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http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) S37–S41 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Épidémiologie des syndromes coronaires aigus en France et en Europe Epidemiology of acute coronary syndromes in France and in Europe N. Danchin * , E. Puymirat, N. Aissaoui, S. Adavane, E. Durand Hôpital Européen Georges-Pompidou, Pôle cardiovasculaire, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France Résumé L’incidence annuelle des hospitalisations pour infarctus en France peut être estimée entre 60 000 et 65 000 cas ; en prenant en compte les angors instables, on peut ainsi évaluer à 80 000 à 100 000 le nombre de cas de syndromes coronaires aigus, auxquels il convient d’ajouter les cas de mort subite extra-hospitalière d’origine ischémique. Au niveau européen, on note un gradient nord-sud et surtout est-ouest, avec une incidence d’événements coronaires nettement plus élevée dans les pays d’Europe centrale et de l’est. L’incidence des infarctus semble cependant en nette diminution, et des évaluations récentes nord-américaines montrent un recul de plus de 50 % en 10 ans des infarctus avec sus-décalage de ST. En parallèle, la prise en charge des syndromes coronaires aigus s’est améliorée et la mortalité au stade aigu a considérablement baissé. L’ensemble explique la baisse spectaculaire de la mortalité cardio-vasculaire, observée en France comme dans la plupart des pays européens au cours des 25 dernières années. Toutefois, les syndromes coronaires aigus restent des accidents graves, avec une morbi-mortalité à moyen terme élevée, et qui nécessite la poursuite des efforts thérapeutiques dans ce domaine. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Épidémiologie ; Infarctus ; Syndrome coronaire aigu ; Reperfusion myocardique ; Antithrombotiques Abstract In France, the incidence of myocardial infarctions leading to hospitalisations can be estimated between 60,000 and 65,000 each year. With the addition of cases of unstable angina, about 80,000 to 100,000 hospital stays each year are caused by acute coronary syndromes. Cases of out-of-hospital cardiac arrest of ischaemic origin should also be taken into account when estimating the annual incidence of myocardial infarction. In Europe, a North-South gradient, and even more an East-West gradient is observed for the incidence of ischaemic heart disease, with the highest figures found in central and eastern European countries. A consistent trend to a decrease in the incidence of myocardial infarction is observed on both sides of the Atlantic. In parallel, progress in the management of acute coronary syndromes has led to a marked decrease in early case fatality rates. Overall, these trends explain the spectacular decrease in cardiovascular mortality observed over the past 25 years in most European countries. Acute coronary syndromes, however, remain severe clinical conditions, which carry a high mid-term and long-term morbi-mortality and deserve further efforts to develop new therapeutic tools. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Epidemiology; Myocardial infarction; Acute coronary syndrome; Myocardial reperfusion; Antithrombotic medications Dans la totalité des pays industrialisés, la mortalité car- diovasculaire a régressé de façon spectaculaire au cours des 30 dernières années. En France, la baisse de mortalité a été de 56 % entre 1980 et 2004 [1]. Ce recul de la mortalité cardio- vasculaire s’explique largement par les progrès de la préven- tion, qui diminue le risque d’accident aigu ou en fait reculer l’âge de survenue, mais également par l’amélioration specta- culaire de la prise en charge des infarctus déclarés. Cet article passe en revue les données récentes sur l’épidémiologie des syndromes coronaires aigus, en France et en Europe. 1. Données épidémiologiques françaises : incidence des syndromes coronaires aigus et profil des patients Les dernières données épidémiologiques françaises sur l’infarctus remontent à 2005 et 2006, avec l’enquête FAST- MI réalisée sur un mois dans le dernier trimestre de 2005 [2] et l’enquête de la CNAM-travailleurs salariés, effectuée sur le premier semestre de 2006 [3]. Ces deux enquêtes permet- tent d’évaluer à 60 000 à 65 000, le nombre de cas annuels *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Danchin).

Épidémiologie des syndromes coronaires aigus en France et en Europe

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http://france.elsevier.com/direct/ANCAANAnnales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) S37–S41

© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Épidémiologie des syndromes coronaires aigus en France et en Europe

Epidemiology of acute coronary syndromes in France and in Europe

N. Danchin*, E. Puymirat, N. Aissaoui, S. Adavane, E. Durand

Hôpital Européen Georges-Pompidou, Pôle cardiovasculaire, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France

Résumé

L’incidence annuelle des hospitalisations pour infarctus en France peut être estimée entre 60 000 et 65 000 cas ; en prenant en compteles angors instables, on peut ainsi évaluer à 80 000 à 100 000 le nombre de cas de syndromes coronaires aigus, auxquels il convient d’ajouterles cas de mort subite extra-hospitalière d’origine ischémique. Au niveau européen, on note un gradient nord-sud et surtout est-ouest, avecune incidence d’événements coronaires nettement plus élevée dans les pays d’Europe centrale et de l’est. L’incidence des infarctus semblecependant en nette diminution, et des évaluations récentes nord-américaines montrent un recul de plus de 50 % en 10 ans des infarctus avecsus-décalage de ST. En parallèle, la prise en charge des syndromes coronaires aigus s’est améliorée et la mortalité au stade aigu aconsidérablement baissé. L’ensemble explique la baisse spectaculaire de la mortalité cardio-vasculaire, observée en France comme dans laplupart des pays européens au cours des 25 dernières années. Toutefois, les syndromes coronaires aigus restent des accidents graves, avecune morbi-mortalité à moyen terme élevée, et qui nécessite la poursuite des efforts thérapeutiques dans ce domaine.

© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Épidémiologie ; Infarctus ; Syndrome coronaire aigu ; Reperfusion myocardique ; Antithrombotiques

Abstract

In France, the incidence of myocardial infarctions leading to hospitalisations can be estimated between 60,000 and 65,000 each year.With the addition of cases of unstable angina, about 80,000 to 100,000 hospital stays each year are caused by acute coronary syndromes.Cases of out-of-hospital cardiac arrest of ischaemic origin should also be taken into account when estimating the annual incidence ofmyocardial infarction. In Europe, a North-South gradient, and even more an East-West gradient is observed for the incidence of ischaemicheart disease, with the highest figures found in central and eastern European countries. A consistent trend to a decrease in the incidence ofmyocardial infarction is observed on both sides of the Atlantic. In parallel, progress in the management of acute coronary syndromes has ledto a marked decrease in early case fatality rates. Overall, these trends explain the spectacular decrease in cardiovascular mortality observedover the past 25 years in most European countries. Acute coronary syndromes, however, remain severe clinical conditions, which carry ahigh mid-term and long-term morbi-mortality and deserve further efforts to develop new therapeutic tools.

© 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Epidemiology; Myocardial infarction; Acute coronary syndrome; Myocardial reperfusion; Antithrombotic medications

Dans la totalité des pays industrialisés, la mortalité car-diovasculaire a régressé de façon spectaculaire au cours des30 dernières années. En France, la baisse de mortalité a été de56 % entre 1980 et 2004 [1]. Ce recul de la mortalité cardio-vasculaire s’explique largement par les progrès de la préven-tion, qui diminue le risque d’accident aigu ou en fait reculerl’âge de survenue, mais également par l’amélioration specta-culaire de la prise en charge des infarctus déclarés. Cet articlepasse en revue les données récentes sur l’épidémiologie dessyndromes coronaires aigus, en France et en Europe.

1. Données épidémiologiques françaises : incidence des syndromes coronaires aigus et profil des patients

Les dernières données épidémiologiques françaises surl’infarctus remontent à 2005 et 2006, avec l’enquête FAST-MI réalisée sur un mois dans le dernier trimestre de 2005 [2]et l’enquête de la CNAM-travailleurs salariés, effectuée surle premier semestre de 2006 [3]. Ces deux enquêtes permet-tent d’évaluer à 60 000 à 65 000, le nombre de cas annuels

*Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Danchin).

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d’infarctus conduisant à une hospitalisation (Fig. 1). Cechiffre ne prend cependant pas en compte les infarctus« silencieux », sans doute relativement rares, ni les casd’infarctus mortels dès les premières minutes et à l’originede la majorité des morts subites extra-hospitalières, quipourraient représenter entre 20 000 et 30 000 cas chaqueannée. Dans le registre FAST-MI, 83 % des cas correspon-dent à un premier épisode d’infarctus et 70 % sont l’événe-ment clinique inaugural de la maladie coronaire. Les infarc-tus avec sus-décalage du segment ST représentent plus de lamoitié des cas ; la moyenne d’âge des infarctus avec sus-décalage de ST est de 64 ans, considérablement plus jeuneque celle des infarctus sans sus-décalage (70 ans), avec uneproportion de sujets de plus de 80 ans de 16 % et 25 %, res-pectivement ; la proportion de femmes est de 28 % et 35 %,respectivement. Corollaire de leur âge de survenue plusélevé, les infarctus sans sus-décalage de ST sont nettementmoins souvent l’événement inaugural de la maladie (58 %des cas) que ne le sont les infarctus avec sus-décalage (80 %des cas). Enfin, les comorbidités sont beaucoup plus fré-quentes dans les infarctus sans sus-décalage : diabète (29 %contre 19 %), insuffisance cardiaque (8 % contre 3,5 %),artériopathie périphérique (13,5 % contre 5,5 %), accidentvasculaire cérébral (6,5 % contre 3,5 %), insuffisance rénale(8 % contre 3 %) et bronchopneumopathie chronique obs-tructive (6 % contre 3 %).

À ces cas d’infarctus, il convient d’ajouter les cas d’angorinstable nécessitant une hospitalisation. Au total, on peut esti-mer que, chaque année, environ 80 000 à 100 000 patientssont hospitalisés en France à la suite d’un syndrome coronaireaigu, dont plus des deux tiers correspondent à des infarctus,avec ou sans sus-décalage du segment ST. À ce chiffres’ajoute celui des morts subites extra-hospitalières d’origineischémique.

2. Données épidémiologiques européennes

Au niveau européen, il n’y a pas vraiment de statistiquesrécentes sur les syndromes coronaires aigus dont la fiabilitésoit indiscutable. Les différentes enquêtes du programmeEuro Heart Survey ont concerné des centres volontaires, trèspeu nombreux au regard de l’ensemble des établissementsprenant en charge des patients ayant un infarctus. Elles nepeuvent donc être utilisées de façon fiable pour évaluerl’incidence de l’infarctus en Europe.

Les statistiques les plus actuelles correspondent aux don-nées de 2008 et sont fournies par l’European HeartNetwork [4]. Ces données émanent de l’Organisation Mon-diale de la Santé, du réseau MONICA, d’Eurostat (statis-tiques provenant de la Commission Européenne), de la Foodand Agriculture Organisation, de la Société Européenne deCardiologie et de sources nationales. La qualité des donnéesémanant de ces différentes sources est cependant très iné-gale, si bien que les statistiques ne donnent que des indica-tions générales sur l’incidence de la maladie coronaire etdoivent donc être interprétées avec une certaine prudence.Globalement, les données européennes font apparaître ungradient nord-sud et surtout est-ouest dans l’incidence desmaladies cardiovasculaires, et notamment de la maladiecoronaire. La mortalité cardiovasculaire a fortement déclinéau cours des 20 dernières années, dans les pays du nord et del’ouest ; dans de nombreux pays de l’est, elle a continuéd’augmenter jusque vers la fin des années 1990 et ne dimi-nue que depuis cette période. Les données européennes spé-cifiques sur l’incidence des infarctus sont rares et les pluscommunément admises sont celles de MONICA, dont lesderniers chiffres sont antérieurs à l’an 2000 ; à partir de cesdonnées, il est estimé que le recul de la mortalité cardiovas-culaire est attribuable aux deux tiers à une diminution de

Fig. 1. Évaluation de l’incidence annuelle des hospitalisations pour infarctus en France en 2005 et 2006.

FAST-MI 2005

3059 patients admis en un mois pour infarctus 48 heures, dans 60 %

des Unités de Soins Intensifs françaises

61 000 patients admis sur l’ensemble des établissements en un an

En tenant compte des critères d’exclusion : infarctus > 48 heures, infarctus iatrogènes,

hospitalisations hors unités de soins intensifs, estimation annuelle de

65 000 patients avec infarctus hospitalisés

Base CNAM-TS 2006

24 075 patients hospitalisés en France pendant le premier semestre 2006

(données PMSI)

48 000 patients hospitalisés en un an

Sous-déclaration probable des infarctussans sus-décalage de ST

60 000 à 65 000 patients avec infarctus

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l’incidence des accidents coronaires. Enfin, l’OMS a utiliséles DALYs (Disability adjusted life years), un index prenant

en compte à la fois les morts prématurées et les années de vieen bonne santé perdues en raison d’une pathologie invali-dante, pour estimer le poids des maladies cardiovasculaires.En 2002, la maladie coronaire représente 10 % des annéesperdues (DALYs) sur l’ensemble des pays européens, et8 % pour les pays de l’Union Européenne.

3. Évolution de l’incidence des syndromes coronaires aigus : une tendance généralisée à la baisse

Plusieurs travaux récents notent une tendance générale à labaisse de l’incidence des syndromes coronaires aigus. Ainsi,une toute récente étude californienne montre ainsi une dimi-nution de plus de 60 %, entre 1999 et 2008, de l’incidence desinfarctus avec sus-décalage de ST [5]. L’évolution des infarc-tus sans sus-décalage est plus complexe : entre 1999 et 2004,on constate une augmentation d’incidence, très vraisembla-blement liée à la généralisation de l’utilisation des dosages detroponines ; à partir de 2005, en revanche, l’incidence desinfarctus sans sus-décalage diminue, avec une pente prochede celle observée pour les infarctus avec sus-décalage. Cestendances sont confirmées par celles issues de l’étude Fra-mingham [6] qui montre une diminution de 50 % en 40 ans dela prévalence des infarctus avec séquelles ECG, tandis quel’incidence des infarctus diagnostiqués uniquement par l’élé-vation de marqueurs biologiques augmente (de façon contem-poraine à la généralisation de l’utilisation de ces marqueurs).Dans l’étude Atherosclerosis Risk in Communities (ARIC),l’incidence des infarctus avec sus-décalage diminue de 1,9 %par an entre 1987 et 2002 [7]. Aux Pays-Bas, l’incidence deshospitalisations pour infarctus a également diminué d’environ10 % entre 1995 et 2000 [8].

En France, il n’existe pas de statistique permettantd’apprécier avec certitude l’évolution de l’incidence del’infarctus au cours des 20 dernières années. À travers lesenquêtes USIK, USIC 2000 et FAST-MI (2005), on constateune augmentation de l’incidence des infarctus sans sus-déca-lage entre 2000 et 2005, augmentation artificielle, liée à lagénéralisation de l’utilisation des dosages de troponine pen-dant cette période [2,9,10]. Il est, en revanche, difficile devérifier si l’incidence des infarctus avec sus-décalage est enréelle diminution. Dans l’enquête FAST-MI, ceux-ci repré-sentaient encore plus de la moitié des cas d’infarctus [2].

4. La baisse de l’incidence des infarctus s’accompagne d’une diminution de la mortalité précoce à la phase aiguë

En l’espace de 20 ans, la prise en charge de l’infarctus aigua radicalement changé. Dans les infarctus avec sus-décalage(STEMI), le traitement de reperfusion, initialement parthrombolyse intraveineuse et dorénavant principalement parangioplastie primaire, a permis de fortement limiter l’étendue

des lésions ventriculaires. Dans les formes les plus sérieusesd’infarctus sans sus-décalage (NSTEMI), les stratégies deprise en charge invasive, débouchant sur de fréquents gestesde revascularisation myocardique ont, elles aussi, contribué àréduire la mortalité précoce. En outre l’environnement phar-macologique a fortement changé : amélioration de l’efficacitédu traitement anti-agrégant plaquettaire par l’utilisation d’unedouble anti-agrégation, bloquant à la fois la voie du throm-boxane et la voie de l’ADP ; utilisation de nouveaux anti-coagulants, mieux adaptés au profil de risque spécifique despatients : enoxaparine, fondaparinux, bivalirudine ; introduc-tion précoce des traitements par statines ou IEC/ARA2 ; pres-cription de bêtabloquants ; meilleure codification de la priseen charge des troubles du rythme ventriculaire, et développe-ment des indications des défibrillateurs implantables. EnFrance, la mortalité à 30 jours des infarctus STEMI a ainsidiminué de 50 % entre 1995 et 2005 (Fig. 2). La baisse demortalité est pratiquement équivalente, quelle que soit la priseen charge initiale : angioplastie primaire, fibrinolyse intravei-neuse, et même absence de traitement de reperfusion, témoi-gnant des améliorations de la prise en charge globale despatients [11-13].

Ces résultats purement français sont confortés par ceuxde registres émanant d’autres pays, comme le registreGRACE [14], où la mortalité hospitalière des STEMI passede 8,4 % en 1999 et 4,6 % en 2005. Dans ce même registre,la mortalité initiale des formes sans sus-décalage de STdiminue moins (de 2,9 % à 2,2 %). Toutefois, dans les6 mois suivant l’accident aigu, la tendance s’inverse et lamortalité baisse significativement de 1,6 % dans les syn-dromes coronaires aigus sans sus-décalage, alors qu’elle nerecule que très légèrement dans les STEMI.

5. À moyen et long terme, le pronostic des syndromes coronaires aigus reste sombre

Pourtant, en dépit de ces progrès remarquables dans laprise en charge des SCA, ceux-ci restent des accidents graves.

Fig. 2. Évolution de la mortalité à 30 jours après hospitalisation pour infarc-tus dans les registres français USIK 1995, USIC 2000 et FAST-MI 2005.

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Dans les essais randomisés, qui sélectionnent toujoursdes populations à relativement faible risque, l’incidence desaccidents ischémiques (mortalité cardiovasculaire, infarctusou AVC) dans l’année suivant l’épisode initial, reste éle-vée : ainsi, dans l’étude CURE [15], près de 10 % despatients du groupe recevant une bithérapie anti-agréganteont un accident ischémique dans l’année qui suit et 17 % ontun accident ischémique grave ou doivent être réhospitaliséspour une ischémie réfractaire. Plus récemment, dans l’étudeHORIZONS-AMI, 18,3 % des sujets du groupe contrôle ontun accident ischémique ou hémorragique sévère dansl’année qui suit l’infarctus avec sus-décalage traité parangioplastie primaire et ce pourcentage reste élevé (15,6 %)même dans le groupe ayant reçu un traitement par bivaliru-dine [16].

Dans la « vraie vie », les accidents sont encore plus fré-quents. Dans le registre FAST-MI, la proportion de décès,infarctus ou accident vasculaire cérébral à un an est de16 % pour les STEMI et de 17 % pour les NSTEMI. Ausein de la population des STEMI, les accidents sont nette-ment plus rares s’il a été possible d’administrer un traite-ment de reperfusion (10 %), mais touchent 24 % despatients qui n’ont pas bénéficié d’un tel traitement. Lescomplications graves sont plus fréquentes au début pourles STEMI, mais les courbes d’événements se croisentaprès quelques mois, de telle sorte que les complicationsdeviennent même un peu plus nombreuses au bout d’uneannée de suivi pour les NSTEMI, une évolution liée auxcaractéristiques spécifiques de cette population : patientsplus âgés, avec plus de facteurs de risque et une atteinteartérielle coronaire plus étendue. Dans une étude portantsur une série de près de 5000 patients coronarographiésdans les suites d’un infarctus aigu à la Duke University, la

moyenne d’âge des patients avec NSTEMI est de 5 ansplus élevée que celle des patients avec STEMI, et lescomorbidités, cardiovasculaires ou autres, sont beaucoupplus fréquentes. La proportion de patients tritronculairesest de 43 % pour les NSTEMI contre 28 % pour lesSTEMI, et la fréquence des atteintes du tronc commun dela coronaire gauche est double (23 % contre 11 %). De cesdifférences de profil résulte une mortalité à long terme net-tement plus élevée dans les NSTEMI : dans cette mêmesérie, la mortalité après un suivi médian de 4 ans est de29 % pour les STEMI et de 45 % pour les NSTEMI, soitpratiquement un patient sur deux [17]. De même, unerécente publication sur la cohorte britannique et belge duregistre GRACE a permis d’évaluer les devenir despatients, 5 ans après un syndrome coronaire aigu [18]. Lamortalité est de 20 %, 9 % des patients font un nouvelinfarctus et 8 % ont eu un accident vasculaire cérébral ;enfin, 17 % ont été réhospitalisés pour une intervention derevascularisation myocardique. Ces chiffres sont constatésalors que la plupart des patients ont reçu les traitementsrecommandés : environ 60 % ont eu une angioplastie coro-naire, 90 % ont reçu un traitement par aspirine, environ75 % ont reçu du clopidogrel et des bêtabloquants et les

deux-tiers des statines et des IEC ou des ARA2. À la diffé-rence de la cohorte de Duke University, la mortalité à 5 ansne diffère pas selon le type du SCA : 19 % après STEMI,22 % après NSTEMI et 17 % après un angor instable, cequi s’explique sans doute par la moindre différence d’âgeentre STEMI et NSTEMI (2 ans en moyenne) dans lacohorte GRACE. Au total, ces deux études montrent que lepronostic à long terme des SCA est moins favorable qu’onne pourrait le penser ; en particulier, la mortalité est prati-quement 5 fois plus importante pendant le suivi que lors del’événement initial.

Enfin, les données provenant de la CNAM-TS montrentl’importance de l’adhérence aux traitements recommandés :chez les patients survivants de la phase hospitalière et traitéspar statines à la sortie de l’hospitalisation, le pourcentage dedécès ou hospitalisation pour nouveau syndrome coronaireaigu à 30 mois est de 17,7 % chez les patients ne suivant pasbien leur traitement, contre 7,3 % chez ceux ayant unebonne observance [19].

6. Conclusion

L’incidence des syndromes coronaires aigus, et particu-lièrement des infarctus avec sus-décalage de ST, a nettementdiminué au cours des 20 dernières années. En parallèle, lamortalité en phase aiguë a régressé. Toutefois, le syndromecoronaire aigu reste une pathologie grave, avec une morbi-mortalité élevée dans les années qui suivent l’accident ini-tial. Il apparaît capital d’appliquer au mieux les recomman-dations thérapeutiques et de s’assurer de l’adhérence au longcours des patients à leur traitement. La bataille contrel’infarctus et ses conséquences est loin d’être gagnée ; on nepeut qu’espérer que les nouveaux traitements poursuivent etamplifient les progrès de ces dernières années, et il reste làencore beaucoup à faire.

7. Conflits d’intérêt

N. D. : essais cliniques : en qualité d’investigateur prin-cipal, coordonnateur ou expérimentateur principal (GSK,Servier, sanofi-aventis, AstraZeneca) ; interventions ponc-tuelles : activités de conseil (AstraZeneca ; BMS ;Boehringer-Ingelheim, GSK, Lilly, Menarini, Merck,Novartis, Novo, Pfizer, sanofi-aventis, Servier, The Medi-cines Compagny) ; conférences : invitations en qualitéd’intervenant (AstraZeneca ; BMS ; Boehringer-Ingel-heim, GSK, Lilly, Menarini, Merck, Novartis, Novo, Pfi-zer, sanofi-aventis, Servier, The Medicines Compagny) ;versements substantiels au budget d’une institution dontvous êtes responsable (Pfizer, Servier, Astra-Zeneca, Eli-Lilly, GSK, Merck, Novartis, sanofi-aventis, The Medi-cines Company).

E. P., N. A., S. A., E. D. : les auteurs n’ont pas transmisleur conflit d’intérêt.

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