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Journal de thérapie comportementale et cognitive (2010) 20, 38—44 ARTICLE ORIGINAL Effets de l’approche thérapeutique mindfulness based stress reduction (MBSR) sur la gestion du stress professionnel : une étude de cas Effects of the mindfulness based stress reduction (MBSR) therapeutic approach on professional stress management: A case study C. Berghmans 43, rue des Graminées, 57100 Thionville, France Disponible sur Internet le 27 juillet 2010 MOTS CLÉS Méditation ; Pleine conscience ; MBSR ; Stress professionnel Résumé L’approche thérapeutique de pleine conscience mindfulness based stress reduction (MBSR) développée par Kabat-Zinn, est de plus en plus utilisée dans la gestion du stress et de l’anxiété et présente des résultats cliniques encourageants. Adaptée à la gestion du stress professionnel, cette méthode de soins est encore peu pratiquée. L’objectif de cet article est d’étudier les effets du protocole MBSR sur trois cas de patients subissant un stress professionnel élevé. L’originalité de cette étude réside dans l’application individuelle et adaptée du protocole MBSR. Les résultats de cette recherche sont très encourageants et montrent des effets positifs de MBSR sur le stress professionnel, en termes de baisse du stress perc ¸u, de l’anxiété et du burn-out. D’autres études individuelles sont désormais nécessaires pour valider ces résultats et encourager les praticiens à utiliser cette approche en psychothérapie individuelle dans la gestion du stress et de l’anxiété. © 2010 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Meditation; Mindfulness; MBSR; Professional stress Summary The therapeutical approach based on mindfulness (mindfulness based stress reduc- tion [MBSR]), developed by Kabat-Zinn is increasingly used in stress management and anxiety disorders. Adapted to professional stress management, this method is still new. The objective of this study is to analyse the effects of this approach on three patients suffering from work stress and anxiety disorders in a professional environment. The originality of this study is based on the fact that we used and adapted this method with individual patients. The results show positive effects of MBSR on stress reduction, notably perceived stress, anxiety and burn-out symptoms. Further studies are necessary in order to validate these results and encourage psychotherapists to use this approach on an individual basis. © 2010 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Adresse e-mail : [email protected]. 1155-1704/$ – see front matter © 2010 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jtcc.2010.06.003

Effets de l’approche thérapeutique mindfulness based stress reduction (MBSR) sur la gestion du stress professionnel : une étude de cas

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ournal de thérapie comportementale et cognitive (2010) 20, 38—44

RTICLE ORIGINAL

ffets de l’approche thérapeutique mindfulnessased stress reduction (MBSR) sur la gestion dutress professionnel : une étude de casffects of the mindfulness based stress reduction (MBSR) therapeuticpproach on professional stress management: A case study

. Berghmans

3, rue des Graminées, 57100 Thionville, France

isponible sur Internet le 27 juillet 2010

MOTS CLÉSMéditation ;Pleine conscience ;MBSR ;Stress professionnel

Résumé L’approche thérapeutique de pleine conscience mindfulness based stress reduction(MBSR) développée par Kabat-Zinn, est de plus en plus utilisée dans la gestion du stress etde l’anxiété et présente des résultats cliniques encourageants. Adaptée à la gestion du stressprofessionnel, cette méthode de soins est encore peu pratiquée. L’objectif de cet article estd’étudier les effets du protocole MBSR sur trois cas de patients subissant un stress professionnelélevé. L’originalité de cette étude réside dans l’application individuelle et adaptée du protocoleMBSR. Les résultats de cette recherche sont très encourageants et montrent des effets positifsde MBSR sur le stress professionnel, en termes de baisse du stress percu, de l’anxiété et duburn-out. D’autres études individuelles sont désormais nécessaires pour valider ces résultatset encourager les praticiens à utiliser cette approche en psychothérapie individuelle dans lagestion du stress et de l’anxiété.© 2010 Association francaise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par ElsevierMasson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSMeditation;Mindfulness;

Summary The therapeutical approach based on mindfulness (mindfulness based stress reduc-tion [MBSR]), developed by Kabat-Zinn is increasingly used in stress management and anxietydisorders. Adapted to professional stress management, this method is still new. The objective ofthis study is to analyse the effects of this approach on three patients suffering from work stressand anxiety disorders in a professional environment. The originality of this study is based on the

MBSR;

Professional stress fact that we used and adaptedeffects of MBSR on stress reductFurther studies are necessary into use this approach on an indiv© 2010 Association francaise deMasson SAS. All rights reserved.

Adresse e-mail : [email protected].

155-1704/$ – see front matter © 2010 Association francaise de thérapie comporteoi:10.1016/j.jtcc.2010.06.003

this method with individual patients. The results show positiveion, notably perceived stress, anxiety and burn-out symptoms.order to validate these results and encourage psychotherapistsidual basis.thérapie comportementale et cognitive. Published by Elsevier

mentale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Mindfulness based stress reduction ( MBSR) et sress professio

Introduction

Dans la lignée de la troisième vague des thérapies comporte-mentales et cognitives, les approches psychothérapeutiquesbasées sur la « pleine conscience » issues de la traditionbouddhiste tendent à se développer et attirent l’attentiondes chercheurs et des praticiens. L’inclusion de la pleineconscience en psychothérapie a donné lieu à différentesméthodes et protocoles de recherche tel que le programmemindfulness based stress reduction (MBSR), qui est uneintervention psychoéducationnelle à visée thérapeutiquequi s’est développée, il y a 25 ans à la clinique de réductiondu stress de l’université du Massachusetts par Kabat-Zinn[1]. Cette pratique est maintenant utilisée dans un grandnombre d’organismes de santé (hôpitaux, centres de psy-chothérapies) aux États-Unis et commence à se développeren France. De manière pratique, ce programme consisteen une intervention de huit séances de 2,5 heures à raisond’une séance par semaine sur huit semaines. D’ordinaire,c’est une intervention en groupe de 15 à 20 personnesavec un séminaire d’une journée complète au milieu duprotocole. Le psychothérapeute met en place un processusthérapeutique basé sur des exercices de méditation assise,de visualisation par balayage corporel, de hatha-yoga (yogades postures) et de discussions de groupe. Sa visée est laréduction du stress, pouvant être utilisé dans bon nombre depathologies. Le protocole mis en place originairement parKabat-Zinn dans les années 1980 à subit des modificationset s’inscrit dans une flexibilité de temps et de pratique enétant tributaire de la manière dont le psychothérapeutedéploie cette formation. Conceptuellement, l’approchede pleine conscience appliquée dans MBSR peut se définircomme un état naturel d’attention qui consiste à vivrechaque instant pleinement dans une optique d’acceptationet de non-jugement. La définition la plus citée est de loincelle de Kabat-Zinn [1], qui tient au fait de « faire attentionau chemin, au but dans le moment présent, dans un étatde non-jugement ». Cette définition met en évidencel’intérêt bouddhiste initial pour « l’attention nue », oul’attention non discursive et une conscience sans évaluationou jugement. Bishop et al. ont tenu une série de rencontresavec des experts dans ce domaine et ont proposé une défi-nition opérationnelle qui souligne l’attention soutenue del’expérience, ainsi qu’une attitude de franchise, de curio-sité et d’acceptation neutre envers cette expérience. Eneffet, la plupart des définitions du concept incluent ces deuxfacteurs de conscience intensifiée et d’acceptation neutrede son expérience subjective. Cela a conduit Cardaciottoet al. [2] à suggérer que la pleine conscience peut êtreconceptualisée comme formée de deux facteurs distincts :

• « une conscience profonde de la gamme complète del’expérience présente ;

• une attitude d’acceptation sans jugement de cette expé-rience ».

Un grand nombre de travaux de recherche montrentl’efficacité de cette approche sur le plan thérapeutique[3,4].

L’objectif de cet article est d’exposer les résultats del’approche MBSR au niveau de la gestion du stress pro-

C

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l: une étude de cas 39

essionnel chez trois patients confrontés à des épisodese stress aiguë et chronique. Son originalité réside dans’utilisation de l’approche MBSR à un niveau individuel, alorsu’ordinairement, au regard de la recherche, elle est utili-ée de manière collective. Ces descriptions ne sont pas desas cliniques au sens classique du terme, mais plutôt uneescription de l’application du protocole MBSR à un niveaundividuel et adapté uniquement à la gestion du stress pro-essionnel.

éthode

’approche thérapeutique MBSR a été déclinée de la mêmeacon pour les trois cas qui vont suivre. Elle se déroule suruit semaines, à raison d’une séance de deux heures paremaine. Après avoir invité le patient à exposer les motifse sa consultation lors d’une séance antérieure, la premièreéance consiste à présenter cette approche de réduction dutress au patient. Les concepts de pleine conscience et detress sont présentés de manière simple, ainsi que les exer-ices clés utilisés dans le protocole. Le thérapeute insiste sur’importance de la pratique des exercices entre les séancest sur le fait qu’il n’y a pas d’objectifs de réussite. Il s’agituste de s’autoriser à suivre ce processus thérapeutique ene concentrant sur l’instant présent dans une optique deon-jugement et d’acceptation. Un exercice (exercice duaisin) de sensibilisation aux pensées ruminatives et au modee pensée automatique est effectué. Les sept autres séancesombineront le suivi du protocole MBSR et l’écoute atten-ive du patient. La deuxième séance introduit l’exerciceu balayage corporel (body scan) guidé et l’observationes sensations corporelles. La troisième séance présentea méditation assise et insiste sur l’observation détachéees pensées et des émotions. La quatrième séance invite leatient à la mise en œuvre de postures de hatha-yoga. Lainquième séance accentue la pratique du body scan guidét non guidé en observant le corps et les émotions, ainsi quee la méditation assise dans une optique de non-jugement.a sixième séance se focalise sur la méditation couchée etes postures de yoga conscient. La septième séance pro-ose d’autres formes de méditation guidée, accentuant laisualisation et l’observation acceptante des pensées. Laernière séance récapitule les exercices clés et invite leatient à faire le point sur les huit semaines du protocole.près chaque séance, le patient est invité à effectuer desxercices à domicile à raison de 30 à 45 minutes par jour, enenant à jour un journal de suivi. Des mesures sont effec-uées avant et après le protocole, ainsi que cinq mois plusard. Les échelles utilisées sont le stress percu : Perceivedtress Scale (PSS) [5], l’anxiété et la dépression : Hospitalnxiety and Depression (HAD) [6], la qualité de vie : Worldealth Organisation Quality of Life (WHOQOL) [7] et le burn-ut : Myers Briggs Inventory (MBI) [8].

escription et commentaires des cas

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as n 1 : Jean

ean est un homme de 46 ans, marié avec deux enfantse dix et 13 ans, travaillant depuis 17 ans dans le domainenancier (Fig. 1 et 2). Depuis neuf ans, il a construit sa

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igure 1 Cas Jean, mesure de l’anxiété et de la dépressionHAD) et du stress percu (PSS).

arrière dans sa société actuelle (conseil en finance etestion), et fait partie de la direction de son entreprise. Ilst reconnu comme expert dans son domaine et à toujoursarticipé au développement de son organisation. Depuisix mois, il ressent une tension de plus en plus forte à sonravail. Il a l’impression de ne plus réussir à remplir sesbjectifs, il se sent énervé, facilement déconcentré etrès fatigué. Il s’endort difficilement et a fréquemmentes insomnies. Il redouble d’effort dans son travail, maises symptômes ne font que s’accentuer. Récemment, il’est fortement querellé avec son responsable hiérarchiqueevant un client important, ce qui a occasionné une pertemportante de marché. Au cours d’un débriefing avec saiérarchie, il s’effondre en larmes. Il se sent « exploser de’intérieur ». Les ressources humaines font appel à la méde-ine du travail qui parle de stress aigu, voire de burn-outt qui lui conseille de consulter un psychologue. Il est mis à’arrêt durant 15 jours et le médecin lui prescrit des anxioly-iques sur une durée de quatre semaines. Le patient mettran au traitement après cinq jours. Il se sentait encorelus las et sans énergie depuis qu’il prenait son traitementédicamenteux. Après un entretien avec le psychologue,

’est un stress chronique qui est diagnostiqué. Il n’arrivelus à faire face à cette situation et souhaiterait être aidé.e psychologue lui parle d’une approche de réduction dutress originale (MBSR). Intéressé et ouvert aux approcheshérapeutiques alternatives, il décide de s’investir dans unrogramme individuel. Après l’incident avec sa hiérarchie,l prend trois semaines de congé après son arrêt de travail.

ession 1ean explique les différents éléments de son travail qui’ont conduit à cette situation d’explosion. Il exprime ses

igure 2 Cas Jean, mesure de la qualité de vie (WHOQOL) etu burn-out (MBI).

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C. Berghmans

raintes et son angoisse et pense qu’il est « dépassé pares demandes et des objectifs hors d’atteinte », il n’arrivelus à suivre. Travailler 13 heures par jour devient très dif-cile pour lui, il se sent épuisé et extrêmement irritable.

l s’est querellé de nombreuses fois avec son personnel etrend conscience qu’il communique son stress à son équipe.l aimerait prendre du temps pour lui pour décompresser,ais n’y arrive pas. La situation de crise face à son manager

ui fait prendre conscience de son besoin d’être aidé.

ession 2a pratique du body scan guidé lui apporte un bien-êtremmédiat et une relaxation corporelle qu’il apprécieortement. « Je ne pensais pas ressentir cela » (. . .) « la res-iration m’aide à ne plus bouillir, c’est agréable et je peuxontrôler ». Il est très étonné par son ressenti corporel etne impression de bien-être et de redécouverte de son corpse manifeste. Jean effectue les exercices de body scan guidél’aide d’un support auditif et développe une pleine cons-

ience informelle (lors d’activités routinière) de manièreégulière. Il effectue cet exercice deux fois par jour, presqueous les jours, en fin de matinée et au coucher. Il se sent pluseposé, « moins encombré dans sa tête » après l’exerciceu body scan. Le soir, il s’endort au milieu de l’exercice.

ession 3l ressent plus de difficultés à pratiquer la méditation assiseans lequel il se sent envahi par ses pensées et son travail quie stresse et l’angoisse, il a l’impression d’être submergé. Il’effondre en larme durant l’exercice de méditation assise.l dit se sentir « incapable et bon à rien ». « (. . .) je ne pour-ais plus travailler dans cette boîte, c’est impossible, quellemage ils ont de moi à présent ». Un body scan guidé estffectué lors de cette même séance en l’invitant à se focali-er sur son corps et sa respiration. Il repart de cette séancevec plus de sérénité, il a l’impression d’avoir évacué untrop plein ». Lors de ces séances, Jean exprime ce qu’ilessent et fait part de ses états mentaux. Un besoin de faireortir toutes ses tensions se manifestent dans son discours.cela s’ajoute, un travail sur la respiration et les pensées

n termes d’acceptation et de non-jugement, via la médi-ation assise et l’observation détachée de ses pensées. Leséances de deux heures alternent une écoute attentive duatient et l’utilisation des différents exercices, suite à unessenti émotionnel fort.

essions 4 et 5l se sent plus en connexion avec son corps et ses émo-ion, il apprend à faire attention à ses états intérieur etcommence à apprendre à savoir s’arrêter ». Son discoursst moins agressif vis-à-vis de lui-même, il se détache pro-ressivement de sa situation professionnelle et commence àoir son rôle dans sa société d’une manière différente.

ession 6l éprouve moins de difficultés à se concentrer et à

ntrer dans un état d’attention vigilante. Il arrive mieuxobserver ses pensées sans entrer dans un processus de

umination mentale et d’angoisse. Lors des entretiens, ilntreprend une analyse fine de sa situation profession-elle et des éléments qui l’ont amené à cet épisode

nnel: une étude de cas 41

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SLbstrès étonné par son ressenti qu’il a du mal à admettre. C’estla première fois qu’il ne ressent plus de picotement dans lebas de son dos depuis huit mois. Il se sent plus calme. Uneheure après la fin de l’exercice, ses douleur reviennent mais

Mindfulness based stress reduction ( MBSR) et sress professio

de stress aigu. Il se sent mieux et arrive à prendre durecul.

Sessions 7 et 8Les exercices de body scan et de hatha-yoga lui apportentun bien-être quotidien. Il arrive mieux à observer ses pen-sées et à accepter des situations de tensions, qui l’affectentmoins. Il se sent plus apaisé, plus détendu et moins agres-sif. Il n’a plus de crise d’angoisse et voit son histoirecomme un évènement positif lui ayant permis de « s’arrêterà temps » et de « prendre du temps pour lui-même et sesproches ».

En termes de résultats (Fig. 1 et 2), les mesures du stresspercu (PSS), de l’anxiété et de la dépression (HAD) font étéd’une baisse sensible après un mois. De même, on peutconstater une amélioration en termes de qualité de vie(WHOQOL) et une augmentation de deux dimensions de laMBI (EE, DP). De manière générale, les mesures des dif-férents indicateurs font état d’une amélioration nette del’état de tension intérieur de Jean. Ces résultats vont dansle sens de son discours. Il se sent plus calme, plus serein.Il essaie d’observer ses pensées en prenant du recul. Mal-gré une difficulté rencontrée, il ressent une amélioration. Ilapprend à se focaliser sur son corps (via le yoga et le bodyscan) en essayant de ne pas entrer dans un cycle de rumi-nation. Il pratique beaucoup ces exercices, deux à trois foispar jour après les quatre premières semaines. « C’est dansces exercices que je me sens bien et que je me ressource ».Après deux mois (fin du programme), Jean se sent plus arméface aux tensions quotidiennes, il apprend à utiliser sa res-piration pour se calmer. Il effectue ces différents exercicessix fois par semaine en moyenne avec une préférence pourle body scan et les exercices de yoga, de manière alternée,voire cumulée pour certains jours. Il essaie de ne plus êtrepris dans le flux de sa pensée qui l’emmène rapidement dansson travail. Ayant repris son travail après un mois et demi,il essaie d’appliquer la pleine conscience de manière quoti-dienne, dans le cadre de son travail et face à des situationsdélicates, il apprend à réagir différemment face au stressressenti. « J’ai repris mon travail, après ma crise, et ici rienn’a changé, c’est pareil, mais ca m’affecte moins, beaucoupmoins, je laisse faire et j’essaie de voir les choses autre-ment. Et quand ca ne va plus, je m’éloigne, je laisse faire,et ca me fait du bien (. . .) je vois les gens et les situationsdifféremment ». Les résultats obtenus à la fin du programmefont état d’une diminution du stress percu, de l’anxiété etde la dépression. La mesure de la qualité de vie augmenteet la mesure du burn-out reste constante.

Après cinq mois, ces résultats s’inscrivent dans la durée.Jean continue à pratiquer presque tous les jours le body scanet les exercices de yoga. Il s’efforce de faire des séances deméditation trois fois par semaine, mais éprouve plus de diffi-cultés à juste observer ses états mentaux. Face à son travail,il sait activer un processus d’adaptation et de régulationdes situations stressantes. Il dit ne plus pouvoir se passerde « ces exercices d’équilibre » qui lui assure « une sécu-

rité mentale ». Il s’est positionné dans un rôle d’expertiseavec moins d’interface client. L’approche MBSR effectuée entotalité et de manière individuelle a permis de faire le lienentre l’application des différents exercices du programmeet des moments de ressenti émotionnels difficiles.

Fe

igure 3 Cas Didier, mesure de l’anxiété et de la dépressionHAD) et du stress percu (PSS).

as no 2 : Didier

idier, 40 ans, marié et père de deux enfants, est chef derojet dans l’administration (Fig. 3 et 4). Il a commencéa carrière à 27 ans dans la même administration et a gravi’échelle professionnelle de manière progressive. Il souffree fortes lombalgies depuis près de trois ans, qui parfois’immobilisent durant plusieurs jours. Subissant une forteression professionnelle, il se dit « très stressé, surmené etn situation limite ». Après un accident de voiture sans gra-ité avec sa famille, son humeur change progressivement.l ne prend plus plaisir aux activités quotidiennes qui leotivaient, il ressent beaucoup de tristesse. Il condamne unode de vie trop rigide et organisé et souffre de ne pas pas-

er plus de temps seul avec son épouse. Il se dit déprimé etense au suicide. Après consultation médicale, son médecinui prescrit des antidépresseurs sur six mois, et des anxioly-iques sur quatre semaines. Une fois ce traitement achevé,l se sent légèrement mieux, mais des douleurs dorsales seanifestent de manière exponentielle et il ressent toujours

n grand stress au quotidien. Il éprouve un besoin anormalelon lui, de tout vouloir contrôler. Il se dit malheureux, mal-ré une réussite familiale et professionnelle. Sur les conseilse son médecin et de son kinésithérapeute, il entreprendne démarche de réduction du stress, via l’approche MBSR.

essions 1 et 2a pratique du body scan lui apporte beaucoup en termes deien-être. Après le premier exercice guidé, il ne ressent pluses douleurs dorsales et peu se baisser sans difficulté. Il est

igure 4 Cas Didier, mesure de la qualité de vie (WHOQOL)t du burn-out (MBI).

4 C. Berghmans

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McDmfeshcooldcomdpsad’anxiolytiques et de somnifères sur cinq jours. Son médecinlui conseille de gérer son stress et peut-être de trouver unautre emploi. Elle entreprend une démarche de réductiondu stress via l’approche MBSR sur les conseils d’une amie.

2

e manière amoindrie. Il apprécie fortement l’exercice poura relation qu’il redécouvre avec son corps. Le body scan estentré sur ses douleurs dorsales en termes d’acceptation ete lâcher prise.

ession 3l apprend à observer ses pensées, mais l’exercice est pourui très difficile, il rumine constamment et reste focalisé suron travail, de manière continue. Il se sent perturbé à la fine la session.

ession 4es exercices de yoga lui sont très pénible au regard de sonos, il préfère de loin le body scan qui lui apporte une relaxa-ion immédiate et un bien-être corporel profond. Il pratiqueet exercice deux fois par jour.

essions 5 et 6l a besoin de faire un effort pour l’exercice de méditation,ais progressivement, il prend plaisir à observer ses pen-

ées, qu’il ne peut s’empêcher d’organiser et d’analyser.près trois semaines d’exercice, il réussit à se détacher deon cadre mental professionnel, et arrive à se décentrer. Ile sent beaucoup mieux dans sa vie, il arrive à se dégageres espaces de vie privée et non organisée au préalable.es douleurs dorsales s’atténuent grandement et son som-eil est plus régulier. Des pensées illustrant des situationse son enfance et des émotions qu’il qualifie de « dure »ont surface, en lien avec des altercations avec son père.l se sent perturbé par des choses qu’« il ne voulait pasoir ».

essions 6, 7 et 8n travail sur ses douleurs est maintenu. Il prend consciencee son rapport « étrange » au temps et à l’espace, en termes’obligation d’organiser sa vie dans les moindres détails.ela le perturbe mais il s’efforce de prendre du temps pour

ui et de maintenir un état de pleine conscience en se foca-isant constamment sur l’instant présent. À la session 8, il seit prêt à prendre du recul et à laisser les choses suivre leurours. Il se sent beaucoup moins stressé dans son travail etccepte de changer de position et de faire un travail moinstressant. « C’est une chose que jamais je n’aurais pu ima-iner avant. Aujourd’hui, je m’en fous, je fais autre choseour moi et je me sens mieux. Je redécouvre de vieux plai-irs et ca me fait du bien ». Ses douleurs dorsales persistent,ais amoindries. Il arrive à « faire avec » sans être trop per-

urbé. Il décide de suivre une psychothérapie d’orientationnalytique afin d’essayer de comprendre son étatctuel.

Cinq mois plus tard, il se sent toujours mieux, mais se ditépendant des exercices de body scan et de méditation. « Si’arrête, tout revient, le spleen s’installe à nouveau (. . .). Enestant dans le moment présent avec ces exercices, j’arrive

mieux gérer ma vie et mes relations. C’est déjà beau-oup pour moi (. . .). Quand le spleen s’installe, j’observe

es pensées et je les dirige ailleurs de manière brutale, je’en vais de moi-même ».En termes de résultats (Fig. 3 et 4), on constate une

orte diminution du stress percu, qui perdure jusqu’à cinqois après le programme MBSR et une légère diminution des

Fe

igure 5 Cas Marie, mesure de l’anxiété et de la dépressionHAD) et du stress percu (PSS).

imensions d’anxiété et de dépression. Il y a peu de diminu-ion au niveau de la qualité de vie et une légère diminutione la dimension d’épuisement émotionnelle et de déper-onnalisation. Il n’a plus de pensées suicidaires depuis laeuxième session.

as no 3 : Marie

arie est une jeune femme de 27 ans, célibataire, assistanteommerciale dans l’industrie agroalimentaire (Fig. 5 et 6).epuis le changement de son supérieur hiérarchique (deuxois après son arrivée), elle éprouve des difficultés à

aire correctement son travail. Elle se sent surchargéet complètement dépassée par les évènements. Elle jugees objectifs démesurés. L’interaction avec son supérieuriérarchique se passe mal. Elle se sent critiquée et sesompétences sont remises en question. Elle recoit desbjectifs à court terme sur six mois (impliquant, si cesbjectifs ne sont pas atteints, un licenciement). Depuisors, elle est très irritable, ressent beaucoup de stress et’anxiété. Elle dort très mal et voit son avenir fortementompris. Trois mois après la fixation de ses nouveauxbjectifs, son supérieur hiérarchique lui montre sonécontentement, via un avertissement formel, en raison’une faute commise chez un client qui a occasionné uneerte importante d’argent. Elle en est consciente, mais seent dépassée. Après une consultation médicale, elle estrrêtée 15 jours pour « surmenage » avec une prescription

igure 6 Cas Marie, mesure de la qualité de vie (WHOQOL)t du burn-out (MBI).

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Mindfulness based stress reduction ( MBSR) et sress professio

Sessions 1 et 2Après avoir exprimé sa problématique, elle souhaite arri-ver à gérer son stress et pouvoir ensuite entreprendre unerecherche d’emploi, car son travail actuel ne lui convientplus. L’exercice du body scan et de concentration sur sarespiration lui apporte selon ses dires « un bien-être immé-diat ». Elle se sent plus calme intérieurement. Elle s’endortfacilement lors du body scan guidé. Avec la pratique quoti-dienne de cet exercice au coucher (sur 15 jours), elle arriveà s’endormir facilement et ne se réveille presque plus lanuit, « ca m’apporte un bien fou, et au travail, malgré lestensions, je pense à ma respiration et je laisse filer ».

Sessions 3, 4 et 5L’exercice de méditation assise est très apprécié et elle lefait avec beaucoup d’assiduité. Elle préfère effectuer cetexercice de manière solitaire et non guidée. Elle affirmepouvoir bien observer ses pensées et rester concentré surl’instant présent. Elle a peu de pensées négatives ou rumi-natives qui l’envahissent après la cinquième séance. « Jene sens plus de frontière avec le monde, j’ai l’impressionde flotter dans un état de bien-être extrême ». Elle appré-cie les exercices de yoga mais se focalise sur la méditationassise et le body scan en termes de pratiques journalières.

Sessions 6 et 7Elle intègre bien la maîtrise de ces exercices (body scan etméditation) en raison d’une pratique quotidienne de troisà quatre fois par jour. « J’arrive à faire le vide total, jen’ai plus de pensées, plus d’embêtements quand je suisdans cet état de méditation, ca m’apporte une grande paixintérieure ».

Session 8Après huit semaines de pratique intensive et d’assimilationdu programme, et toujours face à une situation stressante àson travail par rapport à laquelle elle prend beaucoup derecul, elle pose sa démission en s’expliquant calmementmais fermement face à sa hiérarchie. « Jamais je n’auraispu penser faire cela avant, j’étais terrorisé face à un ave-nir incertain. Aujourd’hui, je m’en fou, je retrouverais bienailleurs. On verra bien ? (. . .) Je me recentre sur moi, je meredécouvre, et je vais peut-être faire autre chose de mavie ». Marie retrouve un emploi similaire dans le domainefinancier, deux mois après sa démission.

En termes de résultats (Fig. 5 et 6), Marie fait état d’unediminution progressive et nette de son stress percu (PSS),ainsi que de l’anxiété et de la mesure de la dépression(HAD).

Les mesures de la qualité de vie (WHOQOL) reste cons-tante avec une diminution légère après cinq mois (en raisond’autres problématique personnelle : séparation d’avec sonami). Les indicateurs du burn-out (EE et DP) diminuent aprèsdeux et cinq mois. Le suivi du programme MBSR montre clai-rement une amélioration dans la gestion du stress et del’anxiété.

Discussion

L’originalité de cette étude réside dans l’utilisation indi-viduelle de l’approche MBSR, originellement utilisée en

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l: une étude de cas 43

roupe de 15 à 20 personnes. À la différence de la forma-ion de groupe, le thérapeute a travaillé sur le discours desatients durant la première heure dans une optique nonirective et d’écoute attentive et a ensuite introduit le pro-ocole et ses différents exercices en lien avec le discourst la problématique du patient. En effet, les exercices deody scan et du yoga ont été orientés sur le cas personnel duujet en faisant le lien par exemple entre les émotions res-enties et un travail sur le corps ou les pensées. Lors d’unenxiété profonde ressentie dans le corps, les exercices seont concentrés sur ces émotions et les zones corporellesisées afin de les observer, en acceptant et en accueillant cesymptômes. On peut considérer cette approche comme de’exposition guidée aux stimuli internes aversifs. Cette expo-ition renforcée permet d’utiliser avec l’aide du thérapeute,es exercices stimulant la pleine conscience, afin d’une parte permettre au sujet de mettre en place un processus per-onnel d’utilisation des atouts de la pleine conscience auoment où les stimuli aversifs se manifestent dans la vie duatient, et d’autre part, d’autonomiser le sujet par rapportcette démarche, afin de renforcer son potentiel adaptatifui se base ici sur la pleine conscience. L’idée étant que leatient puisse mettre en place par lui-même et sans soutienune fois que la thérapie est terminée) ces mécanismes luiermettant de mieux faire face à sa problématique. Il y aci une adaptation « à la carte » du protocole MBSR qui restenchangé dans son fonctionnement, à la problématique duujet qui gravite toujours autour de la gestion du stress ete l’anxiété. De même, via l’exercice de méditation assise,es pensées ruminatives ou automatiques rencontrées pare patient ont été traitées de suite, via la méditation dans’instant présent, en essayant de cultiver une attention vigi-ante, mais soutenue sur ces pensées sans les juger, et enssayant de les laisser passer, sans leur donner de la consis-ance. Le guidage langagier du thérapeute a été ajusté auessenti du patient, à la différence d’une approche plus glo-ale, que l’on retrouve en groupe. Incontestablement, lesésultats obtenus dans les différents indicateurs de mesuresontrent un réel effet de cette approche sur le moyen

erme (cinq mois après la fin du protocole). L’approche MBSRndividuelle, adaptée individuellement au patient présentelairement une valeur ajoutée en termes thérapeutique.l devient possible d’adapter l’approche à la probléma-ique précise du patient, par des ajustements continus etes renforcements constants des progrès et la mise enlace d’exercices appropriés à l’apparition des symptômesangoisse, émotions négatives) au travers d’un échangeonstructif avec le thérapeute. Il est aussi à noter que cesrois cas font état d’une très haute observance thérapeu-ique que l’on trouve rarement dans des approches globales.otons que ce fort taux d’observance est peut-être aussi liéun biais de sélection souvent inhérent aux études de cas

liniques individuels, mais aussi dû au fait que l’observancest présenté au moment du choix du traitement, commessentielle à la mise en place d’un processus d’améliorationt de guérison, ce qui de fait, limite l’application du trai-ement aux clients les plus fonctionnels et observants. Bienûr, le thérapeute insiste à chaque séance sur l’importance

e la pratique en suivant le cahier de pratique de manièretricte en soulignant le contrat d’engagement effectuéntre le client et le thérapeute. Cette approche est nette-ent plus difficile au niveau du groupe. D’un autre côté,

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’approche de groupe permet un échange avec d’autresarticipants sur l’expérience vécue au niveau de la pleineonscience, qui lui aussi à sa valeur. Cependant, et en seasant sur ces résultats, l’approche individuelle est clai-ement plus adaptée à la symptomatologie spécifique duatient, et le thérapeute est mieux armé pour y faire facen déployant de manière ciblée les outils disponibles dans’approche MBSR. D’autres études individuelles sur la ges-ion du stress seraient nécessaires afin de confirmer sa plusrande efficacité qu’une approche de groupe.

onflit d’intérêt

ucun.

éférences

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