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ÉTUDE D’IMPACT DE LA CONVERSION DES FONCIÈRES COTÉES AUX NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES (1) D ans cet article, nous présentons une étude d’impact du passage aux normes IFRS des foncières cotées à partir de l’étude de l’information sur la transition diffusée début 2005 par dix d’entre-elles. Ayant pour vocation principale l’acqui- sition ou la construction d’immeubles en vue de leur location ou la détention de participations dans des sociétés ayant un objet social identique, les foncières cotées détiennent, directement ou par l’intermédiaire de leurs filiales, un patri- moine composé d’immeubles de bureau, de locaux d’activités, d’immeubles à usage d’habitation ou encore de centres commerciaux. De forme juridique SA, les dix foncières cotées étudiées sont membres de la fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF) qui regroupe au total plus d’une trentaine de sociétés foncières (foncières privées, sociétés d’économie mixte immobi- lières…) dont les foncières cotées ayant les plus fortes capitalisations boursières de la Bourse de Paris (3) . Du point de vue méthodologique, l’information sur la transition a été collectée à partir des sites internet des sociétés concernées. De manière générale, elle fait suite à la publi- cation en 2004 d’une information nar- rative portant sur l’avancement du pro- jet de conversion aux IFRS et sur les principales divergences (4) . Conformément à IFRS 1 et aux recommandations de l’AMF, les foncières cotées ont complé- té en 2005 l’information sur la transi- tion en indiquant, notamment, les options retenues et les impacts chiffrés des divergences entre les référentiels français et international. Pour ces socié- tés à exercices calendaires, on rappelle- ra que les premiers comptes annuels éta- blis selon le référentiel IFRS seront publiés début 2006 au titre de l’exercice clôtu- rant au 31 décembre 2005 (et au plus tard fin octobre, pour les comptes semes- triels IFRS 2005 (5) ). En effet, jusqu’au 31 décembre 2004, les foncières cotées pré- sentaient leurs comptes consolidés conformément au référentiel français par application soit du règlement 99- 02 applicable aux sociétés commerciales, soit du règlement 99-07 modifié par le règlement 00-04 concernant les entre- prises relevant du comité de réglemen- tation bancaire et financière. On distinguera ici, d’une part, les prin- cipales options retenues dans le bilan d’ouverture conformément aux excep- tions facultatives offertes par IFRS 1 et, d’autre part, les divergences identifiées par les foncières étudiées en régime de croisière. Les principales divergences entre les normes IFRS et les règles françaises Spécial IAS/IFRS R.F.C. 380 Septembre 2005 50 Résumé de l’article Plusieurs études sur le passage aux normes IFRS ont été récemment publiées pour ce qui concerne, par exemple, les groupes européens (Mazars, Ernst and Young, etc.), les groupes français (baromètre KPMG – Cartesis, etc.) ou encore les sociétés du CAC 40 (FinHarmony, etc.). Dans cet article, notre propos vise à étudier l’impact de la conversion aux normes IFRS dans un secteur spéci- fique, qu’est l’immobilier, avec le cas des foncières cotées. Dans le cadre de cette transition, nous examinons ici successivement les principales diver- gences identifiées et les impacts finan- ciers sur les comptes consolidés des foncières cotées. 1. Nous remercions la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Douai de nous avoir accordé une subvention en vue de réaliser cette étude. 2. Titulaire du certificat IFRS délivré par les institutions (CSOEC et CNCC). 3. Selon la FSIF (www.fsif.fr), celles-ci repré- sentent plus de 95 % de la capitalisation bour- sière du compartiment des foncières cotées, SIIC et non SIIC. En outre, parmi les 10 fon- cières étudiées, 6 d’entre elles font partie de l’indice sectoriel Euronext “immobilier” compo- sé actuellement de 9 valeurs foncières cotées de référence. 4. Sur ce point, voir notre étude approfondie à paraître dans la Revue sciences de gestion (cf. bibliographie en fin d’article). 5. Voir, en ce sens, par exemple, les avis financiers publiés par quatre foncières cotées dans la Tribune du 29 juillet 2005, pp. 5, 7, 9 et 15. Eric TORT Expert-comptable certifié IFRS (2) Docteur en sciences de gestion

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ÉTUDE D’IMPACT DE LA CONVERSIONDES FONCIÈRES COTÉES AUX NORMESCOMPTABLES INTERNATIONALES (1)

D ans cet article, nous présentons une étude

d’impact du passage aux normes IFRS des foncières cotées à partir de l’étude de l’information sur la transition diffusée début 2005 par dix d’entre-elles.

Ayant pour vocation principale l’acqui-sition ou la construction d’immeublesen vue de leur location ou la détentionde participations dans des sociétés ayantun objet social identique, les foncièrescotées détiennent, directement ou parl’intermédiaire de leurs filiales, un patri-moine composé d’immeubles de bureau,de locaux d’activités, d’immeubles àusage d’habitation ou encore de centrescommerciaux. De forme juridique SA,les dix foncières cotées étudiées sontmembres de la fédération des sociétésimmobilières et foncières (FSIF) quiregroupe au total plus d’une trentainede sociétés foncières (foncières privées,sociétés d’économie mixte immobi-lières…) dont les foncières cotées ayantles plus fortes capitalisations boursières

de la Bourse de Paris (3). Du point de vueméthodologique, l’information sur latransition a été collectée à partir des sitesinternet des sociétés concernées. Demanière générale, elle fait suite à la publi-cation en 2004 d’une information nar-rative portant sur l’avancement du pro-jet de conversion aux IFRS et sur lesprincipales divergences(4). Conformémentà IFRS 1 et aux recommandations del’AMF, les foncières cotées ont complé-té en 2005 l’information sur la transi-tion en indiquant, notamment, lesoptions retenues et les impacts chiffrésdes divergences entre les référentielsfrançais et international. Pour ces socié-tés à exercices calendaires, on rappelle-ra que les premiers comptes annuels éta-blis selon le référentiel IFRS seront publiésdébut 2006 au titre de l’exercice clôtu-rant au 31 décembre 2005 (et au plustard fin octobre, pour les comptes semes-

triels IFRS 2005 (5)). En effet, jusqu’au 31décembre 2004, les foncières cotées pré-sentaient leurs comptes consolidésconformément au référentiel françaispar application soit du règlement 99-02 applicable aux sociétés commerciales,soit du règlement 99-07 modifié par lerèglement 00-04 concernant les entre-prises relevant du comité de réglemen-tation bancaire et financière.

On distinguera ici, d’une part, les prin-cipales options retenues dans le biland’ouverture conformément aux excep-tions facultatives offertes par IFRS 1 et,d’autre part, les divergences identifiéespar les foncières étudiées en régime decroisière.

Les principales divergencesentre les normes IFRS etles règles françaises

Spécial IAS/IFRS

R.F.C. 380 Septembre 2005

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Résumé de l’article

PPlluussiieeuurrss ééttuuddeess ssuurr llee ppaassssaaggee aauuxxnnoorrmmeess IIFFRRSS oonntt ééttéé rréécceemmmmeennttppuubblliiééeess ppoouurr ccee qquuii ccoonncceerrnnee,, ppaarreexxeemmppllee,, lleess ggrroouuppeess eeuurrooppééeennss((MMaazzaarrss,, EErrnnsstt aanndd YYoouunngg,, eettcc..)),, lleessggrroouuppeess ffrraannççaaiiss ((bbaarroommèèttrree KKPPMMGG ––CCaarrtteessiiss,, eettcc..)) oouu eennccoorree lleess ssoocciiééttééssdduu CCAACC 4400 ((FFiinnHHaarrmmoonnyy,, eettcc..))..

DDaannss cceett aarrttiiccllee,, nnoottrree pprrooppooss vviissee ààééttuuddiieerr ll’’iimmppaacctt ddee llaa ccoonnvveerrssiioonn aauuxxnnoorrmmeess IIFFRRSS ddaannss uunn sseecctteeuurr ssppééccii--ffiiqquuee,, qquu’’eesstt ll’’iimmmmoobbiilliieerr,, aavveecc llee ccaassddeess ffoonncciièèrreess ccoottééeess.. DDaannss llee ccaaddrree ddeecceettttee ttrraannssiittiioonn,, nnoouuss eexxaammiinnoonnss iicciissuucccceessssiivveemmeenntt lleess pprriinncciippaalleess ddiivveerr--ggeenncceess iiddeennttiiffiiééeess eett lleess iimmppaaccttss ffiinnaann--cciieerrss ssuurr lleess ccoommpptteess ccoonnssoolliiddééss ddeessffoonncciièèrreess ccoottééeess..

1. Nous remercions la compagnie régionaledes commissaires aux comptes de Douai denous avoir accordé une subvention en vue deréaliser cette étude.

2. Titulaire du certificat IFRS délivré par lesinstitutions (CSOEC et CNCC).

3. Selon la FSIF (www.fsif.fr), celles-ci repré-sentent plus de 95 % de la capitalisation bour-sière du compartiment des foncières cotées,SIIC et non SIIC. En outre, parmi les 10 fon-cières étudiées, 6 d’entre elles font partie del’indice sectoriel Euronext “immobilier” compo-sé actuellement de 9 valeurs foncières cotées deréférence.

4. Sur ce point, voir notre étude approfondieà paraître dans la Revue sciences de gestion(cf. bibliographie en fin d’article).

5. Voir, en ce sens, par exemple, les avisfinanciers publiés par quatre foncières cotéesdans la Tribune du 29 juillet 2005, pp. 5, 7, 9et 15.

Eric TORTExpert-comptable certifié IFRS (2)

Docteur en sciences de gestion

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Les options retenues dans le cadredu bilan d’ouverture en IFRS (6)

Parmi les exemptions facultatives offertespar IFRS 1, on relève les cinq points sui-vants :

■ 50 % des foncières disent ne pas retrai-ter les regroupements antérieurs à la datede transition conformément à l’optiond’IFRS 1 (50 % ne se prononcent pas).

■ 2 sociétés précisent opter pour laremise à zéro, à la fois, des écarts actua-riels cumulés concernant les indemni-tés de fin de carrière et des écarts deconversion relatifs aux comptes desfiliales étrangères (transfert en réservesconsolidées).

■ Aucune société ne précise avoir modi-fié les valeurs bilantielles des actifs cor-porels et incorporels (hors immeublesde placement) en optant pour une rééva-luation à la date de transition commele prévoit une des principales optionsfacultatives d’IFRS 1.

■ 4 sociétés ont opté pour l’applicationdes normes IAS 32/39 à compter du1er janvier 2005 contre 5 en faveur d’uneapplication anticipée au 1er janvier 2004.

■ Enfin, toutes les sociétés sans excep-tion ont retenu, comme coût présuméde leurs immeubles de placement, uneréévaluation à la juste valeur réalisée :

• soit, à la date de transition par voie d’ex-pertise indépendante (5 cas) ou suite àl’adoption du statut SIIC en 2004 (1 cas) ;

• soit, à une date antérieure, confor-mément à IFRS 1, dans le cadre de lacomptabilisation de valeurs réévaluéesrésultant de l’adoption du statut SIIC en2003 (4 cas).

Globalement, 90 % des foncières étu-diées ont opté pour le statut SIIC aveccomptabilisation concomitante de laréévaluation du parc immobilier dansles comptes consolidés en 2003 sauf uncas en 2004 (cf. tableau 1).

Les principales divergencesissues des normes relatives aux actifsNous présentons ici les divergences prin-cipales évoquées par les foncières cotéesde notre échantillon résultant de l’ap-plication des normes relatives aux actifs.

IAS 40 (8) : cette norme est la plus déter-minante pour les foncières puisqu’elles’applique aux actifs immobiliers d’in-vestissement qui représentent, en moyen-ne, 90 % de leur actif total. Alors qu’ellesont toutes procédé à une réévaluationdans le bilan d’ouverture en IFRS, ellessont partagées, de manière égale, s’agis-sant du modèle d’évaluation de croisiè-re retenu pour les immeubles de place-ment. En effet, 50 % ont choisi le modèlede la juste valeur et l’autre moitié le modè-le du coût assorti d’une réévaluation dansle bilan d’ouverture (option IFRS 1). Cettedernière solution permet à l’entreprised’améliorer ses capitaux propres d’ou-verture sans lui faire supporter les risquesfuturs de volatilité des résultats liés auxvariations de juste valeur. A cet égard, les5 sociétés concernées par cette solutiondéclarent avoir mis en place une approchepar composants de leurs immeubles (9) etavoir annulé les provisions pour grossesréparations existantes, interdites en IFRS(IAS 16).

IAS 32/39 : les sociétés font référence,dans la quasi-totalité des cas à la néces-sité d’actualiser les créances et dettesassorties de paiement différé. Le cas sou-vent cité est celui des dépôts de garan-tie versés par les locataires. En outre, lamoitié d’entre elles confirme l’applica-tion de la méthode du coût amorti aveccalcul au taux d’intérêt effectif de l’amor-tissement des emprunts.

En matière de couverture de la dette,80 % des foncières ont recours, à diffé-rents degrés, à des instruments de typeswap, cap ou floor. En l’espèce, elles doi-vent procéder à la comptabilisation deces instruments à la juste valeur, aprèséventuelle séparation de l’actif sous-jacent, à partir de 2005 ou dans le biland’ouverture en cas d’application antici-pée d’IAS 32/39.

Dans cette dernière catégorie, on trou-ve précisément les foncières :

• qui indiquent avoir comptabilisé à lajuste valeur des titres classés en dispo-nibles à la vente et des valeurs mobi-lières de placement (40 %) ;

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Etudes

Abstract

Several surveys upon the first timeapplication (FTA) of IFRS have beenrecently published as regards Europeancompanies (Mazars, Ernst and Young…),French groups (KPMG - Cartesis…) andmajor French listed companies(FinHarmony…).

In this paper, we study the impact fromFTA of IFRS in a specific sector, which isreal estate, with the case of listed com-panies specialised in property sector. Inparticular, we examine the main diffe-rences between international andFrench accounting standards and thefinancial impacts upon their consolida-ted statements.

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Le statut “SIIC” est un statut fiscal récentintroduit par la Loi de finances 2003(art. 11) pour les Sociétés d’Investis-sement Immobilier Cotées (SIIC) exer-çable sur option depuis le 1er janvier2003 sous certaines conditions (capi-tal, notamment) et applicable égale-ment aux filiales soumises à l’IS déte-nues à 95 % au moins. Ce régime offreune exonération fiscale des profits issusde l’activité foncière sous conditions dedistribution des revenus (notamment,85 % des résultats courants) et de l’exi-gibilité immédiate de l’exit tax (impôtde sortie) calculé sur les plus-valueslatentes du parc immobilier au 1er jan-vier de l’exercice de l’option (paiementétalé sur 4 années). L’avis n° 2003-C du11 juin 2003 du Comité d’urgence rela-tif au traitement comptable du statutSIIC prévoit notamment la possibilitéd’une réévaluation concomitante desactifs immobiliers dans les comptesconsolidés (et individuels) avec consta-tation d’un écart de réévaluation aupassif du bilan net d’exit tax.

Tableau 1 : le statut fiscal “SIIC” et sesconséquences comptables (7)

6. Cf. E. Tort, “IFRS 1 : comment appliquerpour la première fois les IFRS”, dossier, OptionFinance, n° 784, du 10 mai 2004.

7. Extrait d’E. Tort, précité, RSG.

8. Cf. E. Tort, “IFRS : comment enregistrer lesimmeubles de placement”, Option finance,rubrique comptabilité, n° 798 du 6 septembre2004, p. 33.

9. Une société précise s’être référée à la posi-tion de place sur les composants de la fédéra-tion des sociétés immobilières et foncières (FSIF)de juillet 2004. Une autre déclare avoir retenuune valeur résiduelle égale à la valeur foncièreen diminution de sa base amortissable. Pourplus de détails, voir, par exemple, E. Tort, “Desprécisions sur la comptabilité de l’actif immobi-lier”, Option finance, rubrique comptabilité,n° 803 du 1er novembre 2004, p. 37 et B.Lebrun, “La valeur brute des immobilisationscorporelles à la date de transition aux normesIFRS”, Revue française de comptabilité,n° 360, novembre 2003, p. 3.

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pas jusque là (simple mention en enga-gement hors bilan dans les notesannexes).

IFRS 2 : 70 % des foncières étudiéescitent l’application d’IFRS 2. 50 % évo-quent le cas des plans de stock-optionset plans d’épargne entreprise (PEE) dontl’évaluation doit être faite à la juste valeurà la date d’attribution. Sur ce point,une seule déclare avoir retraité ses plansantérieurs au 7 novembre 2002. Parailleurs, 20 % d’entre elles mentionnentl’existence d’actions propres avec l’obli-gation de porter désormais ces dernièresen déduction des capitaux propres.

IAS 37 : 4 foncières font référence à lanécessité de procéder à l’actualisationdes provisions pour risques et charges àéchéance supérieure à un an. En outre,plusieurs d’entre elles sont concernéessoit par des reclassements de leurs pro-visions en déduction de la créance cor-respondante, soit par des ajustementscomme l’annulation des provisions pourgrosses réparations.

IAS 27, 28, 31 : les normes relatives à laconsolidation ont très peu d’impactssur le périmètre et les méthodes deconsolidation. En effet, hormis un casponctuel d’entrée de nouvelles socié-tés, 2 foncières ont modifié leur métho-de de consolidation de sociétés contrô-lées conjointement en passant del’intégration proportionnelle à la miseen équivalence conformément à IAS 31.

IAS 12 : en matière d’impôts différés, ilest à noter surtout l’actualisation de l’exittax pour les sociétés sous statut SIICayant réévalué leur immeubles avant ladate de transition (4 cas) et la consta-tation d’impôts différés sur les diver-gences impactant le résultat avec prin-cipalement les ajustements de justevaleur des immeubles et des instrumentsfinanciers.

IAS 14 : au niveau de l’information sec-torielle, seulement 4 foncières en fontétat, à ce stade, sachant qu’une d’entreelles présente un compte de résultat sec-toriel de transition offrant une réconci-liation entre les référentiels français etinternational. Toutes les 4 ont retenul’activité en premier niveau et, en consé-quence, la géographie en second. Cettesegmentation se justifie par les spécifi-cités des rendements et des risques inhé-rents aux segments d’activité. Il resteque la segmentation primaire est assezvariable : patrimoine, développement,

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gine, les écarts d’acquisition négatifs enapplication d’IFRS 3.

IAS 23 : 3 sociétés maintiennent, sanschangement, leur traitement antérieurdes coûts d’emprunt, c’est-à-dire l’enre-gistrement en charge (2 cas) ou l’incor-poration aux actifs dits éligibles (1 cas).Seule une société déclare modifier sespratiques antérieures et procéder à l’ac-tivation de ses frais financiers portantsur les immobilisations en cours.

IAS 16 : 3 sociétés ont procédé au clas-sement de leurs propres locaux (siègesocial, notamment) en immeubles d’ex-ploitation et des immeubles destinés àla vente en stock (1 cas). Aucune desfoncières ne dit vouloir recourir à desréévaluations catégorielles et périodiquesde leurs actifs corporels hors immeubles(matériel, mobilier, etc.) comme le per-met IAS 16. En ce sens, 3 foncières confir-ment, de manière expresse, appliquerla méthode du coût amorti.

Les divergences résultant des autres normes Nettement moins spécifiques que lespremières, les autres divergences résul-tent de la mise en œuvre des normesrelatives aux passifs, aux capitaux propreset de l’utilisation des normes techniquesvisant la consolidation, les impôts diffé-rés et l’information financière.

IAS 19 : en matière d’avantages au per-sonnel, les engagements cités à la char-ge des foncières étudiées se limitent auxindemnités de fin de carrière (IFC). A cetégard, rappelons ici qu’IAS 19 prescrit lacomptabilisation des IFC évaluées selonla méthode des unités de crédit proje-tées, sur la base d’hypothèses actua-rielles avec application de la règle ducorridor (11). Bien que d’un impact finan-cier négligeable dans ce type d’activité,cette nouvelle obligation conduit néan-moins 50 % des foncières cotées à comp-tabiliser leurs IFC dans les comptesconsolidés alors qu’elles ne le faisaient

• qui déclarent avoir reclassé tout oupartie de passifs financiers en capitauxpropres (30 %) (obligations rembour-sables en actions, obligations conver-tibles, dettes subordonnées, etc.).

IAS 17 : à l’exception de 2 cas, les fon-cières ne mentionnent pas, de manièreexplicite, l’absence de requalificationdes contrats de location simple encontrats de location financière. A cetégard, il est à noter des nettes diver-gences entre celles qui indiquent, néan-moins, l’absence de changement parrapport aux retraitements mis en œuvreen règles françaises (40 %) et celles quiénumèrent plusieurs changementscomptables, en tant que bailleur, dansle cadre de la mise en conformité avecles dispositions d’IAS 17. Il s’agit prin-cipalement, d’une part, des cas delinéarisation sur la durée des baux avecle lissage des franchises et des paliers(50 %) et l’étalement des droits d’entrée(30 %) et d’autre part, de l’incorpora-tion à l’actif des indemnités d’éviction(20 %) voire des frais de commerciali-sation (30 %).

IAS 36 : aucune société ne détaille, à ceniveau, les modalités d’application destests de pertes de valeur (10), qu’il s’agis-se des indices retenus, du positionne-ment du test (par secteur au sens d’IAS14, par UGT ou par immeuble…) ouencore des modes d’évaluation de lavaleur recouvrable : estimation de lavaleur vénale par expertise suivant laméthode par comparaison directe, parcapitalisation ou de la valeur d’utilité parla méthode DCF (discounted cash flow),etc.

En revanche, 3 sociétés indiquent avoirmis en place des tests d’impairmentconcernant les goodwills qui n’ont révé-lé, en outre, aucun ajustement néces-saire des valeurs bilantielles à la date detransition.

IFRS 3 / IAS 38 : en matière d’actifsincorporels, 2 sociétés sont amenées àprocéder à des reclassements dans leurbilan d’ouverture de fonds de commer-ce et d’écart d’évaluation vers lesimmeubles de placement et, à l’inverse,de goodwills vers les concessions, confor-mément au principe général d’applica-tion rétrospective d’IFRS 1. En dehorsde l’arrêt de l’amortissement des good-wills positifs, 4 sociétés ont viré enréserves ou en résultats, selon leur ori-

10. Une société indique maintenir sa méthodeantérieure compatible IFRS portant sur la dépré-ciation des éléments incorporels à durée de vieindéterminée.

11. Cf. E. Tort, “Evaluation et comptabilisationdes indemnités de fin de carrière (IFC)”, Optionfinance, rubrique comptabilité, n° 815 du 3 jan-vier 2005, p. 29.

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promotion (1 cas), bureaux, centrescommerciaux, centres d’exposition etprestations de service (1 cas) et locationsimple, crédit-bail et développementimmobilier (2 cas).

Autres : sont également cités le passa-ge à la méthode de l’avancement enmatière de comptabilisation des contratsde construction (2 cas - IAS 18 et 11) etle reclassement en résultat courant desplus ou moins-values de cessions d’ac-tifs (1 cas – IAS 1).

Conformément à IFRS 1 et aux recom-mandations de l’AMF (12), les foncièrescotées ont présenté, en ce début 2005,de manière assez convergente, les récon-ciliations de capitaux propres et de résul-tat entre ancien et nouveau référentiel. Eneffet, elles ont communiqué prioritaire-ment sur le rapprochement de la situa-tion nette à la date de transition (90 %)allant même jusqu’à publier leur biland’ouverture en IFRS (80 %)(13). Par ailleurs,elles sont 6 à avoir publié des rappro-chements sur le résultat sous forme detableaux auxquelles s’ajoutent 2 sociétésayant quantifié les impacts sur le résultatà partir des divergences principales. Enrevanche, elles sont moins nombreuses(40 %) à avoir présenté, à ce stade, unrapprochement de la situation nette declôture de l’exercice de transition(14). Celui-ci sera documenté ultérieurement dans laprésentation des données de l’exercicecomparatif 2004 lors de la publicationdes premiers comptes IFRS 2005.

Les incidences sur les fondspropres consolidés dans le bilan d’ouvertureEn moyenne, les IFRS améliorent de+ 7,5 % la situation nette d’ouverturedes foncières étudiées (15). Le principalimpact résulte de l’option pour la justevaleur des immeubles de placement quise traduit chez les foncières concernées(société 1 à 5) par une amélioration desfonds propres se situant dans une four-chette de l’ordre de + 6 à + 10 % avecun cas isolé à + 26 %. Les 5 autres fon-cières ayant maintenu le modèle du coûtpour les immeubles (société 6 à 10) n’af-fichent, en cumulé, aucune modificationde leurs fonds propres avant et après IFRSà l’exception de l’une d’entre elles suite

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Etudes

au reclassement d’un passif financier(dettes subordonnées) en fonds proprespar application d’IAS 32/39 (+ 10 %).

Le deuxième impact positif notableconcerne l’application des dispositionsd’IAS 32/39 (+ 2,5 %) concernant lajuste valeur et certains reclassementsentre fonds propres et passifs financiers(ORA , par exemple).

Au niveau des impacts négatifs, onretrouve principalement les ajustementsde provisions pour risques et chargesavec les effets de l’actualisation (- 2,2 %)et des pertes de valeurs constatées surles goodwills (- 1 %).

Les autres divergences citées par les fon-cières n’induisent pas d’impact finan-cier significatif, qu’il s’agisse de l’appli-cation de l’approche par composants(+ 0,3 %), des éventuelles variations deméthodes et périmètre de consolidationou encore des effets de l’applicationd’IAS 17, d’IAS 19 ou d’IFRS 2.

Le passage du résultat consolidédes règles françaises aux IFRSSur les 8 sociétés ayant communiquésur le résultat, le passage aux IFRS estglobalement positif. Il se traduit enmoyenne par un doublement de leur

résultat consolidé sous l’effet principa-lement des variations de juste valeur desimmeubles de placement et aussi d’ajus-tement des écarts d’acquisition enconformité avec IFRS 3 (annulation desamortissements, reprise de goodwillsnégatifs, etc.).

Les autres divergences entre les IFRS etles règles françaises n’ont pas d’inci-dence significative sur le résultat de tran-sition (actualisation, approche par com-posants, etc.).

En réalité, ces résultats masquent,comme précédemment, de fortes diver-gences entre :

• les foncières ayant opté pour le modè-le de la juste valeur. Pour 2 d’entre elles,

12. Cf. E. Tort, “L’information financière sur latransition aux normes IFRS”, Option finance,rubrique comptabilité, n° 791 du 28 juin 2004.

13. Pour les sociétés à exercices calendaires ; ladate de transition coïncide avec le 1er janvier2004 (date d’établissement du bilan d’ouvertu-re) ; l’exercice de transition couvre la période du1er janvier 2004 au 31 décembre 2004 (exercicecomparatif) ; l’exercice d’adoption des IFRS portesur l’année civile 2005.

14. En dehors des impacts à l’ouverture, lesincidences chiffrées des 4 sociétés concernéesrelèvent uniquement de l’évaluation à la justevaleur des instruments financiers et desimmeubles de placement.

15. Quelques impacts non significatifs ont étédifférés essentiellement du fait de la non - anti-cipation au 1er janvier 2004 de l’applicationd’IAS 32/39 (4 cas).

Les impacts financiers à la date de transition

IAS 36 - Impairment des goodwills - 1,0 %

IAS 32/39 - Immobilisations financières à la juste valeur + 1,7 %

IAS 32/39 - Reclassement entre fonds propres et passifs financiers + 0,7 %

IAS 16 - Approche par composants et reprise des PGR + 0,3 %

IAS 37 et 12 : Provisions pour risques y compris actualisation - 2,2 %

IAS 40 - Evaluation à la juste valeur des immeubles de placement + 7,6 %

Autres + 0,3 %

Total des impacts en moyenne sur les capitaux propres consolidés + 7,5 %

Tableau 3 : les impacts des IFRS sur la situation nette consolidée à la date de transition

Modèle Juste valeur Coût

Moyenne Soc.1 Soc.2 Soc.3 Soc.4 Soc.5 Soc.6 Soc.7 Soc.8 Soc.9 Soc.10

+ 7,5% 5,5% 5,8% 9,1% 10,6% 26,1% - 0,4% - 0,2% 0,0% 0,6% 10,0%

Tableau 2 : les impacts des IFRS sur la situation nette d’ouverture selon le modèle retenu (coût ou juste valeur)

Page 5: ÉTUDE D’IMPACT DE LA CONVERSION DES … · ÉTUDE D’IMPACT DE LA CONVERSION DES FONCIÈRES COTÉES AUX NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES (1) Dans cet article, nous présentons

le résultat en IFRS est près de quatre foissupérieur à celui établi en règles fran-çaises. Les 2 autres sociétés affichent desrésultats IFRS augmentés respectivementde + 67 % et + 36 %. Souvent, l’aug-mentation de la juste valeur en 2004(donc sur le résultat) est plus forte quel’augmentation de cette valeur avant2004 (donc sur la situation nette à l’ou-verture de 2004) surtout pour les socié-tés ayant réévalué au 1er janvier 2003.

• celles ayant maintenu le modèle ducoût en régime de croisière pour les-quelles l’impact des IFRS sur le résultatde transition est assez peu significatif(- 4 %, + 3,7 % et + 12,7 %) à l’excep-tion d’un cas d’ajustement du goodwillpour une foncière (+ 109 %).

• un impact assez limité des ajustementsliés aux éléments incorporels en raisonde leur faible importance dans lescomptes consolidés des foncières cotéescompte tenu de l’affectation prioritaireaux immeubles de placement des écartsd’évaluation résultant des regroupe-ments d’entreprises ;

• une mise en conformité aux autresnormes IFRS sans impact financier notableavec d’une part, les normes liées direc-tement ou indirectement aux actifsimmobiliers (IAS 17, 36 et 23) et d’autrepart, les normes relatives aux passifs (IAS19 et 37). Les autres normes techniquestelles que IAS 12, 27, 28 et 31 ne condui-sent pas à une modification des pratiquesantérieures du fait de l’absence de diver-

gences majeures entre les normes IFRS etles règles françaises visant la consolida-tion (y compris les impôts différés) ;

• une transition assez indolore au niveau del’information sectorielle (IAS 14) du fait dumaintien, le plus souvent, des segmenta-tions antérieures et malgré le nécessaireenrichissement des données à fournir.

En définitive, l’impact financier de laconversion aux IFRS est assez sensible,et avec un effet toujours positif, pour lesfoncières cotées ayant opté pour la justevaleur tandis qu’il est quasiment inexis-tant pour les foncières utilisant le modèlede coût. Pour ces dernières, des change-ments importants sont néanmoins inévi-tables, du point de vue technique, avec lamise en œuvre de l’approche par com-posants (durée d’utilité, révision des plans,suppression des PGR, etc.) et des tests depertes de valeur (UGT, valeur recouvrable,etc.). Sur le plan informatique, 2 d’entreelles indiquent, d’ailleurs, avoir changéd’outils de gestion et de comptabilité suiteà la transition aux IFRS (17). Enfin, il est ànoter que ces sociétés bénéficiaient, dansleur bilan d’ouverture, d’une réévalua-tion de leurs immeubles résultant del’adoption récente du statut SIIC leurpermettant de présenter une informationfinancière proche de l’actif net réévalué(ANR) comme les autres foncières aumodèle de la juste valeur. En consé-quence, la comparabilité sectorielle desbilans devrait être globalement assurée,à la date de transition, quel que soit lemodèle choisi. Par la suite, celle-ci nepourra pas résulter d’une lecture direc-te du bilan mais nécessitera la prise deconnaissance complète des notesannexes avec la juste valeur du parcimmobilier, dont la présentation est obli-gatoire en modèle du coût, et l’ANR sicelui-ci est disponible.

Eric TORT

Une synthèse des résultats obtenus à partir de notre échantillonComparativement aux études récentesd’impact réalisées sur les groupes fran-çais et européens (16), notre analysemontre que la conversion aux IFRS desfoncières cotées est marquée par :

• une excellente communication finan-cière avec respectivement 90 % et 60 %de sociétés ayant publié, à ce stade, desréconciliations de leur situation netted‘ouverture et de leur résultat de tran-sition, après des informations narrativesen 2004 sur l’avancement du projet etles principales divergences conformé-ment aux recommandations de l’AMF ;

• une concentration des impacts surdeux normes majeures IAS 40 et IAS32/39 avec des conséquences financièressensibles sur les capitaux propres et lerésultat consolidés des foncières ayantopté pour le modèle de la juste valeur ;

Spécial IAS/IFRS

R.F.C. 380 Septembre 2005

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16. Dans ces études, les impacts financiersmajeurs concernent généralement les engage-ments de retraite (IAS 19) et les rémunérationsen actions (IFRS 2), les incorporels (frais derecherche et développement, marques et good-wills - IFRS 3, IAS 38) et l’application des dispo-sitions d’IAS 32/39. D’autres impacts tech-niques sont souvent identifiés avec, parexemple, les normes IAS 16 et 36.

17. Cf. par exemple, C. Vey-Tort, “L’impact dela mise en place de l’approche par composantssur le système d’information de gestion dansune société foncière”, mémoire, certificat IFRSPWC – ESSEC, en cours.

IFRS 3 et IAS 38 - Ajustement des écarts d’acquisition (Goodwills) + 28,7 %

IAS 40 - Variation de la juste valeur des immeubles de placement + 59,9 %

IAS 40 - Annulation des amortissements et des PGR + 12,2 %

Total des impacts en moyenne sur le résultat consolidés + 100,8 %

Tableau 4 : les impacts des IFRS sur le résultat consolidé de l’exercice de transition

Modèle Juste valeur Coût

Moyenne Soc.1 Soc.2 Soc.3 Soc.4 Soc.5 Soc.6 Soc.7 Soc.8 Soc.9 Soc.10

+ 100,8% 67,1% 287,7% 294,1% 36 % NC 3,7% - 4,0 % NC 12,7% 109,0%

Tableau 5 : les impacts des IFRS sur le résultat consolidéselon le modèle retenu (coût ou juste valeur)

Conclusion

Bibliographie

Ernst and Young, “Passage aux IFRS : lespratiques des grands groupes européens”,7 juillet 2005.

FinHarmony, “L’impact du passage auxIFRS sur les sociétés du CAC 40”, Rapportd’étape, mai 2005.

KPMG - Cartesis, 3e étude barométrique :normes IFRS 2005, 21 avril 2005.

E. Tort, “La transition aux normes IFRS dessociétés foncières : le cas des actifs immo-biliers”, Revue sciences de gestion, àparaître, 10 p.

Xxx, “Mise en œuvre des IFRS : une enquê-te européenne de Mazars”, Revue fiduciai-re comptable, n°319, juillet-août 2005, pp.11-12.