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Page 1: ème Quels sont les processus neuronaux importants … · Quels sont les processus neuronaux ... ès les premiers mois de vie, le regard occupe une ... 10ème Université d'automne

le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 25 - printemps 2010 37

10ème Université d'automne

…si les informations liées aux manifestations propres

à une personne, telles que ses mouvements, ses mimiques,

ne sont pas bien perçues, cela pourrait compromettre

précocement les échanges sociaux.

Quels sont les processus neuronaux importants pour l’échange entre l’enfant et l’adulte ?

Synthèse de la conférence d'Yves Burnod17

Dès les premiers mois de vie, le regard occupe une place importante dans les échanges dyadiques, entre l’adulte et l’enfant. Durant ces échanges,

l’attention visuelle portée à autrui facilite l’émergence de synchronisations entre les partenaires, et joue donc un rôle dans l’apparition des premières interactions sociales. Cet intérêt précoce pour les mouvements du corps, du visage, des yeux d’une personne, semble donc primordial pour le développement de la communication et des com-pétences sociales chez l’enfant. Dans l'autisme, des manifestations inverses peuvent être observées : l’enfant ne regarde pas son interlocuteur dans les yeux, il évite même parfois de regarder son visage. D’autre part, un des signes caractéristiques de l’autis-me est un trouble des interactions sociales, comprenant des difficultés à analyser les émotions et les intentions d’autrui.Ces différences suggèrent qu’il existe dans l’organisme des systèmes de traitement des informations perçues qui permettent d’optimiser l’interaction et les échanges en-tre l’individu et les éléments de son environnement, et en particulier les personnes qui l’entourent. Un dysfonc-tionnement au niveau de ces processus pourrait engen-drer des difficultés d'interaction sociale comme celles qui sont présentes dans l'autisme : si les informations liées aux manifestations propres à une personne, telles que ses mouvements, ses mimiques, ne sont pas bien perçues, cela pourrait compromettre précocement les échanges sociaux. Quels sont ces processus importants pour l'échange entre deux individus ? En particulier, quels sont les processus neuronaux importants pour l'échange entre un enfant et un adulte ? Telle est la question formulée par Yves Burnod. En tant que directeur de recherche à l’Inserm en exercice à l’Institut des Systèmes Complexes, il étudie les « dynamiques multi-échelles du cerveau qui s’adapte et apprend ». Il existe des processus d'adaptation et d'apprentissage à différents niveaux : moléculaire, neuronal, cérébral et psychologique. Les processus d’apprentissages sont segmentés selon le domaine scientifique de ceux qui cherchent à les appréhender (physiologie, neurologie, psychologie…), mais en réalité ils constituent des repré-sentations à différentes échelles d’un système global de fonctionnement chez une personne.

Comprendre les processus d’apprentissage

Actuellement, nous disposons de nombreux travaux et résultats concernant les processus d'apprentissage, à tous ces niveaux. Par exemple, certaines propriétés élémen-taires des synapses (zones de communication entre les neurones où s’effectuent des échanges de molécules) ont été identifiées comme jouant un rôle dans les adaptations et apprentissages qui sous-tendent l'échange. Pour passer des processus neuro-naux aux processus mentaux, et construire une représentation co-hérente de la manière dont une personne apprend ou traite des informations, il est nécessaire d’établir des ponts entre ces savoirs scientifiques.Une première façon de coordonner les résultats obtenus à chaque échelle consis-te à assembler les mécanismes élémentaires en réseaux. Ainsi, des modèles de réseau synaptique permettent de mettre en lien les résultats concernant les échanges mo-léculaires ; des modèles de réseau neural synthétisent les interactions identifiées entre les neurones ; des modèles de réseau cérébral peuvent permettre de coordonner les fonctionnements de différentes aires identifiées en neuro-imagerie ; les modèles de réseau social mettent en lien les processus psychologiques des individus en interaction.

Simuler le fonctionnement dynamique de réseaux

Pour observer le fonctionnement en modalité dynamique de ces réseaux, les apports technologiques peuvent être très utiles. Des circuits électroniques peuvent permettre de simuler des cascades de traitements effectués dans les réseaux à tous ces niveaux. De cette manière, il devient possible d'observer en temps réel les processus supposés de traitement de l'information chez l'individu.

L'équipe d'Yves Burnod a ainsi élaboré un circuit capable de simuler le traitement des images perçues. A partir des

17 Directeur de Recherches Inserm, Institut Systemes Complexes, Paris. Conférence résumée par Marion Catoire et Gilles Pourbaix.

Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0)

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10ème Université d'automnerésultats d'imagerie concernant l’activité cérébrale impli-quée dans le traitement d’images regardées par la per-sonne, ils ont constitué un modèle simplifié du réseau cé-rébral réalisant une cascade de traitements élémentaires. Ensuite, ils ont reproduit une cascade similaire de circuits électroniques (implémentés en silicium) correspondant chacun à un réseau neural élémentaire. Le circuit élec-tronique ainsi conçu est un modèle de filtre spatio-tem-porel : il simule un traitement d'images immobiles ou en mouvement, c'est-à-dire variables ou non dans le temps et dans l'espace. Il est capable d'apprendre à reconnaître des visages ou des objets dans des flux audio ou vidéo de scènes naturelles.Le premier « filtre » ainsi constitué ne permettait pas de traiter différemment un objet statique (une canette de Coca, par exemple) d'une personne. En particulier, il ne permettait pas de donner la préférence aux mouvements fins du visage, qui semblent caractéristiques pour distin-guer une personne et accéder à des informations impor-tantes pour la communication : mouvements des yeux, mimiques. Un système de traitement uniforme pour tous les types de flux ne permettait pas de mettre en avant ces caractéristiques dynamiques. Cependant, en technologie, il existe un système capable de s'adapter à des variations de ce type : il s'agit du sys-tème de réglage automatique d'ouverture d'un appareil photographique, ou diaphragme. Ce mécanisme fonc-tionne de la manière suivante : si des variations dans l'in-formation perçue sont lentes, la durée d'intégration de ces variations doit être longue et à l'inverse, si les variations sont rapides, alors la durée d'intégration doit être courte. En revanche, si ce mécanisme dysfonctionne, la percep-tion risque d'être brouillée (durée d'intégration trop lon-gue par rapport à la vitesse du stimulus) ou insuffisante (durée d'intégration trop courte).Il existe également dans notre organisme des systèmes qui fonctionnent selon le même principe. Ainsi, les sy-napses ont de telles capacités d'adaptation : les échanges inter-membranaires peuvent varier selon la vitesse et les changements du flux perçu. D'autre part, il existe deux systèmes cellulaires qui sont spécialisés dans le filtrage spatial et temporel du signal lumineux perçu par l'oeil : les systèmes magno-cellulaire et parvo-cellulaire*.

Reproduire les traitements neuronaux d’adaptation temporelle

L'équipe d'Yves Burnod a intégré au premier modèle électronique de filtre d’images un mécanisme reprodui-sant les traitements neuronaux d’adaptation temporelle. Le résultat du traitement d’images vidéo donnait alors une grande importance aux expressions faciales et corpo-relles, et accordait en contrepartie beaucoup moins d’im-portance aux objets.

Ce modèle électronique peut ainsi rendre compte de la mise en relief des informations utiles pour la communi-cation. Le traitement neuronal d’adaptation temporelle fournit en temps réel une description fine des expressions faciales et corporelles importantes pour le décodage des émotions et des intentions. Il permettrait de mieux percevoir de petits mouvements rapides en lien avec les yeux, la bouche, la respiration. Ce processus de traitement du flux percep-tif contribuerait à en extraire les variations pertinentes pour l'individu. Un dysfonctionnement au niveau de ce processus n’affecte pas la bonne perception des objets ; en revanche, il peut brouiller des informations liées aux manifestations physiques des personnes présentes dans l'environnement, et rendre leur perception peu pertinente, voire douloureuse. Ces mécanismes pourraient être im-pliqués dans l'autisme. Ce qui est intéressant, c'est qu'un tel dysfonctionnement peut être compensé par la prédiction des flux sensoriels.Des observations de ce type offrent la possibilité d’envi-sager des compensations sur le plan rééducatif. Ainsi, des stratégies adaptatives d’échange permettraient de com-penser les dysfonctionnements des processus d’adap-tation temporelle présents chez l’enfant avec autisme. Ralentir ou prolonger le flux perceptif (ses mouvements), se rapprocher de la dynamique propre à l'enfant et créer des situations dans lesquelles il puisse anticiper ce qui va se passer, lui évitera d’être envahi d’informations qu’il ne peut pas intégrer, et lui permettra d’apprendre pro-gressivement à maîtriser ses difficultés. Des modèles de réseaux neuronaux permettent ainsi de penser les fonctionnements et dysfonctionnements en jeu dans les apprentissages, d'envisager des compensations et des supports pour les mettre en œuvre (par exemple outils techniques ralentissant les flux perçus, adaptations de l'interlocuteur, augmentation de la prévisibilité des ac-tions d'autrui). Ils peuvent donc trouver des applications concrètes et immédiates en thérapie, en offrant des pers-pectives pour l’observation des difficultés dans l’autisme, l’évaluation et la rééducation.

Aujourd’hui, rassembler les connaissances et les obser-vations, créer des passerelles entre les expériences de personnes concernées par l’autisme (parents, chercheurs, médecins, éducateurs, thérapeutes…) devient une prio-rité pour construire une « représentation cohérente, uni-fiée, riche et multidimensionnelle de ce qui se passe dans notre cerveau et dans notre esprit, et de la façon dont ces représentations peuvent aider ».

* Systèmes magno et parvocellulaires : désignent deux voies visuelles au niveau des corps genouillés latéraux du thalamus. Les voies magnocellulaires véhiculent très rapidement une information grossière (achromatique et de basse fréquence spatiale, c'est à dire « floue ») alors que les voies parvocellulaires véhiculent une information visuelle plus précise et chromatique, mais aussi plus lente.

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