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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Ennius et les livres de Numa Author(s): Léon Herrmann Source: Latomus, T. 5, Fasc. 1/2 (JANVIER-JUIN 1946), pp. 87-90 Published by: Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41516516 . Accessed: 03/06/2014 16:40 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Societe d’Etudes Latines de Bruxelles is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Latomus. http://www.jstor.org This content downloaded from 64.115.250.2 on Tue, 3 Jun 2014 16:40:13 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Ennius et les livres de Numa

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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles

Ennius et les livres de NumaAuthor(s): Léon HerrmannSource: Latomus, T. 5, Fasc. 1/2 (JANVIER-JUIN 1946), pp. 87-90Published by: Societe d’Etudes Latines de BruxellesStable URL: http://www.jstor.org/stable/41516516 .

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Ennius et les livres de Numa

A Rome, en 571 U.C. / 181 av. J.-C., on avait découvert deux coffres de pierre aux couvercles de plomb, dont l'un passait pour avoir jadis contenu les cendres du pieux roi Numa, tandis que l'autre contenait encore ses œuvres latines et grecques. Les œu- vres grecques, amenées au prêteur Q. Petilius, furent incinérées sur l'ordre du sénat (1).

De ce fait mémorable, raconté par les annalistes L. Cassius Hemina, M. Calpurnius Piso, С. Sempronius Tuditanus, Q. Vale- rius d'Antium, subsistent plusieurs récits dans Pline l'Ancien (d'après les annalistes), Tite-Live, St Augustin (d'après Varron), Valére Maxime, Plutarque, Lactance, Aurelius Victor, Festus et les Excerpta Pauli (2).

Ces multiples versions divergent en ce qui concerne le nombre et la nature des livres incinérés et aussi sur l'auteur de la trou- vaille. Elles ne présentent aucune divergence sur la date, le lieu (le Janicule), le sort réservé aux volumes, le nom du prêteur (*) qui déféra les «œuvres de Numa» au sénat. Nous pouvons donc considérer les quatre derniers points comme acquis.

Nous laisserons aussi de côté la question, en somme secondaire, du nombre des volumes. Des recherches sur leur nature ont été

(1) Le principal travail sur cette question est celui de E. von Lasaux, Ueber die Bûcher des Königs Numa dans Abh. der Münch. Ak. der Wiss., phil.-hist. Kl. , V, (1847), p. 83, etc. Contre toute vraisemblance, il défend la thèse de l'authenticité des volumes (retrouvés cinq cent trente cinq ans après Numa à l'état de neuf !). Sur le pythagorisme de Numa admis par A. Gia- nola, La fortuna di Pit. presso i Romani (Catania, 1921), p. 31, et nié par A. Delatte, Les doctrines pythag. des livres de Numa dans В. Ac. Roy. Belg. (Brüx., 1936), qui croit avec raison à un faux, voir Tite-Live, I, 18 et Cice- rón, Tusculanes , IV, 1 (déjà sceptique !).

(2) Pline l'Ancien, H. Nat., XIII, 13, 84-87 ; St. Aug., De civ. D., VII, 34 ; Tite-Live, XL, 29 ; Plutarque, Numa, 22 ; Lactance, Inst. D., I, 22, 5-8 ; Aur. Victor, de uir. ill., III, 3 ; Festus, fragm. p. 178, Lindsay, Pauli excerpta, p. 179.

(3) Voir F. Münzer, article Petilius n° II, P. W., Real. Enc ., XIX, 1, ç.llÇl,

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faites par M. A. Delatte С1). Nous allons, quant à nous, essayer de déterminer qui est celui qui les a trouvés (2).

Là se heurtent deux versions. Selon L. Cassius Hemina, il se serait agi du scribe Cn. Terentius, possesseur du champ du Jani- cule, où gisaient les deux coffres, et, selon Varron, il se serait agi du bouvier d'un certain Terentius ( Terentius quidam). Aurelius Victor écrit « a Terentio quodam » et deux manuscrits donnent «a Tarentino quodam». Mais Tite-Live parle du scribe L. Peti- lius, donc d'un homonyme du prêteur Q. Petilius.

La version de Tite-Live contient une erreur dont l'origine est facile à découvrir : trouvant dans sa souice in agro scribae Peti- lii (3), c'est-à-dire « dans le champ d'un scribe de Petilius», il a pu comprendre « dans le champ du scribe Petilius » et ajouter ainsi un scribe L. au préteur Q. Petilius.

Pourtant, même dans l'autre version, subsiste la mention du scribe et il n'y a pas lieu de refuser d'admettre que le possesseur du champ du mont Janicule était bien un scribe du prêteur Q. Petilius.

Mais ce scribe s'appelait-il Terentius, comme Térence et Varron, ou même, comme le prétend Pline l'Ancien, Cneius (4) Terentius? En écrivant Terentius quidam , Terentius Varro se serait montré fort peu curieux du prénom et du surnom de son homonyme et parent. La présence de quidam donne à penser que l'individu n'était pas nommé. Sa qualité de scribe de prêteur aurait rem- placé le mot quidam , s'il avait été nommé, et on aurait lu quelque chose comme Terentius scriba.

La solution nous est donnée par deux manuscrits du De uiris illustribus. Il convient de lire a Tarentino quodam , Terentio étant une erreur.

Il s'agit d'un certain Tarentin, scribe du prêteur Q. Petilius. Comment un Tarentin a-t-il pu devenir scribe de prêteur? Évi- demment après son accession au droit de cité romaine.

Quel est ce nouveau Quirite auteur de la prétendue découverte?

(1) Voir aussi Zeller, Philos, der Griechen , III, 24, p. 101 etc. et Glaser, article Numa Pompilius dans P.W., Real Enc XVII, 1, d. 1245, 1. 38.

(2) On notera que Tullus Hostilius passait pour avoir péri parce qu'il avait mal usé de livres secrets de Numa (Tite Live, I, 31).

(3) Lactance, l. c. : in agro scribae Petilii sub laniculo arcae duae lapideae sunt repertae a fossoribus.

(4) On notera que Festus écrit Numam Pompilium Ianicul... ferunt in quo arcam eius... nominis a Terentio... te agrum , ce qui dérive de Varron et n'indi- que nullement un prénom Cneiiis,

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Si Livius Andronicus était un prisonnier Tarentin, il n'était pas le seul à pouvoir être qualifié de Tarentin. La chronique de St Jérôme à l'an 1777 (240 av. J.-C.) nous donne : « Q. Ennius poeta Tarenti nascitur ». Il n'y a pas là de confusion avec Livius : Rudies, ville mes- sapienne, où naquit vraiment Ennius, est voisine de la grande colonie dorienne, bien plus notoire qu'elle. Ennius, qui avait des attaches tarentines et dont le neveu Pacuvius, né à Brindes, mourut à Tárente, a donc parfaitement pu être qualifié de Tarentin.

Certains ont cru qu'il avait vécu sur l'Aventin avec son ami le poète Caecilius ( 1 ). Mais Cicéron nous le décrit se promenant dans des jardins avec un voisin, Servius (Sulpicius) Galba (2). Or, ces jar- dins se trouvaient entre l'Aventin et le Janicule vers la Via Aurelia (3). De plus, selon certains, c'est du Janicule que furent transférés à Rudies les ossements de Q. Ennius (4) et, selon St Jérôme, c'est aussi à proximité du Janicule que fut enterré le poète Caecilius (6).

Dès lors, le « Tarentin » qui « découvrit » dans un champ du Ja- nicule les livres de Numa ne pourrait-il avoir été le poète Quintus Ennius?

1) Personne ne nous renseigne sur ce qu'il fit pour vivre, une fois devenu citoyen, car c'est lorsqu'il ne l'était pas encore qu'il enseignait le grec et le latin. Ses rapports avec les prêteurs sont attestés (e) et d'autre part il a appartenu au collège des scribes auquel fut concédé un local de réunion dans le temple de Minerve sur l'Aventin (7). Ennius n'aurait-il pas été scribe de prêteur comme plus tard Horace fut scribe de questeur?

2) L'auteur des volumes de Numa était un helléniste. Festus traite Ennius de grec, Suétone de demi-grec et il s'est reconnu lui

(1) S. JÉRÔME, Chron. à 1777 (250 av. J.-C.). Voir à 1838 (179 av. J.-C.) sur Statius Caecilius ; Varron, de ling . lat., V, 163 : eum coluisse Tutilinae loca.

(2) Cie., Ac. pr., II, 51. Voir article Su Ipicius n° 57, P.W., Real E ne., IV, c. 759 (et Skutsch, l. е., c. 2591).

(3) Suétone, Galba , 20. (4) Serenus Sammonicus, 713: quidam ossa eius Ruiiam ex Ianiculo trans-

lata adfirmant. (5) S. Jérôme, Chron . à 1838 (179 av. J.-C.) iuxta Ianiculum. Ritschl

lisait iuxta (eum) ( Ennium ) (in) Ianiculo... La tradition de l'enterrement d'Ennius dans le tombeau des Scipions est très douteuse.

(6) Cicéron, Brutus , XX, 78. (7) Tite-Live, XXVII, 31 ; Festus, p. 333 M. Voir sur le collège O. Jahv,

Ber. der Sächs. Ges. der Wiss. (1856), p. 294 ; E. Kornew ann, article Collegiu n , P. W., Real Ene., IV, p. 397 ; E. G. Sihler, The collegium poetarum at Ro- me dans Am. Journ. of Phil., t, XXVI (1905), p. 1,

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même grec pour un tiers, osque pour un tiers, latin pour un tiers i1). Qui mieux qu'Ennius pouvait composer les livres bilin- gues de Numa?

3) Les livres grecs étaient pythagoriciens. Chacun sait qu'En- nius était pythagoricien, ce dont l'ont raillé et Horace et Perse (2).

4) Ajoutons un argument que nous suggère la lecture de l'article de M. A. Delatte. Lydus nous apprend que le protecteur même d'Ennius, Fulvius Nobilior, s'était inspiré des ouvrages de Numa (à propos de la nécessité d'observer les astres) (3).

On objectera peut-être à l'hypothèse selon laquelle le faussaire était Ennius que celui-ci était trop célèbre pour qu'on pût l'appeler « un certain Tarentin ». Mais si on admet, avec la plupart des érudits modernes, qu'il s'agit d'un faux et surtout si on se souvient des motifs allégués pour faire condamner ces livres au feu (4), l'expression s'explique fort bien. De ces ouvrages grecs jugés dange- reux pour la religion nationale, les annalistes pouvaient-ils avouer qu'ils avaient été « trouvés » par l'ami des Scipions, par l'auteur des Aiuiales , par le plus grand poète épique que Rome eût encore connu? Non. Ils ont préféré jeter sur Ennius le voile de l'anonymat.

Ainsi Ennius aurait, selon nous, joué un rôle important dans l'offensive contre les traditions religieuses consécutive à l'hellénisa- tion et aux conquêtes de la fin du ni® siècle av. J.-C. (5). De même que le sénat avait réagi en 568 contre les Bacchanales et de même qu'il allait sévir plus tard contre l'épicurisme, il n'hésita pas à se

prononcer en 571 contre le pythagorisme (e), même patronné par le glorieux Ennius. Et si ce dernier ne paya point de sa vie sa

supercherie, il le dut sans doute autant à ses puissants protecteurs qu'à sa gloire ; ses « mauvais livres » périrent à sa place.

Bruxelles . Léon Herrmann.

(1) Aulu Gelle, N. Att., XVII, 17, 1 ; Festus, p. 293 M. ; Suétone, de g ramm., 1.

(2) Voir Plutarque, Numa , VII, 10 ; Horace, Ер., II, 1, 50 ; Perse, Sat., V, 49 (et Choliambes).

(3) L. е., pp. 35-37. Voir aussi du même auteur Études sur la littérature pythagoricienne, p. 192 (cf. Lydus, de ost., 11).

(4) C. A. Forbes, Books for the burning dane Гг. and Pr. of the Am. Phil. Phil. Ass., t. 47 (1936), p. 118.

(5) A. Schwegler, Rom . Gesch., I (Tübingen 1853), p. 368, n. 1, sur son scepticisme.

(6) Les Sentences d'Appius Claudius Pulcher paraissaient aussi pythagori- ciennes à Cicéron (Tuse., IV, 2, 4) qui les connaissait par une lettre de Q.Panae- tius à Q. Tubero.

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