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Science & Sports (2009) 24, 265—268 COMMUNICATION BRÈVE Effets d’un réentraînement en endurance au LIPOX max chez des patients psychiatriques traités par psychotropes Effects of endurance training targetd at the LIPOXmax in psychiatric patients treated by neuroleptics A.-J. Romain a , J. Attal b , A. Hermès b , D. Capdevielle b , R. Raimondi b , J.-P. Boulenger b , J.-F. Brun a,a Inserm ERI 25, CERAMM physiologie clinique, hôpital Lapeyronie, 371, avenue du doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France b Service de psychiatrie adulte, CHU de Montpellier, 34295 Montpellier cedex 5, France Rec ¸u le 10 juillet 2008 ; accepté le 20 janvier 2009 Disponible sur Internet le 28 juillet 2009 MOTS CLÉS Calorimétrie d’effort ; Oxydation des lipides ; LIPOX max ; Neuroleptiques Résumé Introduction. — Beaucoup de traitements psychotropes interfèrent avec la régulation pondérale et occasionnent une prise de poids. Nous avons voulu étudier l’effet d’un réentraînement en endurance ciblée au point d’oxydation maximale des lipides (LIPOX max ) chez ces patients pour déterminer si celui-ci présente un intérêt dans la prévention de cette prise de poids. Sujets et méthodes. — Quatorze patients recevant un traitement psychotrope lourd, compre- nant des neuroleptiques, ont réalisé une calorimétrie d’effort accompagnée d’une impédancemétrie, d’un bilan nutritionnel et d’un questionnaire d’activité physique Voorips. Les patients ont été réentraînés au LIPOX max et réévalués après trois mois. Résultats. — Chez neuf sujets, la VO 2max a augmenté ou s’est maintenue (23,37 ± 3,36 à 30,63 ± 5,16) et chez cinq sujets, celle-ci a diminué (36,03 ± 5,25 à 29,94 ± 4,45). Chez les neuf sujets dont le réentraînement a amélioré la VO 2max , on note une perte de poids (83,57 kg à 80,67 kg ; p < 0,05), une réduction du tour de hanches (109,75 ± 6,50 cm à 106,45 ± 6,19 cm) parallèlement à une tendance non significative à l’amélioration de la balance des substrats à l’exercice. En revanche, chez les sujets dont la VO 2max a diminué, on observe une augmentation de 5 kg de la masse grasse (23,82 ± 1,06 kg à 28,8 ± 1,31 kg ; p < 0,02). Communication présentée lors du xxix e Congrès de la SFMS, Paris Roland Garros, 25—27 septembre 2008. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-F. Brun). 0765-1597/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.scispo.2009.01.006

Effets d’un réentraînement en endurance au LIPOXmax chez des patients psychiatriques traités par psychotropes

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Science & Sports (2009) 24, 265—268

COMMUNICATION BRÈVE

Effets d’un réentraînement en endurance auLIPOXmax chez des patients psychiatriques traitéspar psychotropes�

Effects of endurance training targetd at the LIPOXmax in psychiatricpatients treated by neuroleptics

A.-J. Romaina, J. Attalb, A. Hermèsb, D. Capdevielleb, R. Raimondib,J.-P. Boulengerb, J.-F. Bruna,∗

a Inserm ERI 25, CERAMM physiologie clinique, hôpital Lapeyronie, 371, avenue du doyen-Gaston-Giraud,34295 Montpellier cedex 5, Franceb Service de psychiatrie adulte, CHU de Montpellier, 34295 Montpellier cedex 5, France

Recu le 10 juillet 2008 ; accepté le 20 janvier 2009Disponible sur Internet le 28 juillet 2009

MOTS CLÉSCalorimétried’effort ;Oxydation deslipides ;LIPOXmax ;Neuroleptiques

RésuméIntroduction. — Beaucoup de traitements psychotropes interfèrent avec la régulation pondéraleet occasionnent une prise de poids. Nous avons voulu étudier l’effet d’un réentraînement enendurance ciblée au point d’oxydation maximale des lipides (LIPOXmax) chez ces patients pourdéterminer si celui-ci présente un intérêt dans la prévention de cette prise de poids.Sujets et méthodes. — Quatorze patients recevant un traitement psychotrope lourd, compre-nant des neuroleptiques, ont réalisé une calorimétrie d’effort accompagnée d’uneimpédancemétrie, d’un bilan nutritionnel et d’un questionnaire d’activité physique Voorips.Les patients ont été réentraînés au LIPOXmax et réévalués après trois mois.Résultats. — Chez neuf sujets, la VO2max a augmenté ou s’est maintenue (23,37 ± 3,36 à30,63 ± 5,16) et chez cinq sujets, celle-ci a diminué (36,03 ± 5,25 à 29,94 ± 4,45). Chez les

neuf sujets dont le réentraînement a amélioré la VO2max, on note une perte de poids (83,57 kgà 80,67 kg ; p < 0,05), une réduction du tour de hanches (109,75 ± 6,50 cm à 106,45 ± 6,19 cm)parallèlement à une tendance non significative à l’amélioration de la balance des substrats àl’exercice. En revanche, chez les sujets dont la VO2max a diminué, on observe une augmentationde 5 kg de la masse grasse (23,82 ± 1,06 kg à 28,8 ± 1,31 kg ; p < 0,02).

� Communication présentée lors du xxixe Congrès de la SFMS, Paris Roland Garros, 25—27 septembre 2008.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (J.-F. Brun).

0765-1597/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.scispo.2009.01.006

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Discussion. — Ce travail suggère qu’un réentraînement en endurance au LIPOXmax peut êtreefficace dans la prévention d’une prise de poids sous traitement psychotrope à condition qu’ils’accompagne d’une amélioration ergométrique traduisant sa bonne mise en œuvre et sonefficacité. Les effets d’un entraînement plus intense et plus prolongé restent à définir de mêmeque les modifications de la balance des substrats qui restent non significatives sur cet échantillonréduit, étudié sur une durée de temps limitée.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSExercise calorimetry;Lipid oxidation;LIPOXmax;Neuroleptics

SummaryAims. — Most psychotropic drugs disturb weight regulation and may induce weight gain. Weaimed at studying the effects of training targeted at the Lipoxmax in patients treated by thosedrugs in order to investigate he preventing effect on weight gain of such a procedure.Methods. — Fourteen patients with a heavy psychotropic treatment with neuroleptic underwentan electrical bioimpedance assessment of body composition, a nutritional assessment and hadto fill the physical activities questionnaire Voorips. They were then trained at the LIPOXmax andwere reevaluated after 3 months. In nine patients, VO2max increased or remained (23.37 ± 3.36to 30, 63 ± 5.16) and in five subjects, it decreased (36.03 ± 5.25 to 29.94 ± 4.45). In the ninepatients whose VO2max increased, there was a weight loss (83.57 to 80.67; p < 0.05) and adecrease in hips circumference (109.75 ± 6.50 cm to 106.45 ± 6.19 cm), while there was anonsignificant tendency to an impovement in the balance of substrates. In subjects whoseVO2max decreased, fat mass increased by 5 kg on the average (23.82 ± 1.06 kg to 28.8 ± 1.31 kg;p < 0.02).Conclusion. — This study suggests that endurance training at LIPOXmax could be effective inthe prevention of psychotropic drugs-induced weight gain in patients in whom it results inan ergometric improvement that reflects its implementation and efficiency. Effects of a moreintense and prolonged training remain to be defined. Modifications of the balance of substrates

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À la fin de chaque palier, durant la cinquième et lasixième minute, on relève les valeurs de VO2 et de VCO2,mesurées chaque trente secondes et celles-ci sont alorsmoyennées. À partir de ces valeurs, il est possible de

Figure 1 Composition corporelle des patients neuroleptisésavant et après traitement. Le groupe dans lequel le question-

are non significant on this s© 2009 Elsevier Masson SAS

. Introduction

es traitements psychotropes influencent la régulation pon-érale. Ceux-ci sont souvent associés à une prise de poidslus ou moins importante [2]. Les récentes études surn réentraînement au LIPOXmax chez des patients diabé-iques et obèses ont montré une perte de poids portantur la masse grasse avec préservation de la masse maigre1].

Nous avons voulu voir les effets d’un réentraînement auIPOXmax chez des patients ayant un traitement psychotropeourd comprenant notamment des neuroleptiques, sur lelan de la balance des substrats à l’effort et de la composi-ion corporelle.

. Matériel et méthodes

e travail porte sur 14 patients recevant un traitementntipsychotique (Fig. 1). Ces patients avaient un âgeoyen de 40 ans (40 ± 3,29 ans), une taille moyenne de

,66 m (166,35 ± 2,20 cm) et un poids moyen de 80 kg80,27 ± 6,24 kg). Ils ont rempli le questionnaire d’activitéshysiques Voorips qui permet de la quantifier en prenant enompte les activités sportives, les activités de loisirs ainsiue les activités de la vie quotidienne.

Une calorimétrie d’effort est réalisée à jeun pour établir

a balance des substrats énergétiques. Nous utilisons unepreuve à quatre paliers de six minutes chacun réalisé, res-ectivement, à 30, 40, 50 et 60 % de la puissance maximalerédite (PMP) sur une bicyclette ergométrique reliée à un

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sample evaluated in a limited time.rights reserved.

nalyseur permettant l’analyse des échanges gazeux cyclecycle et la surveillance électrocardiographique ainsi que

es mesures de VO2, VCO2 et QR. Apres le dernier paliere six minutes, deux à trois paliers courts d’une minuteeuvent être réalisés pour atteindre les critères classiquese maximalité de l’épreuve. Durant toute l’épreuve, uneurveillance électrocardiographique est réalisée.

aire Voorrips et la VO2max ont augmenté n’a pas pris de poids,andis que le groupe dans lequel ces paramètres ne sont pasméliorés présente une augmentation significative de la masserasse.

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Réentrainement au LIPOXmax des patients psychiatriques

déterminer la part respective d’oxydation des glucides etdes lipides en appliquant la théorie de la calorimétrie indi-recte à partir des valeurs moyennées de la sixième minutede chaque palier. Ce laps de temps correspond au momentou la production de CO2 à partir des bicarbonates pourcompenser la production de lactate est devenue négli-geable.

Le point ou l’oxydation lipidique culmine est leLIPOXmax. Ce point est calculé par lissage de la relationL (mg/min) = 1,694 VO2 — 1,701 VCO2 qui se simplifie en L(mg/min) = 1,7 VO2 (1-QR), ce qui pondère les erreurs surles cinq points expérimentaux. Le point auquel les glucidesdeviennent le substrat préférentiellement oxydé représen-tant plus de 70 % de l’énergie est le point de croisement(PCX).

La VO2max a été calculée de manière indirecte parles nomogrammes d’Astrand grâce un logiciel permettantà partir d’une puissance, d’une fréquence cardiaque etd’un rectificatif en fonction du sexe, de déterminer une« VO2max prédite ».

Par la suite, un réentraînement ciblé au point maximald’oxydation des lipides LIPOXmax est effectué à raison detrois séances de 45 minutes par semaines [1]. Durant ceréentraînement, les sujets sont équipés de cardiofréquen-cemètre afin de suivre la fréquence cardiaque.

3. Résultats

Au bout de trois mois de réentraînement au pointd’oxydation maximal des lipides qu’est le LIPOXmax, onconstate que deux groupes se détachent distinctement.En effet, chez neuf sujets, on note une amélioration ouun maintien de la VO2max prédite (23,37 ml.min-1kg ± 3,36à 30,63 ± 5,16). Chez cinq sujets, on trouve une dimi-nution de celle-ci (36,03 ± 5,25 à 29,94 ± 4,45). Chez lessujets dont le réentraînement a entraîné une amélio-ration de la VO2max, on constate une perte de poids(83,57 ± 8,40 kg à 80,67 ± 7,79 kg ; p < 0,05). On observe éga-lement une réduction du tour de hanche (109,75 ± 6,50 cm à106,45 ± 6,19 cm ; p < 0,05). Une tendance à l’améliorationpositive de la balance des substrats se dessine, chezces sujets, mais n’atteint pas la significativité statistique(36,75 ± 6,02 à 45,37 ± 8,04 pour le LIPOXmax et 30,87 ± 7,34à 47,37 ± 6,54 pour le crossover point). Une augmentationde l’activité physique marquée par le questionnaire Vooripsest observée chez les sujets qui ont augmenté leur VO2max

(3,64 ± 0,68 à 7,83 ± 2,50). Inversement, chez les sujetsdont la VO2max a diminué, on observe une prise de massegrasse d’environ 5 kg (23,82 ± 1,06 à 28,8 ± 1,31 ; p < 0,02).

4. Discussion

Ce travail montre donc au final qu’un réentraînement enendurance ciblé au point d’oxydation maximal des lipidesLIPOXmax peut s’avérer efficace dans la prévention et letraitement de la prise de poids chez des patients sous trai-

tement psychotrope [4]. On constate en effet que le groupeayant eu une amélioration de la VO2max prédite a une pertede poids significative d’environ 3 kg à l’issue du réentraîne-ment. Cette perte de poids s’accompagne d’une réductionde tour de hanches d’environ 3 cm.

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Contrairement à nos travaux portant sur des obèsesdultes ou adolescents et des diabétiques de type 2 [2],n ne parvient pas à mettre en évidence de facon sta-istiquement significative une amélioration de la balancees substrats. Toutefois, une tendance à l’améliorationu profil d’utilisation lipidoglucidique se dessine et restencore à confirmer dans un travail plus étoffé. En revanche,ne augmentation de la VO2max prédite par le nomo-ramme d’Astrand s’observe chez une partie des patientst s’accompagne de modifications favorables de la compo-ition corporelle, notamment d’une prévention de larise de poids. Ainsi, comme dans les autres groupese patients précédemment réentraînés au LIPOX max leéentraînement ciblé sur l’oxydation des lipides, lorsqu’il’accompagne d’une amélioration ergométrique témoignante sa mise en œuvre réelle, améliore bien la compositionorporelle.

La VO2max dans ce protocole n’a pas été mesurée deacon directe par des tests maximaux, de réalisation assezalaisée chez des patients psychiatriques et dont l’intérêtratique n’est pas évident dans ce contexte. Elle a été pré-ite par le nomogramme d’Astrand à partir de la fréquenceardiaque mesurée aux différents plateaux de puissance duest de calorimétrie d’effort. Il s’agit bien sur d’une éva-uation indirecte sujette à caution, permettant de mettren évidence chez un sujet une amélioration de l’adaptationardiovasculaire à l’exercice à la suite d’un entraînementt donc de suivre son efficacité de facon simple.

Le questionnaire d’activités physiques de Voorripsontre que les sujets dont la VO2max a augmenté sont éga-

ement ceux qui mentionnent une augmentation de leurctivité physique. Il serait intéressant de voir quels résultatseraient obtenus avec des niveaux d’activités physiques pluslevés car dans le cas présent, malgré l’amélioration, cettectivité peut être catégorisée comme assez modérée.

Nos résultats montrent donc que lorsqu’un réentraîne-ent ciblé sur les lipides est réalisé de facon effective,

ugmentant le score au Voorrips et la VO2max prédite, lesatients traités par antipsychotiques évitent la prise deoids généralement induite par ces médicaments.

Toutefois, l’absence d’amélioration de composition cor-orelle et VO2max dans un sous-groupe de patients peuttre interprétée de diverses manières : cela peut indi-uer qu’ils se sont insuffisamment entraînés mais aussi que’effet de prise de poids a été chez eux si puissant qu’il ampêché ce traitement de réaliser son effet. Les donnéesécentes de l’étude HERITAGE peuvent également suggérerne autre interprétation : ces sujets que le réentraîne-ent n’améliore pas seraient génétiquement prédéterminés

t correspondraient à une fraction de la population dansaquelle l’exercice régulier n’a pas les effets attendus sur’aptitude aérobie, la composition corporelle et le métabo-isme [3].

L’efficacité sur la composition corporelle d’un réentraî-ement ciblé au LIPOXmax ayant été mise en évidence précé-emment dans des populations d’adultes ou d’adolescentsrésentant un syndrome métabolique, il serait donc inté-

essant de poursuivre cette étude sur un échantillon plusarge et de manière longitudinale pour confirmer si cetteémarche constitue une prévention réellement efficace dea prise de poids des patients traités en milieu psychia-rique.
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éférences

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A.-J. Romain et al.

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