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   ©     E  .    C L a densification des grandes agglomérations apparaît comme le Saint Graal de ce qu’il est convenu d’appeler le déve- loppement durable. Elle semble plus parti culiè remen t être l’un des mei lle urs outils à la disposition des urbanistes pour réduire l’usage de l’automo- bile, des statistiques incontestables montrant en effet une corrélation entre la densité et l’usage des transports en commun 2 . À partir de ce constat simple tou- tefois, les politiques publiques ont tendance à se fourvoyer dans la densité pour la densité. Or la den- sité n’a pas d’intérêt pour elle- même mais pour ses corrélats, aux premiers rangs desquels figurent non seulement la desserte en trans- ports en commun, mais aussi l’ani- mation urbaine et l’accessibilité rapide à des services, des com- merces et des équipements. Tout indique en outre que, pour créer la ville dense, la production de ces cor- ré la t s e st plus impor tant e qu e la densité elle-même. Les politiques de densification se heurtent toutefois à une autre diffi- culté apparemment insurmontable : la préférence d’une large majorité des Français pour la maison indivi- duelle. Cette préférence semble condamner les politiques de densifi- cation à la production de logements sociaux, c’est-à-dire de logements destinés à une clientèle captive. Comme on le verra cependant, le marché immobilier n’est pas aussi opposé à la densification qu’on le pense, même en dehors des centres-villes. Diverses actions pre- nant appui sur les tendances du marché peuvent même être envisa- gées. La densification des com- munes de première couronne en est une. Les acteurs du marché immo- bilier s’y consacrent activement mais le processus gagnerait à être accompagné politiquement par des actions en faveur du commerce de proximité. D’autres pistes existent en grande banlieue, notamment autour des anciens noyaux villageois. Actuelle- ment, l’utilisation par les promo- teurs immobiliers de l’image du vil- lage est souvent réduite à du marketing et à l’exploitation com- merciale du très répandu fantasme villageois. Ceci décrédibilise large- ment ces opérations auprès des uni- versitaires. Leur critique est juste mais partielle : les données précises manquent, mais celles qui sont dis- ponibles montrent que ce type d’en- vironnement peut avoir un impact sur l’usage de la voiture.. 32 études foncières — n° 99, septembre-octobre 2002 L’auteur : Éric Charmes, labor a- toire CNRS " Théorie des mutations urbaines     U     R     B     A     N     I     S     M     E 1.L’auteur est chercheur indépendant 2.Vincent Fouchier, Les densités urbaines et le développement durable, Paris, La Docu- mentation Française, 1997 3.Vincent Kaufmann, Jean-Marie Guidez et Christophe Jemelin, Automobile et modes de vie urbains: quel degré de liberté ?, Paris, La Documentation Française, 2001 Densifier les banlieues Dans le choix de la localisation de son logement, chaque ménage réalise, de facto, des arbitrages entre des aspirations contradictoires : la prox imité des services et de l’emploi, la tranquillité, l’espace, l’animation urbaine… On ne pourra amener les ménages à renoncer à l’espace de la maison individuelle pour des " maisons de ville " si on ne leur offre pas, en contre partie, une véritable ambiance urbaine.

Eric Charmes Densifier le banlieue

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Etudes Foncieres

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  • E

    .C

    La densification des grandesagglomrations apparatcomme le Saint Graal de ce

    quil est convenu dappeler le dve-loppement durable. Elle semble plusparticulirement tre lun des meilleursoutils la disposition des urbanistespour rduire lusage de lautomo-bile, des statistiques incontestablesmontrant en effet une corrlationentre la densit et lusage destransports en commun2.

    partir de ce constat simple tou-tefois, les politiques publiques onttendance se fourvoyer dans ladensit pour la densit. Or la den-sit na pas dintrt pour elle-mme mais pour ses corrlats, auxpremiers rangs desquels figurent

    non seulement la desserte en trans-ports en commun, mais aussi lani-mation urbaine et laccessibilitrapide des services, des com-merces et des quipements. Toutindique en outre que, pour crer laville dense, la production de ces cor-rlats est p lus impor tante que la dens i t e l le -mme.

    Les politiques de densification seheurtent toutefois une autre diffi-cult apparemment insurmontable :la prfrence dune large majoritdes Franais pour la maison indivi-duelle. Cette prfrence semblecondamner les politiques de densifi-cation la production de logementssociaux, cest--dire de logementsdestins une clientle captive.

    Comme on le verra cependant, lemarch immobilier nest pas aussioppos la densification quon lepense, mme en dehors descentres-villes. Diverses actions pre-nant appui sur les tendances du

    march peuvent mme tre envisa-ges. La densification des com-munes de premire couronne en estune. Les acteurs du march immo-bilier sy consacrent activementmais le processus gagnerait treaccompagn politiquement par desactions en faveur du commerce deproximit.

    Dautres pistes existent en grandebanlieue, notamment autour desanciens noyaux villageois. Actuelle-ment, lutilisation par les promo-teurs immobiliers de limage du vil-lage est souvent rduite dumarketing et lexploitation com-merciale du trs rpandu fantasmevillageois. Ceci dcrdibilise large-ment ces oprations auprs des uni-versitaires. Leur critique est justemais partielle : les donnes prcisesmanquent, mais celles qui sont dis-ponibles montrent que ce type den-vironnement peut avoir un impactsur lusage de la voiture..

    32 tudes foncires n99, septembre-octobre 2002

    Lauteur :ric Charmes, labora-toire CNRS " Thoriedes mutations urbaines

    UR

    BA

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    ME

    1.Lauteur est chercheur indpendant2.Vincent Fouchier, Les densits urbaines etle dveloppement durable, Paris, La Docu-mentation Franaise, 1997

    3.Vincent Kaufmann, Jean-Marie Guidez etChristophe Jemelin, Automobile et modesde vie urbains: quel degr de libert ?,Paris, La Documentation Franaise, 2001

    Densifier les banlieuesDans le choix de la localisation de son logement, chaque mnage ralise, de facto, des arbitrages entre des

    aspirations contradictoires : la proximit des services et de lemploi, la tranquillit, lespace, lanimationurbaine On ne pourra amener les mnages renoncer lespace de la maison individuelle pour des "

    maisons de ville " si on ne leur offre pas, en contre partie, une vritable ambiance urbaine.

  • URBANISME

    33tudes foncires n99, septembre-octobre 2002

    Densit versusindividuelle? Une fausse

    alternative

    On ne peut pas parler de densifi-cation en faisant lconomie de laquestion de sa lgitimit politique.On peut dautant moins le faire quecette lgitimit est trs loin dtrevidente. Face la prfrence mar-que des Franais pour la maisonindividuelle, ne doit-on pas cher-cher organiser le dveloppementde lhabitat individuel, plutt que desy opposer ?

    La question est alors mal pose.Certes les Franais prfrent lesmaisons individuelles, mais uneenqute a montr que de nom-breuses personnes qui vivent dansdes pavillons de grande banlieuesouhaiteraient habiter en centre-ville si la possibilit leur en taitdonne. Cette insatisfaction concer-nerait 44 % des propritaires depavillons, soit presque la moitidentre eux3. Ce chiffre est encoreplus impressionnant si lon consi-dre les mcanismes bien connusde justification a posteriori du choixrsidentiel.

    Donc, densifier ce nest pas sop-poser au march, mais bien aucontraire rpondre une demande.Pour le dire de manire plus ramas-se et plus provocatrice : densifiernest pas fondamentalement incom-patible avec le dsir de maison indi-viduelle. La raison en est que lesmnages nont pas une mais desprfrences entre lesquelles ils doi-vent arbitrer en tenant compte deltat du march immobilier et deleurs ressources financires. Cesarbitrages sont, comme le marchimmobilier, trs divers, et ce qui estvrai dans un contexte donn pourun segment de la population nelest pas dans une situation diff-rente ou pour dautres personnes.

    Ainsi, si les gens affirment uneprfrence pour la maison indivi-duelle, ils expriment aussi massive-ment leur dsir davoir un accsfacile aux lieux quils frquententdans leur vie quotidienne. Sur ceterrain, laccessibilit pitonnire,cest--dire une distance infrieure quelques centaines de mtres, resteperue comme trs performante.Ainsi, les couples avec enfants sontcertes les premiers amateurs demaisons individuelles mais ils sou-haitent en mme temps que leursenfants puissent se rendre lcole pied et disposer de commerces deproximit.

    Or quexprime le march immobi-lier ? Quune fois agrgs, les choixde localisation font apparatre unetrs forte prfrence collective pourla densit. Il est de fait assez aisdtablir dans les grandes agglom-rations une corrlation entre lesvaleurs immobilires et la densit. Ily a certes des exceptions (notam-ment des zones denses non rhabi-lites et pauprises), mais dunemanire gnrale, le mtre carrhabitable, et plus encore le foncier,vaut plus cher dans les zonesdenses que dans les zones durbani-sation diffuse. La maison indivi-duelle certes, mais plutt proxi-mit de Saint-Germain-des-Prs.

    Le choix de vivre engrande banlieue

    Cest du reste parce quils ne peu-vent pas accder la proprit dunlogement confortable dans lescentres denses que certainsmnages font le choix daller vivreen grande banlieue. Lactuelle trans-formation des communes de pre-mire couronne, notamment autourde Paris, montre de fait quil existeun important rservoir dedemandes insatisfaites pour deslogements en milieu urbain dense.

    Sur ce point, les chiffres dvolu-tion du peuplement des zonesdenses souvent cits commepreuves de leur perte dattrait, doi-vent tres corrigs en fonctiondune autre donne : la surfacemoyenne occupe par chaque per-sonne dans un logement. Cette sur-face a trs fortement augment aucours des dernires dcennies, cequi renforce videmment les pres-sions qui poussent de nombreuxmnages hors des centres denses.

    Ceux qui souhaiteraient vivredans ces centres ne sollicitent vi-demment pas la densit pour elle-mme. Ils recherchent en ralit descorrlats de la densit, cest--direavant tout une bonne desserte entransports collectifs (pour eux oupour leurs enfants) et laccessibilitpitonnire de commerces et desdiverses ressources ncessaires leur vie quotidienne (poste, mairie,cole)4. Comme le dit un agentimmobilier rencontr Bagneux : "les proximits, cest le gain de sontemps, cest le gain de sa vie ". Lesplus urbains souhaitent galementdisposer dune ambiance et notam-ment de lanimation propre la

    ville. Cela ne signifie du reste pasque ces personnes rejettent ce quiattire les autres vers les priphries(principalement le calme et la ver-dure) ; elles prfrent simplementles avantages de la ville.

    Puisque de nombreux mnagesexpriment une prfrence pour lavie en zone dense et quils ne peu-vent pas la satisfaire, puisque ladensification apparat comme lavoie du dveloppement durable, ilest politiquement lgitime de cher-cher accrotre loffre de logementsdans les zones denses. La taille deslogements augmentant taille dumnage constante, cela signifie quecet accroissement ne peut pas sefaire, sans distorsion majeure dumarch, partir du stock de loge-ments existants et quil fautconstruire de nouveaux logements.

    La question qui se pose alors etqui reste largement sans rponseest : o et comment construire cesnouveaux logements ? Les centresdenses semblent avoir atteint leurplafond de densit (tant fonction-nellement que politiquement, leurshabitants actuels nacceptant quetrs difficilement la densification deleur environnement) et les villesnouvelles ont montr quil est diffi-cile de produire ex nihilo un envi-ronnement urbain qui soit la foisdense et attrayant.

    En ltat actuel des choses, deuxpistes semblent particulirementfructueuses : la premire est la den-sification des anciens faubourgs etdes premires couronnes desgrandes agglomrations ; laseconde est le renforcement despetits noyaux urbains des grandescouronnes, partir de petits collec-tifs et de maisons mitoyennes quilconviendrait dappeler maison debourg, voire maison rurale et nonmaison de ville ou villa urbaine.

    Renforcer le commerce de proximit

    Contre la densification desanciens faubourgs et des premirescouronnes, certains arguent queceux-ci ne jouissent pas des attri-buts de la centralit qui font lattraitdes centres anciens. Cest oublierdune part que la centralit a des

    4.Eric Charmes, Les rues commerantes: quel rle pour lcomobilit? Le cas dela premire couronne parisienne, ARDU, TMU, rapport pour le PREDIT, 2001

    La maison individuelle certes,

    mais plutt proximit de

    Saint-Germain-des-Prs.

  • degrs, et que, dautre part, les pre-mires couronnes restent gnrale-ment plus proches du centre princi-pal que les grandes banlieues (letemps daccs peut certes perturberce constat).

    Les premires couronnes souf-frent il est vrai dun problmemajeur : historiquement dpen-dantes de la commune centre, leurcentralit est comme atrophie.Elles disposent dquipements et decommerces en nombre trs inf-rieur celui dune commune centrede population comparable.

    Ces obstacles ne sont toutefoispas insurmontables. Paris, denombreuses communes de pre-mire couronne se densifient etsembourgeoisent, cest--dire quenon seulement les surfaces habi-tables saccroissent, mais que le prixau m2 augmente dans le mmetemps (critre important en raisondes incertitudes qui psent sur lin-terprtation des volutions dmo-graphiques).

    Ltude du march immobiliermontre que plusieurs facteurs inter-viennent dans ce processus. Lespremiers sont bien sr la proximitavec le centre de la capitale et sonaccessibilit rapide en transports encommun. Mais ce ne sont pas lesseuls, laccs pitonnier des ser-vices et des commerces est gale-ment trs important. Or, dans lescommunes de la premire cou-ronne parisienne, hormis quelquesples commerciaux majeurs (Mon-trouge, Les Lilas), le commerce ditde proximit a du mal se mainte-nir. Lun des volets essentiels dunepolitique de densification seraitdonc de tenter dinverser ce dclin.

    Du point de vue de la rductionde lusage de lautomobile (qui estle principal objectif politique de ladensification), le gain serait mul-tiple. Non seulement, des zonesrelativement bien desservies entransports en commun gagneraienten attrait, mais les dplacementspour achats se feraient aussi plussouvent pied (il est noter queces dplacements reprsentent ensemaine un cinquime des dplace-ments totaux et un quart le samedi).En outre, des tudes montrent quelacceptabilit du trajet pitonnierqui mne une gare de transportsen commun est plus forte lorsque leparcours est jalonn de commerces.

    La prservation du tissu commer-cial des communes de premirecouronne est dailleurs loin dtreune cause perdue : les progrs de lalogistique et de la gestion des

    stocks permettent des supermar-chs doffrir un choix accru. Internetpeut, pour sa part, servir dinterm-diaire pour certains achats : on peutchoisir un livre ou un appareil lec-tromnager sur Internet et passercommande chez le marchand duquartier. Le vieillissement de lapopulation et une consommationplus qualitative que quantitative(avec des attentes accrues enmatire de services connexes et decontacts humains) permettent ga-lement denvisager avec un certainoptimisme lavenir du commerce deproximit.

    Les pouvoirs publics disposent,quant eux, dimportantes margesde manuvres pour renforcer cestendances : sur le plan de la gou-vernance, il est par exemple pos-sible de sinspirer du Town CentreManagement anglo-saxon, quiconsiste principalement en une ges-tion intgre des commerces descentres urbains . Les petits commer-ants franais demeurent certes trsindividualistes mais leur surviepasse par laction collective. Un ser-vice essentiel, la livraison domi-cile, ne peut tre offert par despetits commerants que sils unis-sent. Des expriences rcentesmontrent que la chose est possible.

    Le modle de la ruecommerante

    Il convient enfin de noter que lespolitiques de promotion du com-merce en premire couronne doi-vent se dpartir du modle ducentre commercial pitonnier. Seulsquelques ples majeurs peuventfonctionner suivant ce modle.Pour les autres, le modle tradition-nel de la rue commerante o sepressent lessentiel des flux circula-toires qui traversent la commune,reste le plus efficace6. Certes, celaheurte le sens commun et lidequune petite place pitonnire bor-de de sa mairie et de ses cafs estplus attrayante. Mais le commercevit aussi du passage (pitonniercomme motoris) et lhistoire descommunes de premire couronnefait que ce passage se concentre surles voies de liaison avec la com-mune centre.

    Un mlange harmonieux entrepitons et flux circulatoires nestpas inenvisageable. Divers amna-gements peuvent y concourir. Lapremire mesure serait une limita-

    tion de la vitesse puisquune ruetrs passante ( avec un trafic delordre de 15000 vhicules par jour).On peut fort bien saccommoderdune limitation de la vitesse 30km/h7.

    Village en grandecouronne: un fantasme?

    Dans les grandes couronnes, lemarch immobilier est tir par desattentes spcifiques qui demandentun traitement diffrent. Le marchpriurbain se structure pour unelarge part en opposition la ville et ses attributs. Face des photogra-phies de zones urbaines denses, leshabitants des maisons individuellesde grande banlieue ont une rac-tion souvent trs ngative. La den-sit btie voque pour eux ltouffe-ment, le surpeuplement.

    Certes, un nombre significatif demnages vivant en grande ban-lieue, souhaiteraient vivre en zonedense. Mais la densit est pour euxle prix payer pour accder auxressources de la commune centreou de certains centres priurbainsimportants, tels que Versailles,Meaux ou Tours dans le cas du Bas-sin parisien. Ils accepteraient diffici-lement cette densit dans un plede banlieue qui ne serait pas uncentre ancien, possdant tous lesattributs fonctionnels et symbo-liques de lurbanit (une ville nou-velle par exemple).

    Dans ce contexte, la solutionactuellement la plus discute est lamaison de ville, prsente commeune forme douce de densification,car centre sur lhabitat individuelet les constructions de faible hau-teur. Cette question a fait lobjetdun appel doffres du ministre delquipement, dnomm " villaurbaine durable " et dont la pressea largement rendu compte8. Inspi-re des maisons rurales des noyauxvillageois et des maisons en bandede certains quartiers populaires, lamaison de ville aurait lintrt derpondre aux attentes des Franaisen matire dhabitat individuel etde permettre de produire des villesplus denses.

    Le risque est toutefois grand detomber dans le pige de la densitpour la densit. On ne peut au restequtre sceptique quand on sait quelune des exigences les plus forte-ment associes la demande de

    34 tudes foncires n99, septembre- octobre 2002

    5.Pour une prsentation www.atcm.org6. Eric Charmes, Les rues commer-antes, op. cit.7.Voir le site internet de la revue Ruede lavenir: www.rue-avenir.ch8. Cet appel doffres du PUCA a ainsifait lobjet dun dossier dans Libra-tion ( 25 juin 2002) et a t prsentdans de nombreuses revues sp&ciali-ses ( Le Moniteur, Urbanisme, Diago-nal..)

    On peut moquerle kitch des

    villages Disneymais limagecre a unedimension

    symbolique forte

  • E.C

    maisons individuelles est labsencede mitoyennet.

    La maison de ville na dintrtque si elle est associe des qui-pements et des services de proxi-mit. Certes, ces derniers nont paspour les priurbains le prix quilsont pour les habitants des centresdenses, mais la proximit dunegare reste pour ceux-l importante,notamment en banlieue parisienne.Laccessibilit pitonnire dunecole conserve elle aussi des attraits(pour la tranquillit des parents etpour lautonomie des enfants). Laproximit de commerces de dpan-nage (petite picerie) ou dusagefrquent (tabac, marchand de jour-naux, boulangerie) demeure enfintrs apprcie. Ces prfrencesconstituent autant de motifs defaire des concessions sur dautresdomaines : la taille du terrain et lamitoyennet.

    Une telle proposition ressemble-rait-elle la quadrature du cercle ?Comment rendre ces quipementset ces commerces viables sans pro-duire lenvironnement urbain denseque rejettent de manire quasiinconditionnelle les priurbains ?

    En ralit, des solutions interm-diaires sont possibles. La principalemarge de manuvre provient de lavarit des attributs partir des-quels les gens estiment vivre endehors de la ville et de ses nui-sances. Pour certains habitants decommunes pavillonnaires, la petiterue commerante borde dim-meubles dun ou deux tages dunancien bourg voque la ville. Pourdautres, cette mme rue suggreplutt lunivers rural (la Provincedisent souvent les Parisiens).

    Pour ces derniers, la maison deville sera plus facilement une optionattrayante, et elle le restera mmesi quelques petits immeubles setrouvent dans les environs. Or cespetits immeubles (occups par despersonnes revenus plusmodestes) permettent la constitu-tion de la masse critique ncessaire la ralisation dquipements et aufonctionnement de commerces deproximit.

    Dans la banlieue parisienne,divers exemples montrent que cemode de fonctionnement est viable(le vieux Massy en est une trsbonne illustration). Mieux, il estencore possible de crer ex nihiloun tel environnement. Cest ce quemontre lopration ralise parApollonia Villeparisis en grandebanlieue nord-est de Paris. Cette

    opration a t un succs et les der-nirs appartements neufs commer-cialiss sy vendent prs de 2000euros le m2. Lance au tournantdes annes 1990, elle regroupeaujourdhui quelques 3500 habi-tants. On y trouve des maisons deville, quelques maisons indivi-duelles, des petits collectifs et deslogements sociaux, le tout unedizaine de minutes pied dunegare de RER. Une petite place a tamnage o se regroupentquelques commerces (picerie, mar-chand de journaux, boulangerie,pharmacie, coiffeur) et mmedeux restaurants. Une cole et ungymnase sont galement acces-sibles pied.

    Situation dautant plus remar-quable que le promoteur a davan-tage vendu limage du village quecelle des services et des commercesqui lui sont associs. Il aurait de faitt possible daller plus loin enmatire de " proximits ". Cest cequa tent par la suite ltablisse-ment public damnagement deMarne-la-Valle, Bailly-Romainvil-liers, en partenariat avec le mmepromoteur.

    Limpact prcis de ce type denvi-ronnement rsidentiel sur lusagede la voiture (qui, encore une fois,est lobjectif politique principal de ladensification) reste valuer, mais,au vu des donnes disponibles9, ilne semble pas ngligeable. situa-tion sociale quivalente, unmnage qui rside dans ce typedenvironnement peut ne squiperque dune voiture au lieu de deux.

    Dans le cas des ralisationsdApollonia,

    le pastiche vident du village decarte postale fait sourire et, Ville-parisis comme Bailly-Romainvil-liers, lensemble est frquemmentaffubl du sobriquet de " village Dis-ney ". On peut certes moquer lekitsch des lampadaires et les cou-leurs criardes, mais limage ainsicre a une dimension symboliqueforte, quil ne faudrait pas ngligerdans la promotion de petits noyauxde densit en grande couronne.

    Le march priurbain est en effetstructur par le strotype de la vie la campagne. Les modes de viedes priurbains nont videmmenten pratique rien voir avec celuides ruraux, mais ceux-l restent trsattachs aux signes de la ruralit(quelques vaches, un champ).Dans ce cadre, lallure villageoise delenvironnement bti constitue unatout important, que celui-ci soitpastich ou quil soit plus " authen-tique ", comme dans le vieuxMassy, dont les corps de ferme oules cours paves sont particulire-ment apprcies par les professionssuprieures.

    Parmi les signes qui renvoient lunivers rural, le vocabulaire lui-mme ne doit pas tre nglig. Lesagents immobiliers lont bien com-pris, quand ils inscrivent sur lespanonceaux de leurs vitrines : "maison de bourg " plutt que mai-son de ville (ou villa urbaine)..

    URBANISME

    35tudes foncires n99, septembre- octobre 2002

    9.A. Bourdin, E. Charmes, M.-P. Lefeuvre & P. Mel, Laconstruction des units significatives d ela ville, ARDU,TMU, rapport pour le Ministre de la Culture, 2000

    La densit nest accepteque sil existe, en contrepartie, une ambianceurbaine.