3

Click here to load reader

État des lieux et perspectives

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: État des lieux et perspectives

dossier | formation

OptionBio | Jeudi 21 février 2008 | n° 395 9

© S

ipa/

Sup

erst

ock/

R M

ark

Depuis l’événement du “cavalier législatif”1, des grou-pes de travail se tiennent actuellement au ministère de la Santé avec les syndicats, les ordres nationaux,

notamment, sur une réforme “raisonnée” : le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008 n’a effectivement pas été le vecteur législatif servant de support à la refonte du cadre juridique de la profession. Mais, vu le rapport Attali2 et ce qui a été adopté pour les pharmacies dans la loi de financement de la Sécurité sociale3, ne doit-on pas s’attendre à ce que les limitations de nombre de laboratoires et de périmètre géogra-phique, ainsi que de volume de transmission de prélèvements, notamment, ne sautent pour les regroupements de laboratoires d’analyses de biologie médicale ?

Une situation similaire à 1989 ?Cette situation ressemble, à s’y méprendre, à celle que l’on a connu en 1989 avec la réforme Évin. Les négociations étaient en cours quand la nomenclature fut revue à la baisse d’environ 20 %. Les laboratoires furent touchés durement sans avoir été prévenus. Comme il ne s’agissait pas d’une baisse de volume, il ne fut pas possible de diminuer les frais immédiatement. Des réformes de structures furent obligatoires, telles la loi de 1990 et le décret de 1992. Puis, devant les nombreuses dérives, des limitations furent apportées à cette libéralisation.Ce fut le régime de fonctionnement des laboratoires jusqu’en 2002 et l’adoption du Murcef4 (encadré), qui institua les sociétés de parti-cipations financières de professions libérales, permit aux biologistes

Quel objectif en 2009 pour la biologie libérale ?

État des lieux et perspectives

Tandis que le décret n° 2007-1494 du 16 octobre 2007 (J.O. du 19 octobre 2007) conférait de nouveaux droits aux laboratoires d’analyses de biologie médicale faisant partie de l’espace européen et que la biologie européenne se concentrait, une loi (un « cavalier législatif ») a failli déréglementer brutalement la biologie libérale française. Aujourd’hui, les directeurs de LABM s’accordent sur le fait qu’ils ont à mettre en place le cadre législatif de la biologie de demain pour éviter que les règles du jeu ne leur soient imposées. Bilan des dernières années et projections dans le futur.

Après une longue trêve de Noël, Roselyne Bachelot, ministre de

la Santé a réanimé le chantier de la biologie médicale le 11 janvier

dernier en chargeant le Dr Michel Ballereau, conseiller général

des établissements de santé, de coordonner les trois groupes de

travail destinés à changer la loi du 11 juillet 1975. En attendant les

résultats de la négociation ouverte le 6 février dernier, nombreuses

sont les interrogations des biologistes. Où en est aujourd’hui la

biologie libérale en France ? Quel cadre l’Europe va-t-elle lui imposer ?

Ce dossier tente de faire un état des lieux et d’envisager les

perspectives.

Page 2: État des lieux et perspectives

formation | dossier

OptionBio | Jeudi 21 février 2008 | n° 39510

de prendre une participation majoritaire dans des sociétés d’exer-cice libéral où ils n’exerçaient pas, la majorité des droits de vote devant rester aux biologistes exerçant dans la structure.

Le début des réseauxDes réseaux commencèrent à se mettre en place, malgré l’ab-sence de cadre juridique adapté, et l’annonce par l’Ordre national des pharmaciens de son intention de revenir sur cette législation. Et, de fait, une loi fut votée permettant, sous condition de parution d’un décret, de revenir sur cette libéralisation (Encadré 2).On lit alors dans le n° 3 (février 2007) de Biologie libérale européenne5 : « La loi PME d’août 20056 permet d’adopter des décrets en Conseil d’État profession par profession selon les nécessités propres à chaque profession. Certains envisagent déjà de supprimer l’alinéa 1 de l’article 5-1 (toute personne physique, morale en exercice ou SPFPL [Société de participa-tion financière de profession libérale] peut détenir plus de la majorité du capital). Ainsi la quasi-totalité des réseaux devront être démantelés dans les deux ans. La plupart des montages juridiques sont basés sur l’alinéa 1 de l’article 5-1 avec une holding d’exercice ayant 99 % de participation dans des SEL [sociétés d’exercice libéral] filles.Les conséquences sont multiples, d’abord financières car le coût des transformations, dissolutions et de réalisations de nouveaux montages sera élevé, mais il y a aussi le risque juri-dique, car bien souvent les transformations de sociétés sont régies par des statuts et des pactes d’associés pouvant rendre difficile ce genre d’opération.

Les conséquences stratégiques sont peut-être encore plus graves : comment avoir une vision claire, des objectifs précis et une stratégie élaborée quand on sait que dans deux ans, maxi-mum, la structure doit être démantelée. Ces démantèlements vont être aussi un frein énorme à la transmission d’entreprises. Comment un futur repreneur va-t-il négocier avec son cédant, sachant que la structure n’est pas pérenne et qu’il faut tout modifier ? Le repreneur exigera que le schéma juridique soit réorganisé avant l’acte de vente, ce qui complique aussi les garanties d’actif et de passif. La transmission des laboratoires risque d’être gelée pour une période très longue ».

Prévoir un cadre législatif pour demainOn en était là – le décret se faisait attendre, des négociations étaient en cours –, quand le fameux “cavalier législatif” faillit déréglementer sauvagement la biologie libérale française. On pût lire alors dans SdBnews public7 du 12 octobre 2007 :« L’article 34 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2008 prévoyait des modifications législatives qui auraient totalement déréglementé notre profession, l’offrant à l’ap-pétit des financiers. Nous avons pu faire retirer cet article parce que nous avions un projet alternatif à proposer, projet qui permet à la fois de libéraliser tout en conservant un cadre réglementaire nécessaire pour une profession de santé. [...] L’article 34 a été un coup de semonce fort ; le texte que nous avons pu faire modifier sera proposé sous forme d’amendement. Il contient toutes les clefs pour faire évoluer notre profession dans le cadre que nous souhaitons. À nous de savoir les utiliser au mieux, car vouloir main-tenir le statu quo serait une attitude suicidaire au moment où tous les indicateurs montrent que, sous la pression de l’Europe ou du désir de relancer la croissance, on entre dans une phase politique de libéralisation à outrance et de déréglementation, dans laquelle la biologie n’est qu’un épiphénomène. »

Conserver un tissu de laboratoires immédiatement opérationnelsEt dans SdBnews public de novembre 2007 : « Déjà des grou-pes français se sont engagés au niveau européen, par le biais d’acquisitions. Ils font appel à des fonds d’investissements pour se développer rapidement. Début août, le groupe suédois Capio achetait le Suisse Unilabs, puis lui transférait l’activité de sa filiale Capio Diagnostics. Depuis, Unilabs se développe et s’est engagé dans une politique d’acquisitions, en France comme à l’interna-tional. Début octobre, le laboratoire Pasteur Cerba a acquis le très important groupe belge de biologie médicale Barc, implanté en Europe, aux États-Unis, en Australie et en Afrique du Sud. Ces groupes ne sont pas les seuls à se développer ainsi. Dans ce contexte, c’est toute l’offre de soins en biologie qui est en train de bouger et, à terme, avec l’effet ciseau de la démographie, il faut s’attendre à ce que le paysage de la biologie médicale soit totalement modifié... à côté des grands réseaux européens, il sera nécessaire de conserver un tissu de laboratoires immédiatement opérationnels dans la prise en charge des patients....»

Loi Dutreil IIDes décrets en Conseil d’État pourront prévoir, compte tenu

des nécessités propres à chaque profession autre que les

professions juridiques et judiciaires, que le premier alinéa ne

s’applique pas lorsque cette dérogation serait de nature à

porter atteinte à l’exercice de la profession concernée, au

respect de l’indépendance de ses membres ou de ses règles

déontologiques propres.

Sauf pour les professions juridiques et judiciaires, le nom-

bre de sociétés d’exercice libéral constituées pour l’exercice

d’une même profession, dans lesquelles une même personne

physique ou morale exerçant cette profession ou une même

société de participations financières de professions libérales

peut détenir des participations directes ou indirectes, peut

être limité dans des conditions prévues par décret en Conseil

d’État selon les nécessités propres de chaque profession.

Loi Dutreil II : loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des

petites et moyennes entreprises.

Loi MurcefPar dérogation au premier alinéa de l’article 5, plus de la

moitié du capital social des sociétés d’exercice libéral peut

aussi être détenue par des personnes physiques ou morales

exerçant la profession constituant l’objet social ou par des

sociétés de participations financières de professions libérales

régies par le titre IV de la présente loi.

Loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001

Page 3: État des lieux et perspectives

dossier | formation

OptionBio | Jeudi 21 février 2008 | n° 395 11

Quel objectif en 2009 pour la biologie libérale ?

Courant janvier 2008, on parlait de mesures pour réviser la loi de 1975 qui seraient opérationnelles en 2009. Combien de biologistes se sont lancés en 1992, dès que les socié-tés d’exercice libéral furent autorisées, dans des acquisi-tions aventureuses, avec des associés qu’ils n’ont pas pris le temps de connaître suffisamment ? On connaît la suite. Normalement, on coopte un biologiste pour s’associer en 6 mois ou 1 an. Et là, pour tout mettre dans la même barque, outil de travail, patrimoine, relations humaines, etc., devrait-on se précipiter ?

Qu’en est-il des grosses structures ?On voudrait faire croire qu’il y a des réseaux partout. Mais les laboratoires concernés seraient au maximum un peu plus de 100, soit à peine 3 % de la biologie française. Il y aurait de gros-ses structures, entre 10 et 20 millions d’euros, qui se seraient créées et seraient passées entre les mains de financiers. Mais il s’agirait de personnes qui auraient peur de ne pas pouvoir vendre, vu leur taille. Enfin, en raison du prix supposé des acquisitions de laboratoires, la marge de ces groupes oscille-rait entre 15 et 20 %. S’est-on demandé ce qu’il serait advenu de ces structures s’il y avait eu une révision de nomenclature plus importante, comme en 1989. Auraient-elles résisté ? Réflé-chissons aux réseaux.

Première solutionIl s’agit de vendre, tout en restant un certain temps pour assu-rer le transfert de la clientèle, et attendre une déréglementa-tion qui permette à l’opérateur de s’organiser autrement. Car on peut penser qu’une fois le secteur “libéralisé”, il n’y aura plus besoin des “mêmes” biologistes. Il en faudra des “moins chers”, comme partout. Dans ce cas, c’est la même chose que de vendre et de se réinstaller. Mais tout le monde n’a pas envie de quitter l’endroit où il exerce pour s’installer ailleurs, pour autant que cela reste possible d’ailleurs.Cette première solution n’intéresserait donc que les biologistes qui désirent quitter la profession, c’est-à-dire les personnes d’un certain âge, car on imagine mal quelqu’un de jeune sans son travail de biologiste. Aujourd’hui, sauf dans de rares cas, la conversion du biologiste est difficile, car la formation et l’expérience sont trop spécialisées.

Deuxième solutionLe biologiste reste dans la structure. Qu’y représente-t-il alors ? A-t-il une voix qui lui permette d’être pris en considération ? Pèse-t-il “quelque chose” dans les décisions ? Devra-t-il obéir, le doigt sur la couture du pantalon8 ? Cela sera-t-il supportable ?En-dehors de ces considérations humaines, d’autres questions se posent concernant le travail de biologiste à proprement parler :– combien de rapports d’activité devra-t-on rendre ? En com-bien d’exemplaires ? Dans quels domaines : l’activité biolo-gique, la comptabilité, les statistiques, etc. ? À combien de sociétés sous-traitantes différentes ?

– quels objectifs devra-t-on respecter ? Quelles seront les “sanctions” au cas où ils ne seraient pas atteints ?– si certain(e)s technicien(ne)s ou secrétaires ne conviennent pas, qui le leur dira, et comment ? Même question pour le choix des techniques et des automates.– le biologiste aura-t-il le choix des transmissions ? Compte tenu de la nouvelle donne européenne, si on lui dit de transmet-tre des prélèvements dans l’espace européen (dont il sait qu’ils seront retransmis en Asie9), pourra-t-il le refuser ?Se pose également la question de la responsabilité : dans plu-sieurs contentieux, des biologistes, qui n’avaient pas vraiment le choix des décisions prises, furent impliqués au même titre que les véritables décisionnaires. Comment pourra-t-on éviter cela dans les réseaux dont on parle ?Pour résumer, dans ces réseaux, le biologiste n’aurait le choix que de vendre et de quitter la profession, ou de devenir un “pilote dans l’avion”. Mais, si à Air-France la place paraît envia-ble, est-ce le cas dans les compagnies low cost ?

Troisième possibilitéImaginons une structure à laquelle les biologistes céderaient leur laboratoire pour un prix “marché” si certains doivent quitter la future structure, sinon à un prix relativement modeste si tout le monde doit rester, afin de ne pas trop endetter la société. Il s’agirait d’une structure où chacun contribuerait de façon significative au capital (100 000 euros, par exemple), et ferait un crédit vendeur, ne distrayant pas tout l’argent de sa capita-lisation, ce qui donnerait de bonnes chances de pérennité à la future structure, même en cas de baisse sensible du B, ou de révision drastique de la nomenclature.Concernant le fonctionnement, la plupart des décisions se pren-draient à majorité renforcée, de manière à ce que pratiquement chaque biologiste soit décisionnaire. Il faudrait bien choisir la forme sociale et élaborer soigneusement le contrat de société ainsi que le pacte d’associés. Chaque année, ou plus, les bio-logistes choisiraient celles et ceux qui dirigeront la société, le personnel, celles et ceux qui s’occuperont des achats, de la comptabilité, etc. Cette structure pourrait exister entre les seuls biologistes, sans financiers, sans actionnaire majoritaire. Il suffi-rait de conseils extérieurs, tels qu’experts-comptables, avocats, consultants, fonctionnant de manière concertée, intervenant sur l’ensemble du territoire, en proximité et au national, ainsi qu’en stratégie sur la France et l’Europe, pour accompagner la structure dans son développement.Ainsi, cette formule permettrait aux biologistes de s’inscrire dans l’évolution qui paraît inéluctable à leur profession, tout en préservant leur métier dans la plénitude de leur exercice. Cela vaut peut-être la peine de prendre le temps de la réflexion. |

GÉRARD GUEZ

Avocat à la Cour de Paris (75)

[email protected]

Notes1. Ce “cavalier législatif” a pu heureusement être retiré du projet de loi de financement de la Sécurité sociale parce qu’il s’apparentait à une disposition étrangère à l’objet du projet de loi.2. Rapport de la Commission pour la Libération de la Crois-sance Française, présidée par Jacques Attali, en ligne : www.liberationdelacroissance.fr3. Loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de finan-cement de la Sécurité sociale pour 2008 publiée au JO du 21 décembre 20074. La loi Murcef (portant mesu-res urgentes de réformes à caractère économique et financier) a été adoptée défini-tivement le 21 novembre 2001 (L.2001-1168). Son décret d’application n’est toujours pas pris pour les laboratoires d’ana-lyses de biologie médicale.5. Biologie libérale européenne : revue du Syndicat de la biologie libérale européenne.6. Loi Dutreil II : loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.7. SdBnews public : publication du Syndicat des biologistes.8. Position du respect, de sou-mission craintive ; au garde à vous.9. Voir ar t ic le Nouvel le r é d a c t i o n d e l ’ a r t i c l e L.6211-2-1 pages 12-13.