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 LES A  NNONCES DE LA SEINE J ournal o fficiel d ’a nnonces l égales - i nformations g énérales, J udiciaires et  t echniques bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected] fondateur en 1919 : rené tancrède - directeur : Jean-rené tancrède Lundi 17 février 2014 - Numéro 10 - 1,15 Euro - 95 e  année A près l’avoir remis au Président de la République la veille, Didier Migaud entouré des sept Présidents de Chambre, a présenté à la Presse le rapport public annuel 2014 de la Cour des comptes ce mardi 11 février. Le Premier Président a notamment livré des messages importants sur les finances publiques. Il a insisté sur le risque réel que le cit public excède 4,1 % du PIB. Cette année 2014 marque toutefois un changement puisque le Gouvernement a décidé d’axer les économies sur la diminution des dépenses. Face au retard pris pour réduire la dette, ses eorts sur la maîtrise des dépenses devront être poursuivis et ampliés pendant trois ans an d’assurer le retour à l’équilibre structurel des comptes en 2016. Il devra également engager des « réformes de fond,  permettant la modernisation des actions publiques  pour qu ’elles puiss ent atte indre, avec un e plus gr ande ecacité et au moindre coût, les objectifs xés par les  pouv oirs publ ics ». Déclarant que « la mise en œuvre d’économies n’est pas contradictoire avec l’amélioration de la qualité du service public », le Chef de la juridiction de la rue Cambon a rappelé le rôle de la Cour des comptes qu’il conçoit avant tout comme « un aiguillon » pour la modernisation des administrations. Pour conclure il a ajouté qu’il était important que « la Cour des comptes souligne les progrès constatés et valorise ce que l’administration sait faire et bien faire »  et qu’elle encourage les réformes ainsi que les décideurs et les gestionnaires qui les conduisent. Malgré une dette publique de près de deux mille milliards d’euros qui coûte en intérêts chaque année environ cinquante milliards d’euros, il faut espérer que la dimension « positive et constructive » du rapport annuel 2014 de la Cour des comptes incite les administratio ns à se moderniser pour mieux répondre aux attentes des citoyens, à progresser pour être plus efficaces dans l’exercice de leurs missions et donc à ralentir sensiblement la croissance des dépenses pour entamer au plus vite le désendett ement de la France.  Jea n-R ené Tancrède Cour des comptes Rapport public annuel 2014    P     h    o    t    o    ©     J    e    a    n      R    e    n     é    T    a    n    c    r     è     d    e      T     é     l     é    p     h    o    n    e    :    0    1  .    4    2  .    6    0  .    3    6  .    3    5 VIE DU CHIFFRE lCour des comptes - Une nécessaire refonte de la politique publique pour ne pas retarder le retour à l’équilibre structurel des comptes par Didier Migaud .......  2 RENTRÉE SOLENNELLE lCour des comptes - La rareté des moyens par Gilles Johanet .........................................  8 - Accélérer les efforts pour freiner les dépenses publiques par Didier Migaud  .................. .................. ................. .................. ..  10 lTribuna l de Grande Instance de Nantes - Les difficiles conditions d’exercice de la justice  par Jean-Maurice Be aufrère  ................ ................. .................. ..... 22 - Une réponse judiciaire efficace grâce à une réponse pénale diversifiéepar Brigitte Lamy .................. ................. .................. .....  23 VIE DU DROIT lConférence Générale des Juges Consulaires de France Sauver la réforme de la justice économique par Yves Lelièvre .... 12 ANNONCES LÉGALES ................................................  13 ENTRETIEN avec Harry Marne et Fabrice Vert lConciliateurs de Justice de la Cour d’appel de Paris .............  25 PALMARÈS lPrix Jean Carbonnier 2013 - Promouvoir la recherche juridique par Jean-François Weber  . .. 27 - L’ouverture des juristes au dialogue interdisciplinaire  par Hugues Dumont  ................ .................. ................ .................  28 - L’entreprise responsable par François-Guy Trébulle .................  29 - Entreprise responsable et environnement : recherche d’une systématisation en droits français et américain  par Pauline Abadie ................ .................. ................. .................. ..  30

Edition Du Lundi 17 Fevrier 2014

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  • Les Annonces De LA seine

    Journalofficieldannonceslgales-informationsgnrales,Judiciairesettechniquesbi-hebdomadaire habilit pour les dpartements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

    12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Tlphone : 01 42 60 36 35 - Tlcopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected]

    fondateuren1919:rentancrde-directeur:Jean-rentancrde

    Lundi 17 fvrier 2014 - Numro 10 - 1,15 Euro - 95e anne

    Aprs lavoir remis au Prsident de la Rpublique la veille, Didier Migaud entour des sept Prsidents de Chambre, a prsent la Presse le rapport public annuel 2014 de la Cour des comptes ce mardi 11 fvrier. Le Premier Prsident a notamment livr des messages importants sur les finances publiques. Il a insist sur le risque rel que le dficit public excde 4,1% du PIB. Cette anne 2014 marque toutefois un changement puisque le Gouvernement a dcid daxer les conomies sur la diminution des dpenses. Face au retard pris pour rduire la dette, ses efforts sur la matrise des dpenses devront tre poursuivis et amplifis pendant trois ans afin dassurer le retour lquilibre structurel des comptes en 2016.Il devra galement engager des rformes de fond, permettant la modernisation des actions publiques pour quelles puissent atteindre, avec une plus grande efficacit et au moindre cot, les objectifs fixs par les pouvoirs publics.

    Dclarant que la mise en uvre dconomies nest pas contradictoire avec lamlioration de la qualit du service public, le Chef de la juridiction de la rue Cambon a rappel le rle de la Cour des comptes quil conoit avant tout comme un aiguillon pour la modernisation des administrations.Pour conclure il a ajout quil tait important que la Cour des comptes souligne les progrs constats et valorise ce que ladministration sait faire et bien faire et quelle encourage les rformes ainsi que les dcideurs et les gestionnaires qui les conduisent.Malgr une dette publique de prs de deux mille milliards deuros qui cote en intrts chaque anne environ cinquantemilliardsdeuros, il faut esprer que la dimension positive et constructive du rapport annuel 2014 de la Cour des comptes incite les administrations se moderniser pour mieux rpondre aux attentes des citoyens, progresser pour tre plus efficaces dans lexercice de leurs missions et donc ralentir sensiblement la croissance des dpenses pour entamer au plus vite le dsendettement de la France. Jean-Ren Tancrde

    Cour des comptesRapport public annuel 2014

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    VIE DU CHIFFREl Cour des comptes- Une ncessaire refonte de la politique publique pour ne pas retarder le retour lquilibre structurel des comptes par Didier Migaud ....... 2

    RENTRE SOLENNELLEl Cour des comptes- La raret des moyens par Gilles Johanet ......................................... 8- Acclrer les efforts pour freiner les dpenses publiques par Didier Migaud ......................................................................... 10l Tribunal de Grande Instance de Nantes- Les difficiles conditions dexercice de la justice par Jean-Maurice Beaufrre ........................................................ 22- Une rponse judiciaire efficace grce une rponse pnale diversifie par Brigitte Lamy .......................................................... 23

    VIE DU DROITl Confrence Gnrale des Juges Consulaires de France Sauver la rforme de la justice conomique par Yves Lelivre .... 12

    ANNONCES LGALES ................................................ 13ENTRETIEN avec Harry Marne et Fabrice Vertl Conciliateurs de Justice de la Cour dappel de Paris ............. 25

    PALMARS l Prix Jean Carbonnier 2013- Promouvoir la recherche juridique par Jean-Franois Weber ... 27- Louverture des juristes au dialogue interdisciplinaire par Hugues Dumont .................................................................... 28- Lentreprise responsable par Franois-Guy Trbulle ................. 29- Entreprise responsable et environnement : recherche dune systmatisation en droits franais et amricain par Pauline Abadie ....................................................................... 30

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  • 2 Les Annonces de la Seine - Lundi 17 fvrier 2014 - numro 10

    Vie du chiffre

    Une ncessaire refonte de la politique publique pour ne pas retarder le retour lquilibre structurel des comptespar Didier Migaud

    Le rapport public annuel de la Cour est sa publication la plus emblmatique. Pour vous le prsenter, je suis entour de Jean-Marie Bertrand, Prsident de chambre et rapporteur gnral, ainsi que des Prsidents des sept chambres de la Cour. Je veux adresser tous mes remerciements aux rapporteurs, nombreux, dont seule une partie est derrire moi. Je remercie galement tous ceux qui, au sein des formations collgiales, au Parquet gnral, dans les services de la Cour et des chambres rgionales et territoriales des comptes, ont contribu cette publication. Et jexprime toute ma gratitude au rapporteur gnral, qui livre aujourdhui son quatrime et dernier rapport public annuel, ainsi qu son quipe. Ils sont parvenus lenrichir chaque anne, particulirement sur le suivi des recommandations. Le fond a volu, la prsentation galement, puisque ce rapport est le premier adopter la nouvelle charte graphique de la Cour et des chambres rgionales et territoriales des comptes, qui contribuera harmoniser la prsentation des publications, dsormais plus nombreuses, des juridictions financires, tout en rpondant des exigences dconomies et de dveloppement durable.Cette publication, importante dans la vie de la Cour, est dsormais loin dtre la seule : 40rapports et 29rfrs ont t publis au cours de lanne 2013. Le rapport public annuel est particulirement tourn vers le citoyen pour linformer sur le fonctionnement des services

    publics que la contribution publique finance. Sans porter dapprciation sur les objectifs qui sont assigns aux diffrentes politiques publiques, la Cour tablit des constats sur latteinte ou non de ces objectifs et invite les pouvoirs publics en tirer les consquences. Elle manifeste ainsi son attachement une dpense publique de qualit, cest--dire effi cace et conome. Cette exigence est permanente. Elle est plus pressante encore dans la situation actuelle des fi nances publiques, quaborde le rapport dans son premier chapitre.La Cour y dcrit la situation toujours proccupante de nos finances publiques. Quelques annes de dficit pour un pays peu endett ne posent pas diffi cult. En revanche, prs de quarante annes de dfi cits publics ne sont pas sans consquence: ils ont entran toujours plus avant la France dans une zone dangereuse, en raison du poids croissant de sa dette dans le PIB. Ce poids a doubl en vingt ans, passant de 46% du PIB en 1993 93,4% aujourdhui. Avec la remonte des taux dintrts qui, tt ou tard, se produira, la charge de cette dette psera davantage encore sur les comptes publics. Si les taux augmentent, ne serait-ce que dun pour cent, ce sont immdiatement 2milliards deuros dintrts supplmentaires pour le seul tat la premire anne, et 15milliards deuros au bout de dix ans qui sajoutent la charge dintrts annuelle, de 52milliards deuros actuellement. Cet accroissement reprsente lquivalent des crdits consacrs par ltat la justice, aux aff aires trangres et la culture.Pour stabiliser au plus tt, puis rduire le poids de la dette publique, lobjectif de retour lquilibre structurel des comptes publics, retenu par le Gouvernement et vot par le Parlement, doit tre poursuivi avec dtermination et aussi rapidement que possible. Il ne sagit pas de rpondre une proccupation de nature comptable. Il sagit dun enjeu de souverainet: reconqurir les marges de manuvre budgtaires dont la charge dintrts nous prive, et garantir la cohsion entre les gnrations.

    Didier Migaud

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    Les Annonces De LA seineSige social :

    12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARISR.C.S. PARIS B 339 349 888

    Tlphone : 01 42 60 36 35 - Tlcopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr

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    4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Tlphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Tlphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 novembre 1918, 93000 BOBIGNY Tlphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Tlphone : 01 45 97 42 05

    Directeur de la publication et de la rdaction :Jean-Ren Tancrde

    Comit de rdaction :Thierry Bernard, Avocat la Cour, Cabinet BernardsFranois-Henri Briard, Avocat au Conseil dEtatAgns Bricard, Prsidente de la Fdration des Femmes AdministrateursAntoine Bullier, Professeur lUniversit Paris I Panthon SorbonneMarie-Jeanne Campana, Professeur agrg des Universits de droitAndr Damien, Membre de lInstitutPhilippe Delebecque, Professeur de droit lUniversit Paris I Panthon SorbonneBertrand Favreau, Prsident de lInstitut des Droits de lHomme des Avocats Europens, ancien Btonnier de BordeauxDominique de La Garanderie, Avocate la Cour, ancien Btonnier de ParisBrigitte Gizardin, Magistrat honoraireRgis de Gouttes, Premier avocat gnral honoraire la Cour de cassation Chlo Grenadou, Juriste dentrepriseSerge Guinchard, Professeur de Droit lUniversit Paris II Panthon-AssasGrard Haas, Avocat la Cour, Prsident de GesicaFranoise Kamara, Conseiller la premire chambre de la Cour de cassationMaurice-Antoine Lafortune, Avocat gnral honoraire la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat la Cour, Matre de confrence H.E.C. - EntrepreneursJean Lamarque, Professeur de droit lUniversit Paris II Panthon-AssasChristian Lefebvre, Prsident Honoraire de la Chambre des Notaires de ParisDominique Lencou, Prsident dHonneur du Conseil National des Compagnies dExperts de JusticeNolle Lenoir, Avocate la Cour, ancienne MinistrePhilippe Malaurie, Professeur mrite lUniversit Paris II Panthon-AssasJean-Franois Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptesGrard Pluyette, Conseiller doyen la premire chambre civile de la Cour de cassationJacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate la Cour, Prsidente dhonneur de lUNAPLYves Repiquet, Avocat la Cour, ancien Btonnier de ParisRen Ricol, Ancien Prsident de lIFACFrancis Teitgen, Avocat la Cour, ancien Btonnier de ParisCarol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

    Publicit :Lgale et judiciaire : Didier ChotardCommerciale : Frdric Bonaventura

    Commission paritaire : n 0718 I 83461I.S.S.N. : 0994-3587Tirage : 13 341 exemplairesPriodicit : bi-hebdomadaireImpression : M.I.P.3, rue de lAtlas - 75019 PARIS

    Copyright 2014Les manuscrits non insrs ne sont pas rendus. Sauf dans les cas o elle est autorise expressment par la loi et les conventions internationales, toute re-production, totale ou partielle du prsent numro est interdite et constitue-rait une contrefaon sanctionne par les articles 425 et suivants du Code Pnal.

    Le journal Les Annonces de la Seine a t dsign comme publicateur of ciel pour la priode du 1er janvier au 31 dcembre 2014, par arrts de Messieurs les Prfets : de Paris, du 24 dcembre 2013 ; des Yvelines, du 19 dcembre 2013 ; des Hauts-de-Seine, du 18 dcembre 2013 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 dcembre 2013 ; du Val-de-Marne, du 30 dcembre 2013 ; de toutes annonces judiciaires et lgales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procdure Civile et de Procdure Pnale et de Commerce et les Lois spciales pour la publicit et la validit des actes de procdure ou des contrats et des dcisions de justice pour les dpartements de Paris, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine.N.B. : Ladministration dcline toute responsabilit quant la teneur des annonces lgales.

    -Tarifs hors taxes des publicits la ligneA) Lgales :Paris : 5,49 Seine-Saint-Denis : 5,49 Yvelines : 5,24 Hauts-de-Seine : 5,49 Val-de-Marne : 5,49 B) Avis divers : 9,76 C) Avis nanciers : 10,86 D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,83 Hauts-de-Seine : 3,83 Seine-Saint Denis : 3,83 Yvelines : 5,24 Val-de-Marne : 3,83 - Vente au numro : 1,15 - Abonnement annuel : 15 simple 35 avec supplments culturels 95 avec supplments judiciaires et culturels

    comPositiondesannonceslgalesnormestYPograPhiques

    Surfaces consacres aux titres, sous-titres, lets, paragraphes, alinas

    Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de lannonce sera compose en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera lquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi 4,5 mm. Les blancs dinterlignes sparant les lignes de titres nexcderont pas lquivalent dune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lannonce sera compose en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera lquivalent dune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi 3,40 mm. Les blancs dinterlignes sparant les diffrentes lignes du sous-titre seront quivalents 4 points soit 1,50 mm.Filets : chaque annonce est spare de la prcdente et de la suivante par un let 1/4 gras. Lespace blanc compris entre le let et le dbut de lannonce sera lquivalent dune ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le mme principe rgira le blanc situ entre la dernire ligne de lannonce et le let sparatif. Lensemble du sous-titre est spar du titre et du corps de lannonce par des lets maigres centrs. Le blanc plac avant et aprs le let sera gal une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Paragraphes et Alinas : le blanc sparatif ncessaire a n de marquer le dbut dun paragraphe o dun alina sera lquivalent dune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces d nitions typographiques ont t calcules pour une composition effectue en corps 6 points Didot. Dans lventualit o lditeur retiendrait un corps suprieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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    La Cour livre plusieurs messages sur les fi nances publiques: l Le premier est quen 2013, malgr un effort considrable, concentr essentiellement sur des recettes nouvelles, la rduction du dficit public sera limite. Il existe un risque rel que le dfi cit public excde la dernire prvision du Gouvernement, de 4,1% du PIB; l Le deuxime est que lanne 2014 marque un changement : leffort repose dsormais principalement sur la dpense. La tenue des objectifs ambitieux de matrise apparat possible, mais il nexiste aucune marge de manuvre en cas de dpenses imprvues; l Le troisime message est que, compte tenu du retard pris, leff ort sur la dpense devra tre poursuivi et amplifi sur les trois prochaines annes pour respecter lengagement pris par le Gouvernement et approuv par le Parlement, dassurer le retour lquilibre structurel des comptes publics en 2016; l Le quatrime est quil faut changer de mthode pour obtenir les conomies programmes. Plutt que de ponctionner tous les services, il apparat ncessaire dengager les rformes de fond, permettant la modernisation des administrations publiques, pour quelles puissent atteindre avec une plus grande effi cacit et au moindre cot les objectifs fi xs par les pouvoirs publics.

    Je reviens sur le premier message, qui concerne 2013. Leffort a t considrable. Il peut tre mesur chaque anne par un indicateur, qui prend en compte toutes les mesures de redressement des comptes, quil sagisse dconomies sur les dpenses publiques ou de mesures nouvelles de hausse des prlvements obligatoires. Cet eff ort a reprsent 1,7point de PIB en 2013, aprs 1,3point en 2012 et 0,8point en 2011. Si ces niveaux sont dune ampleur indite dans notre histoire budgtaire rcente, ils sont, nanmoins, du mme ordre que ceux qui peuvent tre constats dans nombre de pays europens.

    Leff ort de 2013, de 1,7point de PIB, portant pour plus des trois quarts sur des recettes nouvelles, a produit des eff ets tangibles, mais plus lents et donc plus limits que prvus. En effet, le dficit public ne sest rduit que de 0,7 point de PIB. Ce sont avant tout les recettes qui ont manqu par rapport aux prvisions, en raison des eff ets combins dune nette dgradation de la conjoncture et dun excs doptimisme dans le choix des hypothses techniques utilises pour le calcul des recettes. Ce dernier constat est rcurrent. Il serait heureux que ces pratiques cessent.Ce ne sont pas seulement les recettes qui ont manqu, les dpenses totales ont augment plus vite que ce qui tait prvu par le Gouvernement au printemps 2013, sans quon puisse, ce stade, analyser en dtail les causes de ce rsultat. Compte tenu des incertitudes qui demeurent sur les comptes de lanne 2013, il existe un risque signifi catif que le dfi cit public excde la dernire prvision du Gouvernement, de 4,1% du PIB.

    Le deuxime message concerne lanne en cours. Leff ort programm est important: 0,9point de PIB. Il repose, pour la premire fois, en priorit sur la rduction des dpenses, rejoignant en cela une orientation prconise de longue date par la Cour. Les hypothses de croissance pour 2014 sappuient sur un scnario conomique que le Haut Conseil des finances publiques a estim plausible. Les hypothses de niveau demploi et de progression de la masse salariale du secteur priv apparaissent toutefois fragiles, tout comme celles relatives llasticit des recettes. Au total, la Cour estime que le produit des recettes pourrait tre surestim de 2 4 milliards deuros. En outre, le rendement des nouvelles mesures fi scales serait de 1 2milliards deuros infrieur aux prvisions.Lobjectif de matrise des dpenses en 2014 est ambitieux et suppose des conomies de lordre de 15milliardsdeuros par rapport leur rythme tendanciel daccroissement. La

    Cour relve quun effort a t fait pour mieux justifi er les conomies programmes, par rapport aux annes prcdentes. Cependant, une part des conomies nest pas encore documente ce stade, et certaines apparaissent surestimes. La tenue des objectifs de dpenses de ltat apparat possible, mais ncessitera dimportantes annulations de crdits pour y parvenir. Il nexiste en outre aucune marge pour faire face des dpenses imprvues.La Cour insiste pour que leffort soit mieux partag entre lensemble des acteurs publics, particulirement ceux qui ont le moins contribu jusquici. Les conomies attendues du secteur des collectivits territoriales sont chiff res 2 milliards deuros, mais leur traduction concrte est hypothtique. En eff et, si ltat a prvu de rduire les concours quil verse aux collectivits, le manque gagner sera compens par laff ectation de nouvelles ressources fi scales pour un montant gal, sinon suprieur. Rien ne permet donc danticiper un ralentissement des dpenses du secteur local dans son ensemble. Un freinage sensible des dpenses locales est pourtant ncessaire pour que la participation des collectivits territoriales au redressement des comptes publics devienne une ralit tangible, conformment la trajectoire des fi nances publiques fi xe par les pouvoirs publics. Il faut rappeler quau cours des vingt dernires annes, les dpenses de fonctionnement des collectivits, primtre constant, se sont accrues un rythme nettement plus rapide que celles de ltat. Il faut nanmoins relever que les communes et intercommunalits, qui ne sont pas bnfi ciaires des nouvelles ressources, devront consentir un effort plus significatif. Les travaux de la Cour, en particulier le premier rapport annuel sur les fi nances locales doctobre 2013, mettent en vidence les marges de manuvre existantes pour rendre les dpenses de fonctionnement courant du secteur public local plus performantes, en particulier dans ce que lon appelle le bloc communal.

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    Anne Froment-Meurice, Didier Migaud et Jean-Marie Bertrand

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    Enfin, le secteur de la protection sociale devrait davantage contribuer aux conomies, compte tenu de son poids dans les dpenses des administrations publiques et, surtout, de lexistence dune dette sociale croissante qui est une profonde anomalie.Au total, compte tenu des nombreuses incertitudes et des risques significatifs que la Cour a relevs, latteinte de lobjectif de dficit public en 2014, de 3,6%, nest pas assure ce stade.

    Le troisime message est que, compte tenu du retard pris, leffort sur la dpense devra tre poursuivi et amplifi sur les trois prochaines annes pour respecter lengagement du Gouvernement, approuv par le Parlement, dassurer le retour lquilibre structurel des comptes publics en 2016.Lcart par rapport la trajectoire fixe dans la loi de programmation des finances publiques, vote fin 2012, va croissant. Il devrait tre dau moins un point et demi de PIB pour le dficit effectif en 2014. La place trs importante donne jusquen 2013 aux mesures de hausse des recettes par rapport aux conomies en dpenses, plus sensibles aux alas de la croissance, a certainement contribu ces rsultats.Deux raisons devraient inciter notre pays poursuivre et amplifier leffort. La premire est le retard dans le redressement des comptes par rapport nos voisins europens. Le dficit en 2013, de 4,1% du PIB et vraisemblablement davantage , demeure sensiblement suprieur celui constat en moyenne dans les tats de la zone euro, de 3,1%, selon les dernires prvisions de la Commission europenne. La deuxime raison est que la dette continue daugmenter. Il y a un an, le Gouvernement prvoyait que la dette atteigne en 2013 un niveau maximum de 91,3% avant de dcrotre. Cela ne sest pas produit, la dette publique progresse et devrait atteindre 95,1% du PIB fin 2014, soit 2 000milliardsdeuros. Une telle somme reprsente plus de 30000euros par Franais, cest de lordre de vingt fois le cot actuel de construction de lensemble du rseau autoroutier et de grande vitesse ferroviaire existant. Vous le comprenez bien, tout retard supplmentaire dans la consolidation des comptes se traduirait par une divergence sensible par rapport nos voisins europens, par une nouvelle dette importante et porterait une atteinte grave la crdibilit financire de la France.Celle-ci a obtenu de ses partenaires europens un report 2015 du retour de son dficit en-de des 3%, tout en maintenant lobligation de ramener ses comptes lquilibre structurel en 2016. Une nouvelle loi de programmation des finances publiques pourrait formaliser la trajectoire retenue par les pouvoirs publics pour atteindre ces objectifs, en rattrapant le retard pris.Le Gouvernement envisage actuellement de raliser, chaque anne jusquen 2017, un effort concentr sur les seules conomies en dpenses. Cet effort devrait reprsenter

    17 milliards deuros par an, soit un niveau suprieur celui de 2014. Sil sagit dun effort sans prcdent, encore faut-il souligner quil ne sagit pas dun effort visant rduire la dpense publique mais en limiter la progression environ 2% par an. Chaque anne, la dpense publique continuera augmenter dans son ensemble un peu plus rapidement que linflation, celle-ci tant estime 1,5%. En effet, les conomies sont calcules par rapport une estimation du rythme daccroissement tendanciel des dpenses, dont la dfinition est souvent conventionnelle et parfois discutable. Autrement dit, il est prvu que la dpense publique saccroisse de 70milliardsdeuros sur lensemble des trois annes 2015 2017 au lieu de 120milliardsdeuros. Cet cart reprsente un effort de 17milliardsdeuros chaque anne, rapporter la dpense publique annuelle dans son ensemble, soit plus de 1150milliardsdeuros.Le quatrime message de la Cour est que ce ncessaire effort est possible, compte tenu des marges existantes. Il suppose dengager enfin des rformes de fond dans les diffrentes administrations publiques. Le contexte des finances publiques nest pas une menace pour laction publique, il sagit au contraire dune opportunit pour acclrer la modernisation de nos services publics, mieux adapter les moyens publics aux besoins et dgager les marges de manuvre ncessaires au redressement de notre comptitivit et la croissance moyen terme de notre conomie.La Cour et les chambres rgionales et territoriales des comptes contribuent donner une traduction concrte au principe figurant larticle15 de la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen: La socit a le droit de demander compte tout agent public de son administration. En exerant cette mission de transparence, au service de la dmocratie, les juridictions financires identifient de nombreuses pistes de rforme qui touchent une grande diversit de politiques publiques et dacteurs. Additionns, ces constats montrent que des rformes structurelles, si elles sont engages, peuvent permettre des conomies importantes.Chaque acteur public, quel que soit son rle, son statut, mme sil dispose de budgets limits, doit sinterroger en permanence sur la performance de son action: quels sont ses objectifs, les atteint-il et, si oui, est-ce un cot raisonnable? Pendant des annes, ces questions nont pas assez t poses dans nos administrations. Lorsque lon se donne la peine de les mesurer, les rsultats atteints par les politiques publiques ne sont souvent pas la hauteur des moyens consacrs. Il faut en finir avec lindiffrence devant les rsultats insuffisants de nombreuses politiques publiques ou leurs cots excessifs, faute de lorganisation la plus optimale. La Cour invite les dcideurs et gestionnaires publics un changement de culture pour davantage sintresser aux rsultats obtenus insuffisamment mesurs quaux moyens dploys, souvent mis en avant comme si lutilit des dpenses allait toujours de soi. Cest par exemple ce que la Cour invite les lus locaux faire pour veiller au meilleur usage des importantes subventions quelles versent au monde associatif, en prenant lexemple de collectivits de la rgion Provence-Alpes-Cte dAzur, mais ces recommandations sont valables pour lensemble des territoires ainsi que pour dautres administrations qui versent des subventions.

    Au-del des conomies quelles peuvent dgager, ces rformes permettraient aussi et surtout de renouveler la manire dont le service public est rendu, damliorer sa qualit et son accessibilit.Le prsent rapport est cette anne plus spcifiquement centr sur ltat et ses satellites. Pourtant, la Cour estime que cest dans deux secteurs scurit sociale et finances locales que les conomies les plus importantes peuvent tre ralises. Mais lessentiel des analyses et propositions de la Cour sur la scurit sociale sont dlivres dans son rapport annuel de septembre, et, en raison de la proximit des chances lectorales, les sujets touchant la gestion des collectivits territoriales sont peu abords dans cette dition 2014. Ainsi, ce rapport annuel ne cherche pas en priorit mettre sur la table de nouvelles pistes dconomies dampleur. Dautres rapports de la Cour sen chargent, dans une grande diversit de domaines, quil sagisse par exemple de la matrise des dpenses de personnel dans les fonctions publiques, des achats de maintenance au sein des armes, de lorganisation de la permanence des soins, du dveloppement de la chirurgie ambulatoire, de la gestion des rgimes de protection sociale, par exemple les mutuelles tudiantes pour ne citer que des sujets voqus en 2013. Un recensement des pistes dconomies proposes par la Cour est disponible dans son rapport dejuin2013 sur les finances publiques.Le rapport public annuel livre au citoyen des cas illustratifs des forces et faiblesses, diffrents degrs, dun chantillon de services publics. Le rapprochement de ces diffrents exemples, petits ou grands, permet de mettre en vidence les diffrentes modalits de rformes ncessaires, allant de la refonte complte ladaptation, en passant par la simplification et le ciblage. A partir des nombreux exemples pris, qui sajoutent ceux des rapports des annes prcdentes, cest ainsi toute une panoplie de mthodes de rforme qui est prsente. Je les aborderai successivement, en commenant par la ncessaire refonte des politiques inefficaces.

    Les juridictions financires constatent que certaines politiques, peu nombreuses, sont particulirement inefficaces. Souvent, les objectifs que ces politiques visent nont pas t explicits ou nont pas t adapts lvolution des besoins des citoyens et usagers. Jen prendrai deux exemples tirs du rapport, dimportance modeste mais reprsentatifs de ces situations.Le premier est la politique en faveur du tourisme en outre-mer. En dpit dun rcent redressement, le tourisme dans les Antilles franaises, en Polynsie et la Runion est en crise, alors que certaines les voisines et concurrentes connaissent un rel dynamisme. Les politiques de dveloppement du tourisme mobilisent des moyens importants entre 10 et 20millionsdeuros chaque anne par collectivit au service de stratgies dates, marques par le souhait daccueillir toujours un tourisme de masse, avec des objectifs nombreux, irralistes par rapport aux capacits daccueil, et peu hirarchiss. Surtout, la priorit est donne de coteuses actions de promotion en mtropole ou ltranger, sans sassurer avant cela que loffre rpond quantitativement et surtout qualitativement aux attentes de la clientle internationale: confort des

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    l Raoul Briet, Prsident de la 1re Chambrel Gilles-Pierre Levy, Prsident de la 2me Chambrel Patrick Lefas, Prsident de la 3me Chambrel Jean-Philippe Vachia, Prsident de la 4me Chambrel Anne Froment-Meurice, Prsidente de la 5me Chambrel Antoine Durrleman, Prsidente de la 6me Chambrel Evelyne Ratte, Prsidente de la 7me Chambre

    Prsidents de Chambre la Cour des comptes

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    htels, qualit de laccueil, accessibilit des sites, du littoral, des sentiers et gtes de montagne.Un deuxime exemple de ncessaire refonte dune politique publique est celle de la documentation pdagogique au service des enseignants de lducation nationale. Elle est mise en uvre par un rseau de 31tablissements publics distincts et autonomes employant 1918agents, ditant pas moins de 57collections et 17revues mises disposition dans 133 mdiathques. Ces moyens importants 92millionsdeuros par an de subvention de ltat rpondent de moins en moins aux besoins des enseignants. Jen veux pour preuve que la moiti dentre eux ne connat pas les revues de la documentation pdagogique. En outre, les nombreux points de vente sont structurellement dficitaires et le virage du numrique est peine engag. Ce rseau est obsolte, surdimensionn et coteux en moyens de fonctionnement: pas moins de 600agents se consacrent aux seules fonctions support. La Cour recommande de regrouper le centre national et les centres rgionaux de la documentation pdagogique en un organisme unique, dont lactivit serait recentre sur les besoins essentiels des enseignants, en particulier pour mettre leur disposition des supports numriques ducatifs.Le rapport livre dautres exemples de politiques publiques refondre, quelles soient nationales, comme la transformation des foyers de travailleurs migrants, ou locales, comme les transports publics, avec la socit VFD Voies ferres du Dauphin. Ces exemples sajoutent dautres appels, dj formuls par la Cour, pour refondre des politiques entires, quelles soient modestes, comme ces exemples, ou grandes, comme la gestion des enseignants.Dans certaines situations, la Cour constate de graves dysfonctionnements. Il faut distinguer deux cas de figure que jvoquerai successivement. Le premier correspond des gaspillages, le second

    des structures devenues inutiles quil faut avoir le courage de supprimer.La Cour, en dnonant des errements passs, ne cherche pas distraire son lecteur ou livrer la presse chaque anne des exemples savoureux mais anecdotiques, comme lan dernier la destruction de pices d1 euro. partir de ces exemples, elle veut insister sur la ncessit dun retour dexprience des administrations concernes afin dviter quils ne puissent se reproduire. Cette anne la Cour voque deux sujets: le second porte-avions franais et une prise de participation dans une entreprise darmement, Manurhin. Jinsisterai sur le premier.

    Le programme de second porte-avions franais a t officiellement lanc en 2005 et suspendu en 2008. La coopration franco-britannique rpondait notamment au souhait de dgager des conomies pour contourner la contrainte budgtaire impose aux armes. Mais ds lorigine, le Royaume-Uni avait clairement fait savoir que ni les caractristiques, ni le calendrier, ni le projet industriel quelle menait ntaient susceptibles dtre adapts. Malgr cela, la France a sign en 2006 un accord vou lchec. Il permettait la France dacheter laccs aux tudes britanniques, au prix lev de 103millionsdeuros, afin de sen inspirer. Cette somme na t, in fine, quune pure subvention au programme anglais. Dautres dpenses ont t consacres la production dtudes inutilisables, portant la dpense 196 millions deuros. Il peut arriver que des programmes darmement naboutissent pas des ralisations concrtes, il est en revanche anormal que des sommes aussi importantes aient t engages alors que limpasse de la coopration tait trs largement prvisible.Jen viens au deuxime cas de figure, o les dysfonctionnements sont ceux de structures tout entires qui appellent une reprise en main totale

    de celles-ci, voire leur disparition. Jvoquerai deux exemples tirs du rapport, une caisse de protection sociale et un tablissement public.La Caisse interprofessionnelle de prvoyance et dassurance vieillesse des professions librales, la CIPAV, est charge de verser les prestations de retraite de base et de retraite complmentaire dun professionnel libral sur deux, appartenant prs de trois cents professions aux revenus trs divers allant des moniteurs de ski aux ostopathes en passant par les architectes et une grande partie des auto-entrepreneurs. La gestion des 2,3milliardsdeuros du portefeuille de titres financiers et dimmeubles de la caisse, garantissant les prestations futures, est trs peu rigoureuse. Surtout, la qualit du service rendu ses 545000affilis est dplorable. Pourtant, contrairement au rgime gnral, la Caisse dispose dun nombre croissant dagents rapport aux affilis. La modernisation de ses systmes dinformation, engage depuis des annes, est inaboutie, malgr un investissement dix fois plus important que prvu. La liste des cotisants contient des erreurs trs nombreuses, les dlais de prise en charge sont parfois trs longs. La caisse nest capable de liquider bonne date les pensions des nouveaux retraits que dans un cas sur deux, alors que cette proportion est de 96% pour le rgime gnral de scurit sociale. Devant de telles dfaillances et dfaut dengager une action de redressement rapide, la Cour recommande quun administrateur provisoire soit nomm et se substitue au conseil dadministration.De graves dysfonctionnements ont galement t une nouvelle fois relevs dans la gestion de la Chancellerie des universits de Paris. La Cour critique depuis 1978 cette structure de 60agents qui est un gestionnaire de patrimoine universitaire trs inefficace, qui nentretient pas ni ne valorise son important patrimoine historique. Certains occupants de son parc locatif

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    parisien, anciens responsables de lenseignement suprieur, bnficient toujours de loyers bonifis et parfois y installent leurs enfants. La gestion de la Chancellerie est peu performante, et les universits de la rgion parisienne ne bnficient que peu de ses prestations. La Chancellerie assure, dans des conditions discutables, la gestion de limportante enveloppe de frais de reprsentation du recteur de Paris, de 100 000 euros chaque anne. La Cour invite les pouvoirs publics dpasser les rflexes conservatistes et corporatistes qui ont empch les trente chancelleries universitaires sur le territoire, devenues toutes inutiles, de disparatre. De faon gnrale, la Cour considre que des institutions obsoltes ne doivent pas tre maintenues dans des conditions discutables. Elle formule de vives critiques lendroit dune socit capitaux dtat charge dun rle trs contestable doprateur foncier, la SOVAFIM, dont elle avait prconis la suppression en 2011 et qui parvient tonnamment se perptuer.Ces critiques et cet appel des rformes profondes ne concernent quune minorit de services publics, mais ltat doit montrer quil est capable de les engager. Bien plus frquemment, la Cour constate que des politiques qui, sans tre inefficaces, doivent tre simplifies et mieux cibles sur leurs objectifs essentiels. Cest une caractristique rcurrente des politiques publiques dans notre pays : les dpenses dintervention, cest--dire les prestations, subventions et aides diverses, qui reprsentent plus de la moiti des dpenses publiques, sont souvent insuffisamment diriges sur le public qui en a rellement besoin. La tolrance envers les effets daubaine est frquente. Or, un meilleur ciblage de laction publique constitue de loin la principale source dconomies dans les administrations publiques. Ce constat a quelque chose de rassurant: pour raliser des conomies massives, particulirement dans les domaines de la formation professionnelle ou du logement, il nest pas ncessaire de priver daide ceux qui en ont besoin, il suffit de veiller ce que le bnficiaire soit rellement celui quon vise.

    Ces rformes de ciblage et de simplification permettront, en contrepartie, de renforcer la prise en charge de ceux qui sont au cur de la cible, en leur assurant un meilleur accs aux droits. Je prendrai trois exemples qui illustrent la ncessit de mieux cibler certaines actions publiques.Le premier est lindemnisation des victimes de lamiante. Il offre aux travailleurs de lamiante des possibilits de dpart anticip la retraite grce un fonds, le FCAATA. Il est choquant de constater qualors que de nombreux travailleurs exposs lamiante nont pas accs ce dispositif avant dtre effectivement malades, par exemple les artisans, le fonds ait t frquemment dtourn de sa vocation pour prendre en charge la reconversion dentreprises industrielles. En effet, ce fonds constitue aujourdhui le dernier moyen de prise en charge publique de prretraites. Et linscription dun tablissement sur une liste aux critres peu prcis suffit faire bnficier lensemble de ses salaris de dpart anticips mme sils nont pas t directement en contact avec lamiante, par exemple le personnel administratif. Le rapport cite le cas dun tablissement dont 96% des salaris navaient jamais t exposs lamiante. Le dfaut de ciblage sur les travailleurs les plus exposs lamiante entrane une injustice et des dpenses publiques leves. Le dispositif dindemnisation

    des malades, reposant sur un autre fonds, le FIVA, a manqu lobjectif qui avait prsid sa cration: offrir une indemnisation complte et rapide, tout particulirement pour les victimes souffrant des pathologies les plus graves, et limiter les contentieux. Cest exactement linverse qui sest produit.Dautres exemples de ciblage ncessaire sont dans le rapport : le choix ancien de la SNCF daccorder des facilits de circulation ses salaris, conjoints et enfants mineurs ne la distingue pas de ses concurrents europens. Mais, parmi eux, la SNCF est la seule tendre cet avantage en nature aux parents et grands-parents, voire arrire grands-parents, des salaris et de leurs conjoints. Plus dun million de personnes bnficient de ces facilits, dont seulement 15 % sont salaris de la SNCF. La rationalisation de ces coteuses facilits doit tre poursuivie et acclre. Le rapport voque aussi les missions des Socits damnagement foncier et rural, les SAFER, qui se sont loignes de leurs missions originelles, de remembrement agricole et daide linstallation de jeunes agriculteurs, pour servir le plus souvent de pur intermdiaire dans des transactions sur des biens fonciers dont la vocation est parfois rsidentielle, en faisant bnficier les parties prives de son privilge fiscal. Un contrle plus troit par ltat de lactivit des SAFER devrait permettre de les recentrer sur leurs missions dintrt gnral, avec des exigences dontologiques renforces.La simplification est un puissant levier dconomies et de ciblage de laction publique. Jen prendrai deux exemples tirs du rapport: la fiscalit du handicap et les missions fiscales des douanes.Un exemple de ciblage insuffisant est celui de la fiscalit du handicap. La Cour relve une accumulation illisible de dispositifs en faveur des personnes handicapes et de leurs familles. Chacun de ceux-ci relve dune intention positive, mais lensemble apparat excessivement complexe, en raison de la juxtaposition de dispositifs aux conditions dligibilit trs variables. Cette complexit entrane des incohrences, et conduit de nombreuses personnes se priver daides auxquelles elles ont droit. Il convient de recentrer ces aides sur un nombre rduit de dispositifs, appliquant des critres communs.De mme, la Cour constate que des missions de recouvrement dimpts divers ont t confies au rseau des douanes pour compenser la perte de lactivit douanire traditionnelle. La Cour a relev le nombre important dimpts indirects faible rendement: 42taxes ont un rendement infrieur 100millionsdeuros. Certaines sont archaques comme la taxe dite lessieu, qui impose de lourdes formalits aux redevables et dont le cot de recouvrement reprsente 10% de son produit. La taxe sur les flippers a t rforme en 2007 sans tre supprime. Son produit, de 500000euros, dpasse son cot de gestion. La Cour invite les pouvoirs publics supprimer les taxes obsoltes. Le retard dinformatisation des douanes est significatif: la Cour estime que 40millionsdeuros pourraient tre conomiss chaque anne. Faut-il dailleurs que le ministre des finances conserve en son sein deux rseaux comptables de recouvrement des recettes fiscales? La Cour ne le pense pas et recommande galement la mise en place de lautoliquidation de la TVA limportation pour rpondre un enjeu important de comptitivit des plateformes portuaires et aroportuaires du territoire.

    Vous le constatez travers cet exemple: la mise en uvre dconomies nest pas contradictoire avec lamlioration de la qualit du service public, la simplification et le redressement de la comptitivit de notre conomie, bien au contraire. Cest un constat que la Cour fait rgulirement, et qui va lencontre des ides reues.

    La Cour conoit son rle avant tout comme un aiguillon pour la modernisation des administrations. Pour cela, il est normal quelle souligne les insuffisances, les drives. Mais il est important quelle souligne aussi les progrs constats, quelle valorise ce que ladministration sait faire et bien faire, quelle encourage les rformes ainsi que les dcideurs et gestionnaires qui les conduisent. Il faut rappeler que les administrations franaises offrent dans leur ensemble des services publics de qualit, et comptent nombre dagents publics dvous, innovants et imaginatifs. Si, dans le pass, la Cour tait rticente publier des constats positifs, elle choisit dsormais de plus en plus de faire connatre les bonnes pratiques. En effet, ces exemples peuvent et devraient servir dexemple pour dautres administrations, montrer que des rformes sont possibles. La Cour formule galement des recommandations pour consolider et conforter les administrations concernes. Jvoquerai brivement quelques exemples.Le service civique doit rpondre une ambition forte, offrir dans trois ans 100000jeunes par an lopportunit de sengager pour un projet dintrt gnral. Il en est encore un premier stade de dveloppement, avec 20000contrats par an, dont les premiers rsultats sont encourageants. La poursuite du dveloppement du service civique suppose de former les tuteurs, matriser le cot pour ltat et veiller ce que les contrats ne se substituent pas des emplois salaris. La Cinmathque franaise est une association qui est parvenue se renouveler, valoriser sa trs riche collection, attirer un public nouveau et diversifi, moderniser sa gestion. Elle peut encore mieux articuler son action avec les archives franaises du film et progresser dans la coopration avec les autres cinmathques franaises et trangres.

    Le rapport illustre les cas, nombreux, o les exemples vertueux ne sont pas sans lien nous nous en rjouissons avec des travaux prcdents de la Cour. Vous le savez, celle-ci est attentive aux suites concrtes donnes ses recommandations. Elle rpond ainsi une prescription du lgislateur. Le nombre de recommandations partiellement ou totalement mises en uvre progresse, passant de 560 en 2011 1033 en 2013, soit un quasi doublement. Si le taux de recommandations suivies affiche un tassement, passant de 72% 62%, ce rsultat est imputable au caractre trs rcent de nombreuses recommandations et au choix de la Cour dtre sensiblement plus restrictive pour considrer quune recommandation est partiellement suivie. Elle ne peut se contenter de simples annonces mais doit mesurer des actes.

    Le rapport illustre des situations o les recommandations de la Cour ont t particulirement suivies. La gestion des amendes de circulation et de stationnement routiers, dont le produit est d1,6milliardsdeuros,

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    sest amliore avec le dveloppement des procs-verbaux lectroniques, plus fi ables, moins coteux et laissant moins de prise des possibilits dindulgence, qui sont en rapide rgression. La gnralisation des PV lectroniques doit tre mene son terme. Le redressement dun rgime de retraite complmentaire pour les enseignants du priv rcemment mis en place avait t demand par la Cour, il a t engag rapidement. La gestion des dchets mnagers et assimils par les collectivits territoriales a progress, avec une stabilisation de ses cots, le renforcement de la planifi cation dpartementale des quipements et le dveloppement de fi nancements incitant les citoyens et entreprises la matrise de leurs volumes de dchets.Dans dautres cas, les volutions engages sont trop lentes, cest pourquoi la Cour insiste. Cest le cas de la gestion des Terres australes et antarctiques franaises, dun syndicat mixte de dveloppement conomique dans la rgion lyonnaise, de ladoption internationale, de laccueil tlphonique de lenfance en danger, encore trs peu performant. Si Ple emploi a fait de sensibles efforts pour lutter contre la fraude aux cotisations et aux indemnisations chmage, beaucoup reste faire pour mieux cibler les contrles, utiliser les donnes disponibles et rendre les sanctions plus rapides et plus effi caces. Je vous renvoie la lecture du rapport pour prendre connaissance des observations et recommandations de la Cour.Ce nest pas parce quune apprciation positive est formule sur une politique publique quil faut se dsintresser de son avenir. Toutes sont soumises des environnements changeants, et certaines doivent tre confortes pour prparer leur avenir. La Cour souligne limportance des dcisions prendre concernant le transport spatial, afin de conforter cette politique europenne et nationale de souverainet et dinnovation, laquelle la France contribue pour moiti. Le contexte de plus en plus concurrentiel, la prservation du tissu industriel et du site de lancement de Kourou doivent tre davantage pris en compte, de mme que la ncessit de matriser les importantes subventions publiques consacres par notre pays lespace, de 1,5milliardsdeuros par an. Le rapport voque aussi lditeur public de rfrence quest la direction de linformation lgale et administrative, la DILA, qui doit se prparer un contexte o elle percevra moins de ressources pour la diffusion dannonces publiques et devra mettre fi n ldition du journal offi ciel en format papier pour rpondre, sous forme numrique, aux attentes des ministres et des organismes publics. La Cour a examin le recours aux partenariats public priv pour le fi nancement des investissements hospitaliers. La prcipitation dans laquelle ces contrats ont t lancs explique une partie des drives constates, quil sagisse des cots ou de la qualit des ralisations, en particulier pour lHpital Sud Francilien vry. La Cour formule des recommandations tires de lexprience passe, pour que les hpitaux y aient recours meilleur escient et dans des conditions fi nancires beaucoup mieux matrises.Un dernier exemple est celui des internats dexcellence, dont les rsultats apparaissent encourageants malgr une conduite chaotique du projet, un dfaut de pilotage, avec des objectifs ambigus, la fois ducatifs et sociaux.

    La grande disparit de ces 44 internats, dont certains sont trs coteux, pour un cot total de 600millionsdeuros, laisse une impression de grande confusion. Les recommandations de la Cour visent conforter cette politique, rduire les disparits existantes et en matriser le cot.

    Cet eff ort pour moderniser les administrations permet de rpondre aux attentes des citoyens. Les conomies nont pas pour seule vocation de participer au redressement des comptes, elles permettent aussi de dgager des marges de manuvre pour que les pouvoirs publics puissent investir dans des dpenses porteuses de croissance future, et donner des services publics essentiels les moyens adquats pour fonctionner de manire satisfaisante. La Cour constate que ce nest pas toujours le cas.Lenqute sur la sant des dtenus montre quen dpit des eff orts des vingt dernires annes, les importants besoins de soins de cette population en croissance continue sont encore trs mal pris en charge, alors quelle se caractrise par une prvalence beaucoup plus forte des maladies psychiatriques et infectieuses que dans la population gnrale. Sur un autre sujet, la scurit sanitaire des aliments, la Cour relve que le ministre de lagriculture exerce de moins en moins ses missions de contrle, particulirement sur les produits phytosanitaires utiliss dans la culture et sur les tablissements de transformation de denres animales. La diminution des effectifs dans les services dconcentrs nest pas pour rien dans cet aff aiblissement. Alors que de nombreuses non-conformits sont dtectes, les suites donnes aux contrles sont rares et peu contraignantes: 16% seulement des contrles ayant dtect des anomalies moyennes ou majeures ont dbouch sur davantage quun simple avertissement. Ces deux exemples figurent pourtant au cur des missions rgaliennes de ltat.Pour viter que des situations de ce type ne se multiplient, la Cour invite les pouvoirs publics recourir bien moins systmatiquement la rduction uniforme des dpenses dans lensemble des services, mthode dite du rabot. Largement utilise jusquici, parce quelle tait effi cace pour produire rapidement des conomies importantes, elle prsente linconvnient daffecter sans discernement les services les plus utiles et performants. Dans un nombre croissant de services de ltat, en particulier dconcentrs, elle conduit ltat ne plus exercer certaines missions

    prvues par la loi, notamment les contrles. Cest pourquoi, au rabot, la Cour recommande de substituer des rformes cibles sur les politiques les moins performantes, en sappuyant sur les valuations disponibles, et en recentrant les politiques et les dispositifs publics sur les objectifs et sur les publics prioritaires.

    En conclusion, je veux insister sur la dimension positive et constructive de ce rapport. Oui, les administrations peuvent largement progresser pour tre plus efficaces dans lexercice de leurs missions. Oui, il est possible de ralentir sensiblement la croissance des dpenses publiques pour entamer au plus vite le dsendettement du pays. Oui, cette dmarche est une opportunit sans prcdent, et dune certaine manire une chance historique, pour moderniser nos administrations, toutes nos administrations, petites ou grandes, et redonner confiance dans les services publics. Oui, ces volutions peuvent permettre, sans retarder le retour lquilibre structurel des comptes, de redonner des marges de manuvre pour fi xer de nouvelles priorits dans laction publique, pour stimuler la croissance, pour rpondre des besoins en volution constante, ou pour allger la pression fi scale.

    Cela suppose dengager rapidement les rformes utiles qui ont rgulirement t repousses. Cela suppose quaucun acteur public ne sexonre dun ncessaire questionnement sur son utilit et son effi cacit. Cela suppose de sintresser bien davantage aux rsultats des politiques publiques, leur impact concret, qu limportance des moyens qui leur sont confi s. Cela suppose de tenir bon face aux invitables rsistances qui se manifesteront, de dpasser, par la pdagogie, les frilosits, les corporatismes, les conformismes. Les volutions peuvent dranger des habitudes, remettre en cause des rentes de situation ou priver daides publiques certains qui ne devaient pas en bnfi cier, car cest bien lintrt gnral qui doit prvaloir et cet intrt gnral nest pas la somme des intrts particuliers.Cette invitation aux rformes, au redressement des comptes, la modernisation publique, au fond, na quun but, qui est la raison dtre des juridictions fi nancires: clairer les dcideurs, lus et citoyens et leur donner les moyens dadapter les services publics aux enjeux de demain. 2014-115

    Le rapport de la Cour des comptes paru ce mardi 11fvrier 2014, vient con rmer les prises de position de Pierre-Olivier Sur, Btonnier de Paris, sur linadaptation de la politique carcrale de nombreuses situations.En effet, dans sa partie consacre la sant des personnes dtenues, la Cour des comptes constate quau moins 1 trouble psychiatrique est identi chez 8 dtenus sur 10 et que le taux de dtenus atteints de schizophrnie est 4 fois plus important que dans la population gnrale. Le rapport relve que malgr de rels progrs, loffre de soins reste incomplte et souffre

    de fortes disparits de personnel et de dif cults recruter notamment des mdecins psychiatres.Le Btonnier de Paris rappelle que

    les dtenus ncessitant un vrai suivi psychiatrique nont pas leur place en prison. lheure o souvre le dbat sur la rforme pnale, le Btonnier de Pais attire lattention des pouvoirs publics sur limprieuse ncessit de rserver une part de cette rforme la prise en compte du traitement psychiatrique et psychique dans les modes de dtention et envisager toutes les solutions permettant de rduire la fracture psychologique entre nos prisons et la socit civile.Pour Pierre-Olivier Sur, il ne saurait y avoir de rforme pnale sans rforme de laccompagnement thrapeutique et psychiatrique des dtenus.

    Politique carcrale: le Btonnier de Paris appelle des mesures durgence pour la sant en prison

    Pierre-Olivier Sur

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    Rentre solennelle

    La raret des moyenspar Gilles Johanet

    Je voudrais placer ce propos ouvrant lanne 2014 sous le signe de la raret :l Raret des moyens dont disposent les pouvoirs publics pour redresser nos finances sans crer chez les citoyens contribuables des tensions insupportables ;l Raret des moyens dont dispose la Cour et plus gnralement les juridictions financires, pour assurer des missions sans cesse largies par le lgislateur.Ensemble, ces deux rarets nous conduisent slectionner svrement nos thmes denqute et de contrle ; le mouvement est engag, il doit tre accentu pour donner la priorit aux enjeux fi nanciers lourds et la rduction de la dpense ds lors quelle atteint son seuil deffi cience.Quand on considre ce que lon pourrait appeler, un peu pomp usement, il est vrai, le modle franais dinstitution suprieure de contrle, on constate que la prise en compte progressive de la raret guide nos pas.Observons tout dabord que nous sommes une juridiction et que lindpendance, quavec nettet le Conseil constitutionnel nous a reconnue en 2001 nous place gale distance du Parlement et du Gouvernement, alors que dans dautres Etats comme en Belgique, ou en Grande-Bretagne surtout, linstitution suprieure de contrle (lISC) dpend du Parlement. Il appartient aux autorits comptentes de la Cour dassurer cette quidistance Gouvernement, Parlement selon la rserve interprtative du Conseil constitutionnel.Certes, la loi constitutionnelle du 23juillet2008 a paru donner lavantage au Parlement, puisquelle prcise que la Cour assiste le Parlement dans le contrle de laction du Gouvernement , alors quelle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrle de lexcution de la Loi de Finances; le second champ daction tant donc plus restreint que le premier.Pour autant, lquidistance na pas t rompue puisque la loi du 29juillet2011, en mettant laccent sur les suites donnes aux observations dfinitives des juridictions financires, place au premier plan leffet des travaux de la Cour, quelle que soit lautorit qui a dcid de leur ralisation.Il demeure que lquidistance doit tre active et non passive, que si la Cour, sous votre autorit monsieur le Premier prsident, na pas juger de lopportunit des enqutes et contrles qui lui sont demands par les assembles parlementaires, il lui revient en

    revanche et sur un mode contradictoire avec ces assembles dajuster au plus haut, le degr de pertinence de ces enqutes et contrles afi n de ne contribuer en rien un gaspillage des ressources que lui a confi la nation. Je sais que votre proccupation, monsieur le Premier prsident, est daffirmer la libert de programmation de la Cour; et vous savez que lappui entier du Parquet vous est acquis.Ce modle franais, marqu donc par lindpendance, lest aussi par lexistence dune juridiction dote dun Parquet.Ce Parquet joue son rle depuis deux sicles dans luvre continue dapprofondissement du modle.l Dabord, en exerant une bonne part de ce que, dans dautres institutions, on appellerait le contrle qualit . Le Parquet sassure, pralablement la fi nalisation de tout contrle, du respect des rgles de comptence, des principes de procdure, des mthodes dinvestigation retenues et des modalits de la contradiction, qui simposent la Cour ou que la Cour simpose elle-mme. Le Parquet est en eff et la composante de la Cour qui est communique la quasi-totalit des rapports, avant quils ne soient dlibrs collgialement. Sa position institutionnelle lui donne la possibilit et le devoir dexprimer un avis portant non seulement sur le respect des procdures et les qualits formelles du rapport, mais aussi sur la

    qualit juridique des propositions des rapporteurs ainsi que sur leur porte et leur cohrence au regard de lensemble des travaux de la Juridiction.l Par ailleurs, le Parquet de la Cour, comme le sige, est ouvert aux volutions ncessaires. Un exemple trs rcent porte sur la prise en compte de linvitation que vous nous avez faite monsieur le Ministre au Premier prsident et moi-mme, par votre lettre du 15 avril 2013, rechercher une solution satisfaisante au problme pos par le recouvrement des recettes publiques : lorsque le contribuable ne sacquitte pas spontanment de sa dette, faut-il dfi nir un seuil en-de duquel des poursuites ne seraient pas systmatiquement engages sur la base dun raisonnement en termes de cots engags au regard du montant de la recette non recouvre ? Dans cette aff aire, les rles taient distribus :l A la DGFiP, la volont de concentrer ses moyens sur les montants signifi catifs et ainsi employer au mieux ses ressources qui deviennent rares ;l Au Parquet, de rappeler la loi, laquelle ne prvoit nullement de tels seuils ; larticle 60 de la loi du 23 fvrier 1963 est parfaitement explicite la responsabilit personnelle et pcuniaire du comptable public se trouve engage ds lors quune recette na pas t recouvre .

    Cour des comptesParis, 9janvier2014

    En prsence des plus hauts fonctionnaires de lEtat, Didier Migaud a livr de nombreux messages lors de lAudience Solennelle de Rentre de la Cour des comptes ce 9 janvier 2014, il sest notamment dclar satisfait que la Cour tait mieux coute depuis quelques annes par la reprsentation nationale et lExcutif, plus conscients des enjeux qui sattachent la matrise des fi nances publiques. Afi n que laction publique soit plus responsable, plus transparente et plus performante, il a ajout que la Cour des comptes entend plus que jamais jouer un rle constitutionnel et contribuer rendre la dpense publique plus performante. Quant au Procureur Gnral, Gilles Johanet, il a plac sa brillante intervention sous le signe de la raret des moyens dont disposent les pouvoirs publics pour redresser les fi nances sans crer chez les concitoyens des tensions insupportables et de ceux dont dispose la Cour des comptes pour mener des missions sans cesse largies par le lgislateur. Jean-Ren Tancrde

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    La solution passe par la relecture ou plutt lapprofondissement de la notion de diligences de recouvrement, dgage par les arrts de la Cour de 1964 1976, jurisprudence consacre par le Conseil dEtat laube de ce sicle : ces diligences doivent tre adquates, compltes et rapides. Ces trois qualificatifs nont pas de valeur absolue et cest justement parce que leur contenu est relatif que leur application nentre pas en contradiction avec la loi prcite ; mais cest aussi parce quils existent que les comptables pourront tre assurs quils ne seront pas mis en cause pour une somme drisoire et sans bonne raison.On doit conserver lesprit le fait quen lespce, le pouvoir dapprciation du juge des comptes est troitement dfini, puisquil doit sabstenir de toute apprciation du comportement personnel des comptables et ne peut se fonder que sur les lments matriels des comptes et lexistence ou non des actes de poursuite. Autrement dit, instaurer des seuils de dclenchement automatique des poursuites serait contraire la loi, absurde au regard des exigences de cohsion sociale et ncessairement connu des coquins .Pour autant, marquer de cette mme automaticit la vrification des diligences serait galement absurde, impliquant ncessairement un gaspillage des ressources publiques. A nous dillustrer de faon claire, pdagogique, notre capacit donner un contenu opratoire aux diligences adquates, de sorte que lapplication de la loi nen soit nullement affecte, alors que les ressources de la DGFiP seraient au mieux utilises. Nous le faisons dores et dj dans les conclusions que nous rendons sur les rapports fin darrt ou de jugement. Ainsi le procureur financier prs la CRC dIle-de-France, Pierre Van Herzele, a rappel au sige dans ses conclusions rcentes sur les comptes dun centre hospitalier que, je le cite, le ministre public est trs dfavorable la mise en jeu de la responsabilit des comptables de manire globale et indiffrencie .Dans cette affaire et votre initiative, Monsieur le Ministre, la Cour et la DGFiP constatent ensemble que la raret assume peut-tre une source defficacit accrue. Les rles distribus ont cd le pas la volont commune de faire. Le Parquet, moteur du recours aux voies juridictionnelles.Le Parquet gnral est un acteur dun modle qui se renouvelle. Le temps dun isolement de notre Maison qui pouvait se croire splendide est rvolu. En tmoigne dailleurs linscription parmi les priorits daction des juridictions financires, la lutte contre les atteintes la probit. Cest en traquant, sans esprit de recul, la trs petite minorit de ceux qui, dsigns ou lus, portent atteinte la probit des gestions publiques qui leurs sont confies, que lon peut le mieux convaincre les citoyens que lcrasante majorit des lus et agents publics est honnte.Pour ce faire, nous pouvons et devons accrotre notablement notre coopration avec la justice pnale et aussi consacrer une plus grande part de notre nergie au fonctionnement de la CDBF qui ne peut tre une belle endormie de la Rpublique. Vous avez bien voulu, monsieur le Premier prsident, considrer favorablement des mesures qui cumules ne sont pas modestes pour accrotre lactivit et lefficience de la CDBF. Ce sera un chantier majeur pour le Parquet en 2014.Sagissant de la coopration avec les instances judiciaires, le succs de cette entreprise, dont encore une fois les juridictions financires ne peuvent pas se dsintresser, ne sera obtenu que si deux conditions sont runies.La premire est purement interne aux juridictions

    financires et porte, au-del dune ncessaire comptence technique de niveau lev, sur notre capacit saisir le juge pnal de faon telle que le droulement de nos procdures ne conduise pas la prescription. Chacun sait que les juges du sige ne sont pas tenus de respecter larticle 40 du code de procdure pnale ; mais les membres du Parquet le sont, ce qui a conduit mon prdcesseur, Hlne Gisserot a adress aux procureurs financiers des instructions trs fermes sur ce point. Instructions dont jai dj eu plusieurs fois loccasion de dire combien elles me paraissaient essentielles, puisque cest en mobilisant galement lAutorit judiciaire que lon peut obtenir une sanction pleine et entire des comportements qui sont susceptibles de recevoir une qualification pnale.La seconde est la capacit des juridictions judiciaires instaurer vis--vis de nous une rciprocit efficace, tout dabord en informant rgulirement les juridictions financires des suites quelles auront donnes leurs transmissions. Rciprocit galement en avertissant ces mmes juridictions financires, des condamnations pnales dlus et dagents publics au sens large pour dlits financiers tels que le favoritisme, voire des procdures entreprises un stade bien antrieur, alors mme que les juridictions financires ne sont pas lorigine de ces actions. Cela permettra notamment celles-ci, non seulement de parfaire leur information, mais aussi de modifier en consquence, sil y a lieu, leur programme de contrle.Des rencontres, frquentes, entre les parquets des deux ordres de juridiction, auxquelles sont convis les magistrats du sige des chambres rgionales des comptes, doivent permettre de mieux connatre et harmoniser les approches. Inities par mon prdcesseur, les rencontres ont dj concern les chambres et les parquets dAuvergne-Rhne-Alpes, Provence- Alpes- Cte dazur, et sont programmes dans quelques jours pour la Bretagne.La directrice des affaires criminelles et des grces nous a dit son attachement la tenue de ces rencontres et je sais, Monsieur le Premier prsident (Monsieur Lamanda) et vous Monsieur le Procureur gnral (Monsieur Marin) que vous souhaitez galement que les liens entre juridictions se renforcent afin de contribuer un meilleur fonctionnement de la justice.Je ne voudrais pas clore cette partie de mon intervention sans rendre hommage laction de nos procureurs financiers, qui ont su tablir des relations suivies et confiantes avec les parquets judiciaires, Pierre Van Herzele en Ile-de-France, Maud Child en Provence-Alpes Cte dAzur, qui a jou un rle majeur dans laugmentation des saisines des autorits judiciaires adresses ces dernires annes ; ou encore dans le Nord-Pas-de-Calais, Denis Larribau qui a su mettre en place un outil de suivi des actions pnales concernant les lus dans le ressort de la CRC, assurant une information essentielle et mise jour. Volont et mthodes qui sexpriment dans ces cas, comme dans dautres, et permettent une fertilisation croise des parquets financiers, fonctionnant ainsi en rseau et non dans un ordre purement pyramidal.Le Parquet est aussi acteur dun modle qui volue trs profondment. Je voudrais voquer tout dabord deux chantiers majeurs :Dune part, la dmatrialisation des pices justificatives des comptes des organismes publics, chantier trs vaste o, l encore, les rles sont distribus: la DGFiP a lobligation de faire simple et pratique ; le Parquet, celle de respecter la loi et de veiller son application ; le sige tant, avec talent, ouvert aux deux types de proccupation. Les conditions taient donc apparemment runies pour obtenir vite un blocage des travaux communs ;

    il nen a rien t, chacun ayant cherch prendre en compte les proccupations de lautre. La tche nest pas acheve mais suffisamment avance et ce dans un esprit rellement collaboratif, pour quon puisse parler de succs.Le deuxime chantier propre aux juridictions financires, mais rsultant dune volont du lgislateur, porte sur les normes professionnelles. Dans la ligne des normes internationales daudit dfinies et mises jour par lINTOSAI, organisation internationale qui rassemble les institutions suprieures de contrle travers le monde, la norme constitue un repre et donc une protection pour le justiciable ou lorganisme contrl, et ceci nest vrai que si cette norme simpose au magistrat. Dans ces conditions et dans ces conditions seulement, la norme assure la lgitimit et lacceptabilit du contrle. Vous avez pris en compte cet lment, monsieur le Premier prsident et ainsi fond sur des bases solides ce chantier, avec la pleine collaboration, active, du Parquet.Je souhaite terminer ce propos par une remise en perspective du nouveau dispositif de responsabilit personnelle et pcuniaire du comptable pos par la loi de Finances rectificative du 28 dcembre 2011 qui a modifi larticle 60 de la loi du 23 fvrier 1963. Dsormais la loi distingue les manquements avec prjudice, auquel cas se constate un dbet ; ce dbet peut faire lobjet dune remise gracieuse qui sera plafonne, sauf respect des rgles de contrle slectif des dpenses. Si le manquement est sans prjudice et une fois apprcies les circonstances de lespce, une somme non rmissible est mise la charge du comptable pour laquelle aucune remise gracieuse nest possible.Le dispositif a pu susciter un certain scepticisme au sein des juridictions financires, notamment en raison de la modestie de la somme non rmissible. Ce point est exact mais me parait contingent. Par ailleurs, la loi a laiss en balance de nombreux points, claircis, souvent rsolus par la rflexion collective mene avec sagesse et talent par le prsident Christian Descheemaeker. Les arrts de la Cour, les pourvois en cassation de la DGFiP (ou du Parquet gnral) et les dcisions du Conseil dEtat permettront dclaircir ces points ; mais il nempche, lvolution qui me parait capitale est la capacit dapprciation donne dsormais au juge financier, portant notamment sur les circonstances de lespce et sur lexistence dun prjudice financier caus lorganisme public. Cest une responsabilit nouvelle pour le juge financier qui sera trs probablement appele se dvelopper lavenir ; et cest une responsabilit particulire pour le Parquet qui veille dj assurer la cohrence des dcisions entre les chambres de la Cour et, via les procureurs financiers, entre les chambres rgionales et territoriales des comptes afin que cette capacit dapprciation sinstalle de faon harmonieuse au sein des juridictions financires.Le souci de cohrence de laction des juridictions financires est une exigence absolue des citoyens.Les diffrences dapprciation entre juridictions financires tant vite considres comme arbitraires ou le fruit dun amateurisme mal venu. Cette unit se recherche dans lespace entre les juridictions financires et quelle que soit la mission, juridictionnelle, contrle de gestion, valuation et certification des comptes. Elle est une proccupation partage entre le sige et le Parquet. Cette cohrence est dabord au service des priorits de la Cour notamment la prise en compte, dans tous nos travaux, de la raret des moyens. Ainsi sassure aux yeux des citoyens, la lgitimit de la Cour.

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    Acclrer les efforts pour freiner les dpenses publiques par Didier Migaud

    La Cour livrera, dans un mois, une analyse dtaille de la situation des finances publiques dans son rapport public annuel. Comme le veut lusage, je souhaite profi ter de cette audience solennelle pour formuler et rappeler quelques messages importants de la Cour sur ce sujet.Si la Cour prconise le retour lquilibre des comptes publics, elle na pas pour mission, ni dailleurs pour ambition, de fixer le rythme et les modalits de cette trajectoire. Elle raisonne systmatiquement partir des engagements pris par le Gouvernement et vots par le Parlement en matire de fi nances publiques. Elle remplit sa mission dassistance auprs des pouvoirs publics et dinformation de nos concitoyens en veillant attentivement aux conditions dans lesquelles ces engagements sont ou non tenus.Il lui appartient de rappeler sans cesse les enjeux qui sattachent la matrise de nos finances publiques. Ces enjeux sont triples. Le premier est la prservation de notre souverainet. Le deuxime est le souci de justice et de cohsion entre les gnrations, tant entendu que la plus grande partie de la dette accumule correspond trs largement des dpenses de fonctionnement et de transferts sociaux et non des dpenses dinvestissement. Le troisime enjeu du redressement des comptes publics est la restauration des marges de manuvre indispensables pour mieux prparer lavenir, amliorer la comptitivit de notre conomie, relever son potentiel de croissance et rduire le chmage. Ces marges sont aujourdhui absorbes par une charge de la dette importante, qui reprsente 52 milliards deuros en 2012. Cette charge est susceptible de saccentuer avec la remonte

    prvisible des taux dintrt qui accompagnera tt ou tard le retour de la croissance. Si les taux augmentent ne serait-ce que dun point de pourcentage, ce sont immdiatement, pour le seul tat, 2milliardsdeuros de charge dintrt la premire anne et plus de 15milliardsdeuros au bout de dix ans.Dans son rle dalerte et davis, sans doute parce que la situation des finances publiques oblige entendre lalerte, la Cour est mieux coute depuis quelques annes, par la reprsentation nationale, par lexcutif, mais aussi par nos concitoyens, plus conscients des enjeux qui sattachent la matrise des finances publiques.La consolidation budgtaire engage en 2011, et poursuivie depuis, vise le retour lquilibre structurel des comptes publics en 2016. Cette consolidation a produit des premiers eff ets rels, quil faut saluer. Le dfi cit eff ectif a baiss d1,2point entre 2011 et 2013, le dfi cit structurel denviron 2points et demi, mais leur niveau est encore trs lev: probablement plus de 4% du PIB en 2013 pour le solde eff ectif et 2,6% de PIB pour le solde structurel. Cette persistance, mme attnue, des dficits annuels contribue encore aujourdhui gonfler la dette et toutes les administrations publiques y ont leur part. Le niveau atteint par celle-ci place notre pays dans une zone dangereuse. Les eff orts jusquici engags ne suffi sent pas nous en dgager. Jen veux pour preuve quentre fi n 2010 et aujourdhui, malgr quatre annes de consolidation budgtaire, la dette publique a progress de 11points de PIB pour atteindre 93,4% fi n 2013, soit 1931milliardsdeuros, ces chiff res tant encore provisoires.Ce constat, dcevant et proccupant, nest pas en soi surprenant. On neff ace pas, en trois ans, et dans une conjoncture conomique dprime, les consquences de prs de quarante annes de dfi cits accumuls, y compris dans des priodes de croissance que dautres pays ont mises profi t pour dgager des excdents et faire des rformes structurelles. Cette consolidation est bien sr dautant plus difficile mener si lon souhaite

    limiter son impact ngatif court terme sur la croissance conomique impact que la Cour prend pleinement en compte dans ses analyses. Les responsables politiques doivent donc trouver le bon quilibre entre les mesures ncessaires de redressement de comptes et celles pour conforter la croissance. Ce souci est dailleurs dautant plus lgitime que de nombreux tats participant de la zone euro se sont engags au mme moment dans des processus de consolidation, avec un rythme moyen au demeurant plus rapide quen France.Ne nous trompons pas sur les consquences tirer de ce constat: la lenteur du rquilibrage ne doit pas faire douter de son bien-fond ni de son absolue ncessit. Au contraire, leffort, parce quil est plus lent produire ses effets, devra tre poursuivi plus longtemps et avec plus de tnacit. Ce qui na pas t fait en 2011, 2012 et 2013, cest autant de chemin supplmentaire parcourir pour les annes venir. Et cette partie du chemin parcourir ne sera pas la moins exigeante, tout au contraire, et cest mon premier message.Poursuivre et acclrer leff ort est ncessaire. Mais le faire avec les bons instruments est indispensable. Lessentiel de leff ort ralis jusquici pour redresser les fi nances publiques la t grce au levier fi scal: il a reprsent entre les deux tiers et les trois quarts de leffort chaque anne. Cette voie rencontre aujourdhui des limites, en termes defficacit conomique dans une conomie ouverte, de rendement, mais aussi plus fondamentalement de consentement limpt. Le niveau atteint par la fi scalit oblige veiller au meilleur usage possible de la contribution commune, autrement dit la qualit et leffi cacit de la dpense publique.Depuis plusieurs annes, la Cour suggre que leff ort principal doit porter sur la diminution de la dpense plutt que sur laugmentation des impts. Lvidence est l: notre pays est celui qui en Europe a dsormais le niveau de dpenses publiques le plus lev avec le Danemark, et pourtant il na pas, loin sen faut, les meilleurs rsultats en termes de performance de ses politiques publiques. Il nest

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    donc pas draisonnable de penser que le niveau des dpenses publiques peut tre rduit sans porter atteinte au fonctionnement du service public ou lefficacit de laction publique, bien au contraire.Nous sommes aujourdhui arrivs un stade o la totalit de leffort qui reste raliser doit ltre sous forme dconomies sur la dpense publique. Toutes les administrations publiques doivent y contribuer. Cette affirmation nest rien dautre que lengagement du Gouvernement, adopt par le Parlement dans plusieurs textes, explicit et dtaill dans le rapport conomique, social et financier annex la loi de finances pour 2014, qui prvoit un freinage sans prcdent de la dpense publique.La Cour estime que leffort doit porter en absolue priorit sur les rgimes de scurit sociale, car la persistance anormale de dficits structurels depuis plus de vingt ans singularise notre pays par rapport tous ses voisins. La dette sociale qui sest accumule est une profonde anomalie. Les perspectives financires des rgimes sociaux sont insoutenables et injustes pour les gnrations futures. Cest lune des recommandations les plus fortes de la Cour des comptes: les comptes des rgimes sociaux doivent tre rapidement et vigoureusement ramens lquilibre. Cela suppose des efforts nergiques pour inflchir encore davantage lvolution des dpenses, tout particulirement de sant.Face lambition de raliser au total pas moins de 50milliardsdeuros dconomies sur les annes 2015 2017, le premier rflexe pourrait tre de considrer que cest irraliste et inaccessible. La Cour ne le pense pas.Que lon ne se mprenne pas tout dabord sur le terme dconomies: tel quil est employ depuis plusieurs annes par les pouvoirs publics, il signifie conomies par rapport une volution tendancielle daugmentation des dpenses, estime environ 1,5% par an en plus de linflation. En pratique, raliser ces 50 milliards deuros dconomies sur trois ans revient contenir chaque anne laugmentation de la dpense publique un rythme trs proche de celui de linflation. Cela implique, de faon trs indite, de rompre avec les habitudes et les facilits qui ont permis la dpense publique de prendre une part aussi importante au sein de la richesse nationale.Une telle ambition, pour indite et exigeante quelle soit, na, objectivement, rien dinaccessible. Des marges existent, elles sont importantes, le freinage de la dpense publique est possible, cest mon deuxime message. Notre pays est souvent enclin considrer que tout problme a sa rponse dans une taxe nouvelle, dans une dpense publique supplmentaire ou dans une niche fiscale de plus, ce qui revient au mme. La rflexion sur la matrise de la dpense publique passe par lanalyse des modes dallocation des moyens, mais aussi et surtout par des volutions en profondeur dans lorganisation et le fonctionnement des services. Jen prendrai quelques illustrations. La Cour a publi enmaidernier un rapport public thmatique intitul Grer les enseignants autrement . Moderniser lenseignement, donner aux lves de tous les milieux sociaux les meilleurs chances de russite: la ralisation de ces objectifs ne passe pas prioritairement par de nouveaux moyens humains et financiers. Si lorganisation actuelle de lenseignement nest pas rforme, si des mthodes nouvelles denseignement ne sont pas mises en uvre, laugmentation des moyens ne produit pas davantage de rsultats que lorsquon arrose le sable.Des moyens supplmentaires, organisation et modes de fonctionnement inchangs, ne

    sont pratiquement jamais la meilleure rponse un problme. Cela peut mme paradoxalement saccompagner dune dgradation de la qualit des services publics comme dans le cas de la rforme de la permanence des soins. Son cot pour lassurance maladie sest accru de 220millionsdeuros en 2001 630millionsdeuros en 2011, soit un quasi-triplement, pour un service rendu qui sest dgrad.(...)Quon ne se mprenne pas sur le sens donn ce message: en prconisant la rduction de la dpense publique, la Cour ne professe aucune dfiance par rapport laction publique: cest au contraire pour prserver la capacit de nos services publics quil convient dtre plus attentif que jamais lusage de chaque euro dargent public et leffet de levier quil reprsente pour le dveloppement de lconomie, la cration de richesse et lemploi. Il sagit galement de permettre ladaptation permanente des services publics aux besoins des citoyens. Dans un contexte o les citoyens expriment un doute croissant quant la qualit de laction publique tout en ayant des exigences fortes, il sagit de garantir, avec la transparence ncessaire, leur meilleur usage possible. Le texte inscrit au fronton de la porte derrire moi na pas vieilli depuis 225 ans. Cest cette mme Dclaration des droits de lhomme et du citoyen qui a fond le consentement limpt, la ncessit dorganiser des services publics et lexigence de transparence de laction publique. (...)La rduction des dpenses publiques implique donc la fois un retour nos principes fondateurs et une remise en cause profonde des habitudes prises depuis une quarantaine dannes. Ce changement culturel ne va bien sr pas de soi. Le mot dconomies est de ceux qui recueillent ladhsion de principe de tous lorsquil sapplique aux efforts qui sont attendus des autres.La mthode du rabot ou de la compression uniforme de la dpense a eu son efficacit : elle a assur pendant quelque temps un rendement budgtaire substantiel et prsentait lapparence de lquit. Elle a permis la mise sous tension des gestionnaires, avec les techniques de gel et de surgel de crdits, y compris pour les concours de ltat aux collectivits territoriales. Mais les vertus de cette mthode smoussent au fur et mesure que lusage en est rpt et accru dans son intensit. (...)Cette mthode ponctionne indiffremment les services les plus utiles comme les moins performants, et peut conduire affaiblir des fonctions essentielles pour pargner des fonctions secondaires. La Cour a fait ce constat en examinant la situation des services dconcentrs de ltat, o la rduction des moyens, sans tri dans les priorits dactions, entrane des difficults croissantes de fonctionnement. Cette mthode du rabot indiffrenci conduit enfin - les schmas de fin de gestion budgtaire que la Cour analyse chaque anne le dmontrent - sacrifier les dpenses dinvestissement, sous toutes leurs formes, pour faire face aux dpenses de fonctionnement et de transfert, cest--dire financer le pass plutt qu prparer lavenir. Cest mon troisime message: la mthode du rabot ne suffit plus.Mon quatrime et dernier message est quil faut aujourdhui se servir dun autre moteur: celui de lvaluation et de la rvision permanente des politiques publiques, afin de faire porter les conomies prioritairement sur les dpenses les moins performantes, cest--dire celles qui ne produisent pas limpact que notre pays est en droit dattendre. Le dfi premier de la France est, globalement, de parvenir un meilleur emploi des deniers publics, cest--dire une utilisation

    de largent public la fois plus efficiente et plus efficace, dans lesprit de larticle 15 de la Dclaration des droits de lhomme que jai cite.Pour cela, les dcideurs ont longtemps manqu dinformations car notre pays a sous-investi dans lvaluation des politiques publiques depuis de nombreuses annes. La pratique de lvaluation doit tre porte politiquement au plus haut niveau de lexcutif et du Parlement et impliquer toute les administrations publiques: ltat bien sr, mais aussi les collectivits territoriales, les organismes de protection sociale ainsi que toutes les entits publiques ou prives bnficiaires de prlvements obligatoires.(...)La Cour entend, plus que jamais, jouer son rle constitutionnel et contribuer rendre la dpense publique plus performante. Dans ses travaux peuvent tre trouvs maints exemples dconomies ralisables court terme.(...)La cration du Haut Conseil des finances publiques en mars 2013 a tabli une complmentarit avec la Cour en matire de suivi des finances publiques.Dautres volutions souhaitables permettraient la Cour de remplir plus compltement le rle que la Constitution lui confie, sagissant notamment de lamlioration de la qualit des comptes publics. Je souhaite, comme le Gouvernement la galement exprim, que le Parlement se prononce prochainement en faveur dune exprimentation de la certification des comptes des plus grandes collectivits territoriales volontaires. Nous assumons galement partir de lexercice 2013, monsieur le Prsident de lAssemble nationale, une mission de certification des comptes des Assembles parlementaires.(...)Le lgislateur a demand la Cour de se doter dun corpus de normes professionnelles. Nous sommes en train de transcrire nos rgles internes sous la forme dun rfrentiel de normes applicables nos contrles et opposables aux contrls. Les systmes dinformation des juridictions financires sont en passe dtre profondment moderniss, inscrivant nos mtiers de plain-pied dans lre numrique. Nos juridictions vont aussi se doter en 2014 dune charte graphique, afin de rpondre pleinement aux exigences de rigueur que requirent en matire de communication notre mission dinformation des citoyens. Nous devons aussi investir toujours davantage dans le retour dexprience, dans linnovation, dans la formation, dans le dveloppement doutils dappui au contrle.Grce ces efforts de modernisation, raliss je le redis plafond demplois constant, et avec le souci dexercer la plnitude de nos missions, soyez assurs que la Cour et les chambres rgionales et territoriales des comptes sauront rpondre aux trs hautes attentes que les citoyens et les dcideurs publics placent en elles, au service dune action publique plus responsable, plus transparente et plus performante.Permettez-moi pour finir de formuler une conviction et un vu, puisque la priode y est propice. Ma conviction est que le redressement de nos finances publiques serait bien plus avanc si la Cour avait t plus coute au cours des dernires annes. Mon vu est que le Parlement et le Gouvernement semparent de faon plus rsolue et dtermine de la somme des travaux, constats et recommandations livrs par la Cour, pour dcider et mettre en uvre les importantes rformes ncessaires notre pays. 2014-116

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    Vie du droit

    Confrence Gnrale des Juges Consulaires de FranceSauver la rforme de la justice conomique

    Lettre ouverte au Prsident de la Rpublique

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