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Me ´ moire Enque ˆte nationale sur la formation des internes en neurologie en France French national survey on neurology resident training N. Weiss a,b , V. Guiraud a,c , M. Zuber d , E. Touze ´ c, * a Association des assistants et internes de neurologie de France (ANAINF), 75013 Paris, France b Laboratoire de biologie de l’endothe ´lium ce ´re ´bral, de ´partement de biologie cellulaire, institut Cochin, 75014 Paris, France c Service de neurologie et unite ´ neurovasculaire, ho ˆpital Sainte-Anne, centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France d Service de neurologie et neurovasculaire, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, Paris, France revue neurologique 165 (2009) 728–734 info article Historique de l’article : Rec ¸u le 24 juillet 2008 Rec ¸u sous la forme re ´ vise ´e le 28 septembre 2008 Accepte ´ le 13 octobre 2008 Disponible sur Internet le 20 janvier 2009 Mots cle ´s : E ´ ducation Diplo ˆ me d’e ´tudes spe ´ cialise ´es Neurologie Satisfaction Compe ´ tences Enque ˆte Keywords: Education Neurology Survey Competencies Internship and residency re ´sume ´ Contexte. – La spe ´ cialite ´ de neurologue est devenue de plus en plus complexe et diversifie ´eet requiert des compe ´ tences spe ´ cifiques. La satisfaction des internes franc ¸ ais vis-a ` -vis de leur formation et le niveau de connaissance et de compe ´ tence qu’ils estiment avoir acquis n’ont jamais e ´te ´e ´ value ´s. Me´thodes. – Nous avons re ´ alise ´ une enque ˆ te aupre ` s des neurologues en formation sur : (i) les me ´ thodes utilise ´es pour la formation et l’e ´ valuation, (ii) le niveau de connaissance acquis perc ¸u par les internes, et (iii) leur satisfaction et leurs souhaits. Re´sultats. – Cent huit internes ont re ´pondu. Les principales sources de formation utilise ´es par les internes sont l’enseignement pratique local (74 %), le travail personnel (61 %) et les journaux scientifiques (57 %) ou didactiques (54 %). Les internes ne semblent pas acque ´rir l’ensemble des connaissances contenues dans le programme de formation. En effet, les internes jugeaient connaıˆtre bien ou tre ` s bien seulement 14 des 29 domaines du programme d’enseignement de la neurologie. Les domaines les moins bien maıˆtrise ´se ´taient la se ´ mio- logie neurophysiologique, la neuropsychologie, les pathologies du sommeil et comas, l’oncologie et la psychiatrie. Me ˆ me en dernie ` re anne ´e, ils ne maıˆtrisent pas bien la re ´ alisa- tion des techniques e ´ lectrophysiologiques et incomple ` tement leur interpre ´ tation. Cinquante-huit pour cent des internes sont satisfaits de leur formation, 16 % ne savent pas tre ` s bien quoi penser et 26 % ne sont pas satisfaits. Dans l’ensemble, ils sont favorables a ` une harmonisation des modalite ´s de formation et de validation de la spe ´ cialite ´ au niveau national, a ` un document de travail et de suivi de type portfolio et a ` l’acce ` s aux consultations. Conclusion. – Nos re ´ sultats sugge ` rent qu’il serait utile de mieux formaliser les compe ´ tences attendues d’un neurologue et d’utiliser des outils adapte ´ s pour atteindre ces objectifs de formation. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Touze ´). 0035-3787/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. doi:10.1016/j.neurol.2008.10.024

Enquête nationale sur la formation des internes en neurologie en France

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Page 1: Enquête nationale sur la formation des internes en neurologie en France

Memoire

Enquete nationale sur la formation des internes enneurologie en France

French national survey on neurology resident training

N. Weiss a,b, V. Guiraud a,c, M. Zuber d, E. Touze c,*aAssociation des assistants et internes de neurologie de France (ANAINF), 75013 Paris, Franceb Laboratoire de biologie de l’endothelium cerebral, departement de biologie cellulaire, institut Cochin, 75014 Paris, FrancecService de neurologie et unite neurovasculaire, hopital Sainte-Anne, centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis,

75674 Paris cedex 14, FrancedService de neurologie et neurovasculaire, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, Paris, France

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 5 ( 2 0 0 9 ) 7 2 8 – 7 3 4

i n f o a r t i c l e

Historique de l’article :

Recu le 24 juillet 2008

Recu sous la forme revisee le

28 septembre 2008

Accepte le 13 octobre 2008

Disponible sur Internet le

20 janvier 2009

Mots cles :

Education

Diplome d’etudes specialisees

Neurologie

Satisfaction

Competences

Enquete

Keywords:

Education

Neurology

Survey

Competencies

Internship and residency

r e s u m e

Contexte. – La specialite de neurologue est devenue de plus en plus complexe et diversifiee et

requiert des competences specifiques. La satisfaction des internes francais vis-a-vis de leur

formation et le niveau de connaissance et de competence qu’ils estiment avoir acquis n’ont

jamais ete evalues.

Methodes. – Nous avons realise une enquete aupres des neurologues en formation sur : (i) les

methodes utilisees pour la formation et l’evaluation, (ii) le niveau de connaissance acquis

percu par les internes, et (iii) leur satisfaction et leurs souhaits.

Resultats. – Cent huit internes ont repondu. Les principales sources de formation utilisees

par les internes sont l’enseignement pratique local (74 %), le travail personnel (61 %) et les

journaux scientifiques (57 %) ou didactiques (54 %). Les internes ne semblent pas acquerir

l’ensemble des connaissances contenues dans le programme de formation. En effet, les

internes jugeaient connaıtre bien ou tres bien seulement 14 des 29 domaines du programme

d’enseignement de la neurologie. Les domaines les moins bien maıtrises etaient la semio-

logie neurophysiologique, la neuropsychologie, les pathologies du sommeil et comas,

l’oncologie et la psychiatrie. Meme en derniere annee, ils ne maıtrisent pas bien la realisa-

tion des techniques electrophysiologiques et incompletement leur interpretation.

Cinquante-huit pour cent des internes sont satisfaits de leur formation, 16 % ne savent

pas tres bien quoi penser et 26 % ne sont pas satisfaits. Dans l’ensemble, ils sont favorables a

une harmonisation des modalites de formation et de validation de la specialite au niveau

national, a un document de travail et de suivi de type portfolio et a l’acces aux consultations.

Conclusion. – Nos resultats suggerent qu’il serait utile de mieux formaliser les competences

attendues d’un neurologue et d’utiliser des outils adaptes pour atteindre ces objectifs de

formation.

# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

* Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (E. Touze).

0035-3787/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.doi:10.1016/j.neurol.2008.10.024

Page 2: Enquête nationale sur la formation des internes en neurologie en France

a b s t r a c t

Background. – Over the past 20 years, the neurology specialty has changed because of the

explosion of information and new treatment modalities that became available, and has

consequently become more complex and diversified. The satisfaction of residents concern-

ing their training and the competencies that they acquire has never been thoroughly

assessed in France.

Methods. – We conducted a national survey in order to assess (1) the methods for training

and validation; (2) the level of knowledge that residents perceived to have acquired in

different domains; and (3) their satisfaction towards training and their wishes.

Results. – One hundred and eight residents replied to the survey. The main sources of

training were local teaching (74%), personal work (61%), scientific (57%) and didactic (54%)

papers. Residents seemed unable to acquire knowledge on all domains of the curriculum

established at a national level, particularly for neurophysiology, neuropsychology, comatose

state and sleep disorders, oncology and psychiatry. Even postgraduate year four residents

were not fully competent with several technical tools, particularly neurophysiological tests.

Fifty eight percent of residents were satisfied with their training, but 16% were not and 26%

were half-hearted. Overall the residents were in favor of more standardization in their

training, national-level certification, and would be keen on having access to clinics and the

use of a follow-up monitoring chart.

Conclusion. – Our results suggest that it would be useful to better identify the competencies

that every neurologist should acquire and to use appropriate tools to reach these objectives.

# 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 5 ( 2 0 0 9 ) 7 2 8 – 7 3 4 729

1. Introduction

La specialite de neurologue a connu d’importantes evolutions

au cours des 25 dernieres annees (Elkind, 2005 ; Galetta et al.,

2006). Il y a eu des avancees en neurosciences fondamentales,

notamment en genetique et en immunologie, et les progres de

l’imagerie ont completement modifie l’approche diagnostique

d’un grand nombre de pathologies neurologiques. Des

therapeutiques efficaces sont maintenant disponibles. Ainsi,

la specialite est devenue de plus en plus complexe et

diversifiee, et les nombreuses sur-specialisations qui sont

apparues requierent des competences specifiques. Parallele-

ment aux evolutions de la specialite, la profession de medecin

a du s’adapter pour repondre aux exigences croissantes de

resultats et de qualite exigees par les patients et les pouvoirs

publics. Enfin, l’abondance de la litterature scientifique et la

generalisation d’une medecine basee sur les preuves impli-

quent une bonne connaissance de la methodologie de la

recherche clinique et une lecture critique de cette litterature.

Cependant, malgre ces evolutions recentes de la specialite de

neurologue et de la pratique de la medecine en general, les

modalites de formation theorique et pratique et de validation

du diplome de neurologue semblent avoir assez peu evolue.

En France, le titre de specialiste est sanctionne par le

diplome d’etudes specialisees (DES) et le diplome de docteur

en medecine. La specialite est obtenue apres la validation de

stages pratiques dont le nombre varie selon la specialite

(huit semestres en neurologie), d’un enseignement theorique

(environ 250 heures), d’une these d’exercice (memoire)

et parfois d’un document de synthese. Le College des

enseignants de neurologie (CEN) a redige un programme

d’enseignement du DES de neurologie qui definit les

objectifs de formation dans 29 domaines de la specialite

(www.sf-neuro.org/) (CEN, 2003). Cependant, il n’est pas verifie

de maniere systematique que l’interne a bien recu une

formation et/ou qu’il a acquis les connaissances dans tous

ces domaines pour l’obtention du diplome de specialiste. Ce

modele classique d’enseignement et de validation a toutefois

ete remis en question dans plusieurs pays, comme les Etats-

Unis et le Canada, qui ont recemment redefini les objectifs de

formation et les methodes de certification sur l’acquisition de

competences specifiques (Corboy et al., 2002 ; Galetta et al.,

2006 ; Goroll et al., 2004).

Les modalites de formation des internes en neurologie, en

France, ont ete assez peu evaluees. Une enquete menee en

2001–2002, ayant porte sur 86 repondants, avait montre que

70 % des internes etaient satisfaits de l’enseignement

(frequence et type de cours), mais que 70 % d’entre eux

n’estimaient pas avoir assez de temps dedie a leur formation

(Decavel et al., 2004). Nous avons donc mene une nouvelle

enquete nationale dont les objectifs etaient d’evaluer :

� les modalites de formation et de validation ;

� le niveau percu de connaissances et de competences

acquises ;

� la satisfaction des internes.

2. Methodes

En avril 2007, un questionnaire a ete elabore par un

neurologue senior et deux internes de Neurologie qui venaient

de terminer leur formation, a savoir le president et le tresorier

adjoint de l’Association des assistants et internes en

neurologie de France (ANAINF : http://neurologie.com.fr).

Les questions ont ete formulees apres avoir defini les

Page 3: Enquête nationale sur la formation des internes en neurologie en France

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 5 ( 2 0 0 9 ) 7 2 8 – 7 3 4730

principaux domaines a etudier : formation (moyens et acces),

autoevaluation des connaissances theoriques et pratiques,

satisfaction vis-a-vis de la formation et souhaits (annexe S1,

voir le materiel complementaire accompagnant la version en

ligne de cet article). Un questionnaire utilise pour une enquete

similaire aupres des internes de cardiologie a servi de base

d’inspiration pour certains items (Moubarak et Leenhardt,

2008). Le questionnaire a ensuite ete valide par le president, le

vice-president et le secretaire general du CEN, puis teste

aupres de cinq internes qui ont juge l’acceptabilite bonne.

En juin 2007, le questionnaire a ete envoye par courrier

electronique a toutes les personnes de la liste de diffusion de

l’ANAINF (incluant environ 110 internes en cours de forma-

tion) et par courrier postal aux chefs de service de neurologie

des CHU et CHG (91 courriers). Les personnes eligibles pour

repondre a ce questionnaire etaient les internes (DES, AFS, et

AFSA) et les chefs de clinique assistants exercant depuis

moins de deux ans. Les personnes inscrites sur la liste de

diffusion de l’ANAINF ont ete relancees par courrier electro-

nique a deux reprises a 15 jours d’intervalle.

Ce travail a ete realise avec le soutien du CEN (http://

www.sf-neuro.org). Les donnees, saisies dans une base de

donnees, ont ete traitees anonymement.

3. Resultats

Apres exclusion de cinq questionnaires non exploitables, 108

questionnaires, dont 69 % ont ete recus par courrier electro-

nique, ont finalement ete retenus pour l’analyse (Tableau 1).

Les internes d’Ile-de-France representaient 39 % des repon-

dants.

Tableau 1 – Caracteristiques generales des internesayant repondu au questionnaire.General characteristics of the residents in neurology whoanswered the survey.

n = 108

Age (ans), moyenne (DS) 28,3 (3,0)

Femmes, n (%) 57 (53%)

Situation, n (%) DES 78 (72%)

CCA 13 (12%)

AFS(A) 10 (9%)

Disponibilite 7 (7%)

Interregion, n (%)a Ile-de-France 41 (39%)

Nord-Ouest 12 (11%)

Ouest 11 (10%)

Rhone-Alpes 10 (9%)

Sud-Ouest 8 (8%)

Nord-Est 17 (15%)

Sud 7 (7%)

Nombre total de semestres, mediane (IQ) 6 (4–8)

Nombre de semestres en neurologie, med-

iane (IQ)

4 (3–6)

DS : deviation standard ; IQ : interquartile ; DES : diplome d’etude

specialise ; CCA : chef de clinique et assistant ; AFS : attestation de

formation specialisee ; AFSA : attestation de formation specialisee

approfondie.a Donnee manquante pour 2.

3.1. Formation

Le nombre median (interquartile) de stages, toute discipline

confondue, effectues etait de 6 (4–8). Le choix de la specialite

neurologie s’etait fait majoritairement avant l’internat (n = 71,

68 %). Quatre-vingt-un pour cent des repondants (n = 87)

avaient fait au moins un stage dans une autre specialite :

psychiatrie (n = 16), medecine interne et/ou rhumatologie

(n = 16), medecine physique et readaptation (n = 15), reanima-

tion medicale (n = 14) et neuroradiologie (n = 12). Environ un

quart des internes (n = 29, 27%) avaient effectue un stage hors

CHU dont la moitie pour suivre une formation non disponible

dans leur CHU d’origine. Deux tiers des repondants (n = 71,

66 %) avaient recu une formation complementaire par un

diplome universitaire (DU) ou interuniversitaire (DIU) : neu-

rovasculaire (n = 15), neurophysiologie (n = 14), cephalees

(n = 13), mouvements anormaux (n = 12), neuropsychologie

(n = 10), et nerf peripherique (n = 9). Un tiers des repondants

(n = 36, 33 %) avait valide un Master 2, 21 % l’envisageaient et

14 % avaient une these d’universite. Apres l’internat, 44 % des

internes envisageaient une carriere hospitaliere ou hospitalo-

universitaire, 14 % une activite mixte liberale et hospitaliere et

3 % une activite liberale exclusive. Un cinquieme (21 %) des

internes n’etait pas decide.

Seulement 22 % des repondants avaient connaissance d’un

programme officiel d’enseignement du DES de neurologie.

Quatre vingt internes (75 %) avaient rencontre le coordonna-

teur regional et/ou interregional au moins une fois dans leur

formation (86 % au-dela de 6e semestre).

Comme le montre la Fig. 1, les principales sources de

formation jugees comme importantes ou tres importantes par

plus de la moitie des internes etaient l’enseignement local

pratique (incluant la formation au lit du patient) (74 %), les

journaux scientifiques (57 %), les journaux ou ouvrages

didactiques (54 %) et le travail personnel (61 %). Trois sources

d’information etaient considerees comme peu utiles : les sites

web des societes savantes, les congres internationaux, les

cours regionaux. Cinquante-sept pour cent des internes ont

Fig. 1 – Importance relative des differentes sources de

formation.

Relative importance of the different training resources.

Page 4: Enquête nationale sur la formation des internes en neurologie en France

Fig. 2 – Disponibilite et acces des internes a la formation.

Resident’s time availability and access to training modalities.

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 5 ( 2 0 0 9 ) 7 2 8 – 7 3 4 731

repondu qu’ils avaient un enseignement regional et/ou

interregional obligatoire ou « percu » comme obligatoire.

L’accessibilite des sources de formation est presentee dans

la Fig. 2. L’acces aux revues scientifiques et a Internet etait juge

tres bon (87% des internes avaient facilement acces a Internet

sur leur lieu de stage). Respectivement 31 et 38 % des internes

etaient tout a fait d’accord ou d’accord sur l’item « Je n’ai

aucun probleme pour apprendre sur des documents ecrits en

anglais ». La majorite des repondants estimait manquer de

temps pour se rendre aux cours et aux congres nationaux ou

internationaux. Cinquante-deux pour cent des internes

n’avaient pas la possibilite d’assister a des consultations.

Trois quarts (75 %) des internes faisaient des gardes de

neurologie et 66 internes (62 %) d’entre eux etaient autorises a

prendre un repos compensateur.

3.2. Connaissances

Les internes jugeaient connaıtre bien ou tres bien 14 des

29 domaines de la neurologie (Fig. 3). Au-dela du 6e semestre,

cette proportion augmentait assez peu. Par exemple, dans les

Fig. 3 – Niveau de connaissance percu dans les 29 domaines du

Self-assessed knowledge in the 29 domains of the official French tra

domaines les moins bien maıtrises, cette proportion passait de

32 a 47 % pour la semiologie neurophysiologique, de 39 a 47 %

pour la neuropsychologie, de 32 a 45 % pour les pathologies du

sommeil et comas, de 23 a 35 % pour l’oncologie et de 34 a 44 %

pour la psychiatrie. Par ailleurs, la majorite des internes

estimait avoir une bonne ou tres bonne maıtrise de la

recherche Medline (82 %), de l’outil Power Point (98 %), de la

communication orale en francais (95 %), de la redaction d’un

article didactique en francais (51 %) et de la lecture critique

d’articles (69 %). Une minorite maıtrisait la communication

orale et la redaction d’un article scientifique en anglais (27 %).

La realisation d’une ponction lombaire etait l’acte technique

le mieux maıtrise par 98 % des internes (Fig. 4). La realisation et

l’interpretation d’examens complementaires electrophysiolo-

giques et neuropsychologiques etaient mal maıtrisees. En fin

d’internat, on observait une legere augmentation du nombre

des internes aptes a realiser ou interpreter ces explorations :

realisation d’unEMG (41 % versus27 %), interpretation d’unEMG

(36 % versus 24 %), interpretation d’un EEG (32 % versus 21 %) et

realisation ou interpretation d’un examen neuropsychologique

(49 % versus 37 %).

Les internes declaraient avoir une bonne maıtrise des

traitements dans les principaux domaines de la neurologie

(Fig. 5). En restreignant l’analyse aux internes en 6e semestre

ou au-dela, la proportion d’interne se jugeant aptes a prescrire

seuls etait plus importante : epilepsie (64 %), phase aigue de

l’accident vasculaire cerebral (96 %), prevention secondaire de

l’accident vasculaire cerebral (97 %), maladie de Parkinson

(59 %), cephalees (62 %), demences (76 %), sclerose en plaques

(55 %) et douleurs neurogenes (79 %).

3.3. Satisfaction

Plus de la moitie des internes (58 %) etaient satisfaits de leur

formation, 26 % n’en etaient pas satisfaits et 16 % ne savaient

pas « tres bien quoi penser ». Les domaines dans lesquels

les internes semblaient les moins satisfaits etaient la

formation theorique (44 %), la perception que la formation

etait une priorite des enseignants (39 %), l’organisation de

programme officiel.

ining program.

Page 5: Enquête nationale sur la formation des internes en neurologie en France

Fig. 4 – Realisation et interpretation des examens

complementaires.

Performing and analyzing complementary tests.

Fig. 5 – Maıtrise des modalites therapeutiques.

Skills in therapeutic modalities.

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 5 ( 2 0 0 9 ) 7 2 8 – 7 3 4732

l’enseignement (33 %), la possibilite de se former dans tous les

domaines (41 %), l’information sur la formation (33 %) et la

maquette du DES (49 %).

3.4. Souhaits

Les internes etaient majoritairement favorables a un livret

pedagogique de type portfolio, (71 %), a une harmonisation

nationale de l’enseignement theorique (82 %), a un ouvrage de

reference (95 %), a des cours accessibles « en ligne » (91 %), a

une evaluation reguliere de l’enseignement (64 %), a une

harmonisation des modalites de validation du DES (60 %), a

une participation active des internes dans les enseignements

(78 %), a la possibilite d’acceder a des consultations (93 %) et a

un tutorat (60 %). En revanche, seuls 48 % des internes etaient

favorables a un controle des enseignements suivis.

4. Discussion

Cette etude montre que les internes de neurologie sont

globalement satisfaits de leur formation, que leurs principales

sources de formation sont l’enseignement pratique local, les

journaux scientifiques ou didactiques et le travail personnel.

Cependant, cette satisfaction contraste avec des lacunes

avouees dans 14 des 29 domaines de competence du

programme officiel. La maıtrise et l’interpretation des exa-

mens complementaires, notamment electrophysiologiques et

neuropsychologiques, sont globalement faibles, meme en

derniere annee de formation. En revanche, les internes

semblent bien maıtriser les strategies therapeutiques majeu-

res dans la specialite. Ils souhaitent avoir un role plus actif

dans l’enseignement, sont favorables a une harmonisation

des modalites de formation et de validation de la specialite au

niveau national, a l’utilisation d’un portfolio et a l’acces a des

consultations. Cette enquete a porte sur un nombre important

de neurologues en formation. Le nombre de participants etait

superieur a celui de l’etude realisee en 2001 (86 reponses)

(Decavel et al., 2004) et cette enquete a pris en compte des

domaines non evalues jusqu’a present.

L’enseignement au chevet du malade et les visites des

seniors sont generalement consideres comme d’un interet

pedagogique majeur (Hooker et al., 2003). Le taux de satisfac-

tion que nous avons observe confirme l’importance des stages

pratiques comme source de formation. A l’inverse, les internes

ne sont pas tres satisfaits de leur formation theorique. De plus,

66 % des internes avaient valide un DU ou un DIU. Cette

proportion est en accord avec l’enquete de 2001 qui montrait

que 77 % des internes souhaitaient s’inscrire en DU ou DIU. Ce

resultat pourrait refleter un souhait de sur-specialisation,

mais aussi un sentiment d’insatisfaction vis-a-vis de l’ensei-

gnement theorique dans le cadre du DES. Certains internes

semblent capables d’adapter leur formation a leurs attentes.

Par ailleurs, 27 % realisent un inter-CHU principalement pour

acquerir une connaissance non accessible dans leur CHU

d’origine. La majorite des internes declare manquer de temps

pour leur formation theorique en raison des difficultes pour se

liberer des activites cliniques.

Actuellement, la formation des internes de neurologie

repose sur la realisation de stages pratiques et l’acquisition

d’une liste connaissances theoriques. Cependant, moins d’un

quart des internes avait connaissance du programme officiel

de formation. Le travail personnel jouant une part importante

dans la formation, la meconnaissance de ces objectifs pourrait

partiellement expliquer que plus de 40 % des domaines de

competence sont mal maıtrises. Par ailleurs, il n’existe pas de

hierarchisation dans les connaissances, ni de niveau minimal

predefini a acquerir. Certains domaines sur-specialises,

correspondent a des pathologies rarement rencontrees en

neurologie generale et l’enseignement theorique rattache a

ces maladies est souvent deconnecte de la pratique clinique.

La difficulte d’acces aux stages d’explorations fonctionnelles

pourrait expliquer la mauvaise maıtrise des techniques, mais

n’est surement pas le seul facteur pouvant expliquer la

mauvaise maıtrise de leur interpretation. Cette difficulte

d’acces a certains domaines de la neurologie a ete egalement

bien documentee dans d’autres pays (Adair et al., 2006 ; Corboy

et al., 2002 ; Facheris et al., 2005). En Amerique du Nord, des

rotations de courte duree dans des services sur-specialises ont

ete rendues obligatoires pour pallier a ces difficultes (Corboy

et al., 2002 ; Galetta et al., 2006). A l’inverse, la bonne maıtrise

des strategies therapeutiques dans les pathologies les plus

Page 6: Enquête nationale sur la formation des internes en neurologie en France

Tableau 2 – Domaines de competences proposes par leCollege royal des medecins et chirurgiens du Canada.Medical skills proposed by The Royal College of Physiciansand Surgeons of Canada.

College royal des medecins et chirurgiens du Canada

Expertise medicale : connaissances theoriques, habiletes et

attitudes cliniques pour offrir des soins de qualite.

Erudition : developpement professionnel continu, analyse critique

de la documentation, participation a la recherche et a

l’enseignement.

Communication : aptitude a etablir des relations harmonieuses

avec

ses patients, ses collegues et les autres professionnels de sante.

Collaboration : travailler en equipe avec d’autres professionnels de

sante dans l’interet du patient.

Professionnalisme : responsabilites et reflexions ethiques.

Gestion : participation a la vie de son milieu professionnel, a

l’affectation des ressources et la gestion de la pratique

professionnelle.

Promotion de la sante : favoriser la sante publique, le bien-etre

des patients, des collectivites et des populations.

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 5 ( 2 0 0 9 ) 7 2 8 – 7 3 4 733

frequemment rencontrees a l’hopital s’expliquerait par une

bonne adequation entre l’enseignement theorique et la mise

en application tres reguliere. Enfin, nous avons observe que

peu d’internes avaient la possibilite d’assister a des consulta-

tions. Au cours des dernieres annees, la prise en charge de

nombreuses pathologies neurologiques est devenue essen-

tiellement ambulatoire. Pour ces pathologies, certains aspects

comme l’annonce d’un diagnostic, la mise en route d’un

traitement et la prise en charge medicosociale ne sont donc

quasiment pas enseignes sur le plan pratique. Un des defis

futurs de l’enseignement de la neurologie sera donc de

s’adapter a cette evolution, malgre un nombre deja insuffisant

d’internes pour prendre en charge les patients hospitalises.

Nos resultats sur la satisfaction des internes sont mitiges.

Alors que les internes etaient majoritairement satisfaits de

leur formation, ils n’etaient pas tres satisfaits sur certains

aspects tels que la formation theorique, la possibilite de se

former dans tous les domaines de la neurologie, l’organisation

de l’enseignement et le sentiment que la formation etait une

priorite pour leurs enseignants. La majorite des internes etait

favorable a une harmonisation des modalites de formation et

de validation au niveau national, a un livret pedagogique, a

une participation active dans les enseignements et a une

evaluation reguliere de l’enseignement.

En fait, des etudes americaines et canadiennes ont deja

montre que l’approche fondee sur une liste exhaustive de

connaissances a acquerir presente des limites (Goroll et al.,

2004). Premierement, cette approche est souvent organisee

autour de cours theoriques dans lesquels les apprenants sont

relativement passifs. Or, il est generalement admis que

l’impact des cours dans lesquels l’etudiant est passif est tres

faible. Deuxiemement, l’organisation pratique des cours est

souvent difficile : (i) repartition des internes dans differents

hopitaux, parfois tres eloignes (interregions en France) ;

(ii) difficultes pour les internes de se liberer de l’activite

clinique ; (iii) faible nombre et disponibilite des enseignants,

qui ont de nombreuses autres taches.

Troisiemement, il peut y avoir des variations d’une region a

une autre dans les sur-specialisations des enseignants et dans

le nombre de cours dispenses. Quatriemement, comme le

montre notre enquete, le caractere trop exhaustif des

connaissances theoriques a acquerir fait que les internes se

jugent faibles, voire tres faibles, dans de nombreux domaines.

Enfin, cette approche est insuffisante pour assurer un bon

niveau d’expertise d’un specialiste. Ainsi, dans plusieurs pays,

ces limites ont conduit a repenser le mode de certification et

d’enseignement des specialistes, en l’organisant autour de

competences requises (Goroll et al., 2004). Ces competences

sont generalement separees en plusieurs domaines : prise en

charge du patient, connaissances medicales, communication,

recherche de l’information medicale et integration dans le

systeme de sante. Ceux du College royal des medecins et

chirurgiens du Canada (http://crmc.medical.org) sont pre-

sentes dans le Tableau 2.

Aux Etats-Unis, cette approche a ete progressivement mise

en place en neurologie (Elkind, 2005) et a demontre sa

faisabilite. Il est certain que les neurologues francais acquie-

rent en grande partie ces competences, notamment pendant

les stages pratiques et grace a un enseignement en partie

organise autour de ce principe. Cependant, ce qui est fait dans

ce domaine n’est pas mis en valeur, le programme de

formation des neurologues n’est actuellement pas construit

autour de competences a acquerir, et ces competences

n’apparaissent pas dans les objectifs de formation et ne sont

que partiellement evaluees. Il serait donc utile de mieux

formaliser les competences attendues d’un neurologue et de

mener une reflexion sur les modalites de formation et

d’evaluation afin d’atteindre ces objectifs. Il faudrait aussi

identifier les moments et lieux ou les internes peuvent

acquerir ces competences, valoriser ce qui est deja fait et si

besoin developper de nouveaux outils.

Un des moyens les plus simples de repondre a plusieurs de

ces objectifs est le portfolio (Carraccio et Englander, 2004 ;

Challis, 2001 ; Mathers et al., 1999). Le portfolio est un livret

individuel dans lequel l’interne compile les informations

relatives a sa formation (cours suivis, gestes realises,

situations cliniques, recherches bibliographiques, communi-

cations, publications). Il fournit des informations utiles sur la

specialite, les objectifs a atteindre et les modalites de

validation du DES. Ce document responsabilise l’interne,

favorise l’auto-apprentissage et l’autoevaluation, et pourrait

dans une certaine mesure servir d’instrument d’evaluation

(Challis, 2001 ; Facheris et al., 2005). En France, un portfolio a

deja ete mis en place avec succes dans plusieurs specialites,

comme la rhumatologie (www.lecofer.org) et la reanimation

medicale (www.srlf.org/01-formation/CNERM/0A-Presenta-

tion-cnerm.asp). Les resultats de cette enquete suggerent

que les internes francais y sont favorables.

Remerciements

Nous remercions l’ensemble des internes de neurologie et

CCA ayant repondu a l’enquete, le Dr G. Moubarak pour

l’echange reciproque lors de l’elaboration du questionnaire et

les membres du bureau du CEN qui ont soutenu ce projet et en

particulier Messieurs les Professeurs Jean Pouget, Frederic

Dubas, et Mathieu Zuber pour leur soutien et leur lecture

critique du formulaire de l’enquete.

Page 7: Enquête nationale sur la formation des internes en neurologie en France

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Annexe A. Materiel complementaire

Du materiel complementaire accompagnant cet article est

disponible sur http://www.sciencedirect.com, DOI:10.1016/

j.neurol.2008.10.024.

Annexe A. Materiel complementaire

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