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Ann Urol 2001 ; 35 : 266-9 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003-4401(01)00041-9/SCO Rein Endométriose rénale. À propos d’un cas A. Benchekroun, Y. Nouini , M. Zennoud, A. Iken, C. Ould Jdoud Clinique urologique A, CHU Avicenne, Rabat, Maroc RÉSUMÉ Les auteurs rapportent un cas d’endométriose rénale. Le diagnostic préopératoire de cette pathologie est difficile car ni la clinique ni la radiologie n’apportent de signes vraiment spécifiques. Cet état de fait limite la place laissée au traitement médical et à une chirurgie conservatrice pourtant très souhaitable pour cette population jeune. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS bilan / endométriose rénale / traitement hormonal ABSTRACT Renal endometriosis. A case report. The authors report a case of renal endometriosis. The preoperative diagnosis of this pathology is difficult be- cause the clinical aspect and the radiological appearance are non specific. This fact limits the place of the medical treatment and of the conservative surgery nevertheless desirable in this young population. 2001 Éditions sci- entifiques et médicales Elsevier SAS evaluation / hormonal therapy / renal endometriosis L’endométriose se définit comme la présence de foyers hétérotopiques d’endomètre. C’est une affec- tion fréquente chez la femme en période d’activité génitale, mais sa localisation urologique est rare (1 à 4 % selon les auteurs) [1 – 4] et l’atteinte rénale tout à fait exceptionnelle (16 cas publiés). Comme de plus sa présentation clinique est très peu parlante et son bilan peu spécifique, le diagnostic et le plus souvent le fait du pathologiste. (Reçu le 19 janvier 2001 ; accepté le 23 février 2001) Correspondance et tirés à part : Y. Nouini, 4, rue T’ssoule, Rabat Souissi, Maroc. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Nouini). OBSERVATION Une jeune patiente de 35 ans est hospitalisée en urologie en avril 1998 pour pyonéphrose gauche. Son histoire clinique débute au cinquième mois d’une grossesse, jusque là sans problème, par des douleurs de l’hypochondre gauche avec fièvre et pyurie sans notion d’hématurie. L’interrogatoire re- trouve dans ses antécédents de nombreux épisodes identiques qui n’ont jamais été explorés, mais au- cune notion de rythmicité cataméniale. Cette symptomatologie est étiquetée par son mé- decin traitant comme étant due à une pyélonéphrite et est traitée par antibiotiques. Une urographie intraveineuse réalisée après l’ac- couchement met en évidence une mutité rénale gauche, vraisemblablement due à une lithiase visible au niveau de l’uretère iliaque. La tomodensitométrie retrouve un rein ipsilatéral de petite taille et d’allure pyonéphrotique sans au- cune image particulière. La patiente est opérée et subit une néphrectomie pour un rein pyonéphrotique d’aspect morpholo- gique classique. L’examen de la pièce anatomopathologique révèle outre les lésions de pyonéphrose un foyer d’endomé- triose calicielle inférieure ignorée jusque là. Il s’agit donc de la découverte fortuite d’une endométriose rénale sur pièce opératoire de rein enlevé pour pyonéphrose d’origine lithiasique.

Endométriose rénale. À propos d'un cas

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Ann Urol 2001 ; 35 : 266-9 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

S0003-4401(01)00041-9/SCORein

Endométriose rénale. À propos d’un cas

A. Benchekroun, Y. Nouini∗, M. Zennoud, A. Iken, C. Ould Jdoud

Clinique urologique A, CHU Avicenne, Rabat, Maroc

RÉSUMÉLes auteurs rapportent un cas d’endométriose rénale. Lediagnostic préopératoire de cette pathologie est difficilecar ni la clinique ni la radiologie n’apportent de signesvraiment spécifiques. Cet état de fait limite la place laisséeau traitement médical et à une chirurgie conservatricepourtant très souhaitable pour cette population jeune. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

bilan / endométriose rénale / traitement hormonal

ABSTRACTRenal endometriosis. A case report.The authors report a case of renal endometriosis. Thepreoperative diagnosis of this pathology is difficult be-cause the clinical aspect and the radiological appearanceare non specific. This fact limits the place of the medicaltreatment and of the conservative surgery neverthelessdesirable in this young population. 2001 Éditions sci-entifiques et médicales Elsevier SAS

evaluation / hormonal therapy / renal endometriosis

L’endométriose se définit comme la présence defoyers hétérotopiques d’endomètre. C’est une affec-tion fréquente chez la femme en période d’activitégénitale, mais sa localisation urologique est rare (1 à4 % selon les auteurs) [1 – 4] et l’atteinte rénale toutà fait exceptionnelle (16 cas publiés).

Comme de plus sa présentation clinique est trèspeu parlante et son bilan peu spécifique, le diagnosticet le plus souvent le fait du pathologiste.

(Reçu le 19 janvier 2001 ; accepté le 23 février 2001)∗ Correspondance et tirés à part : Y. Nouini, 4, rue T’ssoule, Rabat Souissi, Maroc.Adresse e-mail : [email protected] (Y. Nouini).

OBSERVATION

Une jeune patiente de 35 ans est hospitalisée enurologie en avril 1998 pour pyonéphrose gauche.

Son histoire clinique débute au cinquième moisd’une grossesse, jusque là sans problème, par desdouleurs de l’hypochondre gauche avec fièvre etpyurie sans notion d’hématurie. L’interrogatoire re-trouve dans ses antécédents de nombreux épisodesidentiques qui n’ont jamais été explorés, mais au-cune notion de rythmicité cataméniale.

Cette symptomatologie est étiquetée par son mé-decin traitant comme étant due à une pyélonéphriteet est traitée par antibiotiques.

Une urographie intraveineuse réalisée après l’ac-couchement met en évidence une mutité rénalegauche, vraisemblablement due à une lithiase visibleau niveau de l’uretère iliaque.

La tomodensitométrie retrouve un rein ipsilatéralde petite taille et d’allure pyonéphrotique sans au-cune image particulière.

La patiente est opérée et subit une néphrectomiepour un rein pyonéphrotique d’aspect morpholo-gique classique.

L’examen de la pièce anatomopathologique révèleoutre les lésions de pyonéphrose un foyer d’endomé-triose calicielle inférieure ignorée jusque là.

Il s’agit donc de la découverte fortuite d’uneendométriose rénale sur pièce opératoire de reinenlevé pour pyonéphrose d’origine lithiasique.

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DISCUSSION

D’un point de vue physiopathologique, plusieurs hy-pothèses ont été évoquées pour tenter d’expliquerl’existence des foyers d’endométriose : origine em-bryologique à partir de vestiges mülleriens, rôlede facteurs augmentant le flux menstruel et le re-flux tubaire, diffusion hématogène ou par contiguïtéau décours d’interventions chirurgicales portant surl’utérus [5, 6], phénomènes de métaplasie tissulairesous influences hormonales qui pourraient expli-quer les quelques cas d’endométriose décrits chezl’homme [7].

Les œstrogènes de leur côté interagiraient sur desfacteurs de croissance et de l’angiogenèse libérés parles macrophages. On a décrit l’induction de novod’une endométriose par hormonothérapie substitu-tive [8].

Il existerait aussi des facteurs génétiques et immu-nologiques [9].

L’endométriose rénale, qui est classée parmi lesendométrioses externes extrapelviennes, est de diag-nostic particulièrement difficile. Sa symptomatolo-gie est en général très peu évocatrice, se limitantà des signes rénaux banals (lombalgie, hématu-rie), dont seul le rythme cataménial, qui n’est pasconstant et n’a pas été retrouvé même a posteriorichez notre patiente, peut-être à cause de l’intri-cation de la symptomatologie obstructive et infec-tieuse, peut faire évoquer le diagnostic. Celui-ci estd’ailleurs le plus souvent réalisé sur la pièce opéra-toire, une revue de la littérature des 16 cas mondiauxpubliés montre que le diagnostic a dans 15 cas, étéréalisé seulement au stade de la néphrectomie [2].

La bénignité quasi constante de cette affection(une dégénérescence de l’endométriose est néan-moins possible dans 0,3 à 0,7 % des cas [10, 11]fait déplorer cet état de fait, d’autant plus que cettepathologie concerne souvent des femmes jeunes,candidates à un traitement conservateur.

Explorations complémentaires

L’imagerie est souvent prise en défaut par le carac-tère peu spécifique des lésions d’endométriose.

Par ailleurs, en raison de variations morpholo-giques mêmes de l’endométriose selon les diffé-rentes phases du cycle menstruel, des aspects ico-nographiques variables pourraient se rencontrer aucours du temps chez un même sujet [2].

L’endométriose peut revêtir, en tomodensitomé-trie, différents aspects allant du kyste tout à fait banalà un aspect de flaque hémorragique. Les signes in-directs, aspécifiques, notamment un certain degréd’infiltration en regard de la lésion, se sont sûrementtrouvés noyés dans l’inflammation d’origine infec-tieuse dans notre observation.

L’imagerie par résonance magnétique peut mettreen évidence des signes d’hémorragies, nous nel’avons pas pratiquée.

Intérêt du Ca 125

C’est une glycoprotéine de haut poids moléculairegénérée par les lésions endométriosiques mais aussipar l’endomètre, l’ovaire, les cellules mésothélialesdu péritoine et de l’inflammation qui peuvent accom-pagner l’endométriose.

C’est un marqueur non spécifique retrouvé àd’autres occasions (divers cancers : ovarien, de l’en-domètre, du col, cancer métastatique du sein, pul-monaire, digestifs ; ou affections non néoplasiques :kystes ovariens, fibromes utérins, salpingites, cir-rhoses hépatiques, pancréatites, péritonites).

La limite supérieure de sa concentration sériquenormale est de 35 UI/mL, mais seuls 40 % desfemmes atteintes d’endométriose ont un Ca 125sérique supérieur à 35 UI/mL [12].

En revanche, un Ca 125 élevé, peu constituer unargument sérieux d’endométrioses de forme avancée[13, 14].

Il peut donc être utilisé comme test de dépis-tage dans une population de femmes suspectéesd’endométriose, mais pas dans une population géné-rale [13].

Le Ca 125 peut également être utile à la sur-veillance de l’efficacité du traitement et au dépistagedes récidives [15, 16].

Traitement

Le traitement médical est utilisé depuis une quaran-taine d’années.

Il repose sur l’hormonodépendance des lésions en-dométriosiques et son efficacité semble actuellementétablie [17]. Il n’agit pas par définition, même surles adhérences et les séquelles fibreuses, il n’agit pasnon plus sur les endométriomes.

Sont but est de baisser l’imprégnation œstrogé-nique, le saignement menstruel et d’entraîner une

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mise au repos temporaire des lésions, bien qu’iln’existe pas toujours de relation entre la baisse desœstrogènes et la régression des ces lésions.

Les indications du traitement médical sont lesformes sévères (la classification d’Acosta classe lesendométrioses urinaires, donc rénales, parmi cesformes sévères), les formes douloureuses et récidi-vantes, la préparation à la chirurgie, parfois aussi lacouverture postopératoire, enfin la préparation à lafécondation in vitro. Il fait appel à un certain nombrede molécules dont l’utilisation est basée sur leur ef-ficacité et leur tolérance.

Les progestatifs sont administrés de façon conti-nue durant deux à six mois. Pour les œstropro-gestatifs : l’atrophie du tissu endométriosique qu’ilengendre est obtenue moyennant des effets secon-daires fréquents. Leur emploi dans cette indicationest pour cette raison actuellement en déclin.

Le danazol, de mode d’action complexe, a long-temps été le produit de référence [18], il agit enabaissant par action hypophysaire le pic de FSH-LH(d’où baisse des taux d’œstrogène et de testosté-rone), mais il engendre de nombreux effets secon-daires et est donc beaucoup moins utilisé.

Les analogues de la LH-RH sont efficaces maisprésentent l’inconvénient d’un rebond à leur ar-rêt [19]. On s’accorde à proposer une durée maxi-mum de traitement de six mois, après laquelles’ajoute à l’apparition d’effets secondaires, une bais-se d’efficacité [20]. Leur utilité est contestée parcertains auteurs [2], mais ils pourraient être utilescomme préparation à la chirurgie car actuellementle traitement se doit d’être le plus conservateur pos-sible.

Le traitement chirurgical garde toute sa place dansla prise en charge de cette affection. La cœliochi-rurgie est proposée dans l’endométriose urinaire,notamment parce qu’elle permet une meilleure vi-sualisation des lésions ; nous n’avons pas retrouvé depublication à ce sujet en ce qui concerne les formesrénales.

CONCLUSION

L’endométriose rénale est une affection de diagnos-tic difficile fait souvent en peropératoire, voire à lalecture de la pièce par l’anatomopathologiste.

Un affinement des éléments de diagnostic préopé-ratoire permettrait d’instaurer un traitement médical

ou tout au moins de réaliser une préparation à l’in-tervention sauvegardant au mieux les possibilités dechirurgie conservatrice pour cette pathologie attei-gnant souvent des femmes jeunes.

RÉFÉRENCES

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3 Parant O, Soulie M, Tollon C, Monrozies X. Endométrioseurétérale et vésicale : à propos d’une observation. Prog Urol1999 ; 9 : 522-7.

4 Umaria N, Olliff JF. MRI appearances of bladder endome-triosis. Br J Radiol 2000 ; 73 : 733-6.

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6 Vercellini P, Meschia M, Giorgio (de) O, Panazza S,Cortesi I, Crosignani PG. Bladder detrusor endometriosis:clinical and pathogenetic implications. J Urol 1996 ; 155 :84-6.

7 Schrodt GR, Alcorn MO, Ibanez J. Endometriosis of themale urinary system: a case report. J Urol 1980 ; 125 : 722-3.

8 Chinegwundoh FI, Ryan P, Luesley T, Chan SY. Renaland diaphragmatic endometriosis de novo associated withhormone replacement therapy. J Urol 1995 ; 153 : 380-1.

9 Audebert A. Traitements médicaux de l’endométriose. Re-vue Prat 1999 ; 49 : 262-75.

10 Nishida M, Watanabe K, Sato N, Ichikawa Y. Malignanttransformation of ovarian endometriosis. Gynecol ObstetInvest 2000 ; 50(Suppl S1) : 18-25.

11 Jimenez RE, Tiguert R, Hurley P, An T, Grignon DJ, Law-rence D, et al. Unilateral hydronephrosis resulting fromintraluminal obstruction of the ureter by adenosquamousendometrioid carcinoma arising from disseminated endo-metriosis. Urology 2000 ; 56 : 331.

12 Audebert AJM. Endométriose : qu’attendre du dosage duCa 125 ? Contracept Fertil Sex 1994 ; 22(Suppl) : 808.

13 Pittaway DE, Douglas JW. Serum Ca-125 in women withendometriosis and chronic pelvic pain. Fertil Steril 1989 ;51 : 68-70.

14 Masahashi T, Matsusawa K, Ohsawa M, Narita O, Asai T,Ishiara M. Serum Ca 125 levels in patients with endome-triosis: change in Ca 125 levels during menstruation. ObstetGynecol 1988 ; 72 : 328.

15 Özaksit U, Caglar T, Cicek N, Kusçu E, Batioglu S,Gökmen O. Serum Ca 125 levels before, during and aftertreatment for endometriosis. Int J Gynecol Obstet 1995 ; 50 :269-73.

16 Takahashi K, Okada S, Okada M, Kitao M, Kaji Y,Sugimura K. Magnetic resonance imaging and serum Ca125 in evaluating patients with endometriomas prior tomedical therapy. Fertil Steril 1996 ; 65 : 288-92.

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17 Westney OL, Amundsen CL, McGuire EJ. Bladder endo-metriosis: conservative management. J Urol 2000 ; 163 :1814-7.

18 Audebert AJM. Overview of the mechanism of action ofDanazol. In: Rock JA, editor. Recents advances in themanagement of endometriosis. Carnforth (UK): ParthenonPublishing; 1988, p. 49-60.

19 Nezhat CR, Nezhat FR. Laparoscopic segmental bladderresection for endometriosis: a report of two cases. ObstetGynecol 1993 ; 81 : 882-4.

20 Packard CJ, Shepherd J. Action of Danazol on plasma lipidsand lipoprotein metabolism. Acta Obstet Gynecol Scand1994 ; 159 : 35-40.