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ENQUÊTE Aéronautique civile N°53 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2011 46 Le MRO (Maintenance, Repair and Overhaul) présente tous les atouts d’un marché séduisant, aussi bien pour les « pure players » (OEMs, MRO indépendants, filiales de grandes compagnies aériennes) que pour certains avionneurs qui expriment la volonté de s’impliquer davantage dans les activités de service. Un marché en mutation, riche en nouveaux projets d’amélioration, notamment sur les aspects logistiques. Le MRO décolle ©AIRBUS ©SABENA

ENQUETE-53:Mise en page 1

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ENQUÊTEAéronautique civile

N°53 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 201146

Le MRO (Maintenance, Repair and Overhaul) présente tous les atouts d’un marché séduisant,aussi bien pour les « pure players »(OEMs, MRO indépendants, filiales de grandes compagnies aériennes)que pour certains avionneurs qui expriment la volonté de s’impliquerdavantage dans les activités de service.

Un marché en mutation, riche en nouveaux projets d’amélioration, notammentsur les aspects logistiques.

Le MROdécolle

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rer), les MRO indépendants (SabenaTechnics, etc.) et les filiales de grandescompagnies européennes (Air FranceIndustries KLM Engineering & Mainte-nance, etc.) », développe Bruno Bouf,A&D Partner chez J&M ManagementConsulting. Les filiales des compagniessont également amenées à travaillerpour d’autres sociétés en dehors de leurmaison mère. C’est le cas d’AFI KLME&M qui propose ses services de MRO àplus de 150 clients. Les compagnies « low cost » ou de petite taille souhaitentse concentrer uniquement sur leur cœurde métier. Pas question pour elles d’as-surer d’autres prestations que celles defaire voler des avions ! Elles sont doncdésireuses d’externaliser toute la main-tenance. Idem pour les loueurs (sociétésde leasing comme ILFC ou GECAS). « Avec actuellement un tiers de part de marché, l’importance des loueursdevrait continuer de croître et atteindreles deux tiers du marché d’ici les 10 pro-chaines années », indique PhilippeHerrerias. Par ailleurs, le niveau d’inté-gration varie selon le type d’acteur.Selon Thierry Wiart, Associé responsa-ble de la filiale Accenture Parts Optimi-zation spécialisée dans les services degestion des pièces de rechange dansl’industrie, « l’équipementier se chargeen général de la maintenance de sonéquipement. Le client s’adosse donc àplusieurs équipementiers. S’il souhaiteavoir un seul interlocuteur pour tout oupartie de sa maintenance, il passera parun acteur de MRO indépendant quipourra lui proposer une offre plus inté-grée ». Beaucoup d’acteurs sur un mar-ché lucratif ! Pour les équipementiers, leMRO représente une source de revenussignificative. « Un motoriste réalise desmarges très faibles sur la vente d’unmoteur alors que le MRO lui permet degénérer l’essentiel de sa marge », illustreThierry Lucas. Il semble même qu’uncélèbre constructeur de roues et defreins fasse cadeau de certains équipe-ments, moyennant l’engagement duclient de lui en confier la maintenance !« Un équipementier est en mesure deproposer une offre de service à l’usage(mesurée par exemple en heure de vol,nombre d’atterrissage, etc.) économi-quement intéressante. En effet, la tailleimportante de son parc installé lui per-met d’optimiser significativement son

EricBoucher,Spécialiste

du MRO dansle secteur

aéronautique

Jérôme Courgeon, DirecteurAssocié

Supply Chainchez

BearingPoint

SylvainBru,

Consultanten Supply

Chainchez Axsens

MRO (Aircraft Maintenance,Repair and Overhaul), dequoi s’agit-il ? « De fournirdes services de mainte-nance, de réparation et de

révision des aéronefs, à l’aide de person-nels et de matériels qualifiés », pose Phi-lippe Herrerias, Directeur Associé VinciConsulting. Outre les dizaines de milliersde dollars que coûte un avion immobiliséau sol, la compagnie aérienne a intérêt àmaîtriser le MRO au vu de la répartitiondes dépenses dans le cycle de vie d’unéquipement aéronautique. « 10 % descoûts sont représentés par la R&D, 30 %par la production et 60 % par le MRO »,détaille Sylvain Bru, Consultant en Sup-ply Chain chez Axsens. Traditionnelle-ment, ce marché se décompose en cinqbranches (voir encadré page 49) : lamaintenance en piste, la structure prin-cipale, les moteurs, les composants/équi-pements et les modifications. Ellesdiffèrent les unes des autres en fonctionde l’importance relative de paramètrescomme la main d’œuvre, les matériaux,les pièces détachées, la réparation descomposants, etc.

Un marché porteur« Le marché du MRO a enregistré unelégère régression en 2008 et 2009, prin-cipalement liée à la crise. En 2010, lemarché (43,7 Md$) n’est pas revenu auniveau de 2007 (45 Md$) mais les pré-visions sont bonnes pour les prochainesannées », observe Eric Boucher, spécia-liste du MRO dans le secteur aéronau-tique. Les indicateurs sont effectivementau vert (voir encadré page 49). « Directe-ment lié au transport aérien, le marchédu MRO est promis à un bel avenir. Ildouble tous les 15 ans. Avec en moyenne4,5 % par an de croissance, il devraitatteindre 80 Md$ en 2025 », estimeThierry Lucas, Directeur chez Argon. Lesimportants viviers de croissance sontconcentrés en Amérique du Sud et enAsie. AeroStrategy Management Consul-ting prévoit « une augmentation de 8 %par an jusqu’en 2028 du trafic aérien enChine et le triplement de la flotte chinoiseau cours des 20 prochaines années ».

Trois principaux acteursCe marché se partage historiquemententre trois familles d’acteurs : « LesOEMs (Original Equipment Manufactu-

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PhilippeHerrerias,Directeur

Associé VinciConsulting

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Thierry Lucas,Directeur

chez Argon

volant de pièces de rechange. En outre,c’est un moyen pour la compagnieaérienne de davantage maîtriser sescoûts », explique Romaric Roussie,Directeur et Responsable de l’offreMCO/MRO chez Capgemini Consulting.

L’arrivée des avionneursLes avionneurs ont également à l’espritles aspects fructueux et récurrents de cemarché et affichent de plus en plus leurvolonté d’y pénétrer. C’est le cas d’EADSqui « souhaite développer les services etréaliser 25 % de son chiffre d’affairesdans le domaine des services d’ici 2020,soit 20 Md€ », principalement en tantqu’interface (voir les cas d’ATR et d’Air-bus, pages 50 et 51). « De façon générale,les industriels aéronautiques à l’instard’autres industriels y perçoivent unemanière d’augmenter leurs revenus. Latendance consiste à s’orienter du produitvers le service et à rechercher des reve-nus récurrents pour l’industriel et descoûts de maintenance prédictibles pourle client, indexés uniquement sur leniveau d’utilisation de la machine »,complète Jean-Luc Brincourt, AssociéResponsable chez Accenture du secteuraéronautique pour le conseil métier. « Les cons- tructeurs ont l’avantage debien connaître le produit et ont la capa-cité de proposer des plannings de main-tenance optimisés », juge PhilippeHerrerias. Néanmoins, tout cela ne sefera pas sans poser de problèmes ; lesfiliales des compagnies, clientes desavionneurs, offrant elles-mêmes des ser-vices de MRO… En outre, les clientsexpriment de plus en plus le souhait dese voir proposer des contrats de service.« La tendance des industriels de l’aéro-nautique n’est plus seulement de vendredes avions ou des équipements, mais desheures de vol », résume Jérôme Cour-geon, Directeur Associé Supply Chainchez BearingPoint.

Le MRO confronté à de grandesproblématiques logistiques

OEMs, MRO indépendants, … tousreconnaissent l’importance de la logis-tique dans le domaine du MRO. La pre-mière problématique concerne lesprévisions. « Les lettres M et O de MROcorrespondent à des actes prévisiblescontrairement au R de réparation », pré-cise Thierry Lucas. Toutefois, la périodi-

cité d’intervention sous-entend de dis-poser de données de fiabilité propres. « Les com- pagnies aériennes disposentde banques de données que ne possèdentpas les fabricants. Les OEMs ont donctendance à mettre des capteurs sur leurséquipements afin d’être mieux alimentésen informations, remarque Bruno Boufqui ajoute que certains APS (AdvancedPlanning Systems) peuvent optimiser le lien entre utilisation, fiabilité etniveau de stock. » « Une des difficultés est de travailler avec une multitude deréférences, ayant souvent des profils de consommation erratiques », souligneJérôme Courgeon. Ces APS sont doncdotés d’algorithmes basés sur des pro-babilités de pannes, contrairement àceux fonctionnant à partir d’historiquesde consommation. Parmi les outils lesplus régulièrement cités, on retrouveServigistics, Xelus, i2JDA et MCA. Lapolitique de stock est également un sujetmajeur. « Le challenge est de dimension-ner son stock de façon à assurer un bonTAT (Turn Around Time), tout en leminimisant afin de réduire les immobi-lisations financières », confirme EricBoucher. Outre son dimensionnement,sa localisation est aussi un élément stra-tégique. Les pièces critiques, empêchantun avion de voler, sont généralementstockées partout dans le monde afin delimiter les situations d’AOG (Aircraft Onground). Certains prestataires proposentune offre dans le domaine de l’aéronau-tique (Daher, SDV, Caterpillar Logistics,DB Schenker, DHL, Kuehne+Nagel, etc.).Mais dans l’essentiel des cas, ils inter-viennent sur l’exécution des opérationslogistiques. Très rares sont les cas d’ex-ternalisation de la partie « pilotage desstocks (voir témoignages pages 51 et53). « Les prestataires logistiques sontpositionnés essentiellement sur la ges-tion physique des stocks et sur le trans-port ; la mise à disposition d’une pièceen urgence étant souvent critique pourassurer la remise en service commercialde l’appareil » confirme Romaric Rous-sie. Le transport, quant à lui, est majo-ritairement externalisé et confié à destransitaires internationaux. « Les pres-tataires logistiques spécialisés dans letransport des pièces aéronautiques doi-vent être capables de localiser et ache-miner les pièces, parfois dans des délaistrès courts, et posséder un vrai savoir

Thierry Wiart,Associé

Responsable de la filiale

Accenture Parts Optimization

spécialisée dans les services de gestion

des pièces derechange dans

l’industrie

RomaricRoussie,Directeur

et Responsablede l’offre

MCO/MROchez

CapgeminiConsulting.

Jean-LucBrincourt,

Associé Responsable

chez Accenturedu secteur

aéronautiquepour le

conseil métier

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sur les aspects douaniers », énumèreJérôme Courgeon. Les flux de réparationprésentent également leur lot de com-plexités et sont associés à la « ReverseLogistics ». Pour les pièces rotables(réparables), l’enjeu majeur consiste àaccélérer les étapes logistiques et deréparation. « Les stations de réparationsont souvent réparties autour des hubsdes compagnies aériennes (Singapour,Los Angeles, Miami, Cincinnati, Dallas,Paris-Roissy, Francfort, Dubai, Banga-lore, Kuala Lumpur, Shanghai, etc.), oùles acteurs du MRO se concentrent pourdes raisons évidentes de réactivitésenvers leurs clients mais aussi d’accèsrapide aux zones régionales desserviesdepuis ces hubs », constate Sylvain Bru.

Des projets plein la tête !Afin de répondre au plus juste à cesnombreuses problématiques et d’amé-liorer leur performance, les acteurs duMRO engagent des projets ambitieux.Il semble par exemple que la mise enplace d’APS soit en progression.Le taux d’équipements est actuellementencore faible. Toujours dans le domaineinformatique, la mise en place d’ERPsemble également être une tendance,comme c’est le cas actuellement chezATR avec SAP (voir page 50). Onobserve aussi des signes d’intérêt pourles « plates-formes collaboratives »incluant le MRO, ses clients, voire sesfournisseurs. C’est le cas par exempled’ATR et de Sabena. Par ailleurs, lalocalisation des hangars est égalementsujette à réflexion. « Il y a une tendanceà la localisation des hangars de répa-ration dans les pays « LCC » (Turquie,Maroc, Slovénie, etc.) où la main d’œu-vre est moins chère », révèle Eric Bou-cher. Jean-Luc Brincourt évoque uneautre piste d’amélioration : « Dans lecas d’un constructeur (équipementierou avionneur), la question de mutuali-ser ou non les flux de fabrication et demaintenance peut se poser. Toutefois,la réponse n’est pas évidente et mériteune étude au cas par cas car il s’agit dedeux logistiques répondant à des dyna-miques de planification, de stockage etde livraison très différentes ; éviter lacannibalisation d’un flux par un autreest l’enjeu majeur ». Un secteur à sui-vre avec intérêt dans les prochainesannées ! ■ JULIA FUSTIER

(SOURCE : « MAINTENANCE ET RÉPARATION AÉRONAUTIQUE », PAR LE PIPAME, DATANT DE JUIN 2010)

(SOURCES : « MAINTENANCE ET RÉPARATION AÉRONAUTIQUE », PAR LE PIPAME, DATANT DE JUIN 2010 / « LE MARCHÉ MONDIAL DE L’INDUSTRIE AÉRO-NAUTIQUE CIVILE », PAR EUROSTAF, DATANT DE DÉCEMBRE 2010 / « EXAMINING MRO AND AFTERMARKET TRENDS AND FORECASTING BUSINESS DEMAND», PAR AEROSTRATEGY MANAGEMENT CONSULTING, DATANT DE JANVIER 2011)

Définition du MROMaintenance, Repair and Overhaul (MRO) : Maintenance (inspection pério-dique de l’équipement qui suit un programme, remplacement systématique d’or-ganes ou de parties d’organe), réparation (remise en marche après une panne) etrévision générale (démontage et contrôle approfondi de chaque pièce, mise auxnormes ou évolution des versions).On distingue quatre niveaux de maintenance de :■ maintenance de niveau A : cette opération se fait environ tous les mois outoutes les 500 heures de vol et est généralement effectuée en une nuit dans uneenceinte d’aéroport ;■ maintenance de niveau B : réalisé tous les trois mois, ce contrôle est en géné-ral effectué durant la nuit dans une enceinte d’aéroport ;■ maintenance de niveau C : cette opération se fait tous les 12-18 mois oupour un nombre d’heures de vol effectives défini par le constructeur. Cette vérifi-cation met l’appareil hors service et nécessite beaucoup d’espace. Elle est réaliséele plus souvent dans un hangar de maintenance ;■ maintenance de niveau D : elle s’effectue tous les 4-5 ans et est connue sousle nom de visite de maintenance lourde (« overhaul »). Elle exige plus de temps etd’espace que les autres types d’intervention et est exécutée dans un hangar demaintenance. Elle dure entre deux semaines et 2-3 mois en fonction du type d’ap-pareil, de son âge et de son nombre d’heures de vol. C’est en général, le momentoù les compagnies en profitent pour installer les dernières améliorations apportéespar les constructeurs. Par ailleurs, on distingue cinq types principaux d’activités de maintenance aéronautique :■ lignes (ou maintenance en piste)■ structure principale■ moteurs■ composants / équipements■ modifications

Le marché aérien et MRO en chiffresLe transport aérien compte environ 18.500 appareils en service dans le domainecivil et devrait passer à 27.000 en 2016■ Le marché du MRO pour la partie civile a atteint en 2009 :

- 45,7 Md$, selon le PIPAME- 42,7 Md$, selon AeroStrategy Management Consulting

■ Le secteur MRO emploie près de 480.000 personnes dans le monde(SOURCES : « MAINTENANCE ET RÉPARATION AÉRONAUTIQUE », PAR LE PIPAME, DATANT DE JUIN 2010 / « EXAMINING MRO AND AFTERMARKET TRENDSAND FORECASTING BUSINESS DEMAND », PAR AEROSTRATEGY MANAGEMENT CONSULTING, DATANT DE JANVIER 2011)

Prévisions du marché du MRO civil

Marché par type de prestation

35%

22%21%

14%8%

35%

22%21%

14%8% Moteurs

En pisteComposants

StructuresModifications

Amérique du Nord 2 %

Europe de l’Ouest 4 %

Asie-Pacifique 6 %

Chine 7 %

Moyen-Orient 4 %

Amérique du Sud 6 %

Europe de l’Est 10 %

Inde 12 %

Évolution globale par branche (en Md$)

2009 2014 2019

■ Cellules & modifications

11,3 14,8

27,2

13,6

12,6

21,5

10,59,7

9,9

18,59,08,3

45,753,0

68,2

■ En ligne

■ Equipements

■ Moteurs

Taux de croissanceannuel moyendu MRO civil,

2008-2019

■ Selon Eurostaf, le marché du MRO de l’industrieaéronautique civile devrait croître de 4,1 % par anjusqu’en 2019 et de 3,2 % par an d’après Aero-Strategy Management Consulting

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ENQUÊTEAéronautique civile

N°53 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 201150

Supply Chain Magazine : Quel est lepositionnement d’ATR sur la partie MROet son périmètre d’action ?Julien Laran : Le Customer Servicesd’ATR propose en tant qu’OEM uneactivité de type MRO, même si cettedernière n’est pas réalisée en propre.Nous apportons en revanche l’exper-tise du constructeur à nos clients etnous leur proposons la vente de piècesde rechanges, de kits, mais aussi de ser-vices (réparation, location, échangestandard, etc.) leur permettant d’avoirun interlocuteur unique associé à uncoût fixe mensuel pour la maintenancede leurs avions. Nous nous appuyonssur un réseau d’entrepôts logistiquesdans lesquels nous entreposons nospièces de rechange. Ces derniers nouspermettent d’approvisionner les acteursqui réalisent la maintenance, et parfoismême d’effectuer nous-mêmes desréparations d’avion à la demande descompagnies.

SCMag : Pouvez-vous nous parler du volet logistique du projet ASTRE ?J.L. : Initialement, nous avions troisentrepôts dans le monde à Toulouse,Washington et Singapour. Au momentde la redéfinition du réseau logistiquemondial, nous nous sommes attachésà deux aspects : le coût et la perfor-mance, d’une part, et l’aspect commer-cial, d’autre part en nous rapprochantphysiquement de nos clients et desaéroports internationaux. Nous avonsdonc ouvert cinq entrepôts : Paris-Roissy, Miami, Singapour, Auckland etKuala-Lumpur. Par ailleurs, nous avonssélectionné un prestataire mondialunique (DHL) pour gérer les opérationsde nos cinq entrepôts et deux presta-taires (SDV/UPS) pour gérer nos trans-ports mondialement; le but étant derationaliser nos méthodes de fonction-nement, de gagner en performance, defaciliter la gestion et d’améliorer laflexibilité du réseau logistique. Toute-fois, la politique de stock et le pilotagelogistique sont gérés par ATR en cen-tral à Toulouse.

Julien Laran, ASTRE SAP

Project Manager chez ATRUn projet

multi-facettesATR, constructeur d’avions

régionaux, a décidé il y a cinqans d’améliorer le taux desatisfaction client dans le

domaine du SupportRechanges et Services associés.

C’est dans ce cadre que leprojet ASTRE (ATR Spares

Total Reengineering), intégrantà la fois des aspects

organisationnels et informa-tiques, a été lancé en 2005.

SCMag : Vous avec mis en place un APS :pour quelle raison ? Et où en êtes-vous dela mise en œuvre de SAP ?J.L. : Principalement pour augmenter laperformance de nos stocks, c’est-à-direle taux de pièces livrées à partir de nosstocks, tout en maintenant les niveaux.Auparavant, ce taux était de 65 %.Depuis la mise en place de l’APS Servi-gistics, ce taux a significativement pro-gressé et représente actuellement 86%Par ailleurs, SAP est en cours dedéploiement sur tous les sites d’ATRdans le monde ainsi que dans tous lesentrepôts logistiques. Nous en sommes àla phase de tests qui devrait se termineravant l’été. Le lancement aura lieuavant la fin de l’année. Nous sommes

aidés dans cette tâche par un intégra-teur (STERIA) et par le cabinet deconseil Axsens qui nous accompagnesur toute la gestion du changement.SAP nous permettra de gérer les pro-cessus ventes, les stocks, les approvi-sionnements de pièces de rechanges etde services, mais aussi de gérer nos don-nées techniques, nos contrats de main-tenance avion, nos processus financepour les rechanges et même la gestionde nos plates-formes logistiques.

SCMag : Avez-vous amélioré votre taux de service clients depuis le lancement du projet ASTRE ?J.L. : Oui et considérablement ! Le tauxde service, correspondant à la livraisond’une pièce dans le bon délai, était de70 % en 2006. Il est aujourd’hui de 90 % et nous comptons sur la mise enplace de SAP pour nous faire gagnerles quelques points supplémentairesmanquants afin de nous rapprocher dela cible de 95 %.

SCMag : Quels sont vos autres projets ?J.L. : Nous souhaiterions par la suitedévelopper les liens EDI avec tous nosfournisseurs majeurs et poursuivre laréflexion sur le concept de « plate-forme collaborative » regroupant nosfournisseurs, nos clients et nos parte-naires. Elle favoriserait et accéléreraitles échanges d’informations (besoins,délais, etc.). Concernant le réseau logis-tique, nous continuerons à l’adapteraux évolutions de localisation de la flotte ATR dans le monde. Enfin plusieurs projets sont en cours deréflexion comme le partage des stocksavec les OEM’s, l’upgrade de notreAPS, le déploiement de nouvelles fonc-tionnalités SAP, la mise en œuvre d’unTMS et d’un système de gestion de nosInitial Provisionning (stock de piècesde rechanges dimensionné pour lesbesoins en maintenance d’une compa-gnie aérienne) ou encore l’optimisationde l’intégration entre tous nos systèmesd’information. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR JULIA FUSTIER

JulienLaran,

ASTRE SAPProjectManagerchez ATR

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AVRIL 2011 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°53 51

Supply Chain Magazine : On entend direqu’Airbus souhaite pénétrer le marché duMRO. Est-ce une réalité et quels sont sesatouts par rapport aux autres acteurs ?Pierre Reville : Airbus fait son entréesur le marché de la maintenance carles compagnies aériennes exprimenttrès nettement le souhait de se voir

Pierre Reville, Vice-President Services-Solutions chez Airbus

« Nous investissons maintenant dans du stockque nous gérons nous-mêmes »

Historiquement, les acteurs institutionnels du MRO sont regrou-pés en trois familles : les OEMs, les MRO indépendants et les compagnies aériennes. Mais voilà que les grands avionneurs mon-trent également des signes d’intérêt pour ce marché. Ce nouveaupositionnement est-il synonyme de grands bouleversements ?Le célèbre constructeur européen Airbus a accepté de répondreà nos questions afin de nous éclairer sur sa stratégie et sur sesrécents changements.

proposer une offre intégrée. Plusieursraisons l’expliquent. La première est lesouhait de travailler avec « une solu-tion OEM » indépendante et non liée àune compagnie aérienne. En outre,Airbus apporte une valeur ajoutée surla gestion technique des flottes. Eneffet, nous suivons, en termes d’engi-

PierreReville,

Vice-President Services-Solutions

chez Airbus

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N°53 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 201152

neering, de suivi technique et demaintenance planning, toute la flotted’avions Airbus opérant dans lemonde et pour laquelle nous avons denombreux retours d’informations(panne, fiabilité, évolution des sys-tèmes, etc.). A travers cette connais-sance, nous démontrons notre capa-cité à générer des économies auniveau de la planification de l’entre-tien et de sa réalisation.

SCMag : Concrètement, quel est le rôle d’Airbus ?P.R. : Traditionnellement, nous jouonsle rôle d’intégrateur sur des contratsde support d’équipement. Cela con-siste à proposer des contrats avec unetarification à l’heure de vol. A chaquepanne, nous fournissons un équipe-ment révisé à la place. Grâce à cela,les compagnies aériennes ne gèrentpas de stock et limitent leurs investis-sements en avance de phase.

SCMag : Vous vous engagez à changer leséquipements dans un délai très court.Avez-vous du stock ?P.R. : Nous sommes justement en trainde changer de business model. Aupa-ravant, nous ne possédions pas destock, nous fournissions seulement lespièces d’origine Airbus. Nous travail-lions sur la base de contrats « back toback » avec les équipementiers. Parexemple, lorsque nous supportons 25 avions A330 pour une compagnie,nous exigeons de nos équipementiers

d’être capables de procéder auxéchanges de pièces dans les délaisrequis. Le client final n’a ainsi qu’unpoint d’entrée (Airbus). Dans ce cas, ils’agit d’un métier d’intégrateur. Tou-tefois, nous avons fait évoluer notrebusiness model depuis janvier. Nousinvestissons maintenant dans du stockque nous gérons nous-mêmes. Cemodèle nous apporte davantage desouplesse, une meilleure gestion durisque et une meilleure optimisation.Airbus est donc propriétaire de sonstock et sollicite les acteurs du mar-ché pour les réparations, soit les

OEMs, soit les indépendants, de façonà obtenir le coût de réparation le plusbas possible. Cette offre s’appelle FHS(Flight Hour Service) et couvre tout lepérimètre de l’avion à l’exception desmoteurs. Nous vendons ainsi un sup-port associé à un taux de service. Pourl’instant, nous ne prévoyons pas d’al-ler au-delà de cette démarche enacquérant des ateliers de réparation.

SCMag : Avez-vous dû récemment acquérir des sites logistiques ?P.R. : Nous disposons déjà de six cen-tres logistiques mondiaux car nous fai-sions déjà du support aux compagniesaériennes sur les pièces dites de « pro-priété Airbus » (pièces d’origine Airbuset non autres OEMs). Nous possédonsdonc la Supply Chain mondiale néces-saire. Notre nouveau modèle nousoblige à apprendre à optimiser notreréseau de réparateurs, de façon à obte-nir les coûts les plus compétitifs et àdévelopper des capacités de dimension-nement de stock. Nous utilisons pourcela des outils statistiques, alimentéspar notre connaissance de la flotte, quipermettent de réaliser des optimisationstrès précises. Cette ingénierie est un despoints forts de notre organisation. Parailleurs, nous sommes en train de choi-sir un APS auprès d’un éditeur spécia-liste de l’aéronautique. Nous allonssigner très prochainement notre secondcontrat A380, construit sur ce businessmodel. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR JULIA FUSTIER

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AVRIL 2011 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°53 53

Supply Chain Magazine : Que faitSabena technics ?Christophe Bernardini : Sabenatechnics est un prestataire de mainte-nance aéronautique appartenant à lacatégorie des « indépendants ». Nousintervenons sur tous les composantsde l’avion à l’exception des moteurs.Nous sommes implantés sur 15 sites(ateliers de réparation ou centreslogistiques) à travers le monde(Europe, Afrique du Nord, Amériquedu Nord et du Sud, Asie). Notre chif-fre d’affaires représente 550 M€ sur2010, dont 35 % pour les Etats et 65 %

Christophe Bernardini,Président du Directoire du Groupe Sabena technics

« Je n’imagine pas notre marchécomme monopolistique »

pour le civil. Le Groupe emploie envi-ron 3.300 personnes.

SCMag : Le marché du MRO est-il dynamique ?C.B. : Oui, car le marché du transportaérien croît. On estime que le taux decroissance du marché du MRO estcompris entre 4 et 5% par an, sur les10 prochaines années. Il s’agit doncd’un marché porteur, notamment surdes zones telles que l’Asie et l’Amé-rique du Sud. Néanmoins, la concur-rence est vive. Il est donc nécessairede se différencier des concurrents.

ChristopheBernardini,

Président du Directoiredu Groupe

Sabena technics

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ENQUÊTEAéronautique civile

N°53 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 201154

Nous concernant, nous jouons lacarte de la proximité et de la qualitéde service.

SCMag : Les avionneurs s’intéressentaussi à ce marché, que pensez-vous de cette concurrence ?C.B. : Je n’appréhende jamais lessituations de concurrence lorsqu’ellessont réellement ouvertes ! Airbus pro-pose depuis de nombreuses années desservices de maintenance à ses clients.N’ayant pas de capacité industrielle, ils’appuie sur le réseau « Airbus MRONetwork » qui utilise comme bras armédes sociétés comme la nôtre. Par ail-leurs, j’émets certaines réserves sur leprincipe du « point unique » car jen’imagine pas notre marché commemonopolistique. En outre, les avion-neurs vendent des avions à des trans-porteurs, eux-mêmes impliqués dansle métier du MRO... Boeing proposeégalement des services de maintenanceà ses clients, en s’appuyant sur unréseau d’industriels mondiaux qui exé-cutent ces contrats. L’avenir nous diras’il investira dans des moyens ou s’ilcontinuera à s’appuyer sur son réseau.

SCMag : Où sont implantés vos centreslogistiques dans le monde ? Sont-ils externalisés ?C.B. : Nos centres logistiques sont àParis CDG, à Miami et à Bruxelles.Nous avons aussi un bureau commer-cial à Singapour grâce auquel nousdéveloppons le business en Asie. Nousavons la ferme intention de nous ins-taller industriellement dans cette zoned’ici les prochains mois. Pour répondreau deuxième point, nous gérons nous-mêmes nos trois centres logistiques.C’est une question qui a été soulevée.Mais nous considérons que nousdevons garder la maîtrise de toute lachaîne qui nous lie à nos clients. Nouspourrions éventuellement l’envisagersur la partie exécution des opérationsmais certainement pas sur le pilotagedes stocks.

SCMag : Y a-t-il des facteurs favorables au développement de votre activité ?C.B.: La tendance pour les opérateursest de se concentrer sur leur cœur demétier, en l’occurrence le transport depassagers, ce qui implique pour eux de

sous-traiter la maintenance en premierlieu. Nous nous substituons donc com-plètement à la direction technique descompagnies aérienne et réalisons poureux les prestations techniques néces-saires à l’exploitation de leurs avions.Nous les conseillons aussi sur les ques-tions de planning de maintenance.L’activité pure de réparation n’estqu’une partie de notre business !

SCMag : Utilisez-vous des outils informa-tiques pour planifier la maintenance ?C.B. : Oui, les ERPs SAP et Movexautour desquels nous avons développédes éléments spécifiques comme unWeb Portail donnant la possibilité ànos clients, via Internet, de faire desdemandes de pièces ou de suivre leurscommandes en cours. Notre outil nouspermet d’optimiser nos stocks. Notresystème est performant et nous le per-cevons aussi comme un avantageconcurrentiel.

SCMag : Comment gérez-vous vos stocks sur trois sites ?C.B. : Nous avons tout ce dont nousavons besoin pour le support de nosclients mais pas tout systématique-ment à chaque endroit ! Le but estd’optimiser nos niveaux de stocksd’équipements et de rester compétitif.Nous utilisons des logiciels de calculdes besoins (développés en interne)qui modélisent par type d’avion, parzone géographique et en fonction desexploitations des clients les besoins enstocks d’équipements.

SCMag : Quels sont vos projets en logistique ?C.B. : Nous sommes en train de nousinstaller en Colombie, à Bogota, pournous rapprocher d’un importantclient basé en Amérique du Sud. Parailleurs, nous continuons quotidien-nement à optimiser nos niveaux destocks en phase avec notre croissance.Enfin, nous lancerons très prochaine-ment une « plate-forme collaborative »destinée à améliorer le niveau d’inté-gration avec nos clients. Pour l’heure,il n’est pas encore question d’y inté-grer nos fournisseurs mais cette pisten’est pas inenvisageable à moyenterme. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR JULIA FUSTIER

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