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Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2011 - Hors série 1 65 © 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. Le coin biblio de la SFD Efficacité métabolique d’une intervention hygiéno-diététique « intensifiée » à 4 ans : les données de l’étude Look AHEAD The Look AHEAD Research Group Long-term effects of a lifestyle intervention on weight and cardiovascular risk factors in individuals with type 2 diabetes mellitus Arch Intern Med 2010 ; 170 : 1566-1575 L e bénéfice de modifications agres- sives de l’hygiène de vie, combi- nant une prise en charge diététique personnalisée et une activité physique régulière, a été clairement démontré dans le pré-diabète. En effet, une telle approche environnementale a permis de réduire l’évolution vers le diabète de type 2 de 58 %, par rapport à une prise en charge standard, dans les études DPP (Diabetes Prevention Program) [1] et FDPS (Finnish Diabetes Prevention Study) [2]. Néanmoins, les résultats sont beaucoup plus mitigés au stade de diabète de type 2 installé, avec des études prospectives décevantes (la plus célèbre demeure l’UKPDS [3] ) ou de courte durée. Look AHEAD : une étude prospective ambitieuse L’objectif de l’étude prospective rando- misée Look AHEAD (Action for Health in Diabetes) est de déterminer le bénéfice cardiovasculaire d’une intervention hygiéno-diététique intensive chez des patients diabétiques de type 2, obèses ou en surpoids [4]. Le suivi est planifié pour 13,5 ans, avec un calcul d’effectif permettant de détecter une différence significative de 18 % entre les 2 groupes concernant la survenue des évènements cardiovasculaires. Dans le groupe intensif, l’objectif est une perte de 7 % du poids initial à 1 an, à maintenir par la suite. Les apports caloriques varient entre 1200 et 1800 kcal/j, avec moins de 30 % des apports caloriques provenant des lipides. Un objectif d’au moins 175 minutes/ semaines d’activité physique est égale- ment fixé. Les patients du groupe intensif sont suivis toutes les semaines pendant 6 mois, puis 3 fois par mois les 6 mois suivants, à la fois de façon individuelle et en groupe. Par la suite, les patients sont vus en consultation individuelle au moins une fois par mois, avec un contact télé- phonique supplémentaire tous les mois. La prise en charge « standard » se limite à 3 sessions annuelles d’éducation diété- tique et d’encouragement à l’activité phy- sique en groupe. Au total, 5145 patients ont été randomisés : 2575 dans le groupe standard et 2570 dans le groupe inten- sifié, dans 16 centres aux États-Unis. Les caractéristiques à l’inclusion étaient comparables dans les 2 groupes, avec un âge moyen de 58,7 ans, 59,8 % de femmes, un IMC à 36 kg/m 2 , une durée de diabète de 6,8 ans et une HbA 1c à 7,3 %. Cet article présente les résultats obtenus après 4 ans de suivi chez 93 % des patients initialement randomisés. Des résultats encourageants mais inférieurs à ceux observés à 1 an [5] La perte de poids à 4 ans est significati- vement plus importante dans le groupe intensif par rapport au groupe standard (-4,7 % vs -1,1 %, p < 0,001). La perte de poids est maximale à 1 an (-8,6 %) dans le groupe standard, puis s’estompe progressivement. Le niveau d’activité physique qui avait augmenté de 20,4 % à 1 an dans le groupe intensif, se maintient à +5,4 % à 4 ans, contre une baisse de 1,1 % dans le groupe standard. Les paramètres métaboliques suivent la même courbe, avec une baisse qui demeure néanmoins significative à 4 ans dans le groupe intensif concernant l’HbA 1c , le HDL-Cs et la pression artérielle systolique. En revanche, il n’y a plus de différences concernant les triglycérides et la pression artérielle diastolique à 4 ans. Le niveau de LDL-C est plus bas dans le groupe standard avec significativement plus de patients avec un LDL-C < 1 g/l (64,5 vs 61 % dans groupe intensif, p = 0,01), mais ceci est dû à une plus forte utilisation d’hypolipémiants. Alors que la prescrip- tion d’antidiabétiques oraux, d’insuline et d’anti-hypertenseurs est significativement réduite dans le groupe intensif, une plus forte proportion de ces patients atteint les objectifs d’HbA 1c  < 7 % (57,4 % vs 51,1 % dans groupe standard, p < 0,001) et de pression artérielle < 130-80 mmHg (62,9 % vs 60,5 % dans groupe standard, p = 0,09). Une action bénéfique multifactorielle… à confirmer Cette étude confirme le bénéfice d’une intervention agressive sur les facteurs hygiéno-diététiques (alimentation et activité physique) à la fois sur la perte de

Efficacité métabolique d’une intervention hygiéno-diététique « intensifiée » à 4 ans : les données de l’étude Look AHEAD

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Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2011 - Hors série 1

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© 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Le coin biblio de la SFD

Efficacité métabolique d’une intervention hygiéno-diététique « intensifiée » à 4 ans : les données de l’étude Look AHEADThe Look AHEAD Research Group Long-term effects of a lifestyle intervention on weight and cardiovascular risk factors in individuals with type 2 diabetes mellitus Arch Intern Med 2010 ; 170 : 1566-1575

Le bénéfice de modifications agres-sives de l’hygiène de vie, combi-nant une prise en charge diététique

personnalisée et une activité physique régulière, a été clairement démontré dans le pré-diabète. En effet, une telle approche environnementale a permis de réduire l’évolution vers le diabète de type 2 de 58 %, par rapport à une prise en charge standard, dans les études DPP (Diabetes Prevention Program) [1] et FDPS (Finnish Diabetes Prevention Study) [2]. Néanmoins, les résultats sont beaucoup plus mitigés au stade de diabète de type 2 installé, avec des études prospectives décevantes (la plus célèbre demeure l’UKPDS [3] ) ou de courte durée.

Look AHEAD : une étude prospective ambitieuse

L’objectif de l’étude prospective rando-misée Look AHEAD (Action for Health in Diabetes) est de déterminer le bénéfice cardiovasculaire d’une intervention hygiéno-diététique intensive chez des patients diabétiques de type 2, obèses ou en surpoids [4]. Le suivi est planifié pour 13,5 ans, avec un calcul d’effectif permettant de détecter une différence significative de 18 % entre les 2 groupes concernant la survenue des évènements cardiovasculaires. Dans le groupe intensif, l’objectif est une perte de 7 % du poids initial à 1 an, à maintenir par la suite. Les apports caloriques varient entre 1200 et 1800 kcal/j, avec moins de 30 % des

apports caloriques provenant des lipides. Un objectif d’au moins 175  minutes/semaines d’activité physique est égale-ment fixé. Les patients du groupe intensif sont suivis toutes les semaines pendant 6 mois, puis 3 fois par mois les 6 mois suivants, à la fois de façon individuelle et en groupe. Par la suite, les patients sont vus en consultation individuelle au moins une fois par mois, avec un contact télé-phonique supplémentaire tous les mois. La prise en charge « standard » se limite à 3 sessions annuelles d’éducation diété-tique et d’encouragement à l’activité phy-sique en groupe. Au total, 5145 patients ont été randomisés : 2575 dans le groupe standard et 2570 dans le groupe inten-sifié, dans 16  centres aux États-Unis. Les caractéristiques à l’inclusion étaient comparables dans les 2 groupes, avec un âge moyen de 58,7 ans, 59,8 % de femmes, un IMC à 36 kg/m2, une durée de diabète de 6,8  ans et une HbA1c à 7,3 %. Cet article présente les résultats obtenus après 4 ans de suivi chez 93 % des patients initialement randomisés.

Des résultats encourageants mais inférieurs à ceux observés à 1 an [5]

La perte de poids à 4 ans est significati-vement plus importante dans le groupe intensif par rapport au groupe standard (-4,7 % vs -1,1 %, p < 0,001). La perte de poids est maximale à 1 an (-8,6 %) dans le groupe standard, puis s’estompe

progressivement. Le niveau d’activité physique qui avait augmenté de 20,4 % à 1 an dans le groupe intensif, se maintient à +5,4 % à 4 ans, contre une baisse de 1,1  % dans le groupe standard. Les paramètres métaboliques suivent la même courbe, avec une baisse qui demeure néanmoins significative à 4 ans dans le groupe intensif concernant l’HbA1c, le HDL-Cs et la pression artérielle systolique. En revanche, il n’y a plus de différences concernant les triglycérides et la pression artérielle diastolique à 4 ans. Le niveau de LDL-C est plus bas dans le groupe standard avec significativement plus de patients avec un LDL-C < 1 g/l (64,5 vs 61 % dans groupe intensif, p = 0,01), mais ceci est dû à une plus forte utilisation d’hypolipémiants. Alors que la prescrip-tion d’antidiabétiques oraux, d’insuline et d’anti-hypertenseurs est significativement réduite dans le groupe intensif, une plus forte proportion de ces patients atteint les objectifs d’HbA1c < 7 % (57,4 % vs 51,1 % dans groupe standard, p < 0,001) et de pression artérielle < 130-80 mmHg (62,9 % vs 60,5 % dans groupe standard, p = 0,09).

Une action bénéfique multifactorielle… à confirmer

Cette étude confirme le bénéfice d’une intervention agressive sur les facteurs hygiéno-diététiques (alimentation et activité physique) à la fois sur la perte de

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2011 - Hors série 1

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Efficacité métabolique d’une intervention hygiéno-diététique « intensifiée » à 4 ans : les données de l’étude Look AHEAD

poids et sur certains facteurs de risque cardiovasculaires (HTA, HDL-Cs, HbA1c), laissant espérer une possible protection cardiovasculaire. Néanmoins, les résul-tats ont tendance à s’estomper dans le temps, y compris dans le groupe intensif. Il est également surprenant d’observer que le contrôle d’un facteur de risque cardiovasculaire aussi primordial que le LDL-C soit retardé dans le groupe intensif.

À terme, cette inertie dans l’intensification du traitement hypolipémiant pourrait être néfaste pour l’objectif de l’étude. Enfin, au regard des moyens matériels et humains mis en œuvre dans le groupe intensif, une étude médico-économique s’avérera indispensable pour juger du bien-fondé de cette approche.

B C.

Références

[1] Knowler W.C. et al. N Engl J Med 2002; 346:393-403.

[2] Tuomilehto J. et al. N Engl J Med 2001; 344:1343-50.

[3] UKPDS 33. Lancet 1998;352:837-85.

[4] Ryan D.H. et al. Control Clin Trials 2003; 24:610-28.

[5] Pi-Sunyer X. et al. Diabetes Care 2007; 30:1374-83.