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Entretien avec Mme Isabelle Delattre, responsable ...controverses.sciences-po.fr/archive/alzheimer/EntretienIsa.pdf · Entretien avec Mme Isabelle Delattre, responsable éditorialiste

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Page 1: Entretien avec Mme Isabelle Delattre, responsable ...controverses.sciences-po.fr/archive/alzheimer/EntretienIsa.pdf · Entretien avec Mme Isabelle Delattre, responsable éditorialiste

EntretienavecMmeIsabelleDelattre,responsableéditorialisteduLEEM(Lesentreprisesdumédicaments)

Bonjour Mme Delattre. Notre première question est la suivante : spontanément,commentdéfiniriez­vouslapositiondesentreprisesdumédicamentfaceàlamaladied’Alzheimer?

Les entreprises du médicament ont désormais bien pris conscience du défi posé par lamaladied’Alzheimerenmatièrederecherchedenouvellesmolécules.Cettepriseencompteaétéunpeutardive,etc’estvéritablementavecl’accélérationdel’épidémie(caronpeutparlerd’épidémie)qu’elleaprisdel’ampleur.Suiteàl’annonceparlePrésidentdelaRépubliquedelamise en place d’une commission*, la réaction a été forte au LEEM et les entreprises dumédicaments ontmarqué leur volonté de prendrepart aux travauxde la commissionpourpouvoir stimuler la recherche sur les maladies neurogénératives au sens large, Alzheimern’étantquelapartieémergéedeceticeberg.

Iln’enrestepasmoinsquel’analysefaitelorsdusecondsemestre2007adémontréuncertainretarddesentreprisesfrançaisesdanscedomaine.OnnerecenseparexempleenFranceque2entreprisesdebiotechnologiestravaillantsur lamaladied’Alzheimer,mêmesienviron29molécules sont développées**, tandis que des travaux sur les vaccins sont menés. Larecherche fondamentaleestplusavancéedansd’autrespays, auRoyaume‐UnietauxEtats‐Unis par exemple, et les entreprises du médicament espèrent que la mise en œuvre dunouveauplanAlzheimervapermettredesprogrèsdecelle‐ci.

*lacommissionMénard,miseenplacele3septembre2007

**150sontactuellementendéveloppementdanslemondeentier

Sur ce point particulier de la recherche, les entreprises du médicament ont­ellesjustementétésatisfaitesdesdispositionsprônéesparlacommissionMénard?

Surcepoint,forceestdeconstaterque,danslesconclusionsdelacommissionMénard,lesentreprisesdumédicamentétaientsurtoutcitéescommepourvoyeusesdefondssurunefondationAlzheimer.Lavolontédetravailpublic/privén’aainsipasétéécritenoirsurblanc.C’estpourquoileDocteurCatherineLassale,directricedesAffairesScientifiquesetMédicalesduLeem,appelleàunemultiplicationdespartenariatspublics‐privé.

Cela signifie­t­il que l’on rechigne à s’appuyer pleinement sur l’industrie dumédicament pour la lutte contre la maladie d’Alzheimer en France ? A cet égard,ChristianLajoux,présidentduLEEM,n’hésitepasàparlerdemanquedeconfiance.

L’industriedumédicamentestunacteur incontournablede la lutte contre lamaladied’Alzheimer, car il faudra bien que l’on découvre des molécules et des vaccins, et je croisqu’elle n’a pas été suffisamment prise en compte comme acteur. Ce que l’on peut ainsiregretter, c’est que la maladie d’Alzheimer n’a pas permis de révolutionner les schémasmentauxselon lesquels,encaricaturantbiensûr, lepublic travailled’uncôté,et leprivédel’autre.Cequin’empêchepasdesoulignerque le travailaccompliparMadameLutsmanesttrèspositif.

Cemanqued’appui sur les industriesdesmédicamentsne tient­ilpasau faitqu’ellespeuvent avoir tendance à restreindre les voies de recherches en se concentrant surl’amélioration de ce qu’ellesmaîtrisent déjà, du fait d’une nécessité de rentabilité àcourtterme?

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Je n’ai pas ce sentiment là. L’industrie pharmaceutique a en effet créé au premiersemestre2007unetask‐forceAlzheimerréunissantlesprincipauxlaboratoiresderechercheengagésdanscedomaine(etcoordonnéeparleLEEM),etlespistesderechercherépertoriéessont nombreuses, ce que confirment les dépêches que je reçois. Seulement, un nombreconséquentd’entreellessontabandonnéesrapidement,fautederésultat.Deplus,jecroisqueleproblèmequiprévautsurtoutenmatièredeluttecontrelamaladied’alzheimer,c’estqueles entreprises du médicament ne peuvent plus appliquer rigoureusement le schéma quiprévautd’ordinairedans laconceptiond’unmédicament,à savoir la recherchedesolutionsprécisesàdesdéficitsdefonctionnementciblés.Ainsi,surlamaladied’Alzheimer,lesfacteurscausaux restent trèsmal identifiés. De surcroît, il est très difficile de faire de la rechercheclinique sur la maladie d’Alzheimer. En effet, affirmer que l'on bénéfie du consentementéclairé du patient est délicat, en raison de son état de santé. De plus, les familles sontgénéralementassezréticentesàtouteparticipationdeleursprochesàcesessaiscliniques.

Vousavezmentionné toutà l’heure le retarddes industriespharmaceutiquesetplusgénéralementceluidesindustriesoeuvrantdansledomainedessciencesduvivantenFrance.Uneouplusieursexplicationsdecetétatdefaitpeuvent­ellesêtredistinguées?

Laraisonprincipaleestcertainementqu’iln’yapaseudepolitiquedéfiniedanslessciencesduvivant.Decefait,lesmoyenssontémiettés,d'oùleretardentermederéactivité.

UnrécentrapportduNICE(nationalinstituteonhealthandclinicalexcellence)pointedu doigt la relative inefficacité des médicaments actuellement au point contre lamaladied'Alzheimer,d'oùlefaitquelaGrande­Bretagneachoisideprivilégierlamiseenplacedestructuresd'accueildanslapriseenchargedelamaladie.Deplus,certainsavancentque lamaladied’Alzheimerestunemaladied’ordre surtoutpsychologique,d’oùlefaitqu’ilfautprivilégierlesapprochesnonmédicamenteuses.CommentleLEEMréagit­ilfaceàdetellesaffirmations?

«Lasolutionàlamaladied’Alzheimerpasserainévitablementparlemédicament,voiremêmeparlevaccin».

Cesaspectslàsontcertainementimportants.Lesindustriesdumédicamentparticipentainsiactivementaux "centresMémoire".Cependant, la solutionà lamaladied’Alzheimerpasserainévitablement par le médicament, voire même par le vaccin (les essais ont toutefois étéarrêtésenphase2).

Enattendantdenouveauxmédicaments,leLEEMprojette­t­ilderenforcersesrelationsetactionsaveclesassociationsdefamillesdepatient?

Lesentreprisesdumédicamentontdéjàbeaucoupinvestidanscedomaine,avecmêmesurleplan financier 50 à 60 millions d’euros dépensés annuellement en information,accompagnementetformation,etellesvontcontinuer.CedialogueestnotammentperceptibleautraversdelaSemainedumédicamentquenousorganisonschaqueannéeàl’automne.

PourassurerlaneutralitédelafondationdecoopérationscientifiquequidoitêtremiseenplacedanslecadreduplanAlzheimer,onannoncelacréationd’uncomitédesages–ici des experts internationaux – sous la présidence d’un directeur scientifique «incontestable»quienassureral’animationscientifiquepermanente.Danscecontexte,quel intérêt présente pour l’industrie dumédicament le fait d’engloutir des sommesconséquentesdanslafondationalorsmêmequ’ellenesaitpasquelleutilisationvaenêtrefaite?

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Sur cette question, deux points doivent être soulignés. D’abord, les industries dumédicamentsonttrèsattachéesaufaitdefaireétatdeleurrepriseenmaindudossierdelamaladied’Alzheimer.Acetégard,êtreunpartenaireimportantdelafondationetassurerunecommunication largesurceplanreprésentepour leLEEMet lesentitésqu’il représenteunenjeu importanten termesd’effetd’image.Parailleurs, lesentreprisesdumédicamentsontbienentendu respectueusesdes règlesédictéespar touteautoritéou fondation scientifiqueauxactivitésdesquellesellesprennentpart.Iln’enrestepasmoinsquelesuividesprojetsderecherche lancés grâce à l’argent investi est apprécié, ce qui peut se faire au moyen dereportingsréguliers.Enfin,etjerappelleunpointdéjàénoncémaisquiapparaîtsuffisammentimportantpourquej'insistedessus,cequ’espèrent,ouplutôtcequ’espéraient,lesindustriesdumédicament était lamise en place d’un véritable partenariat public/privé qui aurait puservirdemodèlepourlesprojetfuturs.Or, ilestapparuquelesentreprisesdumédicamentn’ontpasétéassociéesauprocessusderéflexionenamontetsevoientaujourd’huicomme«imposer»,mêmesiletermeestmalchoisicartropfortetconnoté,unefondation.

Lespouvoirspublicsfrançaissont­ilssuffisammentdotésenmatièrededispositifsdevalorisation des découvertes éventuellement faites par certains laboratoires ouentreprisesprivés.?

Laréponseestclairementnon.Iln’ypasàmaconnaissancedecelluledevalorisationprévue,ni de dispositif précis qui pourraient être déployés afin, par exemple, de permettre à unepetite entreprise qui a fait une innovation importante, de procéder à des essais à une trèslarge échelle.A titred’exemple, à l’universitédeDuke enCarolineduNord, j’ai puobservécombiendesétudiantsquiréalisaientd’importantesdécouvertesétaienttoutdesuiteprisencharge par des cellules ad hoc jouant le rôle d’interface avec des financiers et les grandsacteurs industriels et scientifiquesdans ledomaineconcerné, cedans lebutdevaloriser latrouvaille intiale en France. On ne dispose pas de dispositifs de ce type en France sur lamaladied’Alzheimer.

MadameDelattre,nousvousremercions.

Rappels:

Rappel : la fondation de coopération scientifique sur la recherche Alzheimer ­ Lors de saprésentationle1erfévrier2008àSophia­Antipolis,prèsdeNice,desdix"mesuresphare"duplanAlzheimer 2008­12, Nicolas Sarkozy a annoncé, dans le volet recherche, la création d'une"fondation de coopération scientifique" chargée de fédérer la recherche sur la maladied'Alzheimer. Cette fondation vise notamment àmettre fin à la « dispersion » des équipes trèscritiquée dans le rapport Ménard fin 2007. Rassemblant l’ensemble « Alzheimer » dudépartement«neurosciences»del’INSERM,cettefondationmettraainsienœuvrelesmesuresproposéesparlacommissionprésidéeparleProfesseurMénard:soutienauxjeuneschercheurset aux jeunes médecins, financement d’équipements lourds, synergies entre recherchefondamentaleetrechercheclinique,partenariatsaveclesindustrielsdesanté.Ilestenfinànoterquelelancementdecettefondationavaitétéaudépartannoncépourle1ersemestre2008.

Rappel:lesinvestissementsprévusdel’EtatdansledomainedelarechercheenFrance­Oubliédanslespolitiquesprécédentes,l’effortderecherches’élèveraà200millionsd’eurossurcinqans.Ilserapilotéparunefondationdecoopérationscientifique,crééeaupremiersemestre2008etdotéeparl’Etatd’uncapitalde15millionsd’euros