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Etre noble au XVe siècle Introduction : La noblesse, depuis son apparition dans l’Antiquité, a beaucoup évolué. Bien que représentant seulement 1 à 2% de la population du royaume de France, la noblesse connait un pouvoir particulièrement important. Descendante directe de la chevalerie, la noblesse va connaitre à la fin de la période médiévale et notamment au XVe siècle, une mutation sans précédent. Ces changements vont intervenir plus précisément dans la composition de la classe nobiliaire. Cependant, la noblesse se définit par des caractéristiques propres. Dès lors, quelle (s) définition (s) pouvons-nous donner à la classe nobiliaire, dans le royaume de France au XVe siècle ? Pour répondre à cette question, nous verrons, dans un premier temps, qu’être noble revient, avant tout, au fait de « paraitre noble ». Puis, nous étudierons l’explication commune voulant que les privilèges de la classe nobiliaire soient issus de sa participation au service militaire auprès des rois. Enfin, dans une troisième partie, la question de la crise complexe qui touche la noblesse au XVe siècle. 1/ Naitre et Paraitre noble. 1.1/ La naissance et l’éducation. Etre noble c’est avant tout naitre de parents nobles. En effet, la coutume voulait, que le sang transmettait certaines valeurs et plus particulièrement le courage et la bravoure dans le cas de la noblesse. De même que, l’héritage de ses valeurs et par conséquent de la noblesse se faisait par le père dans la majorité des cas ou plus exactement des régions. Il faut noter que ce n’était pas le cas partout dans le royaume, comme en Champagne, où la mère pouvait transmettre la noblesse. Il

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Etre noble au XVe siècle

Introduction :

La noblesse, depuis son apparition dans l’Antiquité, a beaucoup évolué. Bien que représentant seulement 1 à 2% de la population du royaume de France, la noblesse connait un pouvoir particulièrement important. Descendante directe de la chevalerie, la noblesse va connaitre à la fin de la période médiévale et notamment au XVe siècle, une mutation sans précédent. Ces changements vont intervenir plus précisément dans la composition de la classe nobiliaire. Cependant, la noblesse se définit par des caractéristiques propres.

Dès lors, quelle (s) définition (s) pouvons-nous donner à la classe nobiliaire, dans le royaume de France au XVe siècle ?

Pour répondre à cette question, nous verrons, dans un premier temps, qu’être noble revient, avant tout, au fait de « paraitre noble ». Puis, nous étudierons l’explication commune voulant que les privilèges de la classe nobiliaire soient issus de sa participation au service militaire auprès des rois. Enfin, dans une troisième partie, la question de la crise complexe qui touche la noblesse au XVe siècle.

1/ Naitre et Paraitre noble.

1.1/ La naissance et l’éducation.

Etre noble c’est avant tout naitre de parents nobles. En effet, la coutume voulait, que le sang transmettait certaines valeurs et plus particulièrement le courage et la bravoure dans le cas de la noblesse. De même que, l’héritage de ses valeurs et par conséquent de la noblesse se faisait par le père dans la majorité des cas ou plus exactement des régions. Il faut noter que ce n’était pas le cas partout dans le royaume, comme en Champagne, où la mère pouvait transmettre la noblesse. Il s’agit dans ce cas de ce que l’on appelait la « noblesse par le ventre ».

Nous voyons donc l’importance pour la noblesse d’appartenir à une « maison », une lignée généalogique. Cette famille est source de fierté, que ce soit dans la seigneurie ou à la cour. On remarque également l’importance donnée au nom, au blason, aux armes, parfois à la devise, liés à la « maison ». Bref, la famille est un concept des plus importants pour la noblesse. Il faut, pour chaque membre qui la compose, contribuer au prestige et à la renommée de la « maison ». Ainsi, nous pouvons plus facilement comprendre la nécessité de l’utilisation du droit d’ainesse. En effet, lors du partage de l’héritage, afin de ne pas diviser le domaine et maintenir le prestige d’une « maison », l’aîné pouvait prétendre à recevoir la plus grande part du domaine et des titres.

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Concernant le mariage noble, celui-ci unit le plus souvent deux personnes de même conditions sociale. Il est plus précoce que les unions entre non nobles. Cette précocité explique l’arrivée rapide des premiers enfants et par conséquent la forte natalité des familles nobles. Ainsi, le renouvellement de cette classe sociale est généralement assez facile en dehors d’épisodes particulier comme la guerre, la famine ou les épidémies. Il faut de plus ajouter que la légitimation des « bâtards » est fréquente et quelle permet elle aussi d’assurer le renouvellement démographique de la noblesse.

Une seconde explication est parfois mise en avant dans l’explication de l’origine de la noblesse. Cette conception affirme que la naissance est une condition nécessaire mais pas suffisante. Un autre facteur entre en compte à savoir l’éducation. En effet, le jeune noble se doit d’être cultivé dans l’optique de mieux porter les valeurs nobles. Cette éducation vise à faire de lui un bon chrétien dans un premier temps et, dans un second temps à le diriger vers une activité rentable. Ces dernières sont souvent de trois types : la « clergie », la guerre ou le service honorable d’un seigneur, d’un prince ou d’un roi. Si l’on reprend la pensée d’Antoine de la Sale (XXXXXXXXXXXXXXXX), deux carrières s’offrent au jeune noble à savoir : une carrière militaire et courtoise et une carrière ecclésiastique et juristique. En effet, beaucoup de jeunes nobles sont dirigés vers la religion. Il s’agit le plus souvent des cadets qui ne peuvent prétendre à l’héritage des terres de certains titres du fait du droit d’ainesse déjà évoqué.

1.2/ Le genre de vie noble.

Nous venons de le voir, être noble c’est avant tout naitre noble. Mais, par la suite, la naissance ne peut suffire à maintenir la noblesse. Il faut pour chaque noble s’affirmer comme tel mais surtout être vu comme tel. Ainsi, on remarque l’émergence d’un nouveau concept : le fait de « vivre noblement ». Ce fait permet d’opérer une distinction nette avec les non-nobles, ce que l’on appelle la roture. Il existe donc une catégorisation des choses à faire ou à ne pas faire afin de répondre aux exigences de la vie noble.

En premier lieu, le noble n’est pas libre de choisir son activité professionnelle. En effet, il doit selon la coutume vivre de ses rentes, des profits liés à la gestion et la culture de ses terres. Ainsi, certaines activités sont en inadéquations avec l’état de noblesse. Il s’agit par exemple du négoce (hormis le commerce en gros dans certaines régions) ou encore de la quasi-totalité des professions manuelles et en particulier la culture des champs.

En second lieu, la noblesse doit se caractériser par un genre de vie rythmé par des activités quotidiennes particulières. En effet, celles-ci doivent permettre au noble, selon l’opinion commune, de vivre de façon oisive. Ainsi, au quotidien, un noble devait d’adonner à des activités courtoises telles que la chasse, la musique, les jeux. Cependant, il faut véritablement nuancer cette idée car il apparait comme évident que tous les nobles ne pouvaient pas suivre ce mode de vie.

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Enfin, la vie noble était particulièrement marquée par l’ostentation, de plus en plus en vogue à la fin de la période médiévale. La classe nobiliaire se devait de vivre dans des châteaux ou des manoirs dans lesquels elle organisait de somptueuses fêtes afin d’éblouir et fidéliser toute une clientèle. Mais l’exemple qui exprime le mieux l’ostentation de la noblesse reste l’habillement. Celui-ci se devait d’être riche et cher afin de se démarquer de la roture.

En bref, le genre de vie noble ne répondait qu’à un seul impératif : maintenir les barrières sociales. Le noble, afin de tenir son rang, devait apparaitre comme tel au risque de se rapprocher de la classe roturière et ainsi déroger à la noblesse. Vivre noblement permettait d’affirmer sa condition. Prenons l’exemple le plus courant pour illustrer ce fait : lors d’enquête menées auprès de la population, le noble correspondait, entre autres, à celui dont le mode de vie se rapprochait de la noblesse. Par conséquent, le fait de vivre noblement permettait deux choses : premièrement affirmer sa noblesse comme nous l’avons vu, mais également s’introduire dans cet état en se donnant une image noble et donc en étant vu comme tel.

Transition : nous venons de le voir, la noblesse tient son origine de la naissance et de l’éducation. Par la suite, il faut réussir à affirmer cette appartenance par un genre de vie particulier. La noblesse va donc chercher à maintenir des barrières sociales afin de renforcer la distinction entre la classe nobiliaire et la roture. Le noble doit apparaitre comme un modèle pour la société et ainsi prendre la direction du corps social. Ce fait est renforcé par sa participation au service armé.

2/ De la guerre aux privilèges.

2.1/ L’idéal guerrier.

L’idéal guerrier constitue une autre définition de la noblesse. Il s’agit en effet de l’un des traits distinctifs de la classe nobiliaire. Ainsi, les nobles le rappellent régulièrement au roi comme ce fut le cas aux états généraux de Tours en 1484. Nous le voyons donc, la guerre définit l’aristocratie. Mais il faut comprendre que cet idéal guerrier peut se traduire sous deux formes : premièrement le service armé auprès du roi et deuxièmement par la guerre privée à laquelle la noblesse s’adonne encore régulièrement.

La guerre publique, la participation à l’ost constitue une valeur porteuse pour la noblesse. En effet, le dévouement militaire au service du roi est l’une des premières obligations que se donnent les nobles, en vertu du système féodal. Ainsi, les rois et les princes peuvent compter sur la noblesse dans la participation à l’effort de guerre, que ce soit par la présence physique ou encore par une participation financière.

Cependant, on remarque que la semonce, la convocation à l’ost, est de moins en moins respectée. Ce fut le cas notamment lors de la semonce de 1421, sous XXXXXXX, où les absences sont nombreuses. Le roi menace alors directement la noblesse de réquisition de

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fiefs, de démantèlements de châteaux voire même de dérogeance. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène :

Les défaites françaises successives, le retard dans les versements des pensions mais aussi, nous le verrons plus tard, la baisse des rentes seigneuriales constituent des freins importants pour la participation à la guerre. De plus, cette dernière nécessite de plus en plus d’argent. Les instruments de guerres doivent être améliorés, les batailles ont un coût de plus en plus important, en chevaux notamment. Ainsi, beaucoup de nobles préfèrent dons renoncé aux combats qui grèveraient leur budget.

Un autre facteur peu également être pris en compte : la guerre correspond de moins en moins à l’idéal chevaleresque mis en avant par la noblesse. En effet, la bataille à cheval est de plus en plus dangereuse face aux archers anglais. Les nobles sont donc de plus en plus contraints de se battre à pieds et ainsi, ils vont rejoindre et être mis au même niveau que les simples fantassins.

Mais malgré tout, l’armée royale attire encore beaucoup de nobles et notamment l’armée permanente mise en place en XXXX. En effet, la classe nobiliaire devient le cœur de l’armée en mutation dont elle fournit les cadres. Le service militaire constitue encore l’un des aspects primordial dans le code d’honneur de la noblesse et il constitue également une grande source de rémunération.

Nous venons de voir la place de la noblesse dans l’ost royal mais il faut préciser qu’elle prend encore les armes en dehors du service royal. Des troupes, plus ou moins importantes, se constituent autour des nobles et se livre à des pillages. Il arrive parfois que la royauté encourage ces actions si elle y trouve son intérêt. Mais généralement, elle condamne cette violence gratuite.

Ainsi, que se soit par le service au roi ou par la guerre, la noblesse continue à mettre en avant l’idéal chevaleresque dans ses grands. On remarque malgré tout une diminution, en proportion des adoubements. Concernant l’organisation de tournois, celles-ci ne diminue pas de manière sensible mais on remarque qu’elles sont de plus en plus encadrées et sécurisées.

2.2/ Exemption fiscale et honneurs. 

La participation au service militaire explique régulièrement l’exemption fiscale. La monarchie et la noblesse mettent en avant la notion « d’impôt du sang ». Ainsi, le roi fait comprendre à la noblesse qu’elle lui rend un service important du fait de sa participation à l’effort de guerre.

Les nobles ne sont pas astreints à payer certains impôts et ils le rappellent à Louis XI en 1465. Ils sont par exemple exempts du paiement de la taille. Cependant, certains impôts indirects sont également concernés. En effet, les nobles ne sont pas soumis au paiement de

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taxes sur certains produits, comme les armes par exemple. Enfin, la noblesse est exemptée fiscalement sur la taxe de franc-fief et peuvent ainsi acheter librement des terres nobles.

Mais attention, l’exemption fiscale pour la noblesse n’est pas totale. Plusieurs cas le prouvent : les amendes en cas de non présentation à l’ost, le paiement de rançons afin de libérer le suzerain, ou encore dans des cas extraordinaire de guerre mais les nobles sont aussi imposables dans certaines villes.

La noblesse se caractérise également par certains pouvoirs et préséances. Ils ont par exemple leur propre représentation aux états généraux et provinciaux leur permettant ainsi de constituer un véritable groupe de pression. Mais ils ont aussi des places réservées sur certains bénéfices ecclésiastiques ou encore dans l’administration. En effet, les nobles estiment avoir une place privilégiée auprès du roi et notamment dans les grandes institutions. Ils le rappellent d’ailleurs au roi en 1410 au sujet de l’élection de la Chambre des Enquêtes et de la Chambre des Requêtes au Parlement de Paris.

La noblesse bénéficie également de privilèges en matière judiciaire puisqu’ils portaient directement procès au tribunal du bailliage.

Enfin, la noblesse pouvait prétendre à des privilèges plus honorifiques comme par exemple le droit de porter les armes en tous lieux, le droit de chasse (notamment après les mesures royales de restriction de ce droit).

3/ Le XVe siècle de la noblesse : entre extinction et renouvellement.

3.1/ Vers une extinction de la noblesse ?

La classe nobiliaire doit subir plusieurs crises à la fin de la période médiévale. Tout d’abord, elle du surmonter une crise morale et identitaire au XIVe siècle à la suite des défaites françaises successives dont les causes leurs sont attribuées. Mais on remarque que cette crise est surmontée en quelques décennies.

La crise qui intervient au XVe siècle prend qu’en a elle une toute autre forme. La noblesse subit les malheurs des temps que se soit de façon directe ou indirecte.

En effet, bien qu’elle résiste mieux aux famines et parfois aux épidémies, la classe nobiliaire est particulièrement atteinte par les batailles qui la déciment.

L’aristocratie est également atteinte par les répercutions des crises climatiques et épidémiques à l’origine de la dépression démographique. En effet, la main d’œuvre vient rapidement à manquer du fait de la mort ou de l’exode des populations. La gestion et la culture des terres deviennent de plus en plus difficiles. Afin d’attirer ou de maintenir la main d’œuvre, la noblesse augmente les salaires, mais elle diminue également les loyers. Ainsi, on remarque une chute importante des revenus fonciers pour une grande partie de l’aristocratie.

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Combiné à ce fait, les dépenses de la classe nobiliaire sont en hausse permanente afin de lui permettre de conserver son train de vie et par conséquent son rang. De même que l’armement pour la guerre ou les fortifications grèvent les budgets. Ainsi, les emprunts et les dettes se multiplient. La noblesse commence à perdre ses moyens et par conséquent son rôle de protection de la population qui, je le rappelle, justifient en partie ses privilèges.

Plusieurs réponses sont apportées à cette crise de la noblesse :

En premier lieu, beaucoup de nobles quittent leur seigneurie pour la ville où ils s’installent afin d’entrer dans le négoce, au risque de déroger à leur condition.

Au contraire, d’autres familles vont tenter d’améliorer la gestion de leurs terres en s’appuyant sur la science des agronomes. Cette solution parvient à faire ses preuves mais elle est très onéreuse, c’est pourquoi seules les grandes familles nobles peuvent y recourir. D’autres vont tout simplement tenter de maintenir la culture de leurs terres par la force.

Enfin, afin de sortir de cette crise, une grande partie de l’aristocratie va se rapprocher et demander la protection du roi ou d’un prince. En effet, ces derniers sont riches du fait des grandes rentrées fiscales en temps de guerre. La noblesse va donc se diriger vers l’armée permanente ou encore la bureaucratie. La classe nobiliaire va envahir l’appareil d’Etat car, en se dirigeant vers l’administration, elle parvient à retrouver le pouvoir et les richesses perdues dans la seigneurie en crise.

Quoi qu’il en soit, on remarque une multiplication des cas de dérogeance, dans les couches les plus basses de la noblesse qui vont petit à petit glisser vers la roture. Des familles entière disparaissent que ce soit biologiquement ou économiquement. Il faut cependant faire attention car ces familles disparaissent des textes et nous pouvons imaginer que des regroupements de « maisons » se sont faits par des unions maritales permettant de maintenir le statut aristocratique de certaines familles. En effet, certaines ont su profiter de la crise afin d’étendre leur pouvoir et leurs richesses en rachetant des terres et en négociant des alliances.

Malgré tout, les malheurs des temps ont frappé durement la classe nobiliaire. Des vides se sont formés dans toute cette frange de la population. Vides rapidement comblés par l’entrée de nouveaux nobles au XVe siècle, permettant ainsi un renouvellement de l’état de noblesse.

3.2/ L’apparition d’une nouvelle noblesse.    

Le XVe siècle donne lieu à un phénomène nouveau à savoir une explosion du nombre d’hommes d’origine roturière dans l’administration. Ces derniers, généralement issus de la finance, du négoce ou du droit, sont le plus souvent dotés d’une formation très poussée mais également ils se caractérisent par un attachement particulièrement important vis-à-vis du roi. Ces officiers et ces légistes sont les principaux bénéficiaires des anoblissements.

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Cependant, il faut préciser seul le Prince à le pouvoir d’anoblir. Quoi qu’il en soit, cette arrivée de nouveaux nobles permet le renouvellement de la classe nobiliaire.

La lettre d’anoblissement est la première voix d’accès officielle à l’état nobiliaire. Celles-ci sont sujettes à de nombreuses demandes mais peu sont accordées. En effet, entre 1380 et 1498, seules 1145 lettres sont délivrées par les rois de France. Ainsi, on remarque que seule une dizaine de lettres sont accordées par an, en moyenne, durant tout le XVe siècle. Les princes ont également anoblis en utilisant ce même système et ce en dépit du monopole royal. Par exemple, en Bretagne, au XVe siècle, on dénombre autour de 600 anoblissements de la part des ducs dans le but d’un renforcement de l’effectif militaire. En effet, le service à la guerre semble être la première cause d’anoblissement en comparaison aux services non militaires comme la finance ou l’université. Quoi qu’il en soit, les lettres de noblesses sont trop peu nombreuses et ne permettent d’expliquer le renouvellement de la classe nobiliaire.

La détention d’un office permet, elle aussi, d’atteindre la noblesse. Seulement, seules les charges les plus importantes accordent la distinction nobiliaire. Cependant, même si tous les offices n’anoblissent pas, ils offrent tous les avantages de la noblesse, en raison des pensions qui leur sont attribués notamment et du genre de vie qu’ils permettent. On remarque paradoxalement que les détenteurs des offices ne recherchent pas toujours l’anoblissement. La raison est que celui impliquait la participation au service militaire et les rois n’en voyaient pas réellement la nécessité en ce qui concernait les hommes de la finance par exemple. Deux exceptions existent cependant : les sergents du roi ainsi que ses notaires et secrétaires sont considérés comme nobles en raison de leur fonction importante auprès du monarque.

Depuis Charles V, la détention d’une magistrature communale est elle aussi une voie d’accès à la noblesse. Les rois ont, en effet, pris l’habitude d’anoblir les conseillers municipaux afin de récompenser leur fidélité ou encore, dans le but de les rallier à leur cause. Par exemple, les magistratures parisiennes anoblissent leurs détenteurs en 1372 (correspond à Charles V ??). Les maires de Poitiers sont anoblis en 1412, suivis par ses échevins en 1457. Le choix de ces villes n’est pas anodin puisqu’il s’agit des lieux de résidences du roi mais aussi du cœur de son administration. Ainsi, nait ce que l’on appelle la noblesse de clocher ou encore la noblesse de beffroi selon les régions.

Enfin, il existe des cas d’anoblissements collectifs octroyés par les rois. Ce fut notamment le cas en Normandie en 1470 lorsque Louis XI anoblit tous les roturiers détenteurs de fiefs nobles en échange du versement d’une somme forfaitaire de 47250 livres pour toute la région. Cependant, par la suite, le monarque imposait certaines conditions : il ne fallait pas pour ces nouveaux nobles dégrader l’image de la classe nobiliaire. Ils devaient par conséquent mener une vie noble, auquel cas, ils seraient de nouveaux astreints au paiement de la taille. Cet exemple confirme un fait voulant que depuis plusieurs décennies, des roturiers se sont attachés à paraitre noble. Ce en achetant des terres nobles puis en menant une vie riche afin d’introduire à la longue l’état de noblesse. Mais cette voie était ni aisée ni rapide.

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On le voit donc, la noblesse attire la roture et on dénombre plusieurs exemples où des bourgeois se décident à quitter leurs conditions, et notamment leur activité marchande, afin de s’attribuer, en l’imitant, la noblesse. Ils achètent des fiefs, vivent noblement, se lient matrimonialement à d’autres familles nobles, allant même parfois jusqu’à s’inventer une généalogie. C’est ce qu’Aurell appelle le « vieillissement artificiel de la noblesse ».

Evidemment cette arrivée massive de roturier à l’intérieur de la classe nobiliaire a entrainé des tensions et des luttes vis-à-vis de l’ancienne noblesse. Les raisons de cet affrontement sont majoritairement matérielles et financières. La haute aristocratie voulant garder son pouvoir et ses richesses mais également le contrôle de l’appareil d’Etat.

Conclusion.

En conclusion, la noblesse se définit, nous l’avons vu, par des caractéristiques propres. Etre noble, c’est avant tout naitre noble et recevoir une éducation adéquate. Ces deux éléments permettent d’opérer une première distinction entre la noblesse et la roture. Cependant, par la suite, la classe nobiliaire va s’efforcer à vivre de manière noble afin de renforcer ces barrières sociales et ainsi confirmer la suprématie de son statut dans la société. Mais la noblesse se caractérise également par des privilèges, des prééminences et des honneurs. Selon l’opinion commune, ces derniers trouvent leurs origines dans le service militaire à l’ost. Cette activité auprès du roi est considérée comme étant la fonction première de la noblesse. Plus généralement, nous l’avons vu, l’idéal chevaleresque est indissociable de la mentalité noble.

Le tournant qui intervient au XVe siècle est particulièrement intéressant. A cette date, on assiste à une véritable mutation de la classe nobiliaire. Les « malheurs des temps » entrainent l’extinction d’une partie de la noblesse. Mais celle-ci se renouvelle au fur et à mesure, par l’arrivée de nouveaux nobles suite à la multiplication des anoblissements officiels et officieux. Ce couple extinction-renouvellement de la classe nobiliaire explique, en partie, la diversité de la noblesse, malgré une certaine unité affichée, liée aux autres caractéristiques générales que nous avons définit. Cette mutation au XVe siècle, par l’ouverture de la noblesse à la riche roture et aux « talents » marque le déclanchement d’un processus qui va se renforcer et se développer véritablement au XVIe siècle en France.