ECRIRE UN MEMOIRE DE RECHERCHE

7/30/2019 ECRIRE UN MEMOIRE DE RECHERCHE

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SPIRALE - Revue de Recherches en ducation - 2002 N 29

Anne-Marie JOVENET

ECRIRE UN MEMOIRE DE RECHERCHE QUICONCERNE LE JE : UNE POSITION DE

SCRIPTEUR INTERDITE ?

Rsum : Larticle pose la question de lcriture de soi dans un mmoire inscrit dans

le champ de la psychologie clinique en Sciences de lEducation : position de scripteur inter-dite ? Les normes universitaires viendraient la rencontre de linconscient pour interdire au

sujet de se rvler. Les donnes confrontes : extraits des mmoires, brouillons, mais aussi

rponses crites une consigne voquant une impossibilit de laisser libre choix du sujet de

mmoire, montrant que sil y a interdit, il franchit les portes. En effet, si des profils semblent

se dessiner autour dun engagement sur lequel on disserte sans le dfinir ou dun engagement

clairement exprim, deux sortes dindices ressortent de faon gnrale : dune part le dsir

dargumenter, dtre celui qui dit ou fait bouger les choses , dautre part les alternances

ou ruptures de position dans le discours (changements de rfrent, changements de modalit,

ou de centration inattendus). Ainsi les indices seraient chercher du ct des lapsus de la

distanciation . Cette premire recherche, versant tudiant, invite se tourner aussi vers lac-

compagnement de telles critures.

Mots-clefs : Position de scripteur Inconscient Interdit Ecriture de soi

Enonciation Lapsus de la distanciation.

Lobjet de la recherche se situe autour de lengagement de soi dans lcriture

dun mmoire de recherche en Sciences de lEducation. La question de dpart pour-

rait tre : jusquo peut-on parler de soi dans un mmoire universitaire ? Comment ?

A quelles conditions ?

Couramment, la question est voque, sous forme de refus : lobjectivitsaccommode mal dun sujet* qui touche personnellement , ou encore unmmoire nest pas destin remplacer une thrapie . Ce refus est accompagndune injonction plus ou moins forte changer de sujet. Pourtant, dans le mmetemps, beaucoup saccordent penser quun intrt pour lobjet de recherche est la

garantie dun engagement de bonne qualit dans le travail, ou vont mme jusqu

concder que pour mener bien une recherche, il faut y trouver personnellementun intrt. Faut-il traduire en langage clair, que lengagement est ncessaire condition quil reste invisible derrire le nous, chercheur ou y lire une injonction

paradoxale ?

* Dans ces rflexions mises par des enseignants, le mot sujet est entendre au sens dobjet de

recherche.


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Concrtement, lintrt se porte ici sur les tudiants qui inscrivent leurmmoire dans le champ de la psychologie clinique de lducation, pressentant cons-

ciemment ou inconsciemment que les rfrences thoriques ainsi que la mthodolo-

gie utilise (entretien et analyse clinique) tabliront un cho avec ce qui les proc-

cupe.

De prime abord, trois enjeux peuvent tre souligns, mais nous y reviendrons

bien videmment lissue de cet article :

- Le plus pragmatique concerne la poursuite ou labandon de certains tu-

diants qui ne savent comment concilier ce dsir confus de comprendre une probl-

matique personnelle et les recommandations dun directeur en matire dobjecti-

vit.

- Le deuxime concerne lautre versant : laide apporter lcriture de tels

mmoires. La didactique a-t-elle quelque chose dire ces scripteurs particuliers ?Autrement dit, peut-on mener une rflexion sur laccompagnement de telles critu-

res ?

- Enfin, et lenjeu est peut-tre ambitieux, on peut se demander si cette ques-

tion est de nature fournir un matriau dtude intressant. Si, de tout temps, la

thorie psychanalytique sest nourrie des analyses des patients, ne peut-on rver

qu une poque o de plus en plus de jeunes se lancent dans un parcours universi-

taire sem de mmoires, on utilise ces critures de soi comme source dinterrogation

thorique, dans le champ des tudes cliniques.

Une premire question consiste dbattre de ce quon entend par criture

dun mmoire qui concerne le je . Trois cas de figure peuvent tre dcrits rapi-

dement :

- Dans le premier cas, ltudiant(e) se prsente comme ayant conscience devouloir aborder une chose qui lui est chre. Citons lexemple de X qui dclare vou-

loir sintresser lannonce du handicap, compte tenu des blessures quelle a ob-

serves chez ses parents la naissance de sa sur porteuse de la trisomie 21.

- Dans le deuxime cas, ltudiant dclare un intrt trs fort pour un sujet,

sans quil soit fait de rapport explicite avec la vie personnelle. Toutefois, les chan-

ges oraux nous permettent en tant que Directrice de mmoire pressentie de reprer

un impact de ce sujet dsir, sur la personne.

Dans les deux cas, le choix du sujet saccompagne en gnral dune motiva-

tion forte faire bouger les choses qui sancre dans les Sciences de lEducation

vues comme sciences du terrain.

- Le troisime cas fait le lien entre les deux premiers : les motivations affich-

es sont l pour en cacher dautres. Ainsi le choix autour de lannonce du handicapaux parents peut dboucher sur le vcu des frres et surs denfant handicap[] pour lesquels il ny a pas dannonce du handicap. Ils sont seulement pris dansla mouvance de la souffrance des parents .


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ECRIRE UN MEMOIRE DE RECHERCHE QUI CONCERNE LE JE

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Tout ceci revient dire que le mmoire devient le lieu o parle linconscient.Restera dfinir comment le choix du sujet est investi comme lieu dexpression ou

de rparation de soi-mme.

Le deuxime point qui rend prilleux notre travail concerne le reprage

dindices. La littrature linguistique reprsente au dpart par Benveniste, et reprise

par les psycholinguistes et les didacticiens de lcrit, indique un certain nombre de

repres caractrisant lnonciation : les relations de personne, les relations de temps,

les modalits

Il sagit lorigine de ce que Benveniste (1966) prsente comme expression

de la subjectivit dans le langage, ce qui unit lhomme et la langue : nous nat-

teignons jamais lhomme spar du langage et nous ne le voyons jamais linventant

[] Cest un homme parlant que nous trouvons dans le monde, un homme parlant

un autre homme, et le langage enseigne la dfinition mme de lhomme [] Cestdans et par le langage que lhomme se constitue comme sujet parce que le langage

seul fonde en ralit, dans sa ralit qui est celle de ltre, le concept dego .

Benveniste ajoute : La subjectivit dont nous traitons ici est la capacit du lo-

cuteur se poser comme sujet (p. 259).

De notre point de vue, nous pourrons alors nous demander si la subjectivit

dsigne la capacit se poser comme sujet ou le fait quil est impossible de ne

pas le faire, ou encore le fait de construire cette position.

Le discours est alors entendu comme nonciation supposant un locuteur et

un auditeur et chez le premier lintention dinfluencer lautre de quelque manire ,

que ce discours soit crit ou parl. Les indicateurs de linscription du sujet dans son

discours semblent alors reprables : le je en rfrence un tu , les marques de

linstance du discours : lici et maintenant et autres marques dictiques, les moda-

lits qui affectent les faits asserts, ou encore les indices de largumentation du sujetparlant : la rsonance du pass dans le prsent qui contraste avec la prsentation de

faits survenus un certain moment du temps sans aucune intervention du locuteur

dans le rcit.

Face ce reprage dindices, se lve un certain nombre dobstacles :

- Comment crire je quand de fait on na pas conscience dtre concer-

n ?

- Plus prcisment : nentame-t-on pas une dmarche dvitement son in-

su dmarche ranger du ct des mcanismes de dfense ? Vouloir et refuser

en mme temps une rflexion qui mettrait en lumire ce qui tait dans lombre

- Cet ancrage dans lcrit apparat interdit. Contrairement certains mmoi-

res professionnels o il est parfois conseill, voire recommand, expressment de

sengager dans son texte, luniversit les normes bannissent cet engagement per-sonnel. Le scripteur press demployer nous , on ou une tournure imperson-

nelle, sexprime au nom de la communaut scientifique.

- Comme nous lavons soulign dans lintroduction, linjonction dviter un

sujet trop proche de soi, saccompagne implicitement du sentiment de devoir faire

effort pour se distancier. Comment, dans ce cas, sattendre trouver des marques

dengagement ? Tout au plus, apparatront-elles comme erreurs oublies .


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Cest l que linconscient laisse entrouverte une porte quon croyait avoirsoigneusement verrouille : linterdit force les portes. A ce stade de notre prsenta-

tion, un dtour par ce que Reuchlin (1957) prsente comme un effort de clarification

de la part de Freud peut asseoir notre propos : Supposons que dans cet auditoire

attentif, se soit glisse une personne qui, par ses rires, ses bavardages, mempche

de continuer ma confrence. [] Ainsi, il peut survenir en nous une ide, un dsir

que nous ne pouvons, pour des raisons morales, accepter. Il se produit alors un

conflit, et cette ide, ce dsir, sont refouls, chasss hors du domaine de nos penses

conscientes. Ils continuent exister dans linconscient mais un barrage leur interdit

laccs de la sphre consciente. [] Lauditeur chass de la salle nen continue pas

moins exister .

Ainsi les symptmes ne sont que les formes dguises des dsirs, des penses

refoules. Pris au premier degr, ils ne disent rien de la cause qui les produit. Demme en est-il des mcanismes de dfense voqus plus haut. Rappelons que ces

mcanismes psychiques automatiques et inconscients sont destins prserver le

sujet dune ralit vcue comme intolrable parce que trop douloureuse et appa-

raissent dans tous les registres de la vie y compris ceux de lentretien clinique dans

le cadre dune recherche (Castarede, in Chiland 1983). Ils prennent la forme de la

fuite, de loubli, du refoulement, de lidentification ou de la projection ou encore de

la rationalisation. Dans lentretien, le sujet disserte sur le thme, pour viter de par-

ler de lui (Castarede) face la maladie grave le patient expose son cas comme sil

sagissait dun autre (Ruszniewski 1995) !

Cest dire quil devient impossible pour toutes ces raisons de prendre le ma-

triau fourni comme limpide et transparent. Ne nous voilons pas la face : lentrepri-

se ne sapparente pas un relev dindices comptabilisables dont la varit et la

rptition donneraient un indicateur dun plus ou moins grand engagement. A lin-verse attendons-nous chercher les rats de lexpression qui signaleront lin-

conscient forant le double barrage : linterdit de sengager dans un mmoire uni-

versitaire, et la peur de se rvler soi, dans un sujet o on craint de voir jusqu quel

point il intresse son auteur ! Ce qui, somme toute, revient considrer ce que

Freud dcrit dans Psychopathologie de la vie quotidienne, travers oublis, lapsus,erreurs de lecture et dcriture

Trois types de donnes vont tre confronts :

En premier lieu, il sagit dune demande crite que nous avons adresse

certains tudiants susceptibles dtre concerns par cette recherche. Elle a trait au

choix du mmoire, selon la consigne :

Il ny a pas que les tudiants qui mettent en place des recherches pour crire

des mmoires, les enseignants-chercheurs aussi ! Le thme de celle-ci concerne lechoix du sujet de mmoire par chaque tudiant(e). Dans toutes les universits, cer-tains professeurs pensent quil existe des sujets dlicats ou quil vaut mieuxconcentrer les mmoires sur un mme thme familier cet enseignant choisi commedirecteur de mmoire. Aussi, il ma sembl que parfois certains se sentaient contra-ris dans leur projet, et parfois abandonnaient. Afin de fournir les premierslments de cette recherche, pourriez-vous crire de faon trs libre (aussi courte


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ou aussi longue que vous le souhaitez !) ce qui a motiv le choix de votre sujet demmoire.

Le deuxime et le troisime groupe de donnes visent le reprage dindices

des rats dans le non-engagement : dans les mmoires ltat dfinitif, et dans les

brouillons, cest--dire les tapes intermdiaires dcriture, remis au Directeur de

mmoire.

Rappelons bien videmment quil sagit dun travail exploratoire, ayant pour

but de dterminer les indices pouvant se rvler pertinents pour la suite et partir de

l dtablir lenjeu et la faisabilit dune telle tude.

1. LES REPONSES ECRITES

CONCERNANT LE CHOIX DU MEMOIRELa formulation de la question invite les tudiants se sentir concerns, sils

ont eu le sentiment davoir d franchir une certaine barrire pour dire lenseignant

quils voulaient travailler sur tel sujet. Sur 9 demandes, 7 rponses sont parvenues.

Prcisons quune rponse comporte deux papiers concernant respectivement le

mmoire de matrise et un mmoire de 3e cycle.

Par leur contenu et leur forme quant lnonciation, les rponses obtenues

peuvent tre classes selon un ordre croissant dengagement dclar. Ainsi deux

groupes peuvent tre tablis autour dun lien clairement exprim ou non entre le

choix du sujet et un rapport soi.

1.1. Mise distance de soi-mme

On peut dire que les rponses du premier groupe (au nombre de 4) sont

construites autour dune mise distance de la question pose.Les deux premires ne rpondent pas directement la question, mais disser-

tent sur lintrt quil y a choisir un sujet prsentant un intrt pour la per-

sonne . A se caractrise par un discours qui fait alterner les rflexions imperson-

nelles et ladresse un tudiant fictif suppos tmoin. B fait suivre cette rflexion

impersonnelle sur lintrt du choix, dun travail danamnse sur la faon dont le

sujet sest constitu et sur les diffrentes tapes franchies.

Pour A, 4 lments cohabitent :

des dclarations impersonnelles : il faut avant tout choisir un sujet qui nous intresse [] il est complte-

ment inutile de raliser un travail de recherche dans lunique but de faire plaisir un ou des enseignants [] cela ne doit pas tre une contrainte [] il faut simple-

ment tre patient et persvrant [] il faut avoir lesprit [] Notons que ces tournures impersonnelles sont des expressions modalises : 4injonctions et une forme dapprciation ( inutile ).

lemploi du nous , dsignant vraisemblablement les tudiants, cest--

dire des je dissimuls :

il faut avant tout choisir un sujet qui nous intresse


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lemploi du tu indiquant un destinataire lecteur, qui suppose donc que je sadresse lui.

avec toutefois lide que le thme tudi puisse tapporter de solideslments quant la profession que tu dcideras dexercer [] avoir lesprit quetu nes jamais seule [

[] peuvent tapporter un soutien, des conseils, une aide prcieuse que tuapprcieras trs certainement .

lutilisation de la 3e personne avec un mot fortement connot un dsir

personnel.

tre patient et persvrant tout en gardant lespoir dachever son chefduvre .

B prend lallure dune discussion par rapport au texte soumis, et est suividune discussion avec soi-mme au sujet du choix de mmoire. Chaque discussion

donnant lieu une argumentation toffe.

Avant de rpondre [] je voudrais intervenir sur la position mise ouadopte par certains professeurs. Tout dabord dlicats, des sujets dlicats,jaurai envie de dire pour qui sont-ils dlicats ? Je pense que mme sil y a sujetbrlant il y a manire de laborder.

Quant au fait de concentrer les mmoires sur un mme thme familier cetenseignant choisi comme directeur de mmoire, je suis a priori contre [] car celadevient une recherche tlguide qui l savre dlicate .

Dun autre ct je pense quil faut peut-tre dissocier ltudiant pur deltudiant salari. Si cette formule apporte un certain cadre, une scurit, elle peutvenir pallier un manque dexprience []

le choix du sujet de mmoire est dabord reconstitu temporellement. En ce qui me concerne le choix du sujet de mmoire a suivi plusieurs ta-

pes Il est vrai que travaillant auprs dun public sourd, le thme de la surdit

savrait tout trouv. Si dans un premier temps [] puis est argument en fonction de ce qui peut se faire ou doit se faire

aborder ce thme pour montrer les dysfonctionnements [] cette positiona t vite dpasse car je pense que lon ne peut rien faire dans ces conditions. Deplus ce nest pas le but recherch.

est finalement valu quant au recul par rapport soi. Il me permet daborder un thme que je nommerai interne moi [] car

je travaille avec les jeunes sourds, tout en optant pour un sujet externe moi car

je ne moccupe pas directement de lintgration position de recul elle-mme value positivement.[] ce qui me laisse une part de libert, dobjectivit. On constate qu chaque question pose, une rponse est apporte, quau

si correspond un alors , quau je pense correspond une affirmation ce

nest pas le but recherch .


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Contrairement A et B, la rponse C ne contient pas dlments gnrauxsur lintrt pouvoir choisir librement un sujet de mmoire. Elle est inscrite direc-

tement sous un titre soulign : choix du sujet de mmoire, suivi de Comment com-penser ses difficults en grande section de maternelle ? qui est le titre dummoire.

La rponse commence par une rfrence cette population : le choix de cette population est du au fait que trs rarement on pense que

les lves soient en difficult en maternelle [] A la maternelle, on ne travaille pas,on joue .

A partir de l se dveloppe une argumentation sur ce choix et sur ce qui res-

sort du mmoire.

Le deuxime lment relever dans cette rponse concerne le glissement

du on se rfrant la maternelle (Dans la citation prcdente : A la maternelle,on ne travaille pas, on joue ) un on vraisemblablement plus largi : Par ailleurs jai donn une connotation psychologique ce mmoire, dans

le but de montrer que le comportement que lon adopte dpend de limage de soi. Sion na pas confiance en soi, on ne va pas solliciter laide dautrui. Par consquent,on risque dutiliser des subterfuges []

On note galement travers cette rponse, le dsir de montrer quelquechose par le mmoire :

par consquent, jai voulu montrer que ds la maternelle [] une connotation psychologique ce mmoire, dans le but de montrer

[] Par ailleurs, de faon implicite ce mmoire montre que les difficults

[] Enfin on remarque une argumentation forte travers diverses formula-

tions :

- une argumentation logique

ds lors, ils resteront avec leur problmeou bien alors ils tricheront sur les autres Si on na pas confiance en soi,on ne va pas solliciter laide dautrui Les alinas utiliss ici sont destins faire ressortir largumentation.

Largumentation se conclut par une injonction lenseignant :

Ds lors lenseignant doit tre en mesure de crer au sein de sa classe unclimat de confiance avec chacun de ses lves

- Mais on remarque aussi une autre forme dargumentation en forme de Va,

je ne te hais point ! : Par ailleurs, de faon implicite ce mmoire montre que les difficults sco-

laires ne sont pas obligatoirement prsentes chez les lves issus de familles dfa-vorises .


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La rponse D est organise autour dune dissertation sur le fait dtreconcern par ce quon crit suivie dune rflexion meta sur ce propos, dans

laquelle sinsre inopinment une adresse un interlocuteur ventuel.

Comme pour B, un lien est exprim entre le scripteur et le choix du sujet, via

la profession, mais la diffrence de B, un pas de plus est franchi en affirmant jaichoisi un sujet proche de moi pour des raisons pratiques mais aussi, surtout, parcequil me permettait de Dire et il fut important ce moment dtre entendue .

Il parat que lorsquun crivain se met crire un premier roman, celui-ci est obligatoirement autobiographique .

lon parle, ou croit parler, mieux de ce que lon connat ou croit entendre[] un thme proche de ses proccupations peut sembler rassurant []

raliser un mmoire [] peut effrayer

lcriture est mon sens un moyen apprciable de mise distance de ce quiest pnible, confus, voire douloureuxun sujet dlicat, qui est en rapport avec la personne qui le choisit permet

outre la distanciation des affects, une certaine valorisation [] En ce qui concerne le choix de traiter de ma profession [] javais reu

laval de mon Directeur de mmoire. Rendez-vous compte ! Je pouvais intresser unMatre de confrence de luniversit []

Le choix de mon sujet me permettait donc dvacuer de faon dtournece qui tait pnible pour moi et que je vivais cette poque comme dangereux []jai choisi un sujet proche de moi [] parce quil me permettait de Dire et il futimportant ce moment dtre entendue.

Ajoutons que ce lien dont on parle sans le dfinir, est invoqu pour renforcer

largumentation impersonnelle du premier point, par une inscription personnelle

dont on peut souponner le dsir argumentatif. Le choix dun sujet de recherche nest pas un moyen de faire une self-

thrapie mais ce qui est sr pour moi cest que la libert de choisir ce qui me pr-occupait, a t le meilleur moteur de rflexion et de motivation que je connaisse.

Que dcouvrons-nous travers ces 4 rponses, A, B, C et D ?

Un je qui se cache derrire

- un chef duvre quil voudrait raliser,

- une prise de position forte contre les mmoires imposs qui ne donne-

raient rien de bon ,

- un on qui peut inclure le scripteur jusque dans son milieu social,

- ou un trs fort dsir de se dire et dtre entendu et reconnu, cest--dire un

Je qui pousse les portes soigneusement verrouilles de linconscient en utilisantdes moyens anodins sa disposition comme le dsir de dfendre une catgorie de

population, de se poser des questions sur lintgration ou de se raliser travers un

chef duvre ou une reconnaissance du soulagement prouv pouvoir parler de

soi


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1.2. Lien explicite entre le choix du sujet et le retentissement sur soiLe deuxime groupe, compos de trois rponses, affiche plus clairement le

lien avec la personne.

La rponse E se subdivise en E1 et E2 correspondant deux mmoires r-

aliss une anne dintervalle. Prcisons que nous ntions pas implique dans la

direction du mmoire E1.

La rponse E1 peut se dcouper en trois temps :

la peur en ce qui concerne la ncessit dun terrain, et le choix dun terrainconnu : la classe o la mre du scripteur est enseignante.

ce qui me proccupait [] je dois reconnatre que jai une certaine ap-prhension [] il me semblait plus ais de solliciter un environnement qui mtaitfamilier. Cest pourquoi jai demand ma mre, enseignante

un intrt particulier pour deux lves de cette classe, victimes dinceste cependant je savais que dans cette classe taient scolariss deux enfantsqui []

On remarque que cet intrt est prsent comme secondaire, puisquil en est

question au 3e paragraphe, laide dune formule de retrait : cependant je savais

une rsonance personnelle les moments de proximit que jai vcus auprs de ces enfants en souf-

france ont rvl chez moi [] jaimais tre avec eux et je voulais comprendre oudu moins entendre leurs maux []

Si le je est utilis dans ces trois temps, on constate que lorganisation de

la rponse amnage en quelque sorte progressivement la possibilit de livrer

quelque chose de personnel.

La motivation de E2, inscrite dans la continuit avec E1 - lintrt veill parces deux enfants - dbouche sur un dsir dintervention.

le contact de ces deux enfants a veill en moi un profond intrt [] parailleurs [] ma amen rflchir sur []

contribuer, dans la mesure du possible, lamlioration [] acqurircertaines comptences pour grer ou former [] jespre que ce travail, dont laconclusion prsentera des recommandations []

F affiche un intrt dont lauteur est conscient :

La question reformule : pourquoi ai-je choisi de consacrer mon mmoire

la fratrie de personne handicape ? Le facteur qui a essentiellement influenc sur le

choix de mon sujet de mmoire est que je suis moi-mme la soeur dune personne

handicape. La rponse courte fait alterner je et nous , dans lequel je sinscrit.

Trois lments se suivent qui ont, tous les trois, rapport avec un dsir

dapprendre de ceux qui sont dans le mme cas.

je souhaitais connatre le point de vue dautres fratries [] ensuite je medemandais aussi si ma faon de voir ou de ressentir les choses tait unique ou


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commune toutes les fratries [] enfin il est toujours intressant de voir commenta se passe en dehors de notre propre []

Le dsir de dire est ici inscrit en creux :

De plus, peu de choses taient nonces sur ce sujet dans les livres ou au-tres []

Enfin G1 suivi dune courte vocation dun mmoire G2 en prparation, est

crit dans des conditions un peu diffrentes, en raison du dlai de temps beaucoup

plus long aprs la prsentation du mmoire. Ce laps de temps et la mise en chantier

de G2 ont permis une prise de conscience du lien entre un vnement personnel

pass et le choix du sujet de mmoire.

Lors du choix de ce sujet, je ne voyais pas (ou ne voulais pas) de lien entre

ce sujet et mon for intrieur, ma vie personnelle. Puis en avanant dans le sujet,de plus en plus passionne, voulant toujours en savoir plus, [] je me suis inter-roge sur un ventuel lien.

Y aurait-il alors un lien entre mon sujet et ma vie ? [] Jtais maintenantpersuade que le choix de ce sujet ntait pas le fruit du hasard comme javais pume le faire croire durant les premiers mois. Alors jai cherch ce lien, jai fouilldans ce for intrieur, dans mon for intrieur. []

Ce sujet de mmoire pouvait alors tre n de cet vnement traumatisant.

G2 trs court contient une nouvelle interrogation sur ce lien.

le fait de bloquer dans llaboration de mon mmoire [] nest certai-nement pas le fruit du hasard. De plus, inconsciemment, je ne supporte pasdattribuer le blocage dun travail universitaire par rapport ma vie prive []

Ainsi la caractristique commune aux trois rponses E, F et G sarticule au-

tour dun lien avec soi, exprim sans dtour. Chacun de ces scripteurs lit donc

travers la consigne donne, quil a le droit dexposer clairement en quoi il est

concern par la ralisation de ce mmoire. Linterdit de se livrer qui sexprimait

ailleurs, travers des protections, est ici franchi.

Ajoutons que la rponse G2 qui voque le fait de bloquer dans la ralisation

dun nouveau mmoire ajoute un nouvel enjeu notre recherche. Une prise de cons-

cience bloque-t-elle la suite du travail ? Nous y reviendrons, sachant que parmi les 7

tudiants ayant rpondu, 4 ayant soutenu de faon trs satisfaisante leur mmoire et

donc encourags continuer, prouvent de fortes difficults lanne suivante (de-

mandes de poursuite non suivies deffet, arrt en cours danne, difficults ou blo-

cages exprims)

2. LETUDE DES MEMOIRES PRODUITS

La seconde partie des donnes consiste confronter cette analyse des rpon-

ses aux mmoires produits. Il nous a sembl opportun pour ce travail exploratoire de

nous limiter aux textes susceptibles de contenir des marques dnonciation :


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lintroduction, la problmatique et la conclusion, supposant que la partie thoriqueainsi que la prsentation de la mthodologie seraient plus conformes un modle de

rfrence et que lanalyse des donnes pourrait prsenter un intrt mais ncessite-

rait une investigation trop lourde pour cette premire tude.

Noublions pas, dautre part, que ces textes ont t lus et vraisemblablement

corrigs, lecture et correction qui pourraient dailleurs faire lobjet dune rflexion

sur laccompagnement de ces critures.

2.1. Les mmoires A, B, C et D

Traitons dans un premier temps les 4 mmoires crits par les 4 tudiants

ayant manifest une certaine distance par rapport eux-mmes dans leurs rponses.

Dans la rponse de A le je se cachait derrire un tu auquel il sadresse

en exprimant de faon rsigne son attente forte : il faut simplement tre patient etpersvrant tout en gardant lespoir dachever son chef doeuvre .Patience nouveau cache derrire une phrase de lintroduction : Depuis

longtemps la rencontre avec diffrents membres dune quipe ducative et les ob-

servations ralises auprs denfants et adolescents carencs mavaient incite

rflchir la question []

B cachait linscription interne derrire linscription externe moi et

ose employer un seul je dans une dmarche de conceptualisation du problme

pos :

Les parents ne retrouvent pas une partie deux-mmes dans leur enfant. Ily a une partie deux-mmes de casse dans la projection quils se font de leurpropre enfance dans cet enfant. Jai envie de nommer cela la castration delhistoire interne des parents .

Dans la rponse de C, le je se cachait derrire des on o le sujet peutsinclure et dans une argumentation destine montrer des choses inconnues au

sujet des lves de maternelle.

Nous retrouvons cette argumentation et le dsir de montrer dans la

conclusion. Ceci est particulirement visible dans la dernire page de conclusion (16

lignes) o chaque phrase est introduite par un terme visant largumentation :

Ds lors [] Par consquent [] En effet [] Pour ce faire [] Ds lors[] Par ailleurs [] Par consquent [] Qui plus est, ce mmoire permet demontrer que ds la maternelle [] Ds lors []

On remarque toutefois, que si les lves sont classs par profils eu gard

leur comportement en cas de difficult (solliciter, ne rien demander, tricher) aucune

allusion aux catgories sociales nest faite.

Comme la rponse C, le mmoire D reflte cette alternance dj dcrite entreune volont de mise distance par intellectualisation du discours et une inscription

plus personnelle.

Si dans lintroduction le on personnel ctoie le on impersonnel :

pourquoi devient-on ducateur spcialis et pourquoi supporte-t-on [] Lorsque lon parle de relation ducative ou de relation daide, on a ten-

dance se poser la question du point de vue de laid ou de lduqu .


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En revanche dans la conclusion ne figure que le on impersonnel Peut-on supposer quune souffrance qui prend naissance dans lenfance

orienterait [] Peut-on supposer quune opposition aux parents mal ngocis du-rant ladolescence amnerait [] Peut-on supposer quun traumatisme li auxpouvoirs des mots dans lenfance conduirait []

La rponse en termes de choix de mmoire sappuyait sur des gnralits

pour pouvoir exploser : jai choisi un sujet proche de moi pour des raisons prati-ques mais aussi, surtout, parce quil me permettait de Dire []

alors que le texte public du mmoire sabrite derrire les conventions pour

oser avancer des hypothses questionnantes.

2.2. Les mmoires E, F et G

Pour aborder le mmoire E1, il faut rappeler quil nest pas pass par les mmes filets de correction .

Les trois parties tudies (introduction, problmatique et conclusion) com-

portent un point commun : faire de trs frquentes rfrences une mme personne :

la mre du scripteur, dsigne par des appellations diffrentes : ma mre ,Mme , lenseignante , lenseignant, appellations situes sur une trajec-toire allant du plus personnel ( ma mre , Mme , nous , elle et moi dans lintroduction) lalternance lenseignante/lenseignant dans la conclusion.

cette recherche nous permet de concevoir lenseignante de ces enfantscomme un intervenant actif de leur restauration. A travers lexpression de principespdagogiques simples, lenseignant parvient []

[] lattitude de lenseignante [] ces intuitions guident lenseignante []lenseignant apparat alors comme un guide [] considrant que lintervention de

lenseignante [] nest pas ngligeable [] elle reste nanmoins le fait dunepersonnalit, qui agit de faon volontaire et isole.

Si lenseignant a vocation de ramener le dbat sur un plan gnral, laconclusion du paragraphe sinscrit dans lici dune personnalit.

De fait lensemble de la conclusion semble exprimer une lutte intense entre

limplication et la distanciation.

La position des chercheurs est reprise titre personnel :

M. Gabel prcise [] que la recherche [] se doit dorienter son travail[] je porterai plus loin la rflexion, en affirmant que cette recherche se doit deconsidrer la formation de lenseignant [] se doit de rflchir []

Toutefois ce rsum de la recherche en termes de prescriptions amorce une

nouvelle position du scripteur qui allie je , nous et on pour aboutir, la

fin du mmoire, se rvler librement propos de ce qui a t observ sur le terrain. Toutefois je tiens prciser que la rencontre avec ses enfants (lapsus or-

thographique ?) et le pass quil vhicule ma appris chrir le brutal privilgedtre tout simplement humain ; jai dcouvert une vritable frontire lide quejai dun monde humain, et, quon ne pourra jamais, tout intelligent, cultiv oucratif quon soit, totalement comprendre cette souffrance, il reste toujours ap-prendre, chercher, rflchir.


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[] Aussi si on leur offre, ce qui semble banal tant dentre nous, si on leuroffre la tendresse, le soutien et le respect de soi que nous ne remarquons mme pas,lorsque nous les possdons, ces enfants sont capables plus que nous de se dpasser.

[] P [] je sus quelle tait forte, plus forte que moi .

En revanche, E2 manifeste lanne suivante une volont affiche de rentrer

dans le discours impersonnel o le personnel tend parfois reprendre ses droits.

Mais que se joue-t-il alors entre les professionnels face lenfant, la f a-mille quils doivent prendre en charge []

De nombreuses tudes montrent que tout un chacun lorsquil est face unesituation de maltraitance [] il ne peut sempcher danticiper []

Compte tenu de la rponse sans dtour de F, on sattend trouver des mar-ques personnelles dans le mmoire. Lintroduction apparat courte et ne donne pas

lieu une forme dengagement dans le discours. Cependant nous y trouvons des

mots forts et des modalisations du discours :

La naissance dun enfant handicap nest pas seulement laffaire des pa-rents [] elle concerne galement la fratrie [] cest pourquoi il ne serait pasngligeable dessayer de savoir ce qui se passe pour les frres et surs []

Suit une liste de ce qui peut tre attendu des entretiens dans laquelle onrelve onde de choc , les oublis de la rflexion sur le handicap , traduirelampleur, donner la parole

La conclusion plus longue, et crite en un bloc, mrite une analyse dtaille.

En premier lieu il faut souligner un nombre considrable de mots forts : perturbe considrablement , inconsciemment ngligs et asservis au paiement

de la dette irrductible de leur normalit , monopolise la totalit de lamour de samre et de son pre , pris en tau , insupportable prsence qui semble par ses

bances tout absorber , avenir de lun soud celui de lautre .

La structure du discours parait, elle, organise et rpte sur le mode :constat appuy par la recherche/dduction attendre/consquence mettre en place.

Ainsi pouvons-nous relever les marques de cette argumentation :

Au stade de la recherche, il ne fait gure de doute [

Il est important comme le souligne R. Scelles [] de faire prendre cons-cience ainsi peut-tre verrions-nous dans lavenir diminuer []

Souvent [] il peut se produire ce phnomne curieux que les frres etsurs

Ce qui peut les conduire adopter des comportements dchec ;

Par consquent [] il doit avoir la mme place [] Il nest pas souhaitablequil monopolise la totalit de lamour de sa mre et de son pre []On sait aussi que le frre ou la soeur du handicap est souvent pris en tau

[]avoir un membre de sa famille atteint transforme fondamentalement lavenir,car chacun sait que ds lors lavenir de lun est soud celui de lautre.


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Prcisons que seule la rcriture comporte ces alinas destins mettre envidence la structure du discours.

Comme pour le prcdent, le mmoire de G comporte un certain nombre

dlments relever dans la conclusion, en termes de ruptures dans le discours :

- rupture en ce qui concerne le rfrent :

le dveloppement de lenfant [] mme si lenfant [] il le ressent []limpatience de sa mre [] le peu de contact physique entre nos deux protagonis-tes [] .

A travers le nos le scripteur se positionne de faon inattendue par rapportaux personnes dont il parle.

- rupture syntaxique :

La rponse propose par la structure est [] mme si la dmarche est di-gne et humaine, elle nest pas suffisante. . La virgule napparat pas une transitionsuffisante entre ce qui est dit par le scripteur et lapprciation porte par le scripteur

sur ce dont il parle.

- rupture dans le jeu des temps du discours :

je pense que laide doit donc tre apporte la mre ET lenfant [] lebut est avant tout []

Tout adulte sengageant dans cette dmarche de recherche se voit impliquauprs des enfants. Limage de cet enfant [] ma fait peur. Jai toujours dsir ensavoir davantage pour contribuer lutter contre ce flau.

La fin de la conclusion fait passer dune prescription sur lavenir un retour

au pass, dont le rsultat actuel semble absent.

En rsum quels indices pouvons-nous retenir de cette premire lecture destextes retenus dans les huit mmoires ?

Une modalisation du discours ou son renforcement par le choix de termes

forts, mais essentiellement des alternances ou des ruptures dans le discours (discours

impersonnel/je, discours impersonnel/on dsignant un individu proche du scripteur

par la profession, lenseignante/lenseignant indiquant une volont de gnralisa-

tion, alternance de prescription et de retour soi). Autrement dit, la dmarche qui

tente daller du particulier au gnral semble contrecarre frquemment par la

dmarche inverse, particulirement des endroits inattendus comme par exemple la

fin de la conclusion, comme si le particulier chass revenait au galop !

3. LETUDE DES TEXTES PRODUITSAVANT LA REDACTION DEFINITIVE

Notons quavec la troisime srie de donnes, le travail se rvle encore plus

exploratoire, puisquil sagit de donnes rutilises aprs coup (sans quune dmar-

che de recueil ait t mise en place) et qui ne peut tre tablie rigoureusement (il

sagit des brouillons qui ont t soumis par ltudiant et conservs par lenseignant).

Ces donnes comportent une part dalatoire et des blancs.


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Sommairement on peut classer ces textes en 4 catgories :- des mises en forme faites au dbut danne : le sujet que je veux traiter et

pourquoi ,

- des brouillons concernant la formulation de la question de dpart ou de la

problmatique,

- des comptes rendus de lecture parfois assortis dune apprciation sur le rap-

port avec le sujet de mmoire,

- des entretiens analyss.

Nous nous en tiendrons ici regarder les deux premires catgories.

Nous possdons des brouillons de cet ordre pour le mmoire B, D, E2, une

feuille pour C, un document trs bref concernant G2 qui a dj t cit, deux docu-

ments concernant F (document concernant un premier sujet non abouti, et documentconcernant le sujet ayant donn lieu la production du mmoire).

Nous les analyserons rapidement en comparant avec les donnes prcdentes,

essentiellement dans le but dy dceler des indices intressants.

En ce qui concerne B nous trouvons une formulation de la problmatique

(une page) qui ordonne les vnements dans une suite qui se prsente comme tem-

porelle et logique.

Lannonce de la dficience [] reprsente [Sensuit toute une priode [][] daprs les travaux [] lapprentissage [] est fondamentalCet apprentissage permettra aux parents [] dautre part il permettra []Par consquent, lenfant [] trouvera []Il rejoindra ensuite [] il y apprendra ou poursuivra []

[] il sera amen rejoindreEn fait lintgration [] dpendrait [] On retrouve donc ici une forme trs proche de la rponse envoye : un en-

chanement de faits qui aboutit une conclusion sans discussion possible.

Le papier C (prsent en octobre) tablit un lien entre un travail de licence et

le mmoire faire, en indiquant les positions adoptes :

- en licence jai tudi []- jai tent de montrer []- jai observ afin de voir []- en conclusion de ce rapport jai montr, mis laccent sur []- ds lors, pour le mmoire, je souhaiterai partir de cette conclusion et voir

si []

- do la question que je vais traiter []

L encore, entre brouillon pour le mmoire et rponse la consigne, on ob-

serve un mme accent sur le fait de montrer mme si la premire utilisation est

tempore par jai tent de .En ce qui concerne D, nous sommes en possession de plusieurs papiers indi-

quant le projet de mmoire, lintrt de celui-ci, la rfrence certains auteurs, dans


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lesquels il nous semble intressant de relever les changements de rfrent ,limpersonnel voisinant avec une insistance personnelle

Ce mmoire se situe [] Je suis [] et il mest intressant partir de ma[] de minterroger [] je mattacherai situer cette rflexion dans le cadre []comment en tant que professionnel [] apprend-on et devons-nous la fois nousimpliquer et nous dcentrer []

Daprs les auteurs les ducateurs [] Do viennent donc ces contraintes[] qui lempchent [] ? Avons-nous peur de [] ?

On se souvient que la rponse de D alternait entre discours meta sur

lcriture et rsonance personnelle sur le soulagement prouv se dire.

De la mme faon pour E2 les premires bauches de la problmatique met-

tent en vidence deux aspects :

- une grande prcaution de langage aboutissant un style trs obscur,- un choix difficile en ce qui concerne la personne du questionnement.

Ainsi :

leur vcu [] quelles images [] (les heures que lon aimerait retrouver[] les anciens [] que lon voudrait [])

[] lidentit [] mais aussi la manire de percevoir son intervention ceque lon en sait, ce que lon sait de la situation [] puis la manire dont on peroit[] les connaissances que lon a [] les occasions dchange avec eux []

Or E, avait aussi pris beaucoup de prcaution pour avouer que la classe de sa

mre apportait un terrain dobservation o de surcrot se trouvaient deux enfants

victimes dinceste et reconnatre : les moments de proximit que jaivcus auprs de ces enfants en souffrance ont rvl chez moi quelque chose quejai du mal exprimer et expliquer[]

Quant F0(premier papier pour un mmoire non abouti) il prsente le sujetet les hypothses sous forme dargumentation forte (question/rponse et dduction

logique).

Lorsque les parents posent des questions, ils ne rencontrent [] en effet[] Pourquoi ? Parce quils manquent [] par consquent les parents [] commesi ils recevaient une gifle

Si la premire intgration se passe mal on assiste une sorte de deuximenaissance de lenfant pour les parents

Si intgration nulle alors cest comme si les parents revivaient la priodedouloureuse de la naissance avec lannonce du handicap brutale

Pour F1 (mmoire abouti) nous disposons dun grand nombre de compte-

rendu de lectures o parmi des citations releves de nombreux passages sont mis en

relief (mis en couleur et/ou souligns) o nous remarquons une volont dlib-rment affiche de savoir, de vrifier et dagir :

Les frres et soeurs [] se posent souvent la mme question []en tout cas une chose est sre []quelle est lattitude adopter quand [] ?quels sont les rles tenir ?Mais surtout quelles consquences cela a []


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Avec F une concordance semble simposer entre rponse la consigne,brouillon et rdaction de la conclusion dans le mmoire : dtermination nette de ce

qui est recher-ch : apprendre des autres par lintermdiaire de la recherche pour se

conforter soi.

Cette dtermination sappuie sur une argumentation logique et lutilisation de

termes forts et sur un raisonnement logique.

A ce stade de la recherche, quels enseignements pouvons-nous tirer de la

confrontation des trois sources de donnes et des indices que nous avons perus

comme importants relever ?

Deux regroupements semblent se dessiner : le premier autour du dsir

dargumenter, de montrer, le second autour des alternances ou des ruptures de posi-

tion.

Nous relevons dans la premire rubrique, les crits qui emploient le terme montrer , mais aussi tout ce qui indique un dsir de faire connatre, de faire

bouger les choses , de contribuer lamlioration ou la prise de conscience.

Peut-on dire ainsi que le sujet qui a conu le mmoire se cache derrire ce quil a

russi montrer ou dmontrer Pour parvenir cela, il a ordonn des vnements,

rpondu aux questions quil se posait propos dun terrain, dune population : il a

argument soit en utilisant des mots forts qui vont percuter le lecteur tout en lui

permettant dexprimer ce que lui-mme ressent fortement, soit en utilisant des for-

mes denchanement logique. La rationalisation, lintellectualisation, le discours

meta , apparus dans les rponses propos du choix de mmoire participeraient de

cette forme dargumentation supposant un destinataire qui tenterait de rejoindre le

raisonnement pur, valable dans tous les temps et les lieux (Olron, 1977, 1983)

Dans la seconde rubrique nous relevons toutes les formes dalternance,

quelles sinscrivent lintrieur dune mme phrase (changement de rfrent), lintrieur dun paragraphe (changement de modalit : il faut / il est inutile

de ) lintrieur dun texte prsentant un ensemble, comme lintroduction, la con-

clusion, la rponse la consigne (changement de centration : cas particulier/g-

nralisation, prescription/rapport avec soi-mme) mais aussi des formes dalter-

nance plus cache comme ladresse au destinataire quil soit tu ou matre de

confrences , qui suppose un je inexprim, ou linverse linsistance dun

je concern par le sujet qui nen finit pas de chercher un nous dans lequel

je pourra sinscrire et rdige un mmoire dans le but davoir le droit dexister.

Nous ne pouvons pas manquer dvoquer alors cet inconscient qui se faufile

sous les discours de dfense et percute de temps autre lordre non seulement tabli

par les normes universitaires mais soigneusement gard par le sujet lui-mme

L, nous obtenons une premire rponse aux questions poses en introduc-tion : oui ce matriau contient une mine dor, dordre clinique.

Lautre question : jusquo peut-on parler de soi dans un mmoire de re-

cherche ? devient : comment parle-t-on de soi dans un mmoire de recherche ?

Faisant cho un problme soulev par cette analyse, on imagine alors ais-

ment que le scripteur redoute inconsciemment une nouvelle confrontation entre le

dsir et linterdit, ce qui le paralyse dans lentreprise dun nouveau mmoire. Et


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cest l que le questionnement se tourne vers le Directeur de mmoire. Quel estlaccompagnement favorable de telles critures ? ou quelle est lattitude vis--vis

de ces critures et pour reprendre la comparaison de Freud en 1909 (Reuchlin, 1957)

en transposant quelque peu : laisser gesticuler la porte ltudiant tapageur ou le

faire rentrer dans lamphi et discuter avec lui ? laisser agir le symptme ou faire

entrer le refoul dans la sphre consciente ?

Ces interrogations pour ne pas tre simples, nen mritent pas moins dtre

poses.

Anne-Marie JOVENET

Thodile

Universit Charles de Gaulle Lille 3

Abstract : This paper raises the question of the writing of self in a research memoir in

the field of clinical psychology in Sciences of Education : forbidden writers position ? Uni-

versity norms would come to meet the unconscious to forbid the subject to reveal himself.

Compared data : excerpts from memoirs, drafts, but also written answers to a question evo-

king an impossibility to let free choice of the memoir subject, showing that if there is inter-

dict, it goes through the doors. Indeed, if profiles seem to emerge around a commitment on

which one discourses without defining it or around a clearly expressed commitment, two

types of indications appear as a general rule : on the one hand, the desire to argue, to be the

one who says or makes things change , on the other hand, the alternations or breakings

of position (unexpected changes of referent, of modality, or of focus). Thus the indications

would be to search among the slips of the distancing .This first study, focusing on the

student, also invites to turn towards the accompanying of such writings.

Key words : writers position - unconscious - interdict - writing of self - enunciation -

slip of the distancing.

Bibliographie

BENVENISTE E. (1966) Problmes de linguistique gnrale, Tome I. Paris, Galli-mard (pp. 225-285).

CASTAREDE M.F. (1983) Lentretien clinique vise de recherche In :

C. Chiland :Lentretien clinique. Paris, PUF.

FREUD S. (1901, 1re tr fr 1973) Psychopathologie de la vie quotidienne. Paris :Petite Bibliothque Payot, 1988.OLERON P. (1re d. 1977 ; 3e d. 1989)Le raisonnement. Paris : PUF.OLERON P. (1re d. 1983 ; 2e d. 1987)Largumentation. Paris : PUF.REUCHLIN M. (1957)Histoire de la psychologie. Paris : PUF.RUSZNIEWSKI M. (1995) Face la maladie grave. Patients, familles, soignants.

Paris : Dunod.

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