sur laquelle elle reposait a disparu. Ainsi, non seulement, elle chouerait former des citoyens mais son objet serait aujourdhui de former des crtins (Jean-Paul Brighelli, La fabrique du crtin ). - Il semble que la distinction sociale dcrite par Pierre Bourdieu se soit depuis quelques annes matrialise par une sgrgation gographique encore plus marque quauparavant. Celle-ci rend impossible ab initio leffort de mobilit sociale produit par lcole. Trois phnomnes se sont en effet succd dans la plupart des villes industrielles la fin de la premire rvolution industrielle : lexode de la moyenne bourgeoisie vers la priphrie pavillonnaire (lentre soi protecteur), la gentrification du centre de la ville (bureaux, milieux aiss : lentre soi slectif) et la concentration de la population ouvrire et immigre dans des banlieues peuples de tours (lentre soi contraint des minorits visibles ). Ces phnomnes sont, videmment, directement la consquence de la libre loi du march qui a tendu rendre le centre des villes de plus en plus chre et de plus dsormais lobjet des spculations financires sans contrle de fonds de pension la recherche de revenus immdiats (pratique de lachat dun immeuble et de sa revente la dcoupe par exemple). Chaque groupe dhabitants de quartiers de la ville tend dans ces conditions se replier dans le cocon identitaire du chacun chez soi, dans lequel les communauts ne communiquent pas, au mieux se respectent et au pire se craignent et se jalousent selon un mouvement exactement contraire lintgration rpublicaine. La dsintgration sociale des villes se porte essentiellement sur les banlieues (les cits , comme lon disait paradoxalement des cits grecques, berceaux de la dmocratie) dont les habitants ont limpression dun rejet social, dune sgrgation gographiquement explicite qui ne paraissent pas tre fondamentalement bouleverss mais plutt stigmatise par la cration de zones franches o les lois ne seraient pas les mmes quailleurs. Les pistes de rnovation passent dune part par lintgration des banlieues dans les infrastructures publiques (coles, postes, police) et prives (rseau bancaire), par le dsenclavement social des ghettos urbains grce au

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dveloppement des activits conomiques et enfin par le dveloppement de la mixit sociale et culturelle des espaces urbains. Mais ces trois orientations paraissent complmentaires et il ne semble pas que la mixit obligatoire soit elle seule opratoire. Elle ne peut tre que le rsultat dune politique denracinement urbain et pas son fondement administrativement impos. Un autre plan possible sur ces bases : Si lcole a notamment pour objet dassurer une galit de formation, elle ne peut pour autant assumer seule une mission de mobilit sociale. 1.1. Lcole rpublicaine 1.2. La crise du systme 2.1. La mobilit sociale et ses freins : dfinition et limites individuelles et sociales (Bourdieu et Boudon) 2 .2. Les remdes possibles : la discrimination positive ou la mixit urbaine

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