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Édition Spéciale Avril 2011 Édition Spéciale Avril 2011 L’État de São Paulo cherche à accroître la collaboration outre-mer et à attirer des talents PESQUISA FAPESP L’Éthanol à partir de la bagasse de canne à sucre Un peptide pour combattre veines et artères indésirables LA SCIENCE BRÉSILIENNE OUVERTE AU MONDE

Édition Spéciale Avril 2011

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La science brésilienne ouverte au monde

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Édition Spéciale Avril 2011

L’État de São Paulo cherche à accroître la collaboration outre-mer et à attirer des talents

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L’Éthanol à partir de la bagasse de canne à sucre

Un peptide pour combattre veines et artères indésirables

LA SCIENCEBRÉSILIENNE OUVERTEAU MONDE

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La FAPESP, Fondation d’Appui à la Recherche de l’État de São Paulo, est l’une des principales agences de soutien à la recherche au Brésil. Avec un budget de 450 millions de dollars US, elle fi nance plus de 11 000 bourses d’études et 8 000 programmes de recherches. Le Programme Jeunes Chercheurs de la FAPESP envisage la création de nouveaux groupes de recherche dirigés par des jeunes scientifi ques prometteurs dans n’importe quel domaine du savoir et de n’importe quel pays. Les candidats sélectionnés reçoivent une bourse d’études compétitive et de d’importants fonds pour la recherche. Les candidats sont encouragés à dévelop-per leurs projets en partenariat avec les grands centres de recherche et d’éducation de l’État de São Paulo, au Brésil. Les principaux domaines de recherche sont : la biodiversité, la bioénergie, les changements clima-tiques, les neurosciences, le cancer, les études urbai-nes, la science des matériaux, l’optique, la photonique, les études urbaines et la violence. Des propositions dans d’autres domaines seront analysées et sélectionnées par une procédure d’évaluation réalisée par des pairs.

PROGRAMME JEUNES CHERCHEURS à São Paulo, BRÉSIL

Pour nous contacter : [email protected] Pour plus d’informations, consultez : http://www.fapesp.br/en/materia/4479

à São Paulo, CHERCHEURS

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28 COOPÉRATION Une thèse de doctorat

réfléchit au manque de croissance de la participation de la recherche brésilienne dans des réseaux internationaux

32 ÉNERGIE Um sous-produit important

de l’industrie de la canne à sucre offre un avantage compétitif au Brésil pour la recherche sur l’éthanol de deuxième génération

42 PHYSIOLOGIE Une attaque contre

des veines et des artères indésirables peut combattre la cécité et le cancer

POLITIQUE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE

SCIENCE

MAI 2009 / DÉCEMBRE 2010 WWW.REVISTAPESQUISA.FAPESP.BR

SECTIONS 5 Lettre de l’éditrice 6 Mémoire98 Art

ENTRETIEN10 Pour l’économiste,

l’infrastructure et la production de connaissances de l’état de São Paulo vont entraîner une croissance du pays

COUVERTURE18 Un ensemble d’initiatives

pour rendre la recherche pauliste plus compétitive à l’étranger

37 ENTRETIEN Le chercheur

nord-américain déclare que les éthanols produits à partir de la cellulose et de la canne à sucre promettent d’être plus complémentaires que concurrents

46 IMUNOLOGIE Une inflammation

déclenchée par la septicémie affecte le cœur

50 ENVIRONNEMENT Des modèles

mathématiques permettent de prévoir les effets du réchauffement climatique global dans le pays

56 ÉCOLOGIE Des composés volatiles

contrôlent l’interaction entre les végétaux et les insectes

60 BIOCHIMIQUE Le mécanisme qui fait briller

des champignons donne lieu à une méthode de détection d’une contamination

66 PHYSIQUE Un groupe de Rio de

Janeiro propose une équation décrivant la réduction du phénomène quantique sous l’influence du milieu

68 ASTRONOMIE Des instruments

astronomiques conçus au Brésil équipent le télescope Soar dans les Andes chiliennes

76 OPTIQUE Un article sur la nouvelle

génération de fibres optiques est publié par un chercheur brésilien dans un important périodique international

TECHNOLOGIE

80 PÉTROLE Le groupe Petrobras et

l’université Unicamp étudient des bactéries de puits de pétrole qui détériorent l’huile

82 INGÉNIERIE AÉROSPATIALE

Une nouvelle caméra de contrôle réalisée par Opto pour le Cbers-3 sera testée en Chine

HUMANITÉS

84 LITTÉRATURE Un projet

recompose l’itinéraire de la création de Mário de Andrade

90 SOCIOLOGIE Un séminaire réfléchit

aux dilemmes de la ségrégation sociale brésilienne

94 HISTOIRE Une banque de données

cartographie le flux migratoire de la main-d’œuvre qualifiée qui a contribué à l’industrialisation de São Paulo après 1945

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PESQUISA FAPESP n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n 5

celso laferPrésident

eduardo moacyr kriegerVice-Président

conseil suPérieur

celso lafer, eduardo moacyr krieger, Horácio lafer piva, Herman jacobus cornelis voorwald, maria josé soares mendes giannini, josé de souza martins, josé tadeu jorge, luiz gonzaga belluzzo, sedi Hirano, suely vilela sampaio, vaHan agopyan, yosHiaki nakano

conseil technique & AdministrAtif

ricardo renzo brentaniPrésident-directeur

carlos HenriQue de brito cruzdirecteur scientifique

joaQuim j. de camargo englerdirecteur AdministrAtif

ConSEIl ÉdItorIAlcarlos HenriQue de brito cruz (president), caio túlio costa, eugênio bucci, fernando reinacH, josé arana varela, josé eduardo krieger, luiz davidovicH, marcelo knobel, marcelo leite, maria Hermínia tavares de almeida, mariza corrêa, maurício tuffani, monica teixeira

ComItÉ SCIEntIFIQUEluiz HenriQue lopes dos santos (president), cylon gonçalves da silva, francisco antônio bezerra coutinHo, joão furtado, joaQuim j. de camargo engler, josé roberto parra, luís augusto barbosa cortez, luis fernandez lopez, marie-anne van sluys, mário josé abdalla saad, paula montero, ricardo renzo brentani, sérgio Queiroz, wagner do amaral, walter colli

CoordInAtEUr SCIEntIFIQUEluiz HenriQue lopes dos santos

dIrECtrICE dE lA rÉdACtIonmariluce moura

rÉdACtEUr En ChEFneldson marcolin

ÉdItEUrS ExÉCUtIFScarlos Haag (Humanités), fabrício marQues (politique), marcos de oliveira (tecHnologie), maria guimarães (édition en ligne), ricardo zorzetto (sciences)

ÉdItEUrS SPÉCIAUxcarlos fioravanti, marcos pivetta

ÉdItrICE ASSIStAntEdinoraH ereno, isis nóbile diniz (édition en ligne)

trAdUCtIon vErS lE FrAnçAISéric rené lalagüe, jorge tHierry calasans, pascal reuillard et patrícia c. ramos reuillard

ÉdItrICES d’Artlaura daviña e mayumi okuyama (coordination)

ConCEPtIon Et mAQUEttEjúlia cHerem rodrigues, maria cecilia felli

PhotogrAPhEeduardo cesar

ont CollAborÉ à CE nUmÉroandré serradas (banque de données), gonçalo junior, salvador nogueira, yuri vasconcelos

imPressionrr donnelley editora e gráfica ltda.

lA rEProdUCtIon totAlE oU PArtIEllE dES tExtES Et dES PhotogrAPhIES ESt IntErdItE, SAUF AUtorISAtIon PrÉAlAblE

PesquisA fAPesPruA JoAquim Antunes, nº 727 – 10º étAge – cP : 05415-012 Pinheiros – são PAulo – sP

fAPesPruA Pio Xi, nº 1.500 – cP : 05468-901Alto dA lAPA – são PAulo – sP

secrétAriAt Pour le déVeloPPement économique,

Pour lA science et lA technologie goUvErnEmEnt dE l’ÉtAt dE São PAUlo

issn 1519-8774

fondAtion d’APPui à lA recherche de l’étAt de são PAulo

L’accroissement de la collaboration attire de nouveaux talents

V oici la cinquième édition en langue française de la revue Pesquisa FaPesP. La première a été publiée en 2005 ; la

seconde, fin 2006 ; la troisième, fin 2007 ; et la quatrième, en 2009. Dans cette édition, nous avons réuni 18 des articles les plus im-portants publiés dans nos numéros men-suels parus en portugais entre mai 2009 et décembre 2010, de façon à proposer à nos lecteurs francophones un panorama de la production scientifique et technologique au Brésil au cours de cette période.

Nous avons maintenu, essentielle-ment, le même modèle éditorial que celui de nos éditions nationales. Ainsi, la revue commence par des textes de politique scientifique et technologique, suivis de reportages scientifiques, puis technolo-giques et, finalement, de textes dans le domaine des sciences humaines.

Une interview ping-pong avec un spé-cialiste sur le développement brésilien, l’économiste José Roberto Mendonça de Barros (page 10), et le reportage présenté en couverture (page 18) précèdent cet en-semble de textes. José Roberto Mendonça de Barros nous parle de la géographie de la nouvelle économie brésilienne dans laquelle l’État de São Paulo et la région Sud-Est du pays seront, à partir de 2011, l’élément moteur du processus national de développement. Il affirme, tout en recon-naissant que les autres régions et états ont été davantage décisifs pour la croissance brésilienne de ces dernières années, qu’à partir de maintenant São Paulo conduira la croissance brésilienne avec des taux annuels de 4 % ou 4,5 %. Cela est dû à son infrastructure et à son système de production de la connaissance, deux fac-teurs fondamentaux pour maintenir les investissements dans les domaines dyna-miques de la haute technologie, tels l’in-dustrie agroalimentaire liée à la seconde génération d’éthanol et l’exploitation du pétrole dans la couche du pré-sel.

Quant au reportage présenté en cou-verture, notre revue rapporte d’impor-tantes avancées stratégiques et quelques histoires intéressantes pour que la recher-che scientifique de São Paulo accroisse son internationalisation. Avec la FAPESP,

chef de file du soutien à la recherche, l’État de São Paulo est en train d’adopter des mesures en vue de stimuler la colla-boration entre ses scientifiques et leurs collègues étrangers pour attirer des ta-lents et améliorer l’environnement scien-tifique brésilien. Si São Paulo contribue avec au moins 50% de la production de la connaissance scientifique brésilienne et s’il est vrai que dans cette région du Brésil il existe des milliers de chercheurs qui mènent des recherches aux frontières de la science, cette connaissance devrait avoir un impact équivalent dans la science mondiale. L’internationalisation de la re-cherche semble être le meilleur chemin.

Parmi les 10 articles de la section des sciences et de la technologie, j’aimerais souligner, tout d’abord, celui sur le déve-loppement d’un peptide qui représente un apport important en tant que substance pharmaceutique éventuelle et la possibilité de détruire des vaisseaux sanguins qui se développent simultanément au mauvais endroit et de façon prématurée. En ce qui concerne la collaboration, cette réussite résulte, curieusement, d’une coopération entre le biochimiste Ricardo Giordano, de l’Institut de Chimie de l’Université de São Paulo (USP) et un couple de chercheurs brésiliens qui, ensemble, coordonnent le M. D. Anderson Cancer Center au Texas, USA : Renata Pasqualini, biologiste mo-léculaire, et Wadih Arap, médecin onco-logiste et chercheur.

Deuxièmement, j’aimerais attirer l’at-tention de nos lecteurs sur l’article concer-nant les instruments astronomiques fabri-qués au Brésil et qui ont été installés sur le télescope SOAR dans les Andes chiliennes. Il s’agit d’une réelle et belle démonstration de la capacité de l’industrie brésilienne à incorporer des innovations technologi-ques de façon à faire avancer le processus de la connaissance.

Finalement, je propose à nos lecteurs un bref aperçu de la culture brésilienne dans un texte sur Mário de Andrade (l’un des principaux écrivains du modernisme de notre pays) et de son processus de création.

Très bonne lecture à tous!

Mariluce Moura – Directrice de la Rédaction

Lettre de L’éditrice

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6 n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n PESQUISA FAPESP

MéMoire

Neldson Marcolin

Publié en septembre 2009

Chagasle médecin brésilien découvrait, il y a cent ans, le cycle complet de la maladie qui porte son nom

Le médecin Carlos Ribeiro Justiniano Chagas est arrivé à Lassance en juin 1907 avec la mission de vaincre une épidémie de paludisme qui avait interrompu les travaux de prolongement de la voie ferrée Centrale du Brésil, au Nord de l’état de Minas Gerais. La région était des plus pauvres, avec la majorité de la population habitant dans des

maisons en argile et en bois. Pour ses séjours sur place, le docteur Chagas utilisait comme logement un wagon, stationné sur une voie de manœuvre de la gare, qui servait également de cabinet de consultation et de laboratoire. Intéressé tant par la prophylaxie que par les insectes et les parasites responsables de maladies, le médecin collectait diverses espèces d’animaux et faisait des recherches sur des patients qui, apparemment, présentaient des symptômes qui n’avaient rien à voir avec le paludisme.

Le 14 avril 1909, il publia une note dans le journal Brazil Medico présentant le résultat de ses recherches et communicant la découverte d’une nouvelle maladie, du parasite qui la provoque et de l’insecte qui la transmet. La découverte est, depuis lors, considérée comme un fait unique dans l’histoire de la médecine car elle a décrit le cycle complet de la maladie (la maladie de Chagas) et a été entièrement réalisée par une seule personne.

Chagas observe la petite fille Rita, à Lassance, l’un des premiers cas identifiés de la maladie. Au fond, le wagon qui lui servait de logement et de laboratoiref

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PESQUISA FAPESP n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n 7

Carlos Chagas, né à Oliveira, dans l’état de Minas Gerais, s’est toujours intéressé au paludisme. Sa thèse de doctorat, soutenue sous la direction d’Oswaldo Cruz, de l’Institut Sérothérapique de Manguinhos (actuel Institut Oswaldo Cruz) à Rio, a porté sur cette maladie. En 1905, une épidémie s’est déclarée à Itatinga, à l’intérieur de l’état de São Paulo, et Oswaldo Cruz, qui dirigeait la Direction Générale de Santé Publique, a fait appel à Carlos Chagas pour combattre la maladie. « Ce fut la première campagne antipaludique réalisée au Brésil ayant pour base les connaissances acquises sur le rôle des moustiques en tant que vecteurs de la maladie » raconte Simone Petraglia Kropf, professeur et chercheur en histoire des sciences et de la santé de la Maison Oswaldo Cruz, de la Fiocruz.

En février 1907, le jeune médecin a été à nouveau convoqué, avec l’entomologiste Arthur Neiva, pour combattre une épidémie dans la Baixada Fluminense (région de l’état de Rio de Janeiro). Et, en juin, il partit, avec le même objectif, vers le Nord de Minas, accompagné du médecin Belisário Penna,

de la Direction Générale de Santé Publique. Les deux fixèrent leur base de travail à Lassance. Enthousiasmé par l’étude des maladies tropicales, Carlos Chagas profitait du peu de temps de libre pour analyser le sang des espèces animales locales. C’est grâce à l’un de ces examens qu’il a identifié, dans un sagouin,

un nouveau protozoaire du genre Trypanosoma, qu’il a baptisé Trypanosoma minasense. L’espèce n’était pas pathogénique.

Le moustique hématophage commun dans la région a été présenté aux chercheurs par le chef des ingénieurs de la voie ferrée. Les nuits dans cette région étant relativement froides, la seule partie du corps qui reste découverte est le visage, piqué par l’insecte. D’où son surnom barbier, un moustique qui, pendant la journée, se cache dans les fentes des murs des maisons en argile et en bois et, le soir, sort pour se nourrir. Carlos Chagas s’est mis à disséquer les barbiers car il connaissait l’importance des insectes hématophages dans la transmission de maladies parasitaires. Il y trouva un protozoaire qui pouvait aussi bien être un parasite naturel de l’insecte que la phase évolutive d’un trypanosome capable de causer des maladies.

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La dernière photo d’Oswaldo Cruz (assis, au centre), entouré par Adolfo Lutz (à gauche) et Carlos Chagas (à droite), en 1916

Au bord du Rio Negro: expédition en Amazonie en 1913 (le médicin porte une cravate)

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8 n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n PESQUISA FAPESP

MéMoire

Chagas, Penna et Motta (de la droite vers la gauche, assis) : c’est dans cette maison que le médecin a découvert le barbier, en 1908

Albert Einstein (centre) a été reçu par Carlos Chagas à Manguinhos, au cours de sa visite à Rio en 1925

N’ayant pas, à Lassance, un laboratoire bien équipé, capable de confirmer ses soupçons, il envoya quelques insectes pour des expérimentations à Manguinhos. Oswaldo Cruz procéda à l’infection expérimentale sur des animaux en laboratoire et informa Carlos Chagas qu’il avait trouvé des formes du trypanosome sur l’un des animaux qui était tombé malade. Carlos Chagas rentra à l’institut et ses soupçons furent confirmés : le protozoaire était nouveau, avec une morphologie différente de celle du T. Minasense. En hommage à Oswaldo Cruz, le parasite a été baptisé Trypanosoma cruzi.

Il ne restait plus qu’à trouver les malades. Le Dr. Chagas rentra à Lassance où il découvrit le trypanosome dans le sang d’une fillette de 2 ans appelée Bérénice, qui était malade, avec de la fièvre. Avec elle, le médecin établit le premier cadre clinique de la maladie : anémie aiguë, œdèmes généralisés, gonflement des ganglions, entre autres. C’est ce travail qui a été à l’origine de la note publiée dans le Brazil Medico en

avril et, ensuite, dans le Archiv für Schiff und Tropenhygiene, en Allemagne, et au Bulletin de la Société de Pathologie Exotique, en France.

La découverte, baptisée trypanosomiase américaine par le Dr. Chagas, a eu un impact extraordinaire dans la vie scientifique, institutionnelle et politique du médecin. Ceci lui a permis, en 1910, d’être admis en tant que membre titulaire de l’Académie Nationale

de Médecine (ANM) et de vaincre le concours au mérite, pour devenir « chef de service » de Manguinhos. En 1912, il a été récompensé par le prix Schaudinn, de l’Institut de Médecine Tropicale de Hambourg, en Allemagne. Tous les quatre ans le prix Schaudinn était décerné à la plus importante contribution en protozoologie.

Trois jours après le décès d’Oswaldo Cruz, en 1917, à 54 ans, Carlos Chagas

a été nommé directeur de Manguinhos, poste qu’il occuperait jusqu’à la fin de ses jours, en novembre 1934, à 56 ans. En 1918, avec la grippe espagnole se propageant au Brésil, il organisa un service spécial de création d’hôpitaux d’urgence et lança un appel aux médecins et étudiants en médecine pour qu’ils secourent la population de Rio. Son rôle a été un des facteurs qui le menèrent, en 1920, à la direction du Département National de Santé Publique (DNSP).

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PESQUISA FAPESP n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n 9

Avec ses enfants Evandro (gauche) et Carlos. Les deux sont également devenus deschercheurs importants

maladie, le Dr. Chagas parlait déjà des mauvaises conditions sanitaires au Brésil, et il continuerait à en parler pour le reste de sa vie », déclare Simone Kropf, qui a récemment lancé le livre Doença de Chagas, doença do Brasil : ciência, saúde e nação (1909-1962) [Maladie de Chagas, maladie du Brésil : sciences, santé et nation (1909-1962)], aux Éditions Fiocruz. Le scientifique gardera son poste jusqu’en 1926 et c’est sous son administration que fût édité le vaste code sanitaire, qui modernisa la législation sanitaire brésilienne et les actions de combat contre les épidémies rurales. « Notons aussi l’importance de l’installation de la première école professionnelle d’infirmerie du pays et l’investissement dans la formation de médecins spécialisés en santé publique qui, après le cours, avaient un emploi garanti dans le secteur ». En tant qu’intégrant du Comité de Santé de la Société des Nations, il suggéra, à partir de 1922, la création du Centre International de Léprologie, inauguré en 1934, qui a fonctionné à l’Institut Oswaldo Cruz jusqu’en 1939. En 1925 il a été désigné titulaire de la chaire de médecine tropicale de la Faculté de Médecine de Rio de Janeiro pour savoir notoire.

Si, d’un côté, la production scientifique et la gestion de la santé publique de Carlos Chagas étaient applaudies, d’un autre, les critiques ne manquèrent pas. En 1919, le chercheur Henrique Aragão suggéra

que la maladie de Chagas n’était pas si grave et répandue et que le nombre réel d’infectés était limité, contrairement à ce qu’affirmait son découvreur. En 1922, Afrânio Peixoto, écrivain et professeur titulaire de la chaire d’hygiène, déclara en séance plénière de l’ANM que personne ne connaissait ces malades et appela la maladie de « maladie de Lassance ». Offensé, Carlos Chagas demanda à l’académie de constituer une commission pour évaluer ses études. En 1923, le rapport final a été favorable au scientifique de Manguinhos.

De telles questions auraient pu causer moins de chagrin à Carlos Chagas s’il avait gagné le Prix Nobel de Médecine. En 1999, Marília Coutinho, qui, à l’époque, était à l’Université de Floride, Olival Freire Jr., de l’Université Fédérale de Bahia et João Carlos Pinto Dias, du Centre de Recherches René Rachou, de Minas Gerais, ont publié un article racontant l’histoire des candidatures au prix Nobel, méconnues au Brésil. La première candidature formelle a été sollicitée en 1911 par la commission du prix Nobel, pour Pirajá da Silva, scientifique qui séjournait en Europe. Cette candidature était valable pour le prix Nobel de 1913, quand fût choisi le français Charles Richet. La seconde candidature officielle a eu lieu en 1920 pour la nomination de 1921 et a été réalisée par Manoel Augusto Hilário de Gouvêa, de l’ANM. Bien que, dans ce domaine, il ait été le seul scientifique indiqué,

Carlos Chagas a été ignoré, ce qui laissa vacant le Nobel de Médecine de 1921. Il y eu encore deux candidatures informelles, mais leurs détails n’ont pas été retrouvés.

On ne sait toujours pas pourquoi le brésilien a été laissé de côté. « Chagas a eu du succès et a été reconnu très tôt, il a occupé des postes dans l’Administration qui étaient convoités par d’autres personnes et cela a attiré beaucoup d’animosité » déclare João Carlos Pinto Dias. Il y a toutefois l’hypothèse, non vérifiée, que la commission du Nobel aurait consulté des adversaires du scientifique et aurait été déconseillée de le récompenser. Walter Colli, biochimique de l’Institut de Chimie de l’Université de São Paulo et

chercheur de la maladie de Chagas, est d’avis qu’il n’y a pas de doute quant au mérite. « J’ai la conviction qu’il ne l’a pas gagné car le Brésil est un pays à l’écart. Cela aurait été différent si le même travail avait été réalisé aux États-Unis ou en Europe », affirme-t-il.

« Quand j’ai présenté notre article à Manguinhos, en 1999, le plus intéressant a été la surprise et l’émotion de Carlos Chagas Filho, son fils, âgé de 89 ans, et d’autres chercheurs très âgés qui ne savaient absolument rien sur les candidatures », déclare Marília Coutinho. Elle raconte que, quand elle termina de parler, elle eut l’impression contraire à celle de la perte du prix. « Il semblait que Carlos Chagas avait gagné le Nobel, de part la joie de ces messieurs ».

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Articles scientifiques

Tous les travaux de Carlos Chagas sont disponibles sur le site http://carloschagas.ibict.br/

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10 n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 ■ PESQUISA FAPESP

José Roberto Mendonça de Barros

São Paulo dans la nouvelle géographie économique

pour l’économiste, l’infrastructure et la production de connaissances de l’état de são paulo vont entraîner une croissance du pays

Le dimanche 30 mai 2010, l’écono-miste José Roberto Mendonça de Barros a publié dans le quotidien O Estado de S. Paulo un article intitulé « Nouvelle géographie économique », dans lequel il si-gnale que la région Sud-Est – et

São Paulo en particulier – augmentera de 4 à 4,5 % la croissance du Brésil à partir de 2011. Il y explique en détail les raisons principales de ce changement, qui incluent l’infrastructure disponible à São Paulo et la qualité de son système de production de connaissances. Ces deux facteurs sont fondamentaux pour inves-tir dans les futurs secteurs dynamiques et à haute densité technologique, à l’exem-ple de l’industrie agroalimentaire dans le domaine de la production d’éthanol de deuxième génération ou de l’exploitation de pétrole « pré-sel ».

Ce pronostic positif pour São Paulo et le Sud-Est du Brésil est précédé d’une analyse montrant pourquoi la région Nord-Est, « où se concentrent les plus grands volumes de pauvreté du pays », était la grande gagnante du processus de croissance nationale depuis 2003 jusqu’à aujourd’hui. L’amélioration des conditions des classes moyennes et dé-favorisées, avec les gains réels du salaire minimum (78 % entre décembre 2000 et mai 2010), la croissance vertigineuse

Mariluce Moura & Neldson Marcolin

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ENTRETIEN

des dépenses de la Sécurité Sociale et l’énorme expansion des programmes de revenus de transfert, a eu un impact hors du commun sur l’économie du Nord-Est. « Peu de gens ignorent que la vie éco-nomique de nombreuses communautés ne fonctionne qu’au moment où sont versées les aides et les retraites ».

Trois semaines plus tard, le 20 juin, le même journal titrait la une de son sup-plément Estadão : « L’industrie replace la région du Sud-Est en tête de la croissan-ce ». Fondé sur l’étude empirique du ca-binet de conseil MB Associados, l’article explique qu’ « étant moins dépendante des programmes de revenus de transfert, la région détrône le Nord-Est en termes de pôle d’expansion ».

José Roberto Mendonça de Barros est un des membres fondateurs de ce ca-binet de conseil. Toutefois, ses activités ne se limitent pas au travail de consul-tant. Docteur en économie de l’Univer-sité de São Paulo (USP), titulaire d’un post-doctorat de l’Economic Growth Center de Yale, ancien professeur de la Faculté d’Économie et d’Administra-tion de l’USP, il a été secrétaire pour la Politique Économique du Ministère des Finances (1995-1998) pendant le pre-mier mandat du gouvernement Fernan-do Henrique Cardoso. D’autre part, il a reçu en 1998 le titre d’« Économiste

de l’Année », concédé par l’Ordre des Économistes du Brésil.

Dans l’entretien qui suit, Mendonça de Barros évoque la nouvelle géographie économique du pays et tente demontrer que la recherche scientifique menée à São Paulo – c’est-à-dire la moitié de la connaissance produite au Brésil – est en lien avec cette reconfiguration de la dy-namique de l’économie.

n Il semble que cette notion de nouvelle géographie économique à laquelle vous fai-tes référence ne concerne pas seulement le cas brésilien, n’est-ce pas ? Y a-t-il une dimension internationale dans cette nou-velle géographie?— Je pensais [lors de la rédaction de l’article dans l’Estadão] au Brésil, même si la géographie économique est sans cesse en mouvement et que dans ce sens il existe un phénomène universel qui est l’émergence du monde asiatique. Bien que le groupe BRIC (Brésil-Russie-Inde-Chine) ne soit pas une catégorie analyti-que en tant que telle parce que ces pays se ressemblent en dépit des différences gigantesques, je crois qu’ils ont en com-mun un grand potentiel d’absorption de personnes qui ont laissé le secteur rural pour intégrer le système productif, avec pour conséquences une augmentation de la consommation et la création d’un

Publié en août 2010

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marché de consommation au potentiel énorme. Cela est d’autant plus vrai pour la Chine et l’Inde, les deux pays les plus peuplés du monde, mais le phénomène d’émergence existe.

n Cette vision de la géographie économi-que est-elle la même que celle développée à l’origine par le Prix Nobel d’Économie Paul Krugman ?— Son livre sur la géographie écono-mique est célèbre, mais il est antérieur à l’importance qu’a pris l’Asie. Il date déjà d’une dizaine d’années. Celui qui a réellement fait connaître ce concept c’est l’économiste Jim O’Neill, de la Goldman Sachs. Donc, si les BRIC n’ont pas de rap-port organique entre eux, ils ont quelque chose de fondamentalement commun : la capacité d’incorporer des gens, de les transformer en un grand marché inter-ne. Et cela diffère du reste du monde – y compris avant la crise de 2008 – dans la mesure où le dynamisme du marché in-terne (très bien mis à profit dans certains endroits et un peu moins dans d’autres) représente un pôle de croissance et de modification du pouvoir. Cet essor du marché interne fonctionne comme un grand facteur déclenchant, avec à la clé de profondes transformations sur le système productif et, par voie de fait, enrichissement. La question des BRIC a été mal interprétée quand on disait qu’ils allaient croître indépendamment du reste du monde. Lorsqu’est apparue la crise, la réaction fut : « Vous voyez ? L’idée des BRIC ne marche pas », et ce précisément parce qu’ils ne soutenaient pas le monde comme un tout. Mais je pense que cette idée est erronée et que ce qui se cache derrière le concept est plus modeste : le potentiel de croissance rapide qui, à un moment donné, va pro-duire des transformations. Et il y a une nouvelle géographie dans le sens où le monde croît en direction de l’Asie, ou si l’on préfère du bassin du Pacifique en op-position à l’Atlantique – je crois qu’il y a là quelque chose de très important et qui peut générer un dynamisme pour beau-coup de temps. Le Brésil est un peu loin de ce modèle. Nous avons commencé à entretenir une forte relation en tant que fournisseurs des chaînes de ressources naturelles, qu’il s’agisse d’aliments ou de matières premières industrielles. Mais ce fut la partie initiale : avec le temps, les re-lations économiques – en particulier avec la Chine – se renforcent et l’investisse-ment chinois direct a commencé à appa-raître cette année au Brésil. Si l’on suit un

peu la logique de ce qui s’est passé avec le Japon, la Corée, ça commence comme fournisseur d’exportations pour le pays, le marché interne se développe et à un certain moment on finit par passer à la production locale. Tous les pays qui s’en-richissent voient l’importance de l’ex-portation de capital augmenter. Cela ne se fait pas au détriment de l’exportation de marchandises, mais l’exportation de capital apparaît davantage. Ce fut ainsi avec l’Angleterre, les États-Unis, le Japon, c’est ainsi avec la Corée et ça commence avec la Chine. Ce sont des relations si-gnificatives, qui m’amènent à penser qu’il y a eu consolidation d’une base double

de croissance économique du pays, qui s’ajoutent et ne s’excluent pas. Beaucoup de confrères pensent qu’il y a une dyna-mique d’exclusion entre l’exportation de produits desdites chaînes de ressources naturelles et le marché interne.

n Le marché interne croît grâce aux pro-grammes actuels de redistribution ?— Pas seulement avec les programmes de redistribution mais, et surtout récem-ment, par lui-même. Aujourd’hui il est surtout favorisé par une possibilité réelle de croissance, et c’est là qu’entrent en jeu la productivité, l’innovation technolo-gique... Et il ne croît pas seulement en

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celle-là, non ? Comment briser concrète-ment l’inflation et les facteurs qui l’ali-mentaient ?— Exactement. On est arrivés à la fin des années 1980 avec deux perceptions : la première, c’est que pour rompre la correction monétaire il ne faut pas faire quelque chose qui soit susceptible d’être discuté judiciairement, sous risque de re-tourner en arrière. C’est ce qui s’est passé avec plusieurs tentatives. Et la deuxième, c’est qu’il faut ouvrir l’économie pour qu’il y ait compétition avec ce qui vient de l’extérieur. En réalité, avec l’évolution du monde à ce moment-là, les crises de l’Asie, la crise de la Russie, etc., le pro-cessus de stabilisation a eu besoin de 10 ans. Et ce qui s’est passé en 2008, la crise mondiale aux proportions énormes, avec la valeur du dollar passant subitement de 1,60 réaux à 2,40 réaux – sans provoquer d’inflation – ce fut le meilleur test de sta-bilisation qu’on pouvait avoir. Pour cela il a fallu ouvrir l’économie, supprimer l’indexation, ajuster les prix, améliorer la partie fiscale de l’État, réduire la dette externe... Et entre-temps, la croissance a été très limitée pendant 20 ans, parce qu’avant 1990 il y avait le problème de l’hyperinflation, et après 1990, 1993 on exorcisait en retirant toutes les entraves les plus profondes de l’économie.

n Vous pensez donc qu’il était impossible pour le pays de croître réellement pendant les années 1990 ?— Oui. Bien sûr, il existe toujours des erreurs de politique économique. L’avan-tage de celui qui regarde après coup est de pouvoir détecter ce qui était erroné. Aujourd’hui par exemple, la croissance économique est trop accélérée. Mais le fait est qu’il y a des choses qui deman-dent du temps. Par exemple, l’ajustement fiscal. La croissance est beaucoup plus difficile quand on réduit que quand on augmente le budget. Tous les budgets sont en nette expansion depuis 8 ans, aussi bien des états fédérés, des commu-nes que de l’État. Avec l’ajustement fiscal, c’est l’inverse. Donc il était difficile de croître davantage, d’autant plus avec ces grands chocs de l’étranger. Je résumerais de la manière suivante : il y a eu un long processus de stabilisation, qui ne s’est pas encore achevé parce qu’il y a encore des résidus d’indexation. Mais le plus gros a été fait, tels que les processus d’ajuste-ment fiscal et d’ouverture, ainsi que la réduction de la dette externe. Quand l’in-flation se retire, l’iniquité de revenu que nous avions est encore plus perceptible.

extension, mais aussi en profondeur grâce à ces nouvelles activités et aux gains de productivité. En faisant cela, nous trans-férons ce potentiel d’achat et cette volonté d’acheter vers le marché interne. Je pense que le Brésil possède cette pluralité, que ce n’est pas quelque chose de nouveau. Les pays continentaux tendent à avoir comme élément essentiel le marché in-terne – il est rare qu’un pays continental dépende démesurément d’importations comme dans le cas de la Belgique, de la Hollande, de Singapour, de petits pays où l’on importe, exporte... Dans des pays continentaux ce n’est pas faisable, on finit par répondre aux besoins locaux avec la production domestique.

n Le travail évoqué auparavant de MB Associados identifie trois facteurs qui détermineraient le transfert du pôle dy-namique de l’économie brésilienne dans les années à venir vers la région Sud-Est et en particulier São Paulo : l’exploitation du pré-sel, la disponibilité de l’infrastructure en général et une meilleure offre du sys-tème éducatif et du domaine de production de connaissances. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce sujet ?— Le processus de stabilisation a été très long, parce que l’augmentation des dé-séquilibres externes apparaît en toile de fond, c’est ce que montrait l’inflation... Je suis en train de parler des années 1990 à aujourd’hui et non pas du Plan Cruzado (1986), un ensemble de mesures écono-miques brésiliennes qui n’a pas marché. L’ouverture de l’économie débutée par Fernando Collor était vraiment la rupture avec le modèle de substitution des impor-tations, qui s’était épuisé. Le champ uni-versitaire va passer toute sa vie à essayer de comprendre pourquoi il s’est épuisé, mais il y a certaines choses que personne n’ar-rive à expliquer totalement. L’augmenta-tion de l’inflation a été le résultat le plus visible de l’épuisement, la crise de l’État a atteint le niveau de l’absurde et la crise fiscale faisait aussi partie du processus inflationniste, sans compter la réduction drastique de la croissance à partir des an-

nées 1980. Tout cela est plus ou moins lié, et je crois que ce qui a suivi cette rupture avec le modèle ancien a été de percevoir dans un premier temps, encore dans les années 1980, qu’il n’y a pas d’issue en cas d’inflation élevée. Une fois j’ai participé à un programme télévisé avec Vicente Paulo da Silva, alors président du puissant Syn-dicat des Métallurgistes de São Bernardo do Campo ; pendant la pause, il m’a dit quelque chose du genre « José Roberto, je suis président du syndicat le plus puissant du Brésil », ce qui était vrai, « j’ai affaire au secteur le plus puissant du Brésil », le secteur automobile, ce qui à cette occasion était vrai, « je réussis les meilleurs contrats de travail du Brésil », ce qui était aussi vrai, « mais je perds tous les jours en face de l’inflation », ce qui était encore vrai. Je suis reparti impressionné, me deman-dant s’il avait vraiment dit cela. L’inflation entraînait une course qui pour lui était perdue d’avance... La perception dans la société a ouvert la voie à la stabilisation. Les plans Bresser, Cruzado et Verão ont été des tentatives.

n Quand a eu lieu cette discussion ?— En 1989. Ce qui est aussi ressorti de cette période c’est le fait que nous, éco-nomistes, ayons ajouté professionnelle-ment deux choses qui ont été la base de ce qui est venu ensuite. Premièrement, exorciser la correction monétaire – et les trois plans ont été des apprentissages désastreux pour démonter la vision que l’on avait de la correction monétaire et qui s’est achevée une fois pour toute avec le Plan Real. Deuxièmement, et surtout sur la base de l’expérience argentine, qui a aussi dû faire face à l’hyper-inflation à cette période, ça a été de donner un nom à la coalition inflationniste, qui corres-pondait à ce que Vicente Paulo da Silva avait décrit : en dépit d’un fort réajuste-ment salarial, le secteur automobile re-passait au consommateur et le processus se réalimentait.

n Entre 1985 et 1990, la grande discussion de l’économie brésilienne était justement

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Avant les réajustements, le salaire mini-mum était de 60,00 $ US, l’équivalent aujourd’hui de 100,00 réaux. Mais dans la réalité la lutte menée pour réajuster, réajuster, réajuster était si difficile que personne n’avait une perception claire. L’une des discussions du plan de stabi-lisation (qui a créé le réal) était que la stabilisation est en soi une redistribution. Si bien qu’en 1995 et 1996 l’économie du pays s’est beaucoup développée. Mais comme la redistribution était particuliè-rement mauvaise, ce n’était que le début d’un processus qui allait se poursuivre.

n Mais dans ce long processus de stabi-lisation, n’y a-t-il pas eu, aussi bien au niveau de la politique d’ouverture que des privatisations, des problèmes qui ont fini par retarder la stabilisation elle-même ?— Il y a eu des équivoques à propos du programme de privatisation, et le secteur électrique en est le plus grand exemple. Mais dans l’ensemble il a été très réussi, y compris dans le fait de retirer l’État de situations où seuls étaient produits des trous – ce dont très peu de gens se sou-viennent aujourd’hui. Le secteur sidérur-gique, qui était étatique, avait ingurgité 20 milliards de dollars US. La privatisa-tion ne signifie pas seulement payer un impôt, elle signifie aussi ne pas produire de trous. Et si l’énergie électrique a été le secteur le plus problématique, celui de la téléphonie est par contre un exemple de privatisation réussie. D’après moi, le plus compliqué ça a été de maintenir pendant très longtemps le taux excessi-vement valorisé du dollar, ce qui voulait dire maintenir l’intérêt en réal excessive-ment élevé pendant très longtemps, parce que l’un s’appuyait sur l’autre. Dans mon expérience gouvernementale, c’est une des discussions que la Banque Centrale a tenté d’anticiper, mais malheureuse-ment ça s’est très mal terminé avec la dévalorisation de 1999. Elle n’a pas été planifiée, c’est arrivé, et je pense que c’est surtout cela qui a retardé le processus. Avec la faible inflation est aussi appa-rue la question de la redistribution. Et alors la question des réseaux sociaux a pris des proportions énormes. Person-nellement, je pense que cela a contribué à la construction des deux piliers de la croissance : premièrement, la production compétente desdites chaînes de ressour-ces naturelles dont font partie l’industrie agroalimentaire, les minéraux et les mé-taux et, plus récemment, le domaine du pétrole et du gaz. Et tous résultent d’un processus de construction de 30, 40 an-

nées. De la technologie développée, que ce soit celle de la production de pétrole en eaux profondes, la capacité de produire dans le Cerrado ou encore faire un tra-vail de qualité avec les minéraux. Ici il y a beaucoup de connaissance, et j’ouvre une parenthèse pour démonter l’association qui est toujours faite entre les ressources naturelles, le retard et la faible producti-vité. Si cela a été vrai dans le passé, cela ne l’est plus du tout aujourd’hui. Toutes ces chaînes ont embouti des doses très significatives de connaissance, qui vient en grande partie de la recherche. Je crois qu’il y a une certaine injustice envers les états fédérés quand on parle de recher-che agricole, en particulier à São Paulo. Si l’Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole (Embrapa) a joué un rôle dé-cisif dans le domaine des grains et dans le Cerrado, cela n’a pas été le cas avec la canne à sucre, les oranges et le café. Très récemment, elle a intégré le domaine des fruits et des légumes. Si on prend les grandes cultures, pour trois d’entre elles au moins la technologie a été entièrement produite par l’état de São Paulo.

n La transgenèse dans la culture du soja et la biotechnologie pour un grand nombre de cultures ont été fondamentales au cours des cinq dernières années, non ?

— Décisives. Un des exemples que j’ai l’habitude de donner pour m’opposer à cette idée commune que les ressources naturelles sont synonymes de retard, c’est l’évaluation internationale selon laquelle il existe quatre domaines où l’ef-fort de recherche et de développement est le plus grand et où on a le plus avancé ces dix dernières années : l’aéronauti-que/astronautique, la technologie de l’information, l’extraction de pétrole en eaux profondes – qui est un paradigme technologique totalement différent de la technologie sur terre –, et la biotechno-logie. Deux de ces quatre domaines sont liés aux ressources naturelles.

n Si on prend l’exemple de la citriculture dans l’état de São Paulo, on va parler d’in-vestissements dans la recherche qui ont commencé dans les années 1960, et même avant avec la recherche sur le citrus tristeza virus dans les années 1950.— C’est vrai, ce sont 50, 60 ans, ce n’est pas un projet qui a commencé main-tenant. Avec la canne à sucre, la même chose, et aussi le café. Pour le soja, c’est plus récent. Dans ma thèse de doctorat, que j’ai commencé en 1971 et soutenu en 1973, quand les seuls qui connaissaient le soja étaient ceux qui connaissaient la nourriture japonaise, je disais qu’on pourrait arriver à exporter 300 mil-lions de dollars US de soja, ce qui était considéré comme une ineptie totale. Aujourd’hui, c’est vraiment devenu une grosse affaire commerciale. C’est avec le soja que la trilogie ouverture du Cerrado/culture directe/rotation de grains a pro-duit une révolution, et ça c’est l’Embrapa des années 1970 et suivantes.

n Pourquoi avez-vous parlé du soja dans votre thèse ?— Affonso Celso Pastore, qui travaillait un peu avec l’agriculture, était mon di-recteur de thèse. Et de 1968 à 1973 il y a eu un grand boom de commodities, qui s’est mal terminé avec la crise pétrolière de 1973. On abordait déjà un peu l’agri-culture et Pastore m’a suggéré d’étudier « un peu les exportations non tradition-nelles ». J’en ai étudié plusieurs : le riz, la cacahuète... Quand j’ai commencé, je ne connaissais pas beaucoup le soja, mais je me suis aperçu que quelque chose d’ex-traordinaire était apparu. Dans les année 1950, les Américains ont développé toute la technologie de production de volailles en captivité. Pour produire les volailles, il fallait une ration et pour produire une ration il fallait mélanger certains miné-

L’association qui est toujours faite entre les ressources naturelles, le retard et la faible productivité est fausse. Si cela a été vrai dans le passé, cela ne l’est plus du tout aujourd’hui

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raux et quelque chose de volumineux, qui est le maïs avec une protéine. La protéine venait de la farine de poisson, essentielle-ment des anchois pêchés surtout au large du Pérou. Mais il y a eu un phénomène météorologique dans la région et les an-chois ont disparu. Le marché a alors pâti d’un manque de source protéinique pour la ration, et comme le soja est une pro-téine végétale de bonne qualité, la poudre de ce grain a commencé à être utilisée. Au Brésil, on plantait surtout du soja pour reconstituer l’azote dans la terre, au mi-lieu du café. Et la très célèbre chercheuse Johanna Döbereiner a commencé à faire les premières recherches sur la fixation de l’azote dans le sol.

n Mais pour en revenir aux chaînes de ressources naturelles...— Au début des années 2000, cette chaî-ne de ressources naturelles a fini par se consolider avec l’exportation de ces pro-duits et un réseau de pôles de croissance. Pourquoi ? Premièrement, avec la déva-lorisation du taux de change de 1999 la partie externe de l’économie s’est finale-ment ajustée, avec un change fluctuant et tout le reste. Deuxièmement, à côté de l’offre, la connaissance, la technologie, etc. étaient déjà solidement en place. Troisiè-mement, parce que 2001 a connu une ré-cession brève mais intense, et le monde a commencé à entrer dans une phase de croissance et, plus que tout, la Chine a renforcé cette croissance rapide. C’est la croissance mondiale associée à celle de l’Asie qui a permis cela. Je pense qu’il y a deux points de vue équivoques : d’abord, par rapport au degré de technologie im-pliquée dans ces chaînes, beaucoup plus profonde qu’on ne l’imagine. Et l’autre c’est que ces chaînes sont beaucoup plus longues que ce qu’on a l’habitude de croi-re. Les personnes pensent à une propriété agricole et aux grains de soja, à une exploi-tation minière et au minerai de fer. Mais si on considère la chaîne, on est en présence de produits toujours plus sophistiqués. Le fait est que nous disposons d’une énergie renouvelable grâce à l’eau ou en brûlant la bagasse dans le cas de la canne à sucre, fruit d’un développement technologique de plus en plus perfectionné (hautes pres-sions). Sans parler de la technologie du pétrole, qui est très sophistiquée.

n Là il y a une grande compétence accumu-lée, y compris de par les articulations entre les centres de recherche et les universités.— Exactement. Je pense que le deuxième point de vue équivoque apparaît quand

on pense que les chaînes de ressources naturelles se résument à la production agricole et à la production minérale. Cela va beaucoup plus loin et, par conséquent, le volume d’emploi généré directement et indirectement par de telles chaînes est énorme. Pour la chaîne du soja, on estime arriver à 1 million d’emplois. En ce qui concerne la canne à sucre, j’ai fait un graphique de flux pour montrer la sophistication de la chaîne.

n Mais pourquoi, dans ce décor de stabilité déjà présent en 2000, avec un pays prêt à croître, São Paulo croît-il moins que la moyenne nationale?— Juste pour conclure ce que j’étais en train de dire : une fois la partie de l’expor-tation et de l’industrie agroalimentaire consolidée, on pouvait voir toute l’éco-nomie plus en détail. Et d’un autre côté, tout aussi en rapport avec la stabilisation, certaines choses se sont produites à ce moment-là. Premièrement, il y a eu une redistribution saine de certaines activi-tés économiques en direction de régions où les salaires étaient beaucoup plus bas. Ainsi, une bonne partie de l’industrie de la chaussure, avant concentrée à Franca et dans la Vallée dos Sinos, s’est installée

dans la région Nord-Est. Aujourd’hui elle existe dans les états de Bahia, Paraíba, Ceará, etc. La même chose s’est pro-duite avec l’industrie textile et le plus grand exemple est celui de Coteminas, qui possède un pôle à Campina Grande. Parallèlement, les coûts de production à São Paulo ont commencé à beaucoup augmenter et c’est aussi devenu une des raisons de la redistribution des activités. La région ABC [Région métropolitaine de São Paulo] était totalement occupée, et dans la phase d’amplification dans laquelle elle est entrée à partir du Plan Réal, l’industrie à réussi à se propager dans le pays. Plus d’incitation fiscale a consolidé le pôle minier, emmené Ford à Bahia et General Motors dans le Rio Grande do Sul. Quand l’usine de mon-tage va dans un endroit, la technologie de production du just in time l’oblige à recourir à des fournisseurs locaux.

n Cela coïncide avec le moment où la par-ticipation de São Paulo devient décrois-sante au niveau du PIB.— C’était déjà antérieur, mais ça y a contribué. Là sont entrés les program-mes de redistribution de revenu, qui ont entraîné une croissance vertigineuse des marchés de biens de consommation. Le Nord-Est en est le parfait exemple, mais il n’a pas été le seul. Ce que j’ai dit avant sur le secteur textile, des chaus-sures, automobile, se réfère à la logique de la production. Et maintenant entre la logique de la demande : le croissance de la consommation a explosé et cela a fait croître encore plus vite la région Nord-Est, même si elle devait apporter de l’extérieur beaucoup de biens consom-més sur place. C’est la période pendant laquelle a culminé le processus. Ce type de croissance entraîne naturellement un boom des investissements en expansion commerciale pour répondre à cette nou-velle classe émergente. Il est important de souligner que la demande a crû beau-coup plus que la production.

n Cet argent qui augmente la demande vient du gouvernement ?— Oui, c’est un transfert du gouverne-ment. C’est l’Institut National de Sécu-rité Sociale (INSS), le salaire minimum et les aides scolaires, familiales, etc. Mais j’aimerais ouvrir une parenthèse : sur le graphique que j’ai préparé [voir www.revistapesquisa.fapesp.br], l’exportation du complexe du soja, du complexe de la viande, des produits forestiers, du secteur sucre-alcool et de certains secteurs plus

L’état de São Paulo est beaucoup moins sujet à des soubresauts parce que l’institutionnalité de la base de recherche est arrivée à maturité – qui a en fait commencé au XIXe siècle

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petits individuellement, on voit que la valeur totale du soja en grains a été de 17,2 milliards de dollars US en 2009. Le complexe de la viande a généré 11,7 mil-liards de dollars, les produits forestiers, 7,2 milliards. Le complexe du sucre-al-cool, 9,7 milliards de dollars, et le café 4,2 milliards. Je voudrais montrer comment apparaît le complexe de la canne à sucre. On y voit la production de canne à sucre, le rapport avec l’industrie des machines et équipements, la matière première, les services et les gains technologiques qui viennent de la recherche et de l’interac-tion entre la recherche et les machines, les fertilisants et tout le reste. Aujourd’hui, le taux d’extraction est supérieur à celui d’il y a vingt ans, grâce à la nature des équipe-ments. À la production du sucre se sont ajoutées celles du jus, de la bagasse et des résidus. Avec le jus, on fait du sucre, de l’alcool et du bioplastique – en utilisant les micro-organismes adéquats – et ac-tuellement des recherches sont menés sur les carburants de deuxième génération, qui sont ceux de la cellulose.

n Et cela se fait exclusivement au Brésil, n’est-ce pas ?— Oui, il n’y a rien d’égal dans une telle proportion. En Inde c’est un commerce beaucoup plus petit et surtout destiné à faire du sucre. L’Afrique n’en est qu’au début. Le Brésil est le seul endroit du monde où il existe une flotte de millions de voitures ne roulant qu’à l’éthanol, ce qui en soit est une innovation. Même simple, le système flex de l’éthanol est une innovation qui a même aidé à nous protéger de la crise. Et pour le bioplasti-que, il existe une demande infinie si l’on se base du point de vue de la contempo-ranéité. Les projets réalisés actuellement sont encore un peu chers, et le bioplas-tique du futur doit venir d’une source renouvelable et être biodégradable en six mois dans le sol.

n Le Programme de Recherche en Bioéner-gie (Bioen) est d’ailleurs un des program-mes prioritaires de la FAPESP.— À juste titre, car il s’agit réellement d’un progrès technologique. Dans le gra-phique, je montre les bénéfices de pro-duction dans la chaîne de la canne à sucre liée à un ensemble d’éléments : variété, régionalisation de la recherche, optimisa-tion de la recherche (la canne à sucre pour produire de l’énergie est différente de celle utilisée pour faire du sucre), variété des transgéniques, nouveaux acteurs, système de production, tertiarisation, cueillette

problématique des programmes; ce sont 12 milliards de réaux par an, ce qui n’est pas tant que ça. Mais c’est tout l’ensemble. Donc je pense qu’il sera difficile de main-tenir le même taux d’expansion des trans-ferts au vu des restrictions financières et parce qu’une grande partie de la clientèle à inclure est déjà aidée. À partir de là, le besoin est plus en termes d’éducation et d’inclusion sur le marché du travail. Je pense que dans les régions qui reçoivent le plus de ressources du programme d’inclu-sion, le Nord et le Nord-Est, la vitesse de croissance des transferts sera inférieure. Et à cela s’ajoute le fait que dans le Nord-Est les pôles traditionnels de croissance ont mûri. Cela ne signifie pas qu’ils vont revenir en arrière, mais ils ont déjà mûri, à l’exemple du pôle pétrochimique de Bahia, du pôle fruitier de Petrolina, qui a fait un grand saut et désormais croît lente-ment, du pôle chlorochimique d’Alagoas, autre pôle traditionnel qui aujourd’hui ne croît plus beaucoup. L’usine Ford de Bahia, par exemple, doit construire une nouvelle usine si elle veut se développer davantage. Il y a une exception, dans l’état du Pernambuco.

n Liée au port.— Au complexe industriel et portuaire de Suape. Il existait déjà un dynamisme à Recife, un centre médical reconnu de la région Nord-Est, un pôle de techno-logie de l’information plus ancien, mais la grande nouveauté ce fut le Suape et ce qui l’entoure. Là se trouvent la plus grande usine de résine PET du monde, du groupe italien Mossi & Ghisolfi, un chantier énorme, un des plus grands de Camargo Correia, et la première des nou-velles raffineries de Petrobras est en cours de construction. Il y a un ensemble d’ac-tivités importantes, néanmoins il n’en est pas de même pour la région comme un tout. À mon avis, il n’y aura plus de bond de la demande comme avant, et les nombreuses recherches effectuées mon-trent que les nouveaux projets – Suape à part – n’ont rien pour faire un nouveau bond en avant.

n Vous avez analysé les projets futurs ou déjà en cours ?— Nous avons analysé beaucoup de pro-jets, certains d’entre eux déjà en cours. Le projet ferroviaire Transnordestina est en retard et le déplacement du fleuve São Francisco est quelque chose qui ne sem-ble pas avancer, ni dans un sens ni dans l’autre. Nous pensons que la raffinerie de São Luís et d’autres sont des déci-

mécanique, irrigation, augmentation de la récolte, canne à sucre organique, rapport avec les équipements, rapport entre les éléments de la matière première, contrôle biologique de maladies..., tout cela ajou-tant des bénéfices. Fermons à présent la parenthèse, et pour résumer la première partie je dirais que l’ensemble stabilité, crédits et programmes de transfert a en-traîné une augmentation de la consom-mation surtout très élevée dans le Nord et le Nord-Est. J’en viens maintenant à la deuxième argumentation : pourquoi le Sud-Est et São Paulo vont-ils naturelle-ment recommencer à croître davantage ? Il y a deux groupes de raisons. Le premier est simple : ce mouvement que l’on peut appeler d’inclusion est en train d’arriver à ses limites. Il n’y a plus 12 millions de familles qui sont concernées par l’aide fa-miliale [Bolsa Família]. Deuxièmement, et si nous sommes dans le vrai, le Trésor ne disposera pas du surplus de ressources qu’il avait jusqu’à présent, car les dépenses ont beaucoup augmenté, la valeur réelle du salaire minimum va augmenter – ce qui a des effets positifs mais augmente dans le même temps les dépenses, la Sécu-rité Sociale, et ainsi de suite. Dans ce sens, l’aide familiale est la ressource la moins

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sions fondamentalement politiques et qu’elles ne vont pas se concrétiser. Ce qui peut croître, c’est le pôle de production agricole Luís Eduardo Magalhães, dans l’ouest de l’état de Bahia.

n Concentrons-nous à présent sur les raisons d’une croissance probable du Sud-Est.— Pourquoi le Sud-Est, et en particulier São Paulo, vont-ils croître ? Première-ment, en fonction de la nature : le pré-sel est concentré de l’état d’Espírito Santo jusqu’à celui de São Paulo. Et si on re-garde les projets de Petrobras, on voit que le gros de l’investissement va être devant Santos. Ce n’est pas à cause des puits mais, me semble-t-il, parce que Pe-trobras ne veut pas dépendre autant de l’état de Rio de Janeiro. L’entreprise a été très marquée par les conflits avec les Ga-rotinho (les deux gouverneurs successifs de l’état, Anthony Garotinho et Rosinha Garotinho), avec une augmentation des impôts, des menaces d’augmentation de l’ICMS [Impôt sur opérations relatives à la circulation de marchandises et sur les services de transport] sur les équipements pour empêcher les projets... Stratégique-ment, Petrobras a augmenté à l’occasion les dépenses dans l’Espirito Santo. Le Sud-Est comme un tout va croître grâce au pré-sel, mais l’essor aura surtout lieu

à São Paulo. Si bien qu’à Santos ils sont en train de construire un siège énorme, avec un gros investissement en termes de ressources humaines. Et le pétrole ce n’est pas seulement le pétrole, mais tout ce qui vient avec. Son impact sur les universités, la recherche, les producteurs de biens de capital, d’embarcations... Et il y a aussi le domaine du logiciel informatique. Le pétrole possède un grand domaine de matériel informatique, des équipements gigantesques, mais comme toujours celui qui dirige tout ça c’est le logiciel. Je pense que l’exemple que tout le monde utilise c’est celui de la Norvège : elle n’avait ja-mais produit de pétrole jusqu’à ce qu’elle en trouve, mais désormais le produit se raréfie et elle exporte la technologie du pétrole. Comme à Aberdeen, en Angle-terre, ou à Houston aux États-Unis, c’est le centre de la connaissance qui compte. Donc c’est un peu l’ambition qui domine et je pense que Petrobras a raison.

n Et avec plus de 50 réseaux thémati-ques de recherche entre Petrobras et les universités brésiliennes, cela doit diffuser davantage et approfondir la connaissance sur le pétrole.— Exactement. Parallèlement, il y a aujourd’hui ceux qui pensent qu’il faut voir au-delà de la recherche universitaire

et former les techniciens intermédiai-res. L’ouvrier qui travaille sur la plate-forme doit avoir suivi un entraînement spécifique, parce qu’il travaille avec un système compliqué. Ce n’est pas un tra-vail simple, mais quelque chose de très sophistiqué. Par conséquent, l’impact du pré-sel devrait être très grand. En vérité, je pense que c’est quelque chose qui est déjà ressentie, qui anticipe une nouvelle activité de poids. Par exemple, le marché immobilier de Santos a déjà changé, la ville va devenir le centre de grandes af-faires commerciales.

n Et cela s’étend à tout le littoral sud de l’état ?— Oui. C’est aussi valable pour Cara-guatatuba qui est la zone du gaz, mais le centre c’est Santos. Le gouvernement de l’état fédéré a créé une commission il y a près de deux ans pour voir comment maximaliser les bénéfices de l’investis-sement de Petrobras. Et il ne s’agit pas seulement de l’infrastructure, mais aussi des ressources humaines. Dans les facul-tés, il y a déjà des dizaines de cours créés dans ce sens. Le noyau de la recherche la plus importante sera au centre de l’Uni-versité Fédérale de l’état de Rio de Janeiro (UFRJ), mais cela ira au-delà. Quelle que soit la vitesse du pré-sel, c’est une affaire

L’expansion de la canne à sucrele pib du secteur sucrier (agroénergie) a été de 28,2 milliards de dollars us, presque 2% du pib national

production de canne à sucre

industrie

Jus bagasse

Vinasse

nutrition animale

Gâteaux (de filtration)

levure

énergie électrique

sucre alcool

bioplastiquebiocarburants de 2e génération

biocarburants de 2e génération

Gains technologiques

machineséquipementsmatière premièreservices

résidus

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commerciale très grande et qui se situe dans le Sud-Est. Et ce qui est nouveau est à São Paulo. Je le redis, Petrobras souhaite diversifier ses trois antennes, Vitória, Rio de Janeiro et São Paulo, y compris pour diluer les risques.

n Sur les 110 milliards de réaux que Pe-trobras compte investir dans le pré-sel, combien iront à São Paulo?— Au moins 40 %. Mais rien n’est encore très sûr, d’autant que Petrobras passe un peu d’un document à un autre.

n Le fait que São Paulo se place au centre géographique d’une nouvelle géographie économique vient de là ?— Non, cela vient d’une combinaison de trois ou quatre sources simultanées. Premièrement, il y a le pré-sel. Deuxiè-mement, et toujours dans ce domaine des ressources naturelles, il y a la croissance de la valeur ajoutée de la chaîne de la canne à sucre. Avec cette nouvelle réalité, Santos consolidera son rôle de pôle d’exporta-tion. Il y a trois projets d’« alcooduc » et tous se terminent à Santos, parce que c’est dans l’état de São Paulo qu’il y a l’infras-tructure et le centre de l’intelligence.

n D’exportation ?— Oui. Aujourd’hui, le gros de l’exporta-tion du sucre est pour Santos. Et ça va être pareil pour l’alcool. Mais pour en revenir à la nouvelle géographie économique, on observe déjà à São Paulo une croissance en matière de services plus sophistiqués, et cela va s’intensifier. Je suis en train de parler de la santé, par exemple. L’espé-rance de vie des Brésiliens augmente et la demande pour ce service augmente. Il ne s’agit pas seulement de l’hôpital, mais aussi du pôle de la santé, qui inclut logiciel informatique, équipements, manutention d’équipements, hôpitaux, pré-opératoire et post-opératoire. Et cela s’amplifie avec le concept de bien-être, la prévention de la santé, dont la gymnastique... On a là une affaire commerciale énorme et d’une grande productivité. Nous avons fait quel-ques études à ce sujet et il ne fait aucun doute que le centre est São Paulo, en rai-son de la concentration de connaissan-ces, des nouveaux services, des hôpitaux excellents, etc. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas cela dans d’autres lieux, mais le centre est São Paulo.

n Cela influe beaucoup sur le secteur des services?— Considérablement ; mais la der-nière recherche de l’Institut Brésilien

de Géographie et Statistiques (IBGE) sur ce thème date de 2007. Et en plus elle n’inclut pas tout ce qui est en train de se passer. Si on parvenait à mesurer y compris la construction immobilière liée à cet impact, on verrait que c’est concentré à São Paulo.

n São Paulo va devenir un pôle pour une partie du monde.— Sans aucun doute. Ce qui génère des emplois de bonne qualité et mieux rémunérés. L’internationalisation des services de santé commence à São Pau-lo. Un citoyen peut venir de l’étranger pour suivre un traitement médical ou dentaire ici, dans des hôpitaux agréés, payé par son système de santé aux États-Unis par exemple, parce que c’est moins cher ici. Aujourd’hui, aussi bien l’hô-pital Syro-Libanais que l’hôpital Eins-tein ont des directeurs internationaux dans le seul but d’augmenter la partie des services internationaux. Ce type de commerce est important au Costa Rica, mais le pays qui est mondialement en tête c’est la Malaisie. Plus d’1 million de personnes s’y rendent en quête de servi-ces généralement pas très grands, mais beaucoup moins chers. Et il n’y a pas que cela : le post-opératoire devient une activité touristique, à l’exemple de ce qui se passe au Costa Rica. Désormais, il faut être compétent, être certifié aux États-Unis, etc. São Paulo a chaque fois plus de gens pour cela. Un autre exemple ce sont les activités créatives en général. J’ai lu récemment un article dans le journal l’Estadão sur São Paulo comme centre mondial de bandes dessinées. Mais on peut aussi ajouter la publicité, les films, la production pour Internet, la mode, l’architecture...

n C’est cette production de la ville mon-diale, non ?— C’est ça. Et qui se nomme économie créative. Nous n’avons pas seulement cela à São Paulo, à Rio de Janeiro aussi avec la Rede Globo [Note de traduction : principale chaîne de télévision du pays, qui a la particularité de produire elle-même la quasi-totalité des programmes qu'elle diffuse], en particulier avec la partie créative. Mais l’épicentre de tout cela est ici à São Paulo, en raison de la sophistication de la demande, du niveau du revenu, de la qualification techni-que... La troisième chose qui place São Paulo au centre de la nouvelle géogra-phie économique est l’infrastructure. Dans la précarité de l’infrastructure

brésilienne, São Paulo est un peu mieux située que les autres en termes de trans-port de marchandises.

n Et qu’en est-il du sens de l’infrastructure de recherche à São Paulo dans le nouveau rôle que l’étude attribue à l’état fédéré?— Je pense que toutes ces activités à hau-te productivité – que ce soit au niveau du service ou des ressources naturelles – demandent et sont soutenues par des capacités de production de connaissan-ces. Aussi bien vis-à-vis de la formation des personnes que, et surtout, dans le sec-teur de la recherche. Et je pense que São Paulo est dans ce sens pionnier et qu’il conserve sa place de leader. Y compris en partie de la recherche biologique, de la recherche agronomique, de la recher-che agricole. L’état de São Paulo diffère des autres dans le sens où il possède une institutionnalité très puissante – et la FAPESP en est l’un des piliers. L’état est beaucoup moins sujet à des soubresauts parce que l’institutionnalité de la base de recherche est arrivée à maturité – qui a en fait commencé au XIXe siècle, avec la recherche agronomique. Les recherches de l’École Polytechnique qui ont déjà un siècle ont donné naissance à l’Insti-tut de Recherches Technologiques (IPT). Donc nous avons une tradition dans ce domaine et ce bon modèle institutionnel de financement parallèlement à l’ouver-ture vers de nouvelles formes. Les réseaux de laboratoire, les projets développés en réseau comme cela a été fait par rapport à la chlorose variéguée des citrus parlent de cette capacité.

n Pour rendre durable la croissance pro-jetée dans votre étude, ne faudra-t-il pas un investissement significatif en termes de formation du personnel ?— Je pense que les économistes ont ap-pris qu’aujourd’hui, l’avantage ou le dé-savantage d’un pays se mesure à partir de deux éléments : l’infrastructure (on ne peut par exemple importer une route) et les talents. Le talent de manière générale, qui va des formations les plus simples aux plus sophistiquées. Vous pouvez importer 1 000, 2 000, 5 000, 10 000 professionnels talentueux, mais vous ne pouvez pas en importer 5 millions, ça n’est pas possible. Cela signifie que l’État, les entreprises, tous doivent miser sur la formation de talents. Parce que si le matériel informa-tique [hardware] est dans l’infrastructure, la guerre est une guerre de logiciel, que sont les gens. C’est un monde de logiciel, c’est là que se trouve la valeur. ■

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18 n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n PESQUISA FAPESP

La recherche à l’État de São Paulo est en train d’ac-croître son insertion internationale grâce à une série d’initiatives qui stimulent les collaborations entre les scientifiques paulistes et leurs collègues d’autres pays et tentent d’attirer des talents de l’étranger pour oxygéner l’environnement scientifique brésilien. Un exemple de cette stratégie est la réunion, en août 2010 à São Paulo,

de 350 étudiants de 3e cycle brésiliens et étrangers et de 20 spécialistes de diverses nationalités pour rendre hommage au mathématicien nord-américain John Nash et fêter le 60e anniversaire de l’Équilibre de Nash, un théorème qui étaie la théorie des jeux. Parmi les conférenciers se trouvaient quatre Prix Nobel : John Nash lui-même (vainqueur du prix en 1994), l’Allemand Robert Aumann (2005) et les Nord-Américains Eric Maskin et Roger Myerson (récompensés en 2007). L’évé-nement était le quatrième réalisé dans le cadre du programme École São Paulo de Science Avancée (ESPCA), une modalité de soutien de la FAPESP qui vise à augmenter l’exposition inter-nationale de champs de recherche déjà compétitifs mondia-lement. Inauguré en 2009, le programme donne la possibilité aux chercheurs de São Paulo d’organiser des cours de courte durée – une ou deux semaines – en invitant des professeurs des quatre coins de la planète et de l’état de São Paulo. Le cours doit être suivi par un nombre donné d’étudiants, dont la moitié au moins vient de l’étranger. L’objectif, a précisé le directeur scientifique de la FAPESP Carlos Henrique de Brito Cruz dans une interview à Pesquisa Brasil (programme de radio de Pesquisa FAPESP), « est d’exposer mondialement ces domaines de recherche et d’attirer des étudiants étrangers de différents lieux pour venir travailler comme scientifiques à São Paulo. [...] Nous voulons leur montrer ce qu’il y a de mieux à São Paulo. L’appel d’offres prévoit que chaque événement a une session réservée, dans laquelle quelqu’un de la FAPESP va présenter la Fondation et les opportunités de recherche dans l’état de São Paulo. J’ai moi-même fait cette présentation à l’occasion de trois événements et la réceptivité a été très excel-

Un ensemble d’initiatives pour rendre la recherche pauliste plus compétitive à l’étranger

Publié en septembre 2010

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Efforts Articuléscouverture

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L’intérêt des

institutions

étrangères

à établir des

partenariats

avec les

chercheurs de

São Paulo ne

cesse de croître

lente. Beaucoup de questions très inté-ressées ont été posées par des étudiants de plusieurs endroits du monde, comme le Chili, les États-Unis, la France, la Chine et l’Inde ». Le programme prévoit deux appels d’offres par an.

Pour attirer des chercheurs étran-gers, des opportunités de bourses de post-doctorat de la FAPESP sont offer-tes à travers des annonces mensuelles diffusées dans la revue Nature ainsi que sur le site de la Fondation, en portugais et en anglais. De grandes initiatives de la FAPESP, comme les programmes Biota (étude de la biodiversité de São Paulo), Bioen (recherche en bioénergie) et Recherche sur les Changements Cli-matiques Mondiaux, promeuvent des workshops et des séminaires avec la par-ticipation de chercheurs étrangers, dans le but d’intégrer les chercheurs de São Paulo dans des réseaux internationaux et de les maintenir en contact avec l’état de l’art dans leurs champs de connais-sance. Et Brito Cruz de conclure: « Il n’y a pas de balle d’argent pour résoudre les problèmes compliqués, car ils re-quièrent un grand nombre d’actions. C’est la raison pour laquelle plusieurs initiatives articulées sont nécessaires pour internationaliser davantage la re-cherche menée à São Paulo ».

La stratégie d’internationalisation de la Fondation articule un ensemble d’autres efforts, à l’exemple des accords de coopération avec des agences, des

entreprises et ou des institutions scien-tifiques d’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de France, du Mexique, du Portugal, du Royaume-Uni et de la Suisse (voir la liste des différents accords à l’adresse www.fapesp.br/acordos). Un de ces accords de coopération a été signé en 2004 avec le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) de France pour stimuler l’échange de scientifiques et la réalisation de projets conjoints impliquant des chercheurs français et de São Paulo; 4 appels de propositions ont déjà été effectués et 27 projets examinés. Dans le même genre, la FAPESP possède un accord avec le DFG (Deutsche Forschungsgemeins-chaft), agence principale d’aide à la

recherche allemande. En 2009, la Fon-dation a tissé des liens avec la recherche britannique en signant des accords de coopération avec les Conseils de Re-cherche du Royaume-Uni (RCUK) et avec le King’s College London, qui est devenu la première université anglaise partenaire de la FAPESP.

En 2009, parmi les 3 953 nouvelles aides et les 5 995 nouvelles bourses de la Ligne Régulière d’Appui de la FAPESP, 1 214 se caractérisent comme étant des échanges scientifiques de chercheurs : 904 ont été des aides pour la partici-pation à des réunions scientifiques à l’étranger ; 202, des aides pour la venue de chercheurs visiteurs de l’étranger ; 92, des bourses de la modalité Bourse de Recherche et 16, des bourses dans le cadre des Nouvelles Frontières, pro-gramme qui soutient la réalisation de stages de longue durée dans des centres d’excellence à l’étranger, dans des domai-nes de recherche qui ne sont pas encore bien implantés dans l’État de São Paulo, par des chercheurs qui ont obtenus leur doctorat il y a moins de 10 ans. Sur l’en-semble des projets, 309 concernaient des projets d’échange avec les États-Unis, sui-vis par d’autres pays d’Europe (170 pro-jets), d’Amérique latine et des Caraïbes (122). En termes de pays, ceux qui ont eu le plus de projets financés ont été, entre autres, le Portugal (100), la France (77), l’Espagne (74), l’Italie (70) et l’Allema-gne (61). L’échange avec les pays d’Asie correspond à un total de 79 projets.

L’intérêt des institutions étrangères à établir des partenariats avec les cher-cheurs de São Paulo ne cesse de croître. En juillet 2010 par exemple, six repré-sentants de l’Académie Chinoise de Sciences (CAS) se sont rendus au siège de la FAPESP à São Paulo dans le but de mettre en place des collaborations scien-tifiques. Lors de cette première visite du pays, Pan Jiaofeng, secrétaire général de la CAS, s’est expliqué en ces termes: « Nous voulions savoir comment des agences telle que la FAPESP fonctionne. [...] Nous sommes tout particulièrement intéressés par la biomasse, la biodiversité et les neurosciences ». Pour Celso Lafer, le président de la FAPESP, « ces person-nes souhaitaient savoir comment nous sélectionnons les domaines prioritaires. [...] Nous avons évoqué les possibilités de coopération future et décidé d’exploi-ter le sujet dans quelques temps”. n

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Àune époque où l’on parle de l’importance d’internationaliser toujours davantage la science brésilienne, le groupe de chercheurs dirigé par le physicien Marcelo Knobel – professeur titulaire de l’Université d’état de Campinas (Unicamp) et recteur adjoint des 1er et 2e cycles [Graduação] – montre

combien l’échange d’expériences entre étudiants de 3e cycle de nationalités différentes est capable d’enri-chir la recherche et d’attirer davantage de chercheurs étrangers, dans un cercle vertueux. Âgé de 42 ans, Knobel coordonne depuis la fi n des années 1990 un groupe de recherche sur de nouveaux matériaux magnétiques installé au Laboratoire de Magnétis-me et Basses Températures (LMBT) de l’Institut de Physique Gleb Wataghin, de l’Unicamp. Comme le groupe est reconnu internationalement et travaille en collaboration avec des scientifi ques de plusieurs pays, Knobel reçoit souvent des messages d’étudiants étrangers désireux de venir suivre un master, un doc-torat ou un post-doctorat à l’Unicamp. Il évalue sys-tématiquement les demandes en détail et, avec l’aide de l’université et d’agences d’aide à la recherche, a déjà réussi à faire venir des gens de divers pays dans son laboratoire ; actuellement, le laboratoire compte sur des doctorants et post-doctorants d’Inde, d’Espagne,

du Chili, de Colombie et du Canada. « En plus de l’intérêt des chercheurs », observe Knobel, “le fait que nous disposions de bourses d’études aux montants très compétitifs internationalement aide beaucoup. [...] Ils viennent au Brésil stimulés par la chance de pouvoir travailler dans un environnement où il est possible de réaliser des recherches de pointe, et même de mettre de l’argent de côté ».

La Canadienne Fanny Béron est l’une des post-doctorantes qui fait partie du groupe de Knobel. Elle a suivi ses études en ingénierie physique de l’École Poly-technique de Montréal et, doctorat en poche, elle s’est mise à la recherche d’une université étrangère en 2007 pour y préparer un post-doctorat. Arthur Yelon, son directeur de thèse qui entretient des relations profes-sionnelles avec Knobel, lui a alors suggéré l’Unicamp. «Je ne voulais pas aller aux États-Unis, parce que je connais déjà bien le rythme de vie nord-américaine, et je n’ai pas trouvé de lieu en Europe qui ait un bon laboratoire dans une ville intéressante ». L’étudiante ne regrette pas son choix: « J’ai accès facilement à des équipements qu’il n’y avait pas à Montréal, je travaille avec un bon groupe qui produit beaucoup et j’ai la possibilité de collaborer avec plusieurs chercheurs de haut niveau ». Récemment, elle a changé sa bourse canadienne de post-doctorat pour une bourse de

Un groupe de l’institut physique de l’Unicamp se distingue en faisant venir des chercheurs d’autres pays

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AttrActioN DE tAlENts

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la FAPESP, d’un montant de 5028,90 réaux mensuels. « Le montant était le même, mais la FAPESP offre une ré-serve technique très utile pour se rendre à des conférences. [...] Je sais que les conditions de recherche à l’Unicamp sont meilleures que dans d’autres lieux du Brésil. Le Brésil n’est pas un choix traditionnel pour les jeunes chercheurs étrangers qui préfèrent généralement les États-Unis ou l’Europe, mais j’ai trouvé ici tout ce dont j’avais besoin et en plus j’ai eu l’opportunité de mieux connaître l’Amérique du Sud ».

L’Espagnol Jacob Torrejón Díaz est un des autres chercheurs étrangers sa-tisfaits de l’expérience à l’Unicamp. Il vient de terminer son post-doctorat d’une année dans le groupe de Knobel et se prépare à suivre un nouveau post-doctorat, cette fois au Laboratoire de Physiques des Solides du CNRS, à Pa-ris. Lorsqu’il a achevé son doctorat sur les matériaux nanostructurés en 2009 à l’Université Autonome de Madrid, il s’est rendu compte que les alternatives de post-doctorat en Europe étaient limitées: « C’était le début de la crise économique et la plupart des programmes de bour-ses et de contrats de recherche ont été drastiquement réduits ». Il connaissait le professeur Kleber Pirota, du groupe de Marcelo Knobel, et c’est lui qui lui a suggéré l’Unicamp. « Il m’a parlé du fl ux continu des bourses de recherche de la FAPESP, des bourses qui étaient accor-dées très rapidement, pas plus d’un mois ou deux, au contraire de la plupart des agences européennes qui mettent une an-née pour octroyer une bourse. J’ai trouvé très attrayant et intéressant le projet de la recherche, l’équipement du Laboratoire de Magnétisme et Basses Températures et les conditions économiques de la bourse. Et je suis venu au Brésil ». À la veille de son départ du Brésil, il estime que son passage à l’Unicamp a été très rentable: « J’ai appris différentes techniques de caractérisation magnétique, cryogénie, techniques de mesure avec le synchro-tron, utilisation d’appareils puissants, en plus de la langue portugaise et de la merveilleuse culture du Brésil ». Il a aussi développé des travaux dans divers domaines, de la résonance ferromagné-tique aux nanofi ls isolés, qui sont publiés dans des revues internationales. « Je suis

que la Chilienne Lenina Valenzuela, diplômée en physique de l’Université de Santiago du Chili. Depuis 2007, elle mène sous la direction de Knobel un doctorat en magnéto-impédance, avec une bourse de la Capes (Coordination de Perfectionnement du Personnel de Niveau Supérieur). Tous les étrangers travaillent avec des étudiants de master et des boursiers d’initiation scientifi que brésiliens qui, selon Knobel, tirent pro-fi t du partage de l’expérience et de la connaissance tout en se familiarisant avec d’autres langues et un environne-ment de recherche international.

Tâches bureaucratiques – Knobel ob-serve que la volonté de faire venir des étudiants étrangers ne suffi t pas, mais que le soutien institutionnel est aussi fondamental: « Dans d’autres pays, le leader d’un groupe de recherche reçoit une subvention et peut gérer avec auto-nomie les ressources pour faire venir des gens de l’étranger. Au Brésil, ça ne fonctionne pas ainsi. Ça fonctionne seulement parce que l’Unicamp est for-tement tournée vers l’internationalisa-tion et qu’elle recherche activement de nouveaux partenariats pour des échan-ges d’étudiants ». Le chercheur ajoute toutefois qu’il reste encore beaucoup de diffi cultés à résoudre, qui fi nissent souvent par surcharger de tâches bu-reaucratiques le leader du groupe; à titre d’exemple, obtenir un visa ou en-core aider l’étudiant invité à trouver un logement. Ronaldo Pilli, recteur adjoint du secteur de la recherche de l’Unicamp confi rme: « J’ai dû me porter garant pour le loyer d’un chercheur étranger invité à rejoindre mon groupe ».

Le groupe de Knobel attire l’atten-tion de par la diversité de chercheurs étrangers, néanmoins il est loin d’être un cas isolé à l’Unicamp. Un program-me de bourses de doctorat établi par le CNPq (Conseil National de Développe-ment Scientifi que et Technologique) et l’Académie des Sciences du Monde en Développement (TWAS) a déjà fait ve-nir plusieurs étudiants pakistanais pour suivre un doctorat à l’Institut de Chimie (IQ) de l’Université. Selon Pilli, profes-seur de l’IQ, « ce qui est intéressant c’est l’effet en retour de ce processus, et je reçois de plus en plus de demandes de

Les étudiants

brésiliens tirent

profit du partage

de l’expérience

et de la

connaissance et

se familiarisent

avec un

environnement

international

contente de pouvoir contribuer à l’amé-lioration de l’équipement du laboratoire. J’ai participé activement au montage du laboratoire de fabrication de nanostruc-tures. Mon séjour a servi à établir une collaboration que j’espère durable ».

D’après Marcelo Knobel, la concen-tration d’étudiants d’Amérique Latine a entraîné l’adoption de deux langues au sein du laboratoire: l’anglais, qui est la langue franque de la science et le portunhol, mélange de portugais et d’espagnol. Fanny Béron et Jacob Torrejón Díaz ont travaillé avec des chercheurs comme l’Indien Surender Kumar Sharma, qui a suivi ses études et obtenu son doctorat en physique à l’Université Himachal Pradesh. Il est à l’Unicamp depuis 2007, avec une bour-se de la FAPESP. « J’ai commencé à col-laborer avec lui pendant son doctorat et après il a décidé de venir », se souvient Knobel. « Dans son cas, il y a un aspect très intéressant. Il vient de réussir à faire venir son épouse, qui a elle aussi gagné une bourse de la FAPESP pour un post-doctorat en biologie ». Le groupe est également composé d’étudiants telle

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PESQUISA FAPESP n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n 23PESQUISA FAPESP

Pakistanais désireux de venir au Brésil ». Il existe un autre exemple réussi dans le domaine de l’initiation scientifi que en chimie: le programme pilote de la FA-PESP et de la National Science Founda-tion (NSF), qui promeut l’échange entre des élèves de 1er et 2e cycles en chimie d’universités de l’état de São Paulo et nord-américaines. L’opportunité est à double sens : des étudiants de l’Uni-camp vont suivre des stages aux États-Unis, et vice et versa. Ricardo Barroso, 21 ans, est l’un des étudiants de l’Uni-camp à avoir participé au programme et il vient de co-signer un article paru dans la revue Science. À travers le stage effectué à l’Université de Californie à Los Angeles, il a participé à un projet de création d’un cristal synthétique tri-dimensionnel capable de capturer des émissions de dioxyde de carbone – le sujet de l’article publié dans Science.

L’Unicamp a une stratégie pour am-plifi er son internationalisation. D’après le recteur adjoint Ronaldo Pilli, un pro-jet mis en place en 2009 est destiné à at-tirer des professeurs visitants étrangers pour donner des cours de courte durée. L’appel d’offres lancé l’an dernier en partenariat avec le rectorat adjoint de 3e cycle a reçu 60 propositions de dé-partements intéressés par la venue de professeurs visitants pour donner des cours de 3e cycle d’une durée maximale de deux mois. 27 propositions ont été

La volonté

de faire venir

des étudiants

étrangers ne

suffit pas,

l’appui

institutionnel

est aussi

fondamental

sélectionnées et l’Unicamp prévoit d’investir 400 000,00 réaux la première année. Un effort est également mené pour attirer des chercheurs visitants pour de plus longues périodes. L’objec-tif est d’offrir des bourses d’un à deux ans à des personnes intéressantes pour le département, avec au fi nal la chance de passer un concours pour y enseigner. Des annonces dans des revues scientifi -ques internationales, comme Nature et Science, ont attiré plus de 50 personnes

dont les CV ont été minutieusement examinés par les départements de l’Unicamp. Les sélectionnés ont été in-vités à visiter l’université. Deux d’entre eux, un canadien et un français, doivent déjà venir passer jusqu’à deux ans à par-tir de mars. Pilli explique que l’intérêt « n’est pas seulement de faire venir des étrangers, mais aussi de rapatrier des chercheurs brésiliens établis à l’étran-ger ». Pour faciliter l’incorporation de ces chercheurs, l’Unicamp prévoit de changer les règles des concours de cer-taines catégories de professeurs, afi n de permettre que les épreuves soient faites dans des langues étrangères.

Le domaine de l’enseignement est un autre domaine où l’Unicamp œuvre fortement pour l’internationalisation. Chaque semestre, l’institution reçoit près de 100 étudiants étrangers (1er au 3e cycles); la plupart viennent de pays d’Amérique latine avec qui l’université possède des accords. Le nombre total d’étudiants étrangers suivant des cours à l’Unicamp oscille entre 800 et 1000. D’après Leandro Tessler, physicien et responsable de la Coordination des Relations Institutionnelles et Interna-tionales (Cori), « la recherche est grande au niveau d’étudiants de pays tels que le Pérou et la Colombie, qui voient l’Uni-camp comme une référence en termes de sciences exactes et d’ingénieries ». Il constate que l’université a fait de grands efforts pour établir des accords avec des universités nord-américaines et euro-péennes: « Il y a de l’espace pour gran-dir, en particulier avec les États-Unis ». L’idée est d’appliquer dans l’enseigne-ment la même stratégie que celle de la recherche. « L’université se qualifi e quand elle s’expose à l’étranger. Dans la recherche, nous utilisons des para-mètres internationaux et nous sommes reconnus. Nous sommes maintenant en train de faire la même chose avec l’en-seignement ». L’un des avantages est que les étudiants sont en contact avec des idées différentes : « Les groupes universi-taires brésiliens sont très homogènes et il est bon de connaître plus de diversité ». Toutefois, l’objectif fondamental est de garantir une formation supérieure internationalisée. « L’étudiant devient plus compétitif quand il possède un vécu international », affi rme Tessler. n

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BaBel en verreL’Université Fédérale de São Carlos attire des étrangers pour la recherche en ingénierie des matériaux

Coordonné par le professeur d’ingénierie des matériaux Edgar Dutra Zanotto, le réseau de collaborateurs en dehors du Laboratoire de Matériaux Vitreux (LaMaV) de l’Université Fédérale de São Carlos (UFSCar) réunit des chercheurs de France, d’Espagne, du Portu-gal, d’Allemagne, de Bulgarie, de République

Tchèque, du Royaume-Uni, des États-Unis, de Russie, de Colombie et d’Argentine. L’insertion internatio-nale a pour fondement la production scientifique et technologique du laboratoire réalisée tout au long de ses 34 années d’existence. D’après la base de don-nées Scopus, il s’agit de l’un des cinq groupes les plus productifs au monde en matière de nucléation et de cristallisation de verres, qui travaille étroitement avec le secteur privé pour le développement de produits.

C’est la raison pour laquelle le LaMaV compte actuellement des chercheurs de cinq nationalités différentes parmi les professeurs visitants et les étu-diants. Âgé de 56 ans et originaire de Botucatu (état de São Paulo), Zanotto a créé le centre de recherche en 1977, alors qu’il préparait un master à l’Institut de Physique de l’Université de São Paulo (USP) à São Carlos. Il observe que « beaucoup de doctorants, post-doctorants et professeurs visitants de renom posent leur candidature pour un stage au LaMaV, et plusieurs ont déjà travaillé avec nous. Cet échange continu est important parce que la science est universelle ». Aujourd’hui, Zanotto partage la coordination du la-boratoire avec deux collègues, Ana Cândida Martins Rodrigues et Oscar Peitl Filho.

Publié en décembre 2010

Fabrício Marques

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Le Français Jean-Louis Souquet est l’un des professeurs visitants du laboratoire, invité grâce au soutien de la FAPESP. Professeur retraité de l’Insti-tut National Polytechnique de Grenoble, Souquet entretient une collaboration déjà ancienne avec Ana Cândida Rodrigues, lorsque cette dernière suivait un doctorat à l’École Nationale d’Électrochimie et Électrométallurgie de Grenoble. Quand il est parti à la retraite, Souquet a fait don au LaMaV d’un four de fusion de verres de son laboratoire, qui utilisait une technologie non disponible au Brésil. « Le four est toujours là, il fonctionne jusqu’à aujourd’hui », indique Zanotto. Souquet est venu au LaMaV en 2007 et 2009. De retour au laboratoire brésilien de-puis août dernier, il est désormais engagé dans le projet de recherche Mécanismes de transport élec-trique dans des verres et vitrocéramiques, coordonné par Ana C. Rodrigues. Aujourd’hui, le montant de l’aide financière s’élève à 8 536,50 réaux par mois pour des chercheurs visitants dotés d’une qualifi-cation équivalente à celle d’un professeur titulaire des universités d’état de São Paulo.

Collaboration durable – Chercheur du Vavilov Sta-te Optical Institute de Saint-Pétersbourg, le Russe Vladimir Mikhailovich Fokin est arrivé en janvier 2011 également grâce au soutien de la FAPESP. Fo-kin est déjà un ancien collaborateur du LaMaV : il vient pour la sixième fois passer un séjour au la-boratoire – le premier a eu lieu en 1998. Zanotto souligne : « Nous avons près de 30 travaux publiés

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en commun. Il est l’un des chercheurs les plus qualifi és et les plus prolifi ques de notre domaine. Si vous tapez les termes « nucléation » ou « croissance cristalline dans des verres » sur la base de données Scopus, vous verrez qu’il est l’un des cinq chercheurs les plus productifs du monde. […] Fokin aime beaucoup le Brésil et venir travailler à São Paulo parce que nous disposons d’un parc d’équipements moderne et actualisé. En plus de notre laboratoire et de plusieurs autres de l’UFSCar, il a aussi accès à des équipements d’autres universités (USP, Unicamp, Unesp) et à ceux du Laboratoire Síncrotron. […] Les conditions de recherche au Brésil sont meilleures que celles de Russie, de telle sorte que nous sommes très compétitifs pour le faire venir ». Vla-dimir Fokin salue le dynamisme de la recherche brésilienne, non marquée par la rigidité de plusieurs institutions tra-ditionnelles européennes qu’il connaît : « Je suis impressionné par l’enthousias-me et la volonté des étudiants brésiliens d’apprendre et de faire le plus de cho-ses possibles. Un des aspects les plus attrayants de ma recherche au LaMaV est l’immense opportunité d’établir des contacts et des collaborations avec des jeunes chercheurs et des étudiants ». De son point de vue, ses venues au Brésil l’ont aidé à implanter ses idées scientifi -ques : « Et ce n’est pas seulement dû aux conditions techniques excellentes pour effectuer des expérimentations, mais aussi à l’ambiance productive et ami-cale qui règne dans le laboratoire ».

Le plus nouveau collaborateur du LaMaV est l’Israélien Itay Dyamant, arrivé le 1er novembre dernier pour suivre un post-doctorat fi nancé par la FAPESP. Docteur en ingénierie chimi-que de l’Université Ben Gurion de Negev, Dyamant avait envoyé une lettre à Zanotto pour solliciter une bourse de post-doctorat. « J’avoue que je ne lui ai même pas répondu. Beaucoup de jeunes chercheurs envoient des let-tres dans plusieurs endroits. On fait des efforts pour les faire venir et ils fi nissent par accepter l’offre d’un la-boratoire nord-américain », souligne Zanotto. Mais le destinataire de l’une de ces lettres, le professeur Kenneth Kelton de la Washington University de Saint-Louis, a suggéré à Dyamant d’insister auprès de Zanotto dans la

nate envisage en principe de rentrer en Colombie après le doctorat pour y travailler en tant que chercheur, néan-moins il fera en sorte de « maintenir le lien avec le LaMaV ».

Grenier de connaissances – Enfi n, l’étudiant danois Jonas Kjeldsen est venu passer six mois à São Carlos pour obtenir le master en ingénierie chimique. Bénéfi ciaire d’une bourse du gouvernement danois, il a eu vent du groupe de São Carlos par l’inter-médiaire d’un professeur allemand travaillant dans son université au Da-nemark, Ralf Keding. Kjeldsen explique que ce professeur « avait passé deux ans à São Carlos au début de sa carrière

mesure où ses intérêts de recherche cadraient parfaitement avec le labo-ratoire de l’UFSCar. Zanotto lui a lors dit qu’il était prêt à soumettre un projet à la FAPESP à la seule condition qu’il garantisse sa venue : « Il a payé de sa poche un billet d’avion et l’hôtel et il est venu passer une semaine à São Car-los avec sa femme. Il a aimé, et alors on a soumis le projet à la FAPESP ». Actuellement, la bourse octroyée par la FAPESP pour les post-doctorats au Brésil est de 5 028,90 réaux.

L’étudiant colombien José Luis Narvaez Semanate, diplômé de l’Uni-versité de Cauca, est à l’UFSCar depuis 2007. Il a été indiqué par un professeur ayant suivi des études au Brésil, mais il est venu de lui-même à São Carlos pour passer les examens et n’a obtenu une bourse de la Coordination pour le Perfectionnement du Personnel de l’Enseignement Supérieur (Capes) qu’après avoir été reçu. « J’ai suivi un semestre en tant qu’auditeur libre avant de commencer le master », se souvient-il. Après avoir achevé son master en 2009 avec une bourse de la Capes, il suit désormais un doctorat fi nancé par une bourse du Conseil National de Dé-veloppement Scientifi que (CNPq) et sous la direction d’Ana C. Rodrigues. D’après lui, « il serait pratiquement im-possible de suivre un 3e cycle en Co-lombie, parce qu’il n’y a pas de bourses. Le Brésil offre de nombreuses opportu-nités et le LaMaV est un des meilleurs laboratoires au monde en matière de verres. Son infrastructure excellente et son personnel technique permettent de travailler en toute tranquillité ». Sema-

Edgar Zanotto : recherche ciblée

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et connaissait le lieu et les personnes. J’ai eu la sensation que l’université était très sérieuse, et après quelques temps ici j’ai vu que c’était réellement le cas. Le LaMaV est un immense grenier de connaissances, et je suis très content d’en faire partie ». La démarche est à double sens. Actuellement, deux étu-diants de 2e cycle du LaMaV effectuent un stage en Allemagne, et à partir de 2011 un doctorant passera un temps aux États-Unis et un post-doctorant au Portugal et en Espagne.

Pour Zanotto, la consistance de son groupe est liée au fait qu’il se consa-cre au même domaine depuis 34 ans : « Nous avons un point central, qui sont les verres, en particulier les processus de nucléation et de cristallisation, et un solide savoir-faire sur le sujet, qui nous place parmi les principaux grou-pes mondiaux de ce domaine. Nous ne fonctionnons pas comme nombre de groupes compétents, qui changent de thème de recherche tous les deux ou trois ans : ils passent de la ténacité des céramiques aux superconducteurs, puis aux films fins, à la nanotechnologie et ensuite au graphène… et ils finissent par ne pas approfondir et à ne s’impo-ser dans aucun des sujets ». Zanotto estime que la formation de son réseau international est née des contacts établis lors de ses séjours à l’étranger. Il a suivi un doctorat à l’Université britannique de Sheffield au début des années 1980,

et des stages de recherche à l’Université américaine d’Arizona (1987), à l’École Internationale d’Études Avancées en Sciences de Polymères de l’Université italienne de Ferrera (1993) et à l’Uni-versité américaine de Floride (2005). « Par la suite se sont ajoutés les contacts internationaux établis pendant les congrès ainsi que ceux de mes confrères et des étudiants », conclue-t-il.

Le LaMaV est responsable de diver-ses contributions importantes dans les domaine de la recherche de base – nu-cléation, croissance cristalline dans des verres et propriétés physico-chimiques de verres – et de la recherche appliquée en vitrocéramiques notamment. À titre d’exemple pour la recherche de base, deux articles publiés par Zanotto en 1998 et 1999 dans American Journal of Physics (le premier d’entre eux com-menté dans la revue Science). Il y dé-monte le mythe selon lequel les églises médiévales comme Notre-Dame, qui possèdent des vitraux plus épais à la base qu’au sommet, sont la preuve que le verre peut diminuer d’intensité dans la température ambiante. Il ne remet pas en question le fait que le verre est un liquide visqueux, mais montre que pour perdre de sa consistance au point d’atteindre l’épaisseur observée dans les églises, il lui faudrait des millions et des millions d’années. À partir de l’analyse de la composition de 350 vitraux mé-diévaux, il en est arrivé à la conclusion

que les différences d’épaisseur résul-taient en fait de défauts de fabrication du verre.

Dans le champ de la recherche ap-pliquée, le laboratoire a contribué de manière significative au développement de vitrocéramiques, un matériel poly-cristallin sophistiqué qui vient du verre et peut être employé dans la fabrication d’os et de dents artificiels, de substrats de disques durs d’ordinateurs porta-bles, de miroirs de télescopes géants, de sols de luxe, de casseroles transparentes résistantes au choc thermique et de pla-ques de cuisson électriques modernes à la place des traditionnels brûleurs à gaz (voir Pesquisa FAPESP n° 76).

Industries – Le LaMaV maintient éga-lement une étroite coopération avec les industries. Une vingtaine de projets de recherche et développement ont été réalisés au cours des vingt dernières années en collaboration avec plus de 40 entreprises. Parmi elles, Pirelli, Usi-minas, Companhia Baiana de Pesquisas Minerais (CBPM), Alcoa, Nadir Figuei-redo, Saint-Gobain (France) et Opti-grate (USA). Sa plus récente recherche dans le monde de l’entreprise concerne le biosilicate, un matériau bioactif ca-pable de se lier à l’émail dentaire et de prévenir l’hypersensibilité de la dentine (voir Pesquisa FAPESP n° 158). Cette recherche a donné lieu à la création d’une entreprise à São Carlos.

La reconnaissance internationale de la recherche menée au laboratoire a conduit Publishing Co. à inviter Za-notto pour diriger le Journal of Non-Crystalline Solids (JNCS), principale publication sur les études en matériaux vitreux et amorphes. Zanotto est à la tête de la revue depuis octobre dernier, aux côtés de B. G. Potter, de l’Université de l’Arizona et de J. W. Zwanziger, de la Dalhousie University. C’est la première fois qu’un étranger assume cette fonc-tion ; au cours des 50 dernières années, les 5 éditeurs précédents étaient tous nord-américains. D’après Zanotto, sa nomination reflète la réputation du LaMaV, qui « est au même niveau d’égalité que les laboratoires spéciali-sés les plus connus dans ce domaine. Espérons que cela contribuera à attirer davantage de financements et de bons étudiants et collaborateurs brésiliens et étrangers ». n

Le groupe se

consacre au même

domaine depuis

34 ans, avec des

avancées en termes

de recherche

de base et

d’applications

technologiques

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Politiquescientifique et technologique

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Alors que plusieurs nations ont réussi à augmenter leur production scientifique réalisée en collabo-ration avec des chercheurs internationaux, les articles écrits conjointement par des chercheurs brésiliens et étrangers ne dépassent pas les 30 % et croissent à un rythme inférieur à celui des collaborations internes, c’est-à-dire les articles

de scientifiques de même nationalité. C’est ce qui ressort notamment d’une thèse de doctorat sur les réseaux de collaboration scientifique du Brésil, soutenue en 2009 par Samile Vanz, chercheur et professeur de l’Université Fédé-rale du Rio Grande do Sul (UFRGS), sous la direction d’Ida Stumps. Samile Vanz a analysé 49 046 articles brésiliens publiés entre 2004 et 2006 dans des revues indexées dans la base de données Web of Science de l’entreprise Thomson Reuters, et constaté que plus de 95 % des travaux se ba-saient sur un type de collaboration. Les partenariats entre chercheurs brésiliens représentaient près de deux tiers des articles, avec un développement stable et très légèrement en hausse au cours des années : de 69,2 % du total en 2004 à 70,1 % en 2006. Quant au niveau de collaborations inter-nationales, il a présenté une légère oscillation négative.

Le nombre d’articles brésiliens signés par au moins un auteur étranger constituait 30,8 % du total en 2004, 30,1 % en 2005 et 30 % en 2006. Cette stabilité a attiré l’attention de Vanz dans la mesure où elle apparaît à une période où les taux annuels de la production scientifique brésilienne ont atteint les 8 % (actuellement, elle représente 2 % de la production mondiale et 45 % de la production latino-américaine) et où des politiques ont été mises en place pour amplifier l’insertion internationale ; au début des années 2000, la Coordination pour le Perfectionnement du Per-sonnel de l’Enseignement Supérieur (Capes) a commencé à n’attribuer les notes maximales (6 et 7) qu’aux programmes de 3e cycle qui maintenaient des collaborations internatio-nales. « Le travail en collaboration croît au Brésil et il est responsable de la quasi-totalité de la production scientifique indexée, mais les partenariats internationaux oscillent sans parvenir à progresser », observe Samile Vanz.

La construction du réseauUne thèse de doctorat réfléchit au manque de croissance de la participation de la recherche brésilienne dans des réseaux internationaux

La quantité d’articles écrits par plusieurs chercheurs est utilisée comme indication de la collaboration scientifique entre pays, institutions et chercheurs, ou entre secteurs (université, gouvernement et entreprises privées). Même s’il existe d’autres voies que la publication d’articles pour élargir l’insertion internationale de la recherche – à l’exemple des échanges d’étudiants de 3e cycle et des participations à des congrès et des réunions de travail –, l’importance pour la recherche brésilienne d’articles signés par plusieurs a déjà été soulignée dans diverses études. L’une d’elles a été publiée en 2006 par Abel Packer et Rogério Meneghini, du Centre Latino-américain et des Caraïbes d’Information en Sciences de la Santé (Bireme). En analysant les articles brésiliens cités plus de cent fois dans la base Web of Science entre 1994 et 2003, les auteurs ont constaté que 84,3 % d’entre eux étaient le fruit de partenariats avec d’autres pays. Une autre étude de Rogério Meneghini publiée en 1996 avait montré que les articles résultant de collaborations internationales étaient, en moyenne, quatre fois plus cités que les travaux issus de collaborations nationales, et que ces derniers avaient à leur tour un impact de 60 % supérieur à ceux écrits par un seul auteur. D’après Vanz, « le Brésil a besoin de se battre pour que sa recherche s’insère davantage sur la scène internationale, parce que cela donnera plus de visibilité à sa production et signifiera l’accès à des ressources et à des équipements qui ne sont pas disponibles quand la recherche est faite de manière isolée ». Pour mener à bien son travail, Vanz a pu compter sur la collaboration d’un groupe chinois spécialisé en bibliométrie – elle a suivi un stage de doctorat d’un an dans un laboratoire de l’Université Technologique de Dalian, où elle a appris les techniques de traitement et analyse de données utilisées dans sa thèse.

La littérature justifie le travail en collaboration pour plu-sieurs facteurs : le besoin de diviser les dépenses d’équipe-ments, de mener des études interdisciplinaires avec des cher-cheurs d’autres champs de connaissance ; la possibilité d’ac-céder plus facilement à des financements ; le désir d’étendre son bagage universitaire, de connaître de nouvelles métho-dologies et de développer des compétences grâce aux contacts

Publié en mars 2010

Fabrício Marques

[ coopération ]

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avec des chercheurs plus expérimentés, entre autres. L’avènement d’Internet et des réseaux sans fil a facilité l’accès aux chercheurs séparés par de grandes dis-tances. D’après l’auteur de la thèse, les motivations pour la collaboration ne sont pas les mêmes dans tous les domaines de connaissance. Dans le champ des mathé-matiques, qui est une discipline théori-que, les partenariats tendent à résulter de la nécessité d’échanger des idées et de débattre sur des problèmes. En physique par contre, la collaboration est fortement marquée par le besoin de partager des équipements coûteux, comme les accé-lérateurs de particules.

L es près de 30 % de collaborations ob-tenus par le Brésil sont loin d’être une donnée ordinaire. Pour Jacqueline

Lata, professeur de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro et membre du jury de soutenance de la thèse de Samile Vanz, « la stabilité de ces numéros montre que le pays possède une communauté scientifique consolidée, avec des grou-pes importants dans plusieurs domaines qui parviennent à avancer seuls. […] Une des explications possibles est que la communauté scientifique formelle, celle qui réalise des partenariats, est relative-ment stabilisée. Ce n’est pas le nombre de chercheurs qui est en augmentation, mais le nombre d’étudiants de 3e cycle, pour qui produire en collaboration est une tâche plus difficile ». Toujours se-lon la professeur, les petits pays tendent à avoir des taux de collaboration plus élevés, ce qui reflète une dépendance de leur communauté scientifique. Les 30 % du Brésil sont supérieurs aux près de 25 % obtenus par les États-Unis, res-ponsables de plus d’un tiers de toute la production scientifique de la planète. Mais les résultats brésiliens se situent en deçà d’autres pays latino-américains tels que le Chili, l’Argentine et le Mexique. L’Europe est en train d’augmenter ses taux de collaboration. Ils atteignent 50 % de la production, soit le double d’il y a vingt ans, et ont été favorisés par des politiques de l’Union Européenne prô-nant le rapprochement des scientifiques de leurs pays membres. Si le niveau euro-péen est deux fois supérieur à celui de pays comme les États-Unis et le Japon, ce dernier est cependant aussi en augmen-tation – signe d’une internationalisation croissante de la recherche.

Professeur du Département de Poli-tique Scientifique et Technologique de l’Université de Campinas (Unicamp) Lea Velho estime pour sa part qu’il est difficile d’évaluer la signification des 30 % : « Il n’existe pas encore de théorie bien définie capable d’interpréter des données de ce genre ». Mais elle affirme que cela peut être utile pour analyser les motifs qui ont conduit le Brésil à ne pas réussir à augmenter ces indicateurs : « Notre communauté scientifique n’est pas suffisamment stimulée pour établir plus de liens avec l’étranger. D’un côté, on a cessé d’envoyer des étudiants de doctorat à l’étranger, ce qui était une source potentielle de collaborations fu-tures, et on a commencé à privilégier les stages de doctorat (bourses sandwich) et les post-doctorats à l’étranger, qui ne génèrent pas des liens aussi forts. De l’autre, nous disposons d’un système de financement qui offre des opportunités chaque fois plus grandes de bourses et de ressources pour des projets réalisés ici au Brésil. C’est très différent de ce qui se passe dans d’autres pays, où la participation à des réseaux internatio-naux et la dispute pour des ressour-ces de l’extérieur sont essentielles au chercheur pour qu’il puisse continuer à travailler ». Dans les pays européens, le chercheur doit impérativement réussir à obtenir des ressources des program-mes-cadre de l’Union Européenne, basés dans des réseaux. Et Lea Velho d’ajouter : « Les universités européen-

nes en viennent à engager des person-nes pour préparer la présentation des projets, tant elle est importante. Ici au Brésil ce type de stimulation pour les partenariats n’existe pas ».

L’internationalisation de la recher-che brésilienne est un topique impor-tant de la stratégie de la FAPESP, qui possède des accords avec des agences, des entreprises et/ou des institutions scientifiques d’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de France, du Mexique, du Portugal, du Royaume-Uni et de la Suisse. Un exemple est l’accord de coo-pération signé en 2004 avec le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) de France, destiné à encou-rager l’échange de scientifiques et la réalisation de projets impliquant des chercheurs des institutions de l’État de São Paulo et leurs collègues français. L’accord a déjà donné lieu à quatre appels à propositions et à 27 projets. Sur un mode similaire, la FAPESP pos-sède un accord avec le Deutsche Fors-chungsgemeinschaft (DFG), principale agence de soutien à la recherche alle-mande. En 2009, elle a établi un pont avec la recherche britannique en si-gnant des accords de coopération avec les Conseils de Recherche du Royau-me-Uni (RCUK) et le King’s College London – qui est devenu la première université britannique partenaire de la FAPESP. De tels accords vont entraî-ner d’autres appels à propositions. La stratégie d’internationalisation de la FAPESP vise également à faire venir des scientifiques étrangers. Dans ce sens, des opportunités de bourses de post-doctorat sont offertes dans des annonces mensuelles publiées dans la revue Nature, ainsi que sur le site In-ternet de la Fondation, en portugais et en anglais. De grandes initiatives de la FAPESP, comme les programmes Biota (étude de la biodiversité de l’État de São Paulo), Bioen (recherche en bioé-nergie) et le programme de recher-che sur les changements climatiques mondiaux, promeuvent des réunions de travail et des séminaires avec la par-ticipation de chercheurs étrangers, et ce afin de stimuler la participation des chercheurs de l’État de São Paulo dans des réseaux internationaux et de les maintenir en contact avec l’état de l’art mondial dans leurs champs de connaissance.

Les collaborations

internationales se

justifient notamment

par l’opportunité de

partager les dépenses

en cas de grands projets

et d’apprendre avec

ceux qui possèdent

plus d’expérience

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L’un des objectifs du travail de Samile Vanz fut d’actualiser l’étude sur les arti-cles écrits à plusieurs, qui avait déjà fait l’objet de recherches antérieures. À titre d’exemple, l’article publié en 2006 dans la revue Scientometrics par le Hongrois Wol-fgang Glänzel, la Brésilienne Jacqueline Leta et le Belge Bart Thijs ; en établissant un panorama de la science brésilienne dans la base de données ISI entre 1999 et 2003, les auteurs montrent que le Brésil possédait le plus faible taux de publica-tions avec au moins un partenaire inter-national en comparaison à d’autres pays latino-américains comme l’Argentine, le Chili, le Mexique et le Venezuela. Dix ans auparavant, Jacqueline Leta et Hernan Chaimovich avaient analysé la produc-tion scientifique brésilienne entre 1981 et 1990, et observé une augmentation des collaborations internationales de 21,6 à 26,7 % pendant cette période. Toutefois, ce pourcentage s’est stabilisé à partir de 1993, s’éloignant ainsi de l’évolution de la production scientifique.

D ’après la thèse de Samile Vanz, les domaines où les partenariats sont plus élevés sont les géosciences,

avec plus de 50 % d’articles écrits avec des collaborateurs internationaux, et les mathématiques et la physique, avec près de 40 % pour chacune d’elles. Les États-Unis sont les premiers partenaires des chercheurs brésiliens (22 %), suivis de la France (8,2 %), de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne (7,3 %), de l’Italie (4,3 %), du Canada (4 %), de l’Espagne et de l’Argentine (3,8 %). Dans l’analyse relativisée des données, qui tient compte de la comparaison en-tre les articles écrits en collaboration et la production totale des pays, les principaux partenaires du Brésil sont par contre les États-Unis et l’Argentine. Les collaborations avec les États-Unis se concentrent dans des domaines tels que la médecine clinique et expérimentale, la biologie et les biosciences. Dans le cas de la France, les domaines prioritaires

sont la physique et la chimie. Les col-laborations avec le Chili portent sur-tout sur les géosciences et les sciences spatiales (15,7 % du total), probable-ment dû à la participation brésilienne à des consortiums responsables de la construction de grands télescopes sur le territoire chilien.

Malgré la stabilité sur le plan inter-national, les faits indiquent que le tra-vail en réseau est en augmentation au Brésil. Les données de la thèse montrent que la moyenne d’auteurs dans les arti-cles brésiliens est arrivée à 6,3, bien plus que la moyenne mondiale qui était de 4,16 dans les années 2000. Et la tendance observée est la croissance : la moyenne était de 5,9 auteurs en 2004, 6,4 en 2005 et 6,5 en 2006. Du point de vue de Vanz, cela peut s’expliquer par l’adhésion de la communauté scientifique brésilienne au travail en coopération, mais aussi être une réponse des chercheurs à l’exigence de publier davantage – le partage plus élevé de l’écriture d’articles répondrait à cette demande.

L’analyse du canevas de collabora-tions internes des 16 institutions brési-liennes dont la production scientifique

est la plus élevée a révélé la formation de plusieurs réseaux régionaux. Les ins-titutions de l’État de São Paulo comme l’Université de São Paulo (USP, la plus productive de toutes), l’Université de Campinas (Unicamp) et l’Université de l’État de São Paulo (Unesp) forment clai-rement un réseau. L’USP a par exemple produit 1157 articles en partenariat avec l’Unicamp et 1291 avec l’Unesp. L’Uni-versité Fédérale de São Paulo (Unifesp) est une exception dans la mesure où elle apparaît plus isolée, même si elle partage 730 articles avec l’USP. Samile Vanz attribue la performance de ces ins-titutions aux investissements réalisés en science dans l’État de São Paulo. Dans la région sud du pays, l’Université Fé-dérale du Rio Grande do Sul (UFRGS) tend à s’isoler tandis que les universités fédérales de Santa Catarina (UFSC) et du Paraná (UFPR) forment un groupe qui collabore avec l’Université Fédérale de São Carlos (UFSCar), dans la province de l’État de São Paulo. Un autre groupe de partenaires est formé des universi-tés fédérales des états de Rio de Janeiro (UFRJ), Minas Gerais (UFMG) et de la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz). Dans le Nord-Est, il y a de fréquentes collaborations entre les universités fé-dérales des états du Ceará (UFCE) et du Pernambuco (UFPE). Vanz prévient qu’il faudra recueillir des séries de données plus larges pour tirer des conclusions plus approfondies. Elle s’est engagée dans cette tâche et continuera à analyser les données sur la coopération la plus ré-cente dans la recherche brésilienne. n

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Cap sur la bagasse

Um sous-produit important de

l’industrie de la canne à sucre offre

un avantage compétitif au Brésil pour la recherche sur l’éthanol de

deuxième génération

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PESQUISA FAPESP n édition spéciale mai 2009 / décemBre 2010 n 33

La recherche brésilienne sur l’éthanol de deuxième génération s’est articulée d’une manière inédite. Les études en matière d’éthanol extrait de la cel-lulose, jusqu’à présent limitées aux expériences isolées d’entreprises et de groupes de recherche, mobilisent actuellement un nombre croissant de chercheurs encouragés par des politiques visant

à augmenter la production d’éthanol de canne à sucre brésilien. L’objectif est d’exploiter la bagasse et la paille de canne à sucre, sources de cellulose et qui représentent les deux tiers de l’énergie de la plante non convertis en biocarburants. « Il y a une course mondiale pour le dé-veloppement de l’éthanol de deuxième génération », dé-clare Rubens Maciel Filho, professeur de la Faculté d’In-génierie Chimique de l’Université Publique de Campinas (Unicamp) et l’un des coordonnateurs du Programme FAPESP de Recherche en Bioénergie (Bioen), à l’origine du rapprochement de la communauté scientifique de São Paulo. « Bien qu’ayant peu d’expériences dans ce domaine, le Brésil possède de grands avantages com-paratifs, comme l’énorme quantité de matière première disponible et peu onéreuse de la bagasse pré-cueillie ainsi qu’une infrastructure déjà opérationnelle en matière de production d’éthanol », déclare-t-il.

Les copeaux de bois, la bagasse de canne à sucre ou les épis de maïs sont des déchets formés de cellulose qui peuvent se transformer en biocarburant quand ils sont soumis à des réactions d’hydrolyse, procédé chimique qui rompt les molécules. Un des grands avantages de cette approche est qu’elle réduit la compétition entre biocarburants et aliments et, dans le cas de la bagasse, produit davantage d’éthanol par superficie plantée. Il ne faut pas se méprendre sur les bas prix de la production d’éthanol de maïs aux États-Unis qui est fortement sub-ventionnée, contrairement à l’éthanol brésilien. D’un point de vue technologique, il y a plusieurs procédés d’hydrolyse testés mais les rendements et les investis-sements ne sont pas économiquement viables.

Cette articulation scientifique comprend de nouvelles initiatives comme la construction de différentes usines

pilote pour développer de nouveaux procédés techno-logiques en matière d’éthanol cellulosique. L’entreprise Dedini Industries de Base est en train de construire une nouvelle usine d’hydrolyse acide, procédé qui rompt les molécules de cellulose en utilisant un acide comme catalyseur. L’usine innovera en matière de matériaux et de procédés, profitant des connaissances acquises par une autre usine de l’entreprise qui a fonctionné entre 2003 et 2007, l’usine São Luiz, à Pirassununga (SP). « L’expérience nous a montré qu’il nous faut résoudre certaines conditions critiques de fonctionnement de l’usine », déclare le vice-président de Dedini, José Luiz Olivério. « Nous sommes en train de tester des matériaux plus résistants car les conditions abrasives du processus provoquaient une usure qui finissait par compromettre le fonctionnement continu de l’usine », dit-il. Selon Olivé-rio, l’entreprise Dedini croit en la viabilité commerciale de sa technologie étudiée depuis les années 80, grâce à un processus innovateur appelé Dedini Hydrolyse Rapide (DHR). L’entreprise maintient un accord de coopéra-tion scientifique avec la FAPESP en matière de procédés industriels destinés à la production d’éthanol.

L’une des plus grandes entreprises brésiliennes du secteur chimique, Oxiteno, s’intéresse au processus d’hydrolyse de la bagasse et de la paille pour la fabri-cation de produits qui seront utilisés dans l’industrie chimique et pharmaceutique et qui sont actuellement obtenus au moyen d’un procédé pétrochimique. L’en-treprise a également lancé en novembre 2006, en par-tenariat avec la FAPESP, un appel à proposition public dans 16 domaines thématiques de recherche et sélec-tionné des projets technologiques pour la production de sucres, d’alcools et de dérivés. La majorité des 7 procédés rete-nus et liés à l’éthanol de cellulose sont actuellement développés en partenariat avec des chercheurs de l’Université de São Paulo, de l’Institut de Recherches Tech-nologiques et du Laboratoire

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Fabrício Marques

Publié en septembre 2009

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Bagasse dans une usine de l’état de São Paulo: matière première prometteuse pour l’éthanol de cellulose

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National Luz Síncrotron. Les partena-riats établis entre la Fondation et les en-treprises Dedini et Oxiteno font partie du programme Bioen.

Petrobras investit dans l’hydrolyse enzymatique en utilisant des enzymes produites par des microorganismes à la place des acides. Ces enzymes sont capables de rompre le sucre de la cel-lulose et sont ensuite transformées en éthanol après fermentation. Une usine pilote installée au Cenpes, Cen-tre de Recherche de l’entreprise situé dans l’île du Fundão, à Rio de Janeiro, a commencé à fonctionner en 2007. L’objectif de l’entreprise est de maî-triser la technologie et de parvenir à exporter l’éthanol de cellulose au cours de cette prochaine décennie.

Une usine pilote sera construite d’ici 2010 à Campinas, état de São Paulo, et sera utilisée par les chercheurs de tous les états. Elle est le symbole de cette union d’efforts et sera construite dans le tout nouveau Centre de Sciences et de Tech-nologie du Bioéthanol (CTBE), lié au Ministère des Sciences et de la Technolo-gie. Elle sera structurée en six modules, allant du traitement physique du maté-riau lignocellulosique à la fermentation, à la production de microorganismes et à l’hydrolyse. Les chercheurs pourront ainsi réaliser diverses expériences en utilisant des parties spécifiques d’une même plateforme. « Le but est de favo-riser des avancées simultanées qui vont nous aider à surmonter les différentes barrières technologiques liées à l’éthanol de deuxième génération », explique Car-los Eduardo Vaz Rossell, coordonnateur de l’usine pilote du CTBE.

La recherche de base sur l’éthanol de deuxième génération est en train

de gagner de l’élan. Des chercheurs d’Embrapa Agroénergie, par exem-ple, sont en train de mener des études pour caractériser la paroi cellulaire de la canne à sucre. Les études sont menées au Laboratoire de Génétique Molécu-laire d’Embrapa Ressources Généti-ques et Biotechnologie en partenariat avec l’Institut de Botanique de l’USP. L’objectif est de mieux comprendre la composition et la structure de la paroi cellulaire de la canne à sucre pour la manipuler de manière spécifique dans le but d’augmenter la production d’éthanol de deuxième génération.

D es pays comme les États-Unis, le Canada et la Suède ont une pro-duction scientifique plus avancée

que le Brésil en ce qui concerne le dé-veloppement de l’éthanol de deuxième génération. Les États-Unis, premier pro-ducteur mondial d’éthanol, essuient de nombreuses critiques pour avoir misé sur le maïs, source d’alimentation hu-maine et pour les énormes subventions accordées qui ont un impact sur les prix de vente. La recherche sur l’éthanol de cellulose exploité à partir des déchets agricoles ou de plantes qui ne sont pas destinés à l’alimentation vise à garantir un approvisionnement renouvelable en carburant sans porter préjudice à la sécurité alimentaire du pays.

L’intérêt brésilien pour l’éthanol issu de la cellulose a une toile de fond bien différente. Le pays veut rendre l’éthanol de canne à sucre encore plus compétitif en augmentant sa production sans pour autant être obligé d’augmenter les zo-nes plantées. Des études menées dans le cadre du projet Bioéthanol, réseau de recherche financé par le gouvernement

fédéral, indiquent qu’une distillerie de canne à sucre qui produit aujourd’hui 1 million de litres d’éthanol par jour, pourrait dans un premier temps, grâce à la technologie de l’hydrolyse, produire 150 mille litres d’éthanol supplémen-taire issu de la bagasse. Cette produc-tion pourrait, en 2025, atteindre 400 mille litres supplémentaire grâce à des procédés plus performants utilisant la bagasse. La paille de canne à sucre est une autre source potentielle pour la production d’éthanol. L’abandon des brûlis dans les champs de canne à sucre pourrait également être utilisé comme une source de cellulose.

Il faudra que ce procédé devienne bon marché pour compenser le chan-gement d’utilisation de la bagasse, déjà efficace au Brésil, mais basé sur le brûlis pour produire de l’électricité dans les usines de sucre et d’éthanol. Rubens Ma-ciel Filho, de l’Unicamp, rappelle qu’il ne suffit pas uniquement de trouver des solutions technologiquement viables car il est essentiel qu’elles soient égale-ment moins chères. « Il n’est pas facile de justifier de grands investissements pour améliorer l’éthanol de première génération car ce procédé a déjà une productivité très élevée, il faut donc que la production d’éthanol de deuxième génération soit financièrement compé-titive », déclare-t-il. Il est important de souligner que la technologie de première génération possède encore une marge de perfectionnement. L’entreprise De-dini investit dans le développement de l’hydrolyse mais continue de miser sur d’autres technologies comme des usines d’éthanol autosuffisantes en eau et la production d’un engrais-bio utilisant différents déchets comme la suie et la vinasse de canne. « La canne à sucre possède d’énormes atouts en matière de stockage d’énergie », déclare José Luiz Olivério, de l’entreprise Dedini.

Il est difficile de prévoir quand l’étha-nol de cellulose sera économiquement viable, en raison du peu d’informations disponibles sur les avancées de certai-nes entreprises qui sont gardées secrètes. « Mais s’il y avait réellement un pro-cessus compétitif pour transformer la bagasse de canne à sucre en éthanol, ce produit serait déjà disponible sur le marché et les usines seraient en train de l’exploiter », affirme Rubens Maciel, de l’Unicamp. Le chercheur estime que

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le Brésil a cinq ans devant lui pour surmonter les défis technologiques. « Dans le cas contraire nous dépendrons de procédés et d’intrants importés. Mais il nous faut poursuivre nos efforts car nous avons l’avantage d’avoir la bagasse à notre disposition dans les usines de production d’éthanol », déclare-t-il, se référant au prix de la tonne de bagasse de canne à sucre sec, d’environ 15 dol-lars US et qui pour la même quantité coûte 35 dollars US aux États-Unis. Il y a même des avantages en ce qui concerne les coûts de transport car il n’est pas né-cessaire de transporter la bagasse jusqu’à l’usine, elle est présente sur place.

L e bagasse et la paille sont consti-tuées de cellulose, un polymère du glucose formé de six atomes de

carbone (les hexoses), d’hémicellu-lose, composée par des sucres possé-dant cinq atomes de carbone appelés pentoses mais qui ne sont pas encore utilisés pour la production de sucre. Elles sont aussi composées de lignine, un matériau structurel de la plante as-socié à la paroi végétale cellulaire qui lui confère sa rigidité, son imperméabilité et une résistance aux attaques contre le tissu végétal. Pour que les biomasses puissent être utilisées comme matières premières dans des processus chimi-ques et biologiques, elles doivent être soumises à un prétraitement capable de désorganiser le composé lignocel-lulosique récalcitrant. La lignine est un grand obstacle dans ce processus car sa rupture libère des substances qui inhi-bent la fermentation.

Différentes barrières doivent donc être surmontées pour parvenir à un processus économiquement viable. Le premier obstacle concerne le prétraite-ment de la bagasse et de la paille. « Les matières premières se décomposent len-tement. L’enjeu est d’arriver à prétraiter cette structure pour la rendre plus labile. Les premiers procédés étaient très des-tructifs et entraînaient une grande perte en sucre », déclare Carlos Eduardo Vaz Rossell, du CTBE. « Nous ne maîtri-sons pas complète-ment les propriétés chimiques, physi-ques et mécaniques de la bagasse, de la

paille et de leurs fractions. Il nous faut connaître davantage la matière première pour développer dans l’avenir des pro-cédés efficaces », affirme-t-il.

Un second obstacle concerne les catalyseurs utilisés pour décomposer la cellulose. Dans le cas de l’hydrolyse acide, il faut améliorer l’efficacité du procédé qui actuellement ne permet pas un contrôle précis de la rupture des liaisons chimiques. « Alors que l’acide sulfurique détruit une partie du sucre formé, l’acide chloridrique qui est plus efficace, est plus corrosif, d’où le besoin d’alliages métalliques onéreux », affirme Carlos Eduardo Vaz Rossell. Dans le cas du processus d’hydrolyse enzymatique, le problème réside dans le coût des en-zymes et l’énorme quantité nécessaire

pour provoquer la transformation de la cellulose en glucose. L’un des défis de la recherche sera de découvrir des microorganismes capables de créer des enzymes plus productives.

Les États-Unis ont misé sur un pro-cédé appelé bio-traitement consolidé, dans lequel les quatre transformations biologiques nécessaires à la production de bioéthanol (production d’enzymes, saccarification, fermentation d’hexoses, fermentation de pentoses) se déroulent en une seule phase. Des microorganis-mes génétiquement modifiés produi-sent dans un processus anaérobique des enzymes plus actives que celles utilisées dans les autres procédés. Ces types de microorganisme doivent être testés parfaitement, car même lorsqu’ils se

La tonne de bagasse sèche coute 15 dollars US au Brésil, soit moins de la moitié du prix pratiqué aux États-Unis

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comportent bien en laboratoire, ils peuvent être attaqués par d’autres microorganismes qui s’adaptent mieux à l’environnement. Nous ne devons pas ignorer le développe-ment de microorganismes sophis-tiqués car ils peuvent nous aider à mieux comprendre les processus en cours et agir en notre faveur», dé-clare Rubens Maciel.

I l y a encore d’autres obstacles à surmonter comme l’utilisation adéquate des sucres de cinq ato-

mes de carbone appelés pentoses. « Il n’y a pas de procédés efficaces pour transformer ces sucres en éthanol. La plupart des levures n’en ont pas la possibilité où sont si faibles qu’elles n’ont aucun impact. La création de nouvelles levures ou de nouveaux mi-croorganismes est nécessaire pour la transformation des pentoses en étha-nol. Aujourd’hui nous ne pourrions commercialiser que de l’éthanol d’hexoses », déclare Carlos Eduardo Vaz Rossell. Il y a encore d’autres as-pects à résoudre, comme les besoins encore élevés en eau, nécessaire au processus de prétraitement et l’utili-sation de la vinasse de canne, déchet de la distillation, pour la transfor-mer en éthanol. Quand la production d’éthanol est issue de l’hydrolyse, le déchet ne contient ni potassium, ni phosphore et ne peut donc plus être utilisé comme engrais. Comme ce déchet est un polluant, il faudra lui réserver une destination plus sûre.

Carlos Eduardo Vaz Rossell voit l’avenir avec optimisme. « Le nom-bre de chercheurs et de techniciens impliqués dans la recherche aug-mente de manière exponentielle », dit-il. Selon le professeur Maciel, de l’Unicamp, des efforts articulés sont fondamentaux pour faire valoir les avantages compétitifs de notre pays. « Dans toutes les lignes de recherche, il est bon qu’il y ait une certaine dose de redondance pour comparer les différentes manières d’aborder le problème. Dans le cas de l’éthanol de cellulose, nous aurons peut être besoin de davantage d’usines pi-lote. Grâce à ces usines et une mo-bilisation organisée de nombreux chercheurs, nous obtiendrons de meilleurs résultats », conclut-il. n

Il y a un vaste espace de concertation possible où les chercheurs brésiliens, argentins et étatsuniens peuvent réunir leurs efforts pour comprendre et réduire l’impact des technologies de production de biocarburants sur l’utilisation de l’eau et de la terre. Toutefois, pour viabiliser ces collaborations, il faudra surmonter des obstacles comme le manque de données standard favorisant des études comparatives et la construction de modèles capables d’expliquer les effets de phénomènes complexes ou, trouver des manières d’analyser scientifiquement les rapports existantes entre l’augmentation des zones de maïs cultivées aux États-Unis et la déforestation en Amazonie brésilienne. Cette conclusion est apparue suite aux discussions finales d’un workshop qui a mobilisé des scientifiques des trois pays, intéressés par la production de biocarburants. Alors que le Brésil et les États-Unis sont les principaux producteurs de bioéthanol, l’un dérivé de la canne à sucre et l’autre du maïs, l’Argentine possède aussi un énorme potentiel, tant pour la production d’éthanol que de biodiésel.

«Ces pays du continent américain veulent définir collectivement des stratégies alliées à une science de qualité, afin d’utiliser les ressources naturelles de manière durable», déclare Marcos Buckeridge, professeur à l’Institut de Biosciences de l’Université de São Paulo et coordonnateur du workshop. Cet évènement, réalisé dans le cadre du programme FAPESP de Recherche en Bioénergie (Bioen), est sponsorisé par des agences de financement comme la FAPESP, le Conseil National de Développement Scientifique et Technologique (CNPq), la Fondation Nationale des Sciences étasunienne et des institutions comme l’Université de São Paulo, l’Université de Buenos Aires et l’Université d’Iowa. «L’utilisation de l’eau et de la terre associée à la production de biocarburants a des conséquences sociales, économiques et environnementales importantes, outre la complexité des procédés technologiques. De nouveaux modèles et des équipes multidisciplinaires internationales seront nécessaires pour étudier ce thème», déclare Robert Anex, professeur à l’Université d’Iowa.

Union pour la durabilitéUn workshop réunissant des nord-américains, des brésiliens et des argentins, aborde l’impact des biocarburants sur l’utilisation de l’eau et de la terre

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La transition

sera douce

Lee Rybeck Lynd, 52 ans, est un pionnier dans l’uti-lisation de la biomasse pour produire de l’énergie. Il a commencé à s’y intéresser à la fin des années 70 quand la possibilité de convertir la cellulose en biocarburant a inspiré son mémoire universitaire. Cet intérêt ne l’a plus jamais quitté. Le professeur d’ingénierie biologique dirige depuis 22 ans un

groupe de recherche à la Thayer School of Engineering, au Dartmouth College, institution d’enseignement supérieur qui existe depuis 240 ans et qui se trouve à Hanover, dans l’état du New Hampshire. Son équipe a déjà produit plus d’une centaine d’articles scientifiques et une dizaine de brevets. Elle est à l’origine d’une partie fondamentale de la recherche nord-américaine sur l’éthanol de deuxième génération extrait de la cellulose et qui permettra de pro-duire des biocarburants à partir du bois, de déchets agri-coles et de différents types de plantes sans pour autant rivaliser avec la production d’aliments.

Alors que la majorité des études biologiques sur le traitement de la biomasse cellulosique se focalisaient sur la seule production d’enzymes dans un processus com-portant plusieurs étapes, le groupe de Lee Lynd a décou-vert une autre technique plus simple et moins chère pour parvenir au même résultat. Il s’agit du bio-traitement consolidé (CBP), dans lequel les quatre transformations nécessaires à la production de bioéthanol (production d’enzymes, fermentation d’hexoses, fermentation de pentoses et saccarification) se déroulent en une seule phase. Dans ce procédé, des microorganismes produi-sent en mode anaérobique complexe des enzymatiques ayant une meilleure activité que les enzymes utilisées dans d’autres procédés. Le groupe de Lee Lynd est l’un des plus actifs au monde dans ce domaine.

En 2005, le chercheur s’est allié au groupe d’inves-tisseurs venture capital pour créer Mascoma, une en-treprise de recherche en biocarburants. Il a également

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Publié en septembre 2009

le chercheur nord-américain déclare

que les éthanols produits à partir de la

cellulose et de la canne à sucre promettent

d’être plus complémentaires que concurrents

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n Quelles sont les sources les plus via-bles pour la conversion de la cellulose ? Comment évaluez-vous le potentiel de la bagasse de canne à sucre ?— Un large éventail de sources de lignocellulose est potentiellement at-tractif pour la conversion de l’éthanol, y compris les graminées, les plantes herbacées, les arbres et les déchets is-sus de divers processus. La bagasse est l’une des matières premières les plus attractives car elle se trouve en grande quantité et peut être traitée dans une infrastructure déjà existante, comme une usine d’éthanol de canne à sucre et/ou de sucre. La bagasse possède déjà une valeur ajoutée en tant que source de chaleur et chaque fois plus, d’élec-tricité. Pour l’introduire dans la pro-duction de biocarburants, il faudra la valoriser et la traiter autrement. Je n’ai pas analysée la question de manière détaillée mais ceci est possible selon l’évaluation préliminaire de différents spécialistes. La conversion de la paille de canne à sucre représente également une grande opportunité de transfor-mation à partir de la lignocellulose et elle mérité d’être étudiée.

n Quels sont les avantages du bio-trai-tement consolidé (CBP) par rapport à d’autres procédés visant à obtenir de l’éthanol cellulosique ?— La stratégie du CBP présente des coûts financiers et opérationnels ré-duits grâce à la simplification du pro-cédé et à l’élimination des enzymes qui sont onéreuses. Un groupe d’experts, convoqués par le Département d’Éner-gie étasunien, le DOE Joint Task Force - 2006, affirme que le CBP est «considéré comme étant la meilleure option à bas prix pour l’hydrolyse et la fermenta-

bénéficié d’un financement émanant de Vinod Khosla, fondateur de l’entreprise Sun Microsystems. L’entreprise détient des brevets sur des microbes capables de produire ces enzymes et, selon Lee Lynd, ce procédé serait prochainement en voie d’être commercialisé.

Lee Lynd est un conseiller recher-ché dans le milieu politique, outre ses activités de chercheur et d’entrepre-neur. Il a présenté les biocarburants au sénat nord-américain et a participé à un comité à ce sujet dans le gouver-nement Clinton. Il est aussi coauteur de rapports avec des ONG, comme Natural Resources Defense Council. Il est également depuis peu l’un des chefs de file du projet Global Sustai-nable Bioenergy: Feasibility and Im-plementation Paths, composé d’une équipe internationale de scientifiques à la recherche d’un consensus et d’une possible utilisation des biocarburants à l’échelle internationale. Les réunions du groupe auront lieu dans cinq pays (États-Unis, Afrique du Sud, Malai-sie, Hollande et Brésil (voir Pesquisa FAPESP no 162). Les physiciens José Goldemberg, recteur de l’USP entre 1986 et 1990, et Carlos Henrique de Brito Cruz, directeur scientifique de la FAPESP, sont membres du comité or-ganisateur des réunions du projet. Cette étude est importante pour le Brésil qui aura la chance d’examiner les décou-vertes scientifiques pour la production de biocarburants à grande échelle, tant pour l’éthanol de canne à sucre, dont il est le principal producteur mondial, que pour l’éthanol de cellulose qui pourrait permettre à d’autre pays de produire des biocarburants.

Lee Lynd qui était le principal conférencier d’un workshop promu par

le programme FAPESP de Recherche en Bioénergie, le 10 septembre, nous a accordé l’entretien suivant:

n Sommes-nous près de produire de l’éthanol cellulosique à une grande échel-le ? Quels sont les défis technologiques à surmonter ? — Le prix d’achat de la biomasse de cellulose sur le marché futur, qui est d’environ 60 dollars US la tonne est compétitif par rapport au prix du baril de pétrole à 20 dollars US. Le problème c’est le prix du traitement et non pas celui de la matière première. La conver-sion de sucres en éthanol est actuelle-ment obtenue à bas prix grâce à une technologie éprouvée et une grande production, tant au Brésil qu’aux États-Unis. Le problème est ailleurs. L’industrie de l’éthanol cellulosique existerait déjà si nous n’avions pas de problèmes en matière de production d’intermédiaires réactifs, principale-ment les sucres, malgré le faible coût de la matière première. La question clé est de pouvoir surmonter les résistances de la biomasse de cellulose avec une technologie à bas prix car le prix des enzymes cellulases est encore très élevé. L’entreprise Mascoma Corporation a récemment montré que le besoin en enzymes cellulases peut être réduit et même éliminé pour certaines sources de cellulose en utilisant une approche appelée bio-traitement consolidé ou CBP. De nombreux problèmes seront ainsi résolus grâce à cette découverte, viabilisant commercialement l’indus-trie des biocarburants de cellulose. Il est possible d’accélérer ce processus mais il exigera une convergence d’in-térêts et de ressources impliquant de nombreux acteurs.

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Usine de production d’éthanol aux États-Unis: le choix du maïs mis en cause

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tion de la cellulose». Bien qu’il y ait un large consensus à ce sujet, les opinions diffèrent sur les perspectives à court ou à long terme de cette technologie. Dans le procédé CBP, les enzymes cel-lulases sont produites par les mêmes microorganismes qui fermentent les sucres et les convertissent en éthanol. Les processus biologiques se dérou-lent ainsi en une seule phase. Comme le CBP est réalisé dans des conditions anaérobiques, on évite les coûts liés à l’aération, et l’énergie métabolique né-cessaire à la production de cellulases est fournie par la fermentation qui produit l’éthanol. La production d’éthanol de lignocellulose du CBP est très similaire à la production d’éthanol de canne à sucre, à la seule différence que la ligno-cellulose prétraitée reçoit des microbes fermentateurs de cellulose alors que le sirop de la canne reçoit des microbes fermentateurs de sucre. Les autres pro-cédés biologiques alternatifs de produc-tion d’éthanol de cellulose impliquent plusieurs étapes et l’une d’entre elles requiert la production aérobique de cellulases dans laquelle l’énergie méta-bolique nécessaire à sa production est fournie par la respiration, résultant en CO2, eau et perte de la valeur calorifique de la matière première. Il y a également d’autres manières non biologiques de contrecarrer la cellulose réfractaire, comme l’hydrolyse acide ou la gazéi-fication. Le procédé CBP est devenu possible grâce aux avancées biotechno-logiques testées dans un environnement industriel. Quant à l’hydrolyse acide et la gazéification, elles sont testées depuis des décennies mais je n’ai jamais vu d’avancées dans ce domaine ou d’im-pacts comparables au CBP.

n Est-il vrai que votre monographie uni-versitaire, il y a 30 ans, suggérait cette solution ?— Le CBP a été l’axe central de mon mémoire conclu en 1979, bien que cette stratégie de traitement avait un autre nom. J’y travaille depuis lors et je suis heureux de voir que ce long chemin est en voie de se transformer en réalité.

n Quelles sont les perspectives de la tech-nologie brevetée par l’entreprise Mas-coma? Le capital-risque est-il en train de financer les recherches sur l’éthanol cellulosique ?

— Le procédé CBP de Mascoma qui inclut tant d’avancées et de futures dé-couvertes, viabilisera prochainement, sur le plan commercial, le fonctionne-ment d’usines productrices d’éthanol cellulosique. Ce procédé représentera une source de valeur ajoutée pour les agriculteurs et créera une plateforme à partir de laquelle il sera possible de produire une diversité de produits provenant de matières premières li-gnocellulosiques. Il est important de comprendre que l’approche du CBP tend vers la production de tous les ty-pes de carburant et d’autres produits issus de la biomasse cellulosique et pas seulement de l’éthanol. Le capital-ris-que a été crucial pour que Mascoma parvienne à ce stade et j’espère que les premiers investisseurs seront justement récompensés. Je prévois de plus gros investissements pour l’entreprise ve-nant de partenaires stratégiques et d’in-vestisseurs institutionnels ainsi que du capital-risque. L’entreprise Mascoma a adopté un modèle de «franchise» qui nous permet d’avoir une partici-pation actionnaire dans une usine qui appartient à nos partenaires, contrai-rement au modèle «construit, possède et dirige». Les partenariats stratégiques constituent une issue naturelle et pro-metteuse pour parvenir à un impact rapide sur le marché.

n La canne à sucre possède un équilibre énergétique et sa production pourrait s’étendre à des zones dégradées ou des pâturages au Brésil et en Afrique. La pro-ductivité a augmenté de 4% par an ces 30 dernières années au Brésil. Quel sera selon vous le futur de l’éthanol de canne à sucre ? Pourquoi ne pas continuer à investir dans la recherche sur l’éthanol de première génération ?— La croissante demande mondiale en carburants renouvelables à faible émission de gaz à effet de serre exige l’étude et le développement de diver-ses matières, tant celles d’où on extrait plus facilement des sucres simples que les plus compliquées. La diversification des matières premières permettra une prévisibilité commerciale globale pour les producteurs d’éthanol, réduisant ainsi l’impact des fluctuations du prix des matières premières, comme pour la canne à sucre qui possède des marchés alternatifs (nous avons vécu récemment un doublement du prix du sucre mon-dial). L’éthanol de canne à sucre pos-sède des vertus que les autres carburants n’ont pas, comme de faibles émissions de gaz à effet de serre, un rendement élevé à l’hectare et de moindres impacts sur la pollution de l’eau. C’est donc l’une des principales options choisies par les pays qui cherchent à augmenter leur production de biocarburants. L’éthanol de canne à sucre et l’expérience acquise sont importants pour les technologies émergentes qui produisent des carbu-rants à partir de la lignocellulose. La bagasse de canne à sucre est un départ logique et éprouvé pour de tels procédés. Le Miscanthus est un parent proche de la canne à sucre et il possède un fort po-tentiel (sans porter préjudices aux autres cultures) en tant que matière première pour la conversion de la lignocellulose. Il peut être également cultivé dans des climats tempérés où la canne à sucre ne pousse pas. Les biocarburants cellulosi-ques proposent également des alternati-ves pour répondre aux préoccupations sur la disponibilité en terre. Cependant, le traitement de la lignocellulose doit progresser pour que son coût devienne compétitif par rapport à la production d’éthanol de canne à sucre. À court terme, l’éthanol de cellulose et celui de la canne à sucre promettent d’être plus complémentaires que concurrents. À long terme, la transition de l’éthanol de

La bagasse est

utilisée comme

source de chaleur

et d’électricité.

Il faut la valoriser

autrement

pour l’incorporer

à la production

de biocarburants

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canne vers le cellulosique se fera proba-blement de manière douce, non brutale, et ne concernera que les procédés et les matières premières qui amélioreront les pratiques habituelles. Quant à la recher-che, il nous faut évidemment améliorer les bonnes choses que nous sommes en train de faire mais également viabiliser celles que nous ne sommes pas encore capables de réaliser. Il nous faut donc poursuivre la recherche sur l’éthanol de canne à sucre et adopter une ligne de recherche agressive sur l’éthanol cel-lulosique maintenant que l’application commerciale est à notre portée.

n Dans un article que vous avez coécrit avec Nathanael Greene, vous déclarez que «les biocarburants n’ont qu’un fai-ble impact sur le prix des aliments, ne consommant à peine que 4% des grains du monde et qu’il n’est pas évident que le prix des aliments serait moins élevé sans la production de biocarburants». Quel est le risque réel en matière de sécurité alimentaire ?— Bien que les questions concernant la sécurité alimentaire, les biocarburants et leurs interactions soient complexes, certaines observations importantes peuvent être faites. Il y a de fortes évi-dences confirmant une déclaration ré-cente d’un groupe de chercheurs dans la revue Science, selon laquelle nous ne pouvons pas nous permettre de perdre les gains obtenus avec des biocarburants produits correctement, tant pour lut-ter contre les effets de serre que pour les bénéfices environnementaux et so-ciaux. Mais nous ne devons pas non plus accepter les impacts indésirables des biocarburants obtenus de manière incorrecte. Il est particulièrement im-portant de comprendre deux points dans ce contexte. En premier lieu, les risques environnementaux liés à l’utili-sation de la terre pour les biocarburants obtenus de manière incorrecte sont évi-tables et ne sont pas nécessairement une conséquence logique de la production des biocarburants. Deuxièmement, le fait de négliger la recherche sur les biocarburants pourrait être un risque pour l’environnement et pour d’autres éléments importants associés. Ne pas poursuivre les recherches sur les biocar-burants, nous amènera probablement à augmenter la production de pétrole à partir de l’huile de schiste et de sables

bitumineux ou de perdre des opportu-nités en matière de développement rural et de sécurité énergétique. Comme nous manquons d’alternatives en termes de carburants liquides pour les véhicules lourds, il sera plus facile de développer un secteur de transport durable grâce aux biocarburants que sans eux.

n Quelles sont vos attentes en ce qui concer-ne le projet Global Sustainable Bioenergy (GSB) ? Quelles pourraient être les contri-butions des chercheurs invités ?— Il y a actuellement une grande confu-sion et de nombreux doutes sur certains aspects. L’un d’entre eux est le suivant: vaut-il la peine de miser sur le fait que la bioénergie jouera un rôle important dans l’avenir ? Si oui, quelles politiques sont nécessaires pour garantir un résul-tat durable ? Cette incertitude est très mauvaise. D’un côté cela peut signifier que nous nous dévions de notre objectif à cause d’une vision distordue sur le po-tentiel bioénergétique. D’un autre côté, cette ambivalence nous amène à investir moins dans son potentiel qu’il ne serait recommandable de la faire. Ou au pire, les deux choses en même temps. J’espère que le projet GSB nous éclairera à ce sujet, et nous amènera à un consensus. Un des objectifs clés du projet et de sa

phase 2 en particulier, est la recherche active de scénarios pour l’utilisation future de la terre, indépendamment des tendances actuelles. Aujourd’hui ces scénarios sont, par définition, im-probables. Nous devons cependant étudier les improbabilités actuelles car nous ne pourrons pas créer un monde sûr et durable en poursuivant les pra-tiques actuelles qui se sont avérées in-soutenables et dangereuses. L’analyse des possibilités d’utilisation intensive de la bioénergie qui sera réalisée dans la phase 2, nous encouragera et nous fournira les informations nécessaires à la phase 3 du projet qui reconsidè-rera le présent, les voies alternatives, les politiques de transition, les questions éthiques et financières ainsi qu’une ana-lyse d’échelle locale. Il est nécessaire que ce projet compte sur la participation d’analystes et de décideurs du monde entier pour qu’il se concrétise, gagne de l’importance et ait un impact global.

n Attend-t-on une contribution spécifi-que des chercheurs brésiliens ?— La participation brésilienne dans ce projet est importante pour plusieurs raisons. En premier lieu, le Brésil a beaucoup à enseigner au monde sur sa stratégie dans le domaine des bio-carburants. La part des carburants issus de la biomasse dans sa matrice énergé-tique est supérieure à tout autre pays du monde. Deuxièmement, au cours des discussions informelles liées à la planification du projet GSB, des spé-cialistes brésiliens ont rappelé que les préoccupations exprimés par les États-Unis et l’Europe sur le changement d’utilisation de la terre sont vues sous une perspective bien différente en Amé-rique du Sud ou en Afrique. Ces pers-pectives sont primordiales pour que les objectifs du projet GSB se réalisent. Le Brésil possède une grande industrie des biocarburants, une infrastructure mo-derne, une grande partie de la popula-tion vivant dans la pauvreté et se trouve dans une situation privilégié pour aider à comprendre l’impact des biocarbu-rants dans le monde en développement et pour lutter contre la pauvreté.

n Le groupe va-t-il seulement analyser les technologies de deuxième génération ou va-t-il également évaluer les progrès tech-nologiques de la première génération ?

Il se peut que

l’ambivalence

de la bioénergie

nous amène

à investir moins

dans son

potentiel qu’il

ne serait

recommandable

de le faire

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Quelles sont les matières premières qui seront choisies ?— Le projet débutera avec une appro-che neutre sur les matières premières, tenant compte des performances de chacune, considérant les sources de la première génération quand elles coïnci-deront aux objectifs. Nous n’avons pas pris de décisions en ce qui concerne des matières premières spécifiques.

n Le groupe évalue-t-il les émissions de gaz ainsi que d’autres problèmes liés au changement de l’utilisation de la terre ? — Contrairement aux autres études, notre principal objectif est d’éviter les impacts néfastes des changements indi-rects d’utilisation de la terre en essayant d’en comprendre les causes, au lieu de quantifier simplement de tels change-ments sans en étudier les causes.

n Quelles sont vos attentes en termes d’investissements et sur les avancées des technologies vertes, comme l’éthanol cellulosique, dans le gouvernement du président Obama ?— Le président Obama, le secrétaire de l’Énergie, Steven Chu et d’autres mem-bres du gouvernement ont davantage priorisé les technologies vertes que les administrations précédentes, grâce à une approche différente et à cause du moment que nous traversons. Nous ne savons pas encore comment les faits vont se traduire dans la pratique. Mais j’ai de l’espoir car la prise de conscience de l’administration sur l’importance des énergies renouvelables et certains pas initiaux sont des éléments positifs, au même titre que le financement de 2 milliards de dollars US destinés à sou-tenir la recherche pour une production énergétique durable et sa conservation. J’estime que les États-Unis et d’autres pays développés ont l’obligation morale

et pragmatique de modifier notre uti-lisation des ressources prenant comme exemple les pratiques adoptées par le monde en développement.

n Quel est votre avis sur les nouvelles approches en matière de biocarburants comme l’essence verte produite à partir de sucres dérivés de la biomasse ? — Nous devons examiner tous les pro-cédés de conversion capables de produi-re des carburants acceptables pour les transports, du moment qu’ils se révèlent rentables et passibles d’être produits à grande échelle. Différents acteurs, y com-pris les entreprises multinationales de pétrole, sont clairement intéressés dans le développement de biocarburants pour tout type de véhicules. Je pense qu’à long terme, les besoins en biocarburants pour les véhicules lourds seront plus grands que pour les véhicules de tourisme. La compatibilité avec l’infrastructure pétro-lière de production de carburants est né-cessaire, mais les prix et les performan-ces seront des facteurs déterminants à long terme. En allant plus loin, je pense qu’une approche en 3 étapes serait ju-dicieuse pour les nouvelles technologies énergétiques. Le premier pas est un test appelé sniff test, pour évaluer la renta-bilité d’un projet et savoir s’il peut être produit à grande échelle. Nous souhai-tons que les procédés se soumettent à test car nous avons besoin de toutes les voies possibles pour réussir. Nous ne devons pas perdre notre temps avec des idées qui n’ont aucune chance d’avoir un impact significatif. À mon avis, la plupart des procédés énergétiques développés, tant par les gouvernements que par le sec-teur privé, ne se soumettent pas à ce test. Dans un deuxième temps, il faut soutenir des activités basées sur l’innovation pour explorer un vaste éventail de procédés qui passeront ce test. Outre le capital-

risque, nous avons besoin d’un porte-feuille diversifié d’une dizaine d’investis-sements, sachant que 5 peuvent échouer complètement, trois peuvent avoir un succès mitigé, mais deux doivent abso-lument se concrétiser pour financer tout le reste. Miser sur des solutions uniques n’est pas la meilleure manière de réus-sir une transition durable. Les solutions retenues sur une grande échelle, après un grand investissement en innovation, viendront des consommateurs et dépen-dront de la performance des produits, de leur prix, de leur coût de production et des valeurs sociales non prises en compte par le marché.

n En ce qui concerne la capacité de tran-sition vers une économie durable, vous avez déclaré que dans quelques centaines d’années, quand les personnes regarde-ront en arrière et analyseront notre épo-que, un des élément-clés qui sera jugé, sera notre habilité à réaliser ou non cette transition. Sommes-nous sur la bonne voie ? Êtes-vous optimiste ?— Je pense que la situation actuelle est encore dangereuse en termes absolus, mais la tendance observée, en termes de prise de conscience et de sens de l’urgence, est positive. Les trajectoires actuelles ne sont pas durables et nous devons donc regarder plus loin pour trouver des solutions viables. Dans ce contexte, il est nécessaire d’admettre que le business as usual est en vérité une fantaisie et non pas un niveau en soi à atteindre. Le premier pas à faire pour concrétiser de futurs scénarios sera de montrer qu’ils sont possibles. Je consacre ma carrière à développer cette approche, tant sur le plan techno-logique que sur le plan des ressources et des questions environnementales. n

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Fabrício Marques

Le Miscanthus, choix nord-américain pour la production d’éthanol cellulosique

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Une attaque contre des veines et des artères indésirables peut combattre la cécité et le cancer

Maria Guimarães

Publié en juillet 2010

[ PHYsiologie ]

Pour Demeler la trame

´ ˆ

science

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Imaginez des veines et des artères qui se ramifient, augmentent, se divisent et se répandent. Il s’agit d’une situation normale au cours du développement de l’embryon mais, à l’âge adulte, cette formation et cette prolifération de vaisseaux sanguins peut être à l’origine de graves problèmes comme la cécité et le cancer. Le biochimiste Ricardo Giordano, de l’Institut

de Chimie de São Paulo (USP), est en train de découvrir la manière de localiser et d’exterminer ces vaisseaux sanguins qui poussent en temps et lieux inopportuns.

Pour contrer ce problème, il a mis au point un peptide (fragment de protéine) qui réunit des qualités hautement désirées pour un remède. La molécule détecte les vaisseaux indésirables en trompant les défenses de l’organisme qui ne reconnaissent pas le peptide comme étant une substance intruse à détruire. Cette molécule, appelée D(LPR), et qui peut être composée de leucine, proline et arginine, a été découverte par un couple de chercheurs brésiliens, Renata Pasqualini, biologiste moléculaire et Wadih Arap, médecin oncologiste et chercheur, qui coordonnent ensemble un laboratoire à l’Institut du Cancer M.D. Anderson, dans l’état du Texas, aux États-Unis. Durant 10 ans de post-doctorat dans un environnement bouillonnant, équipé d’appareils, d’esprits inventifs et de motivation tournés vers la décou-verte de protéines qui agissent sur les maladies humaines, Ricardo Giordano a utilisé le procédé CEP mis au point par Renata Pasqualini et Wadih Arap. Selon ce procédé, tout type de cellule dans chaque tissu de l’organisme possède sa propre signature moléculaire qui peut être reconnue par des peptides spécifiques, à l’exemple du numéro 05415-012 qui correspond, pour le facteur, à l’adresse de la rédaction qui prépare cette revue.

Ce procédé est une réussite comme le montre un article publié dans la revue scientifique PNAS. Pour créer ces tra-queurs qui échappent au radar du système immunologique,

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Ricardo Giordano a utilisé une astuce conceptuellement simple et basée sur deux catégories de peptides qui ont la faculté de détecter les groupes chimi-ques tournés vers la droite (D) ou vers la gauche (L). « La nature a choisi de faire des protéines en forme de L », explique le biochimiste. À cet effet, il a choisi la forme inversée D comme le reflet d’un miroir, qui n’existe pas dans la nature et qui n’est donc pas reconnue par le système immunitaire. C’est comme si les peptides qui circulaient dans le sang et les cellules avaient tous la forme d’une main gauche. Les enzymes chargées de détruire les impuretés et qui ressemble-raient à des gants spécifiques pour mains gauches, laissent s’échapper les mains droites. Le D(LPR) devient alors indé-tectable tout en remplissant la fonction du RPL, son jumeau inversé.

L ’objectif est d’inhiber la production du facteur de croissance vasculaire endothélial (VEGF), principal res-

ponsable de la prolifération des vais-seaux sanguins. « Nous ne pouvons pas inhiber totalement l’activité de ce fac-teur de croissance car la fonction de base du VEGF est nécessaire au maintien des vaisseaux », affirme Ricardo Giordano. Il est donc parti à la recherche d’une main droite affectant uniquement la production des nouveaux vaisseaux, fonction parfaitement remplie par le

D(LPR) dans les cas de rétinopathie du prématuré, comme décrit dans l’article de la revue scientifique PNAS.

La rétinopathie du prématuré, cau-se de la déficience visuelle du musicien Stevie Wonder, atteint principalement les nouveau- nés prématurés placés un certain temps en incubateur où la pression d’oxygène est très élevée, en-viron 70%. Quand l’enfant se retrouve dans un environnement naturel à 20% d’oxygène, les cellules de la rétine inter-prètent la situation comme un manque d’oxygène et produisent plus de VEGF, créant une toile vasculaire dense sur la rétine au point d’obstruer la vision. Ricardo Giordano a démontré que le peptide D(LPR) parvient à détecter cet-te formation de vaisseaux nuisibles en reconnaissant les molécules spécifiques de la membrane de la cellule vasculaire. « La production du peptide n’est pas onéreuse car il est de petite taille et de possibles effets secondaires sont

pratiquement inexistants car la partie externe de la cellule est plus sélective, l’action sera donc localisée ».

Quand le D(LPR) s’installe sur la surface de la cellule, il perturbe la chaî-ne d’activation du VEGF et inhibe ainsi la prolifération vasculaire excessive. Les tests réalisés par Ricardo Giordano sur des cultures et des souris vivantes sont un succès. Comme le peptide mis au point par le biochimiste est petit, sta-ble et soluble dans l’eau, il a toutes les chances d’être une réussite s’il se trans-forme en remède. La prolifération vas-culaire de la rétine, qui provoque une rétinopathie touchant les nouveau-nés prématurés, entraîne également une dégénérescence maculaire de type hu-mide qui est la principale cause de la perte de vision liée au vieillissement. Un remède à base de D(LPR) pourrait être administré sous la forme de col-lyre, ce qui serait un soulagement par

rapport au traitement actuel injecté di-rectement dans l’œil. Wadih Arap s’est déjà soumis à ce traitement pour un décollement de la rétine et il prévient qu’il est très désagréable.

Missile à tête chercheuse – Dans son laboratoire, monté en 2009, lors de son retour du Texas et son entrée à l’USP, Ri-cardo Giordano cherche sur des souris de nouvelles régions du VEGF qui pour-raient servir de cibles thérapeutiques. Les bénéfices pourraient s’étendre à d’autres maladies que celles de la vision. La prolifération vasculaire ou angioge-nèse, stimulée par le VEGF, caractérise également les tumeurs malignes qui sé-crètent des facteurs d’angiogenèse pour stimuler la production de vaisseaux qui alimentent les amas de cellules cancé-reuses. « Si nous parvenons à combattre ce processus qui normalement n’atteint pas les adultes, nous aurons une arme de plus pour lutter contre le cancer », déclare le chercheur.

Attaquer le VEGF n’est pas une idée neuve. Il existe déjà des remèdes (ap-prouvés et utilisés) à base d’anticorps, mais, selon Ricardo Giordano, ils ne sont pas aussi efficaces qu’on l’espérait et ils ont des effets secondaires indési-rables, ce qu’il espère éviter grâce au peptide qu’il a mis au point. « Il y a des centaines de laboratoires à travers le monde qui cherchent à développer ce type de remède et c’est une course ». Le plus important pour lui n’est pas d’arri-ver premier, mais de mettre au point un médicament au Brésil. Non seulement pour avoir des remèdes plus accessibles mais également pour en avoir la pro-priété intellectuelle et favoriser ainsi de nouvelles recherches.

Une des priorités du couple de cher-cheur est de poursuivre les tests pour mettre au point un remède basé sur le peptide développé par le collaborateur de l’USP. « Nous voulons créer à São Paulo une branche de la compagnie qui possède les droits de propriété intellec-tuelle du M.D. Anderson pour créer des partenariats et obtenir les investisse-ments nécessaires à la mise au point de remèdes », déclare la chercheuse. L’avan-tage de réaliser les tests cliniques ici est de pouvoir déjà tester leur efficacité sur la population brésilienne et avoir une validation indépendante des effets du remède sur un plus grand nombre

identification de nouveaux marqueurs moléculaires de la rétine angiogénique et dessein rationnel des nouveaux agents thérapeutiques pour les maladies oculaires avec une composante vasculaire - nº 2008/54806-8

Modalité

Jeune Chercheur

Coordonnateur

Ricardo José giordano – iQ/UsP

investisseMent

774 669,76 réaux

Le projet

44 n édition sPéCiale mai 2009 / déCembRe 2010 n PesQuisa FaPesP

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de patients. Dans l’avenir, le D(LPR) pourra également être efficace contre les vaisseaux qui irriguent les tumeurs, mais le groupe a choisi d’étudier prio-ritairement les maladies oculaires afin d’éviter l’énorme compétition autour de la lutte contre le cancer car, selon Re-nata, « il y a un vide médical en termes de traitement de la rétine ».

L e couple de chercheurs se trouve au bon endroit. Le M.D. Anderson est un énorme centre de recherche ainsi

qu’un hôpital spécialisé sur le cancer. Les chercheurs ont accès à un grand nombre de patients et doivent surmonter d’énor-mes défis scientifiques dans cet endroit considéré comme l’un des principaux centres de référence mondiaux pour le traitement du cancer. Wadih Arap, outre ses travaux de recherche, soigne également des patients à l’hôpital. Dans le laboratoire texan, le couple diplômé de l’USP utilise le procédé CEP pour lutter contre le cancer et l’obésité. Ils ont mis au point un remède contre le can-cer de la prostate qui se trouve déjà en phase initiale de tests cliniques. « Nous avons déjà traité six patients » déclare la chercheuse. Cette phase initiale sur quelques patients, après que le remède ait été testé sur d’autres espèces (géné-ralement des souris, des chiens ou des singes), est obligatoire pour évaluer les éventuels effets toxiques du traitement. En localisant le remède durant la biopsie de tumeurs, l’étude valide le concept des CEPs de lutte contre le cancer et d’autres maladies. Cette méthode s’est déjà mon-trée efficace contre les cellules de graisse, selon l’article publié par le groupe en 2004 dans la revue Nature Medicine.

Le peptide détecte la signature molé-culaire spécifique de la tumeur ou de la graisse et transporte avec lui une bombe appelée molécule klaklak (voir Pesquisa FAPESP nº 115). « Il s’agit d’une struc-ture en forme de tire bouchon riche en charges négatives qui attaque la mem-brane des mitochondries », décrit Ri-cardo Giordano. En détruisant les mito-chondries, usine d’énergie des cellules, le klaklak élimine spécifiquement les cellules indésirables, comme les vais-seaux qui irriguent les tumeurs.

Dans une phase initiale de recher-che, la catalane Marina Cardó-Vila a travaillé avec Ricardo Giordano au M.D. Anderson en utilisant des tech-niques identiques sur des molécules différentes. Elle a démontré, dans un article publié au mois de mars de la re-vue PNAS, qu’un système de peptide inversé (en forme de D), comme celui produit par son collègue, est efficace pour inhiber la croissance des tumeurs mammaires chez les souris femelles.

souffle – Outre son potentiel phar-maceutique, le peptide traqueur de Ricardo Giordano s’est révélé être un instrument efficace de recherche. Il a démontré en 2008 dans le Journal of Biological Chemistry, en collaboration avec le pathologiste Lithuanien diplô-mé de l’USP, Rubin Tuder, professeur à l’Université du Colorado, que cette technique permet de détecter et de dé-truire des vaisseaux qui maintiennent la structure des alvéoles pulmonaires et causer des lésions similaires à celles

que l’on trouve dans les poumons de fumeur souffrant d’emphysème. Dans ce cas, les peptides agissent comme un anti-remède. L’objectif est de produi-re en laboratoire des souris souffrant d’emphysème pulmonaire afin d’étu-dier la maladie en profondeur.

Rubin Tuder veut maintenant utiliser la méthode pour diagnostiquer l’hyper-tension pulmonaire, caractérisée par la prolifération de cellules dans les vais-seaux pulmonaires et qui, au Brésil, est associé à l’esquistossomose (voir Pesqui-sa FAPESP nº 158). Il faut actuellement introduire un cathéter dans l’aine pour espionner l’intérieur des vaisseaux. L’ob-jectif du chercheur est d’accoupler des particules d’or aux peptides traqueurs. L’or est détecté par tomographie qui est un examen moins invasif que le cathété-risme. « Je suis en train d’essayer d’iden-tifier, au moyen d’images, des peptides qui détectent ces lésions pulmonaires », explique le pathologiste. Il a déjà trouvé dans des cultures de cellules, des molé-cules prometteuses qui joueront ce rôle et il espère avoir davantage de détails à nous donner d’ici deux mois.

Bien que la méthode soit promet-teuse contre de graves maladies, les chercheurs n’attendent pas qu’elle soit une panacée. Ils ne prétendent pas non plus injecter des peptides chargés de klaklak pour attaquer, de manière préventive, des tumeurs qui n’ont pas encore été diagnostiquées. « Le cancer est une maladie très compliquée. Nous avançons à petit pas et les bénéfices sont incrémentaux, mais qui ne tente rien n’a rien », déclare Renata Pasqualini.n

» Voir infographie sur le site:www.revistapesquisa.fapesp.br

Articles Scientifiques

1. GIORDANO, R. J. et al. From combinato-rial peptide selection to drug prototype (I): Targeting the vascular endothelial growth factor receptor pathway. PNAS. v. 107, n. 11, p. 5.112-17. 16 mars 2010.2. CARDÓ-VILA, M. et al. From combinato-rial peptide selection to drug prototype (II): Targeting the epidermal growth factor recep-tor pathway. PNAS. v. 107, n. 11, p. 5.118-23. 16 mars 2010.3. GIORDANO, R. J. et al. Targeted induc-tion of lung endothelial cell apoptosis causes em phy sema-like changes in the mouse. Jour nal of Biological Chemistry. v. 283, n. 43, p. 29.447-60. 24 oct. 2008.

“Si nous parvenons

à combattre

l’angiogenèse,

nous aurons une

arme de plus pour

lutter contre le

cancer», déclare

Ricardo Giordano

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Hors de contrôle

Une inflammation déclenchée par la septicémie affecte le cœur

Salvador Nogueiraillustrations Laura Daviña

Publié en juin 2010

[ imUnologie ]

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Défendre l’organisme contre lui-même quand d’un geste désespéré il s’attaque à ses cellules est le défi principal des médecins dans les cas de septicémie, une infection généralisée pro-voquée par une bactérie ou un virus et accom-pagnée d’une inflammation agressive contre les organes qu’il devrait protéger. En évaluant

l’état de santé de patients atteints de septicémie – un problème qui concerne chaque année 18 millions de personnes dans le monde –, des médecins brésiliens et étrangers ont constaté que le risque de mort augmen-tait considérablement quand l’organe le plus touché est le cœur : le taux de décès s’élève à 80 % si le muscle cardiaque est affecté et qu’il pompe avec difficulté du sang riche en oxygène pour le reste du corps, contre 20 % en l’absence d’atteinte cardiaque.

Des chercheurs de l’Université de São Paulo (USP) à Ribeirão Preto sont allés plus loin. En analysant le cœur de personnes et d’animaux morts de septicémie, l’équipe coordonnée par le pathologiste Marcos Rossi et le pharmacologue Fernando Cunha est parvenue à caractériser le type de lésion provoquée par l’inflam-mation des cellules cardiaques. Plus important encore : elle a découvert un moyen prometteur pour protéger le cœur et, ainsi, gagner du temps pour permettre au corps de récupérer le contrôle de la situation.

La principale avancée de l’équipe a été de voir ce qui se passe avec les cellules cardiaques à l’échelle molécu-laire. Dans des études en laboratoire avec des animaux, les chercheurs ont constaté que des molécules d’oxyde nitrique libérées lors de l’inflammation abîmaient la paroi des cellules et les rendaient plus perméables au calcium. La conséquence d’une telle altération est un surdosage de cet élément chimique qui entraîne la mort cellulaire – si la proportion de cellules affectées est très élevée, la capacité de pompage du sang par le cœur di-minue. Publiée en mars 2010 dans la revue scientifique Shock, cette découverte est d’autant plus importante qu’elle propose des solutions pour freiner le processus d’usure du cœur. Sur le marché, il existe des médica-ments qui bloquent l’absorption du calcium et qui sont utilisés pour contrôler la pression artérielle et réguler le rythme cardiaque.

À l’heure actuelle, le groupe de Cunha et Rossi évalue – en partenariat avec des chercheurs de l’Albert Einstein College of Medecine de New York – la capacité de ces médicaments à maintenir le corps en fonctionnement quand ils sont prescrits en cas de septicémie. L’étude est encore en cours, mais les résultats préliminaires sont très encourageants. Dans l’une des expérimentations, les chercheurs ont administré des composés empêchant l’absorption de calcium – lesdits bloqueurs de canaux calciques – à des souris atteintes d’une perforation

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48 n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n PESQUISA FAPESP

intestinale et d’une infection généra-lisée. Ils ont ensuite comparé ce qui se passait entre un groupe d’animaux atteints de septicémie non traitée et un groupe de rongeurs sains.

Les bloqueurs de canaux calciques ont permis d’élever le taux de survie des souris malades. Sans le médicament, la plupart des animaux septicémiques mourraient en moins de 24 heures. Avec, ils survivaient tous au premier jour. Selon Rossi, « le taux de mortalité des animaux septicémiques ayant reçu le bloqueur d’acide calcique a été similaire à celui des souris du groupe contrôle, qui ne souffrait pas d’infection. [...] Un résultat qui nous a rempli d’espoir ».

P lusieurs tests – et sans doute des années de travail – sont encore nécessaires pour prouver que cette

stratégie est efficace et qu’elle pourra être adoptée en toute sécurité dans le quotidien des hôpitaux. Mais il est une donnée qui incite les chercheurs à l’optimisme : il sera plus simple d’uti-liser les bloqueurs de canaux calciques avec les êtres humains dans la mesure où ils sont déjà utilisés pour traiter des problèmes cardiaques. Ce nonobstant, Rossi rappelle qu’il serait prématuré de crier victoire, car les circonstances aux-quelles ont été soumis les animaux sont très différentes de celles qui concernent les patients dans les hôpitaux.

En tant que pathologiste, Rossi a effectué un grand nombre d’autopsies sur des patients morts de septicémie ; il a constaté que leur cœur avait presque toujours subi des changements radi-caux : « Le cœur d’un patient septicémi-que était différent, un peu flasque, ce qui indiquait qu’en vie il avait présenté un problème de fonctionnement ». L’analy-se du matériel obtenu avec les autopsies a effectivement montré des altérations morphologiques au niveau du muscle cardiaque. Décrites dans la revue Shock en 2007, ces altérations constituaient un portrait du moment final.

Afin de connaître le début et l’évo-lution des lésions cardiaques associées à la septicémie, les chercheurs ont dû recourir à un modèle expérimental du problème – ils ont choisi de travailler avec des souris parce que l’organisme

de ces rongeurs fonctionne de la même manière que celui de l’humain. À l’aide d’une incision sur l’intestin de l’ani-mal, des bactéries du tractus digestif atteignent la cavité thoracique et pro-voquent une infection généralisée.

Dès le départ, les chercheurs ont noté une importante modification de la structure du cœur des animaux septicé-miques : une réduction significative de la quantité de protéines responsables du maintien d’une forte union des cellules cardiaques. En analysant le tissu au mi-croscope électronique, Rossi a constaté que ces cellules, connues sous le nom de cardiomyocytes, se déconnectaient les unes des autres ; un peu comme si, au niveau cellulaire, le muscle cardiaque était en train d’être démonté.

Même si cette transformation – dé-crite dans la revue Critical Care Me-dicine en 2007 – avait lieu au niveau microscopique, le démontage entraî-nait des conséquences facilement ob-servables. Pour que le cœur batte à un rythme régulier, ses cellules doivent être fermement reliées entre elles, en vue de permettre la contraction et le relâche-ment en toute synchronie. Quand les cellules sont déconnectées, le rythme cardiaque devient irrégulier et le cœur s’arrête rapidement.

Des analyses chimiques plus so-phistiquées, par le biais d’une tech-nique (immunofluorescence) qui fait briller certaines protéines lorsqu’elles sont présentes dans un échantillon, ont renforcé la suspicion d’une déstructu-

1. Médiateurs impliqués dans la genèse de la douleur, la migration de leucocytes et dans la septicémie - nº 2007/51247-52. Septicémie et choc septique : altérations fonctionnelles et morphologiques du cœur : étude expérimentale sur des souris - nº 2004/14578-53. Évaluation in vitro de l’expression de la dystrophine sur des cardiomyocytes soumis à différents stimuli - nº 2009/53544-2

MODALITÉ

1 et 2. projet thématique3. ligne régulière de Financement de projets de recherche

COORDONNATEURS

1 et 2. sergio Henrique Ferreira – Usp/rp.3. marcos antonio rossi – Usp/rp.

INVESTISSEMENT

2 303 227,35 réaux153 565,78 réaux310 920,30 réaux

LES PROJETS

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Des molécules

inflammatoires

rendent la membrane

des cellules

cardiaques plus

perméable au

calcium, provoquant

un surdosage et une

mort cellulaire

Articles scientifiques

1. ROSSI, M.A. et al. Myocardial structural changes in long-term human sepsis/septic shock may be responsible for cardiac dysfunc-tion. Shock. v. 27 (1), pp. 1-18. janv. 2007.2. CELES, M.R. et al. Disruption of sarco lemmal dystrophin and beta-dystroglycan may be a potential mechanism for myocar-dial dysfunction in severe sepsis. Labora to ry Investigation. v. 90, pp. 531-542. fév. 2010.

lieu d’attaquer le pathogène nous pou-vons nous centrer sur l’hôte pour l’aider à lutter contre l’infection ».

Néanmoins, le contrôle adéquat de la septicémie requiert plus d’une stratégie d’action. Dans un travail récent réalisé en partenariat avec des chercheurs de l’Université écossaise de Glasgow, le pharmacologue José Carlos Alves Filho – de l’équipe de Cunha – a administré à des souris septicémiques une protéine produite naturellement par les cellules du système de défense et qui agit comme un communicateur chimique d’action anti-inflammatoire : l’interleukine 33, ou IL-33. En plus de réduire l’inflammation dans l’or-ganisme sans l’éliminer dans le foyer d’origine de l’infection, cette protéine a stimulé la migration d’un type spé-cifique de cellules de défense, les neu-trophiles – qui éliminent les bactéries de manière efficace.

Les résultats de cette thérapie ex-périmentale ont été clairs : seuls 20 % des rongeurs septicémiques traités par IL-33 sont morts, tandis que le taux de mortalité du groupe ayant reçu un composé inoffensif s’est élevé à 80 %.

Dans l’article de Nature Medicine du 16 mai où sont présentées ces données, les chercheurs suggèrent que l’effet de l’IL-33 sur les rongeurs doit aussi être observé chez les êtres humains puisque les neutrophiles sont moins actifs chez les personnes qui développent des sep-ticémies plus graves.

M oins d’un mois auparavant, le pharmacologue Fernando Spiller – autre membre de l’équipe de

Cunha et de Rossi – avait démontré que l’utilisation de sulfate d’hydrogè-ne (ou acide sulfurique (H2S), le gaz responsable de la mauvaise odeur des œufs pourris) induisait la migration de neutrophiles et d’un autre groupe de cellules de défense, les leucocytes, vers la zone initiale d’infection (voir Pesquisa FAPESP nº 146). Ce renfor-cement cellulaire a éliminé les bacté-ries et réduit à 13 % la mortalité des souris ayant reçu ce composé, contre quasiment 80 % pour ceux qui n’ont pas été traités – des données mises en avant dans l’article paru dans l’Ameri-can Journal of Respiratory and Critical Care Medicine.

Bien que prometteuses, ces avan-cées ne sont que les premiers pas d’un long parcours pour améliorer ou contrôler la septicémie, un problème de santé particulièrement grave dans les pays en développement où les res-sources sont moins élevées. Un relevé fait il y a quelques années par l’Institut Latino-Américain à l’occasion d’Étu-des sur la Septicémie a révélé que sur les 47 milliards de réaux dépensés en thérapie intensive par le système de santé brésilien, plus de 17 milliards ont été destinés au traitement de 400 000 patients atteints de septicémie, dont 227 000 sont morts. n

ration cardiaque au niveau moléculaire. Mais pas à l’intérieur des cellules. Le problème se situait à l’extérieur, dans ledit milieu extracellulaire. Les cher-cheurs de Ribeirão Preto ont souligné dans l’article publié en avril 2009 dans Laboratory Investigation que la structu-ration protéique – le complexe glyco-protéine-dystrophine (DGC), qui sert d’appui et donne forme aux cellules – semblait se dissoudre dans le cœur des animaux septicémiques.

Si ces lésions cardiaques ont réelle-ment été provoquées par l’inflamma-tion associée à la septicémie, l’augmen-tation du taux de survie des patients atteints par les formes les plus sévères peut provenir du contrôle de l’inflam-mation et des dommages occasionnés par la maladie. D’après les chercheurs, il s’agirait là d’une nouvelle approche im-portante du problème, vu qu’en général on tente seulement de combattre les agents infectieux avec des antibiotiques et des antiviraux. Et Rossi d’affirmer : « Les altérations identifiées apparais-sent comme des cibles thérapeutiques, dont la modulation pourra réduire la morbidité et la mortalité dans le cas de la septicémie ».

E t ils ne sont pas les seuls à penser de la sorte. À l’Université américaine de l’Utah, le groupe dirigé par le

cardiologue Dean Li – duquel participe le médecin brésilien Fernando Augusto Bozza de l’Institut de Recherches Cli-niques Evandro Chagas de Rio de Ja-neiro – a tenté un contrôle inusité des réactions inflammatoires découlant de la septicémie ou de la grippe aviaire. Les chercheurs ont donné aux souris un composé empêchant aux com-municateurs chimiques qui alimen-tent l’inflammation de laisser le cou-rant sanguin pour aller sur les tissus. D’après l’article paru le 17 mars dans Science Translational Medicine, ils ont ainsi réussi à réduire le niveau de lésion dans l’organisme des rongeurs. Dean Li écrit : « En bloquant les effets nocifs de l’inflammation dans l’hôte et en stabili-sant les vaisseaux sanguins, nous avons identifié une stratégie totalement dif-férente pour traiter ces infections. [...] Basiquement, nous avons montré qu’au

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Le jaguar risque de devoir s’installer dans des zones peu favorables

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des modèles mathématiques permettent de prévoir les effets du réchauffement climatique global dans le pays

brésiliens utilisant des modèles écologiques. Pour l’écologue de l’UFG, il est inutile de dé-terminer une zone de forêt à protéger si elle n’a aucune chance, dans l’avenir, d’abriter la diversité biologique que l’on souhaite main-tenir. C’est le cas du jaguar (Panthera onca), thèse de doctorat de Natália Tôrres, orientée par José Alexandre Diniz-Filho.

A l’aide de 1 053 relevés sur le jaguar de la banque de données de l’Institut Onça-pintada (Jaguar), Natália Tôrres a défini les conditions climatiques idéales pour les jaguars en se basant sur des paramètres re-latifs aux précipitations et à la température. Bien qu’ils puissent vivre dans des envi-ronnements variés, allant des forêts denses, humides et sombres du cœur de l’Amazo-nie aux régions arides de la Caatinga (forêt d’épineux), des études menées à l’aide de pièges photo et du suivi de ces grands félins montrent qu’ils préfèrent les forêts fermées proches des cours d’eau avec des tempéra-tures oscillant entre 20 et 25 degrés Celsius et des pluies durant une grande partie de l’année. Le modèle qui a ainsi passé son pre-mier test, a été élaboré en se basant sur la répartition actuelle des jaguars et a ensuite été appliqué aux conditions climatiques pas-sées. La répartition trouvée dans cet exer-cice de prévision du passé, coïncide avec les données historiques de l’époque, quand les jaguars circulaient dans pratiquement tout le Brésil, dans une zone deux fois plus grande que celle d’aujourd’hui et qu’ils marquaient l’imaginaire populaire. e

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D’ici un siècle, les changements cli-matiques vont entraîner des modi-fications profondes dans la nature et l’agriculture brésiliennes. Il est possible que le jaguar, le plus grand félin des Amériques, ne rencontre plus de zones appropriées pour

vivre en Amazonie. Le Cerrado pourrait également disparaître définitivement de la région ouest de l’État de São Paulo. Les pertes en matière de culture de soja pour-raient s’élever à 40%, ce qui représenterait un manque à gagner annuel de 4,3 milliards de réaux. Il s’agit là de certaines projections faites par des chercheurs préoccupés par les transformations climatiques et qui appar-tiennent au Groupe Intergouvernemental sur les Changements Climatiques (IPCC). Ces projections, qui permettent aux écolo-gistes et aux agronomes d’oublier un instant le présent pour se pencher sur l’avenir, sont des modèles mathématiques qui définis-sent en quelques paramètres les conditions environnementales essentielles pour cha-que espèce, et simulent les évolutions du climat en utilisant différents scénarios de concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

« Les unités de conservation actuelles peuvent s’avérer inutiles pour préserver les espèces », alerte Paulo De Marco Júnior, de l’Université Fédérale de Goiás (UFG). Il diri-ge, avec José Alexandre Diniz-Filho, le Labo-ratoire d’Écologie Théorique et de Synthèse, l’un des principaux groupes de recherche

L’avenir de la nature et de l’agriculture

Maria Guimarães

Publié en octobre 2009

[ environnement ]

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Les données de Natália Tôrres, pu-bliées à la fin de l’année 2008 dans la revue Cat News, prévoient pour les cent prochaines années une grande dimi-nution des zones les plus propices aux jaguars. En Amazonie, par exemple, ces zones idéales pourraient se limiter à une région appelée arc de déforestation, qui inclut le nord de l’État du Mato Grosso et le sud de l’état du Pará, où la pression de la culture du soja et de canne à sucre est plus grande. L’enjeu est désormais d’y trouver des zones capables de sub-venir aux besoins de ces populations de grands prédateurs et qu’elles puissent être préservées.

« Il est important de souligner que le modèle indique une présence possible de l’espèce et que ce n’est pas nécessai-rement là qu’elle se trouvera », déclare Natália Tôrres. Elle ajoutera au modèle climatique des informations plus dé-taillées comme la taille des taches de végétation. Elle prétend ainsi définir les zones prioritaires de préservation du jaguar. Une zone prometteuse se situe au sud de l’Amazonie, le long du fleuve Araguaia, qui prend sa source à la frontière du Mato Grosso et de l’État de Goiás et qui s’étend jusqu’au nord pour se jeter dans le fleuve Tocantins, à la frontière des états du Maranhão, du Pará et du Tocantins. « On trouve encore là-bas des zones bien préservées », déclare Natália Tôrres, « il s’agit d’un couloir important pour les jaguars car il relie l’Amazonie et le Cerrado ». Il coïncide avec une partie de la zone qui devra être préservée pour la survie des jaguars. Cette prévision doit être encore amé-liorée par des analyses plus détaillées. Le climatologue Carlos Nobre, de l’Institut National de Recherches Spatiales (Inpe), est surpris de voir que le modèle n’in-dique pas la présence de jaguars dans l’ouest de l’Amazonie. « Tous les mo-dèles prévoient qu’il y aura là des forêts denses et humides », affirme-t-il.

La chercheuse sait pertinemment que le jaguar est capable de vivre dans des environnements très variés. La di-minution de ces zones ne signifie donc

pas nécessairement la disparition de ces félins. « Les changements climatiques ne devraient pas affecter leur réparti-tion générale, mais si la qualité de l’en-vironnement devait avoir un effet sur l’abondance des animaux, cela serait préoccupant pour le maintien de ces populations ». Elle cherche maintenant à réunir des informations pour suggérer des zones de préservation qui devront nécessairement tenir compte de la taille des zones restantes, les grands préda-teurs ont besoins de beaucoup d’espace pour avoir des ressources suffisantes.

Les amphibiens, plus sensibles aux conditions environnementales et moins mobiles, sont de bons indicateurs de l’état des forêts. « Ils dépendent de la température et de l’humidité du milieu, c’est pour cela qu’ils sont limités à leur environnement », déclare João Giova-nelli, de l’Université Publique Pauliste (Unesp) à Rio Claro. Il a utilisé des modèles écologiques pour analyser la répartition future des amphibiens de la Forêt Atlantique comme celle des gre-nouilles qui ne vivent que sur le haut des montagnes et d’une rainette avec des habitudes plus variées.

E n considérant un scénario pour 2100 avec deux fois plus de gaz carbonique (CO2) qu’à l’époque

préindustrielle (une des possibilités prévues par d’autres chercheurs), cer-taines espèces de petites grenouilles do-rées du type Brachycephalus, de la taille du gros orteil, peuvent disparaître. Elles ne vivent que dans les zones humides et sur les hauteurs de la Forêt Atlantique où l’élévation de la température pour-rait modifier le régime des brouillards et éliminer ainsi une grande partie de ces forêts qui ne pousseraient plus qu’à des dizaines ou des centaines de mètres plus haut si les conditions essentielles sont réunies. Même si cela devait arri-ver, le processus de migration de la forêt sera long et les minuscules grenouilles qui ressemblent à des gouttes d’or sur les feuilles qui tapissent le sol de la forêt pourraient, pendant ce temps, perdre

leur milieu. Les Brachycephalus peuvent perdre plus de la moitié de leur milieu et diverses espèces peuvent disparaître, conformément au chapitre du livre; La biologie et les changements climatiques au Brésil, écrit par le groupe de l’Unesp, dont fait partie le zoologue Célio Had-dad, édité par Marcos Buckeridge, de l’Université de São Paulo, et publié l’année dernière par la maison d’édi-tion RiMa.

João Giovanelli montre également que certaines espèces s’en sortiront mieux que d’autres. La grenouille Hypsiboas bischoffi, par exemple, peut profiter des périodes de froid moins intenses dans certaines zones du Rio Grande do Sul et augmenter ainsi sa zone de répartition de 57%.

Environnements mobiles – Le mo-delage écologique peut aider à prévoir le destin d’écosystèmes entiers. C’est ce que fait le groupe de Carlos Nobre. « Nous définissons le biome grâce à un ensemble de paramètres climatiques qui considèrent l’humidité du sol, les tempéra tures, l’évapotranspiration des plantes et la résistance au feu, entre autres », explique le climatologue. Le groupe estime, par exemple, qu’à la fin de ce siècle, l’Uruguay, aujourd’hui très froid, pourrait abriter la Forêt Atlanti-que. Les résultats, publiés en 2007 dans le Geophysical Research Letters, indiquent également que seules des plantes adap-tées aux conditions de la savane, résis-teront dans certaines régions de l’Ama-zonie. « Le modèle ne permet cependant pas de parler de migration des biomes qui est un processus écologique très lent et très complexe », déclare-t-il.

La botaniste Marinez Siqueira, du Jardin Botanique de Rio de Janeiro, a basé sa thèse de doctorat, orientée par Giselda Durigan, de l’Institut Forestier de l’État de São Paulo, sur l’effet des changements climatiques sur les arbres du Cerrado, végétation typique du cen-tre du Brésil. Ce travail a débouché sur un article publié en 2003 dans la revue Biota Neotropica, où Marinez Siqueira

Il est inutile de protéger une zone de forêt si elle a peu de chances dans

l’avenir d’abriter la diversité biologique que l’on souhaite maintenir

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modélise la répartition de 162 espèces d’arbres sur 50 ans et qui indique une réduction drastique de la zone occupée par la plupart d’entre eux. Les condi-tions idéales pour le Cerrado doivent se déplacer vers le sud de la région de cet écosystème, pour arriver près de la frontière des états de São Paulo et du Mato Grosso do Sul.

Marinez Siqueira détaille mainte-nant ce qui devra se passer à São Paulo, comme elle l’a déjà fait lors de la Confé-rence Internationale sur l’Informati-que de la Biodiversité qui s’est tenue à Londres. Sur des projections élaborées pour 2020 et 2080, elle montre que les conditions climatiques idéales pour le Cerrado devront se déplacer vers l’est de l’état, près de la Serra do Mar, qui abrite actuellement la Forêt Atlanti-que. « Mais cela ne veut pas dire que le Cerrado va envahir les zones de Forêt Atlantique ».

En effet, la répartition des espèces au niveau régional n’est pas seulement défi-nie par le climat. « Les températures et les précipitations seules, ne conditionnent pas la présence d’espèces dans le Cer-rado », déclare la chercheuse du Jardin Botanique carioca. Les espèces présentes dans une région déterminée dépendent en partie de la capacité de rétention de l’eau par le sol. Il s’agit d’une catégorie de données qui n’a pas été considérée dans les modèles qu’elle a utilisés. La prochaine étape sera d’y remédier.

Des modèles plus complets aideront à imaginer l’avenir des oiseaux du Cer-rado. L’écologue Miguel Ângelo Ma-rini, de l’Université de Brasilia (UnB), a dirigé une étude qui a réalisé des projections sur l’avenir de 26 espèces d’oiseaux en 2030, 2065 et 2099. Selon les résultats publiés en juin sur le site du Conservation Biology, la plupart de ces oiseaux devrait se déplacer d’en-viron 200 kilomètres vers le sud-est, justement la région la plus urbanisée du pays. Dans l’État de São Paulo, par exemple, on estime qu’il reste moins de 1% du Cerrado original. « Il ne suffit pas que le climat soit bon pour les oiseaux si la végétation du Cerrado tarde à arri-ver », déclare Marini, qui entrevoit une réduction des zones occupées par tou-tes les espèces étudiées, ce qui raréfiera encore plus les oiseaux qui ont déjà une zone de répartition limitée. Il a montré, en analysant ces zones, dans un article publié dans la revue Biological Conser-vation, que les oiseaux du Cerrado sont déjà peu protégés aujourd’hui et qu’ils le seront encore moins dans l’avenir. « Nous sommes en train d’identifier de possibles endroits destinés aux unités de conservation dans des région de l’État du Minas Gérais où le climat ac-tuel coïncidera à celui d’ici 50 ans ».

Il est essentiel de planifier la pré-servation en regardant l’avenir, il se peut que les zones qui ont été définies comme prioritaires pour l’État de São

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Paulo durant un workshop de spécialis-tes en 2007, n’aient plus les conditions climatiques nécessaires pour abriter le Cerrado en 2080, selon les projections de Marinez Siqueira. « Les zones du Cerrado qui existent déjà dans la ré-gion est de l’état ont acquis une grande importance », affirme-t-il. C’est le cas des enclaves de Cerrado du Vale do Pa-raíba, dans la partie nord de l’État de São Paulo, situées entre la Serra do Mar et la Serra da Mantiqueira, région déjà très modifiée par l’activité humaine et où il reste peu de fragments de végé-tation native. Marinez Siqueira estime que cela vaut quand même la peine d’y établir des zones de préservation.

Risque calculé – Les mêmes princi-pes peuvent aider à planifier la culture des principales denrées brésiliennes. C’est ce que l’Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole (Embrapa) a fait en partenariat avec l’Université Publique de Campinas (Unicamp), l’Inpe et le soutien de l’Ambassade de Grande-Bretagne. Selon un article paru l’année dernière, coordonné par l’ingénieur agronome Hilton Silveira Pinto, de l’Unicamp, et l’ingénieur agri-cole Eduardo Assad, de l’Embrapa, le réchauffement global entraînera déjà en 2020 une perte annuelle de 7,4 mil-liards de réaux en matière de récolte de grains, si rien n’est fait. Ce chiffre pourrait s’élever à 14 milliards de réaux

Cerrado: un climat chaque fois moins propice dans la région centrale

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annuel en 2070. Le rapport s’est attaché à analyser les endroits qui offriront les conditions climatiques idéales pour les cultures les plus représentatives du Brésil. La totalité de ces cultures basées sur le coton, le café, la canne à sucre, les haricots, le tournesol, le manioc, le maïs et le soja, correspond à 86% de la zone plantée dans le pays.

Le groupe a considéré deux scéna-rios. Le plus pessimiste considère une augmentation de la température se si-tuant entre 2°C et 5,4°C jusqu’en 2100, ce qui est plausible si rien n’est fait pour réduire les émissions. Le scénario le plus optimiste prévoit une augmentation de la température se situant entre 1,4°C et 3,8°C jusqu’en 2100, du moment que la croissance de la population humaine se stabilise, que les ressources naturelles soient préservées et que les émissions de gaz à effet de serre diminuent. « Si le Brésil reste stable dans l’inaction », ironise Hilton Pinto, « les préjudices se-ront les suivants »: les pertes en matière de production de soja, qui est la culture qui souffrira le plus, peuvent dépasser 7 milliards de réaux annuels en 2070, accompagnées de la disparition des zo-nes cultivables, principalement dans la Région Sud et dans le Cerrado nordes-tin. Avec une température inférieure à 10°C les plantes ne poussent prati-quement plus, et avec une température supérieure à 40°C, elles ne fleurissent plus normalement et ont tendance à perdre leurs grains. En outre, le soja a besoin de beaucoup d’eau durant la germination et entre la floraison et la production des grains.

L es changements sont déjà en train de se produire. « Le café de l’ouest de São Paulo a migré vers le nord-

est de l’état, dans la région Mogiana», déclare Hilton Pinto. Lors de conversa-tions avec des caféiculteurs, il a constaté que de 1995 à nos jours, des vagues de chaleur ont compromis de manière exponentielle la floraison durant des mois normalement peu chauds, comme le mois de septembre, ce qui provoque l’avortement des fleurs. Les dégâts ne vont cependant pas se généraliser. «La canne à sucre aime les températu-res chaudes avec des teneurs en CO2 plus élevées », dit-il. Selon ses calculs, même en ne faisant rien pour adapter ces cultures aux nouvelles conditions

climatiques, la zone appropriée de production pourrait déjà augmenter d’environ 150% en 2020.

Le groupe est maintenant en train d’évaluer le montant que le Brésil de-vra investir pour produire des plantes adaptées aux nouvelles conditions cli-matiques. Selon l’ingénieur agronome de l’Unicamp, le coût de production de cha-que nouvelle variété s’élèvera à 1 million de réaux par an. Ces données font partie d’une nouvelle revue qui sera lancée ce mois-ci, et qui se focalise sur l’atténua-tion et l’adaptation. Comme il faut dix ans pour développer une nouvelle va-riété, l’addition s’élèvera à 10 millions de réaux pour chacune d’entre-elles.

Les projections peuvent avoir des applications directes dans la pratique, à travers le Zonage des Risques Climati-ques qui évalue les risques pour chaque culture et pour chaque commune du pays. Une probabilité de succès d’environ 80% permettra au cultivateur d’obtenir un financement. « Il s’agit d’un système qui représente 19 milliards de réaux des-tinés au financement de l’agriculture fa-miliale », déclare le chercheur.

Bien que sa production soit faible au Brésil, la culture du tournesol possède un grand atout en termes de superfi-cie, d’environ 4,4 millions de kilomè-tres carrés. Cette superficie devrait être réduite de 18% jusqu’en 2070, princi-palement dans l’agreste et le Cerrado nordestins. Cependant un fléau menace davantage ces cultures que les change-ments climatiques. Il s’agit des chenilles

du papillon Chlosyne lacinia, qui man-gent les feuilles et qui entraînent une chute de productivité pouvant atteindre 80%. Cet insecte connu au Brésil sous le nom de fléau du tournesol a été l’objet de la thèse défendue par la biologiste Juliana Fortes, de l’Université Fédérale de Viçosa, en partenariat avec Paulo De Marco. Dans sa thèse de master orientée par Evaldo Vilela, la chercheuse a utilisé un scénario qui prévoit une augmenta-tion de 2,6°C durant les 100 prochaines années. Juliana Fortes a constaté que l’élaboration du modèle en considérant l’espèce comme un tout peut déboucher sur une répartition erronée, car dans le cas de ces papillons, chaque sous-espèce est régie par des exigences environne-mentales différentes. Seule l’espèce C. lacinia saundersii, la plus répandue au Brésil, est considérée comme étant le fléau du tournesol.

Si les changements climatiques se vérifient ils peuvent être de bon augure pour le tournesol car ils doivent dimi-nuer la superposition entre la chenille et les zones appropriées à la culture des fleurs jaunes riches en huile. La thèse de master, approuvée cette année, nous met également en garde, car si la sous-espèce de chenille C. lacinia lacinia, typique de l’Amérique Centrale, est introduite au Brésil, elle pourra profiter des change-ments climatiques et s’adapter dans une bonne partie du centre et du nord-est du pays. « Si cela devait se produire, au lieu d’assister à une réduction la zone de prévalence, la possible hybridation

Le tournesol: une superficie suffisante pour échapper au climat inhospitalier et aux fléaux

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Articles scientifiques

1. MARINI, M.A. et al. Predicted climate-driven distribution changes and forecasted conservation conflicts in a neotropical savanna. Conservation Biology. 2009.2. SALAZAR, L.F. et al. Climate change con-sequences on the biome distribution in tro-pical South America. Geophysical Research Letters. v. 34. 2007. 3. SIQUEIRA, M.F. de; PETERSON, A.T. Consequences of global climate change for geographic distributions of Cerrado tree species. Biota Neotropica. v. 3, n. 2. 2003.4. TÔRRES, N.M. et al. Jaguar distribution in Brazil: past, present and future. Cat News. Autumn 2008.

de la sous-espèce lacinia avec la saun-dersii pourrait, dans l’avenir, représenter une augmentation de la zone occupée par l’espèce au Brésil », spécule Juliana Fortes, craignant ainsi de plus grands dégâts sur le tournesol.

Avenir en construction – L’utilisation de modèles est chaque fois plus répandu et peut devenir un outil essentiel pour faire face aux changements climatiques, mais ils sont encore en cours d’amélio-ration, à mesure que la connaissance avance. Il y a des dizaines de modèles différents et chacun accorde une impor-tance distincte aux différentes variables climatiques. De nombreux chercheurs appliquent plusieurs modèles pour par-venir à un consensus et élaborer ainsi les cartes de la future répartition. « Notre travail consiste à fournir des projections du climat futur », déclare le climatologue José Antonio Marengo, coordonnateur du groupe sur les changements climati-ques du Centre Scientifique du Système Terrestre, de l’Inpe. C’est dans ce centre qu’une équipe interdisciplinaire améliore constamment les modèles en insérant davantage de données et en améliorant la représentation mathématique des pro-cessus complexes qui se déroulent dans la nature. « Les modèles sont des outils mathématiques et tout modèle est incer-tain ». D’après lui, il faut tenir compte de cette incertitude pour déterminer les projections les plus fiables, y compris pour trouver des manières d’améliorer

le modèle où il ne fonctionne pas. Son équipe utilise des données et des infor-mations nationales et internationales pour développer des modèles régionaux qui fournissent davantage de détails sur le climat brésilien et d’Amérique du Sud, mais il n’a pas encore été possible d’arriver à un niveau de détail souhaité pour l’ensemble du pays. « La fiabilité des projections est relativement moindre dans le Centre-Ouest et dans le cœur de la Région Sud-Est, car certains proces-sus relatifs aux zones continentales ne sont pas encore bien représentés dans les modèles », déclare-t-il. « Le Pantanal pré-sente des difficultés encore plus grandes, car les modèles ne s’adaptent pas bien aux émissions et à la représentation hy-drologique de marais de cette taille ».

J osé Antonio Marengo indique que l’Inpe travaille avec des modèles qu’il connaît dans les moindres

détails, mais qu’il est difficile dans cer-taines régions d’obtenir des données climatologiques continues, de grande qualité et sur une longue durée, avec des relevés quotidiens qui sont néces-saires à l’étude des extrêmes climati-ques. « Si nous possédions des bases de données plus fines, nous pourrions faire des analyses plus détaillées, par exemple de l’échelle d’un bassin dans l’État de São Paulo », affirme Paulo De Marco. En outre, il faut connaître les différents modèles à fond. « Il ne suffit pas seulement d’appuyer sur un bou-

ton pour obtenir une réponse », déclare João Giovanelli. « Il faut connaître le fonctionnement du modèle et disposer d’une banque de données sur l’espèce pour savoir s’ils seront compatibles avec les questions que nous posons ».

Une autre difficulté rencontrée par les modèles est d’ordre écologique. Les endroits où une espèce existe ne sont pas nécessairement les seuls où elle pourrait exister. De même que Marinez Siqueira ne peut pas être certain que le Cerrado envahira les zones de Forêt At-lantique, les jaguars pourront bien arri-ver à vivre dans des zones moins favora-bles et les grenouilles des montagnes ne souffrirons peut être pas autant qu’on le pense face aux changements climati-ques. Selon Célio Haddad, il y a déjà des relevés qui indiquent la présence d’am-phibiens typiques du Cerrado en pleine Forêt Atlantique. Pour Paulo De Marco, ceci n’est pas problématique. « Nous faisons des projections pour l’avenir en utilisant des espèces sur lesquelles nous avons des données suffisantes pour représenter leur répartition et leur écologie », affirme-t-il. « En outre, les travaux en cours montrent que la niche écologique actuelle d’une espèce est une bonne manière de prévoir la niche future ». Ceci dans des conditions normales. L’écologue de Goiás explique que les espèces invasives, qui changent brutalement d’habitat, s’adaptent rapi-dement aux nouvelles conditions.

La connaissance acquise grâce à ces projections fiabilisent davantage les outils qui permettent de faire face aux changements environnementaux provo-qués par l’homme, tels les effets amplifiés de la déforestation, comme le montre l’article dans les prochaines pages. n

La cigale des champs: une migration vers la région Sud-Est et moins d’habitat approprié

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Une fourmi visite l’inflorescence de la plante para-tudo-do-campo ou perpétua (Gomphrena macrocephala)

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des composés volatiles contrôlent l’interaction entre les végétaux et les insectes

L’espèce ananas ananassoides du Cerrado1 est l’un des rares points rouges au milieu du gris desséché des arbres d’une réserve entourée de plantations de canne à sucre et d’eucalyptus, dans une propriété agricole de Pratânia (dans la région centrale de l’état de São Paulo). Les fleurs de couleur bleu clair et les feuilles de cette variété d’ananas libèrent des composés volatiles qui attirent colibris, abeilles et papillons en quête de nectar ou de pol-len. D’après la biologue Juliana Stahl, qui effectue une recherche dirigée

par Sílvia Rodrigues Machado et Elza Guimarães – professeurs de l’Université d’état Paulista (Unesp) de Botucatu –, « les ananas entretiennent une relation plus proche avec les colibris, mais rien n’empêche la visite d’autres animaux ». Les effluves qui parfument l’air des bois, des plantations ou des jardins sont l’illustration de batailles continues pour la survie, et montrent que les plantes ne sont définitivement pas passives. Après des millions d’années de sélection naturelle, seules se sont développées celles capables d’interagir avec les animaux et d’autres plantes en libérant des composés chimiques qui permettent la défense ou établissent des accords aux bénéfices généralement mutuels.

De l’avis de Sílvia R. Machado, « les plantes ‘manipulent’ leurs visiteurs ». Les recherches de son groupe tentent de comprendre pourquoi certaines plantes attirent des groupes spécifiques de pollinisateurs. Elles font également la lumière sur la formation de composés chimiques qui intéressent les êtres humains. Ta-tiane Rodrigues, l’une des biologues de l’équipe, a constaté que les structures sécrétrices allongées et arrondies de la tige et de la racine du copayer2 produisent une huile utilisée par les hommes pour traiter des inflammations, des blessures et des mycoses, et par les plantes contre les insectes : « Même les plantes à peine germées possèdent des cellules sécrétant l’huile qui leur permet de se protéger contre les prédateurs ». Sa collègue Shelley Favorito a identifié cinq types de glandes à la surface des feuilles du Lippia stachyoides, qui produisent des huiles à l’odeur forte pour imperméabiliser les feuilles et repousser les prédateurs.

Carlos Fioravanti, à Pratânia

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Publié en décembre 2009

[ écologie ]

1. En portugais : abacaxizEiro-do-cErrado; lE cErrado étant un typE particuliEr dE savanE latino-américainE, surtout présEnt au brésil. 2. En portugais : copaíba. arbrE dE grandE taillE.

Chimie dans l’air

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Mieux connaître ces interactions permet de définir les espèces de plan-tes et d’animaux les plus importantes pour la continuité des milieux naturels. Le croton glandulosus, un arbuste d’un mètre de hauteur qui pousse sur des ter-res abandonnées, est l’une d’entre elles. Chercheur de l’Unesp de Botucatu, Lucia Maria Paleari reste impressionnée par la diversité d’abeilles, de pucerons, de mouches, de papillons, de scarabées et de fourmis minuscules qui se gavent des sé-crétions libérées par les structures sécré-trices des racines, tiges, feuilles et fleurs. L’un de ces visiteurs est l’abeille jataí (Te-ragonisca angustula), qui se nourrit du nectar des fleurs du croton et produit un miel dont le litre peut coûter jusqu’à près de 52 euros. Pour la chercheuse, cet arbuste qui n’entre pas en compétition avec les plantes cultivables pour la lu-mière et les substances nutritives devrait être maintenu dans des zones de cultures agricoles, et non pas éliminé et méprisé comme il l’est habituellement : « le cro-ton alimente des insectes qui pourraient agir comme des ennemis naturels de nui-sances agricoles ».

Opportunité – La richesse des plantes et des animaux du pays encourage les échanges entre les chercheurs brésiliens et nord-américains. L’un des centres prévu pour abriter des collaborations internationales est l’Institut National de Science et Technologie, Centre sur l’Énergie, l’Environnement et la Biodi-versité, coordonné par José Rodrigues et Tetsuo Yamane et situé à l’Université de l’état d’Amazonas (UEA) de Manaus.

Lors de l’inauguration de l’institut en avril dernier, Jerrold Meinwald (un des pionniers en la matière) a souligné lors d’une conférence le potentiel du pays dans ce domaine : « Dotée d’une di-versité importante et très peu étudiée, la région amazonienne représente une opportunité unique pour des recher-ches. [...] Un investissement consistant du Brésil dans ce domaine pourrait pro-duire une recherche de classe mondiale et un institut qui pourrait attirer et qua-lifier des leaderships scientifiques ».

La biologue brésilienne Consuelo de Moraes, chercheuse de la Pennsylvania State University, est une des membres de ce groupe qui commence à prendre forme ; elle a montré que les messages des plantes pouvaient avoir des des-tinataires différents : « Beaucoup de chercheurs ne croyaient pas à la spéci-ficité des interactions entre les plantes et d’autres espèces ». Comme elle l’écrit

dans l’article publié en 1998 dans Na-ture, la guêpe parasitoïde Chardiochiles nigriceps distingue la composition de composés libérés par le tabac, le coton et le maïs attaqués par des chenilles des espèces Heliothis virescens et Heli-coverpa subflexa – et ne recherche que les plantes occupées par des chenilles de la première espèce.

La doctorante Clívia Possobom a renforcé cette possibilité de messages spécifiques en vérifiant qu’une plante grimpante du Cerrado, la Diplopterys pubipetala, maintient une relation très étroite avec des abeilles de la tribu Cen-tridini. Des glandes situées à la base de la fleur produisent une huile qui ne semble servir qu’aux abeilles, qui l’uti-lisent comme revêtement des nids et d’aliments pour les larves. Possobom observe : « Je ne connais aucune autre fonction de cette huile, qui ne sort que lorsque l’abeille gratte la glande ». Cette huile « peut être une sorte de récom-pense aux pollinisateurs de qui la Di-plopterys, auto-incompatible, dépend » (même s’ils ont été produits par une fleur hermaphrodite, les grains de pol-len d’une plante ne pourront germer que s’ils vont à la rencontre de struc-tures féminines de la fleur d’une autre plante de la même espèce). D’après Sílvia Rodrigues Machado, « il y a un échange, une coévolution. [...] Les Dy-plopterys et les abeilles dépendent les unes des autres ».

Des substances libérées par les plan-tes peuvent guider d’autres plantes, qui ne sont pas toujours les bienvenues. Dans un article publié en 2006 dans la revue Science, Justin Runyon, Mark Mes-cher et Consuelo de Moraes ont mon-tré que la plante parasite cipó-chumbo (Cuscuta pentagona) sélectionne des hôtes au moyen de composés volati-les et croît dans leur direction. Le ci-pó-chumbo parasite la tomate, l’alfalfa, la pomme de terre, le soja et l’oignon, mais pas le blé, qui libère des composés répulsifs contre lui. Pour Consuelo de Moraes, « après avoir germé, la cuscuta a 10 jours pour trouver une plante qui va l’héberger. [...] Comme elle n’a ni racine ni feuilles, si elle n’en trouve pas une elle va mourir ». La Cuscuta racemosa, autre espèce de cipó-chumbo, vit dans la Forêt Atlantique et doit présenter un comportement similaire. Il ne s’agit pas d’un exemple isolé, car près de

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Une abeille s’approche de la Diplopterys pubipetala en quête d’huile

Rôle des structures glandulaires du croton glandulosus dans l’interaction tritrophique

MODALITÉ

ligne régulière de Financement de projets de recherche

COORDONNATEUR

sílvia machado – unesp

INVESTISSEMENT

183 752,02 réaux (Fapesp)

LE PROJET

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4 500 espèces de plantes avec des fleurs – l’équivalent de 1 % du total – sont des parasites et vivent de l’eau et des substances nutritives extraites d’autres plantes.

Du point de vue de Jerrold Meinwald, « la signali-sation chimique est la forme de communication domi-nante dans la nature ». Le nombre de types d’interac-tions est pratiquement illimité. En plus, des fleurs ou des feuilles peuvent produire différents types de composés pendant leur croissance. Silvia Rodrigues Machado, Elza Guimarães et Elisa Gregório (Unesp de Botucatu) ont montré en 2006 que les fleurs d’un arbuste du Cerrado – Zeyheria montana – produisent des alcaloïdes qui re-poussent les visiteurs au début de leur développement, ainsi que des terpènes qui les attirent quand les grains de pollen sont prêts pour fertiliser d’autres fleurs.

Message aux autres feuilles – Selon un travail de Christopher Frost (de l’équipe de Consuelo de Moraes) publié dans Plant Physiology, près de 1000 espèces de plantes adoptent ce langage chimique. Les plantes libè-rent au moins trois types de composés qui donnent aux forêts l’odeur typique de forêt. Identifiés par les sigles z3HAL, z3HOL et z3HAC, ils envoient des réponses contre les parasites en induisant la libération de substan-ces au goût désagréable. En 2008, Consuelo de Moraes et son équipe ont décrit dans New Phytologist les réac-tions biochimiques au moyen desquelles la substance z3HAC, libérée par des feuilles en train d’être dévorées par des insectes, actionne la production de composés qui renforcent la défense de feuilles encore intactes d’une variété de peuplier, un arbre des régions froides. Moraes explique que lorsqu’« une feuille est attaquée, la feuille voisine se prépare pour se défendre quand elle perçoit les composés volatiles. [...] Les feuilles non reliées entre elles communiquent par l’intermédiaire de ces composés ».

Lucia Paleari a choisi de présenter ces interactions de manière plus émotionnante et proposé en novembre 2008 une exposition sur le croton à un groupe d’étu-diants de l’Unesp de Botucatu. D’après elle, 2 000 en-fants, jeunes et professeurs des enseignements primaire et secondaire ont pu faire connaissance avec la plante et ont été impressionnés par les modèles immenses de têtes et les photos agrandies d’insectes exposés au gym-nase d’une école de Botucatu : « Ils se sont demandés comment les insectes pouvaient avoir autant de structu-res sur la tête, et comment une plante qu’ils appelaient buisson avait tant d’atouts intéressants et était capable d’attirer autant de petits animaux différents. [...] Nous avons appris à regarder plus calmement ». n

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des insectes copulent sous les fibres de la plante paineirinha-do-cerrado (Eriotheca gracilipes)

Articles scientifiques

1. FROST, C.J. et al. Plant defense priming against herbivores: getting ready for a different battle. Plant Physiology. n. 146, p. 818-24. 20082. RODRIGUES, T.M. & MACHADO, S.R. Developmental and structural features of secretory canals in root and shoot Wood of Copaifera langsdorffii Desf. (Leguminosae Caesalpinioideae). Trees. n. 23 (5), p. 1013-18. 2009

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Lumières vivantes

Dans le film d’animation 1001 pattes, l’éclairage interne de la fourmilière est entièrement réalisé avec des champignons lumineux. « Il y a certes un peu de licence poétique dans la création, mais en essence c’est vrai », observe Cassius Stevani de l’Institut de Chimie de l’Université de São Paulo (USP). De fait, il existe des champignons bioluminescents qui émettent de la lumière, et nombre de fourmis en cultivent dans leurs

terriers – mais pas de ce type. Stevani tente de comprendre le méca-nisme chimique qui produit cette luminosité ainsi que sa fonction dans l’organisme. En cours de route, il a déjà rencontré une utilisation pratique : détecter une contamination du sol par des métaux.

En 5 ans seulement, Stevani et ses collègues ont découvert 12 espèces de champignons luminescents au Brésil. Parmi elles, l’espèce amazo-nienne Mycena lacrimans, trouvée par Ricardo Braga-Neto de l’Institut National de Recherches de l’Amazonie (Inpa) ; ou encore l’espèce qui ressemble à un parapluie à l’envers et naît à la base de certains palmiers (piaçava ou babaçu) dans l’état du Piauí. Dans un article qui a fait la une de la revue Mycologia en mars 2010, Stevani et le biologue nord-améri-cain Dennis Desjardin, de l’Université d’État de São Francisco, Californie, indiquent qu’il existe 71 espèces connues dans le monde. Mais d’après le chimiste, « il doit exister beaucoup d’autres espèces, [ ...] qui n’ont pas encore été décrites parce qu’elles sont difficiles à trouver ; peu de gens parcourent la forêt sans lampe de poche les nuits sans lune ».

Avant 2002, on ne connaissait pas encore de champignons biolu-minescents au Brésil. Il y avait bien l’espèce Agaricus phosphorescens

Publié en février 2010

[ biochimique ]

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Lumières vivantes le mécanisme qui fait briller des champignons donne lieu à une méthode de détection d’une contamination | Maria Guimarães

Pleurotus gardneri : redécouvert dans l’état du Piauí

(rebaptisée ensuite Pleurotus gardne-ri), décrite au XIXe siècle par l’Anglais George Gardner, mais aujourd’hui les mycologues remettent en question cet-te classification parce qu’elle se basait sur des espèces similaires en Europe. L’erreur fut difficile à corriger, car le seul échantillon préservé se trouvait dans un herbier en Angleterre.

Un champignon qui semble être de la même espèce a récemment été ren-contré à la base d’un palmier piaçava par la primatologue nord américaine Dorothy Fragazy, un jour où elle a ter-miné plus tard que d’habitude sa jour-née d’observation de singes dans l’état du Piauí. Fascinée, elle a montré des photos à un autre américain du Jardin Botanique de New York. Celui-ci a alors contacté Dennis Desjardin, considéré par ses pairs comme l’un des plus grands spécialistes en matière d’identification de ces organismes. Desjardin a ensuite prévenu Stevani, qui

a aussitôt découvert sur Internet que Dorothy Fragazi était au Brésil pour travailler en collaboration avec la pri-matologue brésilienne Patrícia Izar, de l’Institut de Psychologie de l’USP. Ces données en main, il l’a immédiatement contacté pour tenter de connaître l’em-placement du champignon. Une de ces histoires du hasard, dont les informa-tions ont couru le monde avant d’arri-ver quasiment au même endroit.

Et ça a marché : Marino Gomes de Oliveira, le propriétaire du terrain où travaillaient les deux primatologues, a séché au soleil et envoyé à Stevani 4 ki-logrammes de champignons lumineux. Désormais, les chercheurs sont sur le point de corriger l’identification grâce à l’examen détaillé des champignons par les mycologues (spécialistes en cham-

pignons) Marina Capelari (Institut de Botanique de São Paulo) et Dennis Desjar-din. Ce dernier s’est consacré à l’exploration de forêts peu

connues dans le monde, y compris au Brésil. Il signale que les extraordinaires efforts faits par son groupe ont permis plusieurs découvertes : « Dernièrement, j’ai dirigé une expédition sur une île de la Micronésie dans l’Océan Pacifique, où les champignons n’avaient jamais été inventoriés ; sur les 128 espèces rencon-trées, sept étaient luminescents ». Et de préciser que les champignons lumineux restent minoritaires parmi toutes les variétés existantes.

De l’avis de Dennis Desjardin, le Brésil est prometteur parce qu’il pos-sède une immense zone forestière dont les champignons n’ont pas encore été étudiés : « Nous en savons encore très peu sur les champignons brésiliens, donc nous espérons rencontrer un grand nombre de nouvelles espèces, lu-minescentes ou non ». Il explique aussi que pour trouver des champignons lu-mineux, il faut avoir cela en tête. La majorité des mycologues qui étudient la diversité de champignons les décri-P

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vent pendant la journée (ils émettent aussi de la lumière, mais le chercheur ne la voit pas) et les sèchent immédia-tement pour les préserver ; en réalité, il faut d’abord les exa-miner dans le noir pour voir s’il y a luminescence, et seulement après les sécher. « Pour cette raison, je pense que plusieurs champignons tropicaux sont sans doute luminescents, mais nous ne nous en sommes pas encore rendus compte ».

Même s’ils sont encore peu connus, on a commencé à en parler il y a très longtemps. Le philosophe de la Grèce antique Aristote a été le premier à relater le phénomène il y a plus de deux mille ans, en décrivant une lumière vive qui était différente de celle du feu. Néan-moins, les études scientifiques sur ce sujet n’ont débuté que dans les années 1950, et c’est seulement maintenant qu’elles commencent à contribuer à la compréhension de la bioluminescence de ces organismes spécialisés dans la décomposition du bois et d’autres types de matière organique.

Signalisation – L’intérêt de Stevani pour les champignons est né de son tra-vail antérieur sur les lucioles et autres insectes. Lors d’un voyage effectué en 2002 pour recueillir du matériel avec Etelvino Bechara – spécialiste renom-mé en bioluminescence des lucioles et aujourd’hui professeur de l’Université Fédérale de São Paulo (Unifesp) –, il

a profité de l’occasion pour rechercher les champignons dont lui avait parlé son col-lègue. Et il a trouvé : tandis qu’il fixait une zone de vé-gétation humide plongée dans l’obscurité et jouxtant

une cascade (au milieu du Cerrado, dans l’état du Mato Grosso do Sul), il a aperçu une lumière verte différente, constante et non pas clignotante com-me celle des lucioles.

Il s’agissait de champignons. Cette découverte a donné naissance à son projet de recherche, débuté en 2002 avec le soutien de la FAPESP dans le cadre du Programme Jeune Chercheur. Mais avant même que la recherche ne commence, des preuves sont apparues pour montrer que les champignons lumineux ne se trouvaient pas seule-ment dans l’état du Mato Grosso do Sul. Durant un travail de terrain dans le Parc d’État Touristique de l’Alto Ribeira (Petar), situé au sud de l’état de São Paulo, l’écologue João Godoy – aujourd’hui professeur de la Faculté d’Ingénierie de São Paulo – a été em-mené par son guide vers un champi-gnon lumineux. Surpris, il en a informé son ami chimiste qui a pu ainsi concen-trer ses activités au sein du Petar, plus proche de son laboratoire.

Certaines de ces espèces sont en train d’aider à dévoiler les minuties de la bioluminescence des champignons. Stevani bénéficie de l’assistance de trois doctorants financés par la FAPESP. À

Mycena luxaeterna : lumière concentrée sur les pédicules, ou stipes

1. Étude de la bioluminescence de champignons et ses applications en chimie environnementale2. Bioluminescence et activité pharmacologique de champignons

MODALITÉ

1. ligne régulière de Financement de projets de recherche 2. Jeune chercheur

COORDONNATEUR

cassius stevani – iq/ usp

INVESTISSEMENT

1. 328 413,09 réaux2. 457 741,18 réaux

LES PROJETS

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PESQUISA FAPESP n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n 63

Mycena fera : des champignons qui brillent tout le temps, mais qui ne sont vus que dans le noir

travers des essais chimiques exhaustifs, le doctorant Anderson Oliveira a analy-sé trois espèces de la Forêt Atlantique du Petar – Gerronema viridilucens, Mycena lucentipes et Mycena luxaeterna – ainsi que « pleurotus » gardneri, rencontré dans la municipalité de Gilbués (état du Piauí). Les résultats ont été publiés dans un article paru en 2009 dans la revue Photochemical & Photobiological Sciences. Ils montrent que le mécanisme de production de lumière est similaire à celui observé chez les lucioles et les bac-téries bioluminescentes : des enzymes appelées luciférases oxydent une subs-tance – ou un substrat, dans le langage des chimistes – connue sous le nom de luciférine, qui libère de l’énergie sous forme de lumière.

Oliveira a utilisé ce qu’il y a de plus moderne dans les laboratoires de chimie, cependant la base de l’essai pour caractériser la réaction enzyma-tique date de plus d’un siècle. En 1885, le physiologiste français Raphaël Du-bois a écrasé les organes lumineux de la luciole Pyrophorus avant de les mé-langer avec de l’eau froide. La solution a émis une sorte de lumière verte, qui a disparu peu à peu. Il en a conclu que cela provenait de la luciférine consu-mée par la réaction chimique. Puis il a chauffé une solution identique pour désintégrer les enzymes présentes, sen-sibles à la chaleur. Le mélange des deux solutions – la froide ne contenait plus que des enzymes sans luciférine, et la chaude seulement de la luciférine – a

produit une émission de lumière. Cette histoire est racontée dans le livre Biolu-minescence, publié en 2006 par le phar-macien japonais Osamu Shimomura, chercheur au Laboratoire Biologique Marin de Woods Hole, États-Unis.

Shimomura a gagné le Prix Nobel de Chimie en 2008 pour ses études sur la bioluminescence : il a isolé sur des méduses la protéine fluorescente verte (GFP), qui montre l’activité de gènes spécifiques quand elle est accouplée à l’ADN d’un organisme étudié en la-boratoire. La protéine lumineuse est

devenue essentielle dans de nombreux laboratoires de génétique. Une aspira-tion qui n’est pas éloignée des recher-ches de Stevani dans la mesure où les mécanismes de bioluminescence sont similaires, y compris entre des organis-mes très différents.

Mais cela ne signifie pas que les compositions chimiques de la luciféri-ne et de la luciférase soient identiques chez les insectes et les champignons. Stevani explique que « luciférine est le nom donné à tout substrat qui produit de la bioluminescence, mais

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les luciférines d’organismes distincts peuvent être des molécules totalement différentes ». Tous les champignons déjà étudiés par son groupe émettent cependant de la lumière par l’inter-médiaire des mêmes substrats et des mêmes enzymes, ce qui fait penser à une origine commune à tous. Mais tous les champignons bioluminescents ne sont pas des parents proches, pré-vient Desjardin : « Aujourd’hui, nous savons qu’il existe quatre lignages de champignons avec des espèces biolu-minescentes, néanmoins elles n’ont pas toujours un lien de parenté pro-che entre elles. [...] Certaines espèces de Mycena s’apparentent plus à des espèces non lumineuses qu’à d’autres du même genre ».

Le groupe de l’USP s’attaque désor-mais à la structure de la molécule, afin de comprendre pourquoi de minuscu-les champignons – parfois seulement de 0,5 cm de circonférence – se collent tels des adhésifs phosphorescents sur le tronc d’un arbre ou se répandent au milieu du feuillage qui recouvre le sol de la forêt. Au contraire des cham-pignons qui produisent leur propre lumière, les adhésifs phosphorescents emmagasinent la lumière ambiante pour pouvoir briller la nuit, à l’exemple des constellations qui ornent les pla-fonds des chambres d’enfants de tous âges. Pour l’instant, Oliveira a réussi à séparer de l’extrait de champignon une solution qui contient de la luciférine – elle brille quand elle est mélangée à une solu-tion enzymatique. Mais la concentration de la substance doit être très faible, parce que

le chimiste Antonio Gilberto Ferreira, de l’Université Fédérale de São Carlos (UFSCar) n’est pas parvenu à la dé-tecter avec l’imagerie par résonance magnétique nucléaire des protons. Stevani pense qu’« il faut extraire une plus grande quantité ou utiliser un équipement plus sensible ».

Le chimiste de l’USP s’est lancé dans cette entreprise par pure curio-sité scientifique, mais il estime qu’il est essentiel de découvrir des utilisations pratiques capables de servir aux autres chercheurs et à la société. Il semble

sur le bon chemin : dans un article à paraître dans En-vironmental toxicology and Chemistry, Luiz Fernando Mendes, autre doctorant di-rigé par Stevani, montre que

la lumière des champignons Gerronema viridilucens peut aider à détecter des niveaux élevés de contamination du sol par des métaux divers.

Capteurs biologiques – Mendes cultive les champignons dans des plaques en verre de 35 millimètres de diamètre, sur une substance gélatineuse à base d’algues agar-agar, le milieu de culture le plus commun dans les laboratoires biologi-ques. Après une croissance de 10 jours, les champignons sont encore en phase de développement. À cette étape, ils sont composés de filaments microscopiques, les hyphes, qui représentent la plus grande partie du cycle de vie de n’importe quel champignon ; et chez certaines espèces, ils produisent aussi la lumière verte. Le chercheur mesure la luminosité émise

Branches recouvertes d’hyphes invisibles à la lumière du jour

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PESQUISA FAPESP n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n 65

par chacune de ces plaques et y dépose un petit échantillon d’extrait de sol à ana-lyser. Après 24 heures dans une cham-bre climatique, le champignon se met à émettre moins de lumière si l’échantillon est contaminé – un résultat interprété par les chimistes comme une forme de nuisance envers l’organisme.

Mendes a obtenu des graphiques qui représentent l’intensité de la lu-mière émise en présence de différentes concentrations de 11 métaux distincts – calcium, sodium, magnésium, cad-mium, cobalt, manganèse, potassium, lithium, zinc, cuivre et nickel – et indi-quent la toxicité de l’échantillon analysé. Ce travail a déjà donné lieu à l’enregis-trement d’un brevet au Brésil sur l’utili-sation des champignons dans des essais de toxicité environnementale. Il suffit de mesurer l’intensité de la lumière qui émane du champignon pour estimer la quantité de ces métaux sous une forme qui peut être absorbée et utilisée par les êtres vivants. D’après Stevani, « il ne s’agit pas de mesurer la concentration totale des substances chimiques, cela n’aurait aucun sens biologique ni uti-lité pratique ». Le problème c’est que le Gerronema viridilucens est peu sensible, sans doute parce qu’il vit dans le sol et qu’il s’est adapté à des conditions ad-verses. « Ce qui importe, c’est que le bioessai fonctionne », ajoute Stevani. « À présent, il faut trouver des espèces plus sensibles et qui puissent être testées de la même manière ».

Stratégies – Parce qu’elle consomme de l’oxygène dans ses réactions chimi-ques, la bioluminescence pourrait jouer un rôle antioxydant qui proté-gerait les champignons et autres or-ganismes, voire les lucioles, d’espèces réactives produites à partir de l’oxygè-ne consommé pendant la respiration. Cette protection de l’organisme est une des explications possibles des bénéfi-ces à émettre de la lumière au milieu de la forêt. Mais le groupe a montré qu’en cas de stress oxydatif intense l’or-ganisme des champignons privilégie des réactions plus spécialisées et éteint la luminescence. C’est en tout cas ce que décrit le travail pas encore publié d’Olívia Domingues, autre doctoran-te de Stevani. Elle s’est aperçue qu’en présence de fortes concentrations de métaux les cellules préfèrent utiliser la coenzyme NADPH pour produire du glutathion réduit, qui évite l’ac-tion délétère des métaux. Et comme le glutathion se bat contre les enzymes productrices de luminescences pour disposer de ressources, le champignon s’éteint peu à peu. C’est pour cette rai-son que les champignons du bioessai de Mendes perdent leur luminosité sur un sol contaminé par des métaux.

Les résultats d’Olívia Domingues permettent d’expliquer pourquoi les champignons bioluminescents sont utiles en tant que bioessai de toxicité, cependant ils n’élucident pas le bénéfice que peut apporter la lumière verdâtre.

Stevani soulève des hypothèses écologi-ques, avec à l’appui des photographies de mouches posées sur des champi-gnons. Peut-être que la lumière verte aide à attirer des insectes, de la même manière qu’une ampoule allumée fait venir vers elle des insectes en tout genre. Annoncer sa présence aux affamés du coin peut paraître une stratégie désa-vantageuse, mais la fonction pendant le cycle de vie des champignons est éphémère, tout comme les fruits des arbres : quand un animal mange une partie du champignon, il emmène avec lui des spores, ces structures microsco-piques qui vont générer de nouveaux champignons s’ils sont déposés dans des endroits propices. Ou alors la lu-mière est peut-être destinée à signaler le danger dans le cas des champignons toxiques, comme cela se passe avec les animaux venimeux aux couleurs cha-toyantes. « Ce qui est peu probable », conclut Stevani sur le ton de la plaisan-terie, « c’est que la bioluminescence des champignons serve à éclairer des four-milières où à signaliser les vols, comme dans 1001 pattes ».

Les découvertes du chimiste mon-trent clairement que plusieurs mystères resteront cachés parmi les feuillages tant qu’il n’y aura pas plus de biologues et de chimistes prêts à éteindre leur lanterne pour contempler l’obscurité de la forêt, parfois parsemée de couleur verte. n

Articles scientifiques

1. DESJARDIN, D. et al. Luminescent Mycena: new and noteworthy species. Mycologia. À paraître2. MENDES, L.F. & STEVANI C.V. Evaluation of metal toxicity by a modified method based on the fungus Gerronema viridilucens bioluminescence in agar medium. Environmental Toxicology and Chemistry. v. 29, p. 320-26. 2010.3. OLIVEIRA, A.G. & STEVANI, C.V. The enzymatic nature of fungal bioluminescence. Photochemical & Photobiological Sciences. v. 8, p. 1416-21. Octobre 2009

Mycena asterina : luminescence restreinte au chapeau des champignons

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[ PHYSIQUE ]

La formule de l’enchevêtrement

Un groupe de Rio de Janeiro propose une équation décrivant la réduction du phénomène quantique sous l’influence du milieu

Marcos Pivetta

mulent et démontrent expérimentale-ment une loi décrivant la dynamique de l’entrelacement.

Dans le langage du commun des mortels, les physiciens de Rio de Ja-neiro ont créé une équation générale qui leur permet d’estimer avec précision et de manière simple la perte d’enche-vêtrement d’un système formé de deux particules lorsque l’une d’elles subit les effets nuisibles du milieu. Des facteurs externes à un système doté de ces ca-ractéristiques, comme l’attrition ou la température, peuvent entraîner une diminution et même une disparition de l’enchevêtrement. La nouvelle mé-thode ne nécessite pas la reconstruction de l’état final d’un système enchevêtré, une tâche difficile et aux résultats par-fois imprécis.

Davidovich, l’auteur principal de l’étude qui a compté sur la collabora-tion de deux étudiants de 3e cycle, Ca-mille Latune et Osvaldo Jiménez Farías, explique : « Jusqu’à présent, il n’existait qu’une seule équation, proposée dans un travail théorique publié en 2008 dans la revue Nature Physics pour dé-crire la dynamique de l’enchevêtrement dans un cas très particulier et idéalisé : un système dont l’état initial était to-

Publié en juin 2009

Le 20 avril 2006, une équipe du Groupe Optique Quantique de l’Institut de Physique de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ) a publié un article dans la revue sci-entifique britannique Nature,

dans lequel elle annonçait la première mesure directe de l’un des phénomènes les plus étranges et les plus fascinants du monde quantique : ledit enchevê-trement ou enlacement de particules tels que les atomes, les électrons ou les particules élémentaires de lumière, les photons. Le 27 avril 2007, les cherch-eurs brésiliens ont publié dans le maga-zine nord-américain Science un autre article important sur ce champ com-plexe d’étude de la physique ; ils y ont montré comment l’enchevêtrement, propriété essentielle pour le développe-ment d’un ordinateur quantique, peut soudainement disparaître, être victime d’une sorte de mort subite. Cette même équipe de scientifiques – composée des chercheurs Luiz Davidovich, Paulo Henrique Souto Ribeiro et Steve Wal-born – a apporté une nouvelle contri-bution importante le 14 mai 2009, avec la parution d’un travail sur le site Inter-net de Science : dans ce travail, ils for-

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lement du système global. Si le lecteur visualise deux dés enchevêtrés à la place de deux particules élémentaires, il peut mieux comprendre ce concept décon-certant de l’univers quantique. Parce qu’ils présentent une forte corrélation quand ils sont lancés, les dés donnent toujours le même résultat : la somme de leur valeur est, par exemple, de dix. Le résultat final du système est connu et facilement mesurable, cependant on ignore la combinaison numérique (cinq et cinq, sept et trois, huit et deux, ou n’importe quelle autre) qui a donné cette somme. Mais puisque les dés sont enchevêtrés, déterminer la valeur de l’un d’eux permet de découvrir auto-matiquement celle de l’autre.

D ans l’expérimentation décrite dans la revue Science, l’équipe de Davidovich a produit – au moyen

de l’émission d’un faisceau laser sur un cristal – des couples de photons enchevêtrés par rapport à un de leurs paramètres physiques : la polarisation (la direction spatiale, verticale ou hori-zontale, où vibre leur champ électro-magnétique). Autre paramètre des pho-tons, le moment (associé à leur direction de propagation, à leur parcours dans

l’espace) a agi dans l’expérimentation comme milieu extérieur au système. En produisant une interaction entre le mo-ment de l’un des photons et la polarisa-tion, les chercheurs ont observé une ré-duction du degré d’enchevêtrement du système et constaté que leur équation pouvait rendre compte de cette perte d’intrication. « Nous avons franchi un petit pas dans la compréhension de la dynamique de l’enchevêtrement, capable d’aider à construire des sys-tèmes quantiques plus robustes et plus stables », souligne Davidovich dont l’équipe fait partie de l’Institut National de la Science et de la Technologie en Information Quantique. Emmagasiner, transmettre et traiter l’information en exploitant les propriétés inusitées du monde quantique est l’un des enjeux de l’informatique du XXIe siècle. Mais il faudra encore beaucoup de recherches basiques et appliquées avant qu’un PC mû par des atomes ou des photons se matérialise dans les foyers. n

talement connu. [...] Notre équation est une généralisation de l’équation précédente et sert également pour des situations plus proches du réel, quand il existe une incertitude sur l’état initial du système ». L’influence du milieu sur l’une des particules du système enche-vêtré a été démontrée par les scienti-fiques brésiliens dans une expérience avec des photons utilisant une méthode connue parmi les physiciens sous le nom de « tomographie quantique de processus ».

Défini par Albert Einstein comme quelque chose entouré par une « action fantasmagorique à une distance », l’en-chevêtrement quantique est un phéno-mène étranger au monde de la physique classique, newtonienne, dans laquelle nous vivons. Comme par magie, elle fait en sorte qu’un ensemble de par-ticules élémentaires partage certaines caractéristiques, et ce même s’il n’y a aucune liaison physique entre elles. Le problème est qu’il n’est pas possible de déterminer les propriétés de chacune des particules enchevêtrées, mais seu-

Illustration de photons avec (lignes circulaires entières) et sans enchevêtrement

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Article scientifique

FARÍAS, O. J. et al. Determining the dynamics of entanglement. Science Express Reports, publié sur le site Internet le 14/5/2009

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Le blanc et l’argent: l’édifice élégant du Soar et son voisin Gemini Sul, au fond

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des instruments astronomiques conçus au brésil équipent le télescope soar dans les andes chiliennes

Le physicien Antônio César de Oli-veira a à peine vu la lumière du jour durant la dernière semaine de janvier. Il a travaillé durant 5 jours d’affilé dans une salle sans fenêtres avec l’astronome Flávio Ribeiro et l’ingénieur mécanicien Fernando

Santoro au sommet d’une montagne pier-reuse et sans végétation des Andes chilien-nes. Ils quittaient leur dortoir le matin et suivaient une piste étroite et poussiéreuse de trois kilomètres pour ne revenir que tard dans la nuit, quand d’innombrables étoiles illuminaient le ciel. Il n’y avait que peu de temps et beaucoup de choses à faire. Avec le concours des techniciens chiliens, ils ont connecté l’équipement astronomi-que le plus complexe fabriqué au Brésil, au télescope de l’Observatoire Austral de Recherche Astrophysique (Soar), situé près de la ville de Vicuña, au nord du Chili. Cet équipement a été fabriqué grâce à un cofi-nancement brésilien et nord-américain.

L’équipement que les brésiliens ont ins-tallé à la fin du mois de janvier est composé de 3 mille pièces et pèse environ une demi-tonne. Il s’agit d’un spectrographe qui dé-compose la lumière en différentes couleurs (spectres), certaines invisibles à l’œil nu comme l’ultraviolet et l’infrarouge. Dans cet appareil, la lumière des astres proches ou distants explose en une multitude de couleurs irisées proportionnelles à la com-position chimique de l’objet observé.

Cet appareil, unique en son genre de part ses innovations technologiques, est arrivé à l’observatoire de Cerro Pachón le 10 décembre après avoir voyagé, du-rant trois mille cinq cent kilomètres, par voies aérienne et maritime depuis son dé-part des ateliers du Laboratoire National d’Astrophysique (LNA) à Itajubá, dans l’état de Minas Gérais. L’une des caracté-ristiques de ce Spectrographe de Champ Intégral du Soar (Sifs) est de pouvoir fractionner l’image d’un objet céleste en

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Ricardo Zorzetto, à Cerro Pachón

Publié en mars 2010

[ astronomie ]

Cap sur les étoiles

technologie

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1 300 parties égales et d’enregistrer en même temps la totalité de leurs spectres. Dans quelques mois, quand le Sifs exploitera son plein potentiel, il permettra, par exemple, d’évaluer la composition chimique de 1 300 points d’une galaxie en quelques minutes et en une seule fois, contrairement aux opérations habituelles qui jusqu’à présent demandaient des centaines de mesures distinctes.

« Pour les astronomes, cela repré-sente beaucoup d’informations », ex-plique le physicien Clemens Gneiding durant l’étape finale du montage du Sifs dans les laboratoires du LNA, au mois d’octobre, et avant d’embarquer pour le Chili. Ce spectrographe a été également projeté pour obtenir une très haute dé-finition spatiale. « Il peut distinguer des objets très proches dans le ciel, séparés par une seconde d’arc (unité de mesure de l’angle) », déclare-t-il. Concrètement, cela correspond à la taille d’un ballon de football vu à 50 kilomètres, chose incroyablement petite.

Dans l’après-midi du 28 janvier, l’équipe brésilienne s’activait et cou-rait d’un côté à l’autre dans l’édifice blanc flambant neuf du Soar qui peut être vu de loin par les passagers de certains vols qui se posent dans la ré-

gion. Ils étaient en train de terminer la connexion du Sifs avant que la se-maine ne s’achève. «Une semaine, c’est très peu pour terminer l’installation et faire les réglages nécessaires », déclare Fernando Santoro, responsable de la partie mécanique du projet.

« Le plus compliqué est d’installer le câble avec les fibres optiques qui unissent les deux parties du spectro-graphe », déclarait Antônio César de Oliveira, alors qu’il évaluait la meilleu-re manière d’installer sur la base du télescope le tube flexible de huit cen-timètres de diamètre et de 14 mètres de long contenant les fibres de verre hyperfines (la moitié d’un fil de che-veu) qui doivent conduire la lumière du premier au deuxième module de l’équipement. « Nous devons être pru-dents car ces fibres vont se déplacer de quelques centimètres pour suivre les mouvements du télescope et elles ne

doivent pas subir de tensions », expli-que le physicien spécialiste en optique et coordonnateur du Laboratoire de Fibres Optiques du LNA. Sous une forte traction, les fibres peuvent se rompre et rendre aveugle le spectro-graphe de 1,8 millions de dollars US financé par la FAPESP.

Quand le Sifs est en fonctionne-ment, la lumière recueillie par le miroir de 4,1 mètres de diamètre du Soar se concentre dans un module pré-opti-que du spectrographe, il s’agit d’une caisse noire rectangulaire de la taille d’une unité centrale d’ordinateur, ac-couplée à la base du télescope. Dans ce module, une ensemble de lentilles amplifie de 10 à 20 fois l’intensité de la lumière et la projette sur les 1 300 micro-lentilles qui, à leur tour, comme des fils électriques, la conduis jusqu’au second et plus important module de l’équipement appelé spectrographe banc et situé deux mètres plus bas dans la tour de sustentation du téles-cope. C’est là que 18 lentilles (certai-nes pouvant pivoter jusqu’à 130 degrés avec une précision d’un millième de millimètre), dispersent, alignent ou font converger les faisceaux lumineux jusqu’à ce qu’ils atteignent le capteur qui les enregistrera.

Fils de lumière: 1 300 fibres

connectent le télescope au

spectrographe Sifs

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Sans relâche: une équipe d’instrumentation du Soar ajuste l’équipement reçu en décembre

composants optiques dont le prix aug-mente en fonction de la taille. « L’utili-sation de fibres deux fois plus épaisses doublerait la taille du spectrographe », déclare l’astronome Jacques Lépine, de l’Institut d’Astronomie, de Géophysi-que et de Sciences Atmosphériques de l’Université de São Paulo (IAG-USP), premier coordonnateur du projet qui a développé le Sifs en partenariat avec Gneiding, du LNA. Dans le cas du spec-trographe, le fait de doubler la taille du deuxième module (un octogone de 70 centimètres de haut et de 2,4 mètres pour sa partie la plus large) lui donne-rait pratiquement la taille d’une per-sonne et la largeur d’une pièce comme une chambre.

L a lumière ténue des étoiles, des ga-laxies ou des planètes est déviée, ré-fléchie et perd son intensité le long

des 15 mètres séparant l’extrémité du télescope, du capteur du spectrographe. La diminution d’intensité réduit la dé-finition du spectre. Les chercheurs ont réduit cette perte de lumière en utilisant des miroirs ayant une plus grande capa-cité de réflexion et des lentilles antire-flets. Ils ont ainsi réussi à récupérer 80% à 85% de la lumière captée par le téles-cope et destinée au capteur du Sifs.

Le choix de fibres optiques si fines et si délicates a été un pari risqué pour les chercheurs brésiliens. Le noyau des fibres où passe la lumière n’a que 50 micromètres d’épaisseur (un millième de millimètre). Plusieurs groupes de recherches affirmaient à l’époque que des fibres de moins de 100 mi-cromètres provoqueraient la perte d’une bonne partie de la lumière qui devait arriver au deuxième module du spectroscope. En se basant sur les résultats obtenus par un équipement construit en Australie, l’équipe a dé-cidé de tester des fibres plus fines. Mais le risque a été bien calculé. Avant d’investir autant d’effort et d’argent dans l’équipement, ils ont construit, en collaboration avec les australiens, une version réduite du spectrographe qui fonctionne très bien depuis 2 ans au télescope de l’Observatoire du Pico dos Dias, à Brasópolis, ville de l’état de Minas Gerais, voisine d’Itajubá.

De nombreuses raisons justifiaient de telles innovations et l’une d’entre elles était économique. Plus le diamètre des fibres est petit, plus elles peuvent s’aligner entre elles avec précision à l’entrée du deuxième module de l’équi-pement. Cela permet également de ré-duire la taille des lentilles et des autres p

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1. construction de deux spectrographes optiques pour le télescope Soar – nº 1999/03744-12. Steles: spectrographes de haute définition pour le Soar – nº 2007/02933-33. Évolution et activité des galaxies – nº 2000/06695-04. nouvelle physique dans l’espace – Formation et évolution de structures dans l’univers – nº 2006/56213-9

ModALIté

1. ligne régulière de Financement de projets de recherche 2., 3. et 4. projet thématique

CoordonnAtEUrS

1. beatriz leonor silveira barbuy – iaG/Usp2. augusto damineli neto – iaG/Usp3. ronaldo eustáquio de souza – iaG/Usp4. reuven opher – iaG/Usp

InvEStISSEMEntS

1. 3 254 030,59 réaux (Fapesp)2. 1 373 456,33 réaux (Fapesp)3. 1 520 687,31 réaux (Fapesp)4. 1 926 187,91 réaux (Fapesp)

Les projets

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À l’étude depuis plus d’une décen-nie, le Sifs fera partie de la première génération d’équipements du Soar qui sera conclue en 2011, avec l’installation du quatrième et dernier équipement que le Brésil s’est engagé à fournir. « Lors de la création du consortium qui gère le télescope, le Brésil a été chargé de fabri-quer ces équipements », déclare Beatriz Barbuy, astrophysicienne de l’IAG-USP et coordonnatrice du projet Thémati-que qui a financé la construction du spectrographe.

Ce projet a nécessité 10 ans de tra-vail, allant de la conception à l’installa-tion de l’équipement, utilisant la main d’œuvre et la connaissance d’environ 20 chercheurs et techniciens hautement spécialisés. L’exécution du projet s’est également appuyée sur un partenariat inhabituel au Brésil et réalisé entre universités, instituts de recherche et entreprises privées.

« Au Brésil, il n’y avait pas de culture et d’expertise pour produire des équipe-ments de cette importance », commente Keith Taylor, astrophysicien anglais qui a coordonné le groupe d’optique de l’Ob-

servatoire Anglo-australien en Australie, et qui, depuis 2 ans, gère le développe-ment des instruments du Soar.

Le Sifs aurait été crée plus rapide-ment si le pays avait eu plus facilement accès aux matériels qui ont dû être im-portés. Une partie des retards est due aux problèmes d’importation des piè-ces, comme les lentilles de fluorure de calcium fournies par l’entreprise nord-américaine Harold Jonhson et qui ont mis neuf mois pour arriver au Brésil, au même titre que les fibres optiques achetées à l’entreprise nord-américaine Polymicro Technologies.

E n 2009, quelques mois avant que le Sifs ne soit expédié au Chili, la ca-méra Spartan, projetée et fabriquée

avec la collaboration des brésiliens, avait été connectée au Soar. Cette ca-méra est destinée à produire des images infrarouges qui sont un type de radia-tion électromagnétique perçue par les êtres humains sous la forme de chaleur et capable de traverser les gigantesques nuages de poussière interstellaire qui cachent les galaxies, les berceaux d’étoi-

La première

génération

d’équipements du

télescopene sera

conclue qu’en 2011

avec l’installation

du quatrième et

dernier instrument

que le Brésil s’est

engagé à fournir

Made in Brazil: le spectrographe Sifs, déjà installé sur le télescope, et à côté l’imageur BtFi, qui partira bientôt au chili

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l’IAG-USP, et par Miriani Pastoriza, de l’Université Fédérale du Rio Grande do Sul. La caméra Spartan fonctionne de manière expérimentale depuis sep-tembre 2009. Dans cette phase expéri-mentale, les astronomes apprennent à manipuler les équipements qui peuvent encore être ajustés et rien ne garantit que les observations soient très préci-ses. « Le Soar a été projeté pour obtenir des performances élevées avec des équi-pements ayant une qualité optique très élevée », affirme Keith Taylor.

L e Soar commence à prendre vie et à devenir indépendant, cinq ans après la construction de l’édifice et

le montage du télescope. Il recevra ce mois-ci le filtre d’image ajustable bré-silien (BTFI), dont le coût s’élève à 2,2 millions de dollars US et qui permettra d’identifier la composition chimique et de mesurer les mouvements rela-tifs internes des objets célestes. « Cet instrument sera accouplé à un modu-le qui corrige les effets de turbulence dans l’atmosphère », affirme Claudia Mendes de Oliveira, de l’USP. « Cette correction, alliée à la qualité d’image du BTFI, fournira des images d’une netteté inédite, donnant au Soar des capacités que les autres télescopes de même taille n’ont pas », déclare l’astrophysicienne qui a coordonné les équipes brésilien-nes, françaises et canadiennes qui ont construit le BTFI.

« La fabrication de ces instruments initie une nouvelle ère de l’astronomie brésilienne et donne de l’élan à l’ins-trumentation astronomique nationale », affirme Beatriz Barbuy. Ces appa-reils onéreux, pensés avec l’objectif d’élargir la compréhension humaine de l’univers, utilisent de nombreuses pièces très petites qui s’emboîtent et fonctionnent avec une précision très élevée. « Nous avons fourni 1 500 piè-ces uniquement pour le BTFI », déclare Paulo Silvano Cardoso, directeur de

Côte à côte:L’arrangement

des fibres optiques

requiert de la précision et beaucoup de

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les. La caméra Spartan, qui fait partie du premier groupe d’instruments fa-briqué spécialement pour ce télescope, a remplacé une caméra du télescope Blanco prêtée par l’Observatoire In-teraméricain de Cerro Tololo, situé à environ 10 kilomètres au nord-ouest du Soar sur l’une des innombrables mon-tagnes rougeâtres de la cordillère.

Sueli Viegas, astronome retraitée de l’USP, a lancé, il y a environ huit ans, le projet qui a débouché sur le dévelop-pement de la caméra Spartan, en colla-boration avec l’université de Michigan, aux États-Unis. « Le Brésil a participé à l’élaboration du projet optique et mécanique de cette caméra et a acheté deux des quatre détecteurs infrarou-ges », commente Ronaldo de Souza, astronome de l’IAG qui a assumé la coordination du projet après le départ de Suely aux États-Unis.

Les deux détecteurs ont coûté en-viron 700 mille dollars US. La moitié a été financée par les fonds destinés au projet de Sueli Viegas et l’autre moitié par des fonds de l’Institut du Milê-nio, coordonné par Beatriz Barbuy, de

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l’entreprise de matériel opto-mécani-que Metal Card, de São José dos Cam-pos, dans l’état de São Paulo.

« En dix ans, le Brésil a réussi à implanter un programme d’instru-mentation de niveau international », affirme João Steiner, astrophysicien à l’IAG-USP, membre du Conseil Direc-teur du Soar pendant 10 ans et qui a participé du projet du télescope depuis sa conception en 1993 (voir Pesquisa FAPESP nº 98). Il déclare que les cher-cheurs brésiliens ont essayé d’initier une production d’instruments as-tronomiques il y a quelques années, quand le Brésil est devenu partenaire de l’observatoire Gemini qui possède deux télescope équipés de miroirs de 8,2 mètres de diamètre, l’un installé à Hawaï et l’autre à 350 mètres du Soar dans le Cerro Pachón, à 2 701 mètres d’altitude. Mais ce projet ne s’est pas concrétisé. « Le bond était trop im-

portant », explique João Steiner, qui a dû en outre être hospitalisé à cause du stress engendré par la construction du télescope.

Un quart du spectrographe échelle du télescope Soar (Steles), fabriqué ac-tuellement par l’équipe de l’astronome Bruno Vaz Castilho dans les laboratoi-res du LNA, devrait être prêt en début d’année 2011. Au même titre que le spectroscope Sifs, installé au mois de janvier par les brésiliens dans l’édifice du Cerro Pachón, le Steles analysera également les couleurs de la lumière émise par les étoiles et les galaxies. Il visualisera cependant un plus large spectre de la lumière visible avec une plus grande définition. L’utilisation de deux instruments de la même famille pourrait faire double emploi mais cha-que équipement possède des applica-tions spécifiques. Alors que le Sifs gère 1 300 spectres en une seule exposition,

Les travaux ont commencé en 1998, deux ans après l’approbation du projet, avec l’explosion et l’extraction de 13 mille mètres cube de pierres pour aplanir le sommet du cerro Pachón, situé à Vicuña, dans le nord du chili, siège du futur télescope Soar

Un an plus tard, l’édifice qui abritera le télescope et les salles de contrôle prend forme sur un terrain situé à 2 701 mètres d’altitude et à 80 kilomètres de l’océan pacifique

L’édifice a reçu, en 2002, la coupole métallique de 14 mètres de haut, fabriquée par l’entreprise equatorial, de São José dos campos, dans l’état de São Paulo et qui protège le télescope durant la journée et durant la nuit, quand l’humidité augmente

Le miroir de 4,1 mètres de diamètre qui possède une capacité de captation de la lumière 350 mille fois supérieure à l’œil humain, arrive au Soar en janvier 2004, après avoir parcouru 10 mille kilomètres depuis son lieu de fabrication aux États-Unis

La naissance d’un télescope

En dix ans, le

Brésil est parvenu

à implanter un

programme

d’instrumentation

astronomique

de niveau

international qui

profite également

à l’industrie

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le Steles en produit un seul. « Comme le Steles enregistrera tout le spectre de la lumière visible en une seule fois, il per-mettra d’analyser les différentes carac-téristiques de l’objet observé, comme la composition chimique, la température, la vitesse de rotation ou d’éloignement », déclare Bruno Vaz Castilho.

« Avec la livraison de ces équipe-ments, la première et la deuxième gé-nération d’instruments définis dans le projet initial seront complètes », af-firme Alberto Rodriguez Ardila, gé rant national du Soar. Cela ne veut pas dire que le Soar sera complètement équipé. « L’avancée scientifique dépend du développement de nouveaux instru-ments », affirme-t-il. Selon l’opinion de l’astrophysicien du LNA, le résultat de tant de projets scientifiques déve-loppés pour le Soar se fera sentir dans quelques années. « L’utilisation de ces instruments devra augmenter la dis-

pute relative au temps d’observation et améliorera la qualité des recherches », déclare Alberto Rodriguez Ardila.

Le télescope blanc du Cerro Pachón n’est jamais resté inactif, même avant l’arrivée de son équipement. Le Soar a permis la publication de 36 articles scientifiques dans des revues interna-tionales depuis qu’il a reçu la première lumière d’une étoile en 2004, jusqu’au mois de décembre de l’année dernière; 19 articles (53% de la totalité) ont été rédigés par des chercheurs brésiliens qui ne disposent que de 34% du temps d’observation du télescope.

L a reconnaissance de la commu-nauté internationale n’est venue qu’en 2007 quand le résultat d’une

observation faite par le Soar, et par un brésilien, a été publiée dans les pages de la célèbre revue Nature. Deux ans plus tôt, dans la nuit du 25 septembre 2004, l’observatoire spatial Swift de l’agence spatiale nord-américaine (Nasa), a émis une alerte avec les coordonnées de ce qui pourrait être une explosion de rayons gamma (mort d’une étoile d’une masse dix fois supérieure au soleil et qui se transforme en trou noir, un des évè-nements connus les plus énergétiques et localisé aux confins de la constella-tion des Poissons (voir Pesquisa FA-PESP nº 116). Eduardo Cypriano, l’un des premiers astronomes résidents à l’observatoire Soar, un type de pion-nier, travaillait ce soir là et a détecté les premiers signes de l’explosion.

À la demande du nord-américain Daniel Reichart, spécialiste de ces phé-nomènes, Eduardo Cypriano a fixé le télescope sur le même point pendant plusieurs jours. L’annonce officielle est arrivée une semaine plus tard. Les ima-ges prises par Eduardo Cypriano et ana-lysées avec l’aide de sa femme, l’astrono-me Elysandra Figueredo, avaient mis en évidence l’explosion d’une étoile située à 12,7 milliards d’années lumière de la Terre. Le Soar avait été le seul télescope à suivre ce phénomène rare, confirmé plus tard par d’autres observatoires. « Il s’agissait de l’objet le plus ancien et le plus éloigné jamais observé, du moins à cette date », déclare Eduardo Cypriano. Il estime que quand les équipements du Soar seront réglés, les astronomes bré-siliens seront bien outillés pendant au moins une décennie.

En attendant la livraison des der-niers équipements, le Soar en possèdera huit au total, les brésiliens planifient les prochaines étapes. Un groupe coor-donné par João Steiner et Beatriz Bar-buy évalue la possible participation du Brésil dans la prochaine génération de télescopes. Il s’agit de projets grandioses dont le coût se situe entre 700 millions et 1,4 milliard de dollars US pour ériger des télescopes équipés de miroirs de 40 mètres de diamètre, soit quatre fois plus que les deux plus grands télescopes en activité. À titre de comparaison, le Soar a coûté 28 millions de dollars US dont 14 millions financé par le Brésil et ré-parti entre le Conseil National pour le Développement Scientifique et Techno-logique (12 millions de dollars US) et la FAPESP (2 millions de dollars US).

Cette incursion dans l’astronomie de pointe sera donc onéreuse. Le Brésil est en train de négocier le paiement de 10% du prix total d’un observatoire pour avoir accès au Thirty Meter, un télescope possédant un miroir de 30 mètres de diamètre ou 5% pour avoir le droit d’utiliser le Giant Magellan Teles-cope de 22 mètres de diamètre ou l’Eu-ropean Extremely Large Telescope, de 42 mètres de diamètre. Le Brésil exige cependant une contrepartie. « Nous ne participerons à ces projets que si 70% du financement bénéficie l’industrie brésilienne pour la fabrication d’ins-truments », affirme João Steiner.

Les astronomes ont deux bonnes raisons pour justifier de tels inves-tissements. Le premier, plus abstrait, concerne l’accès aux méga-télescopes qui permettra aux chercheurs brési-liens d’avoir une chance d’observer l’univers toujours plus loin, à la re-cherche de réponses convaincantes qui expliquent une des questions les plus simples et fondamentales que se pose l’être humain : comment tout a com-mencé ? La deuxième raison est plus pragmatique. L’astronomie brésilienne qui est un secteur jeune et qui s’est dé-veloppée rapidement dans les années 90 ne doit pas stagner si elle veut rester compétitive sur le plan international. « Si nous arrêtons, la prochaine géné-ration d’astronomes sera condamnée à être exclue de la recherche de pointe à partir de 2025 et nous serions le seul pays émergent à faire cela », conclut João Steiner. ■

dans la nuit du 17 avril 2004, le télescope a fait sa première observation ou, comme disent les astronomes, a vu sa première lumière, en utilisant à cette époque des équipements prêtés par d’autres observatoires

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Un article sur la nouvelle génération de fibres optiques est publié par un chercheur brésilien dans un important périodique international

Dans les années 90, des chercheurs de l’Université de Bath, en Angleterre, ont réussi à créer et ont révélé au monde un nouveau type de fibre optique qu’ils ont baptisé fibres à cristaux pho-toniques (FCP ou PCF pour Photonic Crystal Fiber). Selon ses inventeurs,

cette innovation présente plusieurs avantages et aurait des propriétés bien plus intéressantes que les fibres optiques conventionnelles, fila-ments faits de silice ou de matériau polymère de l’épaisseur d’un fil de cheveu, capables de trans-mettre à haute vitesse des données sous forme de lumière. Quinze ans après cette découverte, les FCPs sont déjà employées dans divers do-maines: de l’amplification de signaux dans les réseaux de transmission de données vers des tomographes optiques informatisés, en passant par des dispositifs laser, des capteurs ultrasensi-bles et des sources de lumière. Mais ils n’ont pas totalement substitué les fibres traditionnelles. En janvier de cette année, l’ingénieur électricien Arismar Cerqueira Sodré Júnior, professeur à la Faculté de Technologie de l’Université d’État de Campinas (Unicamp), au campus de la ville de Limeira, a publié un article intitulé « Recent progress and novel applications of photonic crystal fibers » dans la revue Report on Progress in Physics, dans lequel il aborde les applications et l’état de l’art de cette nouvelle technologie.

Au début du texte, Arismar Cerqueira, âgé de 31 ans, reprend l’interrogation du physicien irlandais Philip Russel, de l’Université de Er-langen-Nuremberg, en Allemagne, inventeur de cette nouvelle classe de fibres optiques : les fibres à cristaux photoniques pourraient-elles marquer le début d’une nouvelle ère dans les communications optiques ? Et, dans sa conclu-sion, de 21 pages, Arismar Cerqueira laisse pla- U

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ner un doute provocateur : la technologie FCP peut-elle rendre obsolètes les fibres optiques conventionnelles ? L’étude a été écrite à partir d’une invitation des éditeurs de la publication, considérée l’une des trois les plus prestigieuses au monde dans le domaine de la photonique. Elle possède un facteur d’impact de 12,09 (ce facteur se rapporte au nombre de fois que les articles qu’elle publie sont cités par d’autres auteurs dans leurs travaux). Selon les éditeurs de Report on Progress in Physics, la version élec-tronique de l’article (qui, techniquement, est une révision, car elle ne présente aucune nou-velle découverte, mais révise tout ce qui existe sur le sujet en question) a été téléchargée plus de 250 fois dans les 11 premiers jours qui ont suivi sa publication, le 21 janvier, but atteint uniquement par 10% de tous les articles divul-gués par des périodiques publiés par l’Institute of Physics (IOP, dans son sigle en anglais).

Les FCPs suscitent énormément de ques-tions, mais présentent déjà plusieurs répon-ses. Pour mieux comprendre les perspectives futures de ce nouveau genre de fibre, il est fondamental de comprendre comment elles fonctionnent, quelles sont leurs potentialités, dans quels appareils elles sont utilisées et com-ment elles se différencient de la technologie traditionnelle. Bien plus efficaces que les fils de cuivre, les fibres optiques conventionnelles sont constituées d’une couche externe et d’un noyau, généralement en silice. Son mode de fonctionnement est simple : un faisceau laser est projeté sur une extrémité de la fibre et, sui-vant les caractéristiques optiques du matériau, il parcourt la fibre par réflexions successives. La capacité de confiner la lumière et de la faire voyager en son intérieur est rendue possible car le noyau possède un indice de réfraction

Les fibres à cristaux photoniques représentent un nouveau moment dans l’ère des communications optiques

[ optiqUe ]

Publié en mars 2010

Faisceaux multipliés

Yuri Vasconcelos

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supérieur à celui de la couche externe. Pour obtenir cet indice à un niveau plus élevé, la silice interne est enrichie (ou dopée) avec des atomes d’un autre matériau, tel le germanium. L’une des différences entre les fibres à cristaux photoniques et les fibres convention-nelles est que les premières ne doivent pas nécessairement contenir dans leur noyau des éléments dopants. La diffé-rence de réfraction entre le revêtement externe et le noyau de la fibre est dû à l’existence d’un ensemble régulier de petits orifices sous la forme de tunnels qui courent parallèlement à l’axe de la fibre et dans toute sa longueur. Ces orifices ont un diamètre de l’ordre d’un micromètre, l’équivalent d’un millimè-tre divisé par mille.

Une autre particularité des fibres à cristaux photoniques, qui sont déjà fabriquées par de grandes entreprises telles Alcatel-Lucent, en France ; Sumi-tomo, au Japon ; Corning, aux États-Unis ; et Draka, aux Pays-Bas, est qu’el-les peuvent avoir des formes variées et sont produites avec divers matériaux, parmi lesquels la silice pure ou dopée, les polymères, les liquides, les métaux, d’autres types de verre et même avec de l’air et des gaz. La possibilité de va-rier les formes et la matière première est un avantage car elle permet au fa-bricant de projeter sa microstructure de façon à ce que la fibre présente des propriétés définies spécifiques à chaque

cas. Il est, ainsi, possible de guider la lumière par différents mécanismes de propagation dans une grande variété de longueur d’ondes. « Les FCPs répon-dent aux exigences du marché global, qui demande des dispositifs de petites dimensions, légers, et qui consomment peu d’énergie. Elle permet de mieux profiter de la lumière et cela améliore le fonctionnement des dispositifs opti-ques et la précision des appareils tels les capteurs de température et de pression, les biocapteurs, les détecteurs de champ électrique et les capteurs de gaz, entre autres », affirme Arismar Cerqueira.

Des milliers de fibres – Pour le cher-cheur, l’invention de la technologie FCP et son arrivée sur le marché représentent certainement un nouveau moment dans l’ère des communications optiques, mais il ne croit pas qu’elle rendra obsolètes les fibres optiques traditionnelles. « Il existe actuellement des centaines de milliers de kilomètres de fibres installées dans le monde, traversant des continents, le fond des mers, et largement utilisées dans les télécommunications . Il serait impraticable de substituer tous ces câbles optiques par des FCPs. Les nouvelles fibres représentent une technologie complé-mentaire et peuvent être utilisées pour des applications dans des domaines aussi divers que la médecine, la télédétection, les télécommunications et la métrologie, parmi d’autres », affirme-t-il.

Dans son article, Arismar Cerqueira aborde les nouveaux types de fibres de cristaux photoniques, parmi lesquelles les FCPs hybrides qu’il a aidé à inven-ter pendant son doctorat à la Scuola Superiore Sant’Anna, en Italie, avec une partie de ses études à l’Université de Bath, où il a intégré le groupe du professeur Jonathan Knight, respon-sable de la production de la première FCP au monde. Les fibres hybrides allient les caractéristiques de guidage de la lumière des deux types de FCP existant jusqu’à lors. Dans la première catégorie de FCP, le guidage est obte-nue de façon similaire à la technologie traditionnelle, par réflexion interne de la lumière du noyau de la fibre, tandis que dans le second groupe la lumière est orientée par un nouvel effet, appelé photonic bandgaps, et circule par des fenêtres spécifiques de fréquence préa-lablement établies dans le projet de la fibre. Selon le professeur de l’Unicamp, la FCP hybride a été le premier guide d’onde optique à permettre le guidage simultané de la lumière par les deux mécanismes de propagation. D’après le chercheur, l’un des domaines les plus prometteurs pour l’usage des FCPs, est le développement des dispositifs opti-ques non linéaires, employés dans les télécommunications et produits avec quelques dizaines de mètres de fibres optiques. Selon lui, dans ce domaine il existe déjà des équipements en vente

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Les diverses formes de fibres à cristaux photoniques dans des images captées par un microscope électronique à balayage. La première, au-dessus, est hybride, avec deux types de guidage de lumière laser

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sur le marché, tels des sources de su-percontinuum, un effet marqué par la production d’une lumière laser très forte et d’une large longueur d’onde. « Le supercontinuum est utilisé dans les tomographes informatisés, les équipe-ments pour la caractérisation des fibres et des dispositifs optiques, ainsi que les systèmes de multiples longueurs d’onde pour les appareils de communication appelés DWDM (Dense Wavelength Division Multiplexing ou multiplexage par division de longueur d’onde dense), présents dans tous les systèmes de télé-communications », dit-il. L’entreprise anglaise Fianium et la nord-américaine RPMC Lasers, sont deux des princi-paux fabricants de sources de super-continuum avec des fibres à cristaux photoniques.

Un autre usage possible pour cette technologie est le développement des peignes de fréquence, qui sont des sour-ces de multiples longueurs d’ondes et qui possèdent toute sorte d’usages. Elles peuvent être employées comme mesu-reur de fréquence, pour la génération de pulsations ultracourtes et dans des appareils de métrologie et de spectros-copie optique de haute résolution. Pour l’instant, aucun de ces usages n’existe commercialement. Les FCPs peuvent aussi être utilisés pour le guidage de la lumière dans des régions de l’infrarouge proche et lointain et dans des capteurs pour détecter les fuites de gaz dans des processus industriels et dans des atten-tats terroristes. « Dans ces régions, les fibres traditionnelles ne fonctionnent pas car elles subissent une perte optique prohibitive. Avec la technologie tradi-tionnelle, la lumière ne circule même pas un mètre, tandis qu’avec les FCPs elle peut « voyager » des dizaines de mètres », affirme le chercheur de l’Uni-camp. L’entreprise NKT Photonics, du Danemark, commercialise des produits

fondés sur la technologie FCP pour la région de l’infrarouge.

Les FCPs sont aussi capables de guider la lumière dans la région de fré-quence électromagnétique des térahertz (THz), une bande également prohibi-tive pour les fibres traditionnelles. Pour Arismar Cerqueira, la propagation de la lumière dans cette bande représente une technologie clé pour résoudre les difficultés qui existent dans la transmis-sion de données entre la microélectro-nique et les communications optiques. « Actuellement, la capacité de transmis-sion de données des systèmes optiques peut être considérée infinie ou, tout au moins, certains ordres de grandeur supérieurs aux demandes de trafic des systèmes de communications. Mais, à cause de la limitation des composants électroniques, la bande de transmission est sous-utilisée. Avec le guidage de la lumière en THz, la limite de transmis-sion de données peut augmenter de quelques dizaines de térabytes par se-conde, ce qui améliorerait jusqu’à mille fois le fonctionnement des systèmes de communication dans le monde ».

Contribution brésilienne – Le Bré-sil peut être considéré l’un des centres avancés dans la recherche sur les FCPs. Des travaux importants ont été réalisés par le professeur Arismar Cerqueira et d’autres recherches sont en développement à l’Institut de Physique Gleb Wataghin de l’Unicamp qui, depuis plus de 30 ans, mène des recherches dans le domaine des fibres optiques et intègre le Centre de Recherche en Optique et Photonique (CePOF) de Campinas, l’un des Cen-tres de Recherche, d’Innovation et de Diffusion (Cepids) de la FAPESP. Outre le CePOF, l’Unicamp a aussi participé à un autre grand projet dont les FCPs sont l’une de ses lignes de recherche : le Fotonicom, l’un des Instituts Nationaux

de Sciences et de Technologie (INCTs) soutenus par la Fondation et le Conseil National de Développement Scientifique et Technologique (CNPq). L’une des innovations apparues à l’Unicamp a été une fibre à cristaux photoniques avec des électrodes (fils en cuivre) intégrés. Cette particularité permet d’appliquer du voltage à la fibre ou d’y faire passer un courant électrique simultanément au guidage de la lumière. Ainsi, le fais-ceau lumineux peut être modulé avec le courant électrique, ouvrant de nouvelles possibilités pour utiliser la fibre dans des capteurs pour la détection de gaz et des modulateurs optiques employés dans des réseaux de transmission de données. Il est aussi important de noter les expériences réalisées au Laboratoire de Phénomènes Ultra-rapides, coordonné par le pro-fesseur Carlos Henrique de Brito Cruz, directeur scientifique de la FAPESP. Un article publié par Arismar Cerqueira et Carlos Brito dans la revue Optics Letters en 2008, démontre le développement d’un convertisseur de fréquence pour le transfert d’énergie entre des banggaps photoniques. D’autres expériences réalisées à l’Unicamp avec des fibres FCPs peuvent être lues dans les éditions nº 106 et 147 de la revue Pesquisa FAPESP. n

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Démonstration de fibres à cristaux photoniques hybrides : sans filtre, à gauche, avec un filtre bleu et un filtre orange. Plusieurs longueurs d’ondes électromagnétiques

Articles scientifiques

1. CERQUEIRA S. JR., A. Recent progress and novel applications of photonic crystal fibers. Reports on Progress in Physics. v. 73. 2010. On-line.2. CERQUEIRA S. JR., A.; CORDEIRO, C.M.B.; BIANCALANA, F.; ROBERTS, P. J.; HERNANDEZ-FIGUEROA, H. E.; BRITO CRUZ, C. H. Nonlinear interaction between two different photonic bandgaps of a hybrid photonic crystal fiber. Optics Letters. v. 33, p. 2.080-82. 2008.3. CERQUEIRA S. JR., A; LUAN, F.; CORDEIRO, C. M. B.; GEORGE, A. K.; KNIGHT, J. C.. Hybrid photonic crystal fiber. Optics Express. v. 14, p. 926-31. 2006.

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L ’exploi treprises pétrolières : la présence de micro-organis-mes qui détériorent l’huile. En plus des forces de la nature comme les courants marins et la pression au fond de l’océan qui requièrent l’utilisation de

technologies de pointe pour installer des plates-formes, ces migro-organis-mes sont un défi supplémentaire à relever. Plusieurs espèces de bactéries vivent aussi bien dans les réservoirs que dans l’eau présente dans les puits de pétrole. Elles se nourrissent et dété-riorent l’huile, mais en plus secrètent des biofi lms, des structures moléculai-res utilisées pour se protéger d’agents toxiques et se fi xer naturellement sur les roches et les sédiments.

Avec le début de la production sous-marine, les biofi lms – qui peuvent aussi être formés par l’accumulation des bactéries elles-mêmes – commen-cent à se fi xer sur les plastiques et les métaux. Ces structures de taille micro-métrique s’entassent et atteignent des épaisseurs pouvant aller jusqu’à qua-tre millimètres (mm). Anita Marsaioli, professeur de l’Université de Campinas (Unicamp) qui participe à plusieurs projets en collaboration avec le groupe pétrolier Petrobras pour identifi er et étudier ces bactéries et les enzymes qu’elles produisent, constate que « ces biofi lms endommagent l’exploi-tation pétrolière parce qu’ils se collent à l’intérieur des tuyaux et corrodent les conduits qui sont des équipements diffi ciles à nettoyer ».

Dans ce processus de dégradation, une partie du pétrole d’une grande valeur commerciale est partiellement ou totalement détruite, ce qui réduit sa valeur. « Les bactéries transforment les hydrocarbures en acides gras et l’huile devient plus lourde et de moins bon-ne qualité », observe Anita Marsaioli. Une meilleure connaissance de cette population de bactéries et des condi-tions favorables à leur développement va permettre d’élaborer des stratégies pour réduire les risques au niveau de l’exploitation et faire en sorte de détec-ter et d’anticiper les problèmes dans la production. Il existe également un potentiel immense pour l’utilisation future de certains de ces micro-orga-nismes en matière de nettoyage – au moyen de techniques de biotechnolo-gie – du pétrole qui s’est échappé des oléoducs, des plates-formes et des na-vires de transport. « Nous savons par exemple qu’il existe des bactéries qui produisent des biosurfactants dont la fonction est double : d’un côté, ils in-hibent la croissance d’autres espèces de bactéries, ce qui est bon, mais de l’autre ils dissolvent le pétrole ». Les biosurfac-tants sont des molécules produites par les bactéries qui réduisent la tension de surface à la zone frontalière entre l’eau et l’huile dans les réservoirs, facilitant ainsi le mélange de ces liquides et une dégradation ultérieure du pétrole.

Les études réalisées à l’Unicamp en partenariat avec le Centre de Recherche et de Développement (Cenpes) de Pe-trobras sont faites avec l’eau et le pétrole

Défi au fond de l’océan

80 ■ ÉDITION SPÉCIALE MAI 2009 / DÉCEMBRE 2010 ÉDITION SPÉCIALE MAI 2009 / DÉCEMBRE 2010 ■ PESQUISA FAPESP

[ PÉTROLE ]

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Le groupe Petrobras et l’université Unicamp étudient des bactéries de puits de pétrole qui détériorent l’huile | Marcos de Oliveira

laboratoires de Campinas », explique Anita Marsaioli.

Parmi les raisons scientifi ques à l’origine de l’étude de ces bactéries, les chercheurs tentent de savoir si elles sont aérobies ou anaérobies. Les pre-mières ont besoin d’oxygène pour vi-vre, tandis que les secondes non. C’est une donnée fondamentale pour com-prendre la formation de ces bactéries et découvrir comment faire avec leur présence dans le milieu d’exploitation pétrolière. Toujours selon Anita Mar-saioli, « le réservoir de pétrole est un milieu anaérobien, mais nous pensons qu’il peut exister des micromilieux où l’oxygène est surtout produit par la pé-nétration d’eau à l’intérieur des gise-ments ou par réactions chimiques ». Dans le travail réalisé par le groupe – dont fait également partie le géolo-gue de Petrobras Eugênio dos Santos Neto –, 29 bactéries des deux types ont déjà été identifi ées et évaluées, et une grande partie d’entre elles a ré-vélé une tendance à la biodégradation du pétrole. Jusqu’à présent, les études montrent que les lignées de bactéries du groupe des aérobies et qui ont une bonne production de biofi lms ne dé-tériorent pas le pétrole.

L’hypothèse des chercheurs est que dans les relations de cohabitation en-tre les bactéries aérobies et anaérobies, les biofi lms produits par les premiè-res peuvent jouer le rôle d’« éponge » d’oxygène et agir pour augmenter ou diminuer l’activité de détérioration des autres. Toute la collection de bactéries

trouvées dans les puits et ana-lysées (beaucoup étant enco-re inconnues de la science) fait partie d’une collection de Petrobras maintenue par l’Unicamp.

Les activités du groupe de recherche incluent la participation des professeurs Luzia Koike et Fran-cisco Machado Reis, de l’IQ de l’Uni-camp, et de la professeur Valéria Maia de Oliveira, du Centre de Recherches Chimiques, Biologiques et Agricoles (CPBQA), également de l’Unicamp. Depuis 2003, le groupe a déjà obtenu 10 millions de réaux pour des recher-ches grâce aux ressources du Fonds Sectoriel du Pétrole (CTPetro) et du Réseau Thématique de Géochimie, un des réseaux technologiques de Petro-bras fi nancé par l’entreprise à hauteur de 0,5 % de la production de pétrole dans des champs de productivité élevée et qui, au regard de la loi, doivent être destinés à des recherches en partena-riat avec les universités. ■

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extraits du bassin de Campos. Les bacté-ries vivent aussi bien dans la zone entre l’huile et l’eau existante dans les puits que séparément dans chacun de ces mi-lieux, à des profondeurs de 2800 mètres à partir de la lame d’eau – conformé-ment à ce qui a déjà été étudié jusqu’ici, dans des températures proches de 80ºC comme au champ pétrolier Pampo, si-tué à près de 100 kilomètres de la côte de Rio de Janeiro. « Pour étudier ces matériaux, nous recevons directement des plates-formes des échantillons d’eau et d’huile dans des récipients en verre scellés. Puis nous cultivons ces bacté-ries dans plusieurs milieux ici dans les

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Publié en mai 2009

1. Amplification des infrastructures analytiques en chimie, métagénomique et biocatalytique du groupe de géochimie organique de l’Institut de Chimie et du Département de Ressources Microbiennes du CPQBA de l’Université de Campinas.2. Étude multidisciplinaire de biodégradation.

MODALITÉ

1 et 2 – Réseau Thématique

COORDONNATEUR

1 et 2 – Francisco Machado Reis – Unicamp

INVESTISSEMENT

3 504 189,97 réaux (Petrobras)3 101 932,51 réaux (Petrobras)

LES PROJETS

Article scientifique

CRUZ, Georgiana F. Da, SANTOS NETO, E.V. & MARSAIOLI, A.J. Petroleum degradation by aerobic microbiota from the Pampo Sul Oil Field, Campos Basin, Brazil . Organic Geochemistry. v. 39, p.p 1204-1209, 2008

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Une nouvelle caméra de contrôle réalisée par Opto pour le Cbers-3 sera testée en Chine

Intégrée au satellite sino-brésilien de ressources terrestres, à 800 kilomètres d’altitude, une caméra entièrement dévelo-ppée et fabriquée par l’entreprise brésilienne Opto Eletrônica de São Carlos (État de São Paulo) va notamment produire des registres sur la déforestation, l’expansion urbaine et l’étendue de la culture et de l’élevage sur le sol brésilien et d’autres pays à partir de 2011, date prévue pour le lancement du Cbers-3.

Le 21 juillet dernier, la deuxième version de la caméra a été re-mise à l’Institut National de Recherches Spatiales (Inpe) pour être envoyée en Chine, où elle subira plusieurs tests de qualifica-tion. Prête en décembre 2007 et envoyée en Chine en juin 2008, la première version a dû finalement être totalement redessinée après que les États-Unis et d’autres pays aient imposé des restric-tions pour l’importation de plusieurs composants utilisés pour la construction de l’équipement. Au final, l’obstacle s’est changé en opportunité de création d’une technologie nationale pour la fabrication des principales pièces utilisées. Pour cette raison, la nouvelle version a reçu le nom de MUX Free.

D’après Mário Stefani, ingénieur, directeur de recherche et développement d’Opto et coordinateur du projet de la caméra multispectrale, « la caméra est la première de ce type et avec un tel objectif à être entièrement projetée et produite au Brésil ». L’équi-pement enregistre des images en quatre couleurs – bleu, vert, rouge et en infrarouge – en bandes étroites bien définies. Alors que la caméra précédente, fabriquée en Chine et accouplée au Cbers-2 actuellement en orbite, travaille avec seulement trois couleurs (le bleu est absent). « La combinaison des quatre bandes spectrales permet de voir la qualité de l’eau des fleuves, si le sol est exposé ou dégradé, s’il y a dégradation de la végétation ou occupation irré-gulière de superficies. Le bleu sert surtout à évaluer les ressources hydriques ». La caméra brésilienne possède quatre lignes de 6 000 pixels, chaque pixel couvrant une zone de 20 mètres au sol. La lar-geur de la bande imagée, qui correspond à l’extension du territoire vue sur une ligne dans l’image, est de 120 kilomètres.

Pour que la caméra soit capable de supporter la fusée de lance-ment, de fonctionner dans le vide du milieu spatial à gravité zéro et de résister au bombardement continu de radiation, le processus comprend plusieurs étapes. Stefani indique que « deux modèles d’ingénierie ont été élaborés et qu’un modèle de qualification

Dinorah Ereno

[IngénIerIe AérOspAtIAle ]

Publié en août 2009

Regard brésilien

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pESQUISA FApESp n édItIOn spéCIAle mAI 2009 / déCembre 2010 n 83

Opto a été créée en 1985 par les professeurs Milton Ferreira de Sou-za, Jarbas Caiado de Castro et qua-tre autres chercheurs de l’Institut de Physique de l’Université de São Paulo (USP) à São Carlos. Depuis sa mise en service, l’entreprise et ses partenaires ont reçu le soutien financier de la FA-PESP pour huit projets dans la moda-lité Pipe (Recherche Innovatrice dans les Petites Entreprises) – des projets portant surtout sur des études dans les domaines d’application industrielle et d’équipements ophtalmologiques destinés à un usage médical. Le pre-mier d’entre eux a été accordé en 1988 et coordonné par Stefani pour le dé-veloppement d’un mesureur à laser de distances longues pour un usage industriel. Le produit est né deux ans plus tard, néanmoins il n’a pas réussi à décoller commercialement. Seules 8 unités ont été vendues, sept à Vale do Rio Doce et une à Firestone. Stefani précise : « Malgré l’échec commercial, le projet a créé pour l’entreprise une capacité aussi bien humaine qu’instru-mentale, en donnant lieu à un bagage technologique qui a abouti à un laser très compétitif pour les chirurgies de rétine ». Aujourd’hui encore, l’entre-prise fabrique ce laser – un grand suc-cès commercial qui a donné à l’entre-prise une forte position sur le marché international – avec les mêmes per-

sonnes, instruments et équipements utilisés lors du premier projet financé par la FAPESP. Opto intervient dans les domaines d’équipements médicaux ophtalmologiques, de traitement anti-reflet pour les lentilles, d’équipements de mesure et de contrôle, de défense et de produits aérospatiaux. Actuel-lement, l’entreprise compte 450 em-ployés dont 58 chercheurs. L’investis-sement en recherche et développement est en moyenne de l’ordre de 15 % du chiffre d’affaires, qui a été en 2008 de 50 millions de réaux.

Lorsque les caméras seront dans l’espace, Opto va aider le Brésil à faire partie du groupe restreint de pays qui fabriquent des systèmes d’imagerie à usage orbitale, composé des États-Unis, de la Russie, de la France, d’Israël, de l’Inde et de la Chine. La participation au projet MUX et aux projets Pipe a permis à l’entreprise de créer une in-frastructure de pointe, avec des ma-chines et une salle blanche pour les tests spatiaux. Avec cela, Opto peut développer une seconde génération de rétinographes – des appareils qui photographient les rétines – et faire concurrence aux géants internationaux. De l’avis de Stefani, « le programme spatial fonctionne comme un améliora-teur puissant de la capacité industrielle du pays, qui devient compétitif dans des domaines importants ». n

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sera construit, ainsi que trois modèles de vol ». Mais avant de s’attaquer au développement du projet, l’entreprise a dû remporter un appel d’offres inter-national promu par l’Inpe en décem-bre 2004. Le projet préliminaire de la caméra a été présenté en octobre 2005 et le premier modèle d’ingénierie livré en 2007 ; mais il a dû être totalement refait après le boycott. Le nouveau mo-dèle d’ingénierie remis à l’Inpe subira plusieurs tests pour évaluer sa fonc-tionnalité et sa résistance à l’environ-nement spatial. C’est seulement après cette étape que sont construits le mo-dèle de qualification puis les modèles de vol, prévus pour être prêts en juillet 2010 afin d’intégrer la charge utile du satellite Cbers-3 mais aussi du Cbers-4, qui devra être lancé en 2014.

L ’entreprise Opto Eletrônica parti-cipe également du consortium pour le développement d’une deuxième

caméra qui sera embarquée sur les satellites 3 et 4, en partenariat avec l’entreprise Equatorial Sistems de São José dos Campos (État de São Paulo) : il s’agit de la caméra WFI (Wide Field Imager, ou caméra grand champ). Dans ce projet, Opto est chargé de la partie optoélectronique et Equatorial du trai-tement et du signal de vidéo, ainsi que du traitement thermique. La caméra WFI possède un plus grand angle de couverture, cependant sa résolution est moins élevée que la MUX. « La WFI sera envoyée en octobre 2009 pour les tests de qualification », signale Stefani. En plus des deux caméras produites par les entreprises brésiliennes, les satellites emporteront deux autres de fabrication chinoise. « Au total, nous allons remet-tre pour le vol trois ensembles de camé-ras MUX et WFI, soit 6 caméras ». L’un d’eux est pour le Cbers-3, un autre pour le Cbers-4 et le troisième ensemble est gardé en réserve, en cas de problème. Stefani dirige une équipe de 56 profes-sionnels qui travaillent simultanément au développement de trois caméras : deux pour les satellites sino-brésiliens et une pour le satellite Amazônia-1, appelée AWFI (Advanced Wide Field Camera), avec une résolution spatiale de 40 mètres et une capacité d’imagerie d’une bande de 780 kilomètres.

La caméra MUX Free couvre une surface de 20 mètres au sol

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84 n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n PESQUISA FAPESP

Humanités

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PESQUISA FAPESP n édition spéciale mai 2009 / décembre 2010 n 85

Un projet recompose l’itinéraire de la création de mário de andrade

On était au mois d’avril. J’ai pris le reste d’un carnet et j’ai commencé à écrire de cette écriture soignée des débuts tranquilles de livre. Mais très vite la lettre a commencé à s’emballer, à devenir très rapide, illisible pour les autres ; les phrases s’arrêtaient à mi-

chemin avec des orthographies magiques où apparaissaient un ‘y’ dans le mot ‘carnet’, un ac-cent sur ‘jardin’, mon écriture était enflammée. Tout surgissait docilement, pressenti comme une ardeur passionnée, dans une adoration de moi-même, de mon intelligence possible, et j’avais rarement joui aussi facilement dans cette vie », écrit Mário de Andrade (1893-1945) sur son processus créatif. Comme la vie des chercheurs tentant de recréer ce processus se-rait plus facile s’il y avait davantage de textes comme celui-ci, si explicite sur le travail de ges-tation d’un livre. D’où l’importance du projet thématique mené par l’Institut d’Études Brési-liennes de l’Université de São Paulo (IEB-USP), intitulé Étude du processus de création de Mário de Andrade dans les manuscrits de ses archives, dans sa correspondance, dans ses annotations en marge et dans ses lectures. Un projet soutenu par la FAPESP et coordonné par la professeur Telê Lopez, qui explique : « L’objectif est de découvrir comment s’est faite toute l’organi-sation d’une invention en quête du processus créatif. L’IEB centralise la plupart des dossiers de feuillets laissés par l’écrivain. L’ensemble de ce matériel va permettre de recomposer le trajet d’une création ».

L’objet d’étude se compose de 102 manus-crits en possession de l’IEB-USP, et la clas-sification sera diffusée dans une banque de données, un catalogue analytique (catalogue raisonné) des manuscrits littéraires et un indice des titres de tous les domaines, accompagné d’une chronologie de la création et de la pu-blication. « La nouveauté du catalogue est que l’on tente de monter le trajet de la création. Les chercheurs vont pouvoir examiner le fac-similé du manuscrit et observer la trajectoire montée dans le dossier, ainsi que les notes de recherche justifiant les chemins empruntés en termes d’organisation et toutes les autres infor-mations rencontrées. [...] Ce sera une source abondante de recherches ». Dans le catalogue et dans l’indice, la classification se prolonge avec la production de fac-similés scannés et le microfilmage de tous les feuillets, une dé-marche supplémentaire pour sauvegarder les documents utilisés par les chercheurs. Tout sera minutieusement détaillé : la dimension du papier utilisé, le type de crayon choisi pour l’écriture d’un poème ou la correction d’un texte, la couleur, etc. Et Telê A. Lopez d’ajou-ter : « Il y a même le cas intéressant du poème où les pliures qui apparaissent indiquent que l’auteur l’a gardé dans sa poche et montré à d’autres personnes, donc qu’il se questionnait sur ses écrits et ainsi de suite, un mystère qui peut être résolu par le chercheur travaillant avec la critique génétique et le vécu du document. Ce type d’analyse permet également de dater des documents au moyen de la comparaison

Carlos Haag

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Dans les entrailles del’invention

[ littératUre ]

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du filigrane du papier, etc. ». Un autre résultat du projet est le partenariat éta-bli avec la maison d’édition Agir, qui est en train de publier l’œuvre complète de Mário de Andrade à partir d’éditions effectuées par l’équipe du projet et qui ont déjà donné lieu à de nouvelles ver-sions de Aimer, verbe intransitif, Ma-counaïma, Obra imatura et Os contos de Belazarte, entre autres. Sans oublier une nouvelle édition en mai 2010 de Poésies complètes, avec une série de poè-mes inédits que l’auteur avait projeté de publier avant d’en décider autrement au moment de la version finale.

M ário de Andrade révisait constam-ment ses écrits, il appliquait tou-jours une dernière touche à ses

écrits tout en laissant un espace pour une retouche future. Il en est ainsi de son immense dossier d’archives person-nel, composé de feuillets laissés pour la postérité, révélateurs d’une création toujours en mouvement, jamais ache-vée, méticuleusement gardée. De l’avis de Telê A. Lopez, « l’écrivain, archiviste de lui-même, a identifié et séparé des ensembles de documents réalisés du-rant sa vie, qu’il a rangé sur une éta-gère et dans une grande armoire de sa maison située rue Lopes Chaves, à São Paulo. Dans la série Manuscrits Mário de Andrade, les documents du proces-sus créatif abritent des itinéraires qui doivent être décodés dans les dossiers d’inédits, les plus grands et les plus ri-ches montés par l’auteur dans des en-veloppes vertes et des pochettes en car-ton, lesquelles sont réutilisées comme le montre la superposition d’en-têtes griffonnées » [...] Des itinéraires sont décodés ou établis par le biais de l’ana-lyse et de l’interprétation sujette à des obstacles et des erreurs. En réalité, ce travail ne doit jamais oublier que les dossiers n’intègrent pas matériellement le processus créatif, tant de l’artiste des lettres et des arts que de l’essayiste en sciences humaines. La création dépasse le dossier, les archives et surtout la ma-térialité elle-même, en jouant avec la psyché de l’auteur ». L’équipe a alors entrepris de comparer un manuscrit avec d’autres sources des archives, à l’exemple des lettres (L’IEB-USP pos-sède la plus grande collection de corres-pondance active et passive de l’auteur), des interviews, d’autres manuscrits, des

annotations en marge ; finalement, avec tout ce qui peut éclairer la lecture d’un livre donné et faire la lumière sur le trajet créatif de l’écrivain, faisant ainsi de sa bibliothèque son locus creationis, l’espace créatif par excellence, le chau-dron dans lequel seront mis les ingré-dients capables de produire le mélange « idéal », aussi éphémère soit-il.

Les « exemplaires de travail » sont un concept important dans la création de Mário de Andrade ; il s’agit des ma-nuscrits de textes imprimés de livres ou de magazines où il matérialisait de nouvelles versions des œuvres en y ap-posant des ratures créatives à l’encre noire ou au crayon de papier, avec un stylo rouge ou bleu. Les exemplaires de travail se joignent aux notes, ver-sions, plans, etc. dans les dossiers qui les conservent. Après avoir envoyé à la maison d’édition le texte écrit et reçu en retour les épreuves, l’écrivain effec-tuait les modifications qu’il souhaitait dans les exemplaires de travail. Pour la chercheuse, l’écrivain est un « critique rigoureux de son propre travail ; dans les exemplaires de travail, il endosse le labeur de Sisyphe jusqu’à la fin de sa vie. En 1944, sur la couverture d’un Macou-naïma réédité par Martins et dont les carnets ne sont même pas séparés, il note hâtivement et en fermant des pa-renthèses qu’il n’a pas ouvertes : ‘Exem-plaire corrigé pour servir à des futures rééditions’ ». En même temps, l’effort accompli avec les exemplaires de tra-vail n’était pas toujours repris plus loin. « Il est curieux de voir qu’en épargnant les exemplaires de travail, en éliminant les ratures pour mettre au propre une nouvelle copie du livre, destinée à la publication, le copiste Andrade, qui agit peut-être ainsi par intérêt pour le face à face avec le texte de la nouvelle édition, effectue la tâche paresseusement et avec une certaine négligence. La comparai-son entre les ratures des exemplaires de travail d’Aimer, verbe intransitif, Macounaïma et les textes respectifs de la deuxième édition indique l’absence de certaines reformulations ».

Sur ce point, il est possible d’en-trevoir la notion assumée par Andra-de dans sa création de la rature, non comme correction (à l’exception des cas où la grammaire ou la cohérence sont erronées) mais comme une nou-velle possibilité découverte pendant le

Cabinet de travail de Mário de

Andrade rue Lopes Chaves à

São Paulo, octobre 1945

Dans les

exemplaires de

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endosse le

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la fin de sa vie

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processus créatif, au-delà de la notion pragmatique du vrai ou du faux, et ce en particulier dans des projets littéraires comme ceux qui ont pour principales caractéristiques le mouvement et l’ina-chevé. Dans ces cas-là, l’exemplaire de travail apparaît comme un manuscrit d’une œuvre, maître d’une typologie et d’une dynamique dans tous les do-maines d’action d’un polygraphe tel qu’Andrade. Un exemple notable est précisément Aimer, verbe intransitif, créé et recréé entre 1927 et 1944 par l’auteur et fruit de sa correspondance et de son amitié avec Pio Lourenço Cor-rea, l’oncle Pio – en réalité, un cousin et ami avec qui il a échangé un grand nombre de lettres entre 1917 et 1945. Les ratures sur l’exemplaire de travail du livre, édité au moment de la phase héroïque du modernisme, révèlent un écrivain moins hardi dans sa défense du freudisme et de la scientificité et plus flexible, au point d’accepter les sugges-tions de l’oncle Pio tels que l’emploi de para [pour] au lieu de la forme in-

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formelle ‘pra’. À la première page de l’exemplaire raturé, il écrit : « L’édition devra obéir à l’orthographie officielle brésilienne... du moment » ; une note écrite avec la même encre utilisée pour corriger le terme intransitif, désormais écrit avec un « s » et non plus un « z ». En conséquence, la deuxième phase de la création a lieu dans cet exemplaire raturé, entre 1942 et 1943 et alors qu’il est déjà un nom reconnu dans le mon-de des lettres brésiliennes. En 1944, il écrit au critique Álvaro Lins : « Avec un ami nous avons revu les épreuves du futur Aimer, verbe intransitif, qui a été bien remodelé. On va voir s’il s’est un peu amélioré ». Là encore, on peut voir l’importance de la correspondance pour mieux saisir la trajectoire de sa création, ainsi que le rôle de l’extérieur avec l’oncle Pio.

Co-coordonnateur du projet de l’IEB-USP et responsable de la corres-pondance de l’écrivain, Marcos Anto-nio de Moraes observe le suivant : « Les lettres sont l’espace qui lui permet de

comprendre des processus, chemins, choix, quelque chose comme un jour-nal de production. D’un autre côté, en racontant quelque chose de lui il suscite chez l’autre une réaction : c’est un work in progress. Il ne s’agit pas d’une œuvre fermée, il y a un espace laissé à l’autre pour dialoguer et soumettre des sug-gestions, intervenir dans le processus créatif de l’auteur. Andrade a d’ailleurs écrit dans une lettre adressée à Carlos Lacerda : « Même si je me psychana-lyse, il est clair que je ne parviens pas à découvrir d’où sont venus certains mots, certains vocatifs. Mais ils vibrent comme des mots, sont des expressions-clés qui me semblent suggestives et c’est pour cela que je les ai laissés tels quels ». D’après le chercheur, « il reconnaît qu’il ne sait pas pourquoi il a fait ceci ou cela, mais le désir de connaître le méca-nisme de création s’impose à l’écrivain lorsqu’il refuse l’idée du processus créa-tif domestiqué. Andrade paraît imposer la morale de l’artiste véritable : l’être fa-talisé, conscient de sa technique expres-

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sive et insatiable pour la connaissance des souterrains de soi et de son art ou, comme il l’écrit à Drummond : ‘ça fait deux ans ou un peu plus que je suis tombé amoureux du phénomène de la création esthétique ». Le dialogue plus intense débute avec Bandeira pour en-suite avoir lieu avec Drummond quand la conversation avec le premier sur les mystères de la création semble avoir fait le tour de la question. Dans une autre lettre à Lacerda, Andrade affirme : « J’ai commencé à faire plus attention à mes processus de création. Non pas pour modifier quelque chose, non pas pour connaître la plus petite insincérité dans mes processus de création, mais pour les vérifier ».

Marcos A. de Moraes signale que la correspondance d’Andrade renferme « des témoignages qui permettent au chercheur en critique génétique d’ac-compagner le processus tortueux de production d’un texte dans ses diffé-rentes étapes ». En même temps, An-drade a agi directement sur le processus de création d’artistes comme Di Caval-canti, Brecheret, Mignone, Guarnieri, Anita Malfatti et Cícero Dias, entre autres. « Lui et les artistes ont planté sur le terrain de la lettre l’expression essen-tielle de leur travail, des dessins en tant qu’expression ludique et des esquisses d’œuvres en processus ou achevées, avec le désir de partager le travail d’in-vention tout en aspirant à d’éventuelles suggestions de l’ami qui très souvent jouait le rôle de critique d’art dans les médias. La lettre devient le territoire de la création, et le processus de créa-tion d’une œuvre se démantèle dans la création à quatre mains via l’échange d’expériences, de vers, d’idées, etc. une démarche totalement moderne, avec comme instruments les lettres ».

M ais les archives d’Andrade, poly-graphe exemplaire, révèlent aussi sa passion pour la musique avec

des annotations sur des partitions, des lettres à des compositeurs, des textes sur la critique musicale. Sans compter d’autres manuscrits qui montrent ses dialogues avec des compositeurs et, surtout, sa collaboration à la création d’œuvres musicales telles que l’opéra Malazarte et l’inachevé Café, où sa participation ne s’est pas limitée au li-bretto mais s’est également reflétée sur

la construction musicale. Flávia Toni, coordonnatrice adjointe à l’IEB-USP du projet sur les manuscrits musicaux, affirme : « De même qu’il y a un es-pace occupé par l’écriture littéraire, il y a un écrivain qui s’occupe d’écriture musicale, un musicologue qui, en plus de penser des vers pense la musique et recherche le développement d’une esthétique brésilienne ». Outre la co-création de grands projets musicaux de compositeurs comme Camargo Guar-nieri ou Mignone, Andrade a encore ex-primé sa création à travers la musique. « Sur une partition apparaît le dessin de ce que serait la Pequena história da música [Petite histoire de la musique], et sur une autre se trouve un poème inédit, composé après avoir lu la mu-sique pour piano. Andrade a composé trois musiques, des tentatives timides de compositions populaires, mais peut-être en existe-t-il d’autres ».

C’est néanmoins dans les lettres que l’écrivain invite ses amis à créer. Dans l’une d’elles, raconte Flávia To-ni, il trouve un moyen très particulier pour « arracher » les Cirandas [danses populaires chantées] de Villa-Lobos, « intentionnellement, convaincu que cela marcherait » ; il utilise comme ar-gument les Doze Tonadas du compo-siteur chilien Humberto Allende, des mélodies populaires pour piano faites pour être jouées par des étudiants.

« Je sais que c’est très élémentaire pour vous et je n’oserais même pas de-mander quelque chose comme ça à un compositeur de votre envergure, mais je ne connais personne au Brésil, à part no-tre grand Villa-Lobos, qui serait capable de composer les Cirandas dans le style d’Allende ». Le poisson musical va mor-dre à l’hameçon et peu de temps après les Cirandas voient le jour, créées selon une configuration désirée par Andrade dont le nationalisme, à contre-courant de celui de Villa-Lobos, préconisait des mélodies plus folkloriques, quelque chose qui était difficile d’obtenir du compositeur carioca. Le dialogue était beaucoup plus fluide avec le composi-teur de São Paulo Camargo Guarnieri, le musicien favori d’Andrade avec qui il aimait écouter des disques chez lui et qui fut un interlocuteur privilégié. On l’a vu, la participation d’Andrade à l’opéra Pedro Malazarte ne s’est pas restreinte au libretto, il a aussi collaboré

à sa conception. Et grâce aux recherches menées par Flávia Toni, il a été possible de découvrir l’approfondissement de ce partenariat dans deux mélodies inédites recueillies par l’auteur en 1927 lors de son premier voyage à travers le pays et offertes au musicien (qui a gardé dans ses archives les originaux d’Andrade) et les a utilisées dans l’opéra.

F lávia Toni ajoute qu’« il y a aussi plusieurs analyses de presque tous les opéras de Carlos Gomes, ce qui

montre une volonté d’agir sur son présent tout en tentant de comprendre son passé, d’accompagner la création de l’opéra au Brésil ». Andrade sem-blait répéter dans la musique la même quête que celle effectuée au milieu des années 1920 à l’occasion de l’écriture de Gramatiquinha da fala brasileira [Petite grammaire de la langue brésilienne]. « Il voulait expliquer la musique brési-lienne du passé au futur, construire un jour une ‘grammaire’ de la construc-tion musicale brésilienne, c’est-à-dire utiliser certaines constructions sonores pour créer de la musique, de la même manière que sont utilisés les mots pour créer des vers ». Le projet thématique s’attache également à récupérer un dia-logue perdu dans les lettres. À chaque fois qu’il recevait des lettres contenant des informations pour son Dicionário da música [Dictionnaire de la musique] dans les années 1930, il rangeait ce cour-rier dans la section des manuscrits au lieu de celle des lettres, dans la mesure où il entravait le processus de création. Aujourd’hui, ce flux sera rétabli.

Et qu’en est-il des annotations en marge des livres comme manuscrit ? D’après Telê A. Lopez, « il est possible de percevoir un dialogue à travers la lecture parsemée d’annotations, un mouvement dans la recherche de l’ar-tiste qui se déroule conformément à ses obsessions et sous-entend critique, sélection et assimilation. Les annota-tions marginées sont un champ cultivé et une grange réunies, qui cohabitent parallèlement ou se fondent dans les archives de la création. [...] Ces notes en marge font partie du parcours de l’univers de la création d’autres textes et, comme elles appartiennent au par-cours de l’écriture, elles dupliquent la nature documentaire du livre. Ainsi, au texte imprimé de la bibliothèque

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s’ajoute le manuscrit. En transformant ou en sélectionnant dans les marges la matière de l’auteur et en tissant des commentaires à partir d’une lecture critique latérale, l’écrivain promeut une coexistence de discours. Ce dialo-gue donne à voir le texte naissant qui fait face à une création au stade final ; autrement dit, l’autre livre offert au pu-blic ». Chez l’écrivain, marginer peut fonctionner comme matrice implicite quand il est devant un livre d’anno-tations originales, et ce même si son travail a pu être influencé par d’autres. C’est le cas par exemple de Les villes tentaculaires précédées de Les campagnes hallucinées d’Émile Verhaeren, matrice avouée dans des lettres du titre et du contenu de Paulicéia desvairada [São Paulo hallucinée].

T out cela ne serait qu’une simple analyse froide et impersonnelle si elle ne bénéficiait pas à l’auteur et à

ses lecteurs. Pour preuve, la jolie histoire de Os contos de Belazarte [Les contes de Belazarte] montre la nécessité d’accom-pagner une création toujours en mou-vement, jamais achevée et composée de très nombreux exemplaires de travail. En 1968, alors que la dictature militaire battait son plein, l’étudiant de droit et réviseur pour une maison d’édition Va-lentim Faccioli a aperçu un petit livre couleur vin utilisé pour caler la table sur laquelle il travaillait. En le prenant, il s’est rendu compte qu’il s’agissait d’une épreuve de Belazarte (qui contenait en-tre autres le conte O besouro e a rosa [Le scarabée et la rose]) avec des anno-tations au crayon sans doute faites par l’auteur. Emprisonné, Faccioli a perdu son emploi et abandonné l’université. Devenu professeur de l’USP bien des années plus tard, il décida de remettre ce livret à l’IEB-USP. On sait aujourd’hui que c’est un document très important, un exemplaire de travail avec des an-notations de Mário de Andrade. Pour la plus grande joie de l’écrivain, les cor-rections sont arrivées à temps. n

Photo de 1932: Andrade

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L’écrivain américain F. Scott Fitzgerald affirma sans l’om-bre d’un doute que nous, les pauvres mortels, étions différents des riches parce qu’en fin de compte ils avaient plus d’argent que nous. Pourtant, cette seule question de l’argent est-elle suffisante pour tout expliquer ? Les indicateurs d’inégalité et de revenus montrent que cette différence entre riches et pauvres au Brésil s’amenuise,

mais est-ce suffisant pour nous donner un tableau précis de la ségrégation sociale brésilienne ? D’après la directrice du Cen-tre d’Études sur la Métropole (CEM) et scientifique politique Marta Arretche, « le revenu est une dimension très importante pour l’analyse de la pauvreté et de l’inégalité, et ce n’est pas un hasard si les comparaisons internationales mettent l’accent sur cette dimension. Toutefois, notre travail au CEM s’efforce d’examiner la pauvreté et l’inégalité sous ses multiples versants, parce que la situation de pauvreté d’un individu résulte de la combinaison de différents aspects, en plus du revenu : son accès au marché formel du travail et aux services publics, ainsi que ses liens sociaux et associatifs. Le manque de protection d’un individu est le fruit de ces multiples dimensions ».

Si pour comprendre ce qui se passe dans le pays il est impor-tant de tenir compte des travaux récents qui montrent une amé-lioration de la répartition, on ne peut ignorer les autres facettes de la pauvreté et de l’inégalité qui ont de grandes répercussions sur le bien-être des personnes – une vision que tente précisément de mettre en avant Marta Arretche et les études du CEM.

D’où le séminaire international Métropole et Inégalités, qui s’est tenu du 24 au 26 mars 2010 ; une étape supplémentaire dans le processus d’internationalisation de ce Cepid (Centre de Recherche, Innovation et Diffusion) de la FAPESP, qui est aussi un INCT (Institut National de Science et Technologie). Le séminaire s’est penché sur ces trois axes de recherche et sur les particularités du processus brésilien de développement actuel.

Et Marta Arretche de préciser : « Nos recherches partent du présupposé théorique selon lequel le travail, les services sociaux et la sociabilité sont des mécanismes décisifs pour atténuer les situations de pauvreté. Vous pouvez avoir deux individus qui gagnent la même chose, mais si l’un d’eux a accès aux aides au logement, à la santé, etc. et l’autre non, un est plus pauvre et plus victime de la ségrégation que l’autre. Il faut toujours analyser au-delà du revenu, et c’est cela que le séminaire pro-

Un séminaire réfléchit aux dilemmes de la ségrégation sociale brésilienne

Océan d’inégalité : immeuble dans le quartier de Morumbi et bidonville à Paraisopólis

Inégalité sans égal

Carlos Haag

Publié en mars 2010

[ sociologie ]

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pose, d’ailleurs en accord avec les études internationales les plus récentes. [...] La pauvreté peut être en train de diminuer, mais d’un autre côté l’inégalité est susceptible d’être reproduite ». Le premier axe du séminaire a abordé l’accès au marché du travail et a débuté par une lecture inhabituellement « optimiste » sur l’état actuel de la ville de São Paulo. Pour le sociologue Álvaro Comin, également membre du CEM, « les flux migratoires se sont déjà modifiés dans les années 1990, lorsqu’ils ont com-mencé à baisser après des décennies de croissance accélérée, une tendance due aussi bien aux facteurs locaux (comme la perte du dynamisme du marché du travail moins qualifié et les prix en hausse des loyers) qu’aux facteurs externes tels que l’apparition de nouveaux pôles de développement dans d’autres régions du pays ». Au contraire de ce que l’on avait l’habitude de dire, São Paulo a donc cessé de croître et de recevoir des migrants, et les travailleurs moins qualifiés sont plus nombreux à quitter la ville qu’à venir s’y installer. Comin constate « une réduction de la participation relative de la couche la plus pauvre et la moins scolarisée de la population ». Entre 2003 et 2007, la croissance de l’emploi formel a été de l’ordre de 4,15 % par an, et pour la première fois en deux décennies, le nombre de personnes avec un contrat de travail dépasse les 50 %.

De l’avis du sociologue, « la ville est en train de gagner en services plus sophistiqués et la demande de main-d’œuvre a augmenté en termes de force de travail plus ‘élitisée’, ce qui

laisse penser que São Paulo sera une métropole au profil plus ‘classe moyen-ne’ ». Et à cette évolution s’ajoute une augmentation du niveau de scolarité : « les individus ayant un travail formel ont plus de chances d’actualiser leurs capacités dans leur domaine d’action, ce qui réduit les risques de chômage et augmente leurs opportunités de pro-gression professionnelle ». Jusque là, tout semble indiquer un monde idéal. Néanmoins, c’est à ce stade que surgit l’inflexion de l’inégalité, avec l’appari-tion d’un nouveau modèle de ségréga-tion : les plus pauvres qui ne rentrent pas dans cette nouvelle structure et qui dépendent encore de la ville pour survivre (employés de maison et autres types d’emploi) sont obligés de vivre de plus en plus loin, car ils sont exclus de la ville à cause du prix des loyers ou du nouveau profil exigé.

Comin va plus loin : « C’est un cycle complexe : la ville a fermé ses portes à un type de travailleur qui, expulsé de

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un effet pervers de cette ‘élitisation’ de la ville. Un assistant de bureau doit préciser un diplôme universitaire ; va savoir de quelle université, mais il est obligé. La question qui se pose est : à quoi bon étudier si c’est pour fi nir par faire du télémarketing et gagner si peu ? À confi rmer ce qui est déjà ancré dans notre culture, à savoir que les études ne mènent à rien ». De l’avis de Comin, « tout ce qui semble bon, dans l’image de São Paulo, paraît en réalité porter une petite part de mauvais ».

Les réseaux de sociabilité sont un autre axe de l’inégalité étudié par le CEM. Pour le sociologue du CEM Eduardo Marques, « la pauvreté pos-sède une dimension territoriale : des personnes pauvres peuvent souffrir de ségrégation spatialement, mais elles peuvent aussi être unies spatialement et combattre cet effet de la ségrégation. La question de l’inégalité d’accès aux politiques de sociabilité fait que des individus aient des conditions et des avenirs différents ».

À partir de cartes montrant les ré-seaux de sociabilité d’individus, Mar-ques a observé que ces relations avec des voisins, des personnes de la famille, des amis, des collègues, etc. sont très importantes et ne dépendent pas du niveau de scolarité et d’autres facteurs comme être ou non salarié, avoir un bon travail ou encore un bon salaire. Sur la base de ces données, le chercheur a formulé des propositions pour l’état, qui pourrait profi ter de ce rapport iné-vitable entre les individus et leurs rela-tions interpersonnelles – une manière effi cace de l’aider notamment à essayer de trouver un autre emploi. En fi n de compte, une recherche menée par Na-dya Guimarães avec des chômeurs qui cherchaient du travail dans des agen-ces publiques et privées a révélé que 80 % des personnes interrogées avaient réussi à retrouver un emploi grâce à leur réseau d’amis dans d’autres oc-casions et au détriment des agences (ce qui n’empêche pas bien sûr de tenter les organismes comme renfort).

‘la métropole, se voit obligé de vivre dans des villes ou des régions voisi-nes. Désormais, des problèmes com-me le transport, les inondations, etc., deviennent des questions majeures. Quand on y regarde de plus près, ce qui pouvait être ‘commémoré’ dans un premier temps est devenu une source de préoccupation ». Finalement, les questions gagnent la sphère métropo-litaine vu que les diffi cultés englobent des zones plus distantes, plus pauvres et avec moins de conditions de réso-lution qu’une métropole comme São Paulo. « D’autre part, vous ne travaillez qu’avec deux sphères : l’état de São Paulo et la mairie, qui ne collaborent pas entre elles ; pour preuve, il suffi t de penser à la guerre fi scale et aux ques-tions des partis politiques ».

Le profi l industriel de São Paulo a lui aussi changé, même si l’état conti-nue à concentrer 50 % de la production industrielle dans sa zone. « Les indus-tries traditionnelles qui utilisaient des travailleurs communs se délocalisent en province et la ville conserve l’industrie qui utilise le plus de technologie. L’éco-nomie de la ville est plus intensive en matière de capital et moins intensive en forces de travail », observe Comin.

Expulsion – Comin fait part de son inquiétude : « En général, la pauvre-té est invitée à se retirer de la ville et nous sommes en train d’exporter des problèmes tels que les bidonvilles, la misère, le manque de santé, etc. En même temps, les ‘expulsés’ ne peuvent utiliser les systèmes de services publics d’autres lieux dans la mesure où on leur demande des attestations de travail et de domicile. D’ici 20 ans, quand on regardera São Paulo on pourra penser que tout va bien, mais les problèmes seront en face de nous, juste devant le fl euve, dans les villes avoisinantes, avec la différence que ces villes ont peu de chance de faire, comme nous, de la po-litique et des changements ».

Les recherches de Nadya Guimarães, du CEM, montrent une autre réalité cruelle : « Aujourd’hui on demande des diplômes de l’enseignement secondaire ou universitaire pour quelque fonction que ce soit. Un balayeur de la mairie, par exemple, doit présenter un diplôme de l’enseignement secondaire. C’est

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« Cela indique que les personnes ayant des amis ont beaucoup plus de chances de trouver un emploi, donc d’augmen-ter leurs revenus et, conséquemment, diminuer l’inégalité par l’intermé-diaire de leurs relations personnelles ; et cela montre aussi que ces réseaux de relations sont plus efficaces que les politiques publiques », souligne Marta Arretche. D’après Marques, « le combat contre la pauvreté ne peut en aucun cas se passer des politiques sociales tra-ditionnelles et des politiques macro-économiques qui promeuvent des emplois de bonne qualité et en grande quantité. Mais vu que certains réseaux présentent des modèles importants de pénétration dans le tissu relationnel des communautés, leur intégration aux politiques de l’état peut leur offrir plus de résolubilité en rapprochant de ma-nière plus précise les politiques de leurs usagers et en aidant à les personnaliser, y compris en termes de langage, pour médier culturellement les relations entre l’état et les communautés. [...]

Dans le cas spécifique de l’emploi, le développement d’agences pour l’em-ploi qui mettent à disposition une in-formation intégrée sur le travail tout en se situant de manière radicalement décentralisée dans les communautés pourrait contribuer à réduire l’effet du mécanisme de la localisation initiale du migrant et de l’entrée de jeunes sur le marché du travail, en répartissant plus équitablement les accès aux in-formations et aux structures relation-nelles peu locales ».

Faveur – Si l’emploi dépend encore de l’information donnée par un ami, la bonne nouvelle réside dans le troisiè-me axe de recherches du séminaire sur les services publics. « Imaginons que vous preniez quelqu’un dans une si-tuation très difficile : il est au chômage dans une métropole. Comment sera sa vie ? Malgré toutes les difficultés, aujourd’hui ses enfants peuvent pour-suivre leur scolarité et lui continuera à bénéficier des services de santé. Tout cela sans avoir besoin de faveurs ou d’avantages d’aucuns politiciens. [...] Sa situation dans une métropole est assurément bien meilleure que s’il était ailleurs », affirme Marta Arretche. La chercheuse estime que les régions mé-tropolitaines ne sont pas les pires lieux du Brésil : « J’ai classé toutes les villes brésiliennes d’après cette perspective amplifiée de la pauvreté qui caracté-rise les études du CEM : revenu, santé, éducation et logement. Toutes ont été classées selon un indice qui varie de 1 à 6 – 1 étant les villes les mieux lo-ties et 6 les villes connaissant les pires situations sociales et de revenu. La grande majorité des villes des régions métropolitaines se situe entre 1 et 2, c’est-à-dire parmi celles qui ont les meilleurs indicateurs ».

Pour elle, les principaux problè-mes seraient plutôt les conditions de mobilité urbaine, autrement dit l’in-frastructure urbaine et les transports. Une autre donnée positive relevée par Nadya Guimarães est que 98 % des personnes des grandes métropoles (Rio de Janeiro, Salvador, Belo Hori-zonte, São Paulo) ont un accès direct aux services publics, indiquant par là l’extinction du clientélisme dans ce domaine. Des études comparées

montrent que l’inégalité d’accès aux services publics dans le monde est en train de chuter, alors que l’inégalité de revenu augmente. « De ce point de vue, le Brésil suit une trajectoire par-ticulière, car la démocratie brésilienne parvient à combiner la réduction de l’inégalité de revenus et la réduction de l’inégalité d’accès aux services pu-blics », observe la directrice du CEM. « Au début des années 1990, la plupart des scientifiques sociaux estimaient que l’état brésilien serait incapable de répondre aux demandes de la dette sociale héritée du régime militaire. L’augmentation de la participation politique et l’incapacité de l’état à ré-pondre aux demandes d’intégration sociale représentaient une grave me-nace contre la démocratie. [...] Or, ces estimations se sont avérées infondées, parce que la démocratie brésilienne a fait preuve d’une capacité graduelle d’incorporation sociale ; autrement dit, le Brésil suit la trajectoire classique des démocraties modernes, dans les-quelles la participation politique crée des opportunités et des incitations institutionnelles pour une intégration sociale des masses progressives ».

Ce sont les institutions politiques brésiliennes qui ont permis l’incor-poration de l’électorat et l’entrée des demandes. « Y compris des couches les plus pauvres », ajoute la scientifique politique Argelina Figueiredo. « Dans le calendrier de la redémocratisation, les gouvernements qui ont suivi la dictature sont chaque fois plus allés de l’avant en termes de récupération de la dette sociale laissée par la dictature. Il ne fait aucun doute que la concen-tration de revenus et l’accès limité des couches les plus pauvres de la société sont le fruit de forces politiques et de politiques publiques privilégiées par les gouvernements en place. [...] Depuis la redémocratisation dans les années 1980, ce tableau social a commencé à changer et continue de changer avec une intensité toujours plus grandis-sante. La dimension de ce changement montre qu’il a été significatif quand on le compare avec le timing des proces-sus de changement social équivalents d’autres pays où la démocratie est aujourd’hui considérée comme étant ‘solidement installée’ ». n

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Reflets : travail, réseaux sociaux et services publics pour expliquer la ségrégation

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Une banque de données cartographie le flux migratoire de la main-d’œuvre qualifiée qui a contribué à l’industrialisation de são paulo après 1945

L’essor de l’industrialisation de São Paulo aussitôt après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) – un des chapitres les plus im-portants de l’histoire de l’état – peut désor-mais être mieux raconté. Beaucoup igno-rent que l’un des points-clés de ce processus réside dans l’arrivée en masse d’immigrants

qualifiés d’Europe et du Japon, deux régions du-rement affectées par le conflit. Cependant, le pôle industriel de la région métropolitaine de São Paulo et de sa banlieue n’est pas le seul à avoir intégré un grand nombre de travailleurs. L’agriculture s’est aussi modernisée avec ces « nouveaux migrants » aussi bien spécialisés du point de vue de la tech-nique que de la pratique.

São Paulo S. A.

[ Histoire ]

Publié en novembre 2009

Gonçalo Junior

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les réfugiés, les apatrides, etc. ». Les résultats obtenus mon-trent notamment le profil de personnes provenant de pays européens traditionnellement fournisseurs d’immigrants au Brésil ainsi que d’autres natio-nalités d’Europe Centrale et de l’Est, différent du profil moins qualifié des entrées ayant caractérisé la grande im-migration de la fin du XIXe siècle et des premières décennies du XXe. « Les origines des immigrants sont également intéressantes », observe Maria Rolf-sen Salles. Les Italiens, par exemple, venaient en fait des régions méridionales de l’Italie, des zones moins développées dont la main-d’œuvre présentait une spécialisation plus technique que formelle.

Pour mieux comprendre le processus, la professeur recommande de revenir en arrière, au XIXe siècle. Certaines régions sont très significatives en termes d’arrivées d’immigrants à partir des années 1870, des moments plus longs et plus intenses sur la croissance de la population brésilienne. Comme l’expansion de la caféiculture dans l’ouest de l’état de São Paulo, le dé-but de la politique de subventions et la venue massive d’immigrants (en particuliers italiens). « Cette période s’est achevée en 1902, avec l’interdiction en Italie de l’immigration subventionnée à travers le décret Pri-netti et le début de l’immigration vers les États-Unis ». Le deuxième cycle a été caractérisé par l’Accord de Taubaté (1906), la venue en nombre de Portugais et d’Espagnols et le début (1908) des entrées des Japo-nais, et ce jusqu’à la Première Guerre mondiale.

La période suivante est marquée par un ralentis-sement de la venue d’immigrants pour les raisons suivantes : des restrictions en place dès la fin des an-nées 1920, avec la fin de la politique de subventions et la crise du café qui culminera en 1930. On est alors

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Du train de migrants européens à l’arrivée, avec la famille, aux centres nationaux

Cette nouvelle vision commence à être délimitée grâce au projet mené par le Centre d’Études sur la Population de l’Université d’état de Campinas (Nepo/Unicamp) : Les nouveaux migrants – Flux migratoires et industrialisation à São Paulo (1947-1980). Entre 2003 et 2008, le centre a réuni plus de 60 000 do-cuments qui incorporent une banque de données de près de 200 000 registres de migrants venus faire partie du marché du travail. Véritable mine d’or pour les chercheurs brésiliens et même étrangers, ces ar-chives renferment des informations qui peuvent être exploitées de diverses manières : par le nom, la natio-nalité, la profession, la région d’origine, l’entreprise employeuse, etc.

Mais pas seulement. Il est possible de croiser des données plus détaillées, à l’exemple de tous les mécaniciens automobile de nationalité allemande célibataires, ou de ceux qui possèdent un niveau universitaire – dans ce cas, indépendamment de la nationalité. On peut également élaborer des graphi-ques, des tableaux et d’autres formes de consolidation des données, d’une grande richesse pour les études démographiques. Et ce ne sont là que quelques-unes des possibilités. La banque de données est déjà dispo-nible au Nepo/Unicamp et au Memorial do Imigrante [Mémorial de l’Immigrant] de São Paulo.

À ce stade, l’équipe du projet a jugé que le travail était achevé en tant que contribution collective pour d’autres chercheurs. Néanmoins, le groupe

reste uni pour continuer à traiter les informations et dialoguer avec les personnes intéressées. Les princi-paux membres de ce projet sont : Maria do Carmo Carvalho Campello de Souza (USP et Idesp, coor-donnatrice entre 2003 et 2006), Teresa Sales de Mello Suarez (Nepo/Unicamp), Célia Sakurai (Musée de l’Immigration Japonaise et Nepo/Unicamp), Odair Paiva (Unesp et Mémorial de l’Immigrant), José Re-nato de Campos Araújo (USP et Idesp) et Maria do Rosário Rolfsen Salles (Unesp et Idesp, coordonna-trice entre 2006 et 2008).

Idéalisatrice du projet aux côtés de Célia Sakurai, la sociologue Maria do Rosário Rolfsen Salles expli-que que la première étape a été destinée à identifier, organiser, cataloguer, informatiser et archiver les do-cuments du Mémorial de l’Immigrant sur l’arrivée de près de 500 000 étrangers – la plupart ayant été logés au Centre d’Accueil d’Immigrants [Hospedaria de Imigrantes]. La deuxième étape a privilégié le dé-veloppement de projets thématiques qui ont donné lieu à une série de travaux sur des aspects de cette immigration peu explorés par l’historiographie.

D’après la sociologue, « le grand mérite de no-tre projet, si l’on peut dire, est de permettre à de nouveaux chercheurs d’avoir accès à un type de do-cumentation, désormais informatisée et susceptible d’orienter un nombre infini de recherches sur la pé-riode, les nationalités, les organismes internationaux,

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dans une phase caractérisée de pério-de d’entrée de Portugais, de Japonais et d’« autres nationalités » (Polonais, Russes, Roumains, Juifs, etc.). Le dernier cycle migratoire a commencé avec la réouverture de la politique migratoire du Brésil à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et l’ouverture politique dé-coulant de la fin de l’État Nouveau ; le nombre d’entrées fut très inférieur au précédent, avec surtout l’arrivée d’Italiens, d’Espagnols et, comme on l’a vu, d’« autres nationalités » (Europe Centrale et de l’Est), sans oublier les Ja-ponais à partir de 1950. D’après Maria Rolfsen Salles, l’une des caractéristiques de ce contingent fut la présence de ré-fugiés entre 1947 et 1951 et d’apatrides – des personnes ayant, pour des raisons diverses, perdu leur nationalité pendant la guerre et qui ne pouvaient ou ne vou-laient rentrer dans leur pays d’origine.

Au cours du travail, les chercheurs ont fait des découvertes surprenan-tes. C’est le cas notamment du grand nombre d’Italiens, d’Espagnols et de Japonais qui sont venus dans la ville de São Paulo mais aussi dans la pro-vince de l’état pour travailler dans des

entreprises agricoles. Ces immigrants se sont concentrés dans des quartiers industriels de la Zone Est à la Zone Sud, ainsi que dans d’autres régions de la ville comme le centre, la Zone Nord, Vila Leopoldina, Lapa et la Zone Ouest. Finalement, observe la chercheuse, « il faudra étudier chacune des nationali-tés pour pouvoir déterminer le chemin parcouru à São Paulo ».

P our Célia Sakurai, docteur en scien-ces sociales de l’Unicamp, la ban-que de données a permis de mieux

évaluer le poids des immigrés sur la ville de São Paulo. Elle ignorait l’am-plitude de l’immigration post-guerre et le profil des immigrants, très différents de ceux arrivés avant la Seconde Guerre mondiale : « La variété d’occupations a également attiré notre attention, ainsi que le profil des entreprises, des multi-nationales japonaises qui se sont instal-lées à la fin des années 1950 aux petites entreprises, voire parfois familiales, qui ont accueilli ces immigrants ». En ce qui concerne les Japonais, on retiendra le nombre élevé d’agriculteurs pour des projets de colonisation.

La chercheuse pense que le profil des migrants japonais a changé après la Deuxième Guerre mondiale : ils étaient jeunes, célibataires, doté d’une spécia-lisation professionnelle qui contrastait avec leurs compatriotes arrivés avant la guerre. Ces nouveaux migrants s’insé-raient dans le processus d’industriali-sation de São Paulo en occupant des postes qui exigeaient une qualification. Ainsi sont apparus des techniciens de secteurs nouveaux tels que l’électroni-que, la métallurgie, le dessin de projets de circuits de climatisation, etc. « La contribution de ce type d’information pour l’étude de l’immigration au Brésil donnera la possibilité de présenter une facette nouvelle et très peu connue de ces personnes dans notre pays ».

Le coût total du projet a été d’en-viron 130 000 réaux, utilisés pour la création du programme pour le déve-loppement de la banque de données, la constitution d’équipes chargées de numériser les informations, le traite-ment des documents, l’achat de maté-riel permanent et d’une bibliographie nationale et internationale sur les pro-cessus migratoires d’après-guerre, la constitution d’organismes internatio-naux comme l’International Refugees Organization (IRO), le Comité Inter-national pour les Migrations Européen-nes (Cime) et le Japan Migration and Colonization (Jamic). D’après Maria R. Salles, la consolidation du projet a aussi été favorisée par la présence de deux équipes de chercheurs sur le thème : celle de l’Institut de Recherches Éco-nomiques, Politiques et Sociales de São Paulo (Idesp) et celle du Mémorial de l’Immigrant, qui a même incorporé dans ses rangs une chercheuse du Ne-po/Unicamp.

Le professeur Odair da Cruz Paiva, docteur en histoire sociale par l’USP, a rejoint le projet lorsqu’il travaillait au Mémorial de l’Immigrant. L’une de ses fonctions était l’organisation des archives. Avant lui, tout ce qui faisait ré-férence à l’immigration d’après-guerre

Le dernier cycle migratoire a commencé avec la réouverture

de la politique migratoire par le Brésil à la fin de la guerre

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était épars et non organisé, empêchant ainsi d’éventuelles recherches sur le su-jet. Il rappelle que l’idée du projet Les nouveaux migrants est née à partir de conversations avec les professeurs Célia Sakurai et Maria R. Salles : « Peu à peu, nous avons défini ce qui deviendrait son plus grand objectif : l’organisation et l’informatisation des données pré-sentes dans cette documentation ». Lors de l’élaboration du projet, l’équipe était déjà formée et certaines discussions sur les chemins à suivre entamées.

L es fonctions ont été divisées en deux noyaux centraux : le premier re-groupait les travaux d’organisation

des archives et l’insertion des données dans la banque informatisée. « Cette tâche a été confiée à une équipe de sta-giaires embauchés par le Mémorial de l’Immigrant ». L’équipe des chercheurs – dont faisait partie Paiva – supervisait et orientait le travail des stagiaires tout en procédant aux corrections de la banque de données et aux relevés des données. Chaque chercheur a élaboré et développé un projet individuel basé sur les données à insérer. « En ce qui me concerne », indique Paiva », « j’ai développé une recherche sur l’insertion de ces migrants sur le marché industriel de São Paulo entre les années 1940 et 1970 ». Célia Sakurai a travaillé sur l’im-migration japonaise et Maria R. Salles sur les réfugiés de guerre qui sont arri-vés à São Paulo entre 1947 et 1951.

Paiva a conçu la banque de données en collaboration avec Paulo Eduardo de Vicente, technicien informatique. « Au départ, nous voulions insérer les informations de la documentation sur l’immigration à cette période. La plus grande partie est composée de registres individualisés avec des données per-sonnelles, professionnelles et familiales des migrants provenant d’Europe, du Japon et du Moyen-Orient ». Cet ob-jectif principal a été maintenu pendant toute la durée du projet. « Au cours de ces quatre années, il a fallu adapter et modifier la systématique du travail d’insertion des informations, ainsi que la structure de la banque de données ; cela a surtout été dû à la multiplicité des supports documentaires ». Paiva estime que le système ainsi constitué a permis d’obtenir des informations beaucoup plus précises sur ce moment du proces-

sus migratoire bré-silien : « Dans mon cas par exemple, il est possible de visualiser une cartographie complète des entre-prises ayant reçu cet-te main-d’oeuvre, le

profil professionnel de ces travailleurs et leur expérience acquise en Europe ». Un ensemble de données très riche et varié. « Je suis convaincu que le projet pourra aider beaucoup de chercheurs et produire une connaissance fondamen-tale sur l’immigration de l’époque ».

À l’heure actuelle, les coordonna-teurs du projet Les nouveaux migrants souhaitent que leur initiative soit connue par le plus grand nombre, afin d’encourager d’autres chercheurs à tra-vailler avec les informations réunies.

D’après Paiva, l’équipe est pleinement consciente que d’autres « regards » sont essentiels pour potentialiser l’infinité de données. Mais quoi qu’il en soit, l’intention est de poursuivre le travail d’analyse des informations pour en-suite les rendre publiques. 2009 a vu paraître le livre Migrações pós-Segunda Guerra Mundial [Migrations après la Deuxième Guerre Mondiale », édité avec l’aide de la FAPESP. « Dans cet ouvrage, certaines des questions qui ont vu le jour pendant la recherche ont été notées, en particulier avec les contribu-tions de spécialistes travaillant sur le thème des migrations de la période ». Il s’agit finalement, conclut le chercheur, d’une documentation quasiment iné-dite, dotée d’un grand potentiel pour dévoiler plusieurs dimensions de l’im-migration vers São Paulo. n

Demande de visa aux autorités brésiliennes : flux de réfugiés

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em octobre 2009, nasa a lancé une fusée contre la lune. c’était part de la mission lunar crater observation and sensing satellite (lcross), qui a démontré que l’eau y est plus abondante et plus répandue que l’on ne croyait. les sédiments collectés sont aussi un coup d’oeil dans l’évolution du système solaire. des nouvelles navrantes pour l’artiste sheila Goloborotko: “on bombarde la lune!”

Une attaque anti-romantique

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Nous sommes heureux d’annoncer un agenda de VISITES qui auront lieu suite à la

1ère Conférence Brésilienne des Sciences de la Bioénergie et de la Technologie

La 1ère Conférence Brésilienne des Sciences de la Bioénergie et de la Technologie sera un grand évènement sur l’état de l’art dans le domaine de la bioénergie. Un forum privilégié sera mis à la

disposition des experts pour qu’ils puissent présenter leurs dernières réalisations scientifiques et technologiques et discuter des affaires et de la politique pour le développement du secteur.

Nous proposons trois visites en vue de compléter ce solide programme scientifique.Les visites auront lieu dans deux régions productrices de canne à sucre dans l’État de São Paulo :

Ribeirão Preto et Araras. Nous visiterons les usines de São Martinho et São João, ainsi que d’importants centres de recherche tels que le CTBE, Ridesa, IAC, Canavialis et Amyris.t.

Première Conférence Brésilienne des Sciences de la Bioénergie et de la Technologie

Campos do Jordão, São Paulo, BrésilDu 14 au 18 août 2011

Date des visites : les 18 et 19 août 2011

Élevage

Biotechnologie

Biologie moléculaire

Usines, production de sucre, processus de production d’éthanol et d’énergie électrique

Gestion agronomique de production de canne à sucre

Mécanisation des récoltes et des usines

Utilisation des résidus dans la production durable de canne à sucre – Socioéconomie des biocarburants

Date limite pour l’inscription d’articles :

Le 15 mai 2011 – Inscription pour les présentations par poster

Présentez votre résumé en ligne

Les inscriptions de présentations par poster sont acceptées dans les domaines suivants :• Biomasse• Technologies de biocarburants• Chimie de l’Alcool et bioraffinerie• Moteurs et autres appareils de conversion• Processus d’intégration• Durabilité

Prière de présenter vos résumés à l’aide du formulaire en ligne.

Pour le programme complet de la conférence ainsi que pour les opportunités de bourses, consultez le site : http://www.bbest.org.br

Certains des articles sélectionnés seront publiés en intégralité dans un numéro spécial du Global Change Biology Bioenergy Journal.

Une liste d’hôtels agréés est disponible

Inscrivez un résumé pour une présentation orale ou par poster

http://bbest.org.brInformations : [email protected]

Campos do Jordão - August 14 to 18, 2011

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DES BOURSES DE POST-DOCTORAT à São Paulo, Brésil

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La Fondation d’Appui à la Recherche de l’État de São Paulo, FAPESP, l’une des principales agences de soutien à la recherche au Brésil, invite les chercheurs talentueux possédant un diplôme de doctorat récent et un historique de réussite dans la recherche à poser leur candidature pour à une bourse de post-doctorat. En 2010, nous avons proposé 66 bourses, dans pratiquement tous les domaines du savoir (consultez http://www.oportunidades.fapesp.br/en/).

Les bourses peuvent aussi être demandées pour des projets spécifi ques proposés par un candidat et un directeur de thèse de n’importe

quel groupe lié à de hautes études ou à des centres de recherche de l’État de São Paulo.

Les bourses de post-doctorat de la FAPESP sont accordées pour une période de 24 mois, renouvelable pour 12 autres mois. Elles incluent une pension mensuelle, les frais de voyage vers et à partir du Brésil aussi bien pour le candidat que pour sa famille, ainsi qu’un complément pour les dépenses de recherches.

Pour plus d’informations, consultez http://www.fapesp.br/en/mate-ria/5427/scholarships/post-doctorate-fellowship.htm

Pour plus de renseignements, contactez-nous au : [email protected]

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